Tunisie : on prend les mêmes et on recommence
AP: Tunisie: l’ex-président accusé de « meurtres avec préméditation »
AP: Tunisie: arrestations de plus de 11.300 délinquants ayant « terrorisé » la population
: La Révolution tunisienne du 14 janvier 2011 – Ce qui est spontané et ce qui est volontaire
Tunisie : on prend les mêmes et on recommence
Tunisie: l’ex-président accusé de « meurtres avec préméditation »
Tunisie: arrestations de plus de 11.300 délinquants ayant « terrorisé » la population
De The Associated Press – le 12 avril 2011
TUNISIA, Tunisia — Plus de 11.300 « délinquants » ont été arrêtés par les forces tunisiennes de sécurité intérieure au cours de la période allant du 1er février au 11 avril 2011, a annoncé mardi le ministère tunisien de l’Intérieur.
« Ces individus sont impliqués dans des actes de pillage, de vol et de destruction, dans des opérations de trafic de drogue ou pour avoir terrorisé des citoyens », précise un communiqué du ministère diffusé par l’agence TAP.
Après la chute du régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali qui a fui le 14 janvier en Arabie Saoudite, des actes de vandalisme de tous genres ont été perpétrés dans de nombreuses régions de Tunisie.
Des groupes de délinquants s’attaquaient à la population, aux maisons et aux commerces, provoquant un climat d’insécurité dans le pays. Le communiqué ne donne aucune précision sur leurs mobiles ni sur les parties qui les auraient manipulés. Des rumeurs ont circulé sur l’implication d’anciens responsables de l’ex-parti au pouvoir et du clan des Trabelsi, les proches de l’épouse de Ben Ali, Leïla.
Par ailleurs, le ministère fait état de l’arrestation durant le mois de mars de plus de 2.000 anciens détenus évadés de prison lors des récents troubles en Tunisie.
Les autorités avaient recensé quelque 11.000 évadés, dont plus de 2.000 ont réintégré les établissements pénitentiaires. On ignore combien demeurent en fuite après cette nouvelle vague d’arrestations.
Depuis l’avènement du Premier ministre Béji Caïd Essebsi à la tête du gouvernement transitoire, la situation sécuritaire a connu une nette amélioration, en dépit de la persistance de troubles isolés dans certaines régions du pays. AP
Tunisie/élections: scrutin de listes à la proportionnelle, parité hommes/femmes
La Révolution tunisienne du 14 janvier 2011
Ce qui est spontané et ce qui est volontaire
un hommage aux révolutionnaires
Immigration: en Europe, « c’est vraiment chacun pour soi »
Le président du groupe d’information et de soutien aux immigrés dénonce l' »absence totale de solidarité » de la France avec l’Italie qui fait face à un afflux important de migrants. par Benjamin Harroch
En accordant des permis de séjour temporaires à des milliers de Tunisiens arrivés sur son territoire, l’Italie ne respecterait pas « l’esprit » de la convention de l’espace Schengen sans frontières, selon Claude Guéant. A-t-il raison ?
– L’Italie ne viole ni le texte, ni l’esprit de la convention de Schengen. Celle-ci met en place un espace de libre circulation formé par tous les pays signataires et des règles communes pour le franchissement des frontières extérieures de cet espace. Au nom d’un principe de solidarité, chaque pays membre de Schengen doit faire respecter ces règles dans l’intérêt de tous les autres. Ce principe pèse beaucoup plus lourd pour les pays qui ont de nombreuses frontières extérieures à surveiller, comme l’Italie ou la Grèce. On notera au passage que ça ne gêne pas ceux qui n’en ont pas ou presque pas, comme la France ou la Belgique…
Mais Schengen dit aussi qu’un Etat a parfaitement le droit d’accorder le droit au séjour sur son territoire à qui il veut, même si cette personne est entrée sans visa. La France le fait parfois quand elle régularise des sans-papiers. Et, de fait, ce droit au séjour octroyé par un Etat à un étranger va faciliter sa circulation sur tout l’espace Schengen. Si l’Italie a décidé aujourd’hui d’user de cette faculté, c’est en quelque sorte « de bonne guerre », parce que la France, en affirmant haut et fort qu’elle n’accepterait pas de Tunisiens sur son sol, a fait preuve d’une absence totale de solidarité face à une situation exceptionnelle comme celle qui a suivi la révolution tunisienne. Une attitude partagée d’ailleurs par tous les Etats membres de l’Union européenne, dont le silence est criant… c’est vraiment chacun pour soi.
Claude Guéant a par ailleurs indiqué que la France allait renforcer ses contrôles. Craignez-vous une chasse aux migrants ?
– Cette chasse a déjà commencé. Depuis février, la police de Cannes a des consignes pour » interpeller les étrangers en situation illégale de nationalité tunisienne » [en photo, ndlr], ce qui incite clairement aux contrôles au faciès. Avant même la circulaire du ministère de l’intérieur du 6 avril qui donne des instructions en ce sens, les contrôles à la frontière ont été renforcés – ce qui, pour le coup, est tout à fait contraire à « l’esprit de Schengen » qui prévoit la suppression de ces contrôles. Et sur le terrain, il y a déjà beaucoup de témoignages qui attestent de cette traque aux Tunisiens.
Dans ce contexte, que peuvent espérer les migrants qui se sont vus délivrer un permis de séjour temporaire et qui sont aujourd’hui sur le sol français ?
– Au minimum, ceux qui veulent demander protection à la France doivent pouvoir déposer cette demande et celle-ci doit être examinée. Pour les autres, il est à craindre qu’ils ne se trouvent jetés dans la clandestinité à l’expiration du permis de séjour provisoire. Ce qui est très hypocrite, car la France, comme l’Italie et le reste de l’Europe, ont parfaitement la capacité d’absorber ces quelques milliers de Tunisiens, une goutte d’eau à l’échelle des 500 millions d’habitants de l’Union européenne. Vous verrez que dans quelques mois, on n’en parlera plus. Au lieu de crier à la menace d’invasion, l’Europe devrait prendre exemple sur la Tunisie, et ouvrir ses portes.
Source : « Le Nouvel Observateur » Le 1204-2011
Lien : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20110412.OBS1176/immigration-en-europe-c-est-vraiment-chacun-pour-soi.html
Tunisie: les responsables de l’ancien régime inéligibles à l’assemblée constituante
La purge visant les figures de l’ancien régime tunisien balayé par la « Révolution de jasmin » a enregistré un coup d’accélérateur après l’adoption lundi soir d’un décret-loi relatif à l’élection de l’assemblée constituante prévue le 24 juillet prochain.
La principale tâche de ce corps consistera essentiellement à élaborer une nouvelle Constitution devant remplacer l’actuelle loi suprême plusieurs fois amendée « sur mesure » par l’ex-président Zine el-Abidine ben Ali.
Intervenant après l’incarcération de plusieurs hauts responsables et les poursuites judiciaires engagées pour « corruption » contre les proches de Ben Ali et de son épouse Leïla Trabelsi, ce décret a été adopté au terme d’un débat parfois houleux, à la majorité des 155 membres de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique.
Cette commission « indépendante » présidée par le juriste Yadh ben Achour a été mise en place au lendemain de la chute du régime Ben Ali. Elle doit proposer de nouveaux textes législatifs devant régir la vie politique et baliser la voie à ce scrutin que les responsables du gouvernement transitoire et les acteurs de la scène politique ambitionnent d’en faire « le premier réellement libre, honnête et transparent dans l’histoire de la Tunisie ».
En vertu de ce décret-loi qui doit être promulgué par le président par intérim Fouad Mébazzaâ, toutes les personnes ayant occupé, durant les 23 dernières années, soit durant l’ère Ben Ali, des postes de responsabilité au sein du gouvernement ou des structures de l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), sont désormais interdites de candidature à la future constituante. Sont également déclarés inéligibles ceux ayant appuyé le président déchu pour la présidentielle initialement prévue en 2014.
Autre point fort du décret-loi, l’exigence de la parité homme-femme parmi les candidats. Comme certains autres membres de la Haute instance, la juriste Zouhour Kourda y a mis néanmoins des réserves. Elle considère que cette condition risque de pénaliser les partis politiques qui ne disposent pas d’un effectif féminin suffisant et pourraient, le cas échéant, être astreints à « faire du remplissage » en faisant appel à des « candidates de décor ».
Quant au mode électoral convenu, l’instance s’est prononcée pour un scrutin à la proportionnelle, qui rompt avec le mode de listes majoritaires prévalant auparavant et qui favorisait le puissant ex-parti au pouvoir. Le nouveau mode de scrutin bénéficiera donc aux petits partis, dont la plupart des plus de 50 formations que compte le nouveau paysage politique tunisien.
Source: “AP” Le 12-04-2011
Béji Caïd Essebsi : « La révolution, ce n’est pas la démocratie »
Depuis son arrivée au poste de Premier ministre du gouvernement provisoire, les esprits se sont apaisés et le pays s’est progressivement remis au travail. Sa mission : mener à bien la transition en évitant la chasse aux sorcières, tout en veillant à ce que justice soit faite.
