23 juillet 2007

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TUNISNEWS
8 ème année, N° 2617 du 23.07.2007

 archives : www.tunisnews.net


Vérité-Action: Karim Harouni maintient sa grève de la faim Réponse de Me Afef Jlassi à Me Mokthar Yahyaoui. Abdelkader Dehbi: France-Algérie – Le traquenard nucleaire de M. Sarkozy
Reuters: Turquie-Après son triomphe électoral, l’AKP doit relever le défi AFP:  Frattini (UE) se félicite du résultat “équilibré” des élections en Turquie AFP: Turquie: l’immixtion de l’armée dans la crise a favorisé l’AKP (presse turque) AFP: Victoire “écrasante” d’Erdogan et “gifle” aux généraux (presse grecque) AFP: Turquie : la presse européenne relativise la portée de la victoire d’Erdogan AFP: Euphorie dans les milieux d’affaires turcs après la victoire de l’AKP AFP: L’ampleur de sa victoire pousse l’AKP au centre de l’échiquier politique Reuters: Turquie – Nouveaux défis pour Erdogan après son triomphe AFP: Douche froide pour le parti pro-laïc, la direction appelée à démissionner Le Monde: La victoire d’Erdogan Le Monde: En Turquie, la victoire électorale de l’AKP renforce M. Erdogan Le Monde: Les électeurs kémalistes amers et inquiets Libération: Erdogan, le triomphe d’un islamiste mutant Los Angeles Times: Étas-Unis – Torture mode d’emploi Los Angeles Times: Étas-Unis –  Silence, la torture continue Corrier Intrnational: Étas-Unis –  Des tortures dignes de l’Union soviétique The Nation: Étas-Unis – De la musique comme instrument de torture


 

 

L’AFFAIRE DU LYCEE PASTEUR SUR LA CHAINE “AL HIWAR ETTOUNSI”

 

Entrevue fort remarquée et fort osée de M. Mohamed Bouebdelli dans l’édition 63 de l’émission hebdomadaire diffusée le 22 juillet 2007 par la chaine « El Hiwar Ettounsi » :

 

http://www.arcoiris.tv/modules.php?name=Downloads&d_op=viewdownload&cid=1045

 

(Remarque : l’entrevue est essentiellement en arabe)


 

Vérité-Action

Dépêche : Karim Harouni maintient sa grève de la faim

Nous venons d’apprendre de la sœur de Karim Harouni, Mlle Hend Harouni que les prisonniers d’opinion, RIDHA BOUKADI et FRAJ AL-JAMI ont suspendu leur grève de la faim avec une promesse donnée à M. Al-Ajami de le soigner. Le mardi, ils lui ont pris un rendez-vous pour les analyses à l’hôpital Charles Nicole, le professeur traitant lui a signalé qu’il était à bout et qu’il allait attraper un infarctus durant sa grève de faim, car il a arrêté de prendre son médicament anticoagulant. Grace à un peu de miel et de coriandre qu’il a préservés précieusement pour essai de traitement naturel, les analyses allaient être atroces et il risquait la mort LOTFI SNOUSSI à son tour a suspendu sa grève de la faim le 20 juillet 2007. Suite à une visite de sa famille, il leur a demandé de ramener le couffin (nourriture) entier avec tous les produits sans aucune exception, ils ont eu l’accord du directeur de la prison. M. Lotfi Snoussi a annoncé à sa famille aussi que seul KARIM HAROUNI a maintenu sa grève de la faim. M. Harouni insiste à avoir des nouvelles de la lettre envoyée à son père le 7 janvier 2007 à l’occasion de l’anniversaire de celui-ci et que la direction de la prison de Mornaguia le lui a confisqué. (Voir notre communiqué du 16.7.2007) M. Karim Harouni, entame depuis le 9 juillet 2007 une grève de la faim illimitée, réclamant sa libération si non l’amélioration des conditions de sa détention ainsi que lui permettre l’accès à la nourriture que sa famille lui ramène lors des visites bimensuelles. Toujours d’après Mlle Hend Harouni, les familles qui ont visité leurs proches en grève de la faim ont été très bouleversées en voyant l’état de leurs proches durant et après cette grève. La Famille de M. Karim Harouni ne cesse d’envoyer des correspondances aux autorités tunisiennes pour mettre faim à la tragédie de leur proche, ces appels restent toujours sans suite. Pour Vérité-Action Service de l’information Fribourg, le 22 juillet 2007

 

 


 

 

Rappel des faits :

 

Un lycée français privé torpillé par le pouvoir tunisien

Par Roger de Diesbach (Journaliste suisse, La Liberté)   

 

Le lycée Louis-Pasteur de Tunis est torpillé à l’heure où, étrange coïncidence, la veuve de Yasser Arafat et la femme du Président Ben Ali lancent un lycée concurrent.

 

La Fondation Bouebdelli, dirigée par une famille franco-tunisienne, possède et dirige à Tunis une école privée de plus de 1400 élèves (école, collège, lycée). A l’initiative de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie, un lycée Louis-Pasteur, préparant aux examens d’Etat français, est ajouté à cette structure en septembre 2005. Le 25 mai 2005, le ministère tunisien de l’Education et de la Formation écrivait à Madeleine Bouebdelli qu’il ne voyait a priori aucun inconvénient à autoriser ces classes de préparation au baccalauréat français.

 

Suivaient cinq conditions (accord avec la France, enseignement de la langue arabe, de l’histoire et de la géographie tunisiennes, nomination d’un directeur indépendant, etc.) que la fondation estime avoir remplies. Ces études commencent au lycée Louis-Pasteur en septembre 2005. Le 10 mai 2007, patatras! Le lycée Pasteur reçoit un nouvelle lettre du ministère tunisien de l’Education:

 

    “Nous avons appris à travers des annonces publicitaires insérées par votre établissement dans les journaux quotidiens que vous inscriviez des élèves au baccalauréat en vue d’étudier selon le système de la mission culturelle française en Tunisie. Etonnés de cette initiative, nous vous demandons d’arrêter les inscriptions et d’annuler vos annonces en attendant de recevoir une autorisation définitive.”

 

S’il ne peut plus inscrire des élèves, le lycée Louis-Pasteur est condamné à la fermeture. Pétitions de 1000 parents d’élèves au Président tunisien Ben Ali, lettre au Président français Nicolas Sarkozy, rien n’y fait.

 

La fondation Bouebdelli s’insurge contre cette “décision arbitraire” et dénonce une tentative de spoliation et un abus de pouvoir du ministère de l’Education à la solde de la famille régnante Ben Ali.

 

Pourquoi? La Fondation Boubdelli explique: “Mme Souha Arafat, veuve de Yasser, et Mme Liela Ben Ali, épouse du Président, vont ouvrir en septembre prochain un établissement de même nature que notre lycée dans la banlieue nord de Tunis. Ce sera l’Ecole internationale de Carthage. Il fallait donc supprimer toute concurrence à cette nouvelle école, particulièrement celle de notre lycée de renommée, et récupérer élèves et corps enseignant qui, par bonheur, résistent jusqu’à ce jour.”

 

L’établissement Bouebdelli est situé sur un terrain de 6000 m2 dans le meilleur quartier d’affaires de Tunis. En 2004 déjà, le clan de Mme Ben Ali avait tenté d’obtenir sa fermeture, officiellement parce qu’il avait refusé d’inscrire une élève jugée insuffisante de la famille régnante.

 

La vague de protestations suscitée par cette première affaire avait fait reculer le régime. Il n’est pas certain qu’il en sera de même cette fois-ci. Depuis quelques années, le clan de la femme du Président impose sa loi avec toujours moins de retenue sur différents secteurs économiques de Tunisie.

 

(Source : « La Liberté » (Quotidien – Suisse), le 28 juin 2007)

 


 

 

 

Réponse de Me Afef Jlassi à Me Mokthar Yahyaoui.

 

 

En lisant votre réponse, je m’attendais, jusqu’à la dernière ligne, à y lire des excuses à l’équipe qui a voté pour ME TABIB et que vous avez qualifié d'”opportunistes calculateurs. ..” Il n’en était rien.

Vous vous trompez.

 

Vous affirmez avoir du respect pour ME TABIB. Vous ignorez probablement que les avocats qui ont voté pour lui et que vous vous permettez d’insulter sans demander pardon sont aussi respectables que lui.

 

Durant toute la campagne électorale, ils ont dû faire preuve de patience et de tolérance indicibles pour faire face aux accusations et insultes dont ils faisaient l’objet, ME TABIB en tête. A aucun moment, ils n’ont rompu le pacte d’honneur qu’ils avaient conclu entre eux et qui leur interdisait de riposter et de recourir, à leur tour, aux méthodes ignobles utilisées par certains autres candidats

et leurs équipes.

 

Votre insulte s’inscrira tout simplement dans cette lignée maudite des épreuves à l’issue desquelles nous sommes sortis indemnes, même plus forts, et sans perdre notre âme. J’espère que les jours

prochains vous montreront à quel point vous avez été injuste.

 

Confraternellement

 

(Source: Forum du stie www.chawkitabib.info , le 23 juillet 2007)


 

Visite d’Etat

Le Président Sarkozy effectuera une visite d’Etat en Tunisie au tout début de 2008. La commission mixte tuniso-française, qui se tiendra au mois de novembre prochain, planifiera l’agenda de cette visite.

 

Avocats

Les avocats ont des impayés de l’ordre de deux millions de dinars vis-à-vis des différentes instances de leur Ordre et des sections régionales.

 

(Source : « Réalités » (Magazine Hebdomadaire – Tunis), N° 1125 du 19 juillet 2007)


 

 

France-Algérie:

LE TRAQUENARD NUCLEAIRE DE M. SARKOZY

par Abdelkader Dehbi

 

Vers le milieu du siècle écoulé, Joseph Staline le maître de la toute puissante URSS d’alors, avait coutume, pour impressionner ses hôtes de marque, de faire mousser en leur présence, son Ministre du Commerce Extérieur, le fameux arménien Anastase Mikoyan en leur assurant: “Anastase est capable de vendre de la glace à des esquimaux !…..”

 

Eh bien, il semblerait qu’aujourd’hui, Monsieur Sarkozy veuille faire encore plus fort, vis-à-vis des manchots qu’il croit que nous sommes…. puisqu’il s’acharne à vouloir vendre à une Algérie riche en gaz naturel, une technologie électronucléaire lourde, coûteuse et d’un médiocre niveau de sécurité. Ceci, en contrepartie d’une prise d’option avantageuse pour la France, sur le gaz algérien. Un vrai pari de hussard ….

