TUNISNEWS
8 ème année,N° 3138 du 25.12.2008
archives : www.tunisnews.net
FTCR: Ghezala M’hammedi sauvagemment agressée par la police AFP: La France accorde un prêt de 45 M d’euros à la Tunisie Luiza Toscane: Rencontre avec Hafnaoui Chraïti Monaco-Matin: Alpes-Maritimes – Grasse : manifestation « contre l’injustice » L´Express: Les travaux dirigés de l’islam tunisien
La Provence: Algérie : la multiplication des candidats “autorisés”
Liste actualisée des signataires de l’initiative du Droit de Retour : http://www.manfiyoun.net/fr/listfr.html Celles et Ceux qui veulent signer cet appel sont invités à envoyer leur: Nom, Pays de résidence et Année de sortie de la Tunisie sur le mél de l’initiative : manfiyoun@gmail.com
La Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des Deux Rives FTCR Paris, le 24 décembre 2008 Communiqué Echantillon des « services » que rend le pouvoir tunisien à la cause des femmes
Ghezala M’hammedi sauvagemment agressée par la police
Hier, 23 décembre 2008, Ghezala a été au siège du gouvernorat de Gafsa pour exposer sa situation et réclamer son droit au travail. Le chef de police en personne, le même qui l’a agressée le 11 décembre est revenu à la charge avec plus de brutalité et de violence cette fois-ci. Ghezala M’hammedi a eu un arrêt d’un mois : double fracture au nez et une inflammation aiguë au niveau de l’oreille. Ghezala M’hammedi est une femme tunisienne éprise de liberté et de justice. Diplômée en gestion d’administration et d’entreprise, elle travaillait depuis plus de deux dans une association de développement à Gafsa. Depuis le début du mouvement social dans le Bassin minier, elle a pris une part active aux actions de soutien et de solidarité avec les revendications des populations. Le 30 octobre dernier, l’association qui l’emploie lui signifie qu’elle la licencie alors que son contrat est renouvelé automatiquement depuis un mois. Comme Zakia Dhifaoui, Ghezala M’hammedi paie fort son engagement dans la lutte pour le travail et la dignité. Et ce n’est pas l’unique punition que le pouvoir tunisien lui inflige. Lors du procès des animateurs du mouvement du Bassin minier, le 11 décembre 2008, Ghezala a été tabassée par la police qui lui a interdit d’assister au procès. Elle a été chassée –avec d’autres syndicalistes et une autre militante du comité des diplômés chômeurs, Dalel Khedhiri- des bbcafés dans le quartier où se déroulait le procès. Ghezala ne s’est pas tue sur cette violence policière ; elle a saisi le centre de violence de l’ATFD pour déposer plainte contre le chef de police de Gafsa (Chokri Feyyala) et ses agents. Cette nouvelle agression contre Ghezala M’hammedi n’est-elle pas une énième punition pour une femme qui a osé prendre part au champ politique autonome ? Serait-t-elle la sanction pour avoir saisi l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates fortement impliquée, depuis le début du mouvement aux côtés des femmes et plus généralement à la défense de tous les détenus du Bassin minier ? La FTCR tient à assurer Ghezala M’hammedi de son indéfectible solidarité et lui exprime son soutien dans la double plainte qu’elle engage aux prud’hommes, pour regagner son travail et contre l’agression physique dont est responsable un agent de l’ordre. La FTCR s’élève contre cette violence systématique et les sanctions infligées à la population du bassin minier et à toutes celles et tous ceux qui expriment leur soutien et leur solidarité. Elle dénonce les procès iniques, le harcèlement, les violences policières et l’assignation à résidence des militant-e-s tunisien-ne-s et exige la libération immédiate de tous les détenus du Bassin minier. Pour la FTCR Mouhieddine Cherbib
La France accorde un prêt de 45 M d’euros à la Tunisie
2008-12-25 19:24:06 TUNIS, 25 décembre (Xinhua) — L’Agence française de développement (AFD) a accordé un prêt de 45 millions d’euros à la Tunisie afin de financer un projet d’approvisionnement d’eau dans le pays d’Afrique du Nord, a rapporté jeudi le journal local Le Renouveau. La direction de l’AFD a décidé de fournir un prêt de 45 millions d’euros à la Tunisie afin d’améliorer son système d’approvisionnement d’eau, la gestion des ressources d’eau et la protection de l’environnement, a précisé le quotidien. Le projet s’étendant sur cinq ans, évalué à 109 millions d’euros, est financé par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), l’AFD et le gouvernement tunisien.
