11 janvier 2009

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TUNISNEWS

8 ème année, N° 3155 du 11.01.2009

 archives : www.tunisnews.net  


L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme: Justice doit être faite lors du procès en appel « des 38 de Gafsa » ! Collectif nantais de soutien aux Tunisiens de Rédeyef : Procès de Gafsa : les 33 condamnés en appel le 12 janvier
Maître Houcine Bardi : Procès du 11 décembre 2008 devant le tribunal pénal de Gafsa – Rapport d’observations judiciaires
 Appel des artistes tunisiens: « GHAZA DANS NOS YEUX » Institut Arabe des Droits de l’Homme: APPEL PRESSANT A L’UNION EUROPEENNE El Maoukef: Rencontre avec l’épouse du militant emprisonné Adnane Hajji Afrik.com : L’Afrique et ses tripatouilleurs de Constitution


Liste actualisée des signataires de l’initiative du Droit de Retour : http://www.manfiyoun.net/fr/listfr.html Celles et Ceux qui veulent signer cet appel sont invités à envoyer leur: Nom, Pays de résidence et Année de sortie de la Tunisie sur le mél de l’initiative : manfiyoun@gmail.com

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

Tunisie Justice doit être faite lors du procès en appel « des 38 de Gafsa » !

 
vendredi 9 janvier 2009 L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), appelle la justice tunisienne à respecter les standards tunisiens et internationaux relatifs aux garanties du droit à un procès équitable dans la procédure d’appel de l’affaire dite « des 38 de Gafsa ». Le 13 janvier 2009, l’appel de la condamnation dans l’affaire des « 38 de Gafsa », accusés d’avoir mené le mouvement de protestation sociale sans précédent qui secoue la Tunisie depuis janvier 2008, se tiendra devant la Cour d’appel de Gafsa. Le 11 décembre 2008, la Chambre criminelle du Tribunal de première instance de Gafsa avait prononcé son verdict contre les 38 prévenus, accusés de « participation à une entente criminelle en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens, rébellion armée commise par plus de dix personnes et troubles à l’ordre public ». A l’issue de ce procès, 33 personnes ont été condamnées à des peines allant de deux ans d’emprisonnement avec sursis à dix ans et un mois de prison et cinq personnes ont été relaxées. Les droits de la défense des membres du mouvement de protestation n’ont pas été respectés. Le verdict a ainsi été rendu en l’absence de plaidoirie de la défense et d’interrogatoire des prévenus, et en ne tenant pas compte d’éléments de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction faisant mention des stigmates physiques (traces de coups, hématomes) qu’il avait constatés sur 10 des 38 prévenus. Préoccupé par les violations graves du droit à un procès équitable en première instance, l’Observatoire a dûment saisi les procédures spéciales de protection des droits de l’Homme compétentes au sein des Nations unies et de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, soulignant que ces actes de répression visent uniquement à sanctionner la liberté de réunion pacifique et les activités de défense des droits de l’Homme des dirigeants du mouvement de Gafsa. Comme lors de l’audience de première instance, l’Observatoire, en collaboration avec le Barreau de Paris et le Réseau euro-méditerranéen pour les droits de l’Homme, dépêchera un observateur indépendant lors de l’audience du 13 janvier. En outre, l’Observatoire appelle la communauté internationale à suivre de près le déroulement de ce procès symbolique. Entre autres, l’Observatoire appelle ainsi les missions des États membres de l’Union européenne (UE) et la délégation de la Commission européenne à assister au procès, conformément aux Lignes directrices de l’UE sur les défenseurs des droits de l’Homme. Enfin, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de cesser tout acte de répression envers l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme, de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et, plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie. Pour plus d’informations, merci de contacter : FIDH : Gaël Grilhot / Karine Appy : + 33 1 43 55 25 18 OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39

Collectif nantais de soutien aux Tunisiens de Rédeyef

Procès de Gafsa :  les 33 condamnés en appel le 12 janvier.

          Souvenez-vous, le 11 décembre dernier la Chambre criminelle du Tribunal de première instance de Gafsa (Sud ouest de la Tunisie) a prononcé un verdict très lourd contre 33 prévenus faussement accusés de « participation à une entente criminelle en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens, rébellion armée et troubles à l’ordre public ».  En fait des animateurs d’un mouvement de protestation sociale qui secoue le bassin minier depuis janvier 2008.          Des syndicalistes, des enseignants, des ouvriers, de jeunes chômeurs qui se sont élevés contre le chômage (supérieur à 21%), l’injustice et la vie chère. A Rédeyef, ville de 30 000 habitants 20 000 sont descendus dans la rue !          Pourtant à la demande de négociation en vue de redresser l’économie de cette région minière depuis longtemps délaissée, le gouvernement tunisien a répondu par une répression de plus en plus dure. Trois morts, de très nombreux blessés, plus de 200 personnes poursuivies, des dizaines d’entre elles torturées dans les prisons, Rédeyef maintenue en état de siège, les perquisitions, les pressions sur les familles, la chasse aux jeunes incessantes, et enfin ces procès qui se sont affranchis du respect de la légalité : pas d’audience des prévenus, pas de plaidoirie d’avocats, pas d’énoncé public des verdicts. Le président a déclaré la séance ouverte, a annoncé que les verdicts avaient été décidés et à clos la séance aussitôt, invitant les avocats à prendre connaissance des décisions du tribunal auprès du secrétariat !!! Du jamais vu. Même pas fait semblant de tenir une séance de tribunal ! Le 11 décembre, 33 personnes ont ainsi  été condamnées à des peines allant de deux ans avec sursis à dix ans de prison. Pour avoir seulement exprimé leurs revendications légitimes de travail, de pain et de justice. Leur procès en appel se tient mardi 13 janvier prochain. Pour exprimer notre solidarité avec nos ami-e-s tunisien-ne-s de Rédeyef doublement victimes de la pauvreté et de la répression, mais exemplaires par leur lutte massive et déterminée, nous vous invitons à vous joindre à  un                                          Rassemblement                                       lundi 12 janvier                                  à 18 heures place Royale.           C’est pourquoi, après les manifestations de soutien et la grève de la faim organisés par les nantais originaires de Rédeyef au printemps, un collectif de soutien animé et soutenu par un grand nombre d’organisations politiques, syndicales et d’associations s’est constitué à la rentrée afin de mobiliser l’opinion publique en faveur de nos camarades tunisiens et de contraindre les gouvernements français et européens à condamner la politique de répression aveugle et brutale mise en œuvre en Tunisie par le gouvernement de monsieur Ben Ali.    Relaxe de tous les prévenus ! Justice et liberté pour le peuple de Rédeyef ! AC ! Nantes, Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), Confédération Générale du Travail (CGT), Confédération Nationale du Travail (CNT), Confédération Syndicale des Familles (CSF), Fédération Syndicale Unitaire (FSU), GASProm-ASTI de Nantes, Les Alternatifs, Les Verts, Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), Parti Communiste Français (PCF), Parti Socialiste (PS), Union Démocratique Bretonne (UDB), Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), Union syndicale Solidaires, Washma…    


 

PROCÈS DU 11 DÉCEMBRE 2008 DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL DE GAFSA

RAPPORT D’OBSERVATIONS JUDICIAIRES

Maître Houcine BARDI

Docteur en Droit / Avocat au Barreau de Paris

 

1)     MANDAT

Mandaté par le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), et la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des Deux Rives (FTCR), deux associations de droit français, j’ai pu assister, en qualité d’observateur judiciaire, au procès des « 38 » accusés dans la principale[1] affaire judiciaire du bassin minier de Gafsa.

2)     LE CONTEXTE

Suite à l’annonce des résultats du concours de recrutement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), dans le Sud-ouest tunisien, les habitants du bassin minier (Redayef, Metlaoui, Oumlarès, M’dhilla…) se sont révoltés, dès le 5 janvier 2008, pour montrer leur insatisfaction.

La CPG (société appartenant à l’État tunisien) est le principal employeur de la ville de Gafsa. Les postes d’emploi y sont attribués selon des quotas, dont certains revenaient jusqu’ici aux familles des victimes de l’extraction minière, d’autres au syndicat des mineurs, etc.

Des grèves de la faim, des sit-in, des marches et des manifestations pacifiques ont été organisées par les habitants de Gafsa durant plusieurs mois pour exiger, des autorités, des postes d’emploi, notamment pour les plus démunis.

Face à cette montée du mouvement de protestation sociale dans la région, les autorités ont dépêché un nombre considérable de forces de l’ordre, qui ont été rapidement renforcées par une présence massive de l’armée. Les habitants du Bassin minier parlent d’un « état de siège » …

L’installation dans la durée du mouvement de protestation a donné naissance à une coordination locale, supervisée essentiellement par des syndicalistes de la ville de Redayef, dénommé « Mouvement de protestation sociale de Redayef ».

