17 mai 2011

TUNISNEWS
11 ème année, N°4011 du 17.05.2011


AFP: Le Premier ministre français reçoit son homologue tunisien mardi soir

AFP: Tunisie: arrestation de trois Libyens possédant des appareils sophistiqués

AFP: Libye: Le ministre du Pétrole a quitté son pays, est en Tunisie

ANSA: Tunisia: ombra Al Qaida su attacco suicida sventato

AFP: Les clandestins tunisiens ont vocation à rentrer chez eux, selon Paris

FTCR: nous demandons au gouvernement tunisien la création d’une commission ministérielle pour prendre en charge les migrants disparus en mer

Bassam Bounenni: L’impérative réforme de la police


 
REVUE DE PRESSE

 

Le Premier ministre français reçoit son homologue tunisien mardi soir


 
AFP, le 17 mai 2011 à 08h14 GMT
 
PARIS, 17 Mai 2011 (AFP) – Le Premier ministre français François Fillon doit recevoir mardi soir son homologue tunisien Béji Caid Essebsi pour un dîner de travail, selon un communiqué des services du Premier ministre.
Après sa rencontre avec M. Fillon, M. Essebsi s’entretiendra le lendemain, mercredi midi, avec le président Nicolas Sarkozy, selon l’agenda de l’Elysée.
Cette visite en France intervient à l’approche du G8 prévu les 26 et 27 mai à Deauville (nord-ouest) et auquel la Tunisie participe pour la première fois.
La Tunisie et l’Egypte ont été invitées à ce sommet au cours duquel les huit puissances les plus industrialisées devraient adopter des « plans d’action » en leur faveur pour les aider à réussir leur transition démocratique.
Le Premier ministre tunisien s’est entretenu lundi à Tunis avec le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant.
Paris, qui a promis en avril à la Tunisie une aide de 350 millions d’euros pour la période 2011-2012, a par ailleurs adopté une politique de fermeté à l’égard des migrants tunisiens qui tentent de gagner la France via l’Italie.
La semaine dernière, François Fillon a confirmé cette ligne et estimé qu’il n’y avait « plus aucune raison d’accorder l’asile politique à des Tunisiens », au moment où « la démocratie » était « en train de s’installer » dans leur pays d’origine.
La visite de Béji Caïd Essebsi intervient après plusieurs jours de troubles en Tunisie, où un couvre-feu nocturne a été rétabli dans la capitale et où plane le doute quant à la tenue des élections à la date prévue, le 24 juillet.
Le Premier ministre lui-même a laissé entendre qu’un report était possible en raison de la lenteur du processus électoral qui doit mener à l’élection d’une assemblée constituante chargée d’élaborer une nouvelle Constitution pour l’après-Ben Ali.
 

Tunisie: arrestation de trois Libyens possédant des appareils sophistiqués


AFP, le 16 mai 2011 à 23h37 GMT
 
TUNIS, 16 Mai 2011 (AFP) – La police tunisienne a arrêté trois libyens en possession des appareils de communication sophistiqués et des télescopes de jour et de nuit, a annoncé lundi l’agence officielle TAP.
Le premier libyen venu de Malaisie voulant rejoindre les groupes de rebelles a été arrêté à Djerba, dans le sud de la Tunisie, portant des appareils de communication sophistiqués, des appareils sans fil, et des télescopes de jour et de nuit, précise la TAP.
Les agents de la sécurité ont aussi arrêté samedi un autre libyen venu d’Australie possédant également des télescopes de jour et de nuit, des appareils sans fil ainsi que des détecteurs de métaux sous terrains, a ajouté la TAP.
Le troisième libyen résidant au Canada, a été arrêté jeudi dernier, avec en sa possession outre les télescopes de nuit et de jour et des appareils de communication, des caméras sophistiquées, des comprimés (de stupéfiants) et des devises en dollar.
Un Algérien et un Libyen, suspectés d’appartenance à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) avaient été arrêtés samedi en possession d’explosifs, à Nekrif (sud), dans la région de Tataouine, à 130 km de la frontière avec la Libye.
Le ministère tunisien de l’Intérieur avait appelé la population à signaler immédiatement aux autorités les hébergements de ressortissants étrangers » ainsi que « tout mouvement suspect ».
Cet appel était intervenu après l’arrestation à Tataouine de deux Libyens venus d’Algérie et voulant regagner leur pays, en possession d’une bombe artisanale.
Tataouine, à 130 km du poste-frontière de Dehiba avec la Libye, accueille de nombreux réfugiés libyens.

 

Libye: Le ministre du Pétrole a quitté son pays, est en Tunisie


AFP / 17 mai 2011 13h45
TUNIS – Le ministre libyen du pétrole Choukri Ghanem, un cacique du régime de Mouammar Khadafi, a quitté la Libye, et se trouve actuellement en Tunisie voisine, a indiqué mardi à l’AFP une source proche du gouvernement tunisien.
Choukri Ghanem a quitté la Libye, il est entré en Tunisie à bord d’une voiture le 14 mai par le poste-frontalier de Ras Jedir, a ajouté cette source.
Choukri Ghanem réside actuellement dans un hôtel à Djerba (île touristique dans le sud de la Tunisie) et il n’a pas essayé de contacter les autorités tunisiennes, a ajouté cette source.
Le département du Trésor américain a indiqué le 8 avril que les sanctions économiques de Washington contre le régime libyen avaient été étendues à cinq membres du régime, dont le ministre du Pétrole, Choukri Ghanem, qui voient leurs éventuels avoirs aux Etats-Unis gelés.

 

Tunisia: ombra Al Qaida su attacco suicida sventato


 
 
ANSA, le 15 mai 2011 à 18h05 GMT
 
TUNISI (ansa) Al Qaida nel Maghreb lancia la sua lunga ombra sulla Tunisia: due uomini, un algerino ed un libico, sono stati arrestati, la scorsa notte, a Remada, nel governatorato di
Tataounine (a 130 chilometri dal confine con la Libia), e trovati in possesso di una cintura esplosiva che intendevano usare per un attentato suicida in stile talebano, per fare strage di guardie di frontiera tunisine.
 
Sono stati fermati prima di potere mettere in atto il loro gesto e anche il tentativo di uno di loro di aprirsi la strada alla fuga lanciando una granata contro i soldati tunisini che li avevano circondati è andato a vuoto (l’ordigno non è esploso nell’impatto con il terreno).
 
Sull’operazione gli organi inquirenti – gli investigatori dell’Esercito – non rivelano molto, ma quanto detto da un alto ufficiale fa intendere che l’arresto dei due non è stato casuale –
frutto cioè di una normale operazione di controllo -, perché lo ha messo in relazione al fermo di altri due uomini, entrambi libici, mercoledì scorso, scovati in un albergo di Tataouine – forse per una segnalazione -e trovati in possesso di una granata.
 
La prima spiegazione che i due libici avevano dato nel momento dell’arresto era abbastanza plausibile, visto quello che accade al di là del confine con la Libia: volevamo usarla contro le truppe di Gheddafi. Cosa comprensibile visto che a Tataouine in queste settimane arrivano quotidianamente centinaia di libici in fuga dalla guerra e molti di loro dicono di fare parte degli insorti, e quindi di volere tornare in patria per riprendere a combattere. Ma questa spiegazione non ha convinto molto gli investigatori tunisini che
hanno « lavorato » per vincere la reticenza dei due.
 
Il risultato è stato quindi l’arresto dei due terroristi la scorsa notte, sui contrafforti di Nakrif, 25 chilometri a sud di Remada. L’operazione viene definita dalle autorità tunisine la prima
del genere e apre scenari inquietanti per la Tunisia, che da oggi deve fare i conti con questa realtà terroristica che appariva, nella regione, confinata in Algeria – con i gruppi salafiti, che, appena poche ore fa, hanno ucciso otto soldati – e nella zona meridionale del Sahel.
 
Ora l’intelligence tunisina deve « decrittare » quanto accaduto, anche perché sino ad oggi Aqmi – « figlia » dell’algerino Gruppo salafita per la predicazione e il combattimento, affiliato ad al Qaida con la benedizione di bin Laden – non si era mai manifestata in Tunisia, dove però – dopo la rivoluzione – si potrebbero essere create le condizioni per una sua espansione.

Les clandestins tunisiens ont vocation à rentrer chez eux, selon Paris


AFP / 17 mai 2011 18h50
TUNIS – Les clandestins tunisiens arrivés en France via l’Italie ont vocation à retourner dans leur pays et ce retour se fera dans le respect de leur dignité, a déclaré mardi à Tunis le ministre français de l’Intérieur Claude Guéant.
Les migrants tunisiens arrivés en France via l’Italie ont vocation à retourner dans leur pays et ce retour se fera dans le respect de leur dignité, a déclaré M. Guéant au cours d’une conférence de presse à Tunis.
Ce retour, selon le ministre français, se ferait avec des moyens financiers au titre d’une aide qui devrait normalement être fournie par l’Italie
Je sais que derrière chaque personne qui quitte le pays il y a une aventure douloureuse et un immense arrachement affectif mais notre politique est claire nous ne pouvons la changer, nous n’acceptons pas l’immigration illégale, a souligné M. Guéant.
Plus de 20.000 Tunisiens ont quitté leur pays après la chute, le 14 janvier, du régime Ben Ali, renversé par une révolte inédite, pour affluer à bord d’embarcations de fortune sur l’île italienne de Lampedusa. Quelque milliers d’entre-eux se sont rendus en France à la recherche d’un emploi, provoquant une crise entre Rome et Paris.
La France n’est pas fermée à l’immigration (…) mais nous souhaitons que les choses se fassent d’une façon légale et à cet égard nous disposons avec la Tunisie d’un instrument de grande qualité, l’accord signé en avril 2008 qui organise les flux migratoires entre nos pays, un accord qui s’applique et continuera à s’appliquer, a ajouté le ministre français.
L’immigration illégale est un échec pour tous, c’est pour cela que nous souhaitions donner de la vigueur et de l’ampleur à cet accord et notre position est claire, nous ne sommes pas favorables à l’immigration illégale, a martelé le ministre français.
D’autre part, selon M. Guéant – un proche de Nicolas Sarkozy -, la France soutient avec détermination et conviction le processus de transition qui est en cours en Tunisie et qui doit aboutir à la création d’une Tunisie nouvelle.
C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, le président Sarkozy a décidé en sa qualité de président de cette instance d’inviter la Tunisie à la réunion du G8 (…) Notre intention c’est la mobilisation internationale pour accompagner la Tunisie dans sa marche vers la démocratie et vers une développement économique créateur d’emplois.
La Tunisie va participer avec l’Egypte pour la première fois au G8 prévu les 26 et 27 mai à Deauville (nord-ouest de la France), réunion au cours de laquelle les huit puissances les plus industrialisées devraient adopter des plans d’action pour aider ces pays à réussir leur transition démocratique.
C’est la raison pour laquelle les ministres du gouvernement français se succèdent à Tunis parce que dans tous les domaines de l’action politique nous sommes prêts à aider la Tunisie à réussir la transition et aborder avec succès cette nouvelle phase de son histoire, elle vit un moment exceptionnel, il faut qu’elle réussisse, a insisté M. Guéant.
M. Guéant était arrivé lundi pour sa première visite à Tunis. Il s’est entretenu avec son homologue tunisien Habib Essid, le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi, ainsi qu’avec les ministres de la Défense nationale, Abdelkarim Zbidi, du Transport, Yassine Brahim, de l’Emploi et de la formation professionnelle, Saïd Aydi.
Il a signé lundi un accord de coopération dans le domaine de la protection civile.

NOUS DEMANDONS AU GOUVERNEMENT TUNISIEN

LA CRÉATION D’UNE COMMISSION MINISTÉRIELLE POUR PRENDRE EN CHARGE LES MIGRANTS DISPARUS EN MER


 
 
 
La F.T.C.R. demande la création rapide d’une commission ministérielle pour enquêter sur les centaines de migrants qui ont disparu lors de leurs traversées de la mer. Des centaines de familles sont complétement désemparées, elles recherchent désespérément des informations sur la disparition de leurs enfants sans résultats. Il faut mettre en œuvre des moyens publics pour rassembler les informations e les donner aux familles. Seul le gouvernement est en capacité de mener des investigations y compris auprès des autorités italiennes, maltaises ou autres.
 
La F.T.C.R. demande au gouvernement tunisien d’étudier les conséquences dramatiques de ses disparitions et de mettre en place des mesures sociales pour aider les familles ds disparus.
 
La F.T.C.R. assumant ses responsabilités d’association autonome et démocratique de l’immigration, réitère ses demandes restées sansréponse à ce jour, à Monsieur le premier ministre de participer à des échanges avec le gouvernement tunisien concernant les problèmes de l’émigration et la défense des intérêts des migrants et de leurs familles.
 
