23 octobre 2011

فيكل يوم،نساهم بجهدنا في تقديمإعلام أفضل وأرقى عنبلدنا،تونس Un effort quotidien pour une information de qualité sur notre pays, la Tunisie. Everyday, we contribute to abetter information about our country, Tunisia

TUNISNEWS
11 ème année, N°4133 du 23.10.2011

 


Une équipe d’Amnesty International en Tunisie est disponible pour des interviews

Amnesty International Team in Tunisia available for interview

AP: Tunisie: le chef d’Ennahdha prévoit un score large en faveur de son mouvement

AP: Tunisie: les « poids lourds » de l’élection et les autres

Reuters: La Tunisie, laboratoire d’une transition démocratique ?

Le Monde: La Tunisie découvre la démocratie et ses règles

Cyberpresse: Après la révolution, un scrutin au jasmin pour les Tunisiens

Liberté: Elle s’apprête à renaître de ses cendres – La Tunisie retient son souffle

Le Parisien: Tunisie: les femmes, une force puissante presque absente de la campagne


AMNESTY INTERNATIONAL ANNONCE À L’ATTENTION DES MÉDIAS

Une équipe d’Amnesty International en Tunisie est disponible pour des interviews


 

 

Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Tunisie avant l’élection du 23 octobre. Cette délégation est conduite par Donatella Rovera, principale conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise, qui peut donner des interviews en anglais, en espagnol, en français et en italien. Vous pouvez contacter Donatella Rovera par téléphone aux numéros suivants +216 2396 7340 ou +44 (0) 7904 398 067. La délégation a pour mission notamment :  
· de surveiller la situation des droits humains pendant la période électorale ;  
· d’enquêter sur des cas d’arrestation arbitraire et d’actes de torture et de mauvais traitements survenus depuis janvier 2011 ; et  
· de collecter des informations sur le fonctionnement des forces de sécurité depuis janvier, ainsi que sur la réforme de l’appareil sécuritaire et de la justice.  
Amnesty International a lancé en septembre une campagne en direction des partis politiques tunisiens pour les engager à prendre 10 mesures fondamentales dans le domaine des droits humains, en veillant notamment à l’égalité de droit entre hommes et femmes et au respect de la liberté d’expression, d’association et de réunion. Pour plus d’informations, vous pouvez prendre contact avec le Service de presse d’Amnesty International ; tél. : +44 (0) 20 7413 5566 ; courriel :press@amnesty.org ; Twitter: @amnestypress FIN


AMNESTY INTERNATIONAL MEDIA ADVISORY

Amnesty International Team in Tunisia available for interview


 

 

An Amnesty International delegation is in Tunisia ahead of elections on 23 October.

Donatella Rovera, Senior Crisis Response Adviser leading the delegation is available for interviews in French, English, Spanish or Italian. Donatella can be contacted on +216 2396 7340 or +44 (0) 7904 398 067. The purpose of the delegation’s visit includes the following: · Monitoring the human rights situation around the elections; · Investigating cases of arbitrary detention and torture and ill-treatment since January 2011; and · Gathering information on the conduct of security forces since January, including the reform of the security apparatus as well as the reform of the judiciary. Amnesty International launched acampaign in September targeting political parties in Tunisia for them to commit to uphold 10 human rights pledges, including commit to ensure gender equality and to uphold freedoms of expression, association and assembly. For more information please contact the Amnesty International Press Office on +44 (0) 20 7413 5566, email: press@amnesty.org, or Twitter: @amnestypress \ENDS


Tunisie: le chef d’Ennahdha prévoit un score large en faveur de son mouvement


Publié le 22-10-11 à 20:30 Modifié à 23:30
TUNIS (AP) — Le chef d' »Ennahdha », Cheikh Rached Ghannouchi, a déclaré samedi s’attendre à un score plus large que prévu en faveur de son mouvement lors des élections à l’Assemblée constituante qui se dérouleront dimanche en Tunisie.
« Nous obtiendrons plus que les 25% des voix dont nous créditent certains sondages. Ce sera fait demain (dimanche) », a-t-il confié dans un entretien exclusif à l’Associated Press. Il a souhaité « indépendamment des taux, que ce soit d’abord une réussite pour la Tunisie et que les élections soient honnêtes ».
En cas de victoire de son mouvement, le changement qu’il prévoit est « un gouvernement qui soit le premier élu dans l’histoire de la Tunisie ».
Cheikh Rached projette en outre l’instauration d’un régime parlementaire qui « rompra avec le régime présidentiel, source de toutes les catastrophes, et qui extirpera les racines de la dictature en Tunisie ».
Selon lui, le prochain gouvernement « s’attachera en priorité à réaliser les objectifs de la révolution, en bannissant la corruption, en procurant du travail pour les chômeurs et en portant l’intérêt requis aux régions déshéritées qui ont déclenché le soulèvement » contre l’ancien régime de Ben Ali.
« Que nous ayons la majorité ou pas, notre choix est un gouvernement de coalition avec les principaux partis avec lesquels nous sommes en discussion », a-t-il ajouté sans nommer ces partis. « Ils seront connus après les élections ».
En réponse à une autre question, il a jugé l’opération électorale « acceptable jusqu’à présent, en dépit de quelques lacunes », en évoquant les quelque 1,8 million d’électeurs analphabètes qui « auront du mal à voter ainsi que les 20.000 pèlerins qui ne voteront pas ».
Le leader d’Ennahdha a cependant exprimé ses craintes de fraudes. « Dans un pays marqué, où les élections ont été faussées pendant 50 ans, il n’y a pas de garanties quant au risque de manipulation », a-t-il analysé.
Il appréhende, en cas de fraude, « une catastrophe pour le pays ». « Ce sera l’anarchie. Le peuple n’acceptera pas une manipulation du scrutin et nous ferons partie du mouvement populaire », a-t-il averti.
Il a, par ailleurs, marqué « des divergences » avec les courants salafistes, en particulier le Hizb Ettahrir, un parti non reconnu mais actif qui prône l’application de la chariaâ (loi islamique).
Il a qualifié de « négative » leur attitude de refus des élections, qu’ils considèrent contraires à l’islam.
Cheikh Rached n’exclut pas pour autant un dialogue à l’avenir avec ces courants « pour les convaincre de changer d’attitude ».
« L’islam n’est pas antinomique avec la démocratie. Au contraire, ils vont de pair », a-t-il soutenu, en plaidant pour « une approche religieuse modérée ».
Il a assuré que son mouvement « protège les droits de la femme et les renforcera contrairement à ce qu’avancent certaines parties qui font de la peur d’Ennahdha et de l’islam un business ».
« Nous ne portons aucun projet hostile à la femme et nous préserverons les droits octroyés aux femmes par le Code du statut personnel (CSP) et nous les consoliderons », a-t-il martelé.
Il a donné pour exemple le choix d’une femme non voilée, tête de liste dans une circonscription à Tunis, alors qu’aucun autre parti n’a présenté une femme voilée comme candidate.
« Les femmes seront libres de porter l’habit de leur choix, d’opter pour le travail et pour le mari qu’elles choisissent », a-t-il encore dit. AP