Une Délégation chargée de négocier avec les autorités locales en a été issue. Elle était composée de MM. Adnane HAJI (délégué syndical), Béchir ABIDI (délégué syndical), Ali R’HILI (Secrétaire Général de l’Union syndicale locale), Mohamed KHLAYFI (Ancien député et délégué syndical), et M. Ali BOUIHI.

Cette délégation a participé à au moins trois réunions officielles avec les autorités locales : le 02/05/08 (à la Mairie de Redeyef), le 20/05/08 (au siège de l’inspection du travail de Redeyef) et le 26/05/08. Ont pris part à ces réunions, outre les représentants de la commission de négociation, le Gouverneur de la ville de Redeyef, le Maire de ladite ville, des dirigeants de la Compagnie des Phosphates de Gafsa, et des inspecteurs du travail.

Avec l’extension du mouvement de protestation à d’autres villes de la région du bassin minier de Gafsa, une coordination nationale dénommée « Comité national de soutien aux habitants du bassin minier », a également vu le jour. De même qu’un « Comité de soutien aux habitants du Bassin minier de Gafsa » a été créé à Paris, et un mouvement de solidarité similaire a vu le jour à Nantes où réside un nombre relativement important de Tunisiens originaires de la Ville de Redeyef.

Les associations civiles tunisiennes, telles que la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme (LTDH), le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT), le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) ainsi que plusieurs Unions régionales de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), tout autant que les partis d’opposition tels que le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL), le Parti Démocratique Progressiste (PDP) et le Parti ATTAJDID (pour ne citer que les partis légaux), et des associations comme l’Association tunisienne des Femmes démocrates (ATFD, prix des droits de l’Homme de la République française 2008) ont clairement exprimé leur soutien à ce mouvement pacifique de protestation sociale…

Les négociations engagées tant avec les autorités locales qu’avec les ministres envoyés sur place par le Gouvernement ont toutes échoué. Il semblerait, en effet, que les propositions d’embauche faites par les autorités, étaient très en deçà des aspirations de la population. Il convient de rappeler à ce sujet que le taux de chômage dans la région de Gafsa est nettement au dessus du double de la moyenne nationale (estimée, officiellement, à plus de 14%)

Le mouvement de protestation s’est donc poursuivi, entrainant dans son sillage un grand nombre d’arrestations (notamment parmi les leaders) et de condamnations (judiciaires).

Le procès organisé le 11/12/08, devant le tribunal pénal de Gafsa (statuant en matière de crimes) intervient suite à plusieurs autres procès ayant abouti à la condamnation (à de plus ou moins lourdes peines) de la plupart des accusés (les cas de relaxe ont été rares…)

L’importance du présent procès découle à la fois du grand nombre d’accusés : 38, dont 2 considérés « en état de fuite »[2], et de la qualité de ceux qui en font l’objet : « chefs d’une entente (criminelle) », selon l’accusation ; « leaders du mouvement de protestation pacifique de Gafsa » dûment mandatés par les habitants dans le cadre des négociations avec les autorités locales, selon la défense…

3)     QUELQUES OBSERVATIONS PRELIMINAIRES EN MARGE DU PROCÈS

Je voudrais tout d’abord relater quelques faits qu’il m’a été donné de constater en dehors du palais de justice de Gafsa, et qui, tout en étant mineurs, ne sont nullement anodins.

Sur la route qui nous conduisait vers Gafsa, nous avons été (trois jeunes avocats du Barreau de Tunis, et moi-même) contrôlés à trois reprises. A chaque fois il s’agissait de « barrages sélectifs » de la gendarmerie appuyée par des policiers en civil, qui semblaient bien connaître mes compagnons, puisqu’ils les appelaient de leurs noms… et s’enquerraient (surtout) de la présence, dans la voiture, de « l’inconnu » que j’étais !

Le premier contrôle s’est déroulé de manière presque « cordiale », avec un air plutôt amusé de la part de mes compagnons, qui ont adressé quelques blagues cyniques à l’endroit des agents… plutôt souriants.

Les deux suivants ont failli dégénérer, puisque les « contrôleurs » voulaient carrément immobiliser le véhicule… ce qui a obligé mes co-voituriers à dénoncer (par téléphone) auprès de M. le Bâtonnier ESSID, cette « atteinte caractérisée au droit à la liberté de circulation »…

C’est lors d’un contrôle similaire, en date du 04/12/08, que la délégation de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates a été  « refoulée ».

Au bout de 10 à 15 minutes d’attente, « l’ordre » a été donné de nous laisser repartir.

Arrivés à proximité du Palais de Justice de Gafsa, vers 08H30 du matin, j’ai été impressionné par la présence, le moins que l’on puisse dire, massive des policiers (toutes brigades confondues…).

Un barrage a été dressé à l’entrée du parking du Palais. Des policiers nous en ont interdit l’accès. C’était sans compter avec l’obstination de mes compagnons : « C’est le parking réservé aux auxiliaires de justice, dont nous faisons partie, et vous n’avez nullement le droit de nous en interdire l’accès » ont rétorqué à l’unisson mes trois confrères.

Quelques minutes de « négociation » avec, entre autres, des agents civils, ont été « nécessaires » pour lever le barrage, et nous « autoriser exceptionnellement » de stationner le véhicule dans l’emplacement qui lui était, pourtant, réservé…

Avant d’atteindre la porte du Palais, une femme (la quarantaine, face blême…) s’est précipitée vers nous (j’ai compris par la suite qu’il s’agissait de l’épouse de M. Fahem BOUKADDOUS, le journaliste de « Al Hiwar Attounsi », accusé en état de fuite, parmi « les 38 ») et a prié mes accompagnateurs de la faire rentrer avec eux au Palais… car l’accès lui a été refusé, par les très nombreux policiers qui gardaient l’entrée du Tribunal.

Nouvelle « palabre » —quelque peu virulente en raison des propos véhéments tenus par un agent répondant au nom de YOUSSEF— entre le petit groupe d’avocats (qui a improvisé un « cordon » afin de protéger la malheureuse… qui s’était, semble-t-il, fait agresser lors de l’audience du 04/12/08 devant la même juridiction) et non moins d’une dizaine d’agents civils et en tenues. Un appel téléphonique —de l’un d’entre eux— à un « haut responsable » a permis d’obtenir le « laissez-passer » pour tous…

4)   LE PROCES

A)   La liste des accusés

Sur les soixante personnes (tous des hommes[3] du gouvernorat de Redeyef) poursuivies initialement par le ministère public, une vingtaine a pu bénéficier d’un non-lieu, au cours de leur audition par le juge d’instruction…

NOM ET PRENOM

DATE DE NAISSANCE ET PROFESSION

 

1) Adnane HAJI

25/10/1958 / Instituteur

 

2) Adel JAYAR

22/01/1969 / Professeur de l’enseignement secondaire

 

3) Bechir ABIDI

21/01/1954 / Instituteur

 

4) Tarak HLAYMI

16/11/1965 /  Instituteur

 

5) Tayeb Ben OTHMANE

06/10/1970 / Instituteur

 

6) Hassane Ben abdallah

10/08/1975 / Travailleur journalier

 

7) Maher Fajraoui

11/08/1976 / Ouvrier-boulanger

 

8) Ali JDIDI

02/11/1972 / Travailleur journalier

 

9) Haroun Hlaymi

06/07/1981 / Etudiant

 

10) Mdhaffar ABIDI

11/05/1985 /  Elève

 

11) Ghanem CHRAYTI

22/04/1983/  Travailleur journalier

 

12) Abid KHLAYFI

02/07/1973 / secrétaire de gestion à l’ISSPT de Gafsa

 

13) Rachid ABDAOUI

 

 

14) Ridha AMAYDI

03/01/1966 / Instituteur

 

15) Abdessalam HELALI

07/01/1960 / Instituteur

 

15) Hafnaoui BEN OTHMANE

06/10/1970 / Instituteur

 

16) Sami AMAYDI

13/11/1978 / Travailleur journalier

 

17) Fayçal BEN AMOR

13/06/1978 / Travailleur journalier

 

18) Ridha AZEDDINI

25/03/1974 Travailleur dans les chantiers de l’environnement

 

19) Mahmoud RADDADI

05/10/1968 / Travailleur journalier

 

20) Boubakar BEN BOUBAKAR

12/09/1972/ Travailleur journalier

 

21) Hafnaoui BEN OTHMANE

29/10/1973 / Travailleur journalier

 

22) Hédi BOUSLAHI

17/07/1973/ Travailleur journalier

 

23) Thameur MAGHZAOUI

20/12/1977/ Travailleur journalier

 