Tunis, fin mars. Hormis quelques chars et blindés qui veillent sur certains édifices publics (ministère de l’Intérieur, ex-siège du RCD, Banque centrale) ou privés (supermarchés, médias), il n’est plus guère de signes du chaos postrévolutionnaire qu’a connu le pays. Les citoyens ont repris leurs activités – goûtant leur nouvelle liberté –, les grands chantiers d’infrastructures se poursuivent, les terrasses des cafés sont bondées et les embouteillages ont refait leur apparition. Dernier véritable reliquat de la crispation passée, les forces de sécurité – police et armée confondues – stationnent aux abords du Palais de la Casbah, où se trouvent les services du nouveau Premier ministre, Béji Caïd Essebsi.
Nommé le 27 février en remplacement de Mohamed Ghannouchi, démissionnaire, « BCE », comme on l’appelle, nous a reçu dans l’un des salons du palais, qui abritait jadis la chambre du bey, puis le bureau du ministre des Affaires étrangères, poste qu’il occupa, entre autres fonctions, sous l’ère de feu Habib Bourguiba. Souvenirs…
Celui qui a aussi présidé la Chambre des députés pendant un an, au début du règne de Zine el-Abidine Ben Ali, et qui a la lourde charge, aujourd’hui, de conduire une transition à hauts risques nous a accordé un long entretien, malgré un emploi du temps surchargé, n’éludant aucune question et rompant avec la langue de bois de l’ancien régime. Cet homme de 84 ans a vécu de l’intérieur, et parfois de très près, l’histoire de la Tunisie moderne depuis son indépendance, en 1956. Plus d’un demi-siècle plus tard, il entend bien boucler la boucle et mettre enfin le pays sur les rails de la démocratie.
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Jeune Afrique : Depuis votre nomination au poste de Premier ministre, le 27 février, les esprits se sont apaisés. Pourtant, la transition que vous êtes chargé d’assurer manque toujours de lisibilité. Si l’objectif du 24 juillet prochain, date de l’élection de l’Assemblée constituante, est clair, le chemin pour y parvenir l’est beaucoup moins…
Béji Caïd Essebsi : Il faut bien que tout le monde ait conscience du fait que la situation actuelle est délicate, bien plus, par exemple, que celle qui prévalait au moment de l’indépendance. Nous sortons de deux décennies d’un pouvoir obscurantiste. La frustration et l’humiliation subies par le peuple étaient incommensurables. La Cocotte-Minute a explosé, sans encadrement ni leadership. Aujourd’hui, tout déborde : le ressentiment, les espoirs, les attentes… Dans un cadre, rappelons-le, extrêmement dangereux. Les résidus de l’ancien régime préparaient des exactions pour semer le chaos. Cette transition est donc extrêmement difficile à mener, ce qui explique les flottements de l’équipe précédente, à qui je ne jette absolument pas la pierre. Elle a pu commettre des maladresses, mais elle a assuré l’essentiel : la continuité et la pérennité de l’État. Aujourd’hui, il semble que ma nomination ait ramené la confiance. Mon problème, le défi majeur, est de ne pas la décevoir.
Ce qui, justement, serait de nature à rassurer les Tunisiens, c’est un véritable calendrier de mise en œuvre de la démocratie, des différentes étapes qui y conduisent. Où en est-on ?
J’ai toujours dit que la révolution, ce n’est pas la démocratie. La révolution lui ouvre seulement la porte, comme elle peut d’ailleurs également ouvrir la porte à la pagaille et, peut-être, à l’enterrement de cette démocratie. Le plus difficile est donc de mettre en place les conditions de ce processus progressif. Nous avons répondu aux attentes de la majorité de la population en décidant l’élection d’une Assemblée constituante. Nous avons également mis sur pied une commission nationale [l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, NDLR] afin d’étudier la restructuration politique du pays.
Il y a beaucoup de discussions. Et compte tenu de la composition de cette commission, dont tout le monde veut être, cela ne se passe pas comme on met une lettre à la poste… Cet éclectisme favorise les points de vue divergents et complique les choses. Il y a beaucoup de palabres, c’est vrai. Mais pas au point de nous empêcher d’être prêts à la date fixée.
Qui décidera, en dernier ressort ?
L’instance rendra un avis, mais c’est au gouvernement qu’il incombe de trancher.
Que se passera-t-il une fois la Constituante installée ?
Elle élira un président provisoire, qui nommera son gouvernement, provisoire lui aussi. L’Assemblée s’attachera à élaborer la nouvelle Constitution, ce qui, d’après moi, ne devrait pas prendre plus de six mois. Puis cette dernière sera soumise à référendum. Il sera temps, ensuite, de renouer avec un processus démocratique normal : élections présidentielle et législatives.
La grande inquiétude des Tunisiens, c’est la sécurité. Que reste-t-il des nervis de l’ancien régime ?
Je n’aime pas la chasse aux sorcières, il nous faut donc faire preuve de discernement. La police politique de Ben Ali a été dissoute. La police tout court, elle, fait l’objet d’un grand ménage. Les cas les plus évidents, ceux qui ont commis des exactions, des actes de torture ou autres, sont déjà devant la justice, aujourd’hui réellement indépendante, qui étudie les dossiers au cas par cas. Cela ne va pas aussi vite que nous l’aurions souhaité, mais je préfère cela à l’injustice.
Comment avez-vous vécu ce fameux 14 janvier et la fuite de Ben Ali ?
Croyez-moi ou non, je savais que Ben Ali allait s’enfuir. On m’a beaucoup consulté pendant la révolte. Certains chefs de partis politiques sont venus me voir et m’ont dit : « Comment va-t-on s’en sortir ? » Je leur répondais : « Ne vous inquiétez pas, Ben Ali va vous aider. Il va s’enfuir… » Je ne suis pas Madame Soleil, mais c’était dans l’ordre des choses. Cet homme n’avait aucune éthique. Il n’avait pas plus de courage. Mais son départ a été un énorme soulagement.
Quelles relations entreteniez-vous avec lui ?
Aucune. En vingt ans, nous ne nous sommes parlé qu’une seule fois, lors d’une rencontre fortuite dans un restaurant où j’emmène mes petits-enfants le dimanche. « Bonjour, au revoir, prenez soin de vous… » Pour être franc, je n’ai jamais été inquiété, même lorsque j’ai publié mon livre Habib Bourguiba, le bon grain et l’ivraie, pas très amène à son endroit…
Vous avez tourné le dos à son régime au début des années 1990. Pour quelle raison ?
Après la nécessaire destitution de Habib Bourguiba, le 7 novembre 1987, j’ai très vite compris, passées les deux premières années, que Ben Ali n’était pas sincère. Les promesses qu’il a formulées lors de sa prise de pouvoir n’émanaient pas de lui. Il s’agissait de conseils qu’on lui a prodigués pour « habiller » son coup d’État. J’avais accepté, un peu malgré moi, mais j’assume, la présidence de la Chambre des députés. J’ai souhaité alors instiller une certaine ouverture, en laissant les députés s’exprimer et voter librement. Nous ne risquions pas grand-chose, d’ailleurs, puisqu’ils étaient tous destouriens. On parlait alors du Printemps de Tunis. Il n’aura duré qu’une saison… C’est alors que l’on m’a proposé de quitter l’Assemblée pour la présidence du Conseil constitutionnel. J’ai répondu que je ne cherchais pas du travail, que s’ils voulaient ma place, ils pouvaient la prendre. Et je suis parti.
Comment qualifieriez-vous son règne ?
Déshonorant. Mais je tiens à préciser que ma génération est aussi responsable de ce qui est arrivé. Elle a accompagné Bourguiba et laissé faire ce qui est advenu dans ses dernières années de règne, ce qui a certainement permis l’accession au pouvoir d’un Ben Ali. Cette génération a fait beaucoup de sacrifices, mais elle a aussi failli terminer dans la médiocrité. C’est aussi pour cela que j’ai accepté de reprendre du service.
Avez-vous des informations sur lui, sur son état de santé, objet de toutes les rumeurs ?
Il vit en Arabie saoudite… Pour le reste, il ne m’intéresse pas. Moins on en parle, mieux cela vaut. Et puis c’est un ancien chef de l’État, il faut faire preuve d’un peu de décence : c’est une honte pour nous de l’attaquer aujourd’hui alors que nous l’applaudissions à tout rompre hier. Je sais que c’était surfait ou factice, mais tout de même… Regardons plutôt devant nous.
La Tunisie a demandé son extradition. Pensez-vous vraiment l’obtenir ?
Nous n’avons pas de convention d’extradition avec l’Arabie saoudite et tenons compte des traditions de ce pays. Cela ne nous empêche pas de réclamer qu’il nous soit livré. C’est même notre devoir.
Ne craignez-vous pas qu’un procès de Ben Ali en Tunisie soit de nature à troubler l’ordre public ?
Au contraire, je dirais que ce procès est salutaire. Pour que tout le monde sache et que cela ne se reproduise plus. J’ajouterais en outre que sa fuite, sans qu’il ait pris la moindre disposition pour remédier à la vacance du pouvoir, constitue une désertion pure et simple, un acte de haute trahison. La sentence, en pareil cas, c’est la peine de mort…
Que faut-il faire des anciens dirigeants du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir) ?
