|    TUNISNEWS    7 ème année,          N° 2313 du 21.09.2006 
 
 
 Le Maghrébin :Les rumeurs sur l’état de santé de Mr Ben Ali sont en train de pénaliser le pays… Le Maghrébin :Le Maghreb des tensions sociales Le Maghrébin:Le Grand Maghreb existe bel et bien : celui du kif !Le Maghrébin:Le drame de l’armée libanaise AP: Sondage: 73% des musulmans de France favorables à laséparation de l’Etat et des religions Jeune Afrique: Musulman au pays de Bush 
 
 
 
 
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Cliquez ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP sur la catastrophe humanitaire des prisonniers politiques Tunisiens
 SU     ** En Tunisie, la  rumeur concernant l’état de santé de Mr  Ben Ali    gagne ces derniers temps en force. Contactés pour vérification par les   observateurs de la scène politique tunisienne,  les ministres tunisiens   répondent à l’unisson  et presque avec les mêmes termes que « le président va   très bien, qu’il a été vu en conseil des ministres en pleine forme et que ce   sont des rumeurs pernicieuses colportées par les ennemis du régime. »   Commentaire d’un observateur  «  Les ministres savent tous qu’ils sont  sur   écoute… »           ** Le gouvernement libyen ferait  subir aux migrants, demandeurs d’asile et   réfugiés de graves violations des droits de l’homme, notamment des passages à   tabac, des arrestations arbitraires et des retours forcés, a déclaré Human   Rights Watch dans un rapport de 135 pages publié le 13 septembre. Il y est   expliqué comment les autorités libyennes arrêtent arbitrairement les étrangers   sans papiers, les maltraitent pendant leur détention et les renvoient de force   dans des pays tels que l’Erythrée et la Somalie où ils risquent la persécution   ou la torture. Selon les chiffres officiels libyens, le gouvernement aurait   rapatrié quelque 145 000 étrangers entre 2003 et 2005.  Contactées par « Le   Maghrébin » des sources autorisées libyennes nient en bloc « ces allégations   ».           ** Avant sa récente disparition de la scène politique pendant près de   cinquante jours, le Président Abdelaziz Bouteflika ne manquait jamais une   occasion pour rendre visite lui même à l’ancien chef d’état algérien Monsieur   Ahmed Ben Bella quand ce dernier se trouve à Alger. De même qu’il le fait   systématiquement quand les deux hommes se trouvent au même moment à l’étranger.   Les familiers des deux hommes affirment que le rapport entre eux est resté «    hiérarchique comme au bon vieux temps »           ** Mr Ahmedinajad, le président iranien, qui séduit par ses foucades, son   humilité et ses défis  à l’occident, n’oublie pas simultanément qu’il est le   président d’une république théocratique qui détient la vérité absolue.  S’il   est pour l’enrichissement de l’uranium, il se révèle tout autant enthousiaste   pour l’appauvrissement des libertés : on ne compte plus les journalistes   emprisonnés en Iran, tandis que près de 64 0000 femmes ont été contrevenues   pour « port non conforme de voile » Quant à l’université iranienne, elle est   maintenant le  théâtre d’une violente offensive contre « la pensée laïque et   libérale ».       (Source : « Le Maghrébin », édition du 18   septembre 2006) Lien : http://www.hebdo.amd-maghreb.org/index.php?option=com_content&task=view&id=50&Itemid=60
Les rumeurs sur l’état de santé de Mr Ben Ali sont en train de pénaliser le pays…
 Fatima Kabba sur la foi  des informations de nos   correspondants à Tunis
  A nouveau, les rumeurs concernant l’état de santé de Monsieur Ben Ali gagnent   en force et en insistance. Non seulement les salons tunisiens, nourris des   confidences des milieux médicaux, en bruissent mais aussi les chancelleries    qui suivent de près l’évolution de la situation de la Tunisie. Selon ces   rumeurs, la période de rémission  ne semble pas avoir donné des signes   d’amélioration, et ce malgré les traitements les plus pointus administrés au   patient. Et le mal serait  – qu’à Dieu ne plaise – en progression.        La rumeur vaut ce que vaut une rumeur, c’est-à-dire pas grand-chose ; sauf que   cette rumeur là, comme le cancer qui l’a engendrée, mérite un traitement. On   ne peut pas laisser se propager une rumeur aussi dangereuse sur la santé même   du pays sans lui souscrire et lui appliquer une médication appropriée ! Et ce   ne sont certainement pas les dénégations acrimonieuses des membres du   gouvernement (voir rubrique Su)  qui peuvent  le faire. Seul un communiqué   dûment signé par des autorités médicales au-dessus de tout soupçon  quant à   l’état de santé réel de  l’homme qui gère, sans partage depuis 18 ans les   affaires du pays,  serait en mesure de tuer ou calmer la rumeur –  s’il en   est.       Jusqu’ici, la classe politique tunisienne, y compris l’aile radicale de   l’opposition, a adopté une attitude vis-à-vis de cette  grave question marquée   du sceau de la prudence et d’une certaine dignité. Elle a refusé de faire de   cette « question personnelle ou privée » un cheval de bataille politique,   préférant déployer ce combat sur le champ  des institutions, des valeurs et   des principes. Seuls les deux militants, Sihem Ben Sedrine et Omar S’habou,   dans un communiqué commun publié sur le site de Tunisnews du 6 mai 2003  ont   adopté une autre approche. Ils ont estimé que «  Dans un état de droit, la   santé du Président de la République cesse d’être un fait privé. Elle relève du   champ public. En Tunisie et en vertu des termes de la Constitution – surtout   après la réforme de mai 2002 -le Président dispose de pouvoirs exorbitants.   Son état de santé en devient organiquement lié, en quelque sorte, à la santé   du pays.       Nous estimons par ailleurs que la nocivité et la dangerosité des rumeurs et   des informations relatives à l’état de santé du chef de l’Etat sont   aujourd’hui telles qu’elles risquent d’installer le pays dans un état   d’attentisme, voire de fin de règne, préjudiciable à une marche saine de la   vie publique.        Aussi et pour l’ensemble de ces considérations, nous pensons qu’il relève de   la sagesse et du sens de responsabilité élémentaire d’y mettre un terme, dans   un sens ou dans un autre, par la publication d’un communiqué dûment signé par   une autorité médicale crédible sur l’état de santé du Président de la   République. Nous souhaitons et voulons savoir la vérité sur son état de santé.   Toute dissimulation équivaut dans le cas d’espèce à un gravissime manquement à   l’intérêt supérieur de l’Etat et du pays.   