Tunisie: les « poids lourds » de l’élection et les autres


Publié le 22-10-11 à 17:50 Modifié à 18:50
TUNIS (AP) — Neuf mois après la chute du régime totalitaire de l’ancien président Ben Ali, les Tunisiens se rendent dimanche aux urnes pour une élection censée être la première réellement libre, honnête et démocratique dans l’histoire du pays. Parmi les quelque 80 partis en compétition pour l’élection d’une Assemblée constituante, moins d’une dizaine émergent du lot.
Les Tunisiens doivent élire leurs représentants au sein d’une Assemblée constituante dont la tâche principale sera d’élaborer une nouvelle Constitution. La future loi fondamentale remplacera celle plusieurs amendée par le président déchu « pour écarter ses adversaires et s’éterniser au pouvoir », selon l’opposition.
Parmi les quelque 80 partis en lice sur les 117 partis composant le paysage politique, la plupart légalisés après la « Révolution du jasmin », moins d’une dizaine émergent du lot. Le favori n’est autre que le mouvement islamiste Ennahdha, crédité dans les derniers sondages de plus de 20% des voix.
Criant victoire avant terme, son chef, Rached Ghannouchi, conteste toutefois ce pourcentage qui ne reflète pas, selon lui, le poids réel du « plus grand parti du pays ». « Nous féliciterons les vainqueurs, mais les autres devront nous féliciter si nous gagnons et nous allons gagner! », a-t-il lancé vendredi devant ses partisans au Kram, un faubourg de Tunis.
Accusés de tenir « un double langage », les dirigeants d’Ennahdha se veulent néanmoins rassurants en se disant attachés à un régime démocratique et ne souhaitant pas remettre en question le Code du statut personnel (CSP) qui a aboli la polygamie et favorisé l’émancipation de la femme tunisienne.
Ils mettent toutefois en garde contre toute falsification du scrutin. « Nous ne permettrons pas une réédition des fraudes de 1989 », a averti Rached Ghannouchi en référence aux législatives qui ont vu son mouvement rafler cette année-là un fort pourcentage, avant d’être mis à l’écart. Toute fraude conduirait au « chaos », a-t-il averti dans un entretien accordé samedi à l’Associated Press en affirmant que le peuple ne le tolérera pas.
Lui faisant écho, le Premier ministre Béji Caïd Essebsi a aussitôt proclamé que « les élections seront propres et transparentes. Il ne peut y avoir de fraude car les urnes seront ouvertes devant tout le monde », a-t-il soutenu en avertissant que « la violence est inacceptable et qu’elle ne sera pas tolérée par le gouvernement ». « Nous allons prouver au monde que la démocratie peut triompher dans un pays du Tiers-monde et qu’un peuple musulman peut réussir », a-t-il poursuivi en appelant ses concitoyens à aller voter « sans crainte ».
D’autres « poids lourds » contestent la domination annoncée d’Ennahdha. Il y a d’abord le Parti démocratique progressiste (PDP) qui était en première ligne dans l’opposition au régime répressif de Ben Ali. Mené par un duo de choc, son fondateur Néjib Chebbi, un chef charismatique, et Maya Jribi, première femme à diriger un parti politique en Tunisie, le PDP ambitionne de damer le pion aux islamistes.
Ironie du sort, le PDP, qui a longtemps été un défenseur déterminé de Rached Ghannouchi et de ses compagnons au plus fort de la répression benaliste, est devenu aujourd’hui un farouche antagoniste d’Ennahdha qui, à ses yeux, représente « une menace pour les libertés ».
La frêle Maya Jribi, considérée comme un « symbole de courage politique », presse les femmes à faire entendre leur voix pour une Tunisie « ouverte et modérée, contre les extrémismes et les forces rétrogrades ». « Les femmes seront les piliers de la démocratie et de la liberté », a-t-elle renchéri sous les acclamations de ses partisans venus par milliers au meeting marquant la clôture vendredi de la campagne électorale.
Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés, FDTL) figure lui aussi parmi les favoris. Il avance ses pions sans bruit, façon « force tranquille » à l’image de son chef, le Dr Mustapha ben Jaâfar. Ce dernier prône la séparation entre le politique et le religieux, tout comme le PDP avec lequel il n’arrive pas cependant à s’entendre, alors que cette alliance pourrait désarçonner Ennahdha, selon l’islamologue Hamadi Rédissi.
C’est dans le même camp progressiste que se place le Pôle démocratique moderniste (PDM), une coalition de partis de gauche et d’indépendants autour du mouvement Ettajdid (ex-Parti communiste). Dirigé par l’universitaire Ahmed Brahim, il milite pour un projet de société nettement à l’opposé de celui « qui risque de ramener le pays en arrière », en allusion au parti islamiste.
D’autres formations veulent créer la surprise tels le Congrès pour la République (CPR) du militant des droits de l’Homme Moncef Marzouki, le Parti ouvrier communiste tunisien (POCT) de Hammami Hammami, voire l’Union patriotique libre (UPL) du richissime homme d’affaires Slim Riahi, un nouveau venu sur la scène politique, qui injecté des milliards dans la campagne électorale. On compte également un nombre considérable de candidats indépendants.
Bien que mathématiquement toutes les hypothèses soient possibles, les analystes estiment que le mode de scrutin à la proportionnelle n’est pas de nature à permettre l’hégémonie d’un seul parti sur la future Constituante où les alliances seront incontournables. AP

La Tunisie, laboratoire d’une transition démocratique ?


publié le 22/10/2011 à 11:19, mis à jour à 11:19

Neuf mois après le renversement de Zine ben Ali, la Tunisie, berceau du « printemps arabe », organise dimanche ses premières élections libres dont le déroulement et les résultats seront scrutés à la loupe dans l’ensemble du monde arabe.