Rencontre avec Hafnaoui Chraïti
Agé de trente et un ans, dont plus de huit ans passés en France, Hafnaoui Chraïti, de nationalité tunisienne, a été interpellé sans papiers par la police le 30 novembre 2008 à Nantes et conduit au centre de rétention administrative (CRA) de Rennes. Il a formé un recours contre sa reconduite à la frontière mais le tribunal administratif de Rennes a confirmé son renvoi. Il s‘est soustrait à la mesure d’éloignement (en principe un délit pénalement sanctionné). Le Juge des Libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de Grande Instance a prononcé son maintien au CRA pour 15 jours le 17 décembre. Sur suggestion des autorités, il a déposé une demande d’asile, actuellement à l’étude à l’Office Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). En effet, Hafnaoui Chraïti a participé activement à Nantes au mouvement de soutien aux populations du bassin minier de Redeyef en Tunisie, dont il est lui-même originaire. Il revient ici sur ces mobilisations et sur ses craintes en cas de renvoi en Tunisie. * Hafnaoui Chraïti, vous êtes arrivé en France très jeune….
J’avais 23 ans, j’avais de la famille en France et je suis venu pour chercher du travail.
* Beaucoup de Tunisiens de Redeyef sont installés dans la région nantaise. Cette immigration a-t-elle une histoire, une origine particulière ?
On a rejoint de la famille, cela dure depuis les années 60, on est environ 3000 personnes de Redeyef en comptant ceux qui sont nés ici. On travaille dans le bâtiment, dans l’étanchéité, dans la peinture.
* Les liens avec la Tunisie sont restés très forts ?
La plupart des gens rentrent régulièrement.
* Comment a démarré la mobilisation à Nantes ?
On a commencé après les émeutes du début de janvier, et puis il y a eu des morts. On a fait un communiqué. Au début les gens ont commencé par une association : on a mis une tente en face de la préfecture, comme les gens de Rédeyef qui ont monté des tentes dans les rues, les femmes des mineurs. La grève de la faim a duré de mai jusqu’à fin juin, mais c’était une grève tournante. J’ai fait partie des grévistes. Les associations françaises sont venues nous soutenir ainsi que la Ligue des Droits de l’Homme en Tunisie. Ouest France, Océan Presse ont relaté notre mobilisation. Un cousin s’est fait ramasser quand il est rentré en Tunisie, Sghaier Belkhiri. Du 2 août à fin septembre il a été emprisonné. On a organisé des manifestations, collecté de l’argent qu’ on l’a envoyé au bled. Et là-bas, les personnes qui ont reçu l’argent ont eu des problèmes. Elles ont été arrêtées, maltraitées. L’état tunisien avait des renseignement par des indicateurs à Nantes. On était solidaires des revendications à Rédeyef et on voulait aussi protester contre la répression, les deux à la fois car c’est toute une ville qui a été assiégée. Les gens ont été tabassés torturés, sans compter le procès où des gens ont été condamnés à 10 ans de prison ferme.
* Quel a été votre rôle personnel dans ces mobilisations ?
J’étais membre de l’association de soutien à Nantes pour les gens de Redeyef, donc les autorités tunisiennes connaissent forcément mes activités.