Tous les Etats dignes de ce nom s’y obligent régulièrement. Ils ne font   nullement preuve, ce faisant, de faiblesse qui atteigne à leur autorité. Au   contraire, ils renforcent celle-ci en répondant à un droit légitime des   citoyens d’être tenus informés de l’état de santé  de l’homme qui préside à   leurs destinées et à celles de leurs enfants. »        Ce qui est en revanche sûr c’est qu’il n’est pas un seul homme politique, en   Tunisie, du régime ou de l’apposition, qui n’ait pas intégré la maladie de Mr   Ben Ali et ses éventuelles conséquences dans son équation personnelle. Leur   silence est  cosmétique. Mais quelles que soient les approches et les arrières   pensées des uns et des autres, la question de l’état de santé de Mr Ben Ali   revient de nos jours avec acuité et ne peut plus objectivement être considérée   comme ayant un caractère exclusivement  privé, tant ses incidences sur la vie   nationale tunisienne commencent à se faire sentir. A titre d’exemple, la   prospérité évidente du commerce des coffres-forts perceptible à Tunis.        Sur les bas cotés des routes et des autoroutes, des vendeurs ambulants    exposent et proposent ouvertement à la vente, en dehors des circuits   réglementés, toutes sortes de coffres-forts  blindés.  Le commerce a tout   l’air d’être florissant puisqu’il n’a pas cessé. Et que peut bien signifier ce   phénomène de masse sinon un fond d’angoisse et d’inquiétude qui traverse le   pays.  Quand les citoyens en viennent à préférer la sécurité de leur   coffres-forts à celle de leur compte bancaire, n’est-ce pas un des signes les   plus criants d’une perte de foi en le pays même. Et une rumeur qui va   s’amplifiant – à tort ou à raison- sur un président qui ne travaillerait plus   désormais que deux heurs par jour  est-elle de nature à calmer l’angoisse ou à   l’amplifier ?        (Source : « Le Maghrébin », édition du 18 septembre   2006) Lien :   http://www.hebdo.amd-maghreb.org/index.php?option=com_content&task=view&id=51
Le Maghreb des tensions sociales
 Ahmed Kaci        Le Maghreb vit l’une des crises sociales les plus aiguës de son histoire. En   Algérie, au Maroc, en Tunisie pour ne citer que ces trois pays, la situation   est devenue critique depuis quelques années. La tension est à son paroxysme en   Algérie avec des révoltes quasi régulières dans tout le pays, l’exclusion   sociale et la misère sont insoutenables au Maroc risquant même de faire voler   en éclat le modus vivendi actuel dans le Royaume, la pauvreté progresse   vertigineusement en Tunisie où seule la répression féroce du régime de Benali   maintient un semblant de paix sociale. Bref, partout dans les pays du Maghreb,   les régimes en place opposent la même réponse aux aspirations de justice   sociale des populations : la répression et la criminalisation des mouvements   sociaux et des syndicats. Ces derniers ne font souvent que dénoncer les écarts   hallucinants entre une minorité de privilégiés (clientèles des pouvoirs en   place) et la majorité écrasante de la population réduite au strict minimum   sans aucune protection de l’Etat et au moment où s’estompent les solidarités   traditionnelles.        On aura beau prétexter que les ressources financières, la faible croissance   économique, l’endettement et tutti quanti sont les véritables causes du   marasme social, l’exemple de l’Algérie montre bien qu’on peut ne pas souffrir   de ces maux et condamner la majorité de sa population à l’état de miséreux.   Avec près de 60 milliards de réserves de change et 30 milliards de dollars   dans la « caisse noire » -le fameux fonds de régulation des recettes qui au   passage échappe à tout contrôle-, le régime algérien est loin de désamorcer la   crise sociale ne serait-ce que pour assurer sa survie. En fait, la raison   fondamentale des malheurs qui frappent les sociétés maghrébines n’est pas à   chercher du côté de la sphère économique : le problème est politique.        Faut-il rappeler à cet égard que parmi les cinq pays du Maghreb, il n’y a que   la Libye à ne pas passer encore à travers les fourches caudines du FMI et de   la Banque mondiale. Ce n’est certainement pas l’envie qui manque à Kadhafi   dans l’espoir de plaire davantage aux occidentaux, mais la crainte de mettre   en péril son règne. Et pour cause, parmi le chapelet de mesures dictées par le   FMI aux pays recourant à ses plans, le dégraissage de la fonction publique, la   réduction des subventions aux produits de première nécessité, la   libéralisation du commerce extérieur, l’encadrement des taux d’intérêt et   l’incontournable dévaluation de la monnaie locale. Résultat des courses dans   tous les pays qui y sont passés : baisse effarante du pouvoir d’achat, chômage   massif et approfondissement des disparités sociales. Ainsi, après la Tunisie,   le Maroc et la Mauritanie dans les années 80, c’est autour de l’Algérie dans   les années 90 de subir une réforme profonde de son économie dans le sens voulu   par la mondialisation néo-libérale. Celle-ci ne déroge en rien à ce qu’on   appelle ” le nouvel ordre mondial” qui a  pour objectifs principaux de faire   des pays ajustés aux  marchés où s’écoulent les produits finis des pays   industrialisés. Et d’en  faire des réservoirs pour matières premières quand   l’objectif prioritaire n’est pas de dégager des surplus financiers qui iront   dans les poches des bailleurs de fonds et au remboursement de la dette.        Ces mesures draconiennes qui n’ont aucune chance d’aboutir dans des Etats   démocratiques sont même appliquées avec zèle au Maghreb. Les castes   dirigeantes de ces Etats ultra autoritaires, étroitement liées à la logique   prédatrice du grand capital, n’ont cure des protestations de leurs citoyens :   leur survie dépend de la reconnaissance des barons de la finance   internationale et de leurs Etats. Devant des horizons aussi bouchés, les   populations du Maghreb n’ont d’alternative qu’à la solution du desespoir :    l’émeute! Tous les pays du Maghreb ont connu leur heure d’émeutes évidemment   comme toujours réprimés dans le sang. Bien que les mouvements sociaux   maghrébins ne soient pas efficacement structurés, la lucidité des questions   qu’ils posent en ce moment préfigurent d’une nouvelle ère dans la région qui   promet à certains égards d’être agitée mais sûrement plus équitable.        L’inaptitude des luttes politiques à elles seules à bousculer l’ordre inique   imposé par les régimes en place depuis l’indépendance des cinq pays du Maghreb   fait que les mouvements sociaux portent en eux toutes les espérances. La   convergence de ces derniers avec les luttes politiques apparaît aux yeux de   beaucoup comme l’issue à la stagnation actuelle. La voie à même de mener vers   l’instauration de régimes démocratiques dans le Maghreb. L’unique moyen de   venir à bout des Etats factotum et des minorités mafieuses qui ont fait main   basse sur la région.        (Source : « Le Maghrébin », édition du 18 septembre 2006) Lien :   http://www.hebdo.amd-maghreb.org/index.php?option=com_content&task=blogsection&id=4&Itemid=27
Le Grand Maghreb existe bel et bien : celui du kif !