L’enjeu du scrutin réside dans la réussite d’une transition démocratique après des décennies de régime autocratique, les bouillonnements des débuts de la révolte populaire et une résurgence de l’islamisme redoutée dans le camp laïque.

Les sept millions de Tunisiens sont appelés à élire lors d’un scrutin de listes à la proportionnelle les 217 membres de la future Assemblée constituante chargée de rédiger une Constitution.

Selon les autorités, 40.000 militaires et policiers seront déployés pour maintenir l’ordre. Des commerçants affirment que la population a constitué des stocks de lait et de bouteilles d’eau à titre de précaution.

Le 14 janvier, le président Zine ben Ali, qui gouvernait d’une main de fer le pays depuis novembre 1987, s’enfuyait en Arabie saoudite au terme d’un soulèvement parti d’une région déshéritée du Centre-Ouest. Plusieurs gouvernements de transition lui succèdent.

L’élément déclencheur de la révolte qui, comme une traînée de poudre, se propagera dans plusieurs pays arabes autoritaires comme l’Egypte et la Libye, fut l’immolation par le feu d’un jeune chômeur diplômé, Mohamed Bouazizi, devenu le héros de la « révolution du jasmin« .

Depuis la chute de Ben Ali et de son Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), pas moins de 110 formations politiques ont vu le jour en Tunisie.

La campagne a opposé grosso modo deux grands courants dans ce pays traditionnellement à la pointe de la modernité et de la laïcité depuis l’indépendance en 1956 – les partisans de la laïcité, défenseurs d’un « Etat civil« , et les islamistes emmenés par les modérés d’Ennahda.

ADMIRATEUR DE L’AKP TURC

Illustration de cet affrontement électoral, les émeutes provoquées le 14 octobre à Tunis par des islamistes – issus, semble-t-il, du courant radical salafiste – contre la diffusion à la télévision du film d’animation « Persepolis » de la Française d’origine iranienne Marjane Satrapi dans lequel Allah était incarné à l’écran, ce qui est contraire aux préceptes de l’islam.

Deux jours plus tard, le camp laïque descendait dans la rue pour une contre-manifestation.

Ennahda (Renaissance, en arabe), dont le chef de file, Rachid Ghannouchi, est rentré de 22 ans d’exil à Londres, est donné grand favori du scrutin. Les sondages lui accordent entre 15 et 25% des voix, loin devant ses plus proches rivaux.

« Je pense qu’on peut dire sans crainte qu’Ennahda sera la plus importante force politique, sans toutefois avoir la majorité« , déclare un diplomate occidental requérant l’anonymat.

Jeudi, Rachid Ghannouchi a évoqué devant Reuters des pourparlers en cours avec d’autres formations en vue de former « un gouvernement d’union nationale« .

« J’ai choisi de voter pour Ennahda parce qu’il est le plus proche de l’islam« , explique Mokhtar Bahrini, un fonctionnaire à la retraite de 56 ans. « Ce parti est très modéré et n’est pas radical (…) Nous devons lui donner une chance.« 

Ce parti, admirateur de l’AKP au pouvoir en Turquie, milite pour un rôle accru de l’islam dans la vie politique tout en assurant ne pas vouloir imposer ses valeurs morales aux femmes dont il veut respecter les droits.

UNE PREMIÈRE DEPUIS 2006

Mais à quelques jours des élections, Rachid Ghannouchi a prévenu que la rue tunisienne pourrait se réveiller en cas de fraudes généralisées avérées. « S’il y a falsification flagrante des résultats, nous nous joindrons aux forces de la révolution (…) pour protéger la volonté du peuple« , a-t-il lancé aux journalistes.

Par la suite, le chef de file d’Ennahda a promis de respecter les résultats, « quels qu’ils soient« , des élections de dimanche.

Comme en Libye ou en Egypte, les renversements des régimes autocratiques ont renforcé l’influence des mouvements islamistes, auparavant réprimés. Lorsqu’il était au pouvoir, Zine ben Ali se présentait aux yeux des Occidentaux comme le meilleur rempart contre le danger islamiste.

Même si Ennahda se dit modéré, une résurgence de l’islam politique constituerait un changement majeur pour la Tunisie aux racines profondément laïques. Le premier président de l’indépendance, Habib Bourguiba, voyait dans le voile islamique un « odieux chiffon« . Zine ben Ali a, quant à lui, emprisonné des centaines d’islamistes.

La Tunisie contemporaine affiche sa relation décomplexée avec l’islam. On peut acheter de l’alcool dans les bars et certains magasins, les femmes ne portent pas toutes le « niqab » ou le « hidjab« , les touristes bronzent en bikini sur les plages et la communauté juive vit sans crainte.

La plupart des Tunisiens suivent les grands préceptes du Coran sans pratiquer un islam radical et s’enorgueillissent de leurs traditions libérales et modernes.

Les partisans de l' »Etat civil« , comme les Tunisiens qualifient leur modèle laïque, ne sont pas tous convaincus par les assurances données par Rachid Ghannouchi.

« Si les islamistes gagnent les élections, ce sera une catastrophe« , dit Saouad Laiouni, diplômé en sciences politiques rencontré dans un café d’Al Manar, près du centre-ville. « Ils vont arrêter les festivals et fermer les hôtels.« 

La crainte d’une radicalisation de part et d’autre est réelle mais une grande partie de l’opinion s’oppose aux salafistes. Ces derniers se font entendre mais ils ne seraient en fait que quelques dizaines de milliers dans le pays.