Le parti a été dissous. Certains dirigeants doivent rendre des comptes, d’autres font profil bas. Et puis il y a les militants, qui sont les produits du Néo-Destour, pierre angulaire de la Tunisie moderne. C’est un autre problème…
Vous dites être contre la chasse aux sorcières. Elle est pourtant aujourd’hui engagée. Selon vous, l’État tunisien peut-il – et doit-il – se passer de tous ceux qui ont travaillé pour l’ancien régime et son bras politique, le RCD ?
La Tunisie a besoin de tous ses enfants. Au début de l’indépendance, même ceux qui avaient travaillé avec ou pour l’État français ont été récupérés.
Les Tunisiens peuvent-ils comprendre ce discours ?
Pour le moment, non. Aujourd’hui, les gens ont besoin que justice soit faite. En politique, il faut tenir compte de l’opinion, sans pour autant en être prisonnier. Chaque chose en son temps.
Nombreux sont ceux, en Tunisie comme à l’extérieur, qui s’inquiètent de la remise en cause d’un certain nombre d’acquis, comme le statut de l’islam dans l’actuelle Constitution ou l’émancipation des femmes. Que leur répondez-vous ?
Qu’il y a des lignes rouges et que nous serons d’une extrême vigilance. On ne touche pas à l’article 1 de notre Constitution, fruit d’une alchimie toute bourguibienne…
Cet article est pour le moins ambigu : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’islam… » Qu’en est-il de la séparation entre l’État et la religion ?
C’est justement parce qu’il est ambigu qu’il est bon : il ne faut ni plus ni moins. Les autres lignes rouges, ce qui n’est pas négociable, mais que nous pouvons en revanche volontiers améliorer, sont les droits de la femme, la nécessité du dialogue et de la tolérance – donc l’interdiction la plus absolue de la violence –, l’indépendance de la justice – pas seulement par rapport au pouvoir, d’ailleurs, mais aussi vis-à-vis des intérêts économiques, des lobbies ou des idéologies –, et, enfin, la lutte contre la corruption. Sur tout cela, nous serons intransigeants. Le reste peut se discuter.
Le retour en force des islamistes, même si on peine à mesurer leur poids politique réel, inquiète également…
Je peux comprendre cette inquiétude, même si je préconise de voir les choses avec une autre perspective : créons les conditions nécessaires à la libre expression des uns et des autres. Si leurs idées ne conviennent pas à certains Tunisiens, qu’ils les combattent sur le même plan ! Le poids des islamistes, qui doit aujourd’hui beaucoup au régime précédent et à la politique de la matraque qui leur a été appliquée, sera alors tempéré par les autres forces politiques en présence.
Pourquoi avoir autorisé Ennahdha et pas le mouvement El-Tahrir [islamiste également, NDLR] ?
Parce que ce dernier parti ne répond aucunement aux règles constitutionnelles. Il prêche, entre autres, pour le retour au califat et l’instauration de la charia…
Les partis, plus ou moins représentatifs, pullulent. Le nouvel échiquier politique, sorti en quelques semaines du néant, vous semble-t-il de nature à éclairer les électeurs tunisiens, afin qu’ils choisissent en toute connaissance de cause leurs futurs dirigeants ?
Je ne crois pas beaucoup à cette floraison de partis. En Tunisie, comme ailleurs par le passé, cela finira par se réguler. Il est vrai que les Tunisiens n’auront peut-être pas, dans ce contexte, tous les éléments pour se décider. Mais entre deux maux, nous avons choisi le moindre.
L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) agace parfois. On lui reproche son comportement vis-à-vis du gouvernement précédent, la surenchère qu’elle a volontiers pratiquée, ainsi que les revendications sociales excessives qu’elle formule dans un contexte économique pour le moins morose. Son influence suscite-t-elle des jalousies ou bien outrepasse-t-elle son rôle ?
Je connais bien le parcours politique et patriotique de la centrale syndicale. Et je ne suis pas de ceux qui passent leur temps à chercher la petite bête et à remuer le passé. J’ai tenu, en prenant mes fonctions, le discours de la transparence aux dirigeants de l’UGTT. Je leur ai dit, par exemple, que je les consulterai sur les sujets d’importance, mais certainement pas sur la composition du gouvernement. Depuis lors, tout se passe bien.
Plus de trois mois après le début de la révolution, dans quel état se trouve l’économie ?
La situation n’est pas bonne, il faut être franc, mais elle s’améliore. J’ai été frappé par la capacité de la Tunisie à tenir le choc, par l’incroyable énergie que déploient les Tunisiens pour s’en sortir. Ainsi, si notre croissance est proche de zéro, nos exportations, elles, ont augmenté par rapport à l’année dernière…
Que vont devenir les multiples entreprises qui étaient entre les mains des membres du clan Ben Ali-Trabelsi ?
Toutes celles qui appartenaient aux cent douze personnes que nous avons listées sont devenues la propriété de l’État. Il y a évidemment des dommages collatéraux, c’est pourquoi nous avons demandé à ceux qui peuvent être concernés par ces mesures – associés ou détenteurs d’actions dans ces entreprises – de se déclarer. S’ils démontrent leur bonne foi, nous réglerons leur cas.
Comment envisagez-vous aujourd’hui les relations, passablement dégradées au début de la transition, avec la France ?
Ces relations, pour des raisons historiques comme géographiques, sont incontournables. Les incidents de parcours, cela arrive. Nous sommes vraiment ouverts, mais n’exigeons rien, car nous avons la volonté de réussir seuls. Mais si la France souhaite nous accompagner dans la construction de notre démocratie, nous en serons très heureux. Et je crois que les Français savent que, de tous les pays arabes, nous sommes le plus à même de relever ce défi.
Lors de votrepremier déplacement officiel à l’étranger, vous avez rencontré successivement le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, et le roi du Maroc, Mohammed VI. Que vous êtes-vous dit ?
J’ai tenu à effectuer ma première visite dans ces deux pays, car le projet de grand Maghreb souffre, et la Tunisie est certainement la plus motivée pour remédier à une situation qui a trop duré. Hassan II disait que le Maghreb était une voiture sur cales. J’ajouterais qu’elle n’a jamais eu de moteur… À Alger comme à Rabat, j’ai été très bien reçu. Je leur ai expliqué que notre révolution n’était pas exportable et que chaque pays devait trouver sa propre voie vers les réformes. Le roi du Maroc a exposé sa vision des choses dans un discours historique. Il a effectué un pas substantiel, qui s’inscrit, apparemment, dans une démarche évolutive. L’Algérie, c’est différent : c’est un grand pays, sans commune mesure avec la Tunisie et qui a connu de graves problèmes. Mais les Algériens sont suffisamment mûrs pour savoir ce qu’ils ont à faire.
Pensez-vous réellement que Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika puissent surmonter leurs différends, dont celui sur le Sahara occidental, pour enfin permettre au Maghreb d’avancer ?
Vous savez, la naissance de l’Union du Maghreb arabe [UMA], en 1989, à Marrakech, était déjà un grand malentendu : chacun avait sa vision des choses, et ces différents points de vue ne coïncidaient pas. Le problème de cette organisation, c’est qu’elle dépend uniquement de la volonté des chefs d’État. Si ceux-ci ne se rencontrent pas, n’échangent pas, tout demeure bloqué. L’affaire du Sahara occidental doit se régler dans le cadre de la légalité internationale, sans brimer qui que ce soit, mais en tenant compte aussi des intérêts de la région tout entière. Je garde espoir…
Une guerre se déroule aux portes de la Tunisie. Comment analysez-vous la situation en Libye et quelle issue voyez-vous à cette grave crise ?
C’est la conséquence inéluctable de la politique mise en place depuis trop longtemps par le colonel Kaddafi. Je l’ai rencontré une trentaine de fois, je le connais bien : il a une certaine logique et mieux vaut la comprendre avant d’engager le dialogue avec lui. Mais jamais je n’aurais imaginé qu’un dirigeant au pouvoir depuis plus de quarante ans puisse adopter un comportement aussi criminel à l’égard de son peuple. Comme je ne crois pas non plus qu’à son âge Kaddafi puisse changer et conduire son peuple vers la démocratie, même s’il y était contraint…
L’intervention de la communauté internationale en Libye fait débat, en Afrique comme dans le monde arabe. La soutenez-vous ?
Franchement, le monde arabe n’a pas le droit à la parole : il n’a rien fait. Si nous étions des gens responsables, nous aurions dû prendre en charge nous-mêmes cette situation et trouver la solution. Nous ne pouvons tout de même pas accepter qu’un pouvoir liquide son peuple avec des chars et des canons ! La coalition intervient sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité. Et la Tunisie a toujours suivi la légalité internationale. J’ajouterais que nous, nous assumons nos responsabilités. L’afflux massif de réfugiés à notre frontière est un problème de plus pour une Tunisie déjà bien fragile. Pourtant, nous faisons face à nos devoirs.
De quoi la Tunisie a-t-elle le plus besoin aujourd’hui ?
De se remettre au travail et de reprendre confiance.