           Djamaledine Benchenouf        Les grands hommes qui ont rêvé d’une union maghrébine seraient bien étonnés   s’ils revenaient dans ce monde, de découvrir qu’il existe bien un Grand   Maghreb. Celui du kif. Car contrairement à l’idée répandue, les grosses   quantités de kif qui sont introduites en Europe ne le sont pas seulement à   partir du Maroc, pays producteur, mais aussi des autres pays maghrébins.   L’exportation du kif, et depuis peu de la cocaïne, à partir du seul Maroc,   était devenue, du fait des quantités de plus en plus importantes,   particulièrement ardue. L’augmentation de sa production dans l’arrière pays   marocain n’a pu être possible que parce que la capacité des trafiquants   marocains mais aussi algériens et dans une moindre mesure tunisiens, libyens   et récemment mauritaniens, à la faire passer en Europe et à l’y commercialiser   a atteint des niveaux d’organisation et de corruption des cercles dits   sécuritaires qui laissent perplexe. L’avènement d’un grand ensemble maghrébin   que les peuples appellent de leurs vœux reste encore un vœu pieux. Un rêve de   grands visionnaires. En revanche, le Grand Maghreb du kif est une réalité.        C’est même la seule initiative totalement maghrébine qui ait vraiment atteint   ses objectifs : être le premier producteur mondial d’un produit hautement   rentable, déjouer tous les obstacles dressés sur sa route, inonder le marché   européen et nord-africain, engranger, répartir et recycler des milliards de   dollars de dividendes.          Il existe, bien sûr, de très nombreuses filières au sein de cette gigantesque   pieuvre. L’organisation n’est pas pyramidale mais polycentrique. Sans   direction unique. Les réseaux, autonomes, fonctionnent d’amont en aval, comme   autant de rouages bien huilés qui s’entraînent les uns, les autres en une   dynamique bien réglée, la fonction créant l’organe. Il faut imaginer cette   immense trame comme un ensemble de bandes, plus ou moins importantes,   organisées autour des multiples activités de ce trafic, depuis la production   jusqu’à la livraison. Ces “familles” du Maroc, de l’Algérie et dans une   moindre mesure en Tunisie et en Libye, doivent toutes réunir trois conditions   “sine qua non” : avoir des fonds relativement importants, disposer de   fournisseurs établis  et de clients solvables et enfin et surtout jouir d’une   protection ou, mieux encore, d’un concours actif de membres des services de   sécurité, souvent à de très hauts niveaux de commandement parmi les douaniers,   les policiers, les gendarmes, les gardes-frontières et les officiers de   l’armée. Ces « Institutions » sont la cheville ouvrière du trafic et y jouent   un rôle capital, depuis la sécurisation des sites de production jusqu’à la   couverture du transport de la marchandise d’un endroit à un autre. Au Maroc,   les membres de ces services veillent à l’acheminement d’une partie importante   de la marchandise, depuis les lieux de production jusqu’à son embarquement,   dans les ports de ce pays, vers les pays européens.  Une autre partie du kif   destinée à la consommation des marchés maghrébins et à ceux des marchés   européens mais qui emprunte de plus en plus les filières algériennes est prise   en charge par leurs homologues de ce pays. Les révélations récentes de   Zendjabil, un baron algérien notoire de ce trafic, nous apprennent que des   officiers supérieurs de l’Armée algérienne,  ont pris la direction des   opérations et qu’une trame insoupçonnable  de commis de l’Etat de tout genre   et de tout grade assure le bon fonctionnement de cette activité criminelle.         Bien qu’il arrive aussi que des membres de services de sécurité, des fusibles   subalternes, soient pris la main dans le sac et traduits en justice, dans une   débauche médiatique, les véritables responsables ne sont jamais inquiétés,   alors qu’ils sont notoirement identifiés.            Une manne incontournable pour le Maroc        Le pays clé de ce vaste trafic, comme le sait tout un chacun, reste bien sûr   le Maroc. La culture du cannabis, aujourd’hui la principale activité agricole   du pays, était d’ailleurs régie de façon officielle, par les autorités   coloniales françaises qui en taxaient la récolte. Au même titre que le tabac.   Une forme de concession légale avait été octroyée par le roi Mohamed V aux   Chleuhs du nord du Rif pour leur soutien au trône. Elle est devenue, au fil   des ans, une manne incontournable pour le royaume et lui rapporte bon an mal   an, 10 milliards de dollars environ.    Cette première source de devises pour le royaume Chérifien, permet de faire   vivre directement plus de 200 000 familles. Les autorités marocaines   reconnaissent qu’environ 65 000 hectares de terres sur les versants nord et   sud du Rif dans la région de Ketama, sont consacrés à la culture du cannabis.   Cet aveu n’est pas sans arrière-pensée puisque tout en minimisant l’ampleur du   phénomène, il est destiné à être brandi un peu comme une menace. Cela permet   d’obtenir de la Communauté européenne des fonds afin d’encourager les   populations à une substitution des cultures. Elles affirment, en outre, que   “cette activité est en voie de disparition…” (Sic !). De quoi laisser   perplexe, lorsqu’on sait qu’un hectare de haschisch rapporte, en moyenne,   trente à quarante fois plus qu’un hectare de blé. Selon l’Office géopolitique   des drogues (OGD), en 2001, les terres consacrées à cette culture pourraient   avoir dépassé les 100 000 ha. D’autres sources espagnoles, jugées sérieuses,   avancent le chiffre de 180 000 ha pour l’an 2002. L’OGD avait estimé, toujours   en 2001, les quantités de kif produites entre 1 000 et 1 500 tonnes. Mais des   sources américaines autorisées (département d’État) affirment que la   production du kif dépasserait les 3 000 tonnes. Certains observateurs estiment   que ces quantités ont été largement dépassées et que la qualité du kif, qui a   subi des manipulations génétiques, s’est particulièrement améliorée. Le Maroc   est le premier producteur mondial de kif. Il exporte cette drogue vers   plusieurs régions du monde, mais surtout dans le reste du Maghreb et plus   encore vers l’Europe, de façon moins importante jusqu’à celle de l’Est et en   Scandinavie.        