 
Pour la F.T.C.R.
le président Tarek BEN HIBA


Ne tournons pas autour du pot : la police tunisienne nécessite un balayage. C’est un vaste chantier qui doit s’ouvrir dans le cadre de l’édifice de l’Etat de droit et des institutions. Tourner la page, en évitant de faire la lumière sur plusieurs décennies d’abus, d’excès et de dérives portera un coup fatal au processus de normalisation entre l’appareil sécuritaire et les citoyens.

La Tunisie de Ben Ali n’était pas uniquement mafieuse mais aussi et surtout policière. On avance le chiffre de 150 mille policiers pour une population frôlant les 11 millions d’habitants. Sans compter les indics et autres subordonnés. Jouissant d’une impunité absolue, les services de sécurité, auteurs d’abus de pouvoir et d’atrocités, échappaient régulièrement à toute forme de sanction.

Changement, dites-vous ? Depuis le 14 janvier, les gouvernements transitoires successifs ont manqué de fermeté voire de volonté pour réformer cet appareil très contesté. Hormis la dissolution de la police politique et la suspension de dizaines de hauts gradés, aucune personne n’a été poursuivie en justice pour le bain de sang commis au cours de la Révolution. Pis, tout laisse à croire que les différents services du ministère de l’Intérieur n’ont toujours pas abandonné leurs vieilles pratiques. Ainsi, a-t-on enregistré la répression de plusieurs manifestations, l’agression de journalistes, des accusations de torture et de viol – comme dans le cas présumé du jeune Oussama Achouri -. Pourtant, des milliers d’agents sont descendus, aux premières heures ayant suivi la chute de Zine El Abidine Ben Ali, dans les rues pour crier haut et fort leur désolidarisation avec le régime déchu, promettant au peuple de meilleurs lendemains. “Plus jamais ça”, scandaient-ils.

Une RSS

Mais, les bonnes intentions pourraient-elles suffire pour que l’appareil sécuritaire puisse surmonter les vieux dossiers ? Dans les phases de transition, plusieurs Etats ont opté pour la Réforme du système de sécurité (RSS). Fondée sur des principes précis, à savoir la responsabilisation, la transparence, l’égalité, la protection des civils, les normes démocratiques et le respect des droits humains, cette formule vise, à long terme, à faire de la sécurité un domaine de droit et une garantie pour une citoyenneté responsable. Cela étant, le concept de “sécurité” ne concerne pas simplement les institutions centrales, mais s’étend aux tribunaux, au système pénitentiaire ainsi qu’aux organes de contrôle civil, tels que le parlement. La RSS devient, alors, la pierre angulaire de la bonne gouvernance. Certains pays ont même dépassé le concept de réformé pour parler de transformation des services de sécurité. En Afrique du Sud, la police avait pour mission de défendre le système politique de l’apartheid qui assurait la domination blanche, contre les mouvements de libération de la majorité noire. Mais avec la fin de l’apartheid et les premières élections démocratiques de 1994, le principe de transformation a mené la police à faire de la sécurité de la population et de la protection des libertés sa préoccupation primordiale. Fin de l’impunité

Tout cela pour dire que pour promouvoir la bonne gouvernance et la primauté du droit et le respect des droits de l’Homme, il est essentiel de mettre en place un système de sécurité efficace et responsable ainsi qu’un système de justice impartial et accessible dans un Etat fragile, des suites de plusieurs décennies d’autoritarisme. Mais, avant cela, force serait de faire la lumière sur les antécédents des services de sécurité, véritable Etat dans l’Etat, voire l’Etat au sein du non-Etat.

Car, l’impunité ne ferait qu’attiser les tensions entre la police et les citoyens. “Non à la chasse aux sorcières”, avertissent certains. Mais, pour d’autres, il s’agit de panser des plaies. De chercher justice. Il y va, d’ailleurs, dans l’intérêt des services de sécurité. Car, ce que retiendront les annales de l’Etat policier de Ben Ali n’est pas des moindres.

L’alibi du vide sécuritaire

Toutefois, cette œuvre est semée d’embuches. Des caciques de Ben Ali sont toujours influents ou jouissent de l’indifférence des différentes instances d’investigation. Ajoutons à cela le rôle douteux des médias qui banalisent, d’une part, les crimes commis par la police contre le peuple tunisien, et brandissent, d’une autre part, la menace exagérée du vide sécuritaire. Les partis politiques n’étant pas impliqués dans la restructuration de l’appareil sécuritaire, contribuent, quant à eux, à la dépolitisation du dossier. Pourtant, il s’agit bel et bien d’une question cruciale pour la consolidation de vraies et solides pratiques démocratiques. L’aboutissement de la Révolution tunisienne passe, donc, inévitablement par un processus juridictionnel, afin de juger les criminels de la police à leur juste valeur, sans concessions, ni surenchères. Et, partant, reconfigurer la doctrine de l’appareil, dans le strict respect des principes fondamentaux de l’Etat de droit et des institutions.

(Source: le blog de Bassam Bounenni le 17 mai 2011)
 

 

Tunisie : Où sont passés les héros ?


Par Marwane Ben Yahmed
 
Quatre mois jour pour jour après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali et l’union sacrée qui a permis de le chasser, la révolution tunisienne donne la détestable impression de s’enliser dans les sables mouvants de l’après-révolution. Comme l’Égypte, d’ailleurs, deuxième domino à être tombé, en attendant les régimes libyen, syrien ou yéménite…
 
En Tunisie, devenue le royaume de la rumeur et de la théorie permanente du complot, on ne sait plus à quel saint se vouer. La méfiance est généralisée, le rejet de l’autre et de ses opinions est érigé en mode de pensée, les scènes de violence – physique comme verbale – se multiplient. Les ministres des gouvernements provisoires successifs – je ne sais même plus combien sont passés sous les fourches caudines de la vindicte populaire – ne sont jamais assez bons : anciens, nouveaux, jeunes issus du secteur privé revenus au pays pour donner un coup de main, politiques ou technocrates sont constamment sur la sellette. La chasse aux sorcières est devenue un sport national. Seuls les extrêmes, la gauche surtout, ont le droit de s’exprimer sans encourir les foudres d’une population avide d’en découdre avec tout ce qui incarne à ses yeux, souvent à tort, l’ancien régime.
 
Ainsi siffle-t-on l’hymne national, qui n’a pourtant rien à voir avec Ben Ali. La police ? RCD. L’ordre? RCD. L’argent ? RCD. Le travail ? RCD… Les mémoires, elles, se font sélectives : tout le monde a oublié que rares sont ceux qui n’ont pas eu à composer avec le régime, l’État, les entreprises, le parti et ses satellites. Personne ne veut croire qu’on ait pu être ambassadeur, universitaire, dirigeant ou salarié d’une entreprise publique sans forcément être un voyou ou un voleur. Dans ce véritable pandémonium, où l’on se pique de vénérer Bourguiba et de honnir Ben Ali, impossible de suggérer que le premier n’a pas toujours été un ange et que le second n’était pas qu’un démon.
 
Last but not least, les partis politiques,dont tout le monde veut être, se livrent à une véritable foire d’empoigne, plus soucieux d’exister ou de prendre le pouvoir que de réfléchir à l’avenir du pays et à ses besoins. Les ego de la soixantaine de chefs de parti ne désenflent même pas sous le poids des tomates reçues lors de certains meetings…
 
Qu’elle semble loin l’heure de gloire internationale de la Tunisie, quand le monde entier chantait les louanges de ce peuple fier et uni qui avait acquis sa liberté à force de courage et d’abnégation. Sans doute tout cela est-il normal, inhérent à ce saut dans l’inconnu qu’ont effectué les Tunisiens à partir de ce fameux 14 janvier. Mais au-delà de leur propre destin, ils ont une lourde responsabilité : en ouvrant la voie à leurs frères du monde arabe, voire d’Afrique, ils ont acquis le statut de héros et de modèles. Comment pourraient-ils les décevoir ?
 
 
(Source : Éditorial publié sur « Jeuneafrique.com », le16 mai 2011 à 11h28)

Un plan économique pour soutenir la transition démocratique en Tunisie


Prenant de court tous les analystes et toutes les prédictions, le peuple tunisien a demandé et obtenu la fin d’un régime autocratique. Avec sa révolution non violente, le peuple tunisien a lancé un profond mouvement démocratique dans le monde arabe qui pourrait bien remodeler la zone méditerranéenne et l’Union européenne. Il est essentiel que les pays membres du G8 saisissent toute l’importance de cet événement et fassent le nécessaire pour que la Tunisie puisse être et demeurer l’exemple en matière de changement social, économique et démocratique pour l’ensemble de la région et au-delà.

Pour parachever sa révolution, le peuple tunisien s’est engagé avec détermination dans la construction d’un Etat démocratique fondé sur des institutions pérennes. La transition démocratique est en marche. De nombreux pays de la région ont toute leur attention focalisée sur la Tunisie et un échec de sa transition démocratique serait une victoire pour toutes les dictatures de la région et une sévère défaite pour la démocratie.

Nous avons la responsabilité collective de faire en sorte que cette transition réussisse et de prouver que la coopération économique est la meilleure barrière contre les extrémismes. Le risque auquel nous avons à faire face est celui d’une mauvaise coordination des actions ; le risque que le reste du monde attende que la Tunisie ait achevé sa transition pour l’aider, alors que la Tunisie a besoin de cette aide pour réussir cette transition.

Sur le plan économique, les transitions démocratiques engendrent souvent une courbe en « j » : une perte de croissance, avant une reprise. La Tunisie a besoin d’assistance internationale afin d’éviter la phase de décroissance initiale que son économie et sa société ne peuvent pas se permettre. La révolution n’a certes pas de prix, mais elle a un coût.

La croissance économique pour 2011 devrait passer au-dessous de 1 % et les émeutes ont déjà coûté 2 milliards de dollars (1,4 milliard d’euros) à l’économie, ce qui équivaut à 4 % du PIB. Le tourisme est très affecté et pourrait conduire à une augmentation du chômage. Le climat d’instabilité a poussé les agences internationales de notation à dégrader la Tunisie.

Les besoins immédiats sont nombreux en termes d’assistance budgétaire, d’assistance technique, d’aide humanitaire et sanitaire pour les réfugiés de Libye ainsi qu’en termes de soutien international pour le maintien du subventionnement des denrées alimentaires et de l’énergie.

Dans le moyen et le long terme, le niveau d’éducation élevé de la population tunisienne est son principal atout pour devenir l’une des démocraties les plus dynamiques de la région. L’instauration de la démocratie devrait permettre une meilleure redistribution des richesses entre les régions et dans la société. Les prochains mois seront sans nul doute semés d’embûches. Une transition réussie vers la démocratie après de longues années d’un régime autocratique est une tâche lourde et difficile. Construire l’Etat de droit tout en préservant les acquis nécessite concertation et doigté.

Mais, nous, économistes, savons que les investissements se jugent sur le long terme. Nous avons la ferme conviction que la mise en place d’institutions démocratiques sera un facteur déterminant de l’amélioration de l’attractivité et des performances économiques sur les moyen et long termes.

La révolution a suscité appui, sympathie et respect. Il nous faut désormais aller plus loin. Il est de la responsabilité de la communauté internationale d’éviter que la Tunisie n’entre dans un cercle vicieux : pauvreté et augmentation du chômage entraînant une augmentation du populisme et de l’extrémisme qui, à leur tour, conduisent à l’isolationnisme et, de là, à l’accroissement de la pauvreté et du chômage. Au niveau international, la conséquence en serait la propagation des extrémismes ainsi que la multiplication des vagues de migrations fuyant ces extrémismes.

Les membres du G20 ont déclaré en février : « Nous nous tenons prêts à apporter notre soutien à l’Egypte et à la Tunisie le moment venu par des réponses coordonnées avec les institutions internationales et les banques régionales de développement, pour accompagner les réformes que ces pays adoptent au bénéfice de la population tout entière et leurs efforts de stabilisation économique. »

Il s’agissait là d’une première étape. Nous appelons les dirigeants du G8, qui se réuniront le 27 mai à Deauville, à soutenir la transition en Tunisie et à soutenir une feuille de route qui serait élaborée et conduite par la Tunisie ; feuille de route qui identifierait les acteurs impliqués et les montants à mobiliser.

Plus précisément, nous appelons à :

1. Une aide immédiate pour les subventions alimentaires et énergétiques ainsi que pour un plan de recyclage à l’intention des diplômés chômeurs.

2. Un plan du G8 doté de 20 à 30 milliards de dollars sur cinq à dix ans afin d’investir dans le désenclavement de l’intérieur du pays. Le développement des transports, des infrastructures technologiques, des pôles technologiques et industriels sont, en effet, des priorités absolues afin d’être en mesure de créer le tissu de PME dont les zones déshéritées ont tant besoin.

3. Rétablir, grâce à ce plan, la confiance indispensable au rebond : développer un cadre concurrentiel pour les industries et les services, mettre l’accent sur les petites entreprises, optimiser l’intermédiation financière notamment au travers d’une restructuration du système financier (capitalisation des banques, traitement spécifique pour les prêts non performants, microfinance, fonds d’investissement, fonds d’amorçage…).