Une victoire électorale d’Ennahda serait une première pour les islamistes dans le monde arabe depuis celle enregistrée en 2006 par le Hamas palestinien dans la bande de Gaza. En 1991, les islamistes du Fis avaient remporté le premier tour des législatives en Algérie voisine, un scrutin finalement annulé par l’armée et qui avait été suivi par une décennie de violences.

Jean-Loup Fiévet et Clément Guillou pour le service français, édité par Henri-Pierre André


La Tunisie découvre la démocratie et ses règles


| 22.10.11 |
Derniers tracts, derniers meetings. La campagne officielle pour l’élection de la future Assemblée constituante s’est achevée, vendredi 21 octobre, à minuit, à l’avant-veille du premier scrutin libre de Tunisie – le premier, aussi, organisé depuis les mouvements dans le monde arabe, sous l’oeil attentif d’une foule d’observateurs internationaux.
Dix mois après la révolution tunisienne qui a chassé du pouvoir l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali, aujourd’hui réfugié en Arabie saoudite, la bataille a surtout opposé deux camps, celui des islamistes du parti Ennahda, revenus sur le devant de la scène après des années d’absence et de clandestinité, et celui des forces progressistes.
A Tunis, les principaux partis ont réuni leurs partisans, chacun sur son territoire. A Ben Arous, l’un de ses fiefs au sud de la capitale, le parti islamiste Ennahda a rempli un stade. La salle omnisports de l’Ariana a accueilli les supporteurs du Parti démocratique progressiste (PDP, centre) dans la banlieue natale de son fondateur Nejib Chebbi, tandis que les partisans d’Ettakatol (social-démocrate) ont fêté la fin de la campagne dans le quartier du Bardo avec kermesse et concert. Dans une ambiance survoltée, plusieurs milliers de militants du Pôle démocratique moderniste (PDM, gauche) se sont, eux, retrouvés à la Coupole, le palais des sports d’Al-Menzah, au nord de Tunis.
Tous ont mobilisé leurs forces pour convaincre les indécis, encore nombreux, et parfois perdus devant l’éventail du choix – 1 522 listes sur tout le territoire, plus de 10 000 candidats – qui s’offre aux 7 millions d’électeurs tunisiens après des années dominées par un régime dictatorial. Le niveau de participation, notamment dans les régions les plus défavorisées, demeure une des clés du scrutin. Et plus de 13 000 personnes, parties au pèlerinage de La Mecque, manqueront à l’appel. Pour ce dernier jour de campagne, vendredi, les femmes, majoritaires dans la société tunisienne, ont donc été particulièrement mises en avant.
A la tribune de Ben Arous, Ennahda a fait appel à sa candidate, non voilée, Souad Abdelrahim, tête de liste dans la circonscription de Tunis-2. Avec 16 femmes têtes de liste sur 33, le PDM revendique l’étiquette du « parti des femmes », tandis que Maya Jribi, seule dirigeante tunisienne d’un parti – le PDP -, a lancé un appel à la mobilisation des électrices.
Dans un tout autre domaine, Ennahda a tenté, en vain, un recours auprès de la commission électorale pour autoriser les personnes illettrées, évaluées à 1,8 million d’individus en Tunisie, à venir voter accompagnées d’une personne de leur choix. « Ce sont souvent des personnes âgées et beaucoup font partie de notre électorat », explique Hammachi Samir, proche collaborateur du secrétaire général du parti islamiste.
Le mode de scrutin choisi, la proportionnelle au plus fort reste, ne devrait permettre, sauf surprise, à aucun des partis en tête de la course d’emporter la majorité, demain, à l’Assemblée constituante. Ni même de former un gouvernement transitoire pendant la période d’un an consacrée à la rédaction de la nouvelle Constitution. Et nombre d’électeurs tentés par l’une des multiples listes indépendantes courent le risque de voir leurs voix dispersées s’envoler.
« Les élus ne représenteront pas la totalité du peuple tunisien, acquiesce Mustapha Ben Jaafar, président d’Ettakatol. Mais c’est un mal nécessaire pour la démocratie. » A une nuance près : chacun soupçonne les autres de disposer d’un réservoir parmi les indépendants considérés pour certains d’entre eux comme des listes « satellites ».
Autre inconnue : le poids des anciens partisans du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ancien parti au pouvoir dissous, et qui comptait jusque dans un passé récent des centaines de milliers d’adhérents. Vers qui vont-ils se tourner aujourd’hui ? Certains se sont reconvertis dans les principaux partis, mais plusieurs ex-RCDistes en ont fondé, non sans mal, des nouveaux comme l’Initiative, de l’ancien ministre des affaires étrangères Kamel Morjane, lui-même exclu des élections, à l’instar de tous les anciens responsables du RCD. »Comme ci, comme ça », résume Amna Bounatouf, candidate tête de liste à Tunis, fonctionnaire au ministère de l’intérieur, quand on lui demande comment s’est déroulée la campagne. « On nous ressort toujours l’histoire des passeports distribués à des membres de la famille Ben Ali, le 16 janvier (pour leur permettre de s’enfuir), et surtout les liens de parenté entre M. Morjane et la famille Ben Ali, soupire sa colistière Jalila Abbes. « Les jeunes sont contre nous, ce n’est même pas la peine d’aller les voir, mais les autres recherchent la stabilité qu’on a connue sous Bourguiba (premier président tunisien après l’indépendance, en 1956). »
« Il faut s’habituer à la vie démocratique », philosophe M. Morjane, devant l’entrée d’un restaurant où l’attendent une trentaine de cadres. Se pose dès lors la question des alliances, à deux niveaux, pour obtenir une majorité de vote parmi les 217 sièges que comptera l’Assemblée constituante, et pour former un gouvernement transitoire.Tout en revendiquant le poste de premier ministre en cas de victoire de son parti, Ennahda, convaincu que les difficultés sociales et économiques rendront vite impopulaire le nouvel exécutif, a fait de larges offres de service, reçues avec plus ou moins de fraîcheur par les autres. Au nom du PDP, Nejib Chebbi a déjà indiqué qu’il refuserait de s’allier avec les islamistes. »La bipolarisation de la vie politique est néfaste », tempère Mustapha Ben Jaafar. »Elle est génératrice de tensions. » Jusqu’ici, la première campagne « libre » de Tunisie s’est déroulée sans incident majeur
.
Isabelle Mandraud
(Source: « Le Monde » (Quotidien – Francais) le 23.10.11)
 