 

Car, pour le cas où les nouveaux stratèges bonimenteurs parisiens ne l’auraient pas pris en compte, le point de vue du citoyen algérien ordinaire sur cette question est fort simple, en tant qu’il est frappé au coin du bon sens. Ce point de vue se résume ainsi:

Notre pays est riche en gisements gaziers, avec 11.000 Milliards de m3 de réserves prouvées. Il a présentement devant lui, plus de 60 ans de réserves en gaz naturel, au rythme actuel de production – 80 Milliards de mètres cubes par an – dont 3/4 sont aujourd’hui exportés. Et l’on fait abstraction bien entendu ici, de futures découvertes éventuelles, mettant à jour de nouveaux gisements….

 

Pour satisfaire ses besoins de croissance qui induisent une forte demande d’énergie électrique, le bon sens commande à notre pays de continuer à opter pour la technologie des turbines à gaz, une technologie accessible sur le marché mondial, maîtrisable, propre, sûre et nettement moins coûteuse que la technologie électronucléaire avec un ratio de 1/5, puisqu’une centrale électronucléaire de 1.000 Mégawatts électriques coûte 3 Milliards d’Euros, tandis qu’une centrale de turbines à gaz de même capacité coûte 600 Millions d’Euros.

 

Mais au-delà même de considérations purement économiques, au demeurant essentielles, il y a le fait patent qu’aujourd’hui, dans le monde entier, le nucléaire civil se trouve à la croisée des chemins:

 

1 / les centrales actuelles dites de 2ème génération – généralement de type PWR et BWR – sont en fin de vie;

2 / les centrales de la 3ème génération qui représentent en fait, plus une évolution qu’une révolution par rapport aux précédentes, n’entreront en service que d’ici 5 – 10 ans. A ce jour, 2 commandes seulement sont en cours d’exécution: 1 pour la Finlande et 1 pour la France; les Allemands pourtant associés à la construction de ce type de centrale, par le truchement du consortium franco-allemand “AREVA” n’en veulent pas chez eux. Et pas seulement à cause des pressions du puissant lobby écologique outre-Rhin…..

3 / les centrales de la 4ème génération qui sont regardées par les spécialistes, comme la technologie nucléaire du 21ème siècle, ne sont pas encore sorties des cartons des bureaux d’études à travers le monde. Leur déploiement n’est prévu qu’à l’horizon de 2030, pour les prévisions les plus optimistes….Ces centrales du futur sont fondées sur des concepts révolutionnaires offrant en particulier tout un registre de verrous de sécurité empêchant la reproduction d’accidents dits “sévères”, pouvant entraîner la fusion du combustible nucléaire, comme ce fut le cas par exemple, avec la tragédie humaine et écologique que l’on sait, survenue en 1986 à Tchernobyl en Ukraine.

Si les futurs essais devaient s’avérer concluants, alors, – et alors seulement -, le nucléaire pourra faire un retour gagnant dans le domaine de la production de l’énergie.

 

Mais pour l’heure, nous en sommes encore bien loin et il est urgent pour l’Algérie d’attendre que les options technologiques du nucléaire futur soient définitivement arrêtées et concrètement éprouvées.

 

En refusant catégoriquement par conséquent, de se précipiter dans un véritable traquenard qui l’amènerait à devenir totalement dépendante du bon vouloir de la France, quand il s’agira du rechargement périodique – tous les 3 – 4 ans – de sa ou ses centrales, en combustible nucléaire, c’est-à-dire en Uranium enrichi. Avec en prime, une main sur la télécommande de désactivation installée à Paris, ainsi que s’en est publiquement vanté dans une conférence de presse, un M. Sarkozy qui se voyait déjà sans doute, en position de pouvoir un jour, plonger à distance l’Algérie dans l’obscurité, ce qui serait le comble des combles, avouez-le !

 

Notre pays serait donc bien inspiré de suivre le sage exemple de l’Allemagne et d’autre pays européens comme l’Italie ou l’Espagne, qui ont résolument écarté – au moins pour le moyen terme -, les technologies électronucléaires actuelles en optant pour les turbines à gaz. Ils sont d’ailleurs parmi les plus gros clients de l’Algérie. C’est assez dire que notre pays n’a vraiment aucun problème de débouchés pour son gaz comme le laisserait suggérer l’offre de partenariat faussement généreuse de M. Sarkozy; offre qui constitue un véritable marché de dupes et un piège mortel pour notre indépendance en matière de production d’énergie électrique.

 

Qui plus est, le gaz algérien demeurera attractif sur le marché mondial tant que ne prendra pas fin cette instabilité chronique au Proche et Moyen Orient, (Irak, Iran, Liban…etc) créée et entretenue par les Etats-Unis et certains de leurs alliés “va-t-en-guerre” européens – la France de M. Sarkozy l’ami affiché d’Israël, prenant apparemment la relève du Royaume-Uni de M. Blair. Une instabilité chronique faut-il le rappeler, dont l’objectif majeur est de maintenir par le fer et par le feu, la prédominance stratégique de l’Etat sioniste dans la région.

 

A toutes ces considérations, il y aurait lieu d’ajouter par ailleurs, le facteur de complexité que représente aujourd’hui, la région de l’Europe de l’Est et de l’Eurasie, en particulier l’imprévisibilité de la Russie gros fournisseur de gaz d’une Union Européenne qui s’élargit de plus en plus à l’Est, pour englober les anciens pays satellites.

 

Tout cela pour souligner avec force que l’Algérie n’a que l’embarras du choix pour pratiquer, comme qui dirait, une politique d’ “émigration choisie” pour son gaz…. “Charbonnier est maître chez lui”, dit le vieux proverbe…. Libre à M. Sarkozy d’appliquer en ce qui concerne son pays, son fameux concept “d’immigration choisie” qu’il ne cesse de proclamer.

 

Bien entendu l’Algérie aura l’impératif devoir, de mettre à profit cette longue période de gestation des orientations de la technologie électronucléaire pour former des scientifiques et des ingénieurs de haut standing, capables de prendre en charge notre développement futur dans le domaine de la maîtrise des sciences et des technologies nucléaires qui constituent la voie royale de la connaissance et du savoir faire.

 

Alors au nom de quelle aberration de l’esprit, au nom de quels “copinages douteux” voudrait-on pousser l’Algérie à se passer elle-même une corde autour du cou en acceptant un véritable contrat léonin, autant au plan juridique que moral ? Encore qu’il soit mal venu de parler de “morale” en politique…

 

C’est pourquoi on aimerait vivement conseiller aux nouveaux stratèges et autres “sherpas” d’importation, souvent des binationaux – franco-israéliens – qui battent aujourd’hui le haut du pavé dans les allées du pouvoir à Paris, de tirer les leçons de l’Histoire en cherchant à mieux connaître l’Algérie authentique. Or, cette Algérie-là on ne la découvre pas dans le tohu-bohu des conversations éméchées dans les cafés du commerce, les bistrots des gares ou les boîtes parisiennes “branchées” – y compris sur les R.G ….

 

On ne la découvre pas non plus, en puisant dans les fichiers de la Place Beauvau ou dans les Valises diplomatiques. Pas plus qu’on ne la découvre, en allant fouiller dans les poubelles du Figaro et autres feuilles de chou, traditionnellement racistes et colonialistes, montant régulièrement en épingle les moindres faits divers, comme récemment à propos des frasques parisiennes de tel chanteur de Raï passé de mode ou de tel autre guignol franco-algérien déraciné et accessoirement délinquant, pour conforter cette image stéréotypée et négative de l’algérien, répandue par la culture colonialiste des “pieds noirs” et autres nostalgiques de “l’Algérie de papa”.

 

L’Algérie authentique elle, on va à sa rencontre en visitant le pays profond, ou à tout le moins, en lisant son histoire vraie, dans la sérénité des bibliothèques et dans le silence des caves des Archives d’Etat. Cette Algérie-là – et au-delà d’une conjoncture socio politique aujourd’hui difficile -, demeurera éternelle, parce qu’elle a pour référents historiques et moraux, d’illustres héros et martyrs ayant nom d’Emir Abdelkader, d’El Mokrani, de Larbi Ben M’hidi, et de bien d’autres encore. Des noms prestigieux, universellement connus et reconnus, symbolisant la résistance à l’impérialisme, le rejet de la domination et le combat pour la dignité et la liberté. Serait-ce fortuit d’ailleurs, que l’Histoire a de tout temps désigné les habitants de nos régions de l’Atlas par le terme de “Amazighs”, c’est-à-dire les hommes libres?

 

.Aussi, le président français est courtoisement sommé, en arrivant à Alger, de se départir de cet air de condescendance, de cette morgue à peine voilée, qu’il affectionne tant, car cela n’impressionne pas grand monde. Et en tout cas pas les citoyens Algériens authentiques – et ils sont la majorité, Dieu merci – qui ont parfaitement conscience que leur pays n’est ni une sous-préfecture de Papouasie ni une collectivité des Dom-Tom, mais une Algérie libre et souveraine et qui entend fermement le demeurer, pour avoir mené la Guerre d’Indépendance la plus longue et la plus marquante de l’Histoire de la décolonisation – avec un tribut de plus d’un million de morts. Sans compter un autre million de morts au minimum, que représentent les victimes des crimes de la colonisation. Des crimes de la colonisation que l’Etat français – faut-il le rappeler – , persiste à refuser de reconnaître.

 

C’est pourquoi l’on se prend à se demander en fin de compte, de quoi parle-t-on quand on évoque ici ou là, la signature d’un Traité d’Amitié et de Coopération entre nos deux pays ou encore tel projet fumeux d’union méditerranéenne, quand la mémoire de tout un peuple reste encore suspendue à un tel acte de reconnaissance de la part de l’Etat français.

 

(Source: le blog de Abdelkader Dehbi, le 7 juillet 2007)

Lien : http://abdelkader.blogs.nouvelobs.com/

 

 


 

 

DOSSIER : LE TRIOMPHE DE L’AKP EN TURQUIE..

 

 

Turquie-Après son triomphe électoral, l’AKP doit relever le défi

Reuters, le 23 juillet 2007 à 04h14

par Paul de Bendern

 

ANKARA, 23 juillet (Reuters) – Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan, fort d’un nouveau triomphe électoral, a promis qu’il persévererait sur la voie des réformes pour faire de son pays, laïc et musulman, une démocratie moderne comparable à ses voisins européens.

Son Parti de la justice et du développement (AKP) a vu son score progresser lors des élections législatives de dimanche malgré la féroce campagne de l’opposition, qui a dépeint cette formation issue de l’islamisme comme un agent de l’instauration, en Turquie, d’une théocratie à l’iranienne.