Il y trois décennies seulement, la production du kif était concentrée dans la   province d’Al-Hoceima, le pays natal du kif maghrébin, en plein Rif central.   Puis, des faits conjugués de la sécheresse et de la grande rentabilité du kif,   d’autres régions se sont progressivement converties à cette culture. La   culture du cannabis dans ce pays, à l’ombre d’un pouvoir bienveillant et qui   n’a pas tellement le choix, est appelée à prendre encore plus d’ampleur. Elle   s’est imposée au royaume comme un facteur stabilisant, en ce sens qu’elle   permet de juguler l’exode rural, de lutter contre le chômage et de fixer la   population. Elle est devenue aussi, au cours de ces dernières années, et sur   un plan purement politique, un vivier considérable d’opposants farouches à   l’islamisme politique. L’Europe se montre également moins déterminée à lutter   contre cette culture par suite de la dépénalisation progressive des drogues   dites douces, mais aussi parce qu’il est maintenant acquis qu’il est   objectivement impossible d’inciter les populations à opter pour d’autres   cultures. De son vivant, le roi Hassan II pratiquait une politique ambivalente   de tolérance et de spectaculaire, mais toute relative, répression, destinée à   la consommation européenne. Le discours, très subtil, minimisait l’ampleur du   phénomène tout en laissant transparaître l’impossibilité de l’éradiquer sans   un soutien franc et massif des pays européens. Aujourd’hui, le ton royal est   encore plus tempéré et il semble même qu’une politique de “régulation” de la   culture ait été mise en place, notamment par une forme indirecte de taxation   qui permet de capter une part importante des ressources et de la réinjecter   dans le développement local. Une banalisation très positive en somme.        Cette culture est pratiquée par des dizaines de milliers de petits   exploitants. Ils doivent presque tous payer, en plus de certaines taxes, des   dîmes à “qui de droit”. La pratique des quêtes et autres collectes pour faire   des cadeaux à certains responsables est patente dans le Rif. Ensuite viennent   des filières bien plus importantes et dotées de capitaux plus ou moins   considérables. Ce sont celles de la collecte du cannabis, de son traitement,   de son stockage, de sa vente ou de son exportation. De nombreuses grandes   familles, installées dans le Rif, comme dans les villes de Tanger, Tétouan,   Ceuta, Melilla et d’ailleurs, qui ont pignon sur rue, se partagent le monopole   de cette juteuse activité, mais elles doivent accepter de s’acquitter de   sommes importantes à de nombreuses personnalités et autres grands serviteurs   du royaume.        Les réseaux algériens        Le nouveau débouché vers l’Algérie s’est imposé de lui-même vers le milieu des   années 80 et s’est véritablement développé à la faveur de la violence en   Algérie, à partir de 1993. Avec l’augmentation de la production marocaine et   la surveillance accrue des frontières espagnoles, l’ouverture des frontières   algéro marocaines était devenue nécessaire pour décongestionner le flux et   ouvrir de nouveaux horizons. Avant la première fermeture terrestre des   frontières entre le Maroc et l’Algérie, des trafiquants algériens aux dents   longues, protégés par des officiers supérieurs de l’Armée, allaient   s’engouffrer dans le créneau. Ils allaient utiliser tous les moyens, y compris   les autobus trans-maghrébins dont les porte-bagages et les soutes étaient   bourrés de kif pour inonder les marchés d’Algérie et de Libye. Ils allaient   surtout initier de nouvelles “routes” vers l’Europe. Ces malfrats de bas étage   et qui ont commencé par un petit trafic allaient devenir immensément riches et   des notables recherchés. À Oran, toutes les portes leur seront ouvertes et ils   auront leurs entrées dans des milieux politiques et sécuritaires huppés. Ils   restent jusqu’à aujourd’hui des maillons très importants des réseaux. Mais   c’est la “casquette” qui a pris les réseaux en main. Il n’existe pas de   chiffres sérieux sur les quantités qui sont vendues en Algérie ou qui y   transitent ; mais des recoupements et des cadrages approximatifs permettent de   situer ces quantités à plus de  300 tonnes par an, dont moins du quart est   consommé localement. L’Algérie est en passe de s’imposer comme plaque   tournante incontournable, non seulement pour les autres pays du Maghreb, mais   surtout pour l’Europe. Tous les ports algériens, sont mis à contribution ainsi   que d’autres méthodes d’exportation telles que le transbordement en haute mer   par des bateaux de pêche surtout à l’ouest du pays où cette technique est de   plus en plus utilisée, particulièrement entre pêcheurs algériens et espagnols.             Donc, dès qu’elle est introduite en Algérie, cette marchandise va connaître   deux destinations, celle relativement minime, de la consommation locale et   celle plus organisée et bien plus importante de son exportation vers les pays   européens, la Tunisie, la Libye. Le même scénario va se répéter dans ces deux   derniers pays. Des “agents de l’ordre” vont à leur tour mettre en œuvre toute   leur compétence pour permettre à la marchandise de passer la frontière. Fait   notable, en Tunisie, toute la marchandise qui emprunte ces filières est vouée   à l’exportation, vers la Libye par voie terrestre ou vers l’Europe, par les   ports tunisiens. Les services de sécurité tunisiens qui participent à ce   trafic se font un point d’honneur à ne pas desservir le marché local et à   veiller à ce que toute la marchandise quitte le territoire national. Curieuse   disposition de patriotisme et de salubrité publique ! Le marché tunisien où la   moyenne de consommation de kif traité est la moins importante dans le Maghreb   est alimenté par des passeurs “indépendants”, petits dealers tunisiens et   algériens qui sont traqués implacablement, souvent arrêtés et dont un grand   nombre croupit dans les geôles tunisiennes. En Libye, où l’introduction du kif   a obéi aux mêmes règles et nécessité la collaboration active de personnes de   même profil, la marchandise va être écoulée en grande partie sur le marché   local, très demandeur. Une petite partie passera en Égypte où le kif marocain   de choix supérieur a éclipsé le haschisch et le kif égyptien et   moyen-oriental. Le marché maltais est également approvisionné, par voie   maritime à partie de la Libye.            