Après la révolution, un scrutin au jasmin pour les Tunisiens


Publié le 22 octobre 2011 à 10h01 | Mis à jour à 13h42

Karim Benessaieh La Presse

(Tunis) Premiers à avoir fait la révolution dans le monde arabe, les Tunisiens sont aussi les premiers appelés aux urnes. Demain, 7,5 millions d’électeurs feront entendre leur voix en choisissant parmi 11 000 candidats. La fièvre électorale, a constaté notre envoyé spécial, atteint toutes les couches d’une société en pleine mutation.

Dans les rues de Tunis, c’est l’habituel chaos. Des piétons téméraires se faufilent entre les voitures entassées, les passants se hèlent en criant, des odeurs de friture et de musc envahissent les narines.

Et partout, partout au cours des derniers jours, on discute des élections historiques qui auront lieu demain. Avec passion, mais avec un calme et une liberté impensables il y a neuf mois, sous la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali. Pas moyen de faire trois pas sans entendre les mots «Ennahdha», «Ettakatol» et, surtout, «Intikhabèt» («élections» en arabe).

Avenue de la Liberté, dans un vieux quartier bordé de maisons qui ont connu des jours meilleurs, Ryadh et Assad, 8 et 9 ans, se chamaillent. Ils reprennent à leur façon la question qui monopolise pratiquement le débat politique, au grand dam des partis progressistes: la place de la religion dans la nouvelle Tunisie.

 

«Les islamistes, ils vont fermer les hôtels et forcer tout le monde à porter le voile, je te le dis, idiot!», lance Ryadh à son petit ami, inquiet. Questionné, Assad explique avec un peu plus de contenance que son père est serveur dans un hôtel.

Un emploi payant dans une Tunisie où sévit un taux de chômage de 14%, des inégalités entre les régions qui expliquent en partie le soulèvement de l’an dernier, et une économie qui peine à se relever des mois d’incertitude qui ont suivi.

Le nouveau sport national

À quelques pas de là, dans une des dizaines de boutiques de téléphones cellulaires qui grouillent au centre-ville de Tunis, Imed Louz répond sans détour quand on lui demande s’il a fait son choix: il va voter pour les islamistes modérés d’Ennahdha, donnés grands gagnants du prochain scrutin avec le quart des voix. Pourquoi ce jeune tiré à quatre épingles, amateur de musique américaine, les choisit-il? Il explique patiemment: «Ils craignent Dieu, ils ne voleront pas, ne feront pas de corruption.»

Au vieux souk de la Medina, dans un décor digne des albums de Tintin, une demi-douzaine d’hommes impassibles s’entassent dans un café. La radio joue fort et, signe des temps, ce n’est pas pour l’important match de foot du jour. C’est platement le discours du premier ministre intérimaire, Béji Caïd Essebsi, qui exhorte ses concitoyens à aller voter «sans peur».

Après quelques affrontements au cours des dernières semaines entre islamistes et policiers, tout semble d’ailleurs indiquer que les élections de demain se dérouleront dans le calme.

«Nous étions 10 millions de personnes qui ne parlaient que de foot, nous sommes maintenant 10 millions à parler de politique», dit Zyed Lasmar – une image maintes fois entendue en Tunisie.

«Un rouage dans le système»

Chez les Guemira, qui habitent une coquette villa en banlieue de Tunis, on soupe tard et on discute élections. La belle-mère Souâd, septuagénaire rieuse et enseignante à la retraite, qui porte le voile depuis une quinzaine d’années, se présente pour une liste indépendante. Elle n’aime pas trop être associée au parti Ennahdha et se demande si elle n’aurait pas dû enlever son voile pour la photo officielle.

La télé est ouverte pour le grand moment de la soirée: une longue entrevue avec le président d’un des grands partis, Mustapha Ben Jaafar, du parti Ettakatol, que les sondages placent troisième. Une nouveauté: les questions sont corsées, déstabilisantes. Le vieux politicien passe parfois un mauvais moment.

Les opinions fusent autour de la table. «Il n’a pas dit une fois qu’il ne s’allierait pas clairement à Ennahdha», fait remarquer Tarek Safta, professeur d’arts. La discussion s’enflamme quand on évoque l’héritage d’Habib Bourguiba, président fondateur de la république en 1956 qui a notamment fait énormément progresser le statut de la femme. «C’était vrai jusqu’en 1975, il est devenu lui aussi un dictateur ensuite», estime Nejib Berjeb, homme d’affaires. «Il était vieux et malade, il a passé plusieurs années de sa vie en détention», tempère Fathi, médecin.

Selon le cybermilitant Yassine Ayari, il s’agit d’une des preuves que l’ex-dictateur Ben Ali n’était «que le rouage d’un système, pas le système lui-même». Devenu une célébrité du web tunisien quand il a voulu organiser légalement une manifestation à Tunis en mai 2010, il estime sans détour que les grands partis actuels sont dirigés «par des leaders sexagénaires qui veulent voler une évolution des mentalités à laquelle ils n’ont pas participé».

Pas d’élite intellectuelle

L’informaticien de 30 ans déteste l’étiquette de «Révolution Facebook» accolée à la révolution tunisienne, tout comme l’expression «printemps arabe». «Je suis allé dans des maisons où des gens avaient été tués, ils n’avaient même pas un PC. Et le printemps arabe, c’est calqué sur Prague, comme si les Arabes étaient incapables de faire leur propre révolution.»