Et vous ?
[Rires] Moi ? De soutien et d’une bonne santé. Quand je me rase le matin – je ne pense pas à la présidence, je vous rassure –, je me regarde dans la glace et je me dis que j’ai vieilli. Je me dis surtout que je ne dois pas attendre que l’on vienne m’expliquer un jour que je déraille…
Source : « Jeune Afrique » Le 12-04-2011
Tunisie. Ce que disent les célébrations autour de Bourguiba
Sélim Jeddi écrit – Célébrer Bourguiba aujourd’hui, c’est redonner toute sa place à un homme qui a participé à la construction du roman national tunisien et donc à la formation de la nation.
Il serait inutile de se lancer dans l’énumération des bienfaits que le volontarisme et le pragmatisme de Bourguiba ont apportés à la Tunisie qu’il s’agisse de l’indépendance retrouvée ou du statut si particulier de la femme tunisienne dans le monde arabe. Il serait tout aussi vain de comptabiliser les occasions où cet homme a ordonné la répression des divers opposants qui ont eu le courage de se dresser face à lui. De la même manière, l’étude des mécanismes par lesquels il a institué le parti unique et développé le culte de la personnalité serait trop complexe à décrire ici. Il reste qu’opposants et admirateurs d’Habib Bourguiba s’accordent aujourd’hui sur le fait qu’il n’a pas su renoncer assez tôt au pouvoir. De la même manière, il n’a pas cru à la capacité des Tunisiens à décider de leur sort par eux-mêmes. Toutefois, cette mobilisation autour de sa mémoire est très instructive à l’heure ou nous nous interrogeons sur l’état de la société tunisienne au lendemain de la révolution du 14 janvier.
Une nation formée Au cours de la révolution, ce sont d’abord des symboles nationaux qui ont été brandis. La révolution s’est ainsi faite au son de l’hymne national tunisien tandis que les hommes et les femmes qui y ont participé agitaient fièrement des drapeaux tunisiens pour mieux dénoncer un régime disqualifié. Pourtant, Ben Ali a essayé, tout au long des 23 ans qu’il a passé au pouvoir, de confisquer les symboles du patriotisme. Avant lui, Bourguiba avait prétendu en 1973 avoir fait «d’une poussière d’individus, d’un magma de tribus, de sous tribus, tous courbés sous le joug de la résignation et du fatalisme… un peuple de citoyens». En réalité, les Tunisiens sont devenus pleinement citoyens le jour où ils se sont pleinement saisis du destin de leur pays. Ils l’avaient fait une première fois, sous la direction du Néo-Destour, pour réclamer l’indépendance de la Tunisie. Ils ont confirmé leur attachement à la nation tunisienne et à leur qualité de citoyens en abattant le régime de Ben Ali par eux-mêmes. Aujourd’hui, célébrer Bourguiba, c’est redonner toute sa place à un homme qui a participé à la construction du roman national tunisien et donc à la formation de la nation. Mais ne nous y trompons pas, cette révolution est au moins aussi importante que l’épopée de Bourguiba dans la consolidation de la nation tunisienne.
Une mémoire trop courte ? Ces célébrations populaires nous enseignent également que les peuples ont parfois la mémoire trop courte. Bien entendu, des voix se sont élevées pour rappeler les dérives du régime de Bourguiba et pour indiquer qu’il avait lui même installé les cadres politique et institutionnel qui ont permis à la dictature de Ben Ali de s’enraciner et d’éliminer toute contestation pendant tant d’années. Pourtant, une sorte de nostalgie a vu le jour. D’autres, regrettant l’époque de Bourguiba, en minimisant le culte de la personnalité, l’instabilité gouvernementale qui a prévalu au cours des années 1980 du fait de sa sénilité et les risques encourus par la Tunisie en raison des jeux de pouvoirs qui se nouaient entre courtisans. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que bien des Tunisiens ont accueilli avec espoir l’arrivée au pouvoir du général Ben Ali en 1987 dans un contexte de fin de règne et de crise économique.
Une société inquiète en quête d’unité Enfin, cette célébration est également le symptôme d’une certaine inquiétude qui monte au sein de la société tunisienne. Les partisans de l’ordre craignent que la révolution ne s’éternise et ils savent bien que ce désordre n’aurait pas été du goût de Bourguiba qui plaçait la façade de l’unité de la Tunisie au-dessus de toute considération. D’autres, inquiétés par la liberté retrouvée des islamistes, en arrivent à préférer le temps ou l’Etat réprimait un mouvement qu’ils estiment trop dangereux pour les acquis de l’indépendance. Pourtant, bien que la démocratie soit ressentie par certains comme un risque, il semble désormais impossible de diriger la Tunisie de manière paternaliste. Bien entendu, la démocratie présente l’inconvénient d’une certaine instabilité, du moins à ses débuts. Toutefois, et nous devons tous nous en convaincre, la véritable unité du peuple tunisien ne se réalisera que si tous les courants politique ont droit de cité et s’ils s’accordent, lors de l’écriture d’une nouvelle constitution, sur un cadre démocratique faisant consensus. En Tunisie comme ailleurs, il demeure impossible de construire une société durablement pacifiée si l’unité est imposée par le haut et ce, quelles que soient les qualités de la personne en charge des destinées de la nation
Source : « Kapitalis » Le 12-04-2011
Tunisie/scrutin: parité et proportionnelle
La Haute commission chargée de préparer les élections du 24 juillet de l’assemblée constituante tunisienne a opté pour un scrutin de listes à la proportionnelle et qui respecteront la parité hommes-femmes. Selon le décret loi adopté lundi soir par la Haute commission présidée par Yadh Ben Achour, le mode de scrutin prévoit également le système des plus forts restes, qui favorise les petits partis. Le texte exclut par ailleurs la candidature de toute personne qui a assumé une responsabilité dans le gouvernement ou dans le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir pendant 23 ans, sous le président déchu Zine El Abidine Ben Ali.
La parité hommes-femmes dans la présentation des candidatures est l’article phare du texte électoral et il a été très applaudi par les membres de la haute commission y compris les représentants du mouvement islamiste Ennahdha. « C’est une journée historique. Nous avons levé tous les doutes sur la volonté de bâtir la démocratie pour faire naître un nouveau régime en Tunisie. La participation de la femme dans la prise des décisions est une décision historique », a déclaré à l’AFP Mokhtar Yahyaoui, célèbre militant des droits de l’Homme et membre de la Haute commission.
« C’est une étape très importante, tout ce qui a été décidé aujourd’hui va être considéré comme une référence dans l’avenir et le principe de parité est vraiment révolutionnaire, cela montre qu’il y a une révolution dans les esprits des Tunisiens », a de son côté estimé Kaltoum Ganou, une juge membre de la commission. Le 7 avril, la Haute commission avait déjà approuvé la création d’une commission électorale indépendante de 12 membres, qui doit encore être approuvée par le gouvernement.
Source : « Le Figaro » Le 12-04-2011
Constituante tunisienne : oui à la parité, non au RCD
La parité parfaite entre hommes et femmes a été adoptée dans le nouveau code électoral qui doit encadrer l’élection d’une Assemblée constituante, le 24 juillet prochain. Et les responsables du RCD ces dix dernières années ont été exclus de toute activité politique.
La Tunisie peut désormais être citée parmi les démocraties les plus paritaires. La Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, a approuvé l’article 16 du décret-loi relatif à l’élection de l’Assemblée nationale constituante. Celui-ci prévoit que toutes les listes doivent impérativement être paritaires et faire figurer en alternance des candidats masculins et féminins. Révolution dans la révolution, ce principe de parité est fondé sur le rôle prépondérant des femmes dans la société tunisienne, citoyennes à part entière depuis la promulgation du Code du statut personnel (CSP) en 1957.
Si la parité a fait l’objet d’un large consensus, l’article 15 du projet de décret-loi sur les élections, portant sur l’éligibilité, a été longuement débattu et soumis au vote. Ce texte prévoyait à la base de rendre inéligibles les dirigeants du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) ayant assumé des responsabilités durant les dix dernières années. Avec la pression des islamistes, l’issue du vote a été encore plus défavorable aux responsables et proches du RCD depuis 1988, qui ont été purement et simplement exclus de toute activité politique.
Exclusion arbitraire mais salutaire
L’adoption de l’article 15 provoque la colère des anciens dirigeants du RCD qui affirment que seule une décision de justice peut les rendre inéligibles. Beaucoup estiment que la décision de la haute commission est une négation des principes de la démocratie qui pourrait ouvrir la voie aux extrêmes. « Il eut mieux valu laisser les citoyens sanctionner, par leur vote, l’exclusion du RCD », remarque ainsi Me Iadh Ammar.