24) Issam FAJRAOUI

27/03/1981/ Travailleur journalier

 

25) Mouadh AHMADI

09/02/1974/ Travailleur journalier

 

26) Abdallah FAJRAOUI

11/12/1978 / Travailleur journalier

 

27) Mohamed BALDI

01/04/1983/  Mécanicien

 

28) Makram MAJDI

20/10/1982/ Travailleur journalier

 

29) Othmane BEN OTHMANE

19/06/1983 / Travailleur journalier

 

30) Mahmoud HLALI

07/01/1960 /  Instituteur

 

31) Mohsen AMAYDI

23/01/1978 /  Etudiant

 

32) Radouane BOUZAYENE

30/04/1974/ Travailleur journalier

 

33) Habib KEDIRI (TABBABI)

11/8/1974 /  Travailleur journalier

 

34) Ismaïl JOUHRI

26/09/1977 / Mécanicien

 

35) Lazhar BEN ABDELMALAK

02/01/1959 / Instituteur

 

36) Boujemaa CHRAYTI

22/04/1983 / Travailleur journalier

 

37) Fahem BOUKADDOUS

09/10/1970 / Journaliste

 

38) Mohieddine CHERBIB

30/08/1952 / Immigré en France

 

 

B)   Les chefs d’accusation

Pour les accusés de (1) à (36), il a été retenu les accusations suivantes :

« Appartenance à une bande ; participation à une entente en vue de préparer et commettre une agression contre les biens et les personnes ; participation à une rébellion provoquée par plus de dix personnes avec usage d’armes et durant laquelle il y a eu agression d’un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ; entrave à la circulation dans les voies publiques ; participation à une rébellion provoquée par des discours prononcés dans des lieux et réunions publics, par des affiches, des communiqués et imprimés ; dégradation, sciemment, de bien d’autrui ; fabrication et détention d’outils et d’instruments incendiaires sans autorisation ; jets de corps solides contre les biens d’autrui ; provocation de bruit et de tapages dans un lieu public ; distribution, vente et exposition de publications destinées à la diffusion en vue de troubler l’ordre public ; collecte de dons sans autorisation ; mise à disposition de locaux et assistance financière aux membres d’une association de malfaiteurs. Faits réprimés par les articles : 32-131-132-133-119-118-121-121 ter-304-320-316 du Code Pénal et les décrets du 21 décembre 1944, du 18 juin 1894 et celui du 02 avril 1953… »

Pour les accusés Fahem BOUKADDOUS (n°37) et Mohieddine CHERBIB (n°38) :

« Adhésion à une bande ; participation à une entente visant à préparer et à commettre des agressions contre des personnes et des biens ; distribution, vente, exposition et détention, dans l’intention de les diffuser, de documents susceptibles de troubler l’ordre public dans un but propagandiste »

Les avocats de la défense résumeront, communément, cette série impressionnante d’accusations sous la simple appellation : « AFFAIRE DE L’ENTENTE ».

Il s’agit bien évidemment d’accusations extrêmement graves, faisant encourir aux auteurs présumés jusqu’à 10 ans d’emprisonnement (article 119 du CPT), « sans préjudice des peines édictées (…) contre l’auteur des coups et blessures… ». C’est l’application des peines prévues pour ce dernier délit, qui ajoutera des mois supplémentaires aux années d’emprisonnement prononcées à l’encontre de certains accusés…

 

C)   Le déroulement de l’audience

Peu de temps avant l’ouverture de l’audience, M. le Bâtonnier Béchir ESSID a convoqué ses confrères dans la bibliothèque de l’Ordre des avocats, pour débattre de la stratégie de défense à adopter.

La question à laquelle il fallait répondre pourrait être résumée ainsi : doit-on réitérer les demandes relatives aux exceptions de nullité et aux compléments d’enquête et d’information (lesquelles doivent être soulevées in limine litis, avant tout débat au fond) ; et dans le cas où lesdites exceptions sont écartées (d’une manière ou d’une autre) par le tribunal, qu’est-ce qu’il conviendrait de faire ? Défendre l’affaire au fond, ou se retirer en signe de protestation contre le non-respect des droits de la défense ?

Plusieurs avocats ont pris la parole. Les avis étaient divergents. Il m’a tout de même semblé qu’une majorité relative (parmi les présents) penchait plutôt vers l’engagement de la défense au fond, dans le cas où le tribunal « ignorerait » ce que les avocats tunisiens appellent « les demandes préliminaires ».

Toujours est-il que les avocats n’ont pas eu suffisamment de temps pour arrêter définitivement leur « stratégie ». Quelqu’un est venu nous annoncer que l’on avait fait venir les accusés. L’indécision des avocats de la défense ne sera pas sans incidence sur le déroulement des débats, tout autant que sur l’issue expéditive du procès…

Le dispositif policier qui était déjà impressionnant (dans l’enceinte même du palais) au début de la réunion des avocats, est devenu (à l’issue de cette même réunion) l’est devenu plus encore ensuite, notamment dans la salle d’audience (de taille moyenne) occupée, pour moitié au moins, par les forces de l’ordre et les agents civils…

Les avocats de la défense étaient également très nombreux. Il y avait, outre M. le Bâtonnier ESSID, son prédécesseur le Bâtonnier Abdessattar BEN MOUSSA, Me Ahmed Néjib CHEBBI (Président du PDP, et candidat dissident à l’élection présidentielle de 2009), Me Mokhtar TRIFI (Président de la LTDH), ainsi que son fils le jeune avocat Bassam TRIFI, Me Radhia NASRAOUI (Présidente de l’ALTT), Me Ayachi HAMMAMI, Me Saïda GARRACHE, Me Chokri BELAÏD, Me Abdennaceur LAOUINI, Me Karim…, Me Ali KALTHOUM, Me Zouhayr YAHYAOUI, Me Ridha RADDADI, Me Faouzi BEN M’RAD, Me CHAMAKHI, Me BEN THABET, Me ALIMI, Me HENCHIRI, Me FAJRAOUI, Me EL MEDDEB, Me THLIJANI, Me BEN BOUBAKEUR, Me TEBBASSI, Me Salem S’HIMI, Me SGHAIER, Me MLAOUAH, Me ABIDI, Me TARCHEK, Me BEN HAMMOUDA, Me HAMDI, Me ISSAOUI, Me HAMDI, Me BOUSLAH, Me JARBAOUI, Me AMARA, Me ZAROUANI, Me TROUDI, Me BEN YOUSSEF, Me KEDDIS, Me ZENDAH, Me RABHI, Me MANNAÏ, Me KAROUI, Me S’OUDI, Me KHERAYFI, Me MECHICHI, Me CHARNI, Me KRICHI, Me MOUMNI, Me TOUKABRI, Me BUSLAH…[4] En outre il y avait les avocats constitués et qui n’ont pu assister à l’audience du 11/12/08, tels que Me J’MOUR, Me ABBOU, Me KOUSRI, etc. En tout, pas moins de 124 avocats de toute la Tunisie, tous constitués bénévolement pour défendre les 38 accusés.

L’ensemble de la société civile et politique tunisienne (indépendante) était elle aussi présente : la LTDH, AI-Tunisie, le CNLT, l’ATFD, l’UGTT, sans compter les associations dont les membres ont été « refoulés » telle que « L’OBSERVATOIRE POUR LA LIBERTE DE LA PRESSE ET DE L’EDITION » ; les partis politiques (ATTAJDID, PDP, FDTL PCOT, PTPD, PSG)

Parmi les observateurs internationaux j’ai remarqué la présence d’un représentant de la Commission européenne ; un représentant du syndicat FSU (France) ; la chargée des affaires politiques de l’ambassade américaine (Mme Tina D. SAHA), ainsi que mon confrère Antoine AUSSEDAT du Barreau de Paris (mandaté par la FIDH, le REMDH et l’Ordre des Avocats de Paris)

Le Président GARGOURI (à la tête d’une formation collégiale de cinq juges) a ouvert l’audience en donnant la parole aux avocats de la défense. Il a sans doute estimé qu’il n’était pas « nécessaire » de lire au préalable l’acte d’accusation ! (comme l’exige l’article 143 alinéa 3 CPP : « Il est ensuite donné connaissance des pièces du dossier ») (Première irrégularité procédurale)

Cinq avocats se sont succédés à la barre : Le Bâtonnier (en exercice) Me Béchir ESSID, Me Radhia NASRAOUI, Me Chokri BELAÏD, le Bâtonnier Abdessattar BEN MOUSSA et Me Ali KALTHOUM.