4. Une déclaration claire sur les modalités de mobilisation et de coordination entre les différentes institutions financières (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Banque européenne de reconstruction et de développement, Banque européenne d’investissement, etc.) afin qu’elles puissent contribuer de manière optimale à la croissance et à la restructuration de l’économie tunisienne.

5. La création d’une institution financière spécifique à la région car la Tunisie et l’Egypte seront probablement suivies par plusieurs autres pays. Ce serait là un symbole politique fort pour la région et une garantie de coordination optimale des efforts de la communauté internationale.

6. Un engagement, à titre individuel, des pays européens participant au sommet d’appuyer l’obtention pour la Tunisie du statut de partenaire associé de l’UE avec un plein accès aux fonds structurels européens.

7. La création de mécanismes garantissant un meilleur accès au savoir et favorisant les échanges entre jeunes tout autour de la Méditerranée et au-delà.

La Tunisie est le leader de la transition démocratique arabe. Le statut, exceptionnel pour le monde arabe, qu’y a acquis la femme est un grand facteur d’espoir. Sa petite taille en fait un parfait laboratoire de la démocratie. Elle nous offre l’occasion unique de prouver que la démocratie peut suivre un développement harmonieux dans la région. Le coût d’un tel laboratoire, le coût du plan que nous préconisons, n’est que de 2 % à 3 % du coût de la réunification allemande et inférieur au coût d’un à deux mois de la guerre en Irak.

Source: “Le Monde” Le 17-05-2011

Lien: http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/05/17/un-plan-economique-pour-soutenir-la-transition-democratique-en-tunisie_1523298_3232.html


Défis économiques en Tunisie


 

Par Maher Gordah*

Le 14 janvier 2011, le peuple tunisien a mis fin à plus de vingt-trois années d’un régime mafieux, dictatorial, répressif et clanique, dirigé par un président sénile et une belle-famille composée de prédateurs avides et assoiffés de pouvoir. Cette même famille a pillé l’économie tunisienne au vu et au su de tous par des méthodes bien rodées durant une quinzaine d’années. Ceci étant, le choix du libéralisme économique et des partenariats avec les pays européens depuis l’accession de Ben Ali au pouvoir a permis à la Tunisie de réussir sa transition économique et de faire partie du club très restreint des pays émergents, malgré la généralisation de la corruption et le mépris affiché pour la méritocratie.

Depuis la chute de l’ancien dictateur et de son clan, les voix et les plumes d’innombrables intellectuels ont foisonné dans le débat public pour essayer d’établir la conception d’un schéma ou d’un modèle propice à la Tunisie tant sur le plan social qu’économique. Les modèles imaginés vont d’une forme de conception marxiste et socialiste jusqu’au modèle de type libéral en passant par ce qu’on peut qualifier de capitalisme islamique.

Dans un souci de clarté, je relaterai de manière très succincte les différentes expériences économiques menées par la Tunisie avant de mettre en exergue le choix qui me semble le plus pertinent du modèle à suivre par la Tunisie afin de consolider ses acquis et sa position de pays émergent dynamique en voie de converger vers le niveau des pays développés.

Le choix de la libéralisation

L’expérience collectiviste durant les années 1960, conduite sous l’égide d’Ahmed Ben Salah, a conduit le pays à une crise économique aigue, avec des taux de croissance quasi insignifiants, due notamment au déficit abyssal des entreprises publiques, à l’accélération du processus de collectivisation, en particulier du secteur agricole qui a atteint un taux de 90% en 1969, et à l’expropriation des terres en possession étrangère, ce qui a conduit au gel de l’aide financière française.

Ce n’est qu’à travers l’abandon du socialisme et la réorientation de la politique publique vers l’économie de marché, la propriété privée et l’ouverture à l’investissement privé, que la Tunisie a connu une expansion du secteur privé et une croissance rapide de l’emploi manufacturier. Conséquence directe: le pays a enregistré durant la décennie 1970 une croissance moyenne de plus de 8% par an. Malgré la crise économique qui a sévi durant les années 1980, liée notamment à la conjoncture internationale et la flambée du prix du baril de pétrole, la Tunisie a fait le choix courageux de la libéralisation de l’économie sans succomber à la tentation de la planification et en maintenant loin le spectre de l’expérience catastrophique du socialisme dont la seule conséquence était le déclin du pays.

L’insertion de la Tunisie dans l’économie mondiale à travers son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (l’OMC) et un accord signé avec l’Union européenne en 1995 a conduit à l’accroissement de la compétitivité des entreprises tunisiennes et leur accès plus libre aux marchés internationaux, grâce au démantèlement progressif des barrières douanières.

Ainsi, malgré la prolifération de la prédation et de l’économie mafieuse, l’initiative privée dans son ensemble et la croyance en l’efficacité du marché a permis à la Tunisie d’améliorer ses performances économiques, se hissant à un degré d’insertion dans les échanges mondiaux parmi les plus élevés du monde. Cela en a fait ipso facto, selon le Forum économique mondial sur l’Afrique, tenu en juin 2007, la première économie compétitive d’Afrique, devançant ainsi l’économie sud-africaine.

En se basant sur cette expérience historique, on constate que seules les réformes économiques de type libérales sont de nature à consolider la situation économique car qu’on le veuille ou non, seul le marché malgré ses limites est pourvoyeur de richesses et par conséquent un vecteur de croissance et de développement. Il suffit d’observer que seuls les pays qui ont choisi la voie du repli et de l’autarcie se sont retrouvés sur le banc des pays les plus en retard sur le plan économique, technologique et même démocratique. On peut citer l’exemple de Cuba ou celui de la Corée du Nord dont la politique économique d’inspiration marxiste voire stalinienne et antidémocratique n’a eu comme conséquence que l’appauvrissement et l’asservissement de la population.

Enlever les obstacles qui restent

Maintenant, si l’on met l’accent sur ce que devra accomplir la politique économique tunisienne afin de s’affranchir de certains obstacles qui freinent toujours son développement, on doit éviter de recourir aux vieilles panacées qui ont montré leurs limites et s’orienter plutôt sur celles qui ont fonctionné dans d’autres économies émergentes et sont susceptibles de faire converger la Tunisie vers le niveau économique des pays développés.

L’une des premières mesures consisterait à s’ouvrir davantage au marché international, pas uniquement le marché européen mais aussi le marché maghrébin et subsaharien. Cela devra se traduire par une volonté politique de signer de véritables accords et partenariats commerciaux avec les pays voisins du Maghreb, étant donné la taille de leur marché pour les entreprises tunisiennes.

La théorie économique en faveur du libre-échange nous enseigne qu’une libéralisation permet de disposer de biens moins chers et d’offrir plus de choix aux consommateurs ; de réaliser des gains de productivité à travers le fait que les investissements se concentreront sur les secteurs les plus porteurs, plutôt que sur les entreprises publiques peu rentables et hyper protégées ; d’améliorer l’emploi ; d’accroître la concurrence qui profitera aux consommateurs et aux petits producteurs en réduisant le prix des biens ; de développer la technologie à travers les biens et les investissements étrangers qui nous permettront de pouvoir bénéficier davantage des recherches effectuées à l’étranger sans avoir à réaliser les mêmes investissements. D’un point de vue général, une insertion plus accentuée dans la mondialisation économique engendre des externalités positives, notamment la stabilisation et l’amélioration de nos relations internationales.

La deuxième mesure concerne une plus libre circulation des capitaux. La Tunisie, à l’instar des autres pays en voie de développement, est la source de peu d’épargne, mais nécessite cependant d’importants investissements. La circulation des capitaux étrangers vers un pays comme le notre peut l’aider à accroître sa productivité et à améliorer sa qualité de vie. Par conséquent, la Tunisie doit ouvrir davantage son marché de capitaux, pas seulement aux investisseurs étrangers mais aussi aux investisseurs tunisiens désireux d’investir à l’étranger.

Notons que la libéralisation financière encourage les bonnes politiques : les États qui ont des gouvernements stables, des règles de droit justes et solides, bref, un climat d’affaire attrayant, attireront mécaniquement plus de capitaux. De plus, les contrôles de capitaux sont totalement inefficaces sur le plan micro-économique, car ils sont de nature à empêcher l’allocation optimale des ressources. Pour être plus clair, l’argent n’est pas autorisé à circuler vers les entreprises ou les investissements qui sont les plus efficaces. Souvenez-vous des conglomérats bâtis par l’ancien dictateur et ses sbires. Les contrôles ont aussi des coûts administratifs très élevés, développant ainsi la fraude et la corruption. La Tunisie en était un exemple frappant sous l’ère Ben Ali.

La troisième mesure concerne le désendettement du pays. En effet, l’endettement est un obstacle majeur au développement durable. La Tunisie comme beaucoup d’autres pays en voie de développement consacre une bonne partie de son budget au remboursement de sa dette, ce qui laisse peu d’argent pour soutenir son économie ou pour couvrir ses dépenses sociales, comme l’éducation et la santé. Ainsi, le service de la dette peut aussi absorber la plupart des devises étrangères que notre pays détient en échange de ses exportations, lui laissant peu de devises pour financer ses importations de première nécessité.

La quatrième mesure sera pour la Tunisie son action concrète de lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Cela devra se faire par l’établissement d’un véritable cadre légal et professionnel répondant aux normes internationales et suffisant pour réguler ces phénomènes, notamment les recommandations du GAFI (le Groupe d’action financière). Ainsi, la Tunisie devra se doter d’instruments juridiques lui permettant d’éliminer le secret bancaire, d’introduire davantage de transparence sur la propriété de capitaux d’entreprises et de confisquer les sommes qui émanent d’activités criminelles.

Ces différentes mesures ne sont qu’un échantillon d’un sous-ensemble de réformes dont notre pays a cruellement besoin et que le ou les futurs gouvernements devront s’appliquer à mettre en oeuvre afin de consolider les acquis institutionnels hérités depuis l’indépendance.

Article paru dans Le Québécois Libre n° 289 du 15 mai 2011, reproduit avec la permission de l’auteur.

(*) Maher Gordah est économiste senior dans un bureau d’études et de conseil international et consultant auprès de grands bailleurs de fonds, titulaire d’un doctorat (Ph. D) en sciences économiques de l’UNS et chercheur affilié au laboratoire GREDEG (CNRS/Sophia Antipolis).

Source : « Contrepoints » Le 17-05-2011

Lien : http://www.contrepoints.org/2011/05/17/25322-defis-economiques-en-tunisie


Tunisie – Le rêve d’une «police démocratique»


 

Un séminaire sur la réforme de la police intitulé «Pour une police démocratique» a eu lieu lundi 16 mai 2011 à Tunis, à l’initiative de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH) et d’un collectif de sept associations tunisiennes, dont la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et le syndicat des journalistes tunisiens. Pour tous les Tunisiens, c’était un rêve qu’on ne s’autorisait plus à faire.

Inauguré par le nouveau ministre de l’Intérieur Habib Essid, qui remplace Farhat Rajhi, le séminaire a fait appel à des intervenants étrangers comme le président du Sénat polonais Bogdan Borusewicz, qui a fait part de l’expérience de son pays en matière de sécurité et de réforme de la police. Ces initiatives polonaises ont été saluées par la présidente du Conseil national des libertés (CNLT), Sihem Ben Sedrine, comme «une expérience édifiante» qui doit inspirer les Tunisiens.

Le coordinateur du programme du centre de développement démocratique des forces armées de Genève, Loetscher Jonas, a souhaité rappeler lors du séminaire les standards internationaux pour la gouvernance de la police:

·Mettre la police au service des citoyens;

·Fonder son action sur la transparence et la responsabilité;

·Assurer un environnement permettant à la police de travailler de manière efficace.

Aujourd’hui la Tunisie doit retrouver un modèle sécuritaire en s’affranchissant des anciennes méthodes des forces de police. La question des moyens à allouer au corps policier était également au cœur des débats, de même que celle de la traduction en justice des agents ayant dépassé le cadre de leur fonction.

Afin de mener à bien ces réformes, la question de la formation des agents de police ainsi que leur relation avec la population restent des facteurs déterminants. En conséquence, les responsables du ministère de l’Intérieur souhaitent coopérer beaucoup plus avec les composantes de la société civile.

Même si l’intitulé du séminaire semble à première vue assez onirique, on se réjouit que le gouvernement provisoire s’attaque enfin au problème sécuritaire qui depuis la chute du régime empoisonné de Zine el-Abidine Ben Ali reste une épine plantée dans le pied des Tunisiens.

Source : « Slate Afrique » Le 17-05-2011

Lien : http://www.slateafrique.com/2103/tunisie-seminaire-police-democratique


La Tunisie en quête de vérité

Interview de Taoufik Bouderbala, président de la Commission d’investigation


 

 

Faire la lumière sur les exactions commises contre la population durant la révolution en Tunisie : c’est la très délicate mission de la Commission nationale d’investigation mise en place après la chute du dictateur Ben Ali. Taoufik Bouderbala, son président, se confie à afrik.com.