Les résultats représentent un triomphe personnel pour Erdogan, un personnage controversé mais aussi extrêmement populaire. Il avait choisi l’option des élections anticipées après que les élites laïques, dont des généraux, eurent refusé le candidat, issu de l’islamisme comme lui, qu’il avait proposé pour la présidence.

Après dépouillement la quasi-totalité des suffrages, des résultats non officiels attribuent 47% à l’AKP, soit 13 points de plus qu’en 2002. Quant à l’opposition, plus unie, elle décrocherait 339 sièges sur les 550 que compte le parlement, soit un peu moins qu’aujourd’hui. “C’est la première fois en 52 ans qu’un parti au pouvoir accroît ses suffrages pour remporter un second mandat”, a déclaré Erdogan à des milliers de partisans en liesse devant le nouveau QG de son parti, à Ankara, où des feux d’artifice ont illuminé le ciel.

“Nous continuerons à travailler avec détermination pour atteindre notre objectif auprès de l’Union européenne”, a-t-il ajouté. “Nous allons poursuivre les réformes démocratiques, le développement économique va continuer.”

Deux autres formations, le CHP de centre gauche et le MHP ultranationaliste, entrent au parlement avec, respectivement, 111 et 73 sièges environ.

 

CONTINUITÉ ÉCONOMIQUE

 

Outre les trois poids lourds de la vie politique turque, une vingtaine de députés indépendants, pour la plupart des militants pro-kurdes, devraient accéder à l’assemblée (550 sièges), situation inédite en Turquie depuis le début des années 1990.

La victoire confortable de l’AKP constitue un triomphe moral pour Erdogan, dont la décision d’organiser des élections anticipées avait été dictée par la désapprobation de sa politique par l’élite laïque turque, en particulier l’armée.

“La stabilité de la Turquie va perdurer”, a déclaré à Reuters un responsable de l’AKP fraîchement réélu. Les Turcs avaient le choix entre l’AKP, qui tablait sur ses bons résultats économiques, et ses rivaux nationalistes déterminés à maintenir l’islam dans la sphère privée.

Les opposants d’Erdogan lui reprochaient notamment d’avoir voulu placer à la présidence du pays l’ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, islamiste comme lui. Les laïques accusent l’AKP de vouloir supprimer la stricte séparation entre la religion et l’Etat héritée de la tradition kémaliste, mais cet argument ne semble pas avoir été entendu par les électeurs turcs, optant pour la stabilité et l’économie.

“La polémique qui a opposé les islamistes et les laïques ne s’est pas matérialisée dans les urnes”, a déclaré à Reuters un éditorialiste du quotidien libéral de Milliyet, Sami Kohen. “Le message envoyé par les électeurs est qu’ils sont satisfaits de la politique économique d’Erdogan et de ses positions vis-à-vis de l’Union européenne”, a-t-il ajouté. Erdogan, qui se défend de tout programme islamiste,

recueille en effet les dividendes d’une forte croissance économique, de l’amélioration du niveau de vie et d’une baisse de l’inflation durant son premier mandat.

Il a promis davantage de réformes économiques, sociales et politiques pour faciliter l’adhésion à l’Union européenne, en dépit de l’incertitude sur l’issue des négociations. “Le programme économique et les réformes structurelles vont se poursuivre de la même manière”, a déclaré à Reuters le ministre des Finances, Kemal Unakitan.

“C’est le meilleur scénario possible parce qu’il y a une solide majorité mais pas trop forte en même temps, donc elle devra faire des compromis”, estime Wolfango Picolli, un spécialiste de la Turquie.

 

REUTERS


 

Frattini (UE) se félicite du résultat “équilibré” des élections en Turquie

AFP, le 23 juillet 2007 à 09h09

 

ROME, 23 juil 2007 (AFP) – Le vice-président de la Commission européenne Franco Frattini se félicite lundi dans la presse italienne du résultat “équilibré” des élections en Turquie qui écarte “le risque d’une dérive extrémiste”.

Interrogé à Bruxelles par La Repubblica et La Stampa, M. Frattini estime également que l’Union européenne doit donner acte au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, dont le parti (AKP, issu de la mouvance islamiste) a gagné les élections législatives de dimanche, des pas faits par son pays vers l’Europe. “La première réaction à chaud est que le risque d’une dérive extrémiste a été conjuré”, déclare-t-il dans La Repubblica. “Ce résultat semble donner un bon équilibre au  pays”, ajoute-t-il, car il n’y  pas eu de “plébiscite” en faveur d’Erdogan et celui-ci devra donc “continuer à tenir compte de la minorité laïque attentive aux raisons du droit et à la lutte contre le fondamentalisme”.

Le commissaire européen (justice, immigration, libertés) considère également que “pendant ces années au gouvernement, Erdogan a fait faire à la Turquie des pas très importants vers l’Europe, aussi bien du point de vue politique qu’économique”. “Il est juste que ce soit lui qui poursuive ce rapprochement”, ajoute-t-il. “Nous devrons aider Erdogan” sur cette voie “sans exclure à priori une issue positive des négociations pour l’adhésion à l’UE”, déclare M. Frattini, en évoquant notamment “différents domaines relatifs aux droits de l’homme comme la liberté de la presse et le rôle de la femme”, ainsi que “la capacité de s’ouvrir aux

investissements”.

Dans La Stampa, le commissaire européen évoque également “le pragmatisme” de M. Erdogan. “Il ira de l’avant sur les réformes parce que c’est le mandat que le peuple turc lui a confirmé”, assure-t-il.

 

AFP

 


 

Turquie: l’immixtion de l’armée dans la crise a favorisé l’AKP (presse turque)

 AFP, le 23 juillet 2007 à 09h43

 

ANKARA, 23 juil 2007 (AFP) – Les journaux turcs de lundi ont qualifié de réaction “démocratique” des électeurs à l’immixtion de l’armée dans la sphère politique le triomphe électoral du Parti de la justice et du développement (AKP) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

“Le mémorandum du peuple”, titre en “Une” le quotidien à grand tirage Sabah, dans une allusion à ce qui avait été baptisé le “mémorandum de l’armée”, lorsque l’état-major avait menacé le gouvernement d’une intervention s’il ne faisait pas respecter le principe de laïcité, alimentant une crise politique qui a débouché sur les élections anticipées de dimanche.

“La nation a eu le dernier mot”, affirme pour sa part le journal islamiste modéré Zaman. L’AKP, issu de la mouvance islamiste, a obtenu dimanche 46,8% des voix après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, selon les derniers résultats publiés lundi matin par la chaîne de télévision CNN-Türk.

“S’il n’y avait pas eu de mémorandum (des militaires), s’il n’y avait pas eu d’intervention extérieure dans la politique (…), l’AKP n’aurait pas obtenu 47%”, écrit Ismet Berkan, du quotidien libéral Radikal.

“Les gens n’aiment pas les gouvernements qui se querellent avec les soldats, mais ils n’aiment pas non plus l’intervention des militaires”, renchérit le journal à grand tirage Hürriyet. Titrant en “Une” sur “La troisième révolution populaire”, le quotidien Aksam (populaire) souligne que l’AKP a obtenu le troisième score le plus élevé depuis l’introduction du multipartisme en 1946.

Il est aussi, en 50 ans, le deuxième parti au pouvoir à voir son résultat électoral progresser à l’occasion d’un nouveau scrutin. Les résultats montrent que l’armée “doit totalement cesser d’intervenir dans la politique turque”, commente le rédacteur en chef d’Aksam, Serdar Turgut.

“La réponse du peuple est un défi aux dizaines de scénarios de crise, aux politiques de la tension, aux injonctions qui ont précédé les élections”, conclut le chroniqueur Ibrahim Karagül, du quotidien pro-gouvernemental Yeni Safak.

 

AFP

 

 


 

Victoire “écrasante” d’Erdogan et “gifle” aux généraux (presse grecque)

 AFP, le 23 juillet 2007 à 10h20

ATHENES, 23 juil 2007 (AFP) – La presse grecque a souligné lundi en Une la “victoire écrasante” du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan aux élections turques, et la “gifle” donnée aux militaires. “L’autonomie pour Erdogan, la gifle pour les généraux”, titre Ta Nea (gauche, opposition). Dans son éditorial le journal estime que “la nouvelle scène politique turque cache des pièges qui demandent une adaptation de notre politique”.

“Il est clair que pour la Turquie et les relations gréco-turques, la situation est maintenant entièrement différente. Pour voir si elle est meilleure, il faudra attendre les premiers gestes du puissant Erdogan”, ajoute Ta Nea. Eleftherotypia (gauche indépendant) titre sur la “Giffle à l’armée et à l’establisment kémaliste”. Le quotidien estime dans son éditorial intitulé “Ni voile, ni tank” que Recep Tayyip Erdogan “est conduit au compromis pour garder les équilibres et éviter l’intervention violente des kémalistes. Il aura dans cette voie le soutien de l’Union européenne pour que la Turquie s’adapte à l’acquis européen”.

Ethnos (gauche populaire) souligne aussi la “victoire écrasante de Erdogan, à l’ombre des Loups Gris (le mouvement de jeunesse du parti nationaliste MHP)”. “Le nouveau gouvernement est appelé maintenant à trouver des équilibres délicats avec les généraux, les kémalistes et Washington”, estime le quotidien. Sous le titre “grande victoire avec des zones grises”, Elefthéros Typos (droite) souligne que “le Premier ministre turc est le premier qui s’est opposé au kémalisme et qui a gagné, du moins jusqu’à maintenant”.

Le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) de M. Erdogan, issu de la mouvance islamiste, a obtenu 46,4% des voix aux législatives de dimanche, ce qui lui donne 340 des 550 sièges du Parlement.

 

AFP


 

 

 

Turquie : la presse européenne relativise la portée de la victoire d’Erdogan

 AFP, le 23 juillet 2007 à 12h08

BRUXELLES, 23 juil 2007 (AFP) – La presse européenne relativisait la portée du succès aux législatives de dimanche en Turquie des islamistes modérés, qui, souligne-t-elle, auront du mal à débloquer la crise institutionnelle liée à la désignation d’un nouveau président.

Car si le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se voit “plébiscité” à l’issue de cette “écrasante victoire”, son parti, l’AKP, “n’obtient finalement pas la majorité des 2/3 à l’assemblée

nécessaire à une complète domination”, commente ainsi Le Soir, dans son édition de lundi.

Conséquence, poursuit le quotidien belge, le chef du gouvernement turc pourrait être contraint de “mettre de l’eau dans son vin” et de “proposer un candidat” à la présidence de la République “acceptable aux yeux d’une partie de l’opposition”.

