TUNISNEWS
6 ème année, N° 2110 du 02.03.2006
CNLT: Rassemblement de soutien à Mohamed Abbou devant la prison du Kef interdit par la force – Violation de la liberté de circulation Comité International pour la Libération de Mohamed Abbou: Mohamed Abbou , un an déjà ! Freedom of expression groups urge Tunisia to release Mohammed Abbou and all other remaining prisoners of opinion Liste des détenus libérés recensés par le CNLT AFP: Libération de détenus tunisiens: un pas encourageant selon Washington AP: U.S. welcomes Tunisia’s decision to free prisoners Yahyaoui Mokhtar: Liberté à bas débit en Tunisie Kamel Labidi: La longue descente aux enfers de la Tunisie Naziha Réjiba: Une école à la dérive Luiza Toscane : Rencontre avec Kamel Ghali, écrivain et poète: « J’appelle à sa libération » Hamime :Tunisie : la mafia politique et les signes annonciateurs de la chute Abou Fares: Trois pions du régime de Ben Ali Ignacio Ramonet : Démocraties sur mesure Reuters: France – L’ex-P-DG d’Alstom condamné, le fils Pasqua relaxé Le Temps : Vers une lutte serrée entre les Rcedistes et les candidats de “la concorde”
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Tunis le 2 mars 2006
Rassemblement de soutien à Mohamed Abbou devant la prison du Kef interdit par la force
Violation de la liberté de circulation
A l’appel de 9 ONG 1 de la société civile tunisienne, un rassemblement pacifique a été prévu aujourd’hui 2 mars devant la prison du Kef où est encore incarcéré depuis le 1er mars 2005 l’avocat et défenseur de droits humains Mohamed Abbou.
Cette action avait pour but de demander la libération de cette éminente figure du barreau tunisien qui a été condamné en juin 2005 à une peine de 3 ans et demi de prison ferme à l’issue d’une mascarade de procès où la Cour avait refusé d’entendre l’accusé, ni les témoins à décharge après avoir expulsé de l’audience les avocats qui n’ont pu plaider. Les charges retenues contre Mohamed Abou relèvent du délit d’opinion puisqu’il lui est reproché d’avoir publié une tribune sur le net qui a déplu aux autorités.
La société civile tunisienne est encore émue par cette détention arbitraire et considère Mohamed Abbou comme un otage politique dont le maintien en prison est synonyme de la confiscation de la liberté de parole, des dysfonctionnements graves de la justice et des persécutions ciblant les défenseurs de droits humains qui se dressent contre ce monopole de la vie publique et tentent de défendre les libertés fondamentales garanties par la constitution tunisienne.
Cette action a été une occasion supplémentaire pour les représentants de la société civile de vérifier que non seulement la liberté d’expression et de réunion étaient violées, mais également la liberté de circulation. En effet toutes les routes menant à cette ville du Nord-ouest de la Tunisie (270 km de Tunis) ont été bloquées par les agents de la garde nationale épaulés par des agents de la police politique qui repéraient les voitures des militants et de nombreux représentants de la société civile ont été arrêtés et sommés de rebrousser chemin (Samir Ben Amor et d’autres.)
Seule Samia Abbou, dont c’était le jour de visite à son mari et les militants qui résident au Kef (maître Néjib Hosni et le pr Abdelkader Ben Khemiss) et Jendouba (maîtres Hédi Manai et Said Méchichi) ont réussi à se rassembler devant la prison et auxquels se sont mêlés des citoyens. Lorsque Samia a brandi un poster demandant la libération de Abbou, elle a été prise à partie par des agents en civil qui étaient massés devant la prison. « Désormais, je refuse de voir mon mari derrière les barreaux, mes enfants pleurent chaque fois que l’on doit visiter leur père. Je viendrai chaque jeudi devant la porte de la prison du Kef avec cette affiche jusqu’à ce qu’il sorte » a-t-elle déclaré devant les agents en civil qui la malmenaient.
La voiture de maître Raouf Ayadi avec Ali Ben Salem et Omar Mestiri a été immobilisée sur l’autoroute de medjez El Bab depuis 9 heures du matin jusqu’à 21.00 après que les papiers de la voiture aient été confisqués. La nuit, un important dispositif policier en tenue et en civil (six voitures et un camion) a finalement escorté de force les occupants de la voiture auxquels s’étaient joints Samia Abbou et Maitre Abderrazak kilani jusqu’au district de la Manouba (banlieue de Tunis) en refusant de restituer les papiers.
Ligue Tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH) ; Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT) ; Association Internationale pour le soutien aux prisonniers politiques (AISPP) ; Association de Lutte contre la Torture en Tunisie (ALTT) ; Amicale Nationale des Anciens Résistants (ANAR) ; Rassemblement pour une Alternative Internationale de Développement (RAID-Attac) ; Observatoire pour la Liberté de Presse, d’Edition et de Création (OLPEC) ; Association des Ecrivains Libres (AEL) ; Centre pour l’indépendance de la justice (CIJ).
Le CNLT exprime son indignation face à ces procédés de voyous auxquels se livrent des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur.
Il assure Samia Abbou de son entière solidarité et s’engage à être à ses côtés dans son combat jusqu’à la libération de Mohamed Abbou.
Il s’élève contre cette interdiction illégale et arbitraire de circuler librement dans le pays en violation des lois tunisiennes et des instruments internationaux.
Pour le Conseil
La porte-parole
Sihem Bensedrine
Tunisie le 2 mars 2006
Info de dernière minute
Une délégation composée par des membres et représentants de la société civile a été empêchée de se rendre au Kef et plus précisément à la prison du Kef où est détenu Me Mohamed Abbou depuis un an.
Un grand nombre de police en civil et en uniforme se trouvant parsemé sur tous les artères et rues amenant au Kef et à sa prison, utilise tous les moyens vicieux et illégaux (check point, barricade, contrôle trop zélé des voitures et de ses occupants) pour que les militants et militantes ne puissent pas arriver à bon port pour manifester leurs soutiens et exiger la libération de Me Abbou.
Harcèlement, barrages des routes, embuscade, orchestrés au nom des taalimat (instruction de la police politique du régime) et auquel les tunisiens sont habitués et cesse dénoncés.