La Commission nationale d’investigation sur les dépassements durant la révolution en Tunisie semble être la seule entité aujourd’hui à rester sereine malgré les turbulences que traverse le pays. Taoufik Bouderbala est déterminé à lever le voile sur les faits qui ont ensanglanté la Tunisie durant la révolution. Il se déplace souvent, prend des initiatives et sa liberté de ton étonne dans une bulle politique qui s’exprime avec beaucoup de pincettes. Ce personnage qui déborde d’énergie ne ménage personne dans sa quête de vérité, quitte à faire grossir les rangs de ses détracteurs. Rencontré fin avril à Tunis, M. Bouderbala, avocat et ancien dirigeant de la Ligue des droits de l’Homme, répondait aux questions d’afrik.com.

Afrik.com : Comment fonctionne la Commission d’investigation sur les dépassements durant la révolution que vous présidez ? Taoufik Bouderbala : Cette commission a été créée par décision du gouvernement intérimaire le 17 janvier 2011, par le décret loi qui fixe les compétences et les moyens mis à disposition, paru au Journal officiel le 02 mars 2011. J’ai constitué la commission qui se compose de 15 membres dont 8 femmes. Elle est indépendante du pouvoir politique et aussi des partis, mais elle n’est pas coupée de la société civile.La preuve : le président est nommé par le gouvernement, comme les 2 autres présidents de commissions, mais c’est le président qui compose les membres. Donc j’ai choisi après une large consultation de la société civile à savoir l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) , la Ligue des droits de l’Homme, les Femmes démocrates, l’Ordre national des avocats, des magistrats, le Conseil de l’ordre des médecins, le Haut comité d’éthique médicale, les deux facultés de droits de Tunis, l’association contre la torture, le Conseil national pour les Libertés en Tunisie (CNLT)… Il y a ceux qui ont accepté de me proposer des noms, pas de les nommer. D’autres m’ont dit que leur agenda politique ne coïncidait pas avec les buts de la commission. Qu’à cela ne tienne !

Afrik.com : Pourquoi ce refus selon vous ? Taoufik Bouderbala : Certains ont un autre agenda politique. D’autres n’acceptent pas de faire partie de cette commission, parce qu’ils ont des réserves.

Afrik.com : Sur la commission ? Taoufik Bouderbala : Oui, pour plusieurs raisons. Certains ont dit que l’Etat n’a pas à mettre sur pied cette commission, d’autres pensent qu’on a une magistrature impeccable et indépendante capable de conduire ce genre d’enquêtes et que ce serait donc de la compétence des tribunaux. D’autres encore disent pour quoi vous et pas moi ? De toutes les façons, je suis à l’aise et je sais que je peux compter sur les membres de la commission et la collaboration des citoyens.

Afrik.com : Les magistrats de votre commission sont-ils représentatifs de la profession ? Taoufik Bouderbala : J’ai pour le moment une magistrate. On en aura encore 3 ou 4. Et pour répondre à votre question, non, ils ne représentent pas leurs collègues. Ils le sont à titre personnel.

Afrik.com : Et l’association des magistrats ? Taoufik Bouderbala : L’association n’a pas souhaité participer mais c’est sa secrétaire générale adjointe qui m’a suggéré le nom de la magistrate qui siège à la commission aujourd’hui. Afrik.com : Est ce qu’ils continuent à réclamer l’exclusivité des enquêtes pour la justice ? Taoufik Bouderbala : Non, parce qu’ils ont compris à partir du moment où nous avons reçu 1040 dossiers à instruire que la bataille de la confiance des citoyens est tranchée. Je vous rappelle que les citoyens et les victimes avaient le choix. Ils pouvaient choisir la commission, la justice ou les deux. Afrik.com : Cette commission ne fait-elle pas doublon avec la justice ? Taoufik Bouderbala : Pas du tout. La commission n’est pas un tribunal. Notre travail consiste à faire le travail d’un juge d’instruction sans que l’on ait la possibilité d’émettre des mandats de dépôt et des mandats d’amener. Ensuite nous transmettons notre travail à la justice qui tranche.

Afrik.com : Alors comment instruisez vous les dossiers ? Taoufik Bouderbala : Nous recevons les citoyens, nous les écoutons, nous enregistrons leurs demandes, leurs témoignages directs s’il s’agit de victimes, de martyrs, la famille. Et tout est consigné en audiovisuel numérique. Nous écoutons les témoins s’ils existent. Puis nous passons à l’autre phase, la plus délicate. Nous allons convoquer les responsables.

Afrik.com : Est-ce que vous avez juridiquement la compétence pour le faire ? Quelles sont vos prérogatives, vos marges de manœuvre par rapport au ministère de l’Intérieur par exemple ? Taoufik Bouderbala : Nous demanderons au ministre de l’Intérieur de mettre à disposition les agents désignés s’ils sont encore en activité. S’ils sont à la retraite, nous irons les chercher. Nous sommes habilités à convoquer toute personne, même en exercice. Nous entendons les suspects quel que soit leur qualité – Mais attention ! Nous ne pouvons pas faire comme la justice, ni mandat de dépôt ni autre -, et ce en vertu d’une circulaire envoyée par le Premier ministre dès le mois de février, demandant à toutes les administrations, à tous les niveaux, à mettre à la disposition de la commission tout document et toute personne.

Afrik.com : Vous avez donc autorité ? Taoufik Bouderbala : Je n’ai pas encore commencé cette phase, si ces personnes ne s’exécutent pas, nous nous rapprocherons du procureur de la République et surtout, je tiendrai un point de presse pour dire que cette personne refuse de se soumettre à l’enquête. Cela veut dire qu’elle a quelque chose à cacher. Si cette personne a une incapacité quelconque pour maladie ou autre, nous irons chez elle. Si nous considérons que c’est un refus obstiné, nous dirons cela, nous prendrons à témoin l’opinion publique et nous mettrons cela dans notre rapport à l’attention du Premier ministère et du gouvernement

Afrik.com : Comment établirez-vous les responsabilités de chacun ? Cette commission permettra-t-elle vraiment de connaître la vérité ? Taoufik Bouderbala : Nous ferons tout pour identifier celui qui a tiré et nous ne cèderons à aucune difficulté. Nous informerons le public en temps réel. Mais si nous n’y arrivons pas, nous trouverons au moins celui qui a donné l’ordre, en remontant jusqu’au plus haut. Le président déchu est donc impliqué et aussi les fonctionnaires décisionnaires sur les déplacements de ceux qui ont tiré. Nous savons par nos enquêtes et la collaboration de beaucoup d’anciens commissaires que l’utilisation des armes à feu est très stricte et très encadrée. Voilà comment nous voyons les choses. L’ordre vient du chef de l’Etat. Il passe par le ministre de l’Intérieur, le chef de cabinet et le directeur de la sûreté nationale. Au moins ceux-là sont identifiables et directement impliqués pour relayer l’ordre. Après, bien sûr, les uns entrainent les autres et nous remontrons la chaîne ou la descendrons.

Afrik.com : Pour les tirs meurtriers, faites vous une différence entre celui qui exécute un ordre et celui qui le donne, comme le suggère certains ? Taoufik Bouderbala : Celui qui a tiré est responsable et il est même coupable. Personne ne peut se cacher derrière cette obligation d’exécuter un ordre illégitime et illégal.Il y a une loi qui date de 1969 en Tunisie qui règlemente la façon de canaliser et disperser une manifestation. Utiliser les pompes à eau, parfois colorée, faire une sommation : « dispersez vous une fois, deux fois, trois fois, puis, attention, nous allons vous disperser. » Tir en l’air et, en dernier, s’il y a danger, tirs par terre entre les jambes. On ne tire jamais à tir tendu dans des endroits vitaux, jamais en pleine tête, jamais en pleine poitrine. Lorsqu’on tire comme ça dans la foule de façon indistincte, on commet un meurtre. Il y a des pactes internationaux que la Tunisie a ratifiés et dans ce cas. Les normes internationales sont supérieures aux normes nationales. L’agent a le droit de discernement et à la clause de conscience. Mais les agents ne peuvent pas se cacher derrière. Bien sûr la responsabilité n’est pas la même, il faut que ceux qui ont tiré passent devant la justice.

Afrik.com : Votre mission concerne-t-elle uniquement les faits qui remontent au 14 janvier ? Taoufik Bouderbala : La limite, c’est jusqu’au rétablissement définitif de la sécurité. S’il n’y a pas de dépassements, nous n’avons plus lieu d’être. Et après, s’il ne s’agit que de banditisme « classique » dont s’occupent normalement les forces de l’ordre, nous n’interférons pas. C’est leur boulot, et nous leur rendons hommage.

Afrik.com : Le syndicat de la police réfute les enquêtes au motif que la justice est gangrenée. L’appareil judiciaire auquel vous allez transmettre vos dossiers s’est-il purifié ? Taoufik Bouderbala : Sur le principe, je pense que la justice est seule compétente. D’ailleurs, nous ne nous substituons pas à elle. Dans d’autres pays, il y a eu des tribunaux spéciaux. En France, on les appelait sections spéciales après l’armistice. C’était terrible sur le plan des droits humains. Nous ne souhaitons pas la tenue de tribunaux spéciaux. Dire tribunal spécial, c’est dire expéditif. La justice a subi les dégâts sous Ben Ali. Mais nous avons bon espoir en ceux qui n’ont pas versé dans ces excès.

Afrik.com : Comment le savoir ? Taoufik Bouderbala : Nous pensons savoir et malgré tout nous observerons. J’ai plaidé devant tous les tribunaux de la Tunisie et tous genres d’affaires depuis 1973, les magistrats dans leur écrasante majorité sont des gens honnêtes, nobles et qui font leur travail. Il y en a d’autres, comme dans tous les corps de métier, qui n’ont pas résisté et qui ont nui au métier, qui ont fait des erreurs. Ceux-là sont soit partis à la retraite, soit écartés, soit sous le coup d’une enquête administrative. Les autres mauvais éléments devraient être réformés. L’équilibre des forces a changé, il n’y a plus la pression du régime déchu mais il faut qu’il n’y ait plus aucune forme de pression, ni du nouveau pouvoir, ni du syndicat de la magistrature, ni des avocats, ni des intellectuels, ni des professeurs de droit. Ils font leur travail et on est là pour surveiller.

Afrik.com : Qu’en est-il de vos relations avec les policiers que vous serez amené à convoquer ? Leur syndicat se dit scandalisé par vos déclarations, qui stigmatiseraient les policiers. Taoufik Bouderbala : D’abord, je n’ai nommé personne. Le problème ne se pose pas. Après, il faut être clair : qui a tiré ? Les policiers suisses ? Suédois ? Ce sont certains parmi les forces de sécurité venues contenir les manifestations. Pas tous bien entendu. Un nombre bien déterminé, un nombre même limité. Mais nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Il ne faut pas nier les évidences, et il ne faut pas non plus stigmatiser la profession et lui imputer les agissements d’un nombre déterminé. S’il y a des gens qui me connaissent, c’est bien la police. Mon dossier est je crois bien rempli chez eux. Ils savent donc qui je suis attaché aux droits fondamentaux et aux procès équitables, et que je n’ai jamais mis bons et mauvais dans le même sac. Si la commission ne plait pas, cela ne me gêne pas, je continue mon travail avec les citoyens qui m’ont saisi et les fonctionnaires qui collaborent avec nous. On nous a transmis des documents que nous exploitons aussi. Bien entendu, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Nous savons qu’il peut s’agir de faux. Nous travaillons sans négliger aucune piste, et notre travail est nécessaire. On ne peut pas d’un coup de crayon rayer ce qui s’est passé. Je n’ai aucun problème avec les policiers et leur syndicat. Ils étaient brimés comme tout le monde. Ils n’avaient pas le droit à la parole, je le sais. Maintenant que leur syndicat existe, qu’ils prennent la parole et dénoncent leurs conditions et les comportements qui les stigmatisent. Et puis leur mission première c’est quoi ? Le respect de la loi. C’est à eux de faire que personne n’outrepasse la loi, que personne ne commette de crime. Donc, ils devraient être les premiers à appeler à ce que les enquêtes aboutissent dans la sérénité, sans haine, sans complaisance.

Afrik.com : Dans vos déclarations il était aussi question de viols.. Taoufik Bouderbala : On nous a dit et raconté lors des auditions en déplacement qu’il y aurait eu des viols. Or, les femmes concernées ne se sont pas présentées à nous. Vous savez que c’est difficile. Mais d’ores et déjà nous avons des déclarations de victimes hommes qui se sont fait connaître. Il s’agit de viols perpétrés par des objets, matraques et autres.

Afrik.com : Vous êtes le premier à parler ouvertement de ce genre de pratiques qu’on évoque tout bas encore aujourd’hui. On entendait dire ça et là, que c’était une méthode de torture récurrente.. Taoufik Bouderbala : Je peux dire qu’on a été saisi de ce genre d’affaire par des hommes et je suis vraiment navré que des éléments qui ne représentent pas la police aient agi de la sorte avec des citoyens quelques soient ce qu’on leur reproche. Ce genre d’agissements est tout simplement inadmissible. Les policiers ne sont pas tous des tortionnaires. Ils n’ont pas tous tiré. Mais que ceux qui ont mal agi soient désignés pour ne pas nuire à toute la profession, justement, qui travaille au maintien de l’ordre.