Les trois principales plaidoiries (Me BEN MOUSSA, Me KALTHOUM et Me BELAÏD, qui nous ont remis leurs écritures) ont soulevé, in limine litis, les irrégularités suivantes :

1)     SUR LA NON PRÉSENTATION DES SCELLÉS ET AUTRES PIÈCES À CONVICTION

L’accusation de « constitution d’une entente criminelle » a été fondée sur la saisie d’un certain nombre d’armes (blanches) (et d’armes par destination), ainsi que des disques compacts, des banderoles (portant les inscriptions suivantes  : « droit au travail pour le fils de l’ouvrier et du déshérité » ; « donnez-nous du travail, sinon ne réprimandez pas les chômeurs s’ils la déclenchent » ; «  du travail non des promesses creuses» ; « pas de dignité sans emploi stable »; « oui pour l’emploi stable qui sauvegarde la dignité, oui pour notre part de la richesse nationale, oui pour les vrais projets de développement dans la région »), un téléphone portable, une caméra, des communiqués et des tracts…

Aucune de ces preuves n’a été présentée à la défense.  Ce qui constitue une atteinte on ne peut plus grave au principe du contradictoire (et à l’égalité des armes), à la publicité des débats, et plus généralement aux droits de la défense.

2)     SUR L’IMPORTANCE DES PROCÈS-VERBAUX CONSTATANT LES RENCONTRES OFFICIELLES ENTRE LES MEMBRES DE « L’ENTENTE » ET LES AUTORITÉS LOCALES

Plusieurs réunions officielles ont eu lieu entre, d’une part, « le comité de négociation » composée de Messieurs : Adnane HAJI (délégué syndical) ; Béchir ABIDI (délégué syndical) ; Ali R’HILI (Secrétaire Général de l’Union syndicale locale) ; Mohamed KHLAYFI (Ancien député et délégué syndical) ; M. Ali BOUIHI ; et les autorités locales représentées notamment par M. le gouverneur de la ville de Redeyef, le maire, ainsi que cinq dirigeants de la compagnie des phosphates de Gafsa et quatre inspecteurs du travail de la ville de Metlaoui.

La défense accorde une importance capitale à ces procès-verbaux, dans la mesure où ils apportent la preuve de l’inexistence de « l’entente » alléguée par l’accusation.

Dans leurs écritures, les avocats disent avoir remis au tribunal des copies des procès-verbaux dont s’agit.

3)     SUR LE DROIT D’ENTENDRE ET D’INTERROGER LES TÉMOINS

Les avocats de la défense soutiennent qu’il ne leur a pas été donné d’interroger les témoins à charge ; qu’il n’a pas été fait droit à leur demande d’entendre les témoins à décharge (le précédent gouverneur de Redeyef, le maire de la ville, les inspecteurs du travail, les dirigeants de la société des phosphates de Gafsa, ainsi qu’un certain Omar TAKROUNI, haut officier dans l’armée nationale, ainsi que le ministre de la santé publique qui a un long entretien avec l’accusé Adnan HAJI) ; qu’en outre aucune confrontation n’a été organisée (comme l’exige l’article 65 du code de procédure pénale) entre leurs clients et les témoins à charge.

4)     SUR LES DEMANDES D’EXPERTISES MÉDICALES

Les avocats soutiennent que la plupart de leurs clients ont été victimes de torture et ont subi des traitements inhumains et dégradants tout au long de leur détention et notamment lors de la phase d’enquête ; qu’ils ont systématiquement fait état de cette atteinte gravissime à l’intégrité physique des « accusés » en particulier devant le juge d’instruction qui en a constaté la véracité. Ils présentent un tableau des principaux cas de torture allégués et constatés (dont on a pu vérifier la transcription dans l’ordonnance de clôture de l’instruction)

 

Date du PV

Nom de l’accusé

Type de torture

Emplacement des traces

Observations du juge d’instruction

Requête de la défense

21/06/08

Mouadh Ahmadi

physique

Griffures au dos et sur le côté gauche

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/06/08

Issam FAJRAOUI

physique

Blessures au menton

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/06/08

Adesselem HLALI

physique

Blessures au menton

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/06/08

Ridha AZZEDDINE

physique

Fessier, bras gauche

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/06/08

Ali JDIDI

physique

Les dents, bras gauche

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/06/08

Thameur MAGHZAOUI

physique

Pieds

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/06/08

Adnane MAHGZAOUI

Menaces

Torture sexuelle

Poignets

A constaté les traces

Demande d’examen médical

23/06/08

Med Ben Salah BEDOUI

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen médical

23/06/08

Adnane HAJI

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen médical

26/06/08

Farid HANDIRI

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen médical

08/07/08

Béchir ABIDI

Menace de sodomie

 

A constaté les traces

Demande d’examen médical

10/07/08

Taïeb BEN OTHMANE

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen médical

21/07/08

Kamel KALBOUSSI

 

Ouverture béante au pied droit, blessures au pied et avant bras gauches, ecchymoses…

A constaté les traces

Demande d’examen médical

 

D’autres griefs ont été soulevés par les avocats de la défense (notamment dans la plaidoirie exhaustive —et non interrompue par le Président— du Bâtonnier BEN MOUSSA) telle que l’incohérence flagrante d’un certain nombre de procès verbaux qui taisent les mentions obligatoires devant y figurer (conformément aux dispositions de l’article 13 bis du CPP tunisien)[5] ; ou la maltraitance et le défaut de soins envers M. Béchir ABIDI qui, selon la défense, a perdu plus de 30 kg durant son arrestation et y a contracté une anémie et une bronchite aigüe[6].

Malgré la gravité extrême des griefs soulevés par les avocats de la défense, tous plaidant explicitement en faveur de l’annulation des procédures, pour raisons de torture, non respect des formalités substantielles, non respect du principe (d’ordre public) du contradictoire, non respect de la publicité des débats (et de l’égalité des armes), tout autant qu’au nom des droits élémentaires de la défense… le Président GARGOURI a décidé de passer outre et de procéder immédiatement à l’interrogatoire des accusés !

Maître Ali KALTHOUM (du Barreau de Gafsa, et un des principaux avocats de la défense) a engagé, avec le président, un débat procédural pointilleux sur le sens exact des dispositions de l’article 143 du CPP (tunisien) qui, selon lui, n’autorise l’interrogatoire des présumés coupables, qu’après la satisfaction des dispositions (du même article) relatives à la présentation des scellés, à l’organisation des confrontations, etc.

Prenant acte de l’obstination du Président à vouloir passer directement à l’interrogatoire, en arguant de ce que leur audition permettra d’apporter des réponses aux « questionnements légitimes » des avocats, la défense a enjoint les accusés de « refuser de répondre »…

Le Président a alors ordonné à ce qu’il soit consigné dans le procès verbal d’audience le refus des présumés coupables de se prêter à l’interrogatoire du Tribunal, et a suspendu l’audience « pour délibération ».

Cette décision subite, qui a pratiquement mis un terme de manière totalement inattendue au procès, a surpris tout le monde. Toute l’assistance est restée figée… jusqu’à ce que les « accusés », se dressant sur leur banc, entonnent à l’unisson l’hymne national, vite repris par tous les présents, à l’exception des forces de l’ordre…

On entendait des « youyous » dans les bancs du public, situés derrière celui réservé aux avocats… les accusés ont également eu le temps de scander quelques mots d’ordre propres au Mouvement du Bassin Minier… avant de se faire évacuer manu militari par les forces de l’ordre, sous les sifflets et les huées du public…

Il était à peu près 11H30, lorsque le Président avait suspendu l’audience pour « délibérer ». La reprise n’a eu lieu que vers 23H00 !

A partir de 22H00 l’on a remarqué un « remue-ménage » chez les policiers. C’était le signal avant-coureur de la reprise imminente de l’audience. Personne n’était encore tout à fait certain que le tribunal (non présent au complet, puisque 2 des 5 juges ne siègeront pas…) allait s’apprêter à prononcer le jugement.