(Source : Alerte de Fathi Jerbi, membre du Collectif du 18 octobre pour les Droits et les Libertés)
Mohamed Abbou : un an déjà !
Freedom of __expression groups urge
1 March 2006
On the first anniversary of the jailing of Tunisian internet writer, lawyer and human rights activist Mohammed Abbou, international freedom of __expression groups welcomed the recent release of many Tunisian prisoners of opinion including journalist, Hamadi Jebali, imprisoned for 16 years, and
the youth of Zarzis, whose release was the focus of an international campaign, but expressed dismay at the continued incarceration of Abbou and the escalation of other free speech violations.
Abbou was jailed on 1 March 2005 and subsequently prosecuted at an unfair trial, on a highly questionable charge of assault, for publishing information that « would disturb public order » and for « insulting the judiciary ». His is just one of a series of cases of free speech rights abuse documented by International Freedom of __Expression Exchange (IFEX) member groups, including 14 members of the IFEX Tunisia Monitoring Group.
Freedom of assembly is severely restricted. Political parties, human rights groups and civil society activists have been physically prevented by police from holding peaceful gatherings on private premises. Meetings of the Tunisian Association of Democratic Women (ATFD) and the Democratic Forum for Labour and Freedom (FDLT), National Council Freedoms (CNLT) in
Controls on phones, faxes and the internet are still in place three months on from the World Summit for the Information Society (WSIS) in November 2005. The security services summoned several human rights defenders in February, including members of the editorial board of the banned newspaper Kalima, searched them and confiscated copies of the newspaper in their possession.
Tunisian authorities have blocked publication of the weeklies al Maoukif, published by the opposition Democratic Progressive party, and Akhbar al Joumhouria. Foreign papers have faced bans on distribution including the French Paris daily Le Monde and the magazine al Maraa al Youm published in
Despite the repeal of the dépôt legal system which required copies of Tunisian periodicals to be sent to officials, the system still applies to the foreign press. It allows the authorities to silence media that
criticise the government or raise taboo subjects.
We urge the Tunisian government:
· To free Mohammed Abbou and all remaining prisoners of opinion.
· To stop the censorship of publications in
· To lift the legal requirement that new periodicals must be officially registered prior to publication.
· To allow independent broadcasters to establish.
· To allow freedom of assembly for all independent NGOs and parties
· To end the harrassment and intimidation of human rights defenders
-ends-
Note to editors:
The Tunisia Monitoring Group (TMG) is a coalition of 14 organisations set up in 2004 to monitor freedom of __expression in
Exchange (IFEX), a global network of 64 national, regional and international organizations committed to defending the right to freedom of __expression.
Members of the TMG are:
ARTICLE 19,
Canadian Journalists for Free __Expression (CJFE),
Egyptian Organization for Human Rights (EOHR),
Index on Censorship,
International Federation of Journalists (IFJ),
International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), The
International Publishers’ Association (IPA),
Journalistes en danger (JED), Democratic
Media Institute of Southern Africa (MISA),
Norwegian PEN,
World Association of Community Radio Broadcasters (AMARC),
World Association of Newspapers (WAN), France
World Press Freedom Committee (WPFC),
Writers in Prison Committee of International PEN (WiPC),
More information:
For further information, contact Steve Buckley, AMARC,
tel: +44 114 2201426,
e-mail: sbuckley@gn.apc.org;
or Alexis Krikorian, IPA, tel: +41 79 214 55 30,
e-mail: krikorian@ipa-uie.org , Internet: http://campaigns.ifex.org/tmg
Liste des détenus libérés recensés par le CNLT
Libération de détenus tunisiens: un pas encourageant selon Washington
U.S. welcomes Tunisia’s decision to free prisoners
United States Welcomes Tunisian Release of Political Prisoners
Liberté à bas débit en Tunisie
Yahyaoui Mokhtar
Avec les quelques dizaines de prisonniers politique qu’on a fait bénéficier d’une libération conditionnelle, à quelques mois voir quelques semaines, du terme de leurs peines après une quinzaine d’années de détention en moyenne la dictature croit marquer un point dans l’ouverture politique et face au pressions étrangères qui sont en train de l’isoler sur la scène internationale. L’annonce prématuré de cet acte de « clémence » à quelques semaines de la commémoration du cinquantième anniversaire de l’indépendance est destiné à couper court à toute les spéculations sur les intentions de la dictature face à la crise que traverse le pays en cette occasion. Il y a quelques jours auparavant une amnistie à été décrété au profil des escrocs. Des milliers d’imposteurs, qui se sont fait bâtir des fortunes par des cheques sans provision, se sont trouvés ainsi totalement blanchi et peuvent retourner aux affaires de nouveau. Les véritables concernés parmi eux n’ont jamais eu à répondre de leur fait devant les tribunaux ni été inquiété par les poursuite et la détention. Cette grâce intervient à temps pour les décharger de cette menace. Ce genre d’amnistie n’est pas le premier décrété par la dictature en Tunisie. Il intervient périodiquement pour réhabiliter nos escrocs au point de croire qu’un pacte de solidarité les unis. Pour les autres criminels l’élargissement conditionnelle de ces quelques suppliciés de la liberté n’été que le couvert pour maquiller la grâce présidentielle qui leur à été concédé et qui concernait 1300 parmi eux. Je ne sais pas s’il a toujours été comme ça dans tous les dictatures ou c’est une autre particularité Tunisienne : la grâce et l’amnistie totale au criminels et aux escrocs et la libération conditionnelle aux militants pour la liberté. Une libération conditionnelle, pour ceux qui ne le savent pas, permet de laisser les bénéficiaires sous la menace d’une reconduction en prison à la moindre infraction pour accomplir le reliquat de leurs peines tout en les astreignant à un contrôle administratif de police appliqué discrétionnairement au point qu’il équivaut une mesure de