Afrik.com : Qu’en est-il des snipers ? Taoufik Bouderbala : S’il y a une entité qui sait s’il y avait des snipers, c’est la police. C’est eux qui étaient chargés du maintien de l’ordre à l’époque et c’est chez eux que sont conduits les suspects arrêtés. S’il s’agit de policiers, ils le savent. S’il s’agit d’un corps étranger au pays, ils devraient le savoir aussi. S’il s’agit d’une milice ou d’une bande organisée, ils devraient avoir un minium d’informations. C’est eux qui sont chargés d’attraper ces individus ou de les interroger.

Afrik.com : Les auditions que vous avez pu mener jusqu’ici vous ont-elles permis d’en savoir plus ? Taoufik Bouderbala : Quand vous allez voir les blessés et les familles de martyrs, que tout un quartier vous raconte les moments d’horreur qu’ils ont vécu, vous ne pouvez pas passer outre. Les jeunes nous ont dit : « ce sont des snipers ». Les moins jeunes nous ont dit : « non ce sont des rangées de forces de l’ordre dont certains sont montés sur les toits ». L’idée est en train de s’éclaircir. Nous relions les éléments entre eux, et nous ne communiquerons pas tant que nous serons pas certains. Il faut que je termine mon travail.

Afrik.com : Vous êtes sur une piste ? Taoufik Bouderbala : Oui, vous le saurez le moment venu. La mission qui nous été confiée est une responsabilité immense que nous devons à nos jeunes et à nos martyrs et pour cela nous nous devons d’être très précis.

Afrik.com : Pensez-vous que par votre action aujourd’hui, vous contribuez à l’action d’assainissement du ministère de l’Intérieur ? Taoufik Bouderbala : Non ! Je n’ai aucune prétention à ce niveau-là, et ce n’est pas mon rôle. Moi, j’enquête sur des cas. Le travail de la commission se place dans une perspective historique ; pourquoi cette révolte qui a débouché sur une révolution ? Comment les faits ont été établis ? Le système est tombé, reste à définir les responsabilités de chacun. C’est ainsi. Nous devons cela à l’histoire.

Afrik.com : Avez vous subi des pressions ou de l’intimidation dans l’exercice de vos fonctions ? Taoufik Bouderbala : Absolument pas et je ne considère pas du tout les critiques ou les prises de position du syndicat comme des pressions. C’est démocratie, cela ne nous perturbe pas.

Afrik.com : L’administration est-elle montré coopérative avec vous ? Taoufik Bouderbala : Pour l’instant, il n’y a aucun souci. Mais il est vrai que nous ne sommes pas arrivés à la phase, plus délicate, de convocation des supposés responsables.

Afrik.com : Qu’en est-il de l’épineuse question de l’exploitation des archives ? Serez-vous amené à les consulter ? Taoufik Bouderbala : Certainement.

Afrik.com : Si elles sont encore conservées, il n’y a pas eu de mise sous quarantaine ? Taoufik Bouderbala : Pas besoin de mettre sous quarantaine. Nous allons faire une demande et nous verrons. Si on les trouve tant mieux et si ce n’est pas le cas, c’est le ministre de lIintérieur qui est responsable de la sécurité de ses archives. La consultation des archives est nécessaire et logique pour arriver à la vérité. Nous allons par exemple demander des organigrammes, des ordres de mission, pour savoir combien ce jour-là il y a eu d’unités et quelles unités avaient quelles armes. Il y a plein de documents utiles dans ce sens. Tout est acté au ministère. Ils savent quel policier est à quel carrefour. Quelle arme a été fournie à quel policier, combien de cartouches, la rue, la compagnie, la personne. Tout est consigné.

Afrik.com : Il y aurait eu un souci avec Monji Khadraoui [ancien membre de la commission] pour une histoire avec Microsoft.. Taoufik Bouderbala : On avait reçu une proposition de Microsoft pour un système de sauvegarde des données, vu le problème de la localisation des archives, pour prévenir vol, incendie ou autre. Nous avons pris contact avec le Centre National d’Informatique (CNI) tunisien pour savoir s’ils pouvaient héberger ces données. Ils nous ont répondu que ce ne serait pas une bonne idée puisque pendant la révolution, ils ont été hakés avec d’autres sites gouvernementaux. Nous avons appris que bon nombre de pays hébergent leurs données à l’étranger en changeant fréquemment de localisation pour éviter les piratages. Je me suis quand même posé des questions, notamment par rapport à la souveraineté, et je me suis rapproché du Premier ministère et il m’a été répondu qu’ils hébergeaient aussi à l’étranger. Et attention ! Microsoft ne nous donne rien, ni matériel ni hébergement. Ils nous offrent le know how. Ils nous forment. C’est tout. J’ai donc chargé un expert en informatique, M. Chaouki Gueddes, de me préparer un rapport à soumettre au Premier ministre pour me décider. Voilà ce qu’il a été décidé lors de cette réunion. Le nom M. Khadraoui nous a été indiqué par le syndicat des journalistes après consultation. Donc, il a assisté à une réunion. Il n’a pas assisté à la deuxième et les PV sont là. Nous avons deux attachés de presse qui ne participent pas à la réunion mais qui rédigent, et c’est enregistré par la suite. A la troisième réunion, il est venu durant le dernier quart d’heure pour s’excuser parce que, dit il, son syndicat lui a demandé de se retirer et qu’il était ravi d’avoir travaillé avec nous en nous souhaitant bonne continuation.

Afrik.com : Il a donc démissionné.. Taoufik Bouderbala : Oui, et puis on découvre cette histoire ! Il annonce d’autres raisons pour sa démission. J’ai quand même pris contact avec le syndicat qui a nié sa version des faits et qui s’est proposé de proposer une autre personne à la place. Voilà ce qu’il en est. La version présentée par lui et un autre démissionnaire, un avocat, nous a ébahis. Rendez-vous compte que cet avocat avait pris la parole lors de la première réunion pour me féliciter de mon patriotisme et de mon intelligence lorsque j’ai proposé de nommer un expert et consulter le Premier ministre avant de prendre position. Il raconte donc des choses fausses et l’autre lui emboîté le pas en oubliant qu’il n’avait pas assisté à la réunion.

Afrik.com : Comment va s’achever cette mission ? Taoufik Bouderbala : Tout notre travail et toutes nos conclusions feront l’objet d’un rapport ou tout sera consigné. Nous ferons aussi des propositions pour réformer le système et former les gens pour qu’il n’y ait plus jamais ça. Pour le corps de la police par exemple, nous recommandons de donner des garanties aux policiers et de garantir leur dignité et de bonnes conditions de travail.

Source: “Afrik.com” Le 17-05-2011

Lien: http://www.afrik.com/article22863.html


Tunisie, un économiste prévient contre le déficit criant des caisses


 

Hassine Dimassi, professeur de sciences économiques, nommé ministre pour quelques heures, représentant l’UGTT, dans le premier gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi, présente un projet de pacte social en vue d’assainir le climat social, mettre fin aux relations tendues ayant prévalu sous l’ancien régime entre l’Etat et la société d’une part, et entre les partenaires sociaux d’autre part, et réduire les disparités socio-économiques dans la société. Ce pacte social s’articule autour de quatre axes : modes d’emploi, actualisation des salaires, fiscalité et couverture sociale. Hassine Dimassi en a expliqué la teneur lors de deux émissions successives du « Lundi économique », proposé par Radio Kalima en partenariat avec Gnet ».

Après avoir développé lors d’une première émission le premier volet de ce projet, en l’occurrence, les modes d’emploi et évoqué le rôle crucial que doit jouer l’UGTT pour traduire ce pacte dans les faits, l’émission d’hier, lundi 16 mai, a abondé dans le même sens, en mettant l’accent sur les trois autres axes dudit pacte.

Dans le volet de l’actualisation des salaires, Hassine Dimassi pointe le modèle de négociations sociales jusque-là en vigueur qui ne s’appuyait pas sur des paramètres économiques objectifs. Cet état de fait a provoqué un appauvrissement progressif des travailleurs, qui ont vu la part de richesse nationale qui leur est allouée baisser, passant de 50 % dans les années 80, a à peine moins de 40 %, maintenant. Ce qui a creusé davantage le fossé entre couches sociales, et généré ce qu’il appelle « une société dualiste ». Cet économiste chevronné propose dans son pacte d’instaurer des négociations sociales annuelles postérieures, indexées aux prix à la consommation et aux indices du bénéfice sur la productivité. Ceci requiert, selon son analyse, deux conditions sine qua non : la première est la fiabilité des chiffres, donc l’indépendance de l’INS, et la seconde est la transparence totale des comptes et des équilibres budgétaires des entreprises économiques. Une démarche qui nécessite un changement des mentalités et du système jusque-là en place. Au sujet de la fiscalité, deuxième volet du pacte, Hassine Dimassi a mis à l’index une fiscalité injuste, qui perdure depuis des décennies en Tunisie, et qui s’est exacerbée pendant les 20 dernières années, pour se transformer en un facteur d’aggravation de la pauvreté et de l’antagonisme des classes. Sous l’ancien régime, l’Etat fermait l’œil sur l’évasion fiscale, car « Ben Ali qui n’avait pas la légitimité des urnes, cherchait une autre légitimité en changeant les relations entre l’Etat et la société, lesquelles ont été fondées sur l’allégeance, c’était une manière de dire aux hommes d’affaires, faites ce que vous voulez, mais gardez la tête baissée », indique-t-il en substance. L’injustice fiscale se traduit par un chiffre significatif ; les travailleurs qui ne bénéficient que de 40 % de la richesse nationale, supporte le 4/5ème, soit 80 % des impôts directs. Par ailleurs, cette fiscalité défaillante a fait perdre à l’Etat son rôle développement, et a provoqué une injustice économique et sociale, et si des solutions ne sont pas trouvées, l’Etat ne pourrait plus faire face à ses dépenses comme payer les salaires de ses fonctionnaires, réaliser des projets d’infrastructure, etc. Quatrième axe du pacte : la couverture sociale. Hassine Dimassi tire la sonnette d’alarme quant au déficit criant des caisses sociales. Si ce trou n’est pas colmaté urgemment, il aura des conséquences très graves dans les prochaines années. En 2015, le déficit des deux caisses au niveau du seul dispositif de retraite avoisinera les 3,5 milliards de dinars. Par ailleurs, les deux caisses auraient d’ici 2015 résorbé leur épargne, et risquent, par ricochet, de ne plus pouvoir payer les pensions de retraite. Pour sortir les deux caisses de l’ornière, le pacte social propose de renoncer à l’emploi précaire, de faire preuve de rigueur en matière de paiement des cotisations et de renoncer aux dépenses qui ne relèvent pas du domaine des caisses. Selon Hassine Dimassi, le pacte social doit être placé au centre du prochain congrès de l’UGTT, c’est la centrale syndicale qui doit œuvrer à sa mise en application, insiste-il, en vue d’instaurer des rapports entre l’Etat et la société, basés sur la dialectique des droits et des devoirs, et de construire une société équilibrée, et républicaine.

Source: ”Global Net” Le 17-05-2011

Lien: http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie-un-economiste-previent-contre-le-deficit-criant-des-caisses-sociales/id-menu-325.html


Le poids de Facebook pour les partis politiques tunisiens


 

Il y a ceux qui ont compris l’importance des TIC, particulièrement le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion de l’information, dans sa capacité à influencer les jeunes et dans la recherche des voix électorales; et ceux qui n’ont encore rien compris à cette nouvelle donne.

Deux phénomènes nous montrent que la bataille se jouera en grande partie sur Internet pour l’élection de l’Assemblée Constituanteen Tunisie. Tout d’abord, l’existence de 2,5 millions de comptes Facebook pour les Tunisiens, de l’autre côte, l’exemple de la dernière interview de M. Rajhi, ancien ministre de l’Intérieur, qui a failli enflammer la Tunisie et même emporter le 3ème gouvernement après le 14 Janvier 2011. Et qui a su mobiliser –et mobilise encore du reste- tous les Tunisiens, des journalistes aux magistrats, en passant par la classe politique, surtout la rue et le peuple, à tort ou à raison.

Actuellement, Facebook peut s’avérer plus percutant et plus influent que les meeting classiques où on note une très faible affluence, à l’exception de 3 ou 4 partis politiques, que tous les journaux papiers réunis voire plus que la télévision, qu’elle soit publique ou privée.

Ceux qui l’ont bien compris se situent aujourd’hui sur les deux extrêmes, gauche et droite, de l’échiquier politique tunisien. Les partis du centre droite et du centre gauche sont faiblement présents sur la Toile, ce qui nous donne déjà une idée sur la carte politique de la Tunisie dans cette phase préélectorale.

