11 janvier 2009

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TUNISNEWS

8 Úme année, N° 3155 du 11.01.2009

 archives : www.tunisnews.net  


L’Observatoire pour la protection des dĂ©fenseurs des droits de l’Homme: Justice doit ĂȘtre faite lors du procĂšs en appel « des 38 de Gafsa » ! Collectif nantais de soutien aux Tunisiens de RĂ©deyef : ProcĂšs de Gafsa : les 33 condamnĂ©s en appel le 12 janvier
MaĂźtre Houcine Bardi : ProcĂšs du 11 dĂ©cembre 2008 devant le tribunal pĂ©nal de Gafsa – Rapport d’observations judiciaires
 Appel des artistes tunisiens: « GHAZA DANS NOS YEUX » Institut Arabe des Droits de l’Homme: APPEL PRESSANT A L’UNION EUROPEENNE El Maoukef: Rencontre avec l’Ă©pouse du militant emprisonnĂ© Adnane Hajji Afrik.com : L’Afrique et ses tripatouilleurs de Constitution


Liste actualisĂ©e des signataires de l’initiative du Droit de Retour : http://www.manfiyoun.net/fr/listfr.html Celles et Ceux qui veulent signer cet appel sont invitĂ©s Ă  envoyer leur: Nom, Pays de rĂ©sidence et AnnĂ©e de sortie de la Tunisie sur le mĂ©l de l’initiative : manfiyoun@gmail.com

L’Observatoire pour la protection des dĂ©fenseurs des droits de l’Homme

Tunisie Justice doit ĂȘtre faite lors du procĂšs en appel « des 38 de Gafsa » !

 
vendredi 9 janvier 2009 L’Observatoire pour la protection des dĂ©fenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la FĂ©dĂ©ration internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), appelle la justice tunisienne Ă  respecter les standards tunisiens et internationaux relatifs aux garanties du droit Ă  un procĂšs Ă©quitable dans la procĂ©dure d’appel de l’affaire dite « des 38 de Gafsa ». Le 13 janvier 2009, l’appel de la condamnation dans l’affaire des « 38 de Gafsa », accusĂ©s d’avoir menĂ© le mouvement de protestation sociale sans prĂ©cĂ©dent qui secoue la Tunisie depuis janvier 2008, se tiendra devant la Cour d’appel de Gafsa. Le 11 dĂ©cembre 2008, la Chambre criminelle du Tribunal de premiĂšre instance de Gafsa avait prononcĂ© son verdict contre les 38 prĂ©venus, accusĂ©s de « participation Ă  une entente criminelle en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens, rĂ©bellion armĂ©e commise par plus de dix personnes et troubles Ă  l’ordre public ». A l’issue de ce procĂšs, 33 personnes ont Ă©tĂ© condamnĂ©es Ă  des peines allant de deux ans d’emprisonnement avec sursis Ă  dix ans et un mois de prison et cinq personnes ont Ă©tĂ© relaxĂ©es. Les droits de la dĂ©fense des membres du mouvement de protestation n’ont pas Ă©tĂ© respectĂ©s. Le verdict a ainsi Ă©tĂ© rendu en l’absence de plaidoirie de la dĂ©fense et d’interrogatoire des prĂ©venus, et en ne tenant pas compte d’élĂ©ments de l’ordonnance de clĂŽture du juge d’instruction faisant mention des stigmates physiques (traces de coups, hĂ©matomes) qu’il avait constatĂ©s sur 10 des 38 prĂ©venus. PrĂ©occupĂ© par les violations graves du droit Ă  un procĂšs Ă©quitable en premiĂšre instance, l’Observatoire a dĂ»ment saisi les procĂ©dures spĂ©ciales de protection des droits de l’Homme compĂ©tentes au sein des Nations unies et de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, soulignant que ces actes de rĂ©pression visent uniquement Ă  sanctionner la libertĂ© de rĂ©union pacifique et les activitĂ©s de dĂ©fense des droits de l’Homme des dirigeants du mouvement de Gafsa. Comme lors de l’audience de premiĂšre instance, l’Observatoire, en collaboration avec le Barreau de Paris et le RĂ©seau euro-mĂ©diterranĂ©en pour les droits de l’Homme, dĂ©pĂȘchera un observateur indĂ©pendant lors de l’audience du 13 janvier. En outre, l’Observatoire appelle la communautĂ© internationale Ă  suivre de prĂšs le dĂ©roulement de ce procĂšs symbolique. Entre autres, l’Observatoire appelle ainsi les missions des États membres de l’Union europĂ©enne (UE) et la dĂ©lĂ©gation de la Commission europĂ©enne Ă  assister au procĂšs, conformĂ©ment aux Lignes directrices de l’UE sur les dĂ©fenseurs des droits de l’Homme. Enfin, l’Observatoire demande aux autoritĂ©s tunisiennes de cesser tout acte de rĂ©pression envers l’ensemble des dĂ©fenseurs des droits de l’Homme, de se conformer aux dispositions de la DĂ©claration sur les dĂ©fenseurs des droits de l’Homme, adoptĂ©e par l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies le 9 dĂ©cembre 1998, et, plus gĂ©nĂ©ralement, se conformer aux dispositions de la DĂ©claration universelle des droits de l’Homme et instruments rĂ©gionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiĂ©s par la Tunisie. Pour plus d’informations, merci de contacter : FIDH : GaĂ«l Grilhot / Karine Appy : + 33 1 43 55 25 18 OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39