bannissement. Cet aspect de notre système judiciaire qui profite principalement aux criminels invétérés a été présenté par le ministre concerné et son principal adjoint la semaine dernière au cours d’une journée d’étude organisée par la chambre des député comme l’un des meilleurs aujourd’hui dans le monde. Pour être meilleur il l’est certainement dans son genre et aucun autre système judiciaire ne l’égalait au bénéfice des hors la loi et des mafieux. S’il y a des vérités et des fait qu’on ne peut pas révéler même s’il ne sont plus cachés au plus commun des citoyens l’un des plus célèbre chroniqueur satirique à pu leur consacrer sa chronique dernièrement en se posant la malicieuse question : Qui veut trouver un travail temporaire et un salaire fixe ? il promet une situation logé nourri et blanchi sur le compte de l’employeur avec un salaire mensuel de deux cent mille dinars avant de répondre « c’est de faire de la prison ». En note de bas de page il revoit au coût du détournement de plusieurs milliards par un escroc par apport au jugement dont il a été condamné par les tribunaux. Le cas n’est pas isolé comme il le précisait. Que reste-t-il à la dictature si elle ne garde plus d’otages à rançonner ? Que restera-t-il aux escrocs s’ils ne trouvent plus des naïfs à spolier et des protecteurs qui leur assurent l’impunité ? Depuis le retrait de la plainte déposé par les magistrats contre le forfait dont leur association a fait l’objet et l’obligation dans laquelle il se sont trouvés de la retirer pour ne pas avoir à s’auto condamner on ne voit plus qui peut se prévaloir de la loi dans notre pays aujourd’hui. Depuis que les députés sont réduits à vanter avant de voter des lois qui sont déjà enté en application par simples directives du président on ne voit plus l’intérêt d’un parlement. Dans l’espoir que tout Tunisien peut contenir encore cette liberté à bas débit ne parvient plus à cacher une grave contradiction qui est en train de se clarifier : CETTE DITATURE N’EST PAS L’ADVERSAIRE DE QUELQUES INDIVIDUS. Elle est en train de s’interposer en entrave aux aspirations de tout un pays. Yahyaoui Mokhtar Tunis le 27 02 2006
DU PROTECTORAT FRANÇAIS À LA DICTATURE SANS FARD
La longue descente aux enfers de la Tunisie
Par Kamel Labidi
Ce mois-ci, la Tunisie célèbre le cinquantième anniversaire de son indépendance, marquée par une dictature implacable. Mais, en février, le président Zine El-Abidine Ben Ali a libéré 1657 détenus, dont 70 membres du parti islamiste interdit Ennahdha, le journaliste Hamadi jebali et des jeunes internautes, emprisonnés pour avoir surfer…De quoi encourager à la résistance collective qui commence à s’organier.
Ce mois-ci, la Tunisie célèbre le cinquantième anniversaire de son indépendance, marquée par une dictature implacable. Mais, en février, le président Zine El-Abidine Ben Ali a libéré 1657 détenus, dont 70 membres du parti islamiste interdit Ennahdha, le journaliste Hamadi jebali et des jeunes internautes, emprisonnés pour avoir surfer…De quoi encourager à la résistance collective qui commence à s’organier.
« Naturellement à part les multiples humiliations infligées aux citoyens, je constate que du temps du protectorat français les opposants, Bourguiba en tête, avaient le pouvoir de s’exprimer. Ils avaient des associations, des partis, des syndicats et des journaux. Loin de moi l’idée de faire l’apologie du colonialisme, mail il faut constater qu’aujourd’hui nous n’avons plus rien de tout cela. » Tel est le constat de Mohamed Talbi, historien et ancien doyen de la faculté des lettres de Tunis qui, a 84 ans, demeure d’une lucidité et dune combativité remarquables [1].
Rares sont les intellectuels tunisiens qui, comme lui, ont vécu l’époque française avant de voir leur pays accéder dans l’euphorie a l’indépendance, le 20 mars 1956, pour s’atteler avec enthousiasme à la construction d’un Etat moderne, longtemps présenté comme « exemplaire », et rejoindre finalement… les rangs des dictatures arabes. L’exercice de plus en plus personnel du pouvoir par le « Combattant suprême », Habib Bourguiba, puis, après l’éviction de celui-ci en novembre 1987, par le général Zine El-Abidine Ben Ali est à l’origine du naufrage politique du pays.
Cette marge de liberté qu’évoque M. Talbi, sans cesse rognée depuis l’indépendance, avait permis à Bourguiba de fustiger le régime du protectorat en vigueur depuis 1881 dans des journaux comme La Voix du Tunisien, avant qu’il ne fonde en 1932 L’Action tunisienne. Deux ans plus tard, il créait le Néo-Destour, une formation politique moderne structurée sur les modèles des partis socialistes et communistes européens, et déterminé à conquérir le pouvoir pour transformer la société.
C’est aussi durant l’époque coloniale qu’émergèrent, dès les années 1920, des syndicats autonomes et un débat public sans précédent [2]. La naissance en 1946 de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) dota le Néo-Destour d’un allié de taille dans la lutte pour la libération et la construction du nouvel Etat. Paradoxalement, les tentatives visant a mettre au pas par tous les moyens l’une des centrales syndicales les plus prestigieuses en Afrique et dans le monde arabe débutèrent dès les premiers mois le l’indépendance. C’était entraver du même coup le développement d’un contre-pouvoir qui aurait pu contribuer à protéger le pays de tant de dérives autoritaires et de leurs conséquences socioéconomiques néfastes [3].
Cependant, son passe de résistant à la colonisation, marqué par de longues années de prison, de déportation et d’exil, puis les mesures prises au lendemain de l’indépendance pour émanciper les femmes et combattre la pauvreté et l’analphabétisme, tout comme l’appel historique lancé en 1965 pour la solution du conflit israélo-arabe sur la base du plan de partage de la Palestine en deux Etats, l’un juif et l’autre arabe, adopté par les Nations unies en 1947, contribuèrent à affermir l’autorité de Bourguiba parmi les Tunisiens et sur la scène internationale.
En mai 1961, le recevant, le président John Fitzgerald Kennedy compara le président tunisien au Père fondateur des Etats-Unis, George Washington. En revanche, son successeur n’a jamais et convié à un dîner d’Etat à la Maison Blanche, et, lors de sa brève visite officielle à Washington en 2004, le président George W. Bush lui demanda, non sans arrogance, de desserrer l’étau autour de la presse.