Mais certains acteurs politiques estiment que le remède reste moins mauvais que le mal. « Dans une situation normale, ce serait à la justice de se prononcer, reconnaît notamment Abdelaziz Belkhoja, du Parti républicain. Mais l’inéligibilité des hauts responsables permet d’arrêter la machine du RCD, même s’il est vrai que la décision est arbitraire. »
Source : « Jeune Afrique »
Tunisie : Tout pour séduire les touristes algériens
Le vent du changement, qui a soufflé le 14 janvier 2011 sur la Tunisie, a créé, par ricochet, une situation de crise dans le secteur vital du tourisme. Un secteur qui représente 7 % du PIB tunisien et fait vivre pratiquement 30 % de la population, estimée à plus de dix millions d’habitants.
ette situation a incité les autorités tunisiennes à multiplier les actions pour rassurer les touristes, qui étaient plus de sept millions à visiter ce pays l’année dernière. Malheureusement, les chiffres enregistrés au début de l’année frôlent le rouge avec une baisse sensible de ses entrées de plus de 40 %. Cette situation a mis en péril tout le secteur du tourisme, d’où l’urgence de mettre sur pied un plan d’action pour, notamment, sauver la saison estivale.
A LA CONQUÊTE DU MARCHÉ ALGÉRIEN
Face à la défection très remarquée des touristes étrangers, les professionnels du tourisme tunisien misent beaucoup sur les Algériens afin de pouvoir donner un nouveau souffle à ce secteur vital. En effet, avec une moyenne de plus de 1 million d’Algériens qui visitent chaque année la Tunisie, l’Algérie est ainsi le troisième client, après la Libye, avec ses deux millions de visiteurs et la France 1,4 million de touristes.
Mais avec le conflit libyen, qui a pris de graves proportions, les Tunisiens souhaitent ne pas perdre le marché algérien, qui a enregistré un recul de 35 % depuis le début de l’année. Ainsi, le ministre du Commerce et du Tourisme M. Mehdi Houas, a lancé une campagne promotionnelle sur le marché algérien qui a ciblé les différents médias algériens. Les professionnels du tourisme tunisien prendront également part aux différentes manifestations liées au tourisme en Algérie. Ainsi, ces derniers seront, dès aujourd’hui, présents à Oran, à l’occasion du Salon Siaha 2011. Ils se déplaceront aussi le 18 mai prochain à Alger, afin de rassurer les touristes algériens, mais aussi de proposer leurs produits et de nouveaux prix plus attractifs. Sur les 60 millions de dinars tunisiens consacrés à la promotion du tourisme, un budget conséquent a été alloué à la promotion en Algérie, avec des spots publicitaires dans les médias audiovisuels algériens. Parmi les autres mesures prises, le ministre du Commerce et du Tourisme, M. Mehdi Houas, a évoqué la possibilité d’organiser des liaisons maritimes entre l’Algérie et la Tunisie afin que les Algériens puissent s’é- pargner le long trajet par route. Le ministre tunisien devrait rencontrer ses homologues algériens du Commerce et du Tourisme en Algérie avant une seconde entrevue, prévue avec les mêmes interlocuteurs, à Tunis. Ils devront, à l’issue de ces entrevues, prendre une série de mesures allant dans ce sens.
LES ASSURANCES DES TUNISIENS QUANT À L’ASPECT SÉCURITAIRE
La défection des touristes depuis le début de l’année s’explique surtout par la peur de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Un avis que ne partage pas le ministre du Commerce et du Tourisme, M. Mehdi Houas. Il a même affirmé que la situation s’est beaucoup améliorée. Il a avoué que de nombreux ambassadeurs, qu’il avait invités à se rendre dans le sud du pays afin d’y passer un weekend, ont fini, pour la plupart, par lever leurs restrictions et ont incité leurs concitoyens à se rendre en Tunisie afin de pouvoir passer leurs vacances. Le président-directeur général de l’hôtel Thalassa de Monastir, M. Slim Zghal, abonde dans le même sens en déclarant, notamment, que le vent du changement a apporté de nouvelles mœurs, mais qu’il ne pouvait, par exemple, empêcher les gens de faire des sit-in. Celui-ci nous a même raconté une anecdote : des manifestants ont bloqué le 4 avril l’autoroute d’Endifha, non loin du point de péage Hergla, pour deux heures, et ce afin d’exiger la fermeture d’une usine de traitement du cuir à Chguarnia. Toutefois, M. Zeghal a tenu à nous faire comprendre que les Tunisiens ont l’esprit citoyen et sont conscients de l’importance que représente le tourisme pour le pays, avant d’ajouter : « C’est ce qui explique que seuls les biens appartenant à la famille du président déchu Zine ElAbidine Benali ont été saccagés. » Il est vrai que les sites touristiques ont été épargnés par les émeutes de janvier dernier. Mais le souci premier pour les autorités, comme pour les professionnels du secteur du tourisme tunisien actuellement, reste comment remplir les hôtels et éviter une année blanche. Et c’est là tout le défi de la Tunisie d’aujourd’hui.
Source: ”El Annabi” Le 12-04-2011
Tunisie : arrestation imminente de Abderrahim Zouari et de Chedli Naffati ?
Selon des sources sûres, la vague d’arrestations visant les anciens grands responsables de l’ancien régime, ne semble pas s’arrêter.
Ainsi, et après l’arrestation de Mohammed Ghariani, ex- secrétaire général du « Rassemblement démocratique constitutionnel », on s’attend, dans les jours à venir, à l’arrestation de Chedli Naffati, ex haut responsable du même RCD, ainsi que celle de Abderrahim Zouari, ex- ministre du Transport et ex- haut responsable du RCD. En attendant la confirmation de ces nouvelles, il faut dire que M. Zouari est accusé d’être derrière plusieurs affaires de corruption et de malversation, comme il serait responsable de l’état désastreux dans lequel se trouve, de nos jours, le secteur des transports en Tunisie. On ne connait pas encore les chefs d’inculpations qui seront retenus contre ce responsable, mais on estime qu’ils seront les mêmes que ceux adressés aux autres faucons de l’ancien régime.
Source : « Investir en Tunisie » Le 12-04-2011
Tunisie. Un équilibriste nommé Néjib Chebbi
«Nous sommes tous des musulmans. La religion doit rester hors du champ politique», a souligné Me Ahmed Néjib Chebbi, le fondateur du Parti démocrate progressiste (Pdp).
Me Chebbi, qui intervenait au conseil national du Pdp, samedi, à Tunis, a réaffirmé l’adhésion de son parti au projet moderniste national initié par les réformateurs tunisiens depuis Kheireddine Ettounsi jusqu’à Habib Bourguiba, mettant en garde contre les dangers d’une instrumentalisation des mosquées au service de desseins politiques visant «à exacerber les sentiments religieux» et «à prôner une nouvelle forme de clientélisme politique dans les milieux sociaux».
Un front pour défendre les valeurs nationales Le leader du Pdp a salué, par ailleurs, les efforts déployés par le gouvernement de Béji Caïd Essebsi dans la gestion des affaires courantes de l’Etat et en vue de rétablir la stabilité en cette période transitoire. «La sacralisation des programmes politiques est opposée aux fondements démocratiques», a expliqué Me Chebbi, qui a souligné que l’étape actuelle commande de défendre la Tunisie «loin de tout agenda politique», d’œuvrer pour la restauration de la confiance des investisseurs étrangers et la mise en place d’une infrastructure moderne dans les régions permettant la résorption du grand nombre de chômeurs. Evoquant ensuite les prochains rendez-vous politiques, le fondateur du Pdp a invité les partis politiques, nouvellement créés, à rejoindre les listes de son parti lors de l’élection de l’assemblée constituante, le 24 juillet, et «de former un front pour défendre les valeurs nationales partagées et les fondements d’une démocratie».
Non à un front face aux mouvements islamistes Cet appel du fondateur du Pdp, a expliqué Maya Jribi, secrétaire générale du parti, reflète une volonté de resserrer les rangs. «Il ne s’agit nullement d’un appel à la constitution d’un front face aux mouvements islamistes», a-t-elle précisé à l’agence Tap. La secrétaire générale du Pdp a aussi salué l’adoption par l’Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution d’un décret-loi portant création d’une Haute instance indépendante pour les élections de la constituante. Il s’agit, dit-elle, d’une première dans l’histoire moderne de la Tunisie puisque la supervision des élections ne sera pas du seul ressort du ministère de l’Intérieur.
Un coup à droite et un autre à gauche Le Pdp, qui cherche à recentrer son discours et à se positionner au centre de l’échiquier politique, préfère couper la poire en deux, quitte à devoir faire un coup à droite et un autre à gauche. Il critique les mouvements islamistes qui cherchent à instrumentaliser la religion à des fins politiques, mais refuse de s’associer à un vaste front progressiste et moderniste pour faire face aux islamistes, une idée défendue par le parti Ettajdid (centre-gauche). Tout en marquant sa différence, le parti de Me Chebbi semble donc soucieux de ne pas s’aliéner les électeurs islamistes. C’est une posture pragmatique (opportuniste, diraient certains), qui cherche à brasser large, en ciblant un spectre politique qui va de la gauche progressiste à la droite islamiste, en passant par les libéraux, y compris ceux issus de l’ex-parti au pouvoir. C’est un exercice d’équilibrisme qui, en cette période de grand flou politique, pourrait paraître assez hasardeux voire risqué. Mais il semble dicté par l’état actuel d’éclatement de la scène politique tunisienne et de la volatilité de l’électorat, dont personne – ni aucun des instituts de sondages qui ont fait surface ces dernières semaines – ne saurait déterminer les convictions, les orientations et les attentes.