Un dispositif des plus impressionnants s’est petit à petit mis en place dans la salle d’audience. Des va-et-vient, des chuchotements, des appels téléphoniques, des placements, des déplacements… bref une fourmilière d’agents de toutes sortes qui ont pris littéralement possession de tout le palais et notamment de la salle d’audience : un corridor de policiers allant de la porte d’entrée des prévenus, jusqu’au banc des accusés ; derrière lequel une rangée d’au moins une vingtaine de policiers (séparant les avocats de leurs clients) ; derrière les avocats une rangée d’agents civils séparant les avocats des familles ; tournant le dos au tribunal (face à la salle) une autre rangée de policiers ; un grand nombre de policiers (dont les hauts gradés…) bloquaient la deuxième entrée droite de la salle ; à l’avant de l’aile gauche de la salle d’audience quelques vingt policiers…

Les avocats étaient abasourdis et indignés (ils m’ont affirmé que même pendant le procès du « groupe de Soliman » ils n’avaient pas vu « une pareille mascarade qui dit long sur l’état pitoyable de la justice tunisienne ») ! Les observateurs internationaux étaient choqués ! Les familles apeurées …

Lorsque le Tribunal incomplet (3/5 juges présents, sans compter la « défaillance » du ministère public…) est entré en salle pour annoncer la réouverture de l’audience, un jeune avocat du Barreau de Tunis (AL) qui n’a pu contenir sa colère et son indignation au vu de ce « spectacle affligeant », a crié à vive voix : « C’est cela votre justice ? C’est cela votre procès équitable ? Est-ce ainsi que vous respectez l’Etat de droit et l’indépendance de la justice ? Mais c’est une caserne et non plus un tribunal … vous devez avoir honte… voyez gens de Redeyef la justice qu’on réserve à vos enfants… »

C’était « suffisant » pour que le président GARGOURI décide de lever l’audience. Il n’y a donc pas eu lecture du jugement. Le président de la section de l’ordre des avocats de Gafsa a dû aller en chercher une copie manuscrite auprès du greffe pénal.

Rendez-vous fût donné aux avocats et aux membres des familles, dans la bibliothèque de l’Ordre pour lecture du jugement, dont voici le tableau récapitulatif :

 

NOM ET PRENOM

CONDAMNATION / PEINE

1) Adnane HAJI

 

2) Adel JAYAR

 

3) Bechir ABIDI

 

4) Tarak HLAYMI

10 ans

5) Tayeb Ben OTHMANE

 

6) Hassine Ben abdallah

 

7) Maher Fajraoui

 

8) Fahem BOUKADDOUS

6 ans (par défaut)

9) Haroun Hlaymi

 

10) Mdhaffar ABIDI

 

11) Ghanem CHRAYTI

 

12) Abid KHLAYFI

 

13) Rachid ABDAOUI

 

14) Ridha AMAYDI

6 ans

15) Abdessalam HELALI

 

15) Fayçal DHAOUADI

 

16) Sami AMAYDI

 

17) Fayçal BEN AMOR

 

18) Ridha AZEDDINI

 

19) Mahmoud RADDADI

 

20) Boubakar BEN BOUBAKAR

4 ans

21) Hafnaoui BEN OTHMANE

 

22) Hédi BOUSLAHI

1 an

23) Thamer MAGHZAOUI

 

24) Issam FAJRAOUI

 

25) Mouadh AHMADI

 

26) Abdallah FAJRAOUI

 

27) Mohamed BALDI

 

28) Makram MAJDI

2 ans avec sursis

29) Othmane BEN OTHMANE

 

30) Mahmoud HLALI

 

31) Mohsen AMAYDI

 

32) Radouane BOUZAYENE

 

33) Habib KEDIRI

 

34) Ismaïl JOUHRI

 

35) Lazhar BEN ABDELMALAK

Relaxe

36) Boujemaa CHRAYTI

 

37) Ali JDIDI

 

38) Mohieddine CHERBIB

2 ans (« par défaut »)

 

CONCLUSIONS FINALES DU RAPPORT

Avant de donner la parole au Président de la Section de l’Ordre des avocats de Gafsa pour faire la lecture du jugement, le Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats de Tunisie, Me Béchir ESSID, a dit « Ce qui s’est passé aujourd’hui ne mérite même pas l’appellation « procès », tant  les irrégularités et illégalités sont évidentes, et le non respect des droits de la défense est flagrant… »

L’audience du 11/12/08, devant le tribunal pénal de Gafsa (statuant en matière criminelle, puisque l’équivalent de la Cour d’assises n’existe pas dans l’ordre judiciaire tunisien) à laquelle j’ai pu assister, m’a permis de constater :

1)     Le non respect du principe de la présomption d’innocence

2)     Le rejet « tacite » des innombrables exceptions de nullité soulevées par la défense avant tout débat au fond

3)     L’absence de la moindre prise en compte, par le tribunal, des allégations on ne peut plus graves de torture (de traitements inhumains et dégradants et de défaut de soins) étayées —pour certains— par les constations du juge d’instruction… et la « fin de non recevoir, implicite » des demandes d’expertises médicales

4)     Le refus de présentation des scellés

5)     Le refus de convoquer les témoins (notamment à décharge)

6)     Le refus d’organiser les confrontations avec les témoins à charge

7)     Le refus de diligenter des enquêtes et informations complémentaires

Toutes ces observations et constatations me conduisent à affirmer que le procès auquel j’ai assisté, le 11/12/08 à Gafsa, est un des procès les plus inéquitables auxquels il m’a été donné d’assister. Le principe du contradictoire a, en effet, été totalement ignoré, l’égalité des armes et la publicité des débats ont été systématiquement bafouées, les droits de la défense (et implicitement ceux des accusés) ont été piétinés, depuis l’enquête préliminaire, jusqu’à l’autorité de jugement, en passant par celle de l’instruction.

S’il est un « procès » qui ne saurait avoir pour « mérite » que celui d’être donné en contre-exemple absolu de ce qu’est un vrai procès équitable, c’est bien celui «des 38 de Redeyef » qui s’est tenu devant le tribunal pénal de Gafsa le 11/12/08 !

 


 

*Je tiens à remercier Karine GANTIN pour sa patiente relecture et ses suggestions pertinentes.

[1]  Compte tenu tout d’abord de l’importance du nombre des accusés et de leurs qualités (« chefs d’une entente »)

 

[2] Le cas de M. Mohieddine CHERBIB (Président de la FTCR) est singulier, dans la mesure où l’intéressé a fait l’objet de « poursuites » alors même qu’il réside à des milliers de kilomètres de Gafsa ; il n’a jamais fait l’objet de convocation régulière ni de la part des autorités d’enquête, ne de celles de l’instruction, ni par le Tribunal. Voir à ce propos l’argumentaire juridique détaillé réalisé par le CRLDHT « Observations sur l’Ordonnance de clôture de l’instruction dans l’affaire des 38 de Gafsa : le cas de Mohieddine CHERBIB) »

 

[3] La seule femme qui a été condamnée (à 4 mois d’emprisonnement) suite aux évènements de Gafsa, est Mme Zakia DHIFAOUI (qui a déclaré avoir été victime de torture et de harcèlement sexuel lors de sa détention), membre du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés, parti légal, dont le secrétaire général, le Dr Mustapha BEN JAAFAR, s’est récemment déclaré candidat aux prochaines élections présidentielles de 2009.

 

[4] Cette liste n’est pas exhaustive. Je m’excuse par avance auprès des avocats que je n’ai pas cités.

 

[5] Cas de l’accusé Mansour SOUILMI, dont il est tout d’abord indiqué (dans le PV consigné dans le dossier) qu’il a été placé en garde à vue le 12 août 2008, alors que dans un autre PV il est signalé comme étant « recherché »… ; de même il n’est pas indiqué dans le PV de placement en garde à vue de M. Abid KHLAYFI (daté du 29/07/08) ni la date ni l’heure de la fin de la GAV…

 

[6] Nous avons appris ultérieurement que l’état de santé du concerné s’est gravement détérioré après le procès, et qu’il a été transféré au CHU de l’Ariana dans la banlieue de Tunis, où il a été maintenu menotté à son lit d’hôpital…

 


 Appel des artistes tunisiens

« GHAZA DANS NOS YEUX »

« GHAZA dans nos yeux, tant que les enfants meurent les yeux ouverts… »

C’est l’appel lancé par EL HAMRA, théâtre tunisien ami.

Appel répercuté par nous, artistes citoyens tunisiens, laïques indépendants, et envoyé à tous les amis non tunisiens, notamment européens, amis qu’on croyait tous jusqu’ici partager les mêmes valeurs humanistes que nous…

Un de ces amis-là, homme de théâtre avisé et dialecticien brechtien avéré, crut bon de nous renvoyer par S.M.S. le message suivant : « Devant nos yeux, une bande de fanatiques récolte les fruits amers de leurs provocations irresponsables et font payer à leur peuple pris en otage leurs folies meurtrières. »

Texte laconique, couperet, définitif comme une dépêche d’agence de presse officielle.

Une réponse symétrique reprenant presque mot à mot un verdict, aussi court, expéditif qu’aveugle, aurait donné ceci : « Devant nos yeux, un état raciste et belliqueux sème depuis 1948 le fruit de sa domination irresponsable et fait payer à un peuple et à toute une région pris en otages, sa folie meurtrière »

Chaque mot pèse, car chaque mot tue aussi.

Et si cet ami, artiste avisé et humaniste avéré, avait cédé à son tour à l’intox pour devenir lui-même intox ?

Et si le principe des deux poids deux mesures l’emportait sur la logique, le bon sens et la sagesse les plus élémentaires ?