Dans les années 1960, alors que toutes les institutions du pays étaient tenues en laisse par le parti unique, le Parti socialiste destourien (PSD) l’université de Tunis demeurait un véritable forum où les questions de développement et de démocratie étaient abattues, et les choix politiques de Bourguiba, y compris son soutien à l’intervention américaine au Vietnam, critiqués. Ce climat de contestation, alors rare au sein des universités arabes, suscita vers la fin de la décennie use répression farouche contre des jeunes qui ne rejetaient pas le projet de société moderne de Bourguiba, mais combattaient la mainmise de son parti sur le pays. De cette époque date aussi le virage du régime vers le libéralisme économique.
Coup de force contre le syndicalisme.
PARMI les anciens prisonniers politiques victimes de cette répression se trouvaient les futurs fondateurs de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et de la section tunisienne d’Amnesty International, les premières du genre dans le monde arabe.
Après la condamnation à une lourde peine de prison du ministre Ahmed Ben Salah, rendu responsable de l’échec de la politique des coopératives en 1969, vinrent l’épuration de l’aile libérale du PSD, animée par M. Ahmed Mestiri, puis la proclamation de Bourguiba comme président à vie en 1974. Ces événements n’empêchèrent cependant pas la société civile de se développer à petits pas et d’apparaître, au milieu des années 1970, comme l’une des moins enchaînées du monde arabe.
C’est dans ces conditions marquées par la libéralisation de l’économie et un léger desserrement de l’étau du PSD sous le gouvernement de M. Hedi Nouira, que l’UGTT avança sur le chemin de l’autonomie et de la liberté d’expression à travers son hebdomadaire Echaab (« Le peuple ») tandis que naissaient, en 1977, la LTDH et le journal indépendant Errai (« L’opinion »).
Même le coup de force sanglant contre l’UGTT en janvier 1978, qui fit des dizaines de morts, puis l’attaque contre la ville de Gafsa, en janvier 1980, par un commando d’opposants tunisiens venus de Libye, via l’Algérie, ne suffirent pas à museler la société civile émergente. Malgré le harcèlement de journaux indépendants comme Errai ou islamistes comme Al-Maarifa (« Le savoir »), de nouvelles publications, comme Le Phare, Démocratie, L’Avenir, Al-Mojtama’a (« La société », islamiste), 15-21 (islamiste progressiste) transformèrent le paysage médiatique.
En 1981, la restauration partielle du pluralisme politique, avec la levée de l’interdiction frappant le Parti communiste tunisien (PCT), suscita des espoirs, vite déçus. En novembre, le pouvoir falsifia les résultats des élections législatives auxquelles avaient pris part le PSD, le PCT et deux nouvelles formations non encore légalises : le Mouvement des démocrates socialistes (MDS) et le futur Parti de l’unite populaire (PUP). La même année, les dirigeants islamistes, qui avaient su tirer avantage des petits espaces de liberté, furent emprisonnés.
La répression sanglante des « émeutes du pain » (décembre 1983), la nouvelle déstabilisation de l’UGTT et l’arrestation de son vieux dirigeant Habib Achour, enfin le recours croissant à la manière forte face à la contestation sociale et islamiste contribuèrent à sonner le glas du règne d’un « Combattant suprême » influencé par les intrigants de son proche entourage.
Nombre d’observateurs estiment que la nomination du général Ben Ali comme premier ministre, en octobre 1987, qui resta à la tête du ministère de l’intérieur, fut la plus grande erreur politique commise par Bourguiba. « II était intelligent. Mais, ce jour-là, i t fut d’une bêtise totale. C’est comme si un dictateur remettait la corde pour le pendre entre les mains de son bourreau », commente M. Talbi.
Le coup d’Etat du 7 novembre 1987 fit accueilli favorablement par une large fraction du monde politique. « Une erreur cuisante et désolante », reconnaît désormais le cheikh Rached Ghannouchi, dirigeant du mouvement islamiste Ennahdha (« Renaissance »), qui avait déclare publiquement que la confiance des islamistes « en Dieu d’abord, et en M. le président ensuite, est grande ». L’arrestation de dizaines de milliers de membres de son mouvement, dont une quarantaine mourront sous la torture, et les multiples procès arbitraires des années 1990 poussèrent le cheikh Ghannouchi à choisir l’exil.
Les opposants laïques qui, comme lui, avaient pris pour argent comptant les promesses démocratiques du pacte national (1988) en seront également pour leurs frais. Ils mettront seulement plus de temps à prendre conscience de leur rôle de faire-valoir d’un président hostile aux droits de la personne comme à toute vie intellectuelle. Ceux qui avaient fermé les yeux sur la répression aveugle contre les islamistes et les autres contestataires, et sur la persécution de leurs familles, les ouvriront quelques années plus tard dans les locaux de la police, en prison ou en exil [4].
Les conseillers du nouveau président ont évidemment su profiter de cet aveuglement pour porter un coup au crédit de la plupart des chapelles de l’« opposition » en les associant à des mascarades électorales alimentant l’illusion d’un pluralisme. Leur influence croissante, ainsi que celle des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, et surtout la politique de main de fer contre toute opposition authentique entraînèrent une désaffection rapide des Tunisiens à l’égard de la politique.
Même des personnalités politiques et syndicales, des avocats, des journalistes et des universitaires qui avaient brillé par leur esprit critique et leur courage se retirèrent sur la pointe des pieds. Un exemple le plus frappant est celui de M. Mestiri, fondateur du MDS, qui tourna le dos à la vie politique au lendemain des élections truquées de 1989.
Appuyé par des hommes de confiance qu’il avait connus dans les rangs de l’armée et les couloirs du ministère de l’intérieur, M. Ben Ali put ainsi faire main base sur les institutions. Les mesures annoncées à cor et à cri au lendemain du coup d’Etat – abolition de la présidence à vie, promesses de démocratisation – apparurent bientôt comme de la poudre aux yeux, surtout après les mascarades électorales successives et la reforme de la Constitution de 2002. Celle-ci accroissait les pouvoirs déjà excessifs du président et lui permettait de briguer de nouveaux mandats à partir de 2004, mass aussi de bénéficier d’une immunité judiciaire à vie.