Nous voyons donc que cette “Société Trans-Maghrébine” a découvert en l’Algérie   une véritable plaque tournante. Les quantités à destination du marché européen   sont en constante augmentation. Les réseaux qui vivent de ce trafic   particulièrement rentable se sont étoffés au fil des ans. Les responsables de   services de sécurité qui ont souvent servi d’auxiliaires conjoncturels s’y   imposent dorénavant comme des opérateurs incontournables. Eux, qui étaient   interchangeables et utilisés au coup par coup, contre des pots de vin, en   fonction des commandes et des opérations, en sont devenus tout naturellement   les véritables parrains. Mais il est survenu, au cours des dernières années,   dans la dynamique de ce vaste trafic, ce que les économistes appellent un   effet pervers et qui est, pour le moins, insolite dans une logique purement   mafieuse… C’est l’intrusion dans cette prospère activité des groupes   islamistes armés. Ceux-ci, dont plusieurs membres avaient déjà touché à la   question en Afghanistan et au Pakistan et qui en connaissaient toute la   rentabilité en sont venus tout naturellement à s’engouffrer dans ce créneau,   non seulement pour renflouer leur caisse, mais aussi pour se servir des routes   du kif dans un tout autre but : acquérir et faire acheminer les armes de   guerre par les mêmes filières européennes et maghrébines. Comme c’est le cas   dans les frontières algéro-marocaines ou celles du Sahara par les réseaux qui   activent sous la protection ou sous les ordres de Belaouar (Mokhtar Ben   Mokhtar) le véritable chef du GSPC dans le Sahara. Le trafic triangulaire du   kif, des armes et de la cigarette de contrebande y est pratiqué à grande   échelle. Les contrebandiers touaregs d’Algérie et des autres pays sahariens   limitrophes ne sont pas en reste et sont devenus des maillons très importants   dans les échanges. La situation a bien évolué dans ces contrées depuis   l’abandon des soutiens de prix des produits dits de première nécessité et le   trafic intense vers les pays limitrophes qui en découlait au temps béni des   Bettou et autres Kounta.           Euro-Maghreb connexion           Voilà donc étrangement liés, mais dans des buts diamétralement opposés, de   richissimes hommes d’affaires maghrébins, des organisations mafieuses   européennes, des agents de l’ordre maghrébins censés défendre l’État et des   islamistes qui rêvent de le détruire. En Algérie, la dynamique monstrueuse du   gain à tout prix a fait de ces responsables des services de sécurité des   monstres schizophrènes qui font la prospérité de ce trafic de drogue alors   qu’ils sont censés le combattre et de ces islamises armés de vulgaires   trafiquants en tout genre, eux qui ont décrété le djihad pour instaurer une   prétendue “chariaa” et qui vendent pourtant du kif à leurs coreligionnaires   pour acheter des armes et finir de les exterminer. Et comme pour confirmer que   tout cet imbroglio n’en est pas un, il faut aussi savoir que, comme par   hasard, d’anciens agents recruteurs pour l’Afghanistan à l’est de l’Algérie,   notamment à Tébessa et El-Oued, sont des trafiquants patentés. Ils évoluent en   toute transparence, fiers de leur statut de “parrains locaux” et ne craignent   pas de s’afficher avec des responsables de services de sécurité et des commis   de l’État.            Le fait que le GSPC soit impliqué dans le trafic du kif, dans la contrebande   en tout genre ainsi que dans l’évasion de devises étrangères vers des comptes   à l’étranger, montre bien qu’il existe des passerelles et des connivences   d’intérêt entre les islamistes armés et de nombreux barons du régime algérien   qui n’ont pas eu accès au partage des gros butins liés à la rente pétrolière   et qui se servent où ils peuvent. Leurs acolytes mieux nantis, placés aux plus   hauts sommets de l’Etat et qui ont mis le pays en coupe réglée ferment les   yeux, malgré eux, sur ces pratiques par trop compromettantes pour un régime   obnubilé par le syndrome de la patte blanche.  Ainsi donc, pour des raisons   évidentes d’équilibres des forces et de sauvegarde du pouvoir entre les mains   de la junte, ceux qui prélèvent leur “part” dans les grosses commissions ou   dans le partage non dit des monopoles d’importations de biens et d’équipements   n’ont pas d’autres choix que de permettre aux responsables sécuritaires de   tous les cercles concentriques du pouvoir de se compromettre dans des   activités mafieuses.  il faut bien permettre aux responsables de  toute   l’armada sécuritaire qui est le  socle sur lequel repose tout le système, de   profiter de la manne générale; d’une façon ou d’une autre. Sans état d’âme   mais à condition de ne pas passer une ligne rouge consensuelle que tous   connaissent. Le Wali d’Oran FRIK Bachir condamné récemment à une lourde peine   de prison en sait quelque chose aujourd’hui. Il a déclaré en pleine audience   qu’il avait mis en prison, non pas parce qu’il a «pris son dû” mais parce que   l’un de ses collaborateurs et notable local avait accusé un Général très haut   placé, le Général Kamel ABDERHAMANE, d’être à la tête d’un réseau de trafic de   kif et de cocaïne:            ” Tout mon problème a commencé avec la lettre de l’ancien directeur de   l’action sociale (DAS) d’Oran, Kada Hziel, adressée au président de la   République en 2001, et qui faisait état de l’implication dans un vaste réseau   de trafic de drogue de l’ancien chef de la 2e Région militaire, le général   major Kamel Abderrahmane, de l’ancien chef de la sûreté de wilaya, le   commissaire Mokrane, de l’ancien wali, Kouadri, de hauts responsables de la   douane, de directeurs de journaux. ” a déclaré ce wali en pleine audience   publique, devant une juge médusée et un procureur de la République qui   suffoquait mais qui n’en a pas moins oublié de déclencher l’action publique   qui s’impose dans ce genre de situation. Le wali a été condamné à une peine   sévère et le général major n’a Jamais été inquiété.           