Et si l’aveuglement qui entame aujourd’hui les esprits les plus lucides, balayait l’évidence la plus aveuglante ?

Et si les conséquences étaient de plus en plus admises comme des causes ?

Et si l’assailli devait encore et encore passer pour l’assaillant, et la victime pour le bourreau ?

Et si… et si… ?

Trêve de cris d’Orphée protestataires et scandalisés. Buvons notre colère,  dédramatisons la question, dépassionnons le débat et déplaçons le problème du terrain émotionnel et surtout idéologique comme tente de le placer notre ami artiste, et plaçons-le sur son terrain réel, le terrain politique.

Dans la plus grande prison à ciel ouvert que l’Histoire ait connue depuis les camps de VARSOVIE, selon un éminent expert onusien, est-il admissible qu’on assiège des centaines de milliers d’humains, qu’on les étouffe, affame, assoiffe et coupe du reste du monde, et qu’on les punisse d’avoir fait des choix politiques démocratiques que l’Occident avait encouragé (et il avait eu raison), puis il en avait boycotté les résultats (et il en a eu tort). Sombre contradiction aux  funestes conséquences !

Chaque fois qu’une fraction, qu’un groupe, une minorité, un mouvement, un parti élève la voix, proteste, conteste, éructe ou menace pour son existence ou sa survie, on le taxe de terrorisme fanatique, n’est-ce pas l’ami ?

Autrefois et sous d’autres cieux on appelait cela résistance.

Spolier, déposséder et chasser, envahir et écraser puis élever des murs pour séparer les bons des méchants, les vrais citoyens de la terre promise des occupants historiques, c’est tout ce qu’a offert l’état hébreux au peuple palestinien depuis 1948.

Tout cela avec l’appui passif ou actif des gouvernants du monde entier. ISRAËL fait ce qu’il veut et impunément depuis plus de soixante ans.

On ne le répètera jamais assez.

Le sort fait aujourd’hui aux palestiniens de GHAZA, suspectés de terrorisme islamique, a été le même, faut-il le rappeler, à RAMALLAH sous le règne de l’autre « terroriste » non soupçonné d’islamisme, nommé ARAFAT.

Ce sort fait aux palestiniens a été rendu possible par une longue et patiente construction de l’ennemi.

On ne le répètera jamais assez.

Qui arrêtera ISRAËL devant son avancée inexorable vers l’anéantissement du peuple palestinien ?

Cette nouvelle agression est une agression de trop.

Faut-il se contenter d’exprimer sa colère et d’appeler à l’aide humanitaire ?

L’aide humanitaire suffit-elle en attendant le prochain assaut ?

De toute façon l’aide humanitaire n’est pas forcément un acte de solidarité. Elle relève juste du secours apporté aux blessés. Et il n’ya aucun sens à la solidarité politique demandé par les Arabes si elle n’est pas assortie d’un soutien à la résistance. Le secours et l’assistance sont importants mais ne relèvent pas nécessairement de la solidarité.

Même les ennemis soignent les blessés en temps de guerre.

Et même les ennemis autorisent les convois humanitaires d’acheminer médicaments et nourriture.

Pas plus tard que ce matin, mercredi 7 Janvier, le gouvernement  israélien vient  de décider d’une trêve de quelques heures pour acheminer médicaments et vivres à GHAZA. Alors vive la solidarité d’ISRAËL avec le peuple palestinien !?

La cause palestinienne est une cause juste. L’apartheid orchestré qui y règne depuis plus de soixante ans en fait la plus grande injustice humaine de tous les temps. Qui peut encore ignorer cela, qui peut en faire douter ?

Cette agression est une agression de trop.

Ce sont des laïques qui parlent et non quelques défenseurs ou sympathisants excités d’un quelconque islamisme fanatique.

Isolés, empêchés chez nous de monter au créneau, de nous exprimer dans la rue comme cela se fait dans le monde entier, ou même de faire parvenir une voix ni enragée ni partisane, une voix susceptible d’ infléchir les décisions politiques et diplomatiques, une voix pour exprimer une juste colère contre l’amalgame, la confusion et la propagande sioniste, nous ne cesserons jamais de dénoncer les gouvernements complices, passifs ou actifs qui entérinent la partition de la PALESTINE et le projet planifié de son anéantissement.

Le vrai problème est qu’ISRAËL et ses alliés sont en train de parvenir à  toutes leurs fins depuis 1948.

D’une guerre arabe contre le nouvel occupant (paradoxe de la fin des colonisations) le conflit est devenu petit à petit un conflit entre quelques arabes non résignés et ISRAËL. Puis ce conflit s’est transformé en guerre israélo-palestinienne pour devenir une guerre fratricide palestino- palestinienne,  pour finir par une guerre entre ISRAËL et le HAMAS, ceci avec le silence complice ou les protestations humanitaires plus ou moins formelles des Arabes et des Européens.

Aujourd’hui, LA PALESTINE est un hypothétique projet d’état coupé en deux, sinon voué à la disparition.

 

BOLTON, l’ancien représentant de BUSH aux Nations-Unies, sans avoir de pouvoir de décision et sans doute sans parler pour rien, évoque l’hypothèse israélo- américaine de rattacher à terme GHAZA à l’EGYPTE et la CISJORDANIE au Royaume Hachémite.

                      Si c’était le cas, c’en serait fini de la PALESTINE et des Palestiniens, et personne n’aura plus le droit de dire : «  On ne le savait pas ! ».

JALILA BACCAR              auteur et comédienne

FADHEL JAÏBI                 metteur en scène et auteur

ANOUAR BRAHEM          musicien et compositeur

HABIB BEL HEDI             producteur

FATMA BEN SAÏDANE   comédienne

NAWAL SKANDRANI      chorégraphe   


 

APPEL PRESSANT A L’UNION EUROPEENNE

 08/01/2009    A l’initiative de l’Institut Arabe des Droits de l’Homme, nous, acteurs des sociétés civiles arabes et européennes. -Consternés par la gravité de l’agression israélienne contre le peuple palestinien et l’invasion de Gaza, qui a assombri les festivités du nouvel an 2008 – 2009, et profondément choqués  par le très grand nombre de civils innocents tués qui se comptent par centaines dont un grand nombre d’enfants, sans compter les milliers de blessés, et par la destruction méthodique des infrastructures vitales, y compris les symboles culturels, religieux et éducationnels, sans épargner même les écoles des N.U. refuge des enfants dont les maisons ont été détruites par les bombardements intenses. -Considérant que de tels actes constituent une violation flagrante de toutes les conventions internationales qui forment le système onusien des droits de l’Homme et des peuples, dont le  droit international humanitaire et notamment les conventions de Genève. -Prenant acte de l’appel européen pour l’arrêt des combats, appel qui se démarque du soutien inconditionnel  à la guerre exprimé par l’administration américaine sortante. -Estimant que toute initiative pour rétablir la paix dans la région ne saurait renvoyer dos à dos le colonisateur et la victime, et se doit de prendre en compte les faits suivants : Les véritables causes de l’invasion actuelle et de toutes les violences dans la région ne sauraient se justifier par un quelconque alibi, mais d’abord et avant tout par l’occupation illégale des territoires palestiniens et leur colonisation continue, avec leur cortège d’assassinats, d’emprisonnement de milliers de palestiniens qui croupissent dans les geôles de l’occupant depuis de longues années sans jugement ou suite à des procès iniques, d’humiliations insoutenables, de destructions des infrastructures garantissant le minimum vital pour un peuple assiégé, humilié et poussé au désespoir.   Il ne sert à rien de jouer sur l’amalgame du terrorisme et de la résistance  à l’occupation, ou d’invoquer le droit légitime à la sécurité, mais à sens unique, en oubliant qu’aucune sécurité ne saurait se construire sur l’injustice, la colonisation illégale des terres des voisins et le non respect de toutes les résolutions de l’ONU . Il est évident que c’est bien la politique expansionniste, agressive et discriminatoire d’Israël qui est la cause de l’insécurité dans toute la région,  et qui ne fera que rendre plus problématique son intégration dans son environnement actuel. Encourager une telle politique par l’indifférence et l’inaction, sème le doute sur les valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’Homme et rend leur promotion et leur défense dans la région plus difficiles. -Considérant enfin que les intérêts objectifs de l’Europe sont tributaires de la paix dans la région méditerranéenne, les signataires de ce document lancent un appel pressant à la présidence de l’Union Européenne, la Commission Européenne, le parlement européen et l’ensemble des instances de l’UE afin de prendre leurs responsabilités morales et historiques en agissant au plus vite, avant qu’il ne soit trop tard, pour : *Arrêter le bain de sang des civils et des enfants palestiniens * Mettre sur pied au plus vite une force internationale  de protection du peuple palestinien. * Créer une commission internationale d’enquête sur les bombardements des écoles, notamment des N.U et l’utilisation d’armes prohibées comme les bombes phosphoriques et à fragmentation.  * Participer activement à une solution juste et durable du problème palestinien sur la base des résolutions des NU. Il y va des intérêts euro-méditerranéens, de la paix dans la région et dans le monde.    Les Signataires