En septembre 2005, la Chambre des députés, réunie en session extraordinaire, adoptait un texte de loi accordant des avantages aux « présidents de la République dès la cessation de leurs fonctions » et à leurs familles en cas de décès. La hâte avec laquelle la loi a été votée, signée par M. Ben Ali et publiée au Journal officiel en toute opacité [5], n’a pas manqué d’intriguer, à un moment où les rumeurs persistantes sur l’état de santé du président redoublaient d’intensité. Entre autres aberrations, cette loi place les enfants du couple présidentiel au-dessus de la Constitution, qui garantit dans son article 6 l’égalité des citoyens : ils continueront d’être pris en charge par le contribuable jusqu’a l’age de 25 ans, et non jusqu’a 20 ans comme le reste des enfants des retraités de la fonction publique.
Le principe d’égalité des droits, des devoirs et des chances n’a jamais eté aussi malmené depuis l’indépendance. Les principaux bénéficiaires de la privatisation des entreprises publiques, des créances bancaires douteuses et du marché noir florissant se recrutent de plus en plus parmi les membres de la « famille régnante », comme on appelle les parents, frères, soeurs et allies de M. Ben Ali et de son épouse Leila Trabelsi.
Plusieurs d’entre eux ont un pied dans le public et l’autre dans le secteur privé. Ils utilisent leur influence pour devenir encore plus riches en jouant les courtiers dans différents domaines, y compris celui de l’emploi, alors que le marché du travail est incapable d’absorber un flux croissant de jeunes. Selon Hassine Dimassi, professeur d’économie et ancien doyen de la faculté de droit de Sousse, le nombre réel de chômeurs diplômés est deux fois plus important que l’évaluation des statistiques officielles (quarante mille). « La société dépense un argent fou pour former des quasi-analphabètes réduits au chômage. Cela crée une tension terrible dans les ménages et l’ensemble de la société », explique-t-il. Et de mettre en garde contre les risques de rester les bras croisés face à la dégradation effarante de la qualité de l’enseignement, et de voir se transformer des centaines de milliers de jeunes chômeurs en « bombes à retardement ».
La plupart des jeunes ne partagent avec leurs parents ni l’engagement au service du pays au lendemain de son indépendance, ni la soif de savoir et de principes qui étaient les leurs à l’époque. Ils fréquentent des établissements scolaires gérés par des individus proches du pouvoir pour faire plaisir à leurs parents et, comble de l’ironie, ils y tournent souvent en dérision les rares éléments assoiffés de connaissances. « A quoi vos diplômes et vos principes vous ont-ils servi ? », demandent parfois des jeunes, éblouis par l’étalage insolent des richesses accumulées rapidement par des parvenus, à leurs parents bardes de diplômes mais qui ont du mal a joindre les deux bouts comme a défendre leurs valeurs.
Le système éducatif, qui a contribué énormément à améliorer le niveau de vie des Tunisiens et à faire la force du système politique, au cours des premières décennies de l’indépendance, semble s’acheminer, selon des enseignants et des parents d’élèves et d’étudiants bien informés, vers la banque route. A preuve la décision de baisser le niveau des examens et de « donner » le baccalauréat pour accroître la popularité de M. Ben Ali.
Sous couvert de l’anonymat, un jeune chercheur à la faculté des lettres de La Manouba explique : « II fut un temps ou l’enseignant était un modèle à suivre et où les établissements scolaires offraient aux jeunes non seulement un enseignement de qualité, mais également une formation culturelle, syndicale et politique. Désormais, nous n’avons aucune formation digne de ce nom, il y a une véritable pénurie de débat d’idées et de création, ainsi qu’une poussée inquiétante du trafic d’influence et de l’esprit de démission parmi les enseignants. »
Des procès iniques
L’absence de perspectives pour les jeunes a poussé des milliers d’entre eux à fuire le « miracle tunisien » cher au président français Jacques Chirac. Des dizaines se sont même noyés, au cours des dernières années, essayant d’atteindre les cotes italiennes sur des embarcations de fortune.
Ce que l’on sait moins, c’est que des centaines d’autres purgent de lourdes peines de prison, au terme de procès iniques, condamnés pour constitution de « bande de malfaiteurs » accusés de vouloir commettre des « actes de terreur ». En réalité, le véritable crime de bon nombre d’entre eux, comme les « jeunes de Zarzis », semble être la navigation sur Internet, où le pouvoir ne cesse de verrouiller les sites et les boites électroniques. Mais la loi « antiterroriste », utilisée pour jeter en prison des jeunes dont le seul crime est de revendiquer la liberté d’expression, a été votée en 2003 pour plaire… à l’administration américaine et à ses alliés européens.
Si le théâtre, avec des créateurs comme Fadhel Jalbi et Jalila Baccar, s’efforce d’évoquer « la violence politique, les intégrismes de gauche ou de droite et les difficultés d’être un homme libre », les autres espaces de libre discussion font cruellement défaut. La dernière production de ces deux artistes, Corps otages, programmée au théâtre de l’Odéon à Paris en juin, raconte l’histoire d’une fille issue d’un milieu aisé qui, proche de la gauche, est séduite pas les slogans de l’islamisme radical. « Je fais ce spectacle pour que ma fille ne soit pas forcée à porter le voile », déclare Fadhel Jaibi, qui avait 10 ans en 1956 et qui, contrairement a sa compagne Jalila, nourrit une méfiance sans bornes a l’égard des islamistes.
La répression a atteint un degré tel, dans ce pays jadis présenté comme « le plus laïque des pays arabes », que des dirigeants situes aux deux extrémités de l’échiquier politique – et qui se vouaient jusqu’a récemment une hostilité légendaire – ont fini par négocier leur participation à une grève de la faim groupant huit personnalités, indépendantes, d’obédience socialiste et islamiste, pour faire pression sur le pouvoir. En plein Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), réuni à Tunis en novembre 2005, cette action a attiré l’attention des medias internationaux, surtout après les agressions perpétrées par des policiers en civil contre des journalistes français et belges, mais aussi la venue de militants des droits humains de stature internationale, telle Mme Chirine Ebadi, lauréate iranienne du prix Nobel de la paix, au cabinet de l’avocat Ayachi Hammami, ou les grévistes de la faim avaient élu domicile. Fin février, M. Ben Ali a fini par annoncer la libération de 1298 détenus, et la mise en liberté surveillée de 359 autres.