Une forte présence de l’extrême gauche, comme le POCT, très actif sur Facebook et sur le terrain de la contestation dans la rue et au sein de l’UGTT, ainsi que le parti Ennahdha et sa variante Moubadara, très actif non seulement sur Facebook mais dans tout l’espace politique, y compris la rue, les mosquées et dans les actions caritatives.

Des partis comme Al Wifak ou le Congrès pour la République peuvent jouer un rôle plus important s’ils arrivaient à fédérer d’autres partis centristes.

Il s’agit bien entendu d’une lecture primaire à l’image d’un seul paramètre, à savoir l’Internet, cependant très révélateur, à notre sens. Car, on n’oublie pas que plusieurs électeurs (potentiels) tunisiens se trouvent en dehors de la sphère des technologies de la communication, l’Internet et Facebook en particulier. Ils se trouvent dans ce qu’on appelle la masse silencieuse, et qui, faute de vrai sondage ou d’un test électoral, n’ont pas encore exprimé ou montré leur position ou leurs préférences.

Sur un total de 65 parties légalisés, on a eu le constat suivant:

– Seuls 15 partis disposent d’un site web (Ennahdha dispose à lui seul de 4 sites web), dont 5 sont mis à jour de manière continue.

– Aucun parti ne dispose d’une adresse email liée à son domaine. On a procédé à plusieurs requêtes avec une demande écrite pour adhésion et aucune réponse. Ce qui signifie qu’aucun webmaster ne lie ces emails.

– 3 partis politiques disposent d’une Web Tv, dont le Forum Démocratique pour les Libertés et le Travail (FDLT), le Mouvement Attajdid et le Parti Démocratique Progressiste.

Enfin, seulement 9 partis disposent d’un compte Twitter.

Les partis ont encore pas mal de chemin à faire, ils tardent à faire leur révolution Internet et technologique. A suivre…

Source:”wmc” Le 17-05-2011

Lien: http://www.webmanagercenter.com/management/article-105919-le-poids-de-facebook-pour-les-partis-politiques-tunisiens


Réseau des droits de l’Homme, des libertés et de la dignité

Quel pacte social après la Révolution ?


 

Par Ahmed NEMLAGHI

«La Tunisie est encore à l’aurore de la Révolution, et nous attendons tous avec elle, la levée du jour »

Cette affirmation de Robert Badinter, éminent juriste français et ancien garde des sceaux qui a été à l’origine de l’abolition de la peine de mort en France, prête à réfléchir, car cette attente de la levée du jour, à laquelle il a fait allusion résume parfaitement la situation actuelle en Tunisie, à peine quatre mois après le 14 janvier 2011, date que retiendront les générations à venir, car elle marque la chute d’une dictature de 23 ans.

Une autre date est attendue par tous les Tunisiens :le 24 juillet, qui marquera sans doute le début du lever du soleil. L’élection de la constituante reste la préoccupation majeure du peuple tunisien, car c’est cette assemblée qui procédera à l’élaboration d’une constitution devant définir les modalités du choix d’un nouveau régime devant répondre aux impératifs imposés par la conjoncture sociale, économique et politique du pays.

En fait il faut que tous les efforts soient conjugués pour parvenir à ce choix, toutes composantes sociales confondues.

C’est autour de ce thème qu’un colloque a été organisé, samedi dernier par le réseau des droits de l’Homme, des Libertés et de la dignité, et auquel ont participé des juristes, syndicalistes, magistrats et représentants de parti politique, dont Ahmed Ben Salah pour le MUP, qui est intervenu en dernier lieu pour couronner toutes les autres interventions en y apportant les remarques judicieuses d’un politicien, doublé d’un militant et d’un syndicaliste de la première heure.

Pour lui, il est nécessaire de tirer l’expérience du mouvement national durant la colonisation, ainsi que de toutes les expériences à l’aube de l’indépendance,ainsi qu’à la période de la collectivisation en 1969, afin d’éviter de retomber dans les mêmes tares.

«Le collectivisme est une expérience réussie contrairement à ce que puissent croire certains. C’est une réforme qui n’a pas eu l’accord de ceux qui sont contre le changement, et qui ont donc tout fait pour la faire échouer. C’est ce qui est arrivé d’ailleurs à Khéreddine, qui voulait engager des réformes.

C’est la raison pour laquelle, j’ai parlé, d’un comité de

salut public qui sera composé des sages qui ont vécu les expériences du changement à l’aube de l’indépendance, et qui doivent de ce fait œuvrer à la protection de la Révolution. Il faut un pacte social, qui puisse préserver les valeurs, l’identité et les acquis de la Tunisie. »

Tous les autres intervenants, tels que Ali Lââridh du parti Ennahdha, A.El Heni du parti Al Majd, ou les syndicalistes Séhimi de l’UGTT et Guiza de l’UTT, s’accordent à dire que le pacte social à envisager est un contrat social,dans le sens de celui de Rousseau, dans lesquels il est impératif de tenir compte tant des problèmes nationaux que sociaux.

Habib Guiza pour sa part a parlé d’un pacte sociopolitique, avec la participation des travailleurs à l’instar de celui qui a été préconisé en Espagne.

Côté social, il importe de procéder à la révision de la législation du travail ainsi que de la conception même du syndicat et du rôle qu’il doit jouer, face à l’évolution des relations entre les partenaires sociaux.

En fait c’est un pacte auquel doivent prendre part toutes les forces vives du pays, et tous les partis politiques afin de préserver les acquis de la révolution, et sauvegarder l’identité arabo-musulmane d’une Tunisie moderne et au diapason des pays libres et émancipés.

Source: “Le Temps” Le 17-05-2011

Lien: http://www.letemps.com.tn/article-55892.html


Conseil des ministres — Election de l’Assemblée nationale constituante

Souci du respect de la date du 24 juillet


 

Le Conseil des ministres du gouvernement de transition a tenu, hier matin, au Palais du gouvernement à la Kasbah, sa réunion périodique sous la présidence de M. Foued Mebazaâ, président de la République par intérim. M. Taïeb Baccouche, porte-parole officiel du Conseil des ministres, a indiqué que le Conseil a examiné et approuvé les projets de décrets-lois suivants : – Projet de décret-loi présenté par le ministre de l’Intérieur complétant les statuts généraux des forces de sécurité intérieure afin de les autoriser à constituer un syndicat professionnel indépendant, en vue de faciliter les négociations avec les autorités de tutelle concernant les questions professionnelles – Projet de décret-loi présenté par le ministre de la Culture amendant et complétant le Code de la protection du patrimoine archéologique et historique et des arts artisanaux. Ce projet vise à « lutter davantage contre les bandes de pilleurs et de trafiquants de cette richesse nationale, sur les plans de la répression et des sanctions » – Deux projets de décrets-lois relatifs à l’accord de prêt pour le financement de l’acquisition de locaux au profit des représentations diplomatiques à l’étranger et à l’accord de garantie d’un prêt au profit de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg). Les deux projets ont été présentés par le ministre de l’Industrie et de la Technologie et le ministre délégué auprès du Premier ministre. Le Conseil des ministres a, en outre, approuvé les propositions présentées par le ministre de la Défense nationale pour l’amendement du régime du service militaire national, en vue d’ouvrir de nouvelles perspectives d’emploi. D’autre part, les rapports suivants ont été présentés au Conseil des ministres : – Rapport présenté par les ministres de la Défense nationale et de l’Intérieur concernant la situation sécuritaire dans le pays, en particulier sur la frontière tuniso-libyenne. Le Conseil a enregistré, dans ce contexte, l’efficacité des rondes conjointes des forces de sécurité et de l’armée. Il a exprimé la fierté pour le rôle accompli par les citoyens dans l’arrestation de personnes douteuses et de clandestins entrés avec des armes sur le territoire tunisien. – Rapport présenté par le ministre des Affaires sociales autour de la situation sociale et les relations de travail. Le Conseil a exprimé « sa préoccupation face à la poursuite des sit-in et des grèves, malgré l’amélioration et les progrès dans les négociations sociales entre les partenaires sociaux, dans les secteurs public et privé ». – Rapport présenté par le ministre de l’Education autour des préparatifs pour l’organisation des examens nationaux. M. Taïeb Baccouche a souligné que le Conseil a exprimé « sa satisfaction des mesures administratives et sécuritaires garantissant le déroulement normal de ces examens nationaux ». Le Conseil des ministres a, d’autre part, mis l’accent sur le souci du gouvernement provisoire de voir les élections de l’Assemblée nationale constituante se dérouler à la date prévue du 24 juillet 2011. Le Conseil a exprimé la disposition du gouvernement à apporter l’aide nécessaire à la commission supérieure indépendante des élections, lorsqu’elle en fera la demande.

Source: “La Presse” Le 17-05-2011

Lien: http://www.lapresse.tn/17052011/29287/souci-du-respect-de-la-date-du-24-juillet.html


Sécurité nationale

Arrestation de trois ressortissants libyens


 

Venant de Malaisie, d’Australie et du Canada, ils possédaient du matériel de télécommunication ultrasophistiqué Des policiers de Djerba ont arrêté, dimanche matin, un Libyen en possession d’un matériel de télécommunication ultrasophistiqué et des jumelles de vision nocturne et de jour. Résidant en Malaisie, ce citoyen libyen est entré sur le territoire tunisien par l’aéroport de Tunis-Carthage, avant de se rendre en voiture à Djerba. Il a prétendu qu’il allait visiter des proches avant de se rendre en Libye pour soutenir les insurgés. Un autre Libyen en provenance d’Australie a été arrêté samedi, en possession de détecteurs de métaux, de jumelles de vision nocturne et de jour, de matériel de télécommunication et de téléphones portables. D’autre part, un citoyen libyen résidant au Canada a été arrêté, jeudi, en possession de jumelles à infrarouge, d’une caméra sophistiquée, d’appareils de télécommunication, de psychotropes et d’une somme d’argent en dollars. Ces personnes ont été déférées aux services compétents pour enquête.

Source: “La presse” Le 17-05-2011

Lien: http://www.lapresse.tn/17052011/29288/arrestation-de-trois-ressortissants-libyens.html

 


La police clé de la sortie de crise en Tunisie?


 

Par Jamel Dridi

Quand le général De Gaulle annonça que la France allait quitter l’Algérie, il subit une tentative d’assassinat et une tentative de putsch par des généraux. Quand Boris Eltsine fit des réformes en Russie en limitant drastiquement le pouvoir des militaires, il fit face à un coup d’Etat militaire qui dura quelques jours. Dans ces deux exemples, le coup de force des militaires était motivé par la même raison, le refus de la remise en question de l’ordre établi associé à la perte d’intérêts financiers et de pouvoir. En Tunisie, l’appareil sécuritaire est tenu non pas par l’armée mais par la police (ordinaire, politique, sécurité présidentielle…). Les spasmes sécuritaires auxquels fait face la Tunisie est du même ordre. Dans la nouvelle Tunisie, ce système policier risque de perdre beaucoup. Par l’entretien d’un climat d’insécurité, il ne fait que manifester son refus d’être sacrifié dans cette transition. Il frappe à la porte afin que des négociations s’engagent avec lui. Il est nécessaire d’ouvrir cette porte si l’on veut éviter le chaos et permettre un retour rapide «à la normale».

Qui sont donc derrière ces troubles et pourquoi font-ils cela ? Avant de répondre à cette question, il faut faire un effort de mémoire car la joie ayant accompagné la révolution tunisienne a fait quelque peu oublier une réalité tunisienne aux racines profondes. Oui aux racines profondes car elles ont eu le temps de se développer pendant 23 ans! Pendant 23 ans, l’appareil sécuritaire s’est développé au point tel qu’il y a en, Tunisie, ce tout petit pays, 1 policier pour 100.000 habitants soit par rapport à d’autres pays 10 fois plus de policiers par habitant. Ce système sécuritaire s’est infiltré de partout au point tel qu’il contrôle dans les faits la Tunisie. Si l’on n’en était pas convaincu, les exemples récents le démontrent. Qui peut croire par exemple que les prisons deviennent, comme ça par enchantement, du jour au lendemain, des passoires? Qui peut croire à la manifestation spontanée d’excités salafistes en plein cœur de Tunis avec des drapeaux neufs inconnus en Tunisie, qui se permettent de scander des paroles jamais entendues avant en Tunisie devant la synagogue historique de Tunis sous les yeux de cordons de police impassibles – alors qu’on sait la tremblote que prend n’importe quel islamiste devant un policier en Tunisie?! Il y a quelques mois, personne en Tunisie ne faisait le malin avec la police. Tout Tunisien sain de corps et d’esprit sait ce qu’il risquait en rentrant pour des mauvaises raisons dans un commissariat. L’entrée était permise mais la sortie pas assurée du tout. Chaque Tunisien se méfiait même des membres de sa propre famille et évitait les sujets concernant la politique, la famille présidentielle, la police. Les murs en Tunisie avaient des oreilles, disait-on. La criminalité était basse. Avec un policier à chaque coin de rue, chaque croisement, dans chaque famille, il ne restait pas beaucoup d’espace pour les délinquants. Mais aujourd’hui, il semble que les choses aient changé. La délinquance prospère. Si ce phénomène accompagne toute période révolutionnaire, certains événements semblent malgré tout douteux et trop bien organisé pour qu’ils soient le fait de simples délinquants. C’est à croire que certains aient entre les mains le robinet de l’insécurité qu’ils ferment et ouvrent au gré de leur envie ou plutôt au gré des messages qu’ils souhaitent envoyer. Des messages du type: «soit nous jouons dans le nouveau jeu tunisien, soit nous jouerons contre la Tunisie». Il n’y a aucun doute que ce sont ceux qui maîtrisent la sécurité qui détiennent le robinet de l’insécurité.