 


 

Rencontre avec l’épouse du militant emprisonné Adnane Hajji

 
Comment avez-vous réagi aux condamnations prononcées contre Adnane et ses camarades ?   Djemaa Hajji : Pour moi, ce n’était pas un procès. J’étais dans une caserne tant le nombre d’agents de police dépassait celui des familles des prisonniers, des avocats et des militants présents. Nous étions face à une mise en scène sordide où les avocats n’ont pas été autorisés à plaider, où les accusés ont été empêchés de s’exprimer. L’audience a été levée de façon arbitraire. On nous a demandé d’évacuer la salle du tribunal vers trois heures de l’après midi et on nous a violentés pour nous y obliger, mais nous avons résisté et fait valoir notre droit et nous sommes restés sur place […] jusqu’à dix heures du soir lorsque la séance a été suspendue. Nous sommes sortis puis les avocats nous ont contactés et nous ont informés des condamnations qui nous ont abasourdis, stupéfiés […] nous avons eu la sensation que les condamnations avaient été préparées et n’avaient plus qu’à être prononcées.   Quelles sont les dernières nouvelles de la santé d’Adnane Hajji et du traitement qui lui est réservé dans sa prison?   D. H. On connaît tous la réalité des conditions carcérales en Tunisie, notamment pour les prisonniers d’opinion. Mon mari a été en butte aux mauvais traitements à une tentative de sévices puisqu’on l’a obligé à retirer ses vêtements dans le froid terrible de la prison de Kasserine alors qu’ils connaissent son état de santé critique, qu’ils savent qu’il n’a qu’un seul rein. Ceci dit, son moral est très bon car il est convaincu de la cause pour laquelle il a été emprisonné. Mais le plus grave c’est l’état de Béchir Labidi qui a eu une pneumonie aiguë qui menace gravement sa santé. Et ce qui aggrave encore son cas, c’est qu’on ne lui donne pas les médicaments que sa famille lui apporte. Le frère Béchir Labidi est menacé aujourd’hui et il faut au moins le changer de prison, lui permettre de se soigner, d’avoir accès à des médicaments. Il y a eu des appels en ce sens, mais le pouvoir ferme les yeux devant cette tragédie. C’est pourquoi je renouvelle un appel à toutes les consciences libres pour sauver Béchir Labidi.
 
Quelle a été la réaction des populations du bassin minier à ces condamnations ?   D. H. Le vendredi, soit au lendemain du prononcé des condamnations, la population de Rédéyef est sortie en scandant les noms des prisonniers et pour exprimer leur refus des jugements, chacun à sa façon. Parmi les slogans significatifs : « Pour un Adnane de parti, il y a mille nouveaux Adnane », mais les autorités ont réagi en faisant intrusion dans les domiciles et en interpellant les jeunes qui avaient protesté contre les condamnations.   Les partis d’opposition indépendants et la société civile ont été solidaires de la population du bassin minier. Que pensez-vous de cette solidarité et qu’attendez-vous de ces forces ?   D. H. Nous saluons toute voix qui se lève pour nous aider, indépendamment de la forme du soutien, de son origine et quelque soit son importance. […] Grâce à ce soutien nous sommes plus forts et plus à mêmes de résister et de persévérer. Je souhaite que les efforts déployés par ces forces portent leurs fruits et parviennent à faire libérer tous les prisonniers, à leur redonner de la considération et à lever l’injustice qui s’est abattue sur nos populations.   Une visite de forces politiques et civiles françaises aux populations de la région s’est heurtée à une attaque féroce du pouvoir et des médias à son service. Comment évaluez-vous ce type de soutien ?   D. H. Nous sommes touchés par toute main tendue en ces jours difficiles et, toute voix humaine libre, nous l’accueillons avec amitié, pour la libération des prisonniers pour que soit mis un terme aux souffrances ainsi qu’à l’injustice qui s’est abattue sur notre population et nous n’accordons pas d’intérêt à ce que dit une certaine propagande qui a ignoré notre existence et nous découvre aujourd’hui.   Nous avons noté l’importance de la participation des femmes dans le mouvement de protestation. Comment l’expliquez-vous et quel est le rôle joué par la femme en ces moments critiques ?   D. H. Notre cause a conscientisé profondément et fortement tout le monde, qu’il s’agisse de femmes instruites ou non, car les femmes connaissent de l’intérieur et dans leur chair les raisons qui ont poussé au soulèvement pour un emploi digne. Mais maintenant la femme se sent impuissante et elle ne peut s’exprimer à cause du nombre effrayant des forces de police qui est en passe de dépasser celui de la population. Ces forces sont chargées de réprimer tout mouvement. Sans compter que la femme, la sœur, l’épouse ne craint pas seulement les coups et les arrestations mais elle craint ce que cela suppose en terme d’outrages. Et les populations en ont très peur. Mais dans tous les conseils et dans toutes les maisons la conversation tourne sur la situation et la cause des prisonniers. La femme en réalité ne fait qu’assumer son rôle naturel, ni plus ni moins.   Pendant le soulèvement et par la suite, la propagande officielle a dit que tous les problèmes à l’origine des protestations étaient réglés. Qu’en est -il ?   D. H. (long sourire) En tant que citoyenne je n’ai rien vu des allégations officielles. Je vais vous donner un exemple de la permanence de la même situation. Il y a de nombreux jeunes qui ont émigré clandestinement en Europe, or il sont toujours déclarés en tant que travailleurs dans le secteur des chantiers et de la sous-traitance et dans le même temps, certains touchent leur salaire si minime soit-il et le versent sur leur compte. Ceux qui utilisent ce type de méthodes concourent de façon importante à la tragédie de Rédeyef, à la misère de sa population et au pourrissement de la situation en terme de corruption permanente. Vous n’avez qu’à vous promener dans la petite ville de Rédeyef pour voir les chômeurs par dizaines dans les rues et les cafés. Même pour un emploi ponctuel payé de façon dérisoire il faut user de corruption pour l’obtenir. En conclusion, pour ce qui est des réalisations supposées, rien n’a été fait qui aille dans le sens de la résolution des problèmes de la région.   Quelle a été votre réaction à la nouvelle de la levée du gel de monsieur Adnane Hajji ?   D. H; Je crois sincèrement qu’Adnane n’a pas commis de crime qui mérite son gel de même qu’il n’a rien fait pour que ce gel soit levé, mais cette décision est correcte et de bon sens et elle aide l’affaire d’Adnane Hajji et l’affaire des emprisonnés du bassin minier en général.
 
Avez-vous un appel à lancer à la direction syndicale ?   D. H. Je remercie la direction syndicale pour son attitude et je l’exhorte à continuer son soutien jusqu’à la fin de cette injustice. Je considère que ses positions et ses manifestations vont dans le bon sens et représentent un point d’appui important pour les prisonniers et leur affaire, ce qui poussera en fin de compte le pouvoir à revoir ses positions. Enfin, j’apprécie les mobilisations des syndicalistes de tous secteurs et quelque soit leurs responsabilités.   Et avez-vous un appel à lancer au pouvoir en place ?   D. H. Je leur demande de recouvrer la raison et je leur dis que ces prisonniers n’ont commis aucun crime méritant une telle sanction. Je leur dis que les prisonniers ont besoin de leur liberté, que leurs familles, leurs épouses et leurs enfants ont besoin d’eux. Je les exhorte à mettre un terme à cette errance qui est la notre depuis l’incarcération de nos époux. Je leur dis : « révisez votre position sur la région et sa population maintenant et n’attendez pas demain »   Et avez-vous un appel pour les forces de l’opposition et de la société civile ?   D.H. N’arrêtez pas vos efforts inestimables pour lever cette injustice et ne dédaignez aucune action car chaque mot et chaque acte nous aide, nous renforce dans nos convictions et contribue à nous faire tenir.   Comment ont réagi les membres de la famille d’Adnane Hajji à sa condamnation ?   D. H. Adnane a une seule fille qui a souffert et a été en crise au début mais maintenant elle va mieux […]. De mon côté je fais ce que je peux en tant que mère pour lui rendre les choses moins lourdes, je m’oublie moi-même et mes problèmes en général. [….] Entrevue réalisée par Abdeljabbar Rguigui Source : El Maoukef (traduction d’extraits : Luiza Toscane)


L’Afrique et ses tripatouilleurs de Constitution

Nombre de chefs d’Etat suppriment les limitations de mandats pour s’éterniser au pouvoir