Ce rapprochement entre islamistes et personnalités reputées laïques et hostiles aux mouvements islamistes, comme MM. Nejib Chebbi, secrétaire général du Parti démocratique progressiste (PDP), et Hamma Hammami, secrétaire général du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), a suscité une campagne de diffamation de la part du pouvoir et de vives réactions du côté de personnalités indépendantes et d’animateurs de formations d’extrême gauche, réunis autour du mouvement Ettajdid (« Renouvellement »).
L’un des partisans d’une coopération avec le mouvement Ennahdha, qu’il considère comme « centriste », est M. Moncef Marzouki, qui anime aussi le Congres pour la République (CPR, non reconnu par le pouvoir). Il appelle à la construction d’un « front démocratique » qui exclurait seulement de ses rangs les « islamistes qui sont pour la violence, pour l’application de la charia et contre l’égalité de l’homme et de la femme ». La principale tache de ce front, selon lui, serait de préparer le terrain à « une révolution pacifique à l’ukrainienne ou à la géorgienne ».
La déliquescence de l’Etat et la dégradation de son image dans le pays et à l’étranger ont aussi incité d’anciens proches collaborateurs de M. Bourguiba à briser le silence. « S’il n’y a pas de règles démocratiques, de débat public, l’indépendance elle-même n’a pas réellement de sens », estime M. Mohamed Sayah, historiographe, ministre et directeur du parti du « Combattant suprême », que beaucoup présentaient comme adversaire absolu de la démocratisation.
Une grande question hante beaucoup de monde : que faire concrètement pour éviter que le pays ne s’enfonce encore davantage dans l’autoritarisme, la corruption, le népotisme [6], et pour redonner espoir aux jeunes, dont une part croissante, désespérée, s’en remet à la violence ou à l’islamisme ?
L’élargissement, ces dernières années, du cercle des Tunisiens décidés à exercer malgré tout leur droit à la liberté d’expression et d’association est un signe qui ne trompe pas. C’est pourquoi l’historien Raouf Hamza recommande la construction de « petits espaces de réflexion » pour analyser les problèmes de société et les mécanismes de résistance au changement.
Le mouvement issu de la grève de la faim, qualifié de « nouvelle naissance » de l’opposition par le cheikh Ghannouchi, pourrait contribuer a limiter l’érosion des acquis sociaux mis en place des les premières années de l’indépendance (éducation, santé, émancipation de la femme et égalité des chances en matière d’emploi).
Encore faudrait-il que ses animateurs démontrent très vite leur capacité à se hisser au-dessus des considérations partisanes et des querelles de personne, donnant ainsi la preuve de leur attachement aux principes de démocratie, de transparence et de travail en commun. Ils gagneraient aussi à mettre au point un programme commun pour la construction d’un Etat de droit, mobilisateur pour la société et qui contraindrait les partenaires occidentaux de M. Ben Ali à prendre au sérieux l’existence d’une véritable stratégie pour se libérer de la dictature.
[1] Sur la dégradation continue de l’état des libertés, voir les deux rapports de mission de l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX) en 2005 : www.ifex.org
[2] Des intellectuels comme Tahar Haddad (1899-1935), réformateur et partisan de l’émancipation de la femme, et le poète Abou Kacem Chebbi (1909-1934) ont marqué des générations, avant et après l’indépendance.
[3] Cf les témoignages de l’ancien ministre Ahmed Ben Salah et de l’ancien secrétaire général de l’UGTT Taieb Baccouche publiés par la Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l’information, dont le travail est entravé par la censure : www.tn.refer.org/hebergement/temimi
[4] Cf Olfa Lamloum et Bernard Ravenel (sous la dir. de), La Tunisie de Ben Ali, L’Harmattan, Paris, 2002. Lire également Michel Camau et Vincent Geisser, Le Syndrome autoritaire, Presses de Sciences Po, Paris, 2003 ; et Sihem Ben Sedrine et Omar Mestiri, L’Europe et ses despotes, La Découverte, Paris, 2004.
[5] Loi 2005-88 du 27 septembre 2005 « relative aux avantages alloués aux présidents de la République dès la cessation de leurs fonctions », publiée avec une rapidité étonnante au Journal officiel fin septembre 2005.
[6] La Tunisie passe de la 39e place en 2004 a la 43e en 2005 dans le classement de la corruption dans le monde établi par Transparency International : www.transparency.org
(Source : « Le Monde diplomatique », Mars 2006)
Une école à la dérive
Naziha Réjiba (*)
DANS LES REGIMES TOTALITAIRES, les institutions dépendent toujours de la volonté de celui qui gouverne, voire de son humeur, et l’école n’échappe pas à cette « règle ». Avocat de formation, fin lettré et fervent adepte du modernisme, Habib Bourguiba fit pour la Tunisie indépendante deux choix essentiels : l’éducation et l’émancipation des femmes. II a certes imposé à l’école une tutelle réductrice, et sévèrement réprimé enseignants et enseignés lorsqu’il les a jugés « ingrats »… II n’en reste pas moins que les débuts de son régime virent la naissance dune école moderne : croissance du taux de scolarisation, niveau satisfaisant et reconnu, etc. Cela fut possible grâce aux choix politiques et à l’enthousiasme des pionniers, ainsi qu’à l’engouement de la population pour l’instruction.
Le printemps n’aura malheureusement pas duré longtemps ; le long règne de Bourguiba et ses dérives autoritaires ont fini par tout entamer. L’école a eu son lot de problèmes : infrastructure insuffisante, classes surchargées, mauvais résultats, baisse de niveau… La situation fut d’autant plus grave que les courants idéologiques, empêchés de s’exprimer licitement, s’emparèrent de l’école et en firent un lieu pour leurs règlements de compte souvent violents. On peut dire que l’école bourguibienne avortée et détournée de sa mission fut pour beaucoup dans l’avènement de M. Zine El-Abidine Ben Ali, le policier fort censé maîtriser ce chaos.