* Sghaïer Belkhiri a été arrêté lors de son retour en Tunisie. Est-ce que cette arrestation a créé de la peur chez les Tunisiens de Redeyef ou les a-t-ils incités à lutter encore davantage ?
Tant qu’on est en France, on peut lutter, mais la moitié de ceux qui auraient dû rentrer en vacances ne sont pas partis cette année et sont toujours bloqués ici. C’est aussi pour cela que je me suis enfermé dans les toilettes du CRA quand on m’a dit que j’allais être embarqué en Tunisie.
* Tous les jours des sans papiers sont renvoyés de France, quelle que soit leur nationalité. Depuis votre mobilisation, les sans papiers de Redeyef renvoyés en Tunisie sont particulièrement exposés à des représailles. Avez-vous eu des nouvelles de Brahim Ben Amor, également originaire de Redeyef, renvoyé au début du mois de décembre ?
Il n’y a aucune nouvelle de lui, d’après ce qu’on dit.
* Ce n’est pas la première fois que vous êtes arrêté sans papiers et pourtant la dernière fois, alors que vous n’aviez pas de passeport tunisien, le consul de Tunisie ne vous a pas délivré de sauf-conduit. Et vous avez pu sortir du centre de rétention de Nantes. Cette fois-ci, comment cela s’est-il passé pour vous ?
J’ai été arrêté sans papiers à la fin 2007 et on m’a emmené à Vincennes où j’ai vu le consul de Tunisie et bien, le consul ne m’avait pas reconnu et ne m’a pas donné le laissez-passer. Cette fois-ci, cette année, la police française a envoyé le dossier au Consulat à Paris, et le consul a délivré le laisser passer en quelques jours. Il a fait ça aussi avec Brahim Ben Amor, et avec un autre de Redeyef, qui a été expulsé il y a une semaine. Or d’autres lui ont été présentés et il ne les a pas identifiés.
* On peut dire qu’il s’agit d’une menace à peine voilée ?
Voilà.
* Que craignez-vous en cas de retour en Tunisie ?
Je risque la prison. Il y a plusieurs personnes qui ont été condamnées dans ma famille : Ghanem Chraïti, mon cousin, condamné à 6 ans de prison le 11 décembre. Son père, un infirmier, a subi des perquisitions tous les jours chez lui. Et la police l’a empêché d’aller travailler. Cela a duré presque six mois. Il était bloqué par la police : ils l‘emmènent au poste où il reste quelques jours et il subit des mauvais traitements. Toute sa famille a été détruite. Le frère de monsieur Nacer Belkhiri, membre avec moi dans l’association, a été arrêté, c’est Sghaïer Belkhiri, dont j’ai déjà parlé; un membre de l’association à Nantes, Mohammed Halaïmi, ses deux frères ont été condamnés, Haroun et Tarek, Haroun à six ans et Tarek à 10 ans le 11 décembre dernier. Ainsi beaucoup de membres de familles de mon association ont été arrêtés et maltraités. C’est le même sort qui m’attend.
* Vous avez été placé sous procédure prioritaire, c’est-à-dire que l’OFPRA devrait vous répondre dans les jours à venir. En cas de réponse négative, c’est-à-dire de renvoi, aux craintes de persécutions s’ajouterait, dans votre cas particulier, une atteinte à votre vie privée et familiale..
J’ai ma femme qui est enceinte de plus de huit mois. Elle va accoucher dans les jours à venir. Elle est française et mon enfant sera français. Je voudrais assister à la naissance de mon premier enfant.
Propos recueillis par Luiza Toscane le 25 décembre 2008 Monsieur Hafnaoui Chraïti est joignable à la cabine du CRA au 02 99 35 28 97 et après 20 heures au 02 99 35 64 60.