“Erdogan serait bien avisé (…) de choisir un candidat de compromis pour le poste de président”, les élections ayant permis une “clarification en Turquie, mais pas une fin de la crise”, renchérit, en Autriche, Salzburger Nachrichten.

Un constat que fait également le journal espagnol ABC pour lequel, certes, “la société turque s’est exprimée avec clarté”, mais le parti du Premier ministre turc n’est pas parvenu à obtenir “le grand ouragan électoral” souhaité pour débloquer la crise institutionnelle.

Tandis que son compatriote El Mundo, qui n’hésite pas à parler de “tremblement de terre électoral” en raison de la large avance de l’AKP sur son principal adversaire, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), juge que l’entrée en force des nationalistes du MHP (Parti de l’action nationaliste) fait du nouveau parlement une “bombe à retardement”.

Son de cloche similaire en Italie, où La Stampa et le Corriere della Sera, s’ils titrent tous les deux sur “le triomphe de l’islam modéré” et s’ils se félicitent des engagements de M. Erdogan à “respecter la laïcité et la démocratie”, s’inquiètent du poids de la droite nationaliste.

“Le gouvernement devra faire preuve d’autodiscipline et de tact” pour ne pas susciter les foudres de l’armée, avertit pour sa part, leur confrère autrichien Kurier, et ce malgré le “non clair aux militaires” qu’évoque le journal néerlandais De Volkskrant. “Ces résultats ne devraient pas mettre fin au bras de fer entre l’AKP et l’armée”, met aussi en garde en France, Le Figaro, avant de relever que les militaires “n’ont sans doute pas dit leur dernier mot”.

Conclusion du grec Eleftherotypia, selon lequel, bien que les législatives aient infligé une “giffle à l’armée et à l’establisment kémaliste”, le chef du gouvernement turc “est conduit au compromis pour maintenir les équilibres”.

La nature même de l’AKP continue parallèlement de susciter des interrogations dans certains journaux, le tchèque Lidove Noviny, notamment, se demandant si “une démocratie islamique normale va maintenant s’installer, qui ressemblerait en principe à celle chrétienne telle que nous la connaissons en Europe”. “Quand le Parti

Populaire gagne en Espagne ou la CDU en Allemagne, personne n’agite le spectre de rétablissement de l’inquisition. Mais quand l’AKP s’impose en Turquie, une incertitude résonne”, ajoute-t-il. Reste que M. Erdogan a obtenu un “signal clair” des électeurs pour aller de l’avant dans son rapprochement avec l’Union européenne, note le quotidien allemand Der Tagesspiegel. Le journal italien La Repubblica insiste à cet égard sur l’importance pour l’UE d’éviter à la Turquie les “humiliations gratuites” et les positions fermées sur la question de l’adhésion à l’Union européenne.


 

 

Euphorie dans les milieux d’affaires turcs après la victoire de l’AKP

AFP, le 23 juillet 2007 à 13h16

Par Nicolas CHEVIRON

 

ISTANBUL, 23 juil 2007 (AFP) – La victoire du Parti de la justice et du développement (AKP) aux législatives turques a fait souffler lundi un vent d’euphorie sur les marchés et dans les milieux économiques. L’indice IMKB-100 des cent valeurs vedettes de la Bourse d’Istanbul a gagné  2.030,85 points (+3,84%) dès son ouverture lundi, à 54.966,60 points, par rapport à la clôture vendredi soir, et a brièvement atteint un plus haut historique peu après, à 55.058,80 points. Il s’est ensuite stabilisé à 54.424,65 points à la mi-journée, en hausse de 1.488,90 points (+2,81%) par rapport à vendredi. Après avoir recueilli dimanche 46,4% des voix (340 députés), selon des résultats officieux, l’AKP, au pouvoir depuis novembre 2002, est assuré de pouvoir constituer seul le prochain gouvernement.

Les acteurs financiers et les investisseurs s’attendaient à la victoire de l’AKP, une perspective déjà anticipée par la Bourse d’Istanbul avec une progression de 1,63% la semaine dernière et de 4,39% la semaine précédente, ponctuée par plusieurs records. “Ce résultat (électoral) était attendu. Il est positif pour les marchés car nous allons avoir un gouvernement formé d’un seul parti, l’AKP, qui sera en mesure de poursuivre les réformes économiques qu’il avait entamées”, a déclaré à l’AFP Haluk Burmumçekçi, analyste en chef de la banque Fortis.

Sous la précédente législature AKP, l’inflation annuelle est passée en Turquie de 29,7% en 2002 à 9,65% en 2006, la croissance s’est maintenue à un taux moyen de 7% par an entre 2003 et 2006, le

déficit budgétaire a été réduit à 0,7% en 2006.

Les investissements directs étrangers, qui stagnaient à 1,1 milliard de dollars jusqu’en 2002, ont atteint 20 milliards de dollars en 2006, tandis que la dette publique passait de 78% à 45% du produit national brut entre 2002 et 2006. Selon M. Burmumçekçi, le fait que l’AKP n’ait pas réussi à obtenir les deux tiers des 550 sièges requis au Parlement pour réviser la Constitution ou élire seul le président de la République

est aussi un gage de stabilité : “c’est un soulagement pour les marchés parce qu’ils (les dirigeants de l’AKP) vont devoir chercher un compromis pour l’élection du président”, a-t-il commenté.

Issu de la mouvance islamiste, l’AKP, qui se définit désormais comme conservateur et démocrate, est accusé par les milieux laïques de vouloir islamiser la société turque en catimini. Ces milieux se sont vivement opposés en avril à la candidature à la présidence du chef de la diplomatie Abdullah Gül, estimant qu’elle entraînerait une mainmise islamiste sur les institutions, et sont parvenus à faire annuler l’élection, entraînant une grave crise politique.

De nombreux analystes craignaient qu’un AKP trop puissant cherche à passer outre la contestation des milieux laïques, dont l’influente armée, provoquant une nouvelle période d’instabilité. “Le fait que le pays ait à nouveau choisi la stabilité permet d’envisager un avenir apaisé dans le domaine économique”, a jugé Hüseyin Üzülmez, le vice-président de l’Union des Chambres de commerce et des Bourses de Turquie, cité par l’agence Anatolie. Parmi les réformes attendues par les milieux économiques, figurent celles de la sécurité sociale, de la fiscalité ainsi que la décentralisation administrative.

Ce climat d’optimisme pourrait s’installer durablement à la Bourse d’Istanbul, prédit Murat Salar, le vice-directeur de la banque d’investissement A Yatirim. “La Bourse peut atteindre 60.000 points. La tendance principale est à la hausse, on va assister à une anticipation positive”, a-t-il déclaré à l’agence Anatolie. 

 


 

L’ampleur de sa victoire pousse l’AKP au centre de l’échiquier politique

AFP, le 23 juillet 2007 à 14h52

Par Hande CULPAN

 

ANKARA, 23 juil 2007 (AFP) – Avec sa victoire écrasante dimanche aux élections législatives turques, le Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, a réussi à s’imposer comme le principal parti de centre-droit, estimaient lundi les analystes.

En obtenant 46,4% des suffrages, un résultat sans équivalent en Turquie depuis 1969, l’AKP du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a accru de plus de 12 points son score par rapport aux élections qui

l’avaient porté au pouvoir en 2002.

Ce triomphe, qui lui réserve 340 des 550 sièges du Parlement, a été remporté en dépit d’une virulente campagne des milieux pro-laïques l’accusant de vouloir islamiser subrepticement la société turque.

“En fait d’islamisation, nous avons vu un parti aux racines islamistes se repositionner dans la tradition de la droite démocratique”, commente Nilüfer Göle, une sociologue spécialiste des mouvements islamistes.

“C’est un succès pour le système parlementaire pluraliste de la Turquie. Cela pourrait bien être un exemple d’évolution d’un mouvement islamiste radical”, ajoute-t-elle.

Pour Jean Marcou, chercheur à l’Institut d’études anatoliennes à Istanbul, l’AKP est parvenu à s’extraire de sa base électorale d’origine, islamiste, pour atteindre un public plus large. “L’AKP a des origines idéologiques anti-système puisqu’il est issu de la mouvance islamique mais il est entré dans le système politique”, explique-t-il.

La presse turque attribuait aussi le succès de l’AKP au refus des électeurs de voir s’ingérer dans la politique les militaires qui ont menacé d’intervenir en avril lorsque M. Erdogan a voulu faire élire son chef de la diplomatie Abdullah Gül à la présidence. “La première leçon tirée des urnes est que le peuple a maintenu son choix démocratique”, estimait lundi le quotidien Milliyet. “La nation a eu le dernier mot”, commentait le journal islamiste modéré Zaman.

M. Erdogan est devenu une figure majeure de la politique turque après son élection en 1994, sous les couleurs d’un parti islamiste radical, à la mairie d’Istanbul, où il s’est fait connaître par des règlements interdisant la vente d’alcool dans les cafés municipaux, mais aussi par l’efficacité de sa gestion.

Il a passé quatre mois en prison pour avoir récité au cours d’un meeting un poème aux connotations islamistes. Le politicien, âgé aujourd’hui de 53 ans, a donné en 2001 un tournant à sa carrière en fondant l’AKP – une formation se définissant comme conservatrice et démocrate, sans connotation religieuse– avec les dissidents modernistes d’un parti islamiste dissous.

Depuis son accession au pouvoir en 2002, le gouvernement de l’AKP a gagné la confiance des milieux d’affaires en relevant l’économie turque, frappée en 2001 par une des pires crises de son histoire, et en obtenant en 2005 le lancement de négociations d’adhésion à l’Union européenne (UE).

Il a également élargi sa base électorale populaire en facilitant l’accès aux soins médicaux, en construisant des logement pour les plus démunis et en fournissant gratuitement des manuels scolaires. “L’AKP embrasse toutes les couches de la société. Les patrons votent pour l’AKP, mais aussi leurs ouvriers”, estime l’analyste politique Fatih Altayli.

On est loin de l’électorat rural et dévot qui soutenait dans le passé les partis islamistes.

“Depuis les années 1950, les gens votent pour le changement et le renouveau, pas pour le statu quo. Il n’y a rien de plus à dire au vu des résultats de l’AKP durant les cinq dernières années”, commente Hikmet Cetin, un ancien président social-démocrate de l’Assemblée nationale.

 

 


 

 

Turquie – Nouveaux défis pour Erdogan après son triomphe

Reuters, le 23 juillet 2007 à 16h26

par Paul de Bendern

 

ANKARA, 23 juillet (Reuters) – Si Tayyip Erdogan était fondé à savourer lundi le triomphe électoral incontestable de son parti AKP, qui conserve la majorité absolue au parlement turc avec près de 47% des suffrages, de sérieux et pressants défis attendent le Premier ministre islamo-conservateur.