 
Les putschs, l’année dernière, en Guinée et en Mauritanie, ont provoqué une vague de protestations au sein de la communauté internationale. Mais il existe, en Afrique, une autre forme de coup d’Etat devant laquelle cette communauté reste bien silencieuse : les manipulations de Constitution pratiquées par des chefs d’Etat pour s’éterniser au pouvoir. Ces dernières années, elles se sont multipliées sur le continent. C’est un exploit en Afrique. Mais ailleurs, cela reste un fait ordinaire. John Agyekum Kufuor, le président ghanéen sortant, quitte le pouvoir après deux mandats sans avoir cherché à tripatouiller la Constitution pour s’y maintenir. Avant son retrait le 6 janvier, John Kufuor a même présenté ses excuses aux Ghanéens qu’il aurait offensé pendant ses huit ans de magistrature suprême. Voilà une belle leçon de sagesse et de respect de la Loi fondamentale d’un pays. Une leçon qui devrait servir à nombre de ses homologues africains. Au nigérien Mamadou Tandja, par exemple. Elu chef d’Etat en décembre 1999, le président du Niger, 70 ans, arrive au terme de son deuxième et dernier mandat en décembre 2009. Mais tout porte à croire que M. Tandja va s’accrocher à son fauteuil présidentiel. Cette année des appels, dits « spontanés », pour son maintien au pouvoir se sont multipliés. Dernier en date, celui de certains de ses partisans qui, lors d’une manifestation le 21 décembre à Niamey, la capitale du Niger, ont demandé au Parlement de prolonger de trois ans le mandat de Mamadou Tandja. « Nous demandons au président de la République d’accepter notre humble proposition et à l’Assemblée Nationale de la prendre en compte dans son ordre du jour, lors de ses prochaines sessions », avaient-ils déclaré. Ainsi, Mamadou Tandja se ferait prié par des Nigériens pour demeurer au pouvoir plus longtemps que ne lui permettent les dispositions légales. Ce scénario qui a un air de déjà vu ailleurs en Afrique, n’est rien d’autre qu’une manœuvre destinée à préparer l’opinion à une éventuelle modification ou contournement de la Constitution du Niger. Cela a été le cas au Togo en 2002. Les Nigériens l’ont bien compris. Mardi dernier, une vingtaine d’ONG et syndicats ont crée, à Niamey, le Front uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques (Fusad). Leur objectif : combattre une possible prolongation du mandat du président.

Ils ont déjà modifié la Constitution pour se maintenir au pouvoir

Abdelaziz Bouteflika (Algérie) : Le président algérien briguera, sans doute, un troisième mandat à la présidentielle d’avril 2009 après deux quinquennats. Il a fait modifier, en novembre 2008, la Constitution qui limitait le nombre de mandat à deux. Paul Barthélémy Biya (Cameroun) : Au pouvoir depuis 1982 , Paul Biya a supprimé en avril dernier la limitation du nombre de mandats à deux dans la Loi fondamentale du Cameroun. Il pourra se représenter à sa propre succession en 2011, après ce qui devait être son second et dernier septennat. Idriss Déby (Tchad) : La Constitution du Tchad a été modifiée en 2005 pour permettre au président d’être candidat à sa propre succession en 2006, et de conserver le pouvoir dont il s’est emparé depuis son coup d’État en 1990. Yoweri Museveni (Ouganda) : Le président ougandais a manipulé la Constitution de son pays en 2005 pour se maintenir au pouvoir. Il occupe le fauteuil présidentiel depuis qu’il l’a pris par les armes en 1986. Omar Bongo Ondimba (Gabon) : Au Gabon, la limitation du nombre de mandats a été supprimée en 2003 pour permettre au président Bongo, au pouvoir depuis 1967, de se présenter autant de fois qu’il le souhaite à une élection présidentielle. Blaise Compaoré (Burkina Faso) : Au pouvoir depuis son coup d’Etat en 1987, le président burkinabè avait supprimé la limitation du nombre de mandats en 1997 pour être candidat et réélu à la présidentielle de 2008. Il a restauré, en 2000, cette limitation à deux quinquennats. Zine Abidine Ben Ali (Tunisie) : En 2002, la Loi fondamentale de la Tunisie a été changée pour permettre au président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, de se présenter à sa propre succession à la présidentielle de 2004. La Constitution limitait le nombre de mandats présidentiels à trois. Feu Gnassingbé Eyadema (Togo) : Au Togo, le parlement a voté la non limitation de mandats, fin 2002, pour permettre à l’ancien président Gnassingbé Eyadema de se faire réélire pour un troisième mandat de cinq ans. Il était au pouvoir depuis 36 ans déjà. Feu Lansana Conté (Guinée) : L’ancien président guinéen avait fait voter la modification de la Constitution en 2002 pour lui permettre de se faire réélire à la tête de la Guinée en 2003 alors qu’il venait d’achever son second et dernier mandat.

Bouteflika, vers un troisième mandat

Ce qui, pour l’heure, n’est qu’une intention prêtée à Mamadou Tandja, a déjà été accompli par son homologue algérien. Abdelaziz Bouteflika, 71 ans, a fait sauter la limitation des mandats de la Loi fondamentale de son pays pour, dit-il, « permettre au peuple d’exercer son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa confiance en toute souveraineté ». Pour réaliser ce hold-up constitutionnel en novembre dernier, M. Bouteflika s’est appuyé sur le Parlement et le Sénat qui lui sont complètement acquis. Il saluera d’ailleurs le « patriotisme et le sens de la responsabilité » de ceux-là qui sont censés représentés le peuple. Président depuis 1999, après une élection anticipée, Abdelaziz Bouteflika peut désormais briguer, en toute tranquillité, un troisième mandat. Selon une analyse du Journal Chrétien, Bouteflika, réduit par la maladie, attendrait de réunir cinq conditions pour annoncer sa candidature à la prochaine présidentielle d’avril 2009, à savoir : obtenir le soutien de l’environnement international et national, rassurer les ONG et les journalistes étrangers, obtenir le soutien de l’environnement interne, connaître ses concurrents et enfin attendre le moment approprié. Au Cameroun, Paul Barthélémy Biya n’a pu, lui non plus, résister à la tentation de se maintenir dans son trône présidentiel. Le 31 décembre 2007, dans les vœux de nouvel an présentés à ses concitoyens, le président camerounais, au pouvoir depuis 1982, avait annoncé à ses compatriotes, son intention de gommer des textes constitutionnels la limitation du nombre de mandats. Celui qui a remplacé à la tête du Cameroun Ahmadou Ahidjo, parti volontairement pour des raisons de santé, a estimé que l’alinéa 2 de l’article 6 de la constitution qui limitait les mandats présidentiels à deux, s’oppose à la volonté populaire et « s’accorde mal avec l’idée même du choix démocratique… ». « Nous allons donc, dans cet esprit, réexaminer les dispositions de notre Constitution qui mériteraient d’être harmonisées avec les avancées récentes de notre système démocratique afin de répondre aux attentes de la grande majorité de notre population », avait-t-il déclaré. Début 2008, alors que les Camerounais, préoccupés par la hausse des prix des denrées alimentaires, manifestaient violemment dans les rues, Paul Barthélémy Biya leur fait une série de promesses dont la hausse des salaires de 15%, et, dans la foulée, profite pour mettre en exécution son plan. Cela a été une formalité puisque le Parlement est majoritairement dominé par sa formation politique, le RDPC [1]. La Loi fondamentale du Cameroun, revisitée, stipule désormais que le « Président de la République, élu pour sept ans, est rééligible ». Ainsi, Paul Biya, 75 ans, dont le deuxième septennat s’achève en 2011 pourrait être candidat à sa propre succession autant de fois qu’il voudra. Ce n’est pas tout. Le visionnaire président camerounais a anticipé les ennuis judiciaires au cas où il déciderait de prendre sa retraite. Les nouvelles dispositions de la Constitution lui conférent une immunité après son règne. Une veste que chacun coupe à sa mesure Paul Biya a ainsi rejoint, cette année, la longue liste des chefs d’Etats qui ont modifié la Constitution de leur pays (Idriss Déby, Omar Bongo Ondimba, Zine Abidine Ben Ali…) pour se maintenir au pouvoir. La liste va sans doute s’allonger au cours des prochaines années. La Constitution en Afrique n’est finalement rien d’autre qu’un outil juridique qui permet aux Chefs d’Etat de réaliser leur dessein personnel. La constitution, comme le dit la chanson, est devenue une veste que chacun coupe, taille et recoud à sa mesure. [1] Rassemblement démocratique du peuple camerounais

 
(Source: Afrik.com le 10 janvier 2009)

 

 

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