Alpes-Maritimes – Grasse : manifestation « contre l’injustice »
Du monde, mais sans plus. Et surtout de la dignité… Les parents, les amis d’Hakim Ajimi et une bonne partie de ceux qui soutiennent leur action se sont retrouvés, hier matin, devant le palais de justice de Grasse. Sans haine, sans violence, la manifestation visait essentiellement à attirer l’attention des magistrats sur le sentiment d’incompréhension qui préside parmi les proches d’Hakim, après la non-mise en examen des deux policiers responsables de l’interpellation qui avait entraîné la mort du jeune homme de 22 ans, le 9 mai dernier. Les fonctionnaires, rappelons-le (Nice-Matin du 16 décembre), ont été placés contre toute attente, sous le statut de témoins assistés. Hier, il y avait beaucoup d’émotion dans la voix des intervenants. De la colère aussi… « Vous devriez avoir honte, ont ainsi pu entendre les policiers qui formaient un cordon de protection à l’entrée du palais. Tuer les gens, c’est donc tout ce que l’on vous apprend à l’école de police ? » Et encore, ces mots forts que les représentants de la loi encaissent sans répliquer : « Les voyous aujourd’hui sont là, de l’autre côté. Nous sommes face à des meurtriers… Mais ne faisons pas d’amalgame. Il y a aussi des gens droits dans la police. » « La justice est complice » Un peu plus tard, Walid Klai, cousin de la famille et porte-parole du comité de soutien nous explique : « La colère est là. On veut dénoncer une complicité de la Justice. L’impression qui se dégage de tout cela, c’est que celle-ci fait du corporatisme avec la police, qu’elle n’a pas un jugement impartial dans cette affaire. Nous, on demande une nouvelle expertise médicale et que les seize témoins du drame soient entendus par le juge d’instruction. » Dans les rangs des manifestants, la famille d’Hakim est là, bien sûr. A commencer par le père, Boubaker, toujours très digne… « Je veux que les juges me disent de quoi mon fils est mort. Pas moins de neuf témoins rapportent qu’Hakim était inerte lorsqu’il a été transporté dans la voiture. Alors… J’aimerais pouvoir discuter avec le procureur, s’il me convoquait. Moi, je ne comprends pas ce que c’est qu’un témoin assisté. Encore une fois, qu’on me dise de quoi est mort Hakim. Si l’on ne peut plus faire confiance aux scientifiques, alors à qui ? (ndlr, le rapport d’autopsie avait conclu que le jeune homme avait succombé à une asphyxie mécanique). » Parmi la foule encore, les représentants de diverses associations : le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) qui estime que « la réponse policière a été disproportionnée par rapport à la façon dont Hakim s’est défendu », la FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des Deux Rives) et la Ligue des droits de l’Homme. Quelque 150 personnes en tout, qui se sont ensuite dispersées dans le calme, une promesse sur les lèvres : « Vous ne nous endormirez pas. On reviendra. » Éric Farel
(Source: “Monaco-Matin” le 24 decembre 2008)
Les travaux dirigés de l’islam tunisien
Par Boris Thiolay, publié le 24/12/2008 15:20 – mis à jour le 24/12/2008 16:46 De l’école coranique à l’université de théologie, l’enseignement religieux est étroitement surveillé par le pouvoir. Dans un pays au modernisme très encadré, la foi reste une affaire d’Etat. Mahmoud, 4 ans et demi, se lève derrière son pupitre de bois. Bras croisés, il commence à réciter, avec application: “Bismillah ar-rahman ar-rahim… ” Suivent quelques versets du Coran, appris par coeur. Fatima, sa voisine, répète à son tour. Dix minutes encore et les 31 enfants, en blouse vert clair, reprennent tous en choeur: “Bismillah… ” Place aux exercices d’écriture. Sur son ardoise, chacun doit recopier, à