En premier lieu, il devra faire élire un candidat consensuel à la présidence de la République, où la coalition des partis laïques du parlement sortant, encouragée par la puissante armée turque, a empêché cette année l’élection du ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, jugé trop proche des islamistes.

Erdogan a déclaré lundi, lors d’une conférence de presse, qu’il allait discuter avec Gül de cette question de la candidature AKP à la présidence, ajoutant que selon lui la controverse pourrait être réglée sans tension.

Il lui faudra ensuite juguler la violence séparatiste kurde qui amène les nationalistes de gauche comme de droite, qui disposent respectivement de 112 et 71 sièges sur les 550 que compte le parlement, à réclamer que l’armée aille éradiquer les bases arrière de la guérilla du PKK en territoire irakien.

En troisième lieu, Erdogan devra poursuivre son parcours du combattant pour rapprocher la Turquie des critères exigés par l’Union européenne pour son adhésion, à contre-courant des pressions en sens inverse des nationalistes des deux bords dont l’hostilité à l’Europe se développe.

La reconduction dans un fauteuil d’Erdogan au terme d’une législature complète – cas de figure inédit en Turquie – est pour lui une victoire personnelle et un revers pour les partis laïques ainsi que pour le tout puissant état-major, qui dénonce l’AKP comme une machine de guerre contre la laïcité de l’Etat.

L’armée, qui se veut la gardienne sourcilleuse de cet héritage kémaliste, avait fait en sorte de dissuader Erdogan de se présenter à la présidence de la République, en remplacement d’Ahmed Necdet Sezer, un laïque farouche dont le mandat a expiré cette année.

 

PAS DE CARTE BLANCHE

 

Après l’échec de son bras droit Gül, dû à des manoeuvres d’obstruction au sein du parlement sortant, la question va encore se poser sous peu, mais peut-être sous une forme différente, l’AKP ayant réussi à capter une partie libérale de l’électorat qui n’affiche aucun islamisme agressif. “Le danger immédiat, c’est de ne pas parvenir à un accord sur la présidence” au sein du nouveau parlement, auquel revient le choix du futur chef de l’Etat, souligne Erdal Saglam, éditorialiste au grand quotidien Hurriyet.

En dépit de son pourcentage de voix accru, l’AKP dispose d’un moindre nombre de sièges dans le nouveau parlement – 450 sur 550 -, suffisamment pour former seul un gouvernement mais pas pour considérer qu’il dispose d’une carte blanche pour remettre en cause la separation de l’Etat et de la religion. L’AKP, qui aime à se comparer à une version islamique des chrétiens démocrates allemands, devrait en fait se recentrer encore sur l’échiquier politique en raison de l’électorat qu’il y a  conquis, laissant entrevoir un compromis sur la présidence. “Je crois qu’on obtiendra l’accord nécesssaire sur la présidence. Je ne crois pas qu’un parti quelconque cherchera à faire blocage”, a prédit le député de l’AKP Ahmed Iyimaya.

Quant au rapprochement avec l’UE, que le commissaire à l’Elargissement Olli Rehn a pressé lundi Erdogan de confirmer en se pliant aux conditions économiques et démocratiques posées, le Premier ministre s’est engagé à le poursuivre avec détermination malgré la désillusion d’une partie croissante de ses concitoyens.

Le commissaire européen à la Justice et à la Sécurité, Franco Frattini, a estimé que la Turquie avait encore du travail à faire, en prenant mieux en compte les droits des minorités, malgré l’hostilité des nationalistes envers les revendications kurdes, et en combattant le fondamentalisme, dont la base de l’AKP est issue.

 


 

 

 

Douche froide pour le parti pro-laïc, la direction appelée à démissionner

AFP, le 23 juillet 2007 à 11h58

Par Burak AKINCI

 

ANKARA, 23 juil 2007 (AFP) – Le CHP, principal parti d’opposition social-démocrate en Turquie, a raté l’occasion aux législatives de dimanche de transformer en voix l’énorme mobilisation du camp laïc militant, estiment les analystes lundi.

Selon les résultats non officiels du scrutin, le CHP –créé en 1923 par Mustafa Kemal Ataturk, le fondateur de la Turquie moderne– a obtenu 20,8% des voix, loin derrière le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir, qui recueille 46,4% des suffrages, 12% de plus qu’au précédent scrutin de 2002.

Même si le CHP a amélioré légèrement son score des précédentes législatives (19,4%), la victoire écrasante du parti du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan ne laisse aucune marge de triomphe pour le CHP.

L’ambiance était d’ailleurs très morose dimanche soir devant le siège du CHP à Ankara où des échauffourées ont éclaté entre des partisans fidèles à son chef Deniz Baykal et ceux réclamant sa démission alors que le secrétaire général, Önder Sav, commentait les résultats devant les caméras de télévision.

“Nous n’avons pas perdu l’élection. A mon avis, nous n’avons pas remporté l’élection”, a indiqué M. Sav, mais ses propos ne semblent convaincre personne.

Les commentateurs de presse étaient quasiment unanimes à exhorter M. Baykal (70 ans) et ses collaborateurs à démissionner après avoir perdu quatre élections d’affilée depuis 1995.

“C’est la fin de Baykal. Il doit partir”, lançait sèchement un éditorialiste du journal Vatan qui accuse cette figure politique marquante et controversée de la gauche depuis près de 40 ans et son

“Politburo”, clan d’hommes de confiance, de n’avoir su apporter aucune solution aux problèmes de la Turquie, se contentant seulement de se manifester comme le porte étendard des principes séculiers. M. Baykal n’avait fait aucune déclaration lundi en début d’après-midi.

Pourtant, tout laissait croire que le CHP capitaliserait sur les manifestations monstres des laïcs organisées en avril et mai en Turquie lors de l’élection présidentielle au Parlement où l’AKP voulait faire élire son candidat, le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül, ex-figure de la mouvance islamiste dont la femme est voilée.

“Le CHP n’a pas réussi à se muer d’une tradition républicaine et étatique en un parti démocratique. Il n’a pas pu répondre aux demandes de modernisation de la société”, commente la sociologue Nilüfer Göle.

Le CHP était considéré par de nombreux représentants de la société laïque, civile et militaire, comme la seule alternative crédible à la montée en puissance de l’AKP, accusé de vouloir islamiser la société turque.

“Le CHP a essayé de nous acculer avec un argumentaire nationaliste mais cela se retourne aujourd’hui contre lui. Deniz Baykal s’est tiré une balle dans le pied”, affirme Ertugrul Günay, un transfuge du CHP –dont il a été le secrétaire général–, élu à sur la rive asiatique d’Istanbul sous les couleurs de l’AKP.

Le discours de plus en plus nationaliste de M. Baykal à l’égard de la communauté kurde, des minorités non-musulmanes et de l’Union européenne lui a valu de fortes critiques de la part des intellectuels de gauche qui n’ont pas hésité à traiter son mouvement de “fasciste”.

“Le plus grand perdant des élections c’est le CHP. Cette cuisante défaite appartient en premier lieu à Deniz Baykal”, souligne ainsi Hasan Bülent Kahraman dans dans le journal à gros tirage Sabah, critiquant le CHP pour s’être éloigné des valeurs de la gauche et de manquer purement et simplement d’idéologie. 

 


 

 

 

Edito du Monde

La victoire d’Erdogan

 

La Turquie progresse et se normalise. Un signe ne trompe pas : pour la première fois dans ce pays, les sondages publiés avant les élections législatives du 22 juillet avaient vu juste, avec la victoire annoncée du Parti de la justice et du développement (AKP) du premier ministre Recep Tayyip Erdogan. La vie politique turque est devenue prévisible.

 

Contrairement aux peurs des élites laïques du pays, la nette victoire de l’AKP “ex-islamiste” ne signifie pas qu’il aura les mains libres pour appliquer un quelconque “agenda islamiste caché”. D’abord parce que l’AKP s’est encore recentré durant la campagne électorale. Ensuite parce qu’il n’atteint pas seul le seuil des deux tiers des sièges nécessaires pour élire le président de la République. M. Erdogan aura une raison pour résister à sa base, qui veut voir à ce poste un “homme pieux”, le ministre des affaires étrangères, Abdullah Gül, et non un président de compromis agréé par l’armée, gardienne du kémalisme et de la laïcité.

 

Bien sûr, le chef de l’AKP a mené campagne sur le thème de la revanche à prendre après “l’humiliation infligée au peuple” par l’armée. Cette armée qui a bloqué l’élection de M. Gül en raison du foulard porté par son épouse – à l’instar de plus de 60 % des femmes du pays. Mais, dès les résultats connus, M. Erdogan a tenu un discours conciliant, promettant stabilité, sécurité et respect des “différences”. Il s’est bien gardé de répondre à la foule qui scandait le nom de M.Gül, gardant le silence sur la question de la présidence.

 

La nette victoire de l’AKP permet aussi de tenir en lisière au Parlement les “Loups gris”, ultranationalistes du Parti du mouvement national (MHP). Et si les nationalistes kurdes du Parti de la société démocratique (DTP), proches du PKK, séparatiste, font leur entrée dans l’enceinte parlementaire, ils n’ont guère prétexte à pavoiser : les 42 % de voix de l’AKP dans la”capitale” kurde, Diyarbakir, montrent que la population, lasse du conflit, veut la stabilité. Ces résultats devraient renforcer M. Erdogan dans son opposition à toute aventure militaire dans le nord de l’Irak, un scénario prôné par des généraux et la plupart des médias turcs au point d’apparaître inévitable.

 

M. Erdogan a par ailleurs clairement annoncé “la poursuite du chemin européen” de la Turquie. Au sein de l’Union européenne, les opposants aux négociations avec la Turquie, à défaut d’un soutien à l’adhésion, devraient au moins mettre en sourdine leurs déclarations de rejet. Les Turcs, de plus en plus sceptiques envers l’Europe, ont voté pour le parti le plus pro-européen du pays. Que l’AKP soit un mouvement “ex-islamiste” ou “islamo-conservateur” peut déplaire au sein de l’UE, mais la volonté de réformes et d’avancées démocratiques des Turcs doit être respectée.

 

(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 24 juillet 2007)


 

 

En Turquie, la victoire électorale de l’AKP renforce M. Erdogan

Guillaume Perrier

 

Un groupe de jeunes filles voilées survoltées se déhanche sur des harangues de Recep Tayyip Erdogan rythmées par une musique techno. Le drapeau turc dans une main, celui de l’AKP (Parti de la justice et du développement) frappé de l’ampoule, son symbole, dans l’autre, Ahmet Bulus se laisse emporter par l’euphorie ambiante. “Je suis très heureux. Malgré les manifestations de l’opposition, qui voulait faire croire que le régime était en danger, la Turquie a montré qu’elle souhaitait la continuité”, exulte cet étudiant en gestion.