C’est cela le Grand Maghreb du kif. Une production et une commercialisation   d’immenses quantités de ce produit, destiné principalement à 30 millions de   consommateurs européens qui s’adonnent régulièrement à cette drogue et qui lui   consacrent un budget important.  La demande est en augmentation, et un nouveau   genre de kif modifié par greffes successives de plants exotiques”a atteint des   niveaux effroyables.            Mais le grand Maghreb du kif, s’il profite à plus de 200 000 familles au   Maroc, n’est une cagnotte réservée pour des milliers de responsables   sécuritaires en Algérie. En attendant, au moment où de grands ensembles   occidentaux se forgent et se structurent, bien que  tous les atouts soient   déjà de leur côté, dans cet ordre mondial qu’ils ont établi à leur mesure et à   leur seul profit, en ce moment où ils s’érigent peu à peu en citadelle   inviolable et qu’ils s’apprêtent à faire de nous leurs remparts et leurs   frontières extérieures pour endiguer le flot de malheureux qui n’ont d’autre   choix que d’aller chercher leur subsistance dans ces terres où les gens   meurent d’obésité, en ces moments donc, nos dirigeants continuent à palabrer   et à nous promettre ce Grand Maghreb que nos peuples appellent de leurs vœux.   Et pour mieux préparer l’avènement de ce vieux rêve, l’Algérie a conclu avec   la Russie un armement très sophistique de plusieurs milliards de dollars. Un   armement dont on se demande bien à quoi il pourrait bien servir si ce n’est à   une guerre avec un proche, très proche voisin. Ou peut être à faire peur à ce   même voisin et le contraindre à une escalade dont il n’a pas les moyens et qui   pourrait déstabiliser ses équilibres intérieures.            En attendant, pour reprendre ce chroniqueur algérien, fumons un joint et   restons éveillés…        (Source : « Le Maghrébin », édition du 18   septembre 2006) Lien :   http://www.hebdo.amd-maghreb.org/index.php?option=com_content&task=view&id=54&Itemid=52
Le drame de l’armée libanaise
 Saloua Ben Youssef Charfi        Au cours de la guerre sur le Liban, certains observateurs qui étaient venus à   la guerre comme on découvre un fait divers, s’étaient interrogés sur le «   mystère » de l’absence de l’armée nationale libanaise et avaient hâtivement   conclu au complot.      Les observateurs avertis et au courant des dramatiques subtilités des arcanes   libanaises et de la région en général, ne se sont même pas posés la question.        Il n’en tenait qu’au Président de la république et au Hezbollah pour que   l’armée descende sur le front. Or ils sont tous deux pro syro-iraniens. Ce qui   n’est pas le cas de l’armée. L’absence de l’armée libanaise confirme donc que   cette guerre n’est pas menée pour les intérêts du Liban.          Pour justifier cette non-action, Hassan Nasrallah, chef de la force   politique et militaire non étatique la plus puissante du pays, avait sorti «   son » argument massue pour devancer ce genre de conclusion. Il a en effet tenu   à expliquer que  la résistance avait opté pour la technique de la guérilla et   non celle de l’armée régulière, en lançant au passage que l’armée libanaise   n’avait même pas les moyens de se payer une guerre.       L’on est bien entendu en droit de s’interroger sur ce premier « mystère » qui   fait qu’une armée nationale ne dispose pas d’assez de cartouches alors qu’un   parti politique de cette même nation a les moyens de menacer Israël de «   l’après, après Haiha ». Nasrallah est même allé plus loin en insinuant que   l’armée libanaise “pouvait jouer pour le camp opposé”.       Le sens caché de cette phrase, que les libanais n’ont pas manqué de saisir   immédiatement, est que l’armée risque en effet en cas de guerre menée par   Israël contre le Hezbollah de prêter main forte à l’attaquant, pour se venger   de ceux qui l’ont emprisonnée dans les casernes pour des raisons   confessionnelles.        En fait c’est la fragilité interne de l’armée libanaise, beaucoup plus que sa   taille et la modestie de son équipement, qui causa sa perte. Le vrai point   faible de l’armée est sa structure fondée sur l’équilibre entre chrétiens et   sunnites chez les officiers, alors que les sunnites fournissent le gros de la   troupe. Or, depuis l’arrivée des syriens en 1976 et des iraniens en 1982, le   pouvoir d’exécuter les décisions de guerre et de paix, allait basculer vers la   communauté chiite et les pro-syriens. Ni l’Iran, ni la Syrie ne veulent donc   entendre parler d’une armée nationale libanaise. Cette armée de par même sa   composition ne peut accepter d’exécuter les ordres de deux puissances,   doublement  étrangères à ses yeux du point de vue nationaliste et   confessionnel. Institution d’un Etat marqué par le communautarisme politique,   corps social issu d’une société pluriconfessionnelle, l’armée libanaise   n’allait pas, non plus, échapper aux tendances centrifuges, aux clivages et   même aux antagonismes internes qui marquent le pays. Victime en effet de la   Syrie, des Palestiniens, du général Michel Aoun, du mouvement chiite Amel et   du Hezbollah qui l’ont utilisée, tour à tour, dans leurs luttes intestines ou   l’ont marginalisée, l’armée a fini par symboliser la destruction du Liban.        