la craie, une ligne de “t”, en alphabet arabe, inscrite au tableau noir. Déjà, des doigts se lèvent: le premier qui termine gagne un bonbon… Les murs de l’unique classe sont décorés d’affiches illustrées et de dessins. Sur la porte, une série d’images rappelle comment faire la prière. La leçon se poursuit: comptines, jeux d’éveil… Nous sommes dans un kotteb, une école coranique tunisienne, moderne. L’équivalent d’une maternelle, mais centrée sur l’enseignement religieux. On y accueille les enfants de 4 à 6 ans -âge de la scolarisation obligatoire. C’est un kotteb modèle, abrité par la mosquée Ar-Rahman, à La Marsa, une commune balnéaire chic, à 18 kilomètres au nord de Tunis. Ici, l’enseignant, le muhaddeb, est une femme. Diplômée en éducation religieuse. Habiba Kedidi, 40 ans, foulard sur les cheveux et blouse blanche, parle bien français. Mais elle ne souhaite s’exprimer qu’en arabe, “parce que c’est la langue du Coran”. Du coup, la traduction est assurée par le guide de la visite, Mohamed Belgaïed, responsable de l’enseignement au ministère des Affaires religieuses. On n’est jamais trop prudent. Le lendemain, la visite, non accompagnée, d’un kotteb traditionnel -où le vieux maître fait répéter le Coran sans discontinuer- sera rapidement interrompue par l’arrivée d’un cadre local du parti présidentiel, qui passait par là. Dans son bureau, au ministère, Mohamed Belgaïed livre quelques commentaires. “Les petits apprennent mieux la langue et le Coran que dans le secteur public ou dans les jardins d’enfant privés, dit-il. Avant le changement de 1987, il n’y avait plus que 378 kotteb dans le pays. Aujourd’hui, on en compte 1 051, ce qui représente 25 000 élèves.” Dans la terminologie officielle, le ” changement de 1987″ désigne la prise du pouvoir par le président Ben Ali, qui briguera, en 2009, un cinquième mandat. Sa réélection est assurée.
10 millions de Tunisiens sont appelés quotidiennement à suivre l'”islam modéré” L’école coranique -la plus ancienne forme d’enseignement en terre d’islam- n’a jamais disparu en Tunisie. Aujourd’hui, elle revient en force et concurrence les maternelles de l’enseignement public. Une petite surprise dans ce pays qui, depuis son indépendance (1956), affiche un modernisme sans équivalent dans le monde musulman, notamment sur le plan de l’égalité hommes-femmes. Le signe, en tout cas, d’un retour du religieux dans la société. Un retour sous haute surveillance. “Comme dans tous les pays musulmans, la religion reste une affaire d’Etat, explique un intellectuel laïc. L’originalité de la Tunisie, c’est qu’elle se présente comme le champion de la lutte contre l’islam radical importé du Moyen-Orient.” On pourrait s’en féliciter. “Mais ce discours d’ouverture, prônant le dialogue entre les civilisations, est, comme le reste, imposé d’une main de fer.” De la petite école à l’université, dans les mosquées et les médias, 10 millions de Tunisiens sont appelés quotidiennement à suivre l'”islam modéré”. La médina de Tunis, ses magasins d’artisanat, ses petites échoppes, ses odeurs entêtantes. Le dédale de ruelles et de passages couverts converge vers la grande mosquée Zitouna (olive, en arabe). La salle de prière n’est accessible qu’aux musulmans. A l’intérieur, des récitants émérites se relaient jour et nuit pour assurer une lecture permanente du Coran. Les touristes se contentent d’admirer, derrière une barrière, l’immense cour intérieure, bordée d’arcades et surmontée du minaret carré. Difficile d’imaginer que, dès le VIIIe siècle, cette mosquée a abrité la plus vieille université du monde musulman. Au Moyen Age, on venait de tout le Maghreb pour étudier les sciences islamiques, les mathématiques ou la géographie.