 

 Comme quelques centaines d’autres supporters, il est venu célébrer dans la liesse, dimanche soir 22juillet, devant le siège stambouliote du parti, l’écrasante victoire aux élections législatives des ex-islamistes de l’AKP. Ceux-ci recueillent, selon des résultats encore non officiels, 46,6% des voix, et obtiennent une confortable majorité des sièges au Parlement : 341 sur 550. Un chiffre renforcé par la forte mobilisation des électeurs, la participation dépassant les 80%.

 

Le score de l’AKP sonne comme un plébiscite pour Recep Tayyip Erdogan. Le premier ministre avait mis dans la balance, mardi, son retrait de la vie politique en cas de défaite.

 

Mais dimanche soir, à Ankara, devant quelques milliers de fidèles scandant “La Turquie est fière de toi !”, M. Erdogan pouvait savourer son triomphe. “C’est votre démocratie qui est sortie renforcée, a-t-il lancé. Ces résultats font porter encore plus de responsabilités sur nos épaules. Nous allons continuer à travailler pour atteindre notre objectif­: une Turquie puissante et prospère. Et l’adhésion à l’Union européenne.”

 

Jamais un parti sortant n’avait été réélu avec une telle marge sur ses adversaires. Le score de l’AKP, en hausse de 13 points par rapport à 2002, progresse dans toutes les régions, de la très laïque Izmir aux confins du Sud-Est. Sa base électorale, populaire et conservatrice, s’est considérablement élargie. Les milieux d’affaires ou encore les communautés chrétiennes ont soutenu à mots couverts le parti sortant.

 

“C’est la première fois que des chrétiens votent pour des soi-disant islamistes”, note Raffi Hermonn, vice-président de l’association des droits de l’homme et d’origine arménienne, qui veut désormais croire à une normalisation des rapports entre les minorités non-musulmanes et l’Etat.

 

“C’est une grande victoire pour l’AKP, analyse Ahmet Insel, professeur à l’université Galatasaray. Elle est pour moitié de leur fait­: ils ont réussi à attirer des sociaux-démocrates et des gens du centre-droit. Et pour moitié du fait de l’échec de la stratégie de déstabilisation menée par les militaires et la bureaucratie pour créer un sentiment de peur et coaguler les votes autour du CHP. Ces résultats montrent qu’il y a en Turquie un réflexe démocratique, car c’est le parti le plus proche des positions civiles qui a gagné.”

 

“L’ARMÉE N’OSERA PLUS INTERVENIR”

 

De son côté, le camp kémaliste, qui nourrissait de grands espoirs, est déconfit. Le CHP (Parti républicain du peuple), parti de l’appareil étatique fondé par Mustafa Kemal, n’est pas parvenu à rassembler au-delà de son électorat traditionnel, avec 20,85 % des voix. Et les manifestations antigouvernementales qui ont germé au printemps dans les grandes villes turques ne semblent pas avoir eu d’effet dans les urnes, signe que les électeurs n’ont pas jugé sérieuses les craintes d’une islamisation du pays et d’une remise en cause de la laïcité par le parti au pouvoir.

 

“Il faut avouer que c’est presque la Berezina, admet Bedri Baykam, écrivain et militant pugnace du CHP. Nous n’avons pas réussi à surmonter le facteur Deniz Baykal [le leader du CHP]. Ce parti est géré comme un parti fasciste : comment peut-il convaincre qu’il est pour la démocratie s’il ne l’applique pas dans ses propres rangs ?” Chez ses partisans démobilisés, Deniz Baykal affrontait, dès dimanche soir, des appels à la démission.

 

La troisième force du prochain Parlement sera l’extrême droite ultranationaliste du MHP, les “Loups gris”, qui a mené campagne pour le rétablissement de la peine de mort et l’arrêt des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Avec 14,3% des voix, ils doublent quasiment leur score de 2002 et envoient 70 députés au Parlement. Ils y côtoieront leurs ennemis jurés, les pro-Kurdes du Parti pour une société démocratique (DTP), qu’ils jugent liés aux rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste).

 

Dans son fief du sud-est de la Turquie, à majorité kurde, le DTP a presque rivalisé avec l’AKP et a pu faire élire au total 24 députés, qui se présentaient comme “indépendants”. Aux élections précédentes, le mouvement kurde n’avait pas réussi à franchir le seuil de 10% des voix permettant d’être représenté au Parlement. Et les quatre représentants élus en 1991, parmi lesquels l’avocate Leyla Zana, avaient terminé leur mandat en prison.

 

“Pour nous, c’est une revanche”, a commenté Ahmet Türk, l’un des chefs du parti, lui-même élu. La forte polarisation des suffrages – les trois premiers partis totalisent 82% des suffrages – a exclu du jeu plusieurs petites formations. Mehmet Agar, président du Parti démocrate (centre droit) crédité de 5,4%, a démissionné dès l’annonce des résultats.

 

Assis sur une majorité parlementaire forte, Recep Tayyip Erdogan n’a toutefois pas atteint le cap des deux tiers (367) des sièges au Parlement qui lui aurait permis de pouvoir réformer la Constitution et surtout de faire élire seul son candidat à la présidence de la République. Le nouveau Parlement devra se prononcer sur cette question dans les prochaines semaines. Dimanche soir, devant le siège de l’AKP, on entonnait­: “Cankaya est à Gül et le restera !” Le palais présidentiel, bastion kémaliste, est la dernière conquête en vue pour les islamo-conservateurs qui souhaitent y envoyer Abdullah Gül.

 

L’élection du “frère” et bras droit de M. Erdogan avait été torpillée, en avril, par l’opposition et par les militaires. Faute d’une majorité suffisante, l’AKP devra donc faire des compromis sur le nom du candidat, sous peine de replonger dans une crise à l’issue incertaine. A moins d’une alliance de circonstances avec les “indépendants”. “En tout cas, l’armée n’osera plus intervenir, se persuade Ertugrul, un jeune supporteur de l’AKP, en écrasant son klaxon. L’armée c’est le peuple. Et aujourd’hui, le peuple, c’est nous ! “

 

(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 24 juillet 2007)


 

 

Les électeurs kémalistes amers et inquiets

ISTANBUL, CORRESPONDANCE 

 

Pas facile de trouver un électeur du Parti républicain du peuple (CHP), celui des perdants de ce dimanche 22 juillet, dans le quartier populaire de Tophane, au cœur d’Istanbul. Prenant le frais dehors, des hommes s’esclaffent : “Ils se sont tous enfuis ! Il y a bien le patron du café, là-bas, mais il a fermé…”

 

Mais Mahmut n’a ni fermé ni fui. Patron d’un petit café pour employés, il ne fait guère partie des “anciennes élites kémalistes”, comme sont souvent appelés les partisans du CHP, le parti du fondateur de la République laïque, Mustafa Kemal Atatürk. Finissant de ranger la vaisselle, il dit simplement ne pas aimer”le style de vie islamiste, les femmes voilées, tout ça…”. Il ne fait pas vraiment partie, non plus, des 4 millions de Turcs qui vivraient du tourisme, et n’est pas originaire des régions côtières où le vote CHP est resté fort. Il vote pour ce parti parce que, dit-il, “je suis normal, comme vous !”. Mais il n’est pas inquiet : “Ce n’est pas grave, tout ira bien…”

 

L’inquiétude, c’est chez les électeurs CHP des beaux quartiers qu’elle est perceptible. “Je suis très, très inquiète”, dit Elif, une étudiante. “Parce que je ne crois pas que les islamistes ont changé. Leur candidate non voilée, c’est juste un décor, parce que la loi interdit le foulard au Parlement. Mais maintenant ils vont pouvoir élire leur président et changer les lois qui nous protègent. Regardez les épouses de tous les hommes qui ont des responsabilités dans le parti : elles sont toutes voilées!”

 

Elif craint aussi l’armée :”Je ne pense pas qu’ils feront encore un coup d’Etat, mais ils ne laisseront pas grossir l’islamisme, ils vont réagir et ça fait peur”, dit cette “kémaliste démocrate” qui ne veut pas non plus de régime militaire et a failli voter, non pas pour le CHP, mais pour l'”indépendant” Baskin Oran.

 

Özlem, pour sa part, s’inquiète car elle n’est “pas sûre” que l’armée ait encore les moyens d’intervenir, comme le craignent tant de Turcs “laïcistes” qui ont déserté l’engagement politique, certains d’être “protégés” au besoin par les généraux. Habitant la banlieue chic de Florya, elle est choquée par”ces voisins que nous avons, des familles qui étaient normales, pas voilées et même pauvres. Ils se sont inscrits à l’AKP et on a vu les femmes se voiler, les hommes acheter des 4×4 de luxe…. Maintenant, ce sont les plus riches du quartier et ils ne parlent à personne. Erdogan n’est pas le seul à devenir milliardaire… D’ailleurs, les votes de dimanche, ils les ont achetés en distribuant des coupons d’achat valables dans leur supermarché.”

 

“PIRE QU’ERBAKAN”

 

Informaticien, Erdal n’arrive pas à comprendre les Occidentaux qui, “lorsqu’ils viennent travailler ici, n’embauchent que des filles pas voilées, tout en disant que les islamistes sont des démocrates, et en nous traitant, nous, de nationalistes!” “Ils ne comprennent pas qu’Erdogan est pire qu’Erbakan [le vieux chef du Parti islamiste turc dont une fraction moderniste, l’AKP, a fait scission en 2001]. Erbakan, lui, était au moins instruit… et intelligent!”.

 

Un ex-ambassadeur, qui souhaite garder l’anonymat, en veut surtout à ses anciens camarades de gauche qui se sont, dit-il, outrageusement enrichis dans les affaires et soutiennent maintenant l’AKP, oubliant que “la religion est l’opium des peuples”. “C’est la victoire à la fois des très riches et des pauvres, des ignorants, des religieux. Dans ce pays, depuis que les généraux ont détruit la gauche en 1980, il n’y a plus de syndicats, plus de loi du travail… Je pense que les Américains ont bien travaillé, en soutenant successivement tous les partis antikémalistes, ceux créés par les enfants des familles qui avaient pris le parti des occupants occidentaux lors de la guerre d’indépendance de 1919.” Comme les autres électeurs CHP interrogés, il dit avoir voté pour ce parti”malgré Deniz Baykal”, son chef, “un idiot”, dit-il. Tous attendent sa démission, certains s’avouent honteux des positions racistes et xénophobes de la plupart des caciques du parti et espèrent l’avènement d’un “vrai parti social-démocrate”.