Plutôt que la religion, c’est la culture qu’il faut séparer de l’État, explique-t-il. «Nous n’avons pas d’élite intellectuelle après toutes ces décennies de dictature. Il y a un trou aujourd’hui, et c’est une classe de jeunes qui est notre élite en formation.»

Il se présente lui-même au sein d’une liste indépendante à Zaghouan, ville à une soixantaine de kilomètres de Tunis. Il estime avec honnêteté ses chances d’être élu «à 10%».

Cette candeur chez les candidats, Rafaël Primeau-Ferraro, étudiant en droit de Sherbrooke associé à un organisme de promotion de la démocratie, l’a croisée à maintes reprises. «On voit que le réflexe politicien n’est pas très ancré, remarque-t-il, rencontré dans un café de Tunis. Au lieu de patiner, ils répondent crûment aux questions. Certains qui avaient une bonne chance de gagner ne savaient même pas s’ils allaient célébrer le soir des élections!»

Recette pour une minorité

L’exercice a été qualifié de «laboratoire démocratique par excellence», de «graine électorale», et il est pratiquement sans précédent. Le nombre de simples citoyens qui se présentent, à peine neuf mois après la chute de la dictature, l’illustre bien.

«Tout le monde autour de moi se présente, même ma tante Sofiana qui n’a jamais parlé politique de sa vie!», dit Slim Bou Ayech, étudiant de 29 ans rencontré dans un café du quartier populaire de Sidi El Bechir.

Les élections de demain en Tunisie sont en fait un prélude aux vraies élections qui devraient avoir lieu en 2012: elles visent à doter le pays d’une nouvelle constitution et d’un gouvernement intérimaire. De vrais députés et un président seront ensuite élus dans un an.

Le plus récent sondage crédible, mené par l’Observatoire tunisien de la transition démocratique à la fin de septembre, accorde 25% aux islamistes modérés d’Ennahdha. Les autres partis libéraux et progressistes enregistrent une nette remontée, avec en tête le Parti démocrate progressiste (PDP) à 16%, Ettakatol à 14% et le Congrès pour la République (CPR) à 8%. Les candidats associés à l’ancien parti présidentiel recueilleraient environ 10% des voix. Toutefois, 44% des électeurs affirment qu’ils pourraient changer d’allégeance. Par ailleurs, 55% se disent optimistes quant à l’avènement de la démocratie.

Chose presque certaine, compte tenu de la formule choisie, l’assemblée de 217 représentants sera éclatée. De tous les scrutins proportionnels, celle du «plus fort reste» utilisée en Tunisie est la meilleure garantie d’une représentation élargie. Et rend très difficile l’obtention d’une majorité, contrairement au système électoral canadien.

Une majorité… aux deux tiers

Pour la comprendre, rien de tel qu’un exemple théorique. Dans la circonscription du gouvernorat d’Ariana, près de Tunis, 300 000 électeurs se déplacent demain et votent pour 8 représentants.

Premier calcul: le quotient électoral, qui garantit l’obtention d’un siège, est de 300 000 divisé par 8. Donc 37 500 voix.

Selon les résultats du sondage national, les islamistes modérés d’Ennahdha obtiendraient le quart des voix exprimées, soit 75 000 voix dans Ariana. Donc deux sièges obtenus automatiquement, puisque le «quotient électoral» pour avoir un siège est de 37 500.

Le deuxième parti dominant, le PDP, obtient 48 000 voix. Comme le chiffre est supérieur au quotient électoral, il a un siège. Il a un «reste» – ce qui est important pour la suite des choses – de 10 500 voix. Ettakatol suit avec 42 000 voix et, selon le même principe, obtient un siège, avec un reste de 4500 voix.

C’est par la suite que les choses se corsent. Le quatrième parti, le Congrès pour la République, n’a que 24 000 voix. Pas assez pour atteindre le quotient électoral de 37 500 voix. On doit alors comparer ce score avec les «restes» des plus importants partis. Aucun n’en a autant: le CPR a donc le plus grand bloc, et obtient un siège.

Le suivant, Afek Tounès, a 9000 voix, moins que les «restes» du PDP, qui obtient un providentiel deuxième siège. Afek peut se consoler en obtenant tout de même un siège ensuite, aucun parti important n’ayant un meilleur «reste» que son propre score.

Et ainsi de suite jusqu’à ce que les huit sièges de la circonscription soient distribués. Au bout du compte, le meneur incontesté, Ennahdha, a obtenu deux sièges sur huit. Celui qu’il a surclassé de loin, le PDP, a le même résultat de deux sièges. Les quatre autres sièges sont répartis entre quatre autres partis.

Presque impossible pour quiconque, dans ces conditions, d’obtenir la majorité des huit sièges. Dernière démonstration mathématique: dans l’exemple de l’Ariana, il aurait fallu à Ennahdha plus de 198 000 voix, soit un score ahurissant de 66%, pour mettre la main sur cinq sièges sur huit.

Rien d’étonnant à ce que le grand débat de la dernière semaine électorale, outre la place de la religion, a été la formation de coalitions. Ce sont elles qui auront le dernier mot dans la Tunisie post-23 octobre.

Carnet de notes

217

représentants seront élus dans 33 districts électoraux, dont 6 à l’étranger. Le Canada, ainsi que 25 pays, fait partie d’une de ces circonscriptions et enverra deux élus.

7,5 millions

d’électeurs sont appelés à voter, dont 55% se sont inscrits l’été dernier. Les autres pourront tout de même voter en s’inscrivant dans les bureaux de vote demain.

1428

listes sont officiellement enregistrées, dont 55% sont affiliées à des partis et 7% comptent des femmes à leur tête.

55%

des électeurs se disent optimistes quant à l’avènement de la démocratie, selon un récent sondage de l’Observatoire tunisien de la transition démocratique

PLUS DE 11 000

candidats au total, dont le quart ont moins de 30 ans.

12

jours après les élections, les résultats finaux devraient être connus. Des résultats partiels seront diffusés «progressivement», peut-être le soir même.