Collectif nantais de soutien aux Tunisiens de Rédeyef

ProcÚs de Gafsa :  les 33 condamnés en appel le 12 janvier.

          Souvenez-vous, le 11 dĂ©cembre dernier la Chambre criminelle du Tribunal de premiĂšre instance de Gafsa (Sud ouest de la Tunisie) a prononcĂ© un verdict trĂšs lourd contre 33 prĂ©venus faussement accusĂ©s de « participation Ă  une entente criminelle en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens, rĂ©bellion armĂ©e et troubles Ă  l’ordre public ».  En fait des animateurs d’un mouvement de protestation sociale qui secoue le bassin minier depuis janvier 2008.          Des syndicalistes, des enseignants, des ouvriers, de jeunes chĂŽmeurs qui se sont Ă©levĂ©s contre le chĂŽmage (supĂ©rieur Ă  21%), l’injustice et la vie chĂšre. A RĂ©deyef, ville de 30 000 habitants 20 000 sont descendus dans la rue !          Pourtant Ă  la demande de nĂ©gociation en vue de redresser l’économie de cette rĂ©gion miniĂšre depuis longtemps dĂ©laissĂ©e, le gouvernement tunisien a rĂ©pondu par une rĂ©pression de plus en plus dure. Trois morts, de trĂšs nombreux blessĂ©s, plus de 200 personnes poursuivies, des dizaines d’entre elles torturĂ©es dans les prisons, RĂ©deyef maintenue en Ă©tat de siĂšge, les perquisitions, les pressions sur les familles, la chasse aux jeunes incessantes, et enfin ces procĂšs qui se sont affranchis du respect de la lĂ©galitĂ© : pas d’audience des prĂ©venus, pas de plaidoirie d’avocats, pas d’énoncĂ© public des verdicts. Le prĂ©sident a dĂ©clarĂ© la sĂ©ance ouverte, a annoncĂ© que les verdicts avaient Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©s et Ă  clos la sĂ©ance aussitĂŽt, invitant les avocats Ă  prendre connaissance des dĂ©cisions du tribunal auprĂšs du secrĂ©tariat !!! Du jamais vu. MĂȘme pas fait semblant de tenir une sĂ©ance de tribunal ! Le 11 dĂ©cembre, 33 personnes ont ainsi  Ă©tĂ© condamnĂ©es Ă  des peines allant de deux ans avec sursis Ă  dix ans de prison. Pour avoir seulement exprimĂ© leurs revendications lĂ©gitimes de travail, de pain et de justice. Leur procĂšs en appel se tient mardi 13 janvier prochain. Pour exprimer notre solidaritĂ© avec nos ami-e-s tunisien-ne-s de RĂ©deyef doublement victimes de la pauvretĂ© et de la rĂ©pression, mais exemplaires par leur lutte massive et dĂ©terminĂ©e, nous vous invitons Ă  vous joindre à  un                                          Rassemblement                                       lundi 12 janvier                                  Ă  18 heures place Royale.           C’est pourquoi, aprĂšs les manifestations de soutien et la grĂšve de la faim organisĂ©s par les nantais originaires de RĂ©deyef au printemps, un collectif de soutien animĂ© et soutenu par un grand nombre d’organisations politiques, syndicales et d’associations s’est constituĂ© Ă  la rentrĂ©e afin de mobiliser l’opinion publique en faveur de nos camarades tunisiens et de contraindre les gouvernements français et europĂ©ens Ă  condamner la politique de rĂ©pression aveugle et brutale mise en Ɠuvre en Tunisie par le gouvernement de monsieur Ben Ali.    Relaxe de tous les prĂ©venus ! Justice et libertĂ© pour le peuple de RĂ©deyef ! AC ! Nantes, ConfĂ©dĂ©ration Française DĂ©mocratique du Travail (CFDT), ConfĂ©dĂ©ration GĂ©nĂ©rale du Travail (CGT), ConfĂ©dĂ©ration Nationale du Travail (CNT), ConfĂ©dĂ©ration Syndicale des Familles (CSF), FĂ©dĂ©ration Syndicale Unitaire (FSU), GASProm-ASTI de Nantes, Les Alternatifs, Les Verts, Ligue Communiste RĂ©volutionnaire (LCR), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Mouvement contre le Racisme et pour l’AmitiĂ© entre les Peuples (MRAP), Parti Communiste Français (PCF), Parti Socialiste (PS), Union DĂ©mocratique Bretonne (UDB), Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), Union syndicale Solidaires, Washma
    