Les instituts supérieurs de civilisation islamique et de théologie Né à Tunis, en 1332, Ibn Khaldun, historien et “inventeur” de la sociologie, a forgé son savoir ici. A son apogée, la bibliothèque de la mosquée renfermait des dizaines de milliers de volumes rares -manuscrits du Coran, commentaires juridiques, traités scientifiques. “La Zitouna a formé l’élite intellectuelle du pays pendant des siècles”, rappelle Yadh Ben Achour, 63 ans, professeur de droit politique, écrivain et petit-fils de l’un des principaux penseurs réformistes de l’islam maghrébin au xxe siècle. Placée sous la tutelle du ministère de l’Education, depuis l’indépendance, la Zitouna a perdu de son lustre. Aujourd’hui, les deux instituts supérieurs -de civilisation islamique (ISCI) et de théologie (IST)- se font face, dans le quartier de Montfleury, à 1 kilomètre de la mosquée originelle. A l’ISCI, l’atmosphère est décontractée, malgré la présence d’un poste de police à l’entrée, comme dans chaque faculté. Le bâtiment, de style mauresque, accueille une centaine d’étudiants étrangers. Bénéficiant d’une bourse du gouvernement tunisien, ils viennent décrocher leur licence de civilisation islamique. Avant toute chose, ils passent un test d’arabe. Ceux qui n’ont pas le niveau requis suivent deux années de formation intensive. Les cours regroupent une vingtaine de nationalités, aux couleurs de l’islam mondialisé: Sidiki Diabaté est ivoirien, Mohamed Takieddine vient d’Indonésie, Tamila Medzhidova arrive du Daguestan, république russe du Caucase… Les meilleurs accéderont à l’Institut supérieur de théologie, fréquenté par leurs coreligionnaires tunisiens. 1 500 étudiants, dont une majorité de filles, sont inscrits en licence, master et doctorat. Spécialités enseignées: théologie, jurisprudence islamique, civilisation ou même partage des biens successoraux… Sabra, jolie brune de 25 ans, est incollable en la matière. “Le droit musulman prévoit 250 cas possibles de division pour un héritage, souligne-t-elle. On ne peut imposer l’égalité des parts que si elle n’entre pas en contradiction avec le Coran.” C’est l’un des derniers domaines où la loi tunisienne est encore influencée par celle d’Allah. Dans un amphithéâtre, 70 étudiants suivent un cours de troisième année de théologie. Le professeur explique les techniques pour authentifier un hadith, une parole ou un geste du Prophète, transmis par une longue chaîne de témoins. Pour le falsificateur, le châtiment est définitif: “L’enfer garanti!” Entre les cours, les étudiants filent à la bibliothèque pour compulser un vieux manuscrit coranique ou un ouvrage d’exégèse. D’autres s’accordent une pause au soleil, sur l’esplanade de l’institut. Des étudiantes, cheveux au vent et jeans moulants, discutent avec leurs copines voilées. L’une de ces dernières raconte qu’elle vient d’être contrôlée par la police. Son voile est trop couvrant. Il ne correspond pas au foulard tunisien traditionnel, noué autour des cheveux. L’un de ses camarades s’enhardit: “On n’est pas libre de suivre la religion…” Pour tous ces jeunes gens, les débouchés directs sont restreints: enseigner l’islam, à l’université, dans les écoles publiques, éventuellement dans un kotteb. “Pour tirer le tapis sous les pieds des islamistes, on renforce l’offre en matière d’islam Dans l’enseignement public, les cours de religion sont obligatoires durant les neuf premières années de scolarité, du cours préparatoire à la classe de première. Mais c’est une matière secondaire, avec un coefficient trois fois moins important que les maths, quatre fois moins que l’arabe et le français. En 1989, tandis qu’une mouvance islamiste émergeait dans le pays, les programmes scolaires ont été entièrement révisés et dépoussiérés de leurs archaïsmes. “L’élève est noté sur ses connaissances, mais il n’est pas obligé de pratiquer”, souligne Omrane Boukhari, directeur des programmes au ministère de l’Education. Démonstration à l’appui, au collège-lycée Saddiki, la crème des établissements tunisois. Une classe de troisième est en cours d’éducation islamique. Pour démontrer que “les religions ont le même fondement”, l’enseignante s’appuie sur un verset coranique qui condamne “ceux qui renient Dieu et Ses messagers”. Exercice: les élèves doivent retrouver, dans leur manuel, les similitudes sur le sujet entre tel verset et tel hadith. A la fin du cours, on récapitule. A quoi nous sert la religion? “A mieux nous comporter avec les autres”, répond une élève. Un autre: “A connaître les miracles du Prophète.” Un ange passe. Pour les lycéens, l’enseignement de la “pensée islamique” est plutôt sommaire. Le prof dicte un verset annonçant la résurrection des croyants, puis disserte sur le monothéisme. En aparté, une jeune fille confie qu’il “suffit d’apprendre par coeur pour avoir une bonne note”. De toute manière, à Saddiki, les élèves veulent être ingénieur, avocat, médecin.