Source : « Kapitalis » Le 12-04-2011
Tunisie : Une croissance de 1,3% en 2011 et de 5,6% en 2012, selon le FMI
L’économie tunisienne devrait réaliser un taux de croissance de1, 3% en 2011, selon les projections du Fonds monétaire international(FMI), soit un peu plus que la fourchette établie par les autorités tunisiennes qui évoquent un taux variant entre 0 et 1%.
Cependant, les choses devraient évoluer très favorablement en 2012, selon le FMI qui prévoit un taux de croissance de 5,6%, soit retour du balancier aux alentours des scores réalisés par la Tunisie au cours des dernières années et qui gravitaient autour de 5%.
Pour ce qui est de l’inflation, son taux, selon les mêmes prévisions du Fonds, devrait se stabiliser à 4,0% contre 4,4% en 2010, avec une éclaircie en 2012 de 3,3%.
Concernant le solde extérieur courant, il devrait s’élever à -7,8% contre -4,8% en 2010, pour revenir à -5,8% en 2012.
Enfin, et s’agissant du chômage, son taux devrait remonter à 14,7%, cette année, alors qu’il se situait à 13,0% en 2010. Pour 2012, le FMI prévoit un taux de 14,4%.
Le phénomène de la montée du chômage n’est pas propre à la Tunisie, mais concerne l’ensemble de la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient où le FMI relève « un chômage chroniquement élevé, surtout chez les jeunes et les diplômés, ce qui est un problème de longue date, auquel il est urgent de trouver une solution ».
« Le fait que le chômage est resté si élevé si longtemps donne à penser que le problème est pour une large part structurel et dû au fait que les qualifications ne correspondent pas aux besoins, aux rigidités du marché du travail et au niveau élevé des salaires d’intégration. Pour résoudre durablement le problème de chômage de la région, il faudra à la fois la persistance d’une croissance économique plus forte et inclusive et des réformes pour améliorer la réactivité des marchés du travail », recommande le FMI.
Source: ”African Manager” Le 12-04-2011
Tunisie. L’islam, l’islamisme et les semeurs de zizanie
Dr Lilia Bouguira écrit – Texte inspiré par l’intox du vitriolage d’une jeune fille au quartier de La Soukra par de soi-disant islamistes, diffusé pour semer le trouble et la terreur.
J’ai encore erré douloureusement dans ma tête. Mes idées me font mal, mes peaux et mon corps aussi. Tout est remis sur le tapis: la révolution, le monde, l’actualité de mon pays, le cours des choses et même Bouazizi que j’arrive à détester. Un flou amalgame les vérités, les rumeurs tonifient les truands, les méchants. Ils font subitement irruption de nulle part et prêchent la haine, la violence et la folie. Le dément n’est plus celui qu’on interne mais ces hommes qui courent les rues libres et bons-disant. Il est celui qui braie dans un vrombissement lâche à la zizanie, à la pagaille et à la terreur. Des corpuscules sortis du noir ré-embrigadent nos journées. Telle une femme gravide, mon pays accouche admirablement dans un terrain miné. Héroïquement se relève, ramasse ses enfants et se retourne vers le combat. Suite des couches hémorragiques pour une grossesse à haut risque ou encore parricide et Oedipe? Pire encore: l’enfant n’est pas Persée? Il se livre à des jeux macabres, des snipers d’il n’y a pas longtemps aux rapts d’enfants aux appels à la grève aux revendications intempestives aux défigurations violentes des manifestations pacifiques aux viols des légitimités aux rachats de virginités aux enfourchements lâches de la sainte révolution et maintenant à la guerre des gangs. Une suite plus qu’hémorragique qu’aucun facteur n’arrive à juguler. Juste un tombeau, un immense caniveau qu’on ouvre à ciel ouvert devant mon pays où ses enfants sont changés en bêtes. De l’intox ou de l’info, je ne sais plus. Je suis une mère dont la faute est de trop aimer ses mômes et ce vice fait de moi leurs belles proies. Ils parlent de religion, de retour aux sources, de guerre à l’impie, la dévergondée et la décourtée. Ils me bourrent de rappels à l’ordre, me farcissent de prêches qui d’habitude m’attirent, me dissolvent dans des transes idylliques. La piété, la chasteté, l’amendement, les conseils, les invitations, l’appel à la religion ne font point d’écho hirsute en ma personne mais savent toujours m’amadouer mais ce que je ne puis tolérer ces insurrections contre notre religion. Ces foutues dogmes de violence, ces ordres nouveaux de religiosité me font peur. Un mal être, une sensation d’avoir raté un épisode, une fausse manipulation ou une donne malencontreuse m’habite. Je bégaie sur les pré-requis, révise mes positions, me cogne, trébuche, saigne mais ne tomberais jamais dans la poigne de cette folie meurtrière. Jamais je ne marcherai. Jamais je n’abdiquerai. Je ne crierai pas non plus «ni pute ni soumise» car ma virginité reste de mes affaires, mon repenti une affaire de Dieu strictement de Dieu. Mais je répéterai en boucles à la Copernic ou à la simple et pieuse vieille femme du prophète Al Khidr: «Mimouna Taaref Rabbi Ou Rabbi Yaaref Mimouna!» (Mimouna connait Dieu et Dieu connaît Mimouna!)
PS: Je reviens en post-scriptum non pas pour me rétracter mais pour préciser que l’islamisme, terme assez controversé, est pour moi cette fièvre qui gangrène, foudroie et n’apprend rien hormis la haine de l’autre, de l’étranger, du différent, de l’inconnu et donc enfonce dans les souterrains de l’ignorance, de la dénaturation , de l’exclusion, de la rigidité et de la cruauté. Il se fait de la vérité un détenteur absolu, de la foi un souverain, un intermédiaire, un justicier, se substitue à Dieu et précipite «l’autre» dans le blasphème et l’impiété. Il y a des amours pire que dans la consanguinité. Ils s’inscrivent dans les registres de la paranoïa, du délire, du passionnel maladif et du mensonge. Ils se nourrissent d’infects, copulent dans l’inceste et avortent de fanatisme dans un obscurantisme affligeant. L’islam est sciences et tolérance. Il est musique et poésie. Il est création et art qui relève du génie. L’islam naît dans la lumière, se nourrit de logique, de bien-être et de liberté. L’islam, le mien et il n’y aura jamais d’autres élève, raccommode, rapproche les berges et nous soude les uns aux autres pour le bien et pour le mal, dans la discorde et dans l’accord, dans la différence. Oui tellement différents nous sommes car c’est dans notre différence que réside notre richesse! Oui tellement ambigus, complexes, droits et maladroits, loyaux et déloyaux, imbus et tellement fauteurs car c’est justement pour le péché que le pardon existe!
Source : « Kapitalis » Le 12-04-2011
Lien : http://kapitalis.com/afkar/68-tribune/3490-tunisie-lislam-lislamisme-et-les-semeurs-de-zizanie.html
Amira, le charme combatif d’une jeune Tunisienne engagée
L’APRES-REVOLUTION EN TUNISIE. Cette militante politique, actrice et chanteuse, souhaite que son pays passe de l’ivresse révolutionnaire à la maturité de l’action, porte un regard corrosif sur les relations avec l’Europe et se méfie des beaux discours sur les droits de l’homme.
Une tête bien pleine et bien faite. L’actrice et danseuse Amira Chebli, une vingtaine d’années et un diplôme de beaux-arts en poche, a pris les destinées de sa jeune carrière. Elle mène un projet de fusion entre danse contemporaine et danse orientale, joue dans deux longs-métrages et deux courts-métrages. Durant ses études, elle siégeait au conseil scientifique de l’Union générale des étudiants tunisiens (UGET). Une assemblée considérée depuis Bourguiba comme opposition officielle.
« Le statut d’étudiant nous permettait de faire ce qui nous était interdit, comme l’écriture d’articles par exemple, raconte-t-elle. Par ce biais, on s’était créé tout un système d’opposition underground. Avec notre groupe et d’autres jeunes actifs sur Internet nous avons pris le rôle du journaliste. Aujourd’hui, ces internautes sont une source d’information plus crédible aux yeux des citoyens que les journalistes eux-mêmes. »
Plus engagée que jamais, elle a du mal à réaliser la victoire du peuple sur la dictature incarnée par Ben Ali mais reste lucide : le nouvel édifice est fragile. « Tout reste à faire, maintenant il faut qu’on arrête toutes ces manifs et qu’on reprenne notre pays en main. Quand tu es étouffé, le premier cri est efficace, tous les autres cris te font perdre la voix », dit Amira à propos des fréquents rassemblements dans les rues depuis la chute du régime. « Je pense qu’il faut trouver d’autres moyens de pression innovants et efficaces. Mais bon on ne peut pas reprocher aux manifestants cette réaction, quand on a été opprimé et réprimé tant de temps, on ne peut pas arriver à une forme politique satisfaisante du jour au lendemain. »
Source : « BONDY BLOG » Le 12-04-2011
Tunisie-Finance, Jalloul Ayed: «la Tunisie est l’un des rares pays où le système bancaire traine derrière l’économie »
«Singapour a une superficie qui ne dépasse pas les 584,8 km², la Tunisie s’étale pour sa part sur 164.000 km2, le produit national brut de Singapour est 222 milliards de $, notre PNB à nous est de 45 milliards de $. Il faut rêver notre nouvelle Tunisie, mais il faut également relever les challenges qui sont de taille», a affirmé Jalloul Ayed, ministre des Finances au gouvernement de transition, lors du Forum organisé vendredi 8 avril sur le programme économique du gouvernement.