1600

journalistes étrangers sont présents pour ces élections, ainsi que 150 observateurs internationaux, notamment de l’Union européenne, de la Norvège et 13 en provenance du Canada.

Sources: ISIE, gouvernement tunisien, Tunisia-Live.net, AFP

(Source:Cyberpresse.ca le 22 octobre 2011)

Lien:http://www.cyberpresse.ca/international/dossiers/crise-dans-le-monde-arabe/tunisie/201110/22/01-4459866-apres-la-revolution-un-scrutin-au-jasmin-pour-les-tunisiens.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2


Elle s’apprête à renaître de ses cendres

La Tunisie retient son souffle


Par : Azzeddine Bensouiah
Les Tunisiens s’apprêtent à vivre les premières élections libres de leur histoire, enterrant l’ère Ben ali et donnant naissance à la nouvelle république. Mais cette naissance, tant attendue, risque de décevoir plus d’un, sachant que l’incertitude demeure totale quant à l’issue du scrutin de ce dimanche. Nous atterrissons à l’aéroport Tunis-Carthage sous une pluie battante. Un guichet spécial est réservé aux journalistes étrangers venus couvrir l’élection de l’assemblée constituante. L’on attend quelque 500 journalistes étrangers, ajoutés aux 1 000 confrères tunisiens. L’avenue Bourguiba grouille de monde. Les terrasses de café sont bondées, les hôtels affichent tous complet, même si, jeudi, beaucoup de journalistes ont dû quitter précipitamment Tunis pour aller à Tripoli. Des défilés de Libyens fêtant la mort de Kadhafi égayaient le boulevard quadrillé par une forte présence policière. Les chars de l’armée restent stationnés devant le ministère de l’intérieur, devant la cathédrale et l’ambassade de France, signes que la situation reste encore complexe. Des tentes sont dressées tout le long du boulevard où des partis essayent de convaincre les indécis. À la télévision, le défilé des candidats se poursuit, la majorité fait campagne en lançant des promesses électoralistes, mais rares, très rares même, sont ceux qui parlent de l’objet premier de l’élection de dimanche : l’élection d’une constituante et la future constitution de la Tunisie post-dictatoriale. L’Assemblée constituante, qui sera issue des urnes, devra élire ou désigner un nouveau président de la République lui-même chargé de former un gouvernement. L’on murmure que l’actuel premier ministre serait reconduit à son poste après le scrutin. Dans la soirée de jeudi, le premier ministre s’adresse à la nation, dans une sorte de discours d’adieu pour les inviter à aller voter en masse et de ne pas avoir peur. Badji Kaïd Essebsi s’est surtout attaqué au principal favori de ce scrutin : le mouvement Ennahda. “Il n’est pas possible qu’il y ait de fraude”, a-t-il également souligné, alors qu’Ennahda a évoqué mercredi un “risque de manipulation des résultats”. “Celui qui doute du processus électoral et de l’Isie (la commission électorale indépendante, ndlr), c’est comme s’il doutait de lui-même”, a-t-il dit. “Il y a des gens (en Tunisie) qui ne veulent pas de ces élections et les considèrent comme impies. Ils ne cherchent pas à convaincre par le dialogue mais par la force”, a-t-il poursuivi, faisant allusion aux salafistes, dont le parti ettahrrir (libération) n’a pas été autorisé, mais qui se font entendre ces derniers temps, notamment vendredi dernier lorsqu’ils sont sortis en masse dénoncer la chaîne Nessma. Vendredi, la mosquée El-Feth, fief des salafistes tunisiens, a vu une affluence nombreuse. L’imam a consacré son prêche à la politique interne, non sans faire un crochet par la Libye, tout en donnant des instructions aux votants. Mais aucun incident n’a été signalé à la suite de la prière. Devant le regard amusé des passants et une forte présence des médias étrangers, les salafistes adoptent un profil bas, certainement pour ne pas gêner leurs “frères” d’Ennahda, en attendant d’autres occasions pour faire parler d’eux. N’empêche, les islamistes d’Ennahda ne cachent pas leur crainte de voir des alliances se tisser en vue de les exclure du futur gouvernement. Le parti a déjà démissionné de la commission de suivi de la révolution, lorsque cette dernière avait décidé de fixer un seuil de 30% de sièges à l’assemblée constituante. Même si Ennahda clamait qu’il ne voulait pas gouverner seul, en réponse à ceux qui craignaient qu’il fasse une razzia sur la révolution, il ne cache pas ses craintes de se voir évincé, par le truchement des jeux d’alliances partisanes. Alors, El-Ghannouchi hausse le ton et menace de sortir dans la rue, au lendemain du scrutin, si jamais “il y a manipulation”. Le mouvement islamiste, donné comme favori des élections, se projette déjà comme la première force politique du pays. Comme par miracle, il bâtit un siège identique à celui du défunt RCD, dans le quartier Mont-Plaisir. Il faut dire que le parti étale des richesses qui laissent sceptiques plus d’un. Toujours est-il que bon nombre de Tunisiens restent persuadés que les anciens du RCD, dont certains ministres qui ont fondé de nouveaux partis, vont s’arranger pour revenir, sous formes d’alliances, au pouvoir. L’ancien chef de la diplomatie tunisienne, Kamel Mordjane, est crédité de bonnes intentions de vote, en tout cas, dispose de fortes chances pour revenir par la grande porte. L’armée, et son chef charismatique, le général Rachid Ammar, reste en retrait, tout en observant de loin ce qui se trame. “le général Amar continue à être l’homme fort de la Tunisie, mais préfère rester loin des feux de l’actualité”, affirme une journaliste tunisienne bien au fait de la chose. En ce vendredi, dernier jour de campagne, l’ambiance électorale reste timide, alors que les Tunisiens préfèrent disserter de politique sur les terrasses de café. Avec plus de 110 partis politiques en course et près d’un millier de listes électorales, les Tunisiens ne savent pas où donner de la tête. Mais, en réalité, les partis les plus représentatifs se comptent sur les doigts d’une seule main. Les quatre millions et demi d’électeurs devront, pourtant, décider du devenir de la nouvelle Tunisie. Si les partis progressistes ont de fortes chances de l’emporter dans les grandes agglomérations, Ennahda devrait rafler la mise chez les déshérités. Mais le vrai débat devrait commencer une fois l’assemblée constituante élue. Deux grandes tendances s’affrontent. d’un côté, les islamistes et de la gauche radicale, qui réclament un régime parlementaire intégral. Et de l’autre, ceux qui optent plutôt pour un régime mixte, c’est-à-dire un présidentialisme modéré. Le Forum démocratique et le Pôle démocratique moderniste sont plutôt pour un régime présidentiel car ils projettent le charisme de leur chef. Plus de la moitié des Tunisiens ne soutiennent aucun parti politique, selon un sondage d’opinion publié le 3 septembre et réalisé par l’agence TAP en coopération avec l’Institut des sondages et du traitement de l’information statistique (Istis). Un cinquième des personnes interrogées affirme que la politique ne l’intéresse guère, tandis qu’à peu près le même pourcentage avoue ne connaître aucun parti politique. De plus, 45% de ces sondés interrogés par TAP-Istis indiquent ignorer quel sera le rôle de la future Assemblée constituante et déclarent ne pas faire confiance aux formations politiques en raison de leur prolifération et de l’ambiguïté de leur programme. D’autres sondages récents révèlent une certaine apathie parmi les électeurs tunisiens potentiels. Une enquête conduite par la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (International Foundation for Electoral Systems-IFES) montre, en effet, que 43% des Tunisiens ne savent pas que le prochain scrutin permettra de désigner l’Assemblée constituante. Les Tunisiens sont devenus des analystes politiques et chacun y va de sa théorie. “même ma petite fille s’est mise à parler des élections”, ironise un hôtelier. Mais personne n’est en mesure de dire quelle direction prendra la Tunisie à partir de lundi. A. B.
(Source: “Liberté” (Quotidien – Algerie) le 22 octobre 2011)