Militaire de carrière et homme du tout-sécuritaire, le président Ben Ali n’avait pas de vision politique, surtout pour l’éducation. De l’école avortée de Bourguiba, il hérita d’une armada issue de l’échec scolaire qui constitue le plus gros de son appareil répressif. De Bourguiba lui-même, il reprit deux « gloires » qui se vendent si bien chez nos « partenaires » occidentaux : l’éducation et l’émancipation des femmes. II gérera l’une et l’autre à sa façon et selon ses priorités personnelles, car législateurs, experts, ministres ne sont que des exécutants des ordres du Palais. Lesquels sont parfois improvisés et répondent à I’humeur du président (nous avons eu droit a une arabisation subite parce qu’il était fâché contre les medias français). L’école fait partie du goulag général. Ses dirigeants se sont transformés, bon gré mal gré, en gardiens. Pour soigner les apparences et entretenir le mythe du renouveau, elle a droit de temps en temps à des ravalements de façade ; des effets d’annonce présentés comme des reformes, gonflage des résultats, etc.
Côté cour, c’est la baisse du niveau, la violence, le manque de moyens (surtout dans les écoles professionnelles), la corruption (des courtiers proches du pouvoir interviendraient dans la réussite aux contours, les nominations et les mutations du personnel). Des gouvernants (président compris) placent leur progéniture dans des écoles privées et/ou étrangères.
Les dégâts subis par l’école ne sont pas seulement d’ordre pédagogique ; le mal touche les valeurs mêmes de l’éducation, avec l’émergence du phénomène des jeunes loups ignares. Ceux-ci affichent une richesse ostentatoire illicitement gagnée et font désormais figure de model. Nous sommes loin du jeune bardé de diplômes qui constituait une référence pour la jeunesse.
(*) Rédactrice en chef du journal en ligne Kalima, inaccessible en Tunisie.
L’auteur, alias Om Zyed, mit fin avec fracas en 2003 à sa longue carrière l’enseignante pour protester contre la dégradation et la politisation des établissements scolaires.
(Source : « Le Monde diplomatique », Mars 2006)
« J’appelle à sa libération »
Tunisie : la mafia politique et les signes annonciateurs de la chute
Trois pions du régime de Ben Ali
Démocraties sur mesure
Par Ignacio Ramonet
Souvent présentée comme le meilleur des systèmes politiques, la démocratie a longtemps été une forme de gouvernement rare. Parce qu’aucun régime ne répond totalement à l’idéal démocratique qui supposerait une honnêteté totale des puissants à l’égard des faibles et une condamnation vraiment radicale de tout abus de pouvoir. Et parce qu’il faut respecter cinq critères indispensables : élections libres ; opposition organisée et libre ; droit réel à l’alternance politique ; système judiciaire indépendant ; et existence de médias libres. Même ainsi, certains Etats démocratiques, comme
En dépit de tels défauts, cette méthode de gouvernement a eu tendance à s’universaliser. Sous la forte impulsion, d’abord, du président des Etats-Unis Woodrow Wilson (1856-1924). Mais surtout après la fin de la guerre froide et la disparition de l’Union soviétique. On annonça alors la « fin de l’histoire » au prétexte que rien ne s’opposait à ce que tous les Etats du monde atteignent un jour les deux objectifs du « bonheur suprême » : économie de marché et démocratie représentative. Objectifs devenus dogmes intouchables.
Au nom de ces dogmes, M. George W. Bush a estimé légitime, en Irak, de recourir à la force. Et, dans des prisons secrètes établies à l’étranger, d’autoriser ses forces armées à pratiquer la torture. Ou de soumettre à des traitements inhumains, dans le bagne de Guantánamo, des prisonniers en dehors de tout cadre légal, comme vient de le dénoncer un rapport de
Malgré de si graves infractions, les Etats-Unis n’hésitent pas à s’ériger en instance planétaire d’homologation démocratique. Washington a pris l’habitude d’avilir ses adversaires en les qualifiant systématiquement de « non démocratiques », voire d’« Etats voyous » ou de « bastions de la tyrannie ». Seule condition pour échapper à cette marque d’infamie : organiser des « élections libres ».
Mais même alors, tout dépend des résultats. Comme le montre le cas du Venezuela, où, depuis
Trois autres exemples – en Iran, en Palestine et en Haïti – montrent qu’il ne suffit plus d’être élu démocratiquement. Pour l’Iran, chacun trouvait les élections de juin 2005 formidables : participation massive, pluralité et diversité des candidats (dans le cadre de l’islamisme officiel), et surtout brillante campagne de M. Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, favori des Occidentaux et donné vainqueur. Nul n’évoquait alors le « péril nucléaire ». Tout a brutalement changé après la victoire de M. Mahmoud Ahmadinejad (dont, par ailleurs, les déclarations sur Israël sont inacceptables). Et l’on assiste maintenant à une diabolisation de l’Iran.
Bien que Téhéran soit signataire du traité de non-prolifération nucléaire et nie vouloir la bombe, le ministre français des affaires étrangères ne vient-il pas d’accuser l’Iran de conduire un « programme nucléaire militaire clandestin (1) » ? Et, oubliant déjà les récentes élections, Mme Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine, ne réclame-t-elle pas 75 millions de dollars au Congrès pour financer en Iran la « promotion de la démocratie » ?
Même situation, ou presque, pour
Enfin, pour Haïti, on a pu voir, à l’occasion de l’élection présidentielle du 7 février dernier, comment, dans un premier temps, tout était fait pour empêcher la victoire de M. René Préval – finalement élu –, dont la « communauté internationale » ne voulait à aucun prix, en raison de ses liens avec l’ancien président Jean-Bertrand Aristide.
« La démocratie, disait Winston Churchill, est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres. » Ce qui gêne aujourd’hui, c’est de ne pouvoir déterminer le résultat d’une consultation électorale à l’avance. Quand certains aimeraient pouvoir établir des démocraties sur mesure. A résultat garanti.
(1) Le Monde, 17 février 2006.