 

Sophie Shihab

 

(Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 24 juillet 2007)


 

 

 

Erdogan, le triomphe d’un islamiste mutant

Malgré ses ambiguïtés, le Premier ministre turc sort gagnant des législatives d’hier.

 

Par MARC SEMO

 

Il y a cinq ans, au soir du premier grand triomphe électoral de son parti, l’AKP, le Parti de la justice et du développement, Recep Tayyip Erdogan clamait haut et fort : «L’Union européenne représente la première des priorités pour la Turquie.».

 

Déjà leader incontesté de cette force politique mutante issue du mouvement islamiste, il n’avait pu être candidat, interdit d’élection à cause d’une condamnation à quatre mois de prison pour «incitation à la haine religieuse». Quelques mois plus tard, il était élu et devenait Premier ministre à la place d’Abdullah Gül, son bras droit, son «frère», qui avait occupé le fauteuil ad interim.

 

Cette année pendant la campagne, il n’a pratiquement fait aucune allusion à l’Europe, pas même pour revendiquer à son actif l’ouverture des négociations d’adhésion obtenue à l’arraché en octobre 2005. «Il sait n’avoir rien à gagner électoralement sur ce terrain», souligne Cengiz Aktar, spécialiste des questions européennes. Les réformes sont quasiment interrompues depuis deux ans et l’euroscepticisme des Turcs s’accroît, au diapason de la montée du «turco-scepticisme» des Européens.

 

Après le scrutin, il aura probablement quelques mots sur l’Europe pour la presse internationale. «Il a parfaitement compris que la perspective de l’intégration européenne et les réformes qu’elle impose sont sa meilleure garantie face aux durs du camp laïc et à l’armée», analyse Mehmet Metiner, qui fut l’un de ses proches conseillers à la mairie d’Istanbul.

 

Double ferveur.  Gosse de pauvres grandi dans le faubourg stambouliote de Kasimpasa et militant islamiste dès son adolescence, Recep Tayyip Erdogan, 53 ans, est avant tout un pragmatique. «C’est un équilibriste qui sait parler simultanément démocratie dans la région kurde, religion dans les mosquées, kémalisme à Ankara, Europe à Bruxelles et sécurité à Washington», ricane un ancien diplomate turc.

 

Il y a une décennie, celui que ses copains d’enfance avaient surnommé «Imam Beckenbauer», pour sa double ferveur religieuse et footballistique, dénonçait l’Union européenne comme un «club chrétien», appelant à une grande union des musulmans. En bon islamiste radical, alors qu’il n’était encore que le maire du «Grand Istanbul», il répétait volontiers que « la démocratie est un moyen et non une fin». C’était déjà un homme pressé dont la trop évidente ambition irritait la vielle garde autour de son mentor Necmettin Erbakan, le chef historique de l’islamisme politique turc, inlassable pourfendeur des «complots de l’Occident et des juifs».

 

En décembre 1995, son parti, le Refah, s’affirme comme la première force du pays avec 21 % des voix, et ce dernier devient Premier ministre d’un gouvernement de coalition. Mais il doit démissionner, en février 1997, sous la pression de l’armée, gardienne de l’héritage de Mustafa Kemal et de la laïcité. Le parti fut d’ailleurs interdit peu après.

 

«Erdogan a compris qu’il était impossible de défier frontalement l’Etat et qu’il fallait créer une force nouvelle mélangeant les valeurs traditionnelles et l’ouverture au monde», affirme Rusen Çakir, spécialiste de l’islam politique turc.

 

Transfuges.  Dès 2001 commence la grande aventure de l’AKP, étrange mutant qui se revendique «musulman-démocrate» comme on est «chrétien- démocrate» en Occident. Des libéraux transfuges du centre droit entrent dans le nouveau parti, mais ses cadres – surtout son groupe dirigeant – sont presque exclusivement d’anciens islamistes. Comme Erdogan lui-même. Sa femme Emine porte le foulard, à l’instar de ses deux filles, qui étudient aux Etats-Unis. Car, dans les facultés turques, elles seraient obligées de l’enlever.

 

S’il se pose en dirigeant ouvert aux réalités économiques, le leader de l’AKP n’hésite pas à mettre parfois en avant des revendications symboliques pour sa base islamiste. Quitte à reculer s’il rencontre une forte opposition, comme pour son projet de loi criminalisant à nouveau l’adultère.

 

Il n’a pas non plus osé défier l’armée et le camp laïc sur le droit au port du foulard. «C’est un leader qui décide de tout mais qui sait aussi être souple», explique Rusen Çakir, soulignant que «l’AKP est un parti à l’identité encore floue : à la fois globaliste et sensible aux émotions nationalistes, conservateur mais moderniste, identifié à droite mais occupant le vide laissé par la gauche».

 

Main de fer.  Tribun aux accents volontiers gouailleurs, Erdogan se targue à raison d’une énorme popularité. Il tient son parti d’une main de fer. «Plus d’une centaine de députés sortants, souvent des islamistes, ont été exclus des listes pour laisser la place à des nouvelles têtes. Mais en fait, il a réglé ses comptes avec ceux qui, en mars 2003, s’étaient opposés avec succès à une intervention turque en Irak, alors que lui voulait intervenir au côté des Américains», raconte un connaisseur des arcanes de l’AKP. Certains s’irritent aussi de ses dérives autocratiques comme les mariages au luxe ostentatoire organisés pour son fils et l’une de ses filles.

 

Or Erdogan n’aime pas la critique. Plusieurs fois, des journalistes turcs, qui avaient dénoncé des scandales ou la lenteur des réformes, se sont fait traiter publiquement de «traîtres vendus à l’UE». Il n’hésite pas non plus à poursuivre personnellement ­devant les tribunaux des dizaines de caricaturistes irrévérencieux, tel celui du quotidien kémaliste Cumhuriyet qui l’avait croqué en chat emmêlé dans sa pelote. Rien de bien méchant, au point que l’un des juges souligna qu’ «un Premier ministre ayant connu la prison pour ses idées devrait savoir se montrer plus tolérant».

 

(Source : « Libération » (Quotidien – France), le 23 juillet 2007)

 

 


 

 

 

ÉTATS-UNIS

Des tortures dignes de l’Union soviétique

 

 
“Une grande partie des techniques d’interrogation utilisées par les autorités américaines après le 11 septembre 2001 pour faire passer aux aveux les prisonniers suspectés de terrorisme en Irak, en Afghanistan et dans le centre de détention de Guantanamo Bay découle directement de méthodes que les Etats-Unis craignaient que l’Union soviétique n’utilise contre les militaires américains pendant la guerre froide”, révèle l’hebdomadaire américain Time. “Selon un rapport du Pentagone déclassifié le 18 mai dernier, ces méthodes ont en effet été directement copiées sur celles du programme SERE [Survival, Evasion, Resistance, Escape], mis en place par l’armée américaine dans les années 1950, afin de préparer les soldats américains au pire, dans le cas où ils seraient capturés par les autorités soviétiques ou chinoises”, poursuit l’hebdomadaire. Parmi les techniques enseignées aux corps d’élite de l’armée américaine à l’époque, on peut citer, par exemple, la privation de sommeil, l’isolement, les humiliations sexuelles ou encore l’exposition à des températures extrêmes. Autant de méthodes couramment utilisées dans les centres de détention américains après le 11 septembre 2001. “Le plus troublant dans toute cette affaire, s’indigne le magazine Time, c’est que les techniques abusives utilisées dans la prison irakienne d’Abou Ghraib et ailleurs n’étaient donc pas des faits isolés mais ont été pensées en amont et délibérément mises en place par le Pentagone. Pire encore, bien que le ministère de la Défense ait décidé dès la fin de l’année 2002 de proscrire certaines de ces méthodes, d’autres continuent d’être utilisées, comme la mise à l’isolement, la privation de sommeil et la privation de repères spatio-temporels.” (Source: Corrier Intrnational le 4 juin 2007) Lien: : http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=74535#

 

 

 


 


ÉTATS-UNIS

Torture mode d’emploi

La CIA a enfin sa feuille de route pour mener ses interrogatoires. Un nouvel ordre présidentiel l’autorise en effet à utiliser certaines méthodes musclées et en interdit d’autres. Mais le diable gît dans les non-dits du texte. Bush a signé vendredi 20 juillet un ordre présidentiel qui permet à la CIA de continuer à utiliser certaines des méthodes brutales qu’elle employait contre des personnes soupçonnées de terrorisme. Le texte interdit toutefois certaines techniques qui ont provoqué l’indignation de la communauté internationale, comme les humiliations à caractère sexuel et le dénigrement des symboles religieux. Ce document met fin à plusieurs mois de bataille juridique au sein du gouvernement sur la façon de respecter une législation qui interdit le mauvais traitement des prisonniers et une décision de la Cour suprême, datant de 2006, qui ordonne au gouvernement de traiter les prisonniers soupçonnés de terrorisme selon les conventions de Genève. Cet ordre impose de nouvelles restrictions significatives à la CIA, tout en affirmant clairement que l’Agence continuera à fonctionner selon des règles particulières qui la distinguent du reste de l’administration. Le texte n’impose, en revanche, aucune limite à l’usage de méthodes coercitives – par exemple, la privation de sommeil et les positions de souffrance – qui sont expressément interdites dans l’armée et la police. Enfin, l’ordre présidentiel n’évoque pas la technique dite du “water-boarding” [simulation de noyade], l’une des méthodes les plus controversées utilisées par la CIA, qui consiste à attacher un prisonnier sur une planche et à lui verser de l’eau sur le visage pour provoquer une sensation d’étouffement. Selon les associations de défense des droits de l’homme, le texte signé par Bush rapproche les Etats-Unis des normes internationales en matière de traitement des prisonniers mais permet encore à la CIA d’employer des méthodes condamnées par de nombreux pays et organisations. “C’est assurément positif de voir les humiliations sexuelles interdites, estime Juman Musa, d’Amnesty International Washington, mais les lacunes du document en disent aussi très long.” Selon d’autres critiques, le texte de l’ordre présidentiel est d’une imprécision exaspérante. Les seuls passages un peu détaillés concernent les abus constatés dans la prison irakienne d’Abou Ghraib et dans d’autres lieux de détention militaires qui n’ont jamais fait partie du programme d’interrogatoire de la CIA. “Les seules techniques qu’ils ont expressément proscrites, sont des techniques qu’ils voulaient de toute façon interdire”, souligne John Malinowski, qui dirige l’antenne de Washington de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch. Les autorités américaines ont par ailleurs déclaré que l’ordre présidentiel s’accompagnait d’un document préparé par le ministère de la Justice qui énumère les techniques d’interrogatoire spécifiques que la CIA est autorisée à employer dans le cadre de son programme secret. Ce document est classifié et ne sera pas rendu public. “En gros, la Maison-Blanche nous dit : ‘Faites-nous confiance. Tout ce qu’il y a dans le document que l’on ne vous montre pas est légal’, déplore Malinowski. Mais les gens qui seront chargés de l’interprétation de ce document ne sont pas particulièrement réputés pour la finesse et pertinence de leurs analyses juridiques.” Greg Miller Los Angeles Times
 