Tunisie: les femmes, une force puissante presque absente de la campagne


Publié le 22.10.2011, 10h23
Elles ne sont que 7% à être tête de listes pour le scrutin historique de dimanche, sont restées discrètes pendant la campagne électorale. Les femmes tunisiennes ont pourtant obtenu il y a plus de 50 ans un statut unique dans le monde arabe et sont déterminées à ne rien lâcher.
Pour Ahlem Memi, vendeuse ambulante à Tunis, ne pas voter serait une honte. Elle veut défendre des droits qu’elle sent menacés par la percée attendue des islamistes d’Ennahda aux élections.
Désorientée par la muliplicité des listes, la jeune femme en lunettes noires et T-shirt ample sur jeans moulant ne sait pas encore à qui elle donnera sa voix, mais est certaine d’une chose: « Ennahda, jamais! ».
« On a peur qu’ils introduisent la polygamie, qu’ils nous obligent à nous voiler. Peut-être que les islamistes vont consigner les femmes à la maison, qu’ils vont fermer les cinémas », explique-t-elle.
En Tunisie, les femmes ont obtenu depuis de longues années un statut que leur envient beaucoup de leurs consoeurs du monde arabe: droit de vote, droit à l’avortement, au divorce, interdiction de la polygamie et une égalité constitutionnelle entre les sexes.
Ces acquis, imposés à marche forcée par le père de l’indépendance (1956) Habib Bourguiba, s’enracinnent dans la pratique ancienne d’un islam tolérant, dans un pays où cohabitent encore sans heurts musulmans sunnites majoritaires et minorités kharéjite, juive, chrétienne.
Dès le 9e siècle s’est répandue dans le pays la pratique du « mariage kairouanais », du nom de la ville de Kairouan dont l’école islamique rayonnait alors dans toute l’Afrique du Nord, et qui interdisait à l’homme de prendre une deuxième femme, rappelle l’historien Alaya Allani.
Le vent de liberté de la révolution a fait ressurgir les voiles, noués traditionnellement sur la nuque dans les campagnes ou sous le menton (hidjab), mais a aussi vu apparaître les niqab, voile intégral ne laissant entrevoir que la fente des yeux. « C’est mon choix, nul ne devrait pouvoir m’imposer de porter ou de ne pas porter un habit », affirme Rahma, chômeuse de 24 ans en hidjab.
La question du statut de la femme, comme celle des minorités religieuses, sera centrale dans les discussions entre les 217 membres de l’assemblée constituante qui sera élue dimanche et dont la principale tâche sera de rédiger une nouvelle constitution.
Ennahda s’est engagé à ne « pas toucher » à ce statut, a répété qu’il ne voulait pas renvoyer les femmes dans leurs foyers. Mais certaines de ses déclarations sur la revalorisation des mères au foyer, sa volonté d’installer un grand ministère de l’Education, ont inquiété le camp des démocrates de gauche et du centre.
Déjà, dans certaines classes, des enseignants islamistes ont séparé les garçons et les filles, tandis que d’autres promettaient pour bientôt de nouveaux manuels scolaires, pour rétablir « la vérité », selon plusieurs témoins.
Vendredi soir dans son dernier meeting de campagne, Maya Jribi, secrétaire générale du PDP (centre-gauche) et seule femme à diriger un grand parti, a exhorter les femmes à voter en masse.
« Par leurs voix, les femmes peuvent faire basculer la balance. Nous avons besoin des voix de tous ceux qui sont pour la modération, contre les extrémismes et les forces rétrogrades », a-t-elle dit.
L’historien Fayçal Chérif croit en la capacité de résistance d’une population qui n’acceptera pas qu’on tente de revenir sur une émancipation actée « dès les années 30, quand le théologien Tahar Haddad considérait l’oppression des femmes comme non conforme aux valeurs de l’islam ».
Les femmes ont obtenu le droit vote dès 1956 et ont commencé à intégrer l’armée et la police la même année. « Pour nous c’est naturel, dit M. Chérif. Cela ne nous dérange pas de monter dans un taxi conduit par une femme ou de monter dans un avion piloté par une femme ».
(Source: Le Parisien.fr le 22 octobre 2011)

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