Les maîtres de la psalmodie Un bourdonnement lancinant s’élève derrière le paravent. Calées sur des coussins, une trentaine de femmes répètent inlassablement les 200 versets de la troisième sourate du Coran. Trois fois par semaine, deux groupes, hommes et femmes, se rendent ainsi au local de la mosquée Abou Bakr, à La Goulette, près de Tunis. Ils apprennent le qu’rân, la récitation en arabe. “Avec l’aide de Dieu, il faut deux années entières pour connaître les 114 sourates”, raconte Faouzi Chergui, 43 ans, leur professeur bénévole. A 12 ans, il récitait le Coran par coeur. Il est passé maître dans l’art sacré du tajwid – la psalmodie. La forme la plus complexe de récitation, la plus mélodique aussi. Chaque variation de ton ou de longueur de syllabes est strictement codifiée. Faouzi Chergui a remporté trois fois le concours national en Tunisie. Devant un jury, les concurrents défilent suivant leur catégorie: Coran entier, demi-Coran… Tous les pays musulmans organisent leurs concours nationaux et internationaux. Les vainqueurs remportent jusqu’à 15 000 euros. Une psalmodie réussie tire des larmes à son auditoire et le plonge dans un état de “plénitude”. Les meilleurs spécialistes du tajwid enregistrent leurs prestations sur des CD, qui se vendent par centaines de milliers dans le monde musulman. Mais tous les autres? Ces jeunes guettés par le chômage -14 % de moyenne nationale, 40 % dans certaines régions. Ceux qui regardent, pour trouver une réponse à leurs frustrations, les chaînes satellites du Moyen-Orient, où l’on parle en boucle de la Palestine, de la guerre en Irak et des régimes “impies”. Ces deux dernières années, à la suite du démantèlement sanglant d’un groupe terroriste, à la fin de 2006, à 40 kilomètres de Tunis, 1 300 jeunes auraient été arrêtés “préventivement”: ils s’étaient connectés sur des sites Internet djihadistes. Pour gagner cette guerre des ondes, le pouvoir pense avoir trouvé l’arme miracle. Depuis septembre 2007, Radio Zitouna diffuse, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des programmes religieux. Le cheikh Mohamed Machfar, spécialiste de la récitation coranique, y distille ses conseils et commentaires sur la vie quotidienne. Un vrai succès populaire. Le propriétaire de Radio Zitouna? Sakhr el-Metri, richissime homme d’affaires et gendre du président. Une chaîne de télé privée, entièrement consacrée à la religion, vient d’ouvrir son antenne. Son nom: Al-Firdaws, le paradis. “Pour tirer le tapis sous les pieds des islamistes, on renforce l’offre en matière d’islam. Mais où se situe le point d’équilibre?” s’interroge un universitaire. Le président Ben Ali multiplie les gestes symboliques. Une édition tunisienne du Coran vient de voir le jour, les associations culturelles islamiques sont encouragées. En novembre 2003, la splendide mosquée El-Abidine -le deuxième prénom de Ben Ali- était inaugurée sur un promontoire dominant Carthage, tout près du palais présidentiel. Les cérémonies religieuses nationales y sont célébrées, à l’occasion du ramadan ou de l’Aïd. Naguère, elles se déroulaient toutes à la mosquée Zitouna, ce lieu de savoir millénaire. (Source: “L´Express” (Hebdomadaire – France) le 24 decembre 2008)
Algérie : la multiplication des candidats “autorisés”