(Source:  Courrier international – 23 juil. 2007)


ÉTATS-UNIS

Silence, la torture continue

 

 
L’armée a officiellement renoncé à mener des interrogatoires musclés. Mais Bush permet à la CIA de recourir à des méthodes plus brutales encore. La nouvelle politique américaine sur le traitement des personnes suspectées de terrorisme implique que dorénavant l’armée ne pourra plus recourir à des méthodes brutales ou extrêmes pour extorquer des informations à des terroristes présumés. La CIA, elle, peut continuer. Cette nouvelle approche, fruit d’un âpre débat au sein du gouvernement sur la meilleure façon d’obtenir des renseignements utiles auprès de suspects, a été présentée par le président Bush en personne lors de son discours du 6 septembre dernier [au cours duquel il a également reconnu l’existence de prisons secrètes de la CIA à l’étranger et a annoncé le transfert de 14 suspects à Guantanamo Bay]. Mais, en autorisant la CIA à avoir recours à des méthodes musclées avec certains détenus, Bush risque de susciter une nouvelle fois des questionnements sur les pratiques américaines et de déclencher les foudres des défenseurs des droits de l’homme. Au cours des cinq années qui ont suivi le 11 septembre 2001, les responsables du gouvernement ont toujours défendu l’utilisation de méthodes brutales pendant les interrogatoires, affirmant que celles-ci permettaient d’obtenir des informations susceptibles d’éviter de futurs attentats et donc de sauver des vies. Mais les militaires ont, au contraire, assuré que ces techniques étaient contre-productives et qu’elles finissaient toujours par engendrer des abus. L’annonce du 6 septembre n’a donc été qu’un compromis censé réconcilier les partisans de la méthode dure et les militaires, plus attachés à la tradition. Culturellement et moralement, l’armée répugne en effet à employer des méthodes d’interrogation non orthodoxes. Elle se voit donc, par ce compromis, dégagée de l’éventualité de recourir à de telles techniques sur ses prisonniers. Le nouveau manuel du soldat n’autorise que dix-neuf procédures d’interrogatoire et proscrit les pratiques les plus controversées – encapuchonner les détenus, mettre en scène de fausses exécutions, utiliser de l’eau pour simuler la noyade. La CIA, en revanche, se réserve le droit d’employer des techniques plus brutales. George Bush affirme que ces méthodes ont été efficaces puisqu’elles ont permis de faire parler certaines des 14 personnes soupçonées d’appartenir à d’Al-Qaida qui viennent d’être transférés à Guantanamo Bay. Les responsables du gouvernement ont par ailleurs souligné que les pratiques de la CIA se déroulent dans un cadre légal et n’ont rien à voir avec la torture. Mais le président et son entourage ont systématiquement refusé de révéler quelles étaient ces fameuses méthodes. L’armée peut être satisfaite de ce compromis. Elle peut désormais soutenir que ses soldats agissent en totale conformité avec les traités internationaux et qu’ils s’abstiennent de tout acte de torture. Les défenseurs des droits de l’homme ont, de leur côté, salué la volonté de l’armée de respecter les garanties des conventions de Genève et la décision de l’état-major de rendre publiques ses procédures d’interrogatoire. Mais ils craignent que le compromis soit en réalité un pas en arrière. “Ils ont décidé de dégager l’armée de tout ce qui touche à la torture, et de laisser ça à la CIA. Voilà le problème”, s’offusque Jumana Musa, d’Amnesty International. Le nouveau manuel du soldat comporte toutefois une technique d’usage restreint, réservée à ceux que l’on appelle les “ennemis combattants”, comme les personnes soupçonnées d’appartenir à Al-Qaida, et non aux prisonniers de guerre traditionnels. Cette technique, dite de la “séparation”, consiste à séparer un détenu de ses congénères. D’après l’état-major, cette séparation n’équivaut pas à la mise à l’isolement, et respecte donc les conventions de Genève. Elle nécessite, de plus, d’obtenir l’autorisation d’un général, afin d’éviter les abus. Pour la CIA, baignée dans la culture du secret, le grand déballage de l’armée sur ses procédures d’interrogatoire frise l’anathème. Les responsables de la CIA considèrent en effet que le simple fait d’évoquer les méthodes autorisées sape leurs capacités à interroger les terroristes. Julian E. Barnes Los Angeles Times
 
(Source: Courrier international – n° 828 – 14 sept. 2006)

 

 
ÉTATS-UNIS

De la musique comme instrument de torture

 

 
Le point commun entre Britney Spears, Metallica et Bruce Springsteen ? Certains de leurs disques sont utilisés dans les centres de détention américains pour démolir psychologiquement les détenus. Yasir Al-Qutaji, 30 ans, est un avocat originaire de la ville irakienne de Mossoul. En mars 2004, alors qu’il enquêtait sur les tortures que les soldats américains étaient accusés d’infliger aux Irakiens, il a été arrêté par les forces américaines et soumis aux mêmes sévices. Nu, la tête encagoulée, il a été passé à tabac, puis il a fait un long séjour dans la “disco”, une salle où la musique était diffusée à un tel volume que ses interrogateurs étaient obligés, pour lui parler, de placer un porte-voix près de ses oreilles. Yasir Al-Qutaji n’est pas le seul Irakien à mentionner ce supplice “musical”. La technique est connue bien au-delà de Mossoul. Elle est utilisée dans tous les lieux touchés par la guerre contre le terrorisme : que ce soit l’Afghanistan, la prison de Guantanamo ou celle d’Abou Ghraib. En Afghanistan, Zakim Shah, un paysan de 20 ans, a été privé de sommeil par des soldats américains qui l’exposaient à une musique assourdissante et l’accablaient de cris. A Guantanamo, des morceaux d’Eminem, de Britney Spears, de Limp Bizkit, de Rage Against the Machine, de Metallica et de Bruce Springsteen – en particulier son tube Born in the USA – sont diffusés aux détenus à des volumes abrutissants, parfois pendant quatre heures d’affilée. Dans la prison d’Abou Ghraib, Saddam Salah Al-Rawi, un Irakien de 29 ans, dit avoir été encagoulé, aspergé d’urine et enchaîné à la porte de sa cellule – tout cela sans motif et pendant quatre mois. Là aussi, la musique servait d’instrument de torture. “Dans la cellule, il y avait une chaîne stéréo, avec une musique si forte que je ne pouvais pas dormir, témoigne-t-il. Je suis resté comme ça pendant vingt-trois heures d’affilée.” Quelle que soit la musique diffusée – en général du heavy metal ou du hip-hop, mais parfois aussi des musiques de dessins animés, comme le titre I Love you de Barney le dinosaure ou des chansons de la série Rue Sésame –, elle est infligée aux détenus avec une telle violence qu’ils sont brisés sans même qu’on ait besoin de les toucher. Cette technique fait partie de ce qu’on appelle la “torture légère”, une combinaison soigneusement dosée de moyens de coercition psychologiques et physiques qui, sans aller jusqu’à provoquer la mort, peut causer des traumatismes psychologiques considérables. Conçue pour priver la victime de sommeil et générer une surstimulation sensorielle, elle se révèle absolument insupportable. L’utilisation de la musique comme instrument de torture constitue manifestement une atteinte aux droits de l’homme. De plus, comment peut-on accepter le fait que tout un pan de la culture populaire américaine soit ainsi utilisé à des fins oppressives ? La musique n’est plus un moyen d’expression individuelle ou de critique sociale, mais une véritable arme au service de la puissance militaire américaine. Le supplice musical est la manifestation la plus récente de l’impérialisme culturel, un terrible paradoxe dans une guerre censée propager des valeurs américaines universelles. Pourtant, la première réaction que ce supplice a inspirée aux Américains n’était pas de l’indignation, mais de l’amusement. La plupart des journaux américains ont écrit que de dangereux terroristes pouvaient, comme tout le monde, être torturés par des titres de Britney Spears. Le site Internet du Chicago Tribune a même établi une liste des “morceaux d’interrogatoire” favoris des internautes (Muskrat Love de Captain and Tennille est arrivé en tête du classement). Le New York Sun a parlé de “musique d’ambiance pour secouer les djihadistes”, et un journal du Missouri a écrit cyniquement que le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, avait “approuvé la plupart des morceaux musicaux utilisés contre les détenus, tout en affirmant qu’obliger les prisonniers à regarder des photos de la chanteuse Christina Aguilera posant nue dans une piscine constituait, en revanche, une violation de la convention de Genève”. L’utilisation de la musique comme instrument de torture n’est pourtant pas nouvelle. En 1997, déjà, le Comité des Nations unies contre la torture avait formellement qualifié ce genre de supplice, alors fréquemment utilisé par les troupes israéliennes, de véritable torture et demandé qu’il soit interdit. Qu’en est-il des musiciens concernés ? Si de nombreux groupes ne sont même pas au courant de l’usage que l’on fait de leurs chansons, James Hetfield, du groupe Metallica, s’est exprimé sur ce phénomène sur les ondes de la radio publique. Interrogé par le journaliste Terry Gross, il a répondu qu’il était “fier” que sa musique soit “culturellement offensante” pour les Irakiens. Il a ajouté qu’il considérait sa musique comme une liberté d’exprimer sa folie. “Si les Irakiens ne savent pas ce qu’est la liberté, a-t-il ajouté, je suis heureux que mes chansons leur en donnent un avant-goût.” Mais James Hetfield ne devrait pas être le seul à s’exprimer. Comment se positionnent les autres musiciens ? Eminem va-t-il enfin s’élever contre la torture ? Et Bruce Springsteen s’offenser que sa musique soit utilisée, malgré lui, pour faire souffrir autrui ? Si des musiciens américains sont contre l’utilisation de leur musique comme instrument de torture, il est grand temps qu’ils fassent entendre leur voix. Moustafa Bayoumi The Nation
 
(Source:  Courrier international – n° 799 – 23 févr. 2006)

 


 

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