Notre système bancaire doit se mettre à niveau en engageant des réformes structurelles. A commencer par les banques publiques qui représentent 40% des banques tunisiennes et où tout doit changer, partant du système de gouvernance, de l’information en passant par celui de la gestion et surtout celle des risques. «Il faut que les banques deviennent de véritables moteurs pour l’économie. La Tunisie est l’un des rares pays au monde où le système bancaire traîne derrière l’économie».
Pour y remédier, préconise le ministre des Finances, il faudrait développer le marché des capitaux dans lequel notre expérience est très modeste. Les opérateurs économiques pourraient ainsi lever des capitaux sur le marché à travers des émissions obligataires, à titre d’exemple. «Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas pu mettre en place un cadre adéquat pour développer le marché des capitaux, et cela sera le rôle du ministère des Finances».
Pour booster l’économie, le gouvernement mettra en place deux véhicules d’investissement de grande envergure. La caisse des dépôts et de consignation et un fonds souverain, générationnel.
Le premier véhicule sera consacré au financement des infrastructures et aux méga projets qui ne peuvent être financés par le secteur privé tel le réseau des chemins des fers ou les infrastructures routières.
Le deuxième est un fonds souverain, soit un instrument extrêmement puissant qui aura la capacité de créer des milliers d’emplois s’il est bien géré, assure Jalloul Ayed. Ce fonds, dont le capital est évalué à 2,5 MDT avec la possibilité de doubler, d’après le ministre, si on sollicite des investissements d’autres fonds souverains ou d’institutions financières internationales, «créerait des sous-fonds. Ce qui permettrait de financer des projets d’infrastructures qui pourraient être assurés par le secteur privé, un centre de private equity pour multiplier les opportunités d’investissements, un fonds financier qui gérera le cash et des fonds spécialisés. La professionnalisation des métiers d’investissement est seule garante des succès des investissements. A titre d’exemple, en Europe, 70% des transactions immobilières se font par des fonds immobiliers». Grâce à la création de pareil fonds au Maroc, les plus grands promoteurs immobiliers ont investi au Royaume où ce secteur est en train d’être professionnel.
Pareil pour le secteur touristique qui a besoin d’un fonds retournement qui exige des compétences pointues financières et juridiques et surtout une excellente connaissance du tissu touristique.
Malheureusement le secteur bancaire et financier tunisien manque de compétences en la matière et gagnerait à rattraper du terrain. La Tunisie pourrait devenir un véritable centre de compétence en matière de «private equity» et en fonds d’investissements. «La Tunisie a tout ce qu’il faut pour réussir, une position géostratégique exceptionnelle, des hommes et des femmes de grande compétences. En Tunisie, il y a une entreprise qui emploie 70 analystes financiers qui font des analyses qui sont vendues à des investisseurs européens. Les opportunités sont immenses pour un pays comme le nôtre. Nous pouvons devenir un véritable centre rayonnant dans la gestion d’actifs et fonds d’investissements islamiques au Maghreb, Moyen-Orient et même en Afrique.La finance islamique génère 2,3 trilliards de $ par an de par le monde. Christine Lagarde s’est trompée lorsqu’elle a voulu développer la banque islamique en France, pensant qu’elle pourrait ramener les flux islamiques en France. Faux, ce ne sont pas les banques islamiques qui drainent les capitaux, ce sont les Fonds islamiques et la Tunisie qui peut réussir dans ce domaine», a indiqué Jalloul Ayed.
La Tunisie a encore du chemin à parcourir pour atteindre les normes internationales dans les secteurs bancaire et financier, avant, il y avait les compétences mais sans véritable volonté de la part des pouvoirs publics. Aujourd’hui la volonté existe, c’est un bond en avant.
Source: “wmc” Le 12-04-2011
Ben Brik président (12)
Témoignage prémonitoire sur la révolution
Nous publions depuis mercredi 30 mars, et quotidiennement, le livre de Taoufik Ben Brik
intitulé «Ben Brik président». C’est un ouvrage écrit en 2002 sous la dictature de Ben Ali
et qui constitue un témoignage prémonitoire sur la révolution tunisienne.
Aujourd’hui, on trouve des bistrots et des bars-restaurants pour tous les goûts: cuisine turque, libanaise, grecque, sicilienne… Il y a même des endroits où on mange des chiens dans des gargoulettes. Avant, on pouvait attendre longtemps l’occasion d’aller enfin, une fois dans sa vie, à Beyrouth et entendre Fayrouz. Aujourd’hui, Fayrouz et Beyrouth viennent à nous. On découvre des filles couleurs de blé, trépidantes de danse du ventre, qui descendent comme de simples mortelles à l’hôtel Majestic, à côté du bâtiment des Assurances Hayet. Sous mes yeux, Tunis City devient une ville qui ne dort jamais, un Mazar Charif.
L’humoriste Lamine Nahdi adore se montrer en public. Il a même gagné une réputation d’indésirable de première classe dans les soirées mondaines. C’est le tabloïd El Hadath, très influent dans certains milieux, qui l’affirme. Or le voici par une chaude soirée déjà bien avancée, installé au bar L’Univers, avenue Bourguiba, d’où il regarde la statue d’Ibn Khaldoun. Il ne passe pas inaperçu : de jeunes bachelières en goguette viennent vers lui, les plus hardies l’enlacent et prennent une photo en souvenir. Nahdi, c’est lui qui a le mieux défini comment un véritable acteur doit profiter de la vie: «Tant qu’il me reste un sourdi, je le bois!». Je soupçonne la moitié de Tunis City de suivre ce principe. Les dinars volent à droite et à gauche, dans les nights, les grandes surfaces, en guise de magasins de luxe, les hippodromes et les bars de tiercé. Facile d’expliquer le boum de chikhat: l’argent brûle les doigts et Tunis semble désormais avoir à coeur de satisfaire le noceur qui sommeille en chacun. Les Chacals boivent de plus en plus de Celtia, la bière locale. Ils parcourent le pays de long en large, de Bizerte à l’extrême Nord, à Borj El Khadhra à l’extrême Sud. Ils aiment le pays, disent-ils. Ils font la fortune des vendeurs de frigolos, de glibettes et de bambalounis.L’épargne, ils s’en foutent. Ils n’ont toujours pas appris à faire des économies et ont toujours tendance à dépenser fissa ce qu’ils ont gagné bichouaïa.
D’ailleurs, il n’est pas forcément nécessaire de chercher des raisons profondes: le fait est que le Tunisien aime vivre sur un grand pied, faire la fête, perdre le sens des réalités, se ruiner aux cartes, parier, jouer au noufi.
Si l’âme du Tunisien est encore vive, c’est bien dans l’idée qu’il faut se la couler douce — Dizha litrich. (Al yawm khamroun wa ghadan amroun).
On n’accumule que pour tout dilapider un beau jour en épousant une seconde femme, de préférence une jeune minette grasse comme du beurre pour la pénétrer sans grande peine.
Au fait comment ça s’écrit «JAW», dolce vita? Avec un «W» ou un «OU» après le «JA». Ja, ja, ja , jajouna…, dib el far maymouna. Y a le mot guigna dans le patois tunisien qui ne pose pas problème. On le prend. C’est kif-kif. Sans ça, on sera pris d’une irrésistible envie de se pincer ou de penser que, comme dans une nouvelle fantasmagorique d’Ali Douagi, ce irs dhib, mariage du loup, tout en rose trémière n’est qu’un rêve… ou une ruse du diable qui reprendra très vite ses droits. Il fallait, toute «Ya dabouza ya kbitha» de Salah Khmissi, pour me faire dire des mièvreries d’un tel calibre.
A Tunis City par les temps qui courent, la maxime est toujours: «Quelle bonne soirée nous avons passée, comme nous avons pleuré!». Eh bien, mauvaise décennie en perspective. Tunis, en ce moment même, sèche ses larmes.
Les gens se cabrent, jouent avec les mots au kilo pour en faire un trou dans l’ennui et font tomber des packs de «hum!». Ils moquent vertement le président , Raïs, seigneur de Carthage, le palais enclos dans l’Ifriqya, le pays qui a donné à l’Afrique son nom : Africa.
Les rapports des Services spéciaux, les célèbres «SS» du parti et des comités de vigilance, ont fâché Si Raïs. Il s’est senti affligé, pareil à un bon père de famille. Comme une bête encagée, il bave: «Ils me cherchent? Ils veulent que je traîne mon postérieur sur des barbelés?… Que je monnaye le lait de mes mômes. Ne les ai-je pas installés dans la vie à crédit à 100%. Ils roulent dans des quat’chevaux à 10%, logement à 20%, s’enfoncent dans leur sofa à 30% et ouvrent leur frigo à 40%… Ils ne méritent pas tant d’intérêt . Pfff… les fils de celles qui ne portent pas de nom».