Pourquoi de tels actes ? La réponse est évidente et peut se comprendre à deux niveaux. Le premier est motivé par la volonté d’échapper à la justice. Si le calme revient en Tunisie, l’une des premières volontés du peuple sera de juger le système policier de l’ancien régime ainsi que ses acteurs principaux (cadres, hauts fonctionnaires…). Cette étape est indispensable pour faire le deuil de l’ancienne période et tourner définitivement la page. L’appareil sécuritaire sait ce danger et ne veut pas être jugé sur ses errements passés. Il n’a donc aucun intérêt à un retour au calme car, dans cette situation, il aurait beaucoup à perdre. Le second est directement dû aux avantages financiers et en nature. En effet, pendant 23 ans, l’ancien régime a passé un contrat tacite avec son appareil sécuritaire. L’appareil sécuritaire devait maintenir la pression sur le peuple et empêcher toute volonté démocratique (presse, syndicat, partis politique) et en plus de sa rémunération officielle, le pouvoir fermait les yeux sur le racket du petit peuple par ce système policier (personnes ordinaires, commerçants, taxis) et sur ses investissements dans le monde des affaires. Combien de policiers ont des revenus plusieurs fois supérieurs au modeste salaire que leur verse l’Etat? D’où vient cet argent? L’appareil sécuritaire sait qu’il n’aura plus les mêmes passe-droits si la loi s’appliquait. Il y aurait donc une baisse considérable de ses revenus.

Peut-on supprimer ce mal? Voilà la véritable question et la réponse est, hélas, non, car ceux dont le métier était d’agir en secret pendant 23 ans pour espionner et mater le peuple, déstabiliser les opposants à l’ancien régime, agissent aujourd’hui encore dans le plus grand secret pour déstabiliser la Tunisie et maintenir l’insécurité. Les réseaux qu’ils ont développés, les moyens qu’ils possèdent le leur permettent. Surtout ils agissent officieusement et dans l’ombre. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils sont expérimentés pour cela. Ce mal n’est donc pas visible. Si c’était le cas, le problème aurait été réglé rapidement. Eradiquer ce mal sera difficile est long. Le problème est que la Tunisie n’a pas le temps d’attendre. L’asphyxie économique guette. Il y a bien une solution, radicale, mais pour quel résultat? Il y a bien une solution radicale mais le résultat est aléatoire. Les Tunisiens peuvent bien sûr limoger et remplacer tous les cadres de l’appareil sécuritaire ainsi que fermer les services litigieux. Cela est possible et donnerait en plus de l’emploi à beaucoup de jeunes policiers formés à respecter la loi. Deux obstacles s’y opposent toutefois. Le premier est qu’il faudrait former ces jeunes policiers certes motivées mais peu expérimentées et la période actuelle en Tunisie exige une expérience sécuritaire que les vieux cadres de police possèdent eux, paradoxalement. Le deuxième obstacle est que ce serait une extraordinaire erreur stratégique qui serait faite. Les Américains l’ont bien compris pendant la guerre du Golfe. Ils ont licencié du jour au lendemain 40.000 soldats de l’armée de Sadam Hussein en pensant les remplacer par d’autres soldats formés selon leur envie. Ce fut une catastrophe pour eux! Ces 40.000 soldats sont passés du jour au lendemain du statut de soldats à celui de djihadistes contre l’armée américaine au point tel que les Américains ont réembauché quelques mois plus tard ces soldats. Le dicton est connu «ceux qui ne jouent pas avec vous, joueront contre vous »! Dès qu’ils seront licenciés, ces éléments de l’appareil sécuritaire tunisien se vengeront en engageant cette fois-ci une guerre totale qui condamnera définitivement la Tunisie. Cette solution, même si elle est attrayante, ferait plus de mal que de bien à la Tunisie.

Que faire alors? Une décision courageuse pour l’intérêt supérieur de la Tunisie doit être prise. Elle consiste en l’ouverture de discussions avec l’appareil sécuritaire. Mais, attention, elles ne doivent pas s’ouvrir seulement entre le gouvernement provisoire et cet appareil sécuritaire. Ces discussions doivent associer les membres influents de la société civile (avocats, journalistes, partis politiques, syndicats) – un peu comme ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Elles doivent être discrètes mais pas secrètes et la population doit en être informée quant à ses étapes et conclusions. Réunir toutes les parties de la société civile et politique donnera une légitimité aux yeux de la population aux accords d’amnistie qui seront pris.

Un acte courageux dans l’intérêt de la Tunisie On peut comprendre que certains soient réticents à envisager un accord de ce type. Il y a eu tant de souffrances, tant d’injustice… et nul ne peut renoncer à son droit à la justice! C’est vrai et le doute m’assaille même en écrivant ces lignes mais j’en appelle à la conscience de ceux qui aiment la Tunisie et leur demande de se souvenir de l’exemple de l’Afrique du Sud: ce pays a tenu debout car il y a eu une réconciliation nationale. Mandela, qui passa plus de 30 ans en prison dans des conditions horribles et dont le peuple fut massacré, pardonna à ses bourreaux blancs. Pourquoi l’a-t-il fait? Même s’il n’en avait pas envie, il a sans doute pris en compte l’intérêt supérieur de son pays. Les Tunisiens sont-ils capables d’une telle démarche aujourd’hui? Un acte courageux similaire est nécessaire dans l’intérêt de la Tunisie. Le sacrifice qui est fait aujourd’hui en renonçant à juger certains éléments de l’appareil sécuritaire est un investissement pour la Tunisie. Perdre aujourd’hui un peu pour gagner demain beaucoup. Mais ce sacrifice n’est pas un chèque en blanc. Loin de là. Les cadres de l’appareil sécuritaire doivent s’engager à cesser toute campagne de déstabilisation ainsi que de participer à la réforme du corps policier. Un organe de contrôle indépendant de la police pourrait se charger de cette mission.

Chaque minute compte! Le climat sécuritaire actuel a des incidences économiques en cascades et difficiles à rattraper. Si la sécurité ne revient pas, les touristes ne reviendront pas, les entreprises ne reviendront pas, le moral et la confiance des Tunisiens ne reviendront pas. Comment payer les salaires des enseignants, les subventions de produits, payer les produits d’importations. Comment? Si les caisses de l’Etat tunisien se vident, il n’y aura pas de gagnants. Ceux qui, parmi l’élite sécuritaire, croient que leurs plans marcheront doivent méditer les exemples des révolutions françaises et anglaises. Après avoir contenu, sans trop de dégâts, la première révolution pendant quelques temps, les élites de l’époque ont fait face à une deuxième révolution populaire sanglante. Des milliers de notables parmi ceux qui n’avaient pas fui furent exécutés et leur biens confisqués. Les élites tunisiennes qui, jusque là, ont été plutôt préservées, veulent elles avoir un tel scénario en Tunisie? Par ailleurs, il a fallu plus de 100 ans et plusieurs guerres civiles fratricides pour que ces pays se relèvent politiquement et économiquement. Des exemples à méditer et qui doivent, à nous qui aimons la Tunisie, nous inspirer pour nous réconcilier et avancer. La Tunisie est à la croisée des chemins avec, de surcroît, à ses portes un contexte géopolitique compliqué. Le climat d’insécurité doit cesser. Des discussions dans ce sens entre tous les acteurs doivent s’engager sans délais.

Source : « Kapitalis » Le 17-05-2011

Lien : http://kapitalis.com/fokus/62-national/3949-la-police-cle-de-la-sortie-de-crise-en-tunisie.html


Tunisie – Les élections sont-elles encore possibles le 24 juillet ?


 

Par Mounir Ben Mahmoud

Tous les Tunisiens, notamment la classe politique, attend impatiemment la publication du Décret-loi sur les élections. Le gouvernement provisoire ayant entériné, il y a une semaine, le projet présenté par l’Instance supérieure de réalisation des objectifs de la révolution dans son intégralité avec, notamment, la parité dans les candidatures et l’inéligibilité des personnes ayant assumé une responsabilité au sein du RCD durant les 23 dernières années. De l’avis de tous, cet aval a pris deux précieuses semaines de débats et l’on va sur la troisième semaine alors que le 24 juillet pointe déjà à l’horizon. Il nous restera à peine dix semaines à la parution du Décret-loi. Or, avec cette instabilité qui marque la vie publique en Tunisie, aura-t-on, alors suffisamment de temps pour la réalisation des élections ? Le décret-loi sur les élections donne déjà un aperçu sur l’espace-temps nécessaire pour la préparation des élections. Le professeur Farhat Horchani, président de la sous-commission chargée des élections, avait affirmé depuis la fin de février avoir besoin de 22 semaines pour la réalisation des élections. Le décret-loi sur les élections parle, quant à lui, de trois semaines pour la campagne électorale et de deux semaines pour les candidatures. Il faudrait également préparer la répartition des électeurs sur les bureaux de vote, surtout que les partis politiques réclament la réduction du nombre de ces bureaux pour assurer la présence de leurs observateurs. Toute cette logistique n’est pas facile à réaliser surtout avec les difficultés rencontrées pour l’installation de la quiétude, pierre angulaire de toute opération électorale. Le flou est encore persistant quant aux origines de ces dépassements en matière sécuritaire chaque fois où le pays commence à reprendre son souffle. Il y a, en effet, des doutes faute de feuille de route claire sur le processus en cours en Tunisie. Il y a même une certaine peur qui commence à s’installer. Là, on ne parle pas seulement des réalisations économiques qui tardent à prendre place dans la bande ouest délaissée, on s’interroge aussi sur l’origine des dernières perturbations ayant secoué le pays la semaine dernière et se poursuivent encore. Les citoyens se demandent sur la capacité des autorités à réaliser des élections dans la quiétude si jamais elles ne sont pas parvenues à mettre la main sur ces personnes qui distribuent de l’argent aux jeunes pour les inciter à faire des troubles. Certes, l’élan citoyen de soutien à l’action de la police dans le rétablissement de l’ordre public est à saluer. Lequel élan a commencé à partir de Gafsa et Kasserine et a atteint plusieurs autres localités comme l’Ariana. Ceci indique clairement que le peuple a soif de stabilité mais ceci n’empêche que la réalisation de cette stabilité est principalement du ressort du gouvernement. A chacun, son rôle. D’ailleurs, ce n’est nullement une question de ‘pour ou contre’ les élections. Il s’agit plutôt de préparer les conditions nécessaires pour la tenue de ces élections. En l’absence d’une préparation adéquate, on ne saurait relever ce défi et réaliser cette étape importante dans l’accomplissement de la révolution. Plusieurs questions restent en suspens comme le financement de la campagne électorale, la logistique (listes, personnel, etc.) et, surtout, la date de la parution même du Décret-loi sur les élections. La question, c’est donc ‘les conditions sont-elles réunies pour réaliser les élections en cette date ?’ Il est clair que cette question de stabilité fait défaut. Il avait déjà fallu la contribution de tous les citoyens, aux côtés des forces de l’ordre, pour que les établissements scolaires reprennent, sans oublier le fait que certains rencontrent encore des difficultés pour travailler normalement. C’est pour dire que ce n’est pas facile de réaliser des élections surtout que l’on n’a pas de droit à l’erreur. La réponse à la problématique des élections devrait être consensuelle. La Tunisie a intérêt à sortir le plus rapidement possible de cette phase transitoire par l’élection d’un pouvoir légitime. Mais elle est en devoir de faire des élections dans les règles de l’art pour éviter toute forme de contestation.

Source: “Business News” Le 17-05-2011

Lien: http://www.businessnews.com.tn/Tunisie—Les-élections-sont-elles-encore-possibles-le-24-juillet-,519,24818,1


Les chemins de la liberté


 

Par Alain Gresh

En quelques semaines, et au prix d’un millier de morts au total, les peuples tunisien et égyptien se sont débarrassés pacifiquement de leur dictateur. Rapidement, le mouvement s’est étendu, du Maroc à la Syrie, en passant par l’Arabie saoudite et l’Irak. Partout une même aspiration à la liberté, à la dignité, partout une même volonté de non-violence. Aucun pays arabe n’a été épargné, même pas les riches Emirats arabes unis où des opposants ont été arrêtés et une association de défense des droits humains mise sous tutelle. La rapidité avec laquelle les flammes de la révolte, portées notamment par la télévision Al-Jazira, se sont propagées a fait éclore quelques illusions : le changement serait rapide ; les régimes tomberaient les uns après les autres comme des châteaux de cartes ; les lendemains, au sens propre, chanteraient.