Publié le jeudi 25 décembre 2008 à 10H39 À quatre mois du scrutin et en attendant Bouteflika À un peu plus de quatre mois de l’élection présidentielle d’avril, les compétiteurs du virtuel candidat-président Bouteflika commencent à se mettre dans les starting-blocks. Et c’est un concurrent de moindre envergure qui ouvre le bal des candidatures. Ali Faouzi Rebaine, président du parti AHD 45 (nationaliste) a en effet annoncé officiellement sa décision de se jeter dans la bataille. Dans une conférence de presse animée à Alger, le premier candidat s’est défendu d’être un des “lièvres”. Ce fils d’un ancien maquisard, qui fait partie de ceux que la presse algérienne affuble du qualificatif de “saisonniers de la politique”, en est à sa deuxième participation consécutive au scrutin présidentiel. En 2004, après avoir mené campagne sous l’étendard des “vrais patriotes contre les harkis”, Ali Faouzi Rebaine fut classé lanterne rouge en bout de course avec 65073voix, soit un pitoyable taux de 0,64% des suffrages exprimés. La porte-parole du Parti des travailleurs (trotskiste), Louiza Hanoune, qui file une très rentable lune de miel avec le régime de Bouteflika, s’est déclarée elle aussi partante. Première candidate à la présidentielle “Je vous annoncerai ma candidature prochainement”, a-t-elle concédé aux journalistes. La première candidate à la présidentielle dans le monde arabe était arrivée en avril 2004 à l’avant-dernière position, avec un score de 1,16 % des suffrages, soit 118 367 voix. Mais son discours, plutôt sympathique à l’égard de Bouteflika, lui a valu des félicitations présidentielles et une représentation assez étonnante au Parlement pour un parti d’extrême gauche, lors des élections législatives qui avaient suivi. Louiza Hanoune et les députés de son parti étaient d’ailleurs les seuls élus de l’opposition à avoir applaudi la récente révision de la Constitution. Enfin, un nouvel invité à la prochaine grand-messe bouteflikienne : Moussa Touati. Ce responsable du Front national algérien (FNA) un clone du FLN, entre en scène pour multiplier les candidatures maison qui défendent les couleurs des nationalistes conservateurs. Sans aucun passé politique, Moussa Touati a profité de la guéguerre entre le tandem FLN-RND, pour transformer son organisation des fils d’anciens maquisards (Onec) en parti politique. Mais pour avoir appelé ses députés à voter contre la révision de la Constitution, un mystérieux mouvement de redressement sans doute téléguidé s’est emparé ces derniers jours de son parti. Ayant compris le message, le candidat Touati à fini par montrer patte blanche : “Si les autorités ne souhaitent pas ma candidature, je l’annulerais sans problème”, a-t-il déclaré aux journalistes. Et au puissant ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, de lui renvoyer l’ascenseur: “Ne vous en faites pas, j’annulerai le congrès des redresseurs !”, lui a-t-il promis. En attendant de démarcher une candidature islamiste et une autre démocrate, si possible, Bouteflika qui maintient un faux suspens sur la sienne, attend que l’équipe de lièvres se mette au complet. Par Hamid Ait Ouali
(Source: “laprovence.com” ( France) le 25 decembre 2008) http://www.laprovence.com/articles/2008/12/25/669258-Monde-Algerie-la-multiplication-des-candidats-autorises.php