(Source : Monde Diplomatique, Mars 2006 – Page 1)
URL:http://www.monde-diplomatique.fr/2006/03/RAMONET/13266
France – L’ex-P-DG d’Alstom condamné, le fils Pasqua relaxé
Reuters, le 02.03.2006 à14h43
PARIS, 2 mars (Reuters) – L’ancien P-DG d’Alstom Pierre Bilger a été condamné jeudi à neuf mois de prison avec sursis et 150.000 euros d’amende dans une affaire de corruption remontant à 1994.
En revanche, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Pierre-Philippe Pasqua, fils de l’ancien ministre de l’Intérieur, et ordonné la levée du mandat d’arrêt international délivré contre lui pendant l’enquête.
Pierre-Philippe Pasqua, qui se trouverait en Tunisie, ne s’est pas jamais présenté aux magistrats français ni durant l’enquête ni à l’audience. Le parquet avait requis contre lui deux ans de prison ferme et 200.000 euros d’amende.
Pierre Bilger, 65 ans, qui était à la tête d’Alstom de 1991 à 2003, est sanctionné pour « abus de biens sociaux ». Sa peine est inférieure aux réquisitions du parquet, qui avait réclamé deux ans de prison avec sursis et 150.000 euros d’amende.
Le dossier porte sur une somme de 5,2 millions de FF (environ 790.000 euros) versée en 1994 par Alstom pour obtenir l’autorisation administrative du ministère de l’Intérieur de déplacer le siège de sa société de Nanterre à Saint-Ouen.
Quatre autres prévenus, trois ex-cadres d’Alstom et un intermédiaire, sont condamnés à des peines allant de six mois à neuf mois de prison, toujours avec sursis, assorties d’amendes allant de 20.000 à 150.000 euros.
Pierre-Henri Paillet, ancien délégué à l’aménagement du territoire au ministère de l’Intérieur et ex-homme de confiance de Charles Pasqua, est quant à lui condamné à deux ans de prison dont six mois ferme et 150.000 euros d’amende.
A l’audience en janvier, Pierre Bilger a reconnu les fait et accusé Charles Pasqua de l’avoir « racketté ».
L’agrément pour déménager le siège d’Alstom a été délivré par
L’argent a été versé par une « caisse noire » de la société en Suisse vers un compte bancaire suisse d’Etienne Leandri, un proche de Charles Pasqua décédé en 1995.
L’équivalent de 613.000 euros a ensuite été payé par ce dernier en juin 1994 à Pierre-Philippe Pasqua sur un autre compte bancaire suisse ouvert pour l’occasion. C’est sur cette base que des poursuites avaient été engagées contre le fils de l’ancien ministre.
La décision des juges du tribunal correctionnel semble confirmer que la correspondance entre ces divers flux financiers n’était pas établie.
Charles Pasqua, âgé de 78 ans, est mis en examen depuis octobre 2004 pour les mêmes faits mais dans une procédure distincte instruite par
Son procès pourrait attendre plusieurs années.
Corps de métiers: Elections chez les jeunes avocats (J-2)
Vers une lutte serrée entre les Rcedistes et les candidats de “la concorde”
A deux jours des élections du comité directeur de l’Association Tunisienne des Jeunes Avocats (ATAJ) samedi le lendemain de l’Assemblée générale qui sera consacrée à la présentation du rapport moral et financier et au débat, on commence à voir plus clair dans les alliances.
Ainsi on doit s’attendre à une compétition serrée entre deux listes celle de “la concorde” et celle proche du Rassemblement Constitutionnel Démocratique en plus des candidatures individuelles dont certains sont en train de se concerter pour former une liste.
Désistement
La constitution de la liste de la “concorde” a été finalement annoncée hier après des tractations qui ont duré deux jours, entre les sept candidats qui se sont mis d’accord pour ajouter deux candidats représentant les régions Me Houcine Hajlaoui de Sousse et Me Iheb Harabi de Sfax. Ainsi cette liste est bloquée. Elle contient neuf candidats pour les neuf postes à pourvoir du comité directeur de l’Association.
Quant à la liste, proche du RCD. Selon un candidat, elle ne sera communiquée qu’à la dernière heure, avant l’ouverture des bureaux de vote.
Pour l’instant seuls les quatre candidats du comité directeur sortant figurent sur cette liste Me Lotfi Arbi, le président, Me Mohamed Saïdani le secrétaire général, Me Zouheïra Ben Brahim chargée des finances et Me Mounir Ben Smida membre.
Pour les autres noms qui vont y figurer les tractations continuent entre plusieurs candidats des trente qui se sont présentés. A noter que Me Fateh Abdennabi a retiré sa candidature hier et on s’attend à d’autres désistements par les candidatures individuelles pour éviter la dispersion des voix.
Néjib SASSI
(Source : « Le Temps » du 2 mars 2006)
La Libye rejette les accusations de HRW sur les centres pour femmes
AFP, le 01.03.2006 à 22h47
TRIPOLI, 1 mars 2006 (AFP) –
« Le centre de réhabilitation sociale », dont parle HRW, est une « institution sociale dans laquelle se réfugient les femmes et les jeunes filles qui n’ont plus de moyen honnête de vivre, ni de giron familial », a-t-il poursuivi?.
Cette institution est faite pour « les protéger du meurtre », a-t-il assuré.
« Elles sont victimes d’affaires en relation avec l’honneur et les mœurs et leurs familles ont refusé (…) qu’elles vivent dans leur milieu », a-t-il encore dit.
« Cette institution est un refuge pour les femmes, une protection contre l’exploitation et la vengeance », a affirmé la source, niant l’existence de cas de viols dans les centres ou en prison.
D’après cette source, HRW « a construit son rapport sur l’état psychologique de certaines femmes vulnérables et sur une compréhension erronée des textes de loi libyens ».
Human Rights Watch, dont le siège est à New York, a stigmatisé mardi les « lieux de punition » que constituaient ces centres de « réhabilitation sociale ».
Une centaine de femmes sont retenues dans ces centres, affirme HRW, qui dénonce des violations de leur liberté de mouvement, de leur dignité personnelle, de leur droit à un procès équitable et de leur vie privée.