Ils ont demandé à boire, nous les avons pénétrés chacun d’un tuyau.
Ils ont réclamé lumière, nous les avons pénétrés chacun d’un poteau.
Durant son mandat — l’âge des chiens — les foyers n’ont pas manqué de bûches, de miches, de cruches et de niches. Le pain n’est pas toujours la dynamite tant redoutée et le mezoued assourdit nos quatre saisons. Le parfait simple. Sans Plomb. Grâce à qui? A la débrouillardise, au système démerde, à la combinardise du Raïs l’alchimiste. Merlin l’enchanteur qui a réussi…. Pourquoi la rue, ce moulin à noktas, blagues, tourne Raïs en bourrique? Un malin plaisir peut-être… El Hiba, son autorité, ses armoiries, est cramoisie.
Il n’y a plus de respect pour l’aîné de la famille.
A sa place, je me fâcherais. Je serais bleu. Je ne me tairais plus. Je décrète le couvre-feu… Je quitte Carthage… Je…
Quoi?
J’oublierai ces malappris au septième fond d’une géhenne phosphorescente. Je les sodomise, devant leurs soeurs et leurs tantes s’il le faut, pour qu’ils apprennent la pudeur. Hchouma.
A bout de souffle. Il débloque grave. Il y a de quoi. Ils l’ont malmené, travaillé au corps. Imaginez un pays de marmailles gloutonnes qui grillent les stops et parodient le Président sans jamais tuer le temps. N’importe quoi!
En tailleur, ces hommes-troncs, ces Sindbad qui ont un penchant inné pour l’affabulation, racontent que l’embellissement de l’avenue Bourguiba, le macadam de Tunis City, est une arnaque qui a permis au Raïs de faire main basse sur les allées pavées et les places adjacentes que les ficus bordaient naguère et les échoppes des vendeurs de jasmin. Depuis le crépuscule, Raïs se promène avec les siens, sans cortège, en se délectant, à l’abri des piétons gênants, du tournoiement en spirale des oiseaux. On insinue aussi que Raïs s’apprête à détourner l’oued Medjerda qui serpente dans la vallée de Béja, notre Guadalquivir, le mont Chambi, toit du pays, le lac Ichkeul, sanctuaire mythique des oiseaux voyageurs, Djerba, le jardin flottant des mangeurs de fleurs, Ksar Ghilane, le château de l’Etoile du nord, le théâtre Albaldi et le stade d’El Menzah vers le palais. Il collectionne le pays.
Une autre haddoutha, historiette, court la rue: Raïs a affrété un drakkar noir où il peut recevoir le poète Ouled Ahmed, l’humoriste Lamine Nahdi, l’actrice Raja Ben Ammar, le chanteur Lotfi Bouchnaq, la danseuse Aziza sans Zina, l’artiste-peintre Habib Chebil, le romancier Béchir Khéraïef (Raïs ignore que Béchir a rejoint Allah le Miséricordieux), le coureur de fond Gammoudi et le boxeur Omrane. Rien que des Himalayas. La poudre mouillée, les demi-portions, les paillards, les roublards, les langues de p…, il les acheminera dans des conteneurs, vers une réserve Navajo ou Edhdifa El Gharbia, la rive gauche. Gaza, plutôt!
Que le pays est merveilleux sans peuple ! Après tout, le pays est son pays et que celui qui n’est pas d’accord aille se morfondre ailleurs. ?a vous va! A la mourad Allah!
Source: ”Le Quotidien” Le 12-04-2011
Majorité libérale silencieuse
Attend-elle son «Mehdi démocratique» ?
Par Khaled GUEZMIR
Décidément cette majorité, silencieuse et libérale est bien capricieuse puisqu’elle est de plus en plus sollicitée par les pouvoirs publics « provisoires » pour donner de la voix et venir au secours et de la politique et surtout de l’économie pratiquement asphyxiée. Après M. Mohamed Ghannouchi qui l’a fait bien tardivement, c’est au tour de M. Béji Caïd Essebsi plus bagarreur d’alerter cette « communauté » bien large en nombre, mais installée dans un attentisme réfractaire et immobile.
C’est comme si elle voulait nous rappeler l’adage de la prudente sagesse populaire « Wal jouloussou ala arrabwati aslamou » (restez en haut de la colline pour voir venir avant d’agir).
Mais alors pourquoi cet immobilisme au moment où le pays a si besoin d’engagement participatif raisonnable et citoyen.
Les seules formations à occuper les médias et la scène de fermentation politique sont celles qui ont été aguerries par quelques décennies de répression aveugle du dictateur.La prison et l’exil leur ont donné en plus de la légitimité une structuration efficace et une volonté d’être et de puissance.
Il faut peut-être revenir à deux grands penseurs doctrinaires sur les élites et le pouvoir : l’Italien Wilfrido Pareto (cf. traité de sociologie) et l’Américain Wright Mills (cf. Elits and power) pour comprendre ce phénomène qui n’est pas spécifique à la Tunisie mais bien universel.
La combinaison de ces deux auteurs importants nous donne certaines « recettes » utiles au commandement politique qui doit répondre aux attentes des « majorités » populaires et citoyennes, qui veulent vivre en paix et en sécurité et développer librement leurs activités économiques et de production loin des contraintes des systèmes prétoriens autoritaires d’une part, et de l’anarchie de la rue d’autre part.
Depuis la nuit des temps cette « humanité » qui constitue la multitude des faibles et des plus vulnérables parmi les hommes, a été terrorisée par deux formes de surpouvoir autoritaire et même dictatorial : Les Seigneurs armés qui gouvernent, d’une part et la « Rue » qui se soulève, et qui en voulant briser le joug de la Tyrannie finit par s’approprier, l’espace commun public par l’arrogance et la violence.
Toutes les théories s’accordent pour dire que la construction démocratique après les destructurations opérées par les changements révolutionnaires, ne peut se faire qu’avec le retour à la paix sociale. Par ailleurs, l’édification du système démocratique basé sur la participation la plus large et la mise en place des institutions plurielles et des pouvoirs séparés, a besoin de mobilisation certes par les organisations de masse (les Partis), mais aussi et surtout d’encadrement et de discipline individuelle et collective.
Seul le passage de l’anarchie post-révolutionnaire à l’Etat de droit, à la sûreté, et à un minimum de stabilité sociale permet l’accomplissement de l’œuvre démocratique.
Par ailleurs les changements politiques imposés par la violence et l’agressivité de la rue ne peuvent que mener à de nouveaux totalitarismes. C’est l’Histoire qui le prouve !
Pour revenir à notre pays la destruction du régime dictatorial de Ben Ali était une « exigence » populaire pressante et unanime à l’exception des quelques familles mafieuses qui ont profité du système pour s’approprier l’Etat et l’économie.
La révolution tunisienne s’en est chargée dans la ferveur et l’enthousiasme portés par le sacrifice des jeunes et les espoirs de tout un peuple à l’unisson.
Mais une fois le carcan de l’ancien régime brisé, les défis et les ambitions se sont « cristallisés » pour ne pas dire différenciés. Et à chacun ses matériaux. Les uns sont revenus au vieux cheval de la « lutte des classes » pour nous promettre la « cité des fins » de Platon et Marx. Les autres nous proposent le « paradis » à travers l’Etat et la société « islamiques ». Entre temps aussi bien Statine que Fidel Castro ont fait de la cité platonicienne une « dictature du Prolétariat » qui s’est avérée être une vulgaire dictature tout court.
Quant à l’islamisme radical, les peuples arabo-musulmans n’en ont retenu à présent que l’exemple très décevant iranien, qu’il est bien difficile d’assimiler à une démocratie pluraliste. Entre-temps ils attendent toujours le « Mahdi démocratique »
Alors que faire surtout que la « majorité silencieuse » n’a pas de repères en ce moment. Elle cherche désespérément des leaders charismatiques hors des « roumouz » de l’ancien régime, mais qui ont suffisamment de force de caractère et de personnalité pour aspirer au commandement politique et imposer la paix sociale et la reprise économique.
Mais au fait c’est quoi une élite de commandement ? Encore Pareto et Wright Mills pour dire qu’il s’agit d’une élite ascendante formée de personnes capables de prendre les décisions parfois les plus amères et les plus impopulaires parce qu’elles sont les seules à pouvoir construire le présent et l’avenir d’une nation. Pour jouer encore avec les mots il nous faut des leaders capables de décisions parfois nécessairement impopulaires mais qui arrivent par cette même force de caractère à gagner l’estime du peuple et à devenir très populaires sur la durée ! Au fond la majorité silencieuse a besoin d’hommes d’engagement pour s’engager à son tour ! Et seuls les audacieux en ont la jouissance !
Tiens, M. Ahmed Néjib Chebbi devrait chasser sur ces terres bien vierges en ce moment !
Source : « Le Temps » Le 12-04-2011
Lien : http://www.letemps.com.tn/article-54958.html