Le drame de cette armée a commencé, pour l’histoire récente, en Juin 1976   lorsque la Syrie envoie des troupes au Liban à la demande du camp chrétien et   leur prête main forte contre le camp Palestino-progressiste. Avec la fin   officielle de la guerre en Novembre 1976 et la mise en place de la Force arabe   de dissuasion (FAD), à majorité syrienne, l’armée libanaise perd son monopole   sur “la violence légitime” dans le pays . Elle éclate alors en factions   rivales. Le territoire est sous l’autorité d’une multitude de milices et de   clans.        En mars 1989, le Général Michel Aoun, aujourd’hui allié du Hezbollah, proclamé   alors par une partie des chrétiens Président de la république, lance une   «guerre de libération» contre la présence militaire syrienne au Liban. La   défaite de Aoun renforce, avec la  signature des Accords de Taef  en Octobre   1989, le pouvoir de La Syrie qui maintient plus de 40 000 soldats au Liban et   impose  en 1991 la signature d’un Traité d’amitié avec le Liban, qui consacre   le rôle prépondérant de Damas. La dissolution des milices, à l’exception du   Hezbollah, et la réintégration des miliciens dans l’armée sont alors   intervenues rapidement. Le rôle de l’armée est désormais exclusivement   défensif et doit être coordonné avec celui de l’armée syrienne en vertu du «   talâzum al-masirayn » (le destin mêlé) des deux pays.        Le résultat en est que cette armée se révèle impuissante à protéger ses   propres compatriotes lors du massacre de Qana en 1996. Ce dramatique épisode a   achevé par lui faire perdre toute crédibilité et la cantonner dans des travaux   municipaux alors que le sud du pays était occupé par Israël. Jusqu’à cet été,   le Hezbollah était opposé à la résolution 1559 de l’ONU de septembre 2004 qui   exige notamment le déploiement de l’armée libanaise à la frontière avec   Israël. Il a fallu donc cet été, plus de mille morts, une destruction sans   précédent du pays, une résolution (1701 ) du Conseil de sécurité de l’ONU et   bien entendu l’accord du Hezbollah, pour que l’armée libanais fasse enfin   mouvement vers le sud de son propre pays qu’elle ne contrôlait plus depuis   près de 40 ans et se déploie dans la banlieue sud de Beyrouth. C’est la   première fois depuis l’automne 1984, où elle en avait été chassée par les   combattants du Hezbollah, que l’armée libanaise reprend le contrôle de ce   quartier de la capitale, dont la population est à majorité chiite.        Finalement, sur le plan politique, ce retour constitue le symbole par   excellence de la récupération par l’Etat de ses pouvoirs et de ses fonctions,   à commencer par le monopole de la violence légitime. En entrant au sud,   l’armée libanaise fut d’ailleurs accueillie par une pluie de riz et de fleurs,   symbole de liesse et de baraka        L’humiliation de l’armée libanaise rejaillissait sur le citoyen libanais qui   se voyait un peu comme un peuple sans Etat. Avant le 17 août dernier, l’homme   de la rue s’adressait au soldat à un barrage ou dans un service,  en   l’appelant « ya watan » (patrie) et ce terme avait une connotation amère   implicitement comprise par tous.        (Source : « Le Maghrébin », édition du 18 septembre   2006) Lien:   http://www.hebdo.amd-maghreb.org/index.php?option=com_content&task=view&id=49&Itemid=54
Sondage: 73% des musulmans de France favorables à laséparation de l’Etat et des religions
  AP | 19.09.06 | 22:58
     PARIS (AP) — Un sondage CSA pour l’hebdomadaire “La Vie” bat en brèche   quelques idées reçues sur les musulmans de France: si 88% d’entre eux   déclarent faire le ramadan, seuls 17% disent aller à la mosquée au moins une   fois par semaine, tandis que 73% se montrent favorables à la séparation de   l’Etat et des religions.    Concernant les pratiques religieuses, le ramadan -qui débute ce dimanche-   arrive donc largement en tête (88%). Mais 43% disent faire les cinq prières   par jour, 20% lire le Coran une fois par semaine, 17% aller à la mosquée au   moins une fois par semaine (8% au moins une fois par mois) et 4% être déjà   allés à la Mecque (76% ont l’intention d’y aller).    S’agissant des principes républicains et de la laïcité, près des trois quarts   (73%) des musulmans de France se disent favorables (dont 49% tout à fait   favorables) à la séparation de l’Etat et des religions, alors que 21% s’y   disent opposés et 6% ne se prononcent pas. En outre, 94% disent être   favorables (dont 79% tout à fait favorables) à l’égalité des individus quelles   que soient leurs croyances.    Les musulmans de France se montrent plus partagés sur la question des   conversions: 46% trouvent acceptable qu’un musulman se convertisse au   christianisme, contre 45% qui pensent le contraire. En revanche, 69% trouvent   acceptable qu’une fille musulmane épouse un non-musulman, contre 26% qui y   sont opposés.    Sur la question des femmes, 91% des musulmans interrogés se disent favorables   à l’égalité hommes-femmes (7% opposés), 79% se déclarent opposés à la   polygamie en terre d’islam (15% favorables) et 78% disent être opposés à la   lapidation des femmes adultères en terre d’islam (12% favorables).    Enfin, selon ce sondage, les musulmans de France sont beaucoup plus jeunes que   les autres habitants dans leur ensemble: près de la moitié d’entre eux (49%)   ont moins de 30 ans, alors que ce n’est le cas que d’un habitant sur quatre en   moyenne, et d’un catholique sur six. Toutefois, seuls les musulmans de plus de   18 ans ont été interrogés pour ce sondage.    -sondage réalisé par téléphone du 17 avril au 30 août auprès d’un échantillon   représentatif de 513 musulmans (c’est-à-dire qui se déclarent de religion   musulmane) issus d’un cumul de 15 échantillons nationaux de 1.000 personnes   âgées de 18 ans et plus (soit au total 15.000 personnes), constitué selon la   méthode des quotas. AP
Musulman au pays de Bush
     ETATS-UNIS – 17 septembre 2006 – par RENÉ GUYONNET
  Outre-Atlantique, les musulmans seraient mieux intégrés que leurs   coreligionnaires d’Europe… mais tout autant victimes de préjugés et de   racisme.