Il n’en a rien été. La contre-révolution s’est déployée à Bahreïn, avec l’intervention de troupes du Golfe. La Libye a basculé dans une guerre qui a permis l’intervention de l’OTAN (lire « L’OTAN dans l’engrenage Libyen »). Le président yéménite Ali Abdallah Saleh s’accroche à son trône. Le pouvoir syrien tente de broyer son opposition. Et les tâches devant les peuples égyptien et tunisien sont immenses, notamment dans le domaine économique et social.

Assistera-t-on, comme en 1848 en Europe, à l’écrasement du « printemps des peuples » ? Nombre de commentateurs s’y résignent. Ce pessimisme englobe pêle-mêle ceux qui pensent que les Arabes ne seront jamais mûrs pour la démocratie ; ceux qui agitent une fois de plus la menace islamiste ; ceux qui s’enferment dans le temps médiatique : toute lutte qui s’étend sur plus d’une semaine est dans une « impasse », toute crise qui se prolonge sur plus d’un mois « s’enlise ». Pourtant, en juillet 1790, un an après la prise de la Bastille, la France était encore une royauté et l’Europe paraissait immobile…

Il était sans doute naïf de penser que des dictateurs, retranchés dans leurs forteresses depuis des décennies, allaient rendre les armes sans résistance. Ou même que leur chute signifierait un changement de système social. Les pouvoirs en place disposent de moyens de répression puissants, dont on a pu mesurer la terrible efficacité, même si leur usage n’a ni fait taire les citoyens ni ramené l’« ordre ».

Plus alarmant encore, ils n’hésitent pas à user d’une ressource redoutable. Au Proche-Orient notamment règne une infinie diversité : Kurdes et Arabes, chrétiens et musulmans, orthodoxes et catholiques, sunnites et chiites vivent, depuis longtemps, côte à côte, souvent en bonne intelligence, parfois dans la rivalité, quelquefois dans l’affrontement. Or, depuis longtemps, le confessionnalisme et les identités nationales ont été manipulés aussi bien par les puissances coloniales, comme au Liban où la France les a institutionnalisés, que par les régimes nés des indépendances qui « divisent pour régner » ; ainsi, en Egypte, M. Hosni Moubarak a joué avec la question copte, maintenant la minorité chrétienne dans une situation d’infériorité tout en se présentant comme son bouclier contre l’islamisme.

Ces manœuvres n’ont pas cessé avec le déclenchement de la révolte arabe. La dynastie régnante (sunnite) à Bahreïn, dont la majorité de la population est chiite, a mobilisé sur une base confessionnelle. Manipulant les peurs, la famille royale a instauré l’état d’urgence, la terreur à grande échelle, et fait appel aux troupes de ses alliés du Golfe, en premier lieu l’Arabie saoudite. Une campagne d’une xénophobie particulièrement repoussante a accusé les manifestants, dont certains étaient sunnites, d’être à la solde de l’Iran. Depuis, tous les pays du Golfe ont pris le relais, accentuant un clivage qu’avaient déjà creusé l’intervention américaine en Irak et l’installation de partis chiites à la tête du gouvernement. Dès 2004, le roi de Jordanie mettait en garde contre la création d’un « arc chiite », de l’Iran au Liban en passant par les émirats du Golfe.

En Syrie, incapable de répondre aux aspirations populaires, le régime baasiste arme la minorité alaouite dont il est issu, tandis que quelques groupes salafistes sunnites tentent de transformer le mouvement de protestation en lutte contre les « infidèles ».

La volonté unitaire des manifestants et leurs revendications citoyennes de liberté, de justice sociale et de démocratie ont permis, en partie, de déjouer ces manœuvres de diversion, d’aller de l’avant, d’approfondir les conquêtes. Le « printemps des peuples » est d’autant moins terminé que les discours les plus extrémistes ont été marginalisés. Al-Qaida a été dépassé par ces mobilisations et la mort de son dirigeant Oussama Ben Laden, tué par les forces américaines au Pakistan, marque, de manière symbolique, la fin d’une époque et d’un discours qui, au début des années 2000, rencontrait encore un certain écho dans le monde musulman.

Les chemins de la liberté et de la dignité qu’a ouverts le peuple tunisien, et dans lesquels se sont engouffrés après lui les autres peuples arabes, restent incertains, escarpés, périlleux. Mais, déjà, le retour en arrière n’est plus possible. « Quand une fois la liberté a explosé dans une âme d’homme, les dieux ne peuvent plus rien contre cet homme-là » (Jean-Paul Sartre, Les Mouches).

Source : « Le Monde diplomatique » le 17-05-2011

Lien : http://www.monde-diplomatique.fr/mav/117/GRESH/20530


CENTER FOR THE STUDY OF ISLAM AND DEMOCRACY
 
12th Annual Conference
 

Tunisia’s and Egypt’s Revolutions and Transitions to Democracy

What is the impact on the Arab World?

What Lessons can we learn?

Friday, April 15, 2011
 
The Jack Morton Auditorium
Washington, DC 20052
 
Conference Report by:
Thomas W. Skladony (Editor)
Peter Winston Fettner
Alexandra Tohmé


 
 
Democracy scholars and activists, business leaders, diplomats, and government officials from Egypt, the Philippines, Syria, Tunisia, and the United States met at George Washington University in Washington, D.C., on April 15, 2011, to examine recent political and social events in the Arab world, and to consider their implications for the development of democracy in the region. The event was organized by the Center for the Study of Islam and Democracy and was the twelfth in a series of annual conferences sponsored by CSID. A video recording of the full-day conference is available here. Photos of the conference are available here. An edited summary of conference presentations follows.
 
 
 
WELCOMING REMARKS
 
Radwan Masmoudi, president of CSID, opened the conference by referring to the recent revolutions in Tunisia and Egypt as “something we have been dreaming of for a long time.” The revolutions had exposed a serious misunderstanding of the true character of Arab regimes by many Western observers, Dr. Masmoudi asserted. What outsiders took to be stability was a rotten foundation built on corruption and repression. Long-time Arab rulers most familiar to Western officials grew increasingly out of touch with their own populations, even as their empty promises of reforms failed to address chronic social and economic problems.
 
For far too long, the West supported the old regimes in the mistaken belief that this would maintain regional stability, Dr. Masmoudi added. Even in recent months Western governments had been slow to respond to new possibilities for democratic breakthroughs in the Arab world. “But now the United States and the West in general realize that change is coming. And we should not be afraid of change.”
 
Dr. Masmoudi then invited participants to focus on the key themes of the conference: explaining what happened in Tunisia and Egypt and assessing the prospects for democracy in those countries; reflecting on the prospects for similar revolutions in other Arab countries; and setting forth recommendations on how the United States and other international actors can best support the spread of democracy in the Islamic world.
 
 
 
PANEL 1: THE JASMINE REVOLUTION AND TRANSITION TO DEMOCRACY IN TUNISIA
 
 
Radwan Ziadeh, founder and director, Damascus Center for Human Rights Studies, Syria, moderated the first panel, which began with brief welcoming remarks by Mohamed Salah Tekaya, ambassador of Tunisia to the United States.
 
 
Jaloul Ayed, minister of finance of Tunisia, opened the first presentation by asserting that, “We have a real opportunity to chart a new course in history…We can create a democratic political system free of corruption that truly respects human rights.” Minister Ayed said it was not surprising that Tunisia’s revolution was the first of the so-called Arab spring because earlier in its history Tunisia had been the first Arab country to abolish slavery and to grant equal rights to women. Tunisia had even adopted a written constitution as far back as 1861.
 
 
“The corrupt old system was bound to fail—and it did fail,” Minister Ayed said. The critical turning point was the death in January 2011 of Mohamed Bouazizi, a young street vendor who immolated himself to protest repeated indignities inflicted on him and fellow vendors by local police. “This young man said what a lot of Tunisians were thinking: ‘enough is enough!’”
 
Minister Ayed paid tribute to the many ordinary Tunisians—especially young citizens—who participated in the “spontaneous, leaderless, and party-less” revolution that toppled the regime of president Ben Ali. The heart of his presentation was an analysis of the primary challenges facing the current transitional government as it prepares for elections in July. Chief among these are maintaining security and managing the expectations of the people. Although the security situation is improving, “the reality is, the government cannot meet the people’s demands immediately,” the minister admitted.
 
The transitional government is focusing on four main priorities: reducing unemployment, restoring economic growth, reducing regional disparities, and assisting Tunisians in need. With a population of 10 million, Tunisia has about 600,000 unemployed, with large numbers of recent graduates unable to find work. The country’s tourism and export sectors alone employ about 1 million workers and support 50 percent of the population—and both of these sectors have been severely impacted by the revolution. The government plans to create 20,000 jobs in the public sector and to recruit an additional 20,000 citizens into the military. It also expects a growing economy to absorb another 20,000 workers in the private sector—“a drop in the bucket,” he called this, but also “a good start.” Program Hope, another new effort, will provide small cash stipends to recent graduates to help them enter the labor market.
 
To restore economic growth the ministry of finance is starting major initiatives on infrastructure projects and financial reform. “We need a serious reform of our entire financial system,” Minister Ayed admitted. “These problems developed over a long time and will require a long-term solution.” Efforts to reduce regional disparities include microfinance projects and business advice to small and medium-sized enterprises. On the social front, the government is providing subsidies to families that have suffered financially since the revolution.
 
 
Finally, the government has also created a confiscation committee to investigate and recover state assets stolen by the former president and his family. The process was “complicated and technical,” he said, and the committee was working hard not to disrupt the workings of viable companies or to destroy banks. Lands and real estate determined to belong to the state will go back to the government, while stolen financial assets—including assets recovered from abroad—will go back to the banks.
 
 
Minister Ayed said that while the transitional government knows it does not have a mandate to engage in major structural changes, it simultaneously wants to prepare the ground for the next government while meeting the most pressing demands of the people. “We believe that the spark that began in Tunisia gave us a tremendous responsibility to make sure that this transition is a successful one. Failure is totally unacceptable,” he concluded.
 
Mondher Ben Ayed, a Tunisian businessman and a board member of CSID-Tunis, opened his remarks with a review of the security situation. The revolution had revealed that the army and the police were far smaller than most Tunisians had believed. “The army is very small—only 35,000 troops that are not well trained or equipped”—and these are barely able to defend the country’s border with Libya, he warned.
 
As for the economy, Mr. Ben Ayed predicted that the number of unemployed could rise to as many as 700,000 before it starts falling. Some 350,000 persons are employed in the tourism industry in what will surely be a bad year for tourism. “Right now, foreign debt is up, foreign investment is down, and the budget deficit is exploding because of food and energy subsidies to the people…We have lost our trade with Libya…and the banking system is weak with lots of bad debts.”
 
Despite these challenges, Mr. Ben Ayed remains optimistic. “Before the revolution, Tunisia had strong economic fundamentals,” a high literacy rate, equal status for women, and a strong middle class. Even with massive corruption, the country experienced four years of 5-percent annual growth. “If we can take out corruption—even if nothing else changes—we should be able to achieve 7 or 8 percent annual growth,” he argued. “We need financial aid for a two-year transition period, after which we will be fine.”
 
Mr. Ben Ayed then provided a brief chronology of the various interim governments that culminated in the current system: a government of technocrats running current affairs, plus a political reform committee independent of the government that is writing a roadmap for Tunisia’s political future. “We have had more political change in the past four months than in the previous fifty years,” he noted. “And all these changes have been made under existing civil law in an ad-hoc environment.” Fortunately, there has been no military interference in this process that has already produced a new election commission and a new election code. Elections scheduled for July 24 will produce a new 200-member parliament that will also draft a new constitution.
 
 
An American colleague who visited Tunisia recently complained to Mr. Ben Ayed that, given all the new parties, laws, and public debates, “nothing is clear any more.” Mr. Ben Ayed replied to his friend, “Under Ben Ali we had clarity. Now everything is cloudy—but we are moving forward.”
 
 
Radwan Masmoudi noted that more than fifty political parties had been created in a two-month period after the revolution. He termed this “a healthy development” that demonstrated that “everybody wants to be involved in building the new Tunisia.” Of course, many of these parties had similar agendas and ideologies (and even similar names), and he expected that smaller parties would merge with larger like-minded rivals after the elections, leading to a natural consolidation of the party system. While religion will continue to be a major force in the country (Tunisia is 98 percent Muslim, but with a long tradition of moderate Islam, he said), “no one wants a theocratic state—everybody wants a democratic civil state that fully respects human rights and Islamic values and culture.” The challenge will be “to find a good balance between Islamic religious values and democratic values. And I think Tunisia is well placed to develop this model of a moderate Islamic state,” Dr. Masmoudi concluded.
 
(Source : Extraits du rapport de la 12éme conférence du CSID tenue à Washington le 15 avril 2011)

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