  Où en sont les musulmans américains cinq ans après les attentats du 11   septembre 2001 ? Plusieurs sons de cloche. Le quotidien USA Today cite des   enquêtes qui font apparaître « une montée du harcèlement et de la   discrimination ». Ainsi un sondage USA Today-Gallup montre que 39 % des   personnes interrogées éprouvent de la méfiance à l’égard des musulmans
  Autant souhaiteraient qu’ils aient une carte d’identité spéciale « pour   empêcher les attentats terroristes aux États-Unis ». Vingt-deux pour cent ne   voudraient pas avoir des musulmans pour voisins. Les personnes interrogées se   méfient plus des hommes que des femmes. Trente et un pour cent s’inquiètent de   la présence d’un musulman à bord de leur avion, mais seulement 18 % si c’est   une femme.    Une enquête Los Angeles Times-Bloomberg note aussi que 54 % des sondés se   refuseraient à élire un musulman à la Maison Blanche, contre 21 % qui ne   voudraient pas d’un chrétien évangélique et 15 % d’un juif.    Selon le Conseil des relations américano-islamiques de Washington, le nombre   de plaintes reçues pour agressions verbales ou attitudes discriminatoires est   passé de 1 019 en 2003 à 1 972 en 2005, et le moral des Américains musulmans   s’en ressent. D’après une étude de la psychologue Mona Amer, de l’université   Yale, portant sur 611 adultes, la moitié d’entre eux seraient dans un état   dépressif, au lieu de 20 % pour des Américains non musulmans.    Une étude menée par le professeur (d’économie) Robert Kaestner, à paraître   dans le Journal of Human Resources du printemps 2007, et qui a porté sur 4 300   Arabes et musulmans âgés de 21 à 54 ans dans les vingt États où vivent 85 % de   l’ensemble des Arabo-musulmans américains, relève que leurs salaires ont chuté   d’environ 10 % depuis cinq ans. Ils ont reculé de 12 % à 13 % dans les zones   qui ont signalé les taux les plus élevés d’actes racistes, contre 6 % à 7 %   ailleurs.    Pourtant, dans l’hebdomadaire Time, le professeur (de sciences politiques)   Peter Skerry, qui prépare un livre sur le sujet, parle d’une « exception   américaine » qui va dans le bon sens et explique « pourquoi la communauté   musulmane américaine est nettement différente de celles que l’on trouve en   Grande-Bretagne et dans le reste de l’Europe », et moins tentée par le djihad.     La première différence est qu’aux États-Unis on ne compte que 2 à 3 millions   de musulmans, soit moins de 1 % de la population, au lieu de 8 % à 9 % en   France, 5,6 % aux Pays-Bas, 3,65 % en Allemagne et un peu moins de 3 % en   Grande-Bretagne. En outre, sauf de rares exceptions, comme à Detroit ou à   Dearborn, dans le Michigan, ces Américains musulmans sont éparpillés parmi les   autres Américains et « ils ont tendance à être des membres de professions   libérales qui ont fait des études supérieures ».    La différence « la plus vitale », aux yeux de Skerry, est l’importance que   l’Amérique accorde à la liberté de religion. Ce qui se reflète dans le nombre   d’établissements scolaires musulmans gérés par des musulmans : environ 250,   soit le double de la Grande-Bretagne, pour le même nombre de fidèles. C’est un   facteur non négligeable d’intégration dans la société américaine.    Le New York Times confirme, avec des nuances, cette analyse dans une enquête   sur la communauté pakistanaise de Devon Avenue, à Chicago – une avenue qu’on   appelle aussi Muhammad Ali Jinnah, du nom du père du Pakistan.    À la question de savoir si une telle « enclave » pourrait être un foyer de   terrorisme, écrit le journal, « la réponse la plus généralement admise est   non, du moins pour l’instant, en raison des différences qui ont fait que les   Pakistanais des États-Unis ont beaucoup mieux réussi économiquement et sont   beaucoup mieux assimilés culturellement que leurs homologues de   Grande-Bretagne. Mais certains Pakistanais-Américains n’excluent pas cette   possibilité, compte tenu du peu que l’on sait sur ce qui peut amener de jeunes   musulmans en colère à accepter une idéologie qui admet le suicide et le   meurtre collectif. » Conclusion de l’article, ces propos d’un Pakistanais qui   vit aux États-Unis depuis 1971 et qui est plutôt un modèle de réussite : « Les   Pakistanais de Chicago se sont jusqu’ici bien adaptés, mais on ne sait jamais.   »
 (Source: « Jeune Afrique » du 17 septembre 2006)