 

PROCÈS DU 11 DÉCEMBRE 2008 DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL DE GAFSA

RAPPORT D’OBSERVATIONS JUDICIAIRES

MaĂźtre Houcine BARDI

Docteur en Droit / Avocat au Barreau de Paris

 

1)     MANDAT

MandatĂ© par le ComitĂ© pour le Respect des LibertĂ©s et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), et la FĂ©dĂ©ration des Tunisiens pour une CitoyennetĂ© des Deux Rives (FTCR), deux associations de droit français, j’ai pu assister, en qualitĂ© d’observateur judiciaire, au procĂšs des « 38 » accusĂ©s dans la principale[1] affaire judiciaire du bassin minier de Gafsa.

2)     LE CONTEXTE

Suite Ă  l’annonce des rĂ©sultats du concours de recrutement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), dans le Sud-ouest tunisien, les habitants du bassin minier (Redayef, Metlaoui, OumlarĂšs, M’dhilla
) se sont rĂ©voltĂ©s, dĂšs le 5 janvier 2008, pour montrer leur insatisfaction.

La CPG (sociĂ©tĂ© appartenant Ă  l’État tunisien) est le principal employeur de la ville de Gafsa. Les postes d’emploi y sont attribuĂ©s selon des quotas, dont certains revenaient jusqu’ici aux familles des victimes de l’extraction miniĂšre, d’autres au syndicat des mineurs, etc.

Des grĂšves de la faim, des sit-in, des marches et des manifestations pacifiques ont Ă©tĂ© organisĂ©es par les habitants de Gafsa durant plusieurs mois pour exiger, des autoritĂ©s, des postes d’emploi, notamment pour les plus dĂ©munis.

Face Ă  cette montĂ©e du mouvement de protestation sociale dans la rĂ©gion, les autoritĂ©s ont dĂ©pĂȘchĂ© un nombre considĂ©rable de forces de l’ordre, qui ont Ă©tĂ© rapidement renforcĂ©es par une prĂ©sence massive de l’armĂ©e. Les habitants du Bassin minier parlent d’un « état de siĂšge » 


L’installation dans la durĂ©e du mouvement de protestation a donnĂ© naissance Ă  une coordination locale, supervisĂ©e essentiellement par des syndicalistes de la ville de Redayef, dĂ©nommĂ© « Mouvement de protestation sociale de Redayef ».

Une DĂ©lĂ©gation chargĂ©e de nĂ©gocier avec les autoritĂ©s locales en a Ă©tĂ© issue. Elle Ă©tait composĂ©e de MM. Adnane HAJI (dĂ©lĂ©guĂ© syndical), BĂ©chir ABIDI (dĂ©lĂ©guĂ© syndical), Ali R’HILI (SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral de l’Union syndicale locale), Mohamed KHLAYFI (Ancien dĂ©putĂ© et dĂ©lĂ©guĂ© syndical), et M. Ali BOUIHI.

Cette dĂ©lĂ©gation a participĂ© Ă  au moins trois rĂ©unions officielles avec les autoritĂ©s locales : le 02/05/08 (Ă  la Mairie de Redeyef), le 20/05/08 (au siĂšge de l’inspection du travail de Redeyef) et le 26/05/08. Ont pris part Ă  ces rĂ©unions, outre les reprĂ©sentants de la commission de nĂ©gociation, le Gouverneur de la ville de Redeyef, le Maire de ladite ville, des dirigeants de la Compagnie des Phosphates de Gafsa, et des inspecteurs du travail.

Avec l’extension du mouvement de protestation Ă  d’autres villes de la rĂ©gion du bassin minier de Gafsa, une coordination nationale dĂ©nommĂ©e « ComitĂ© national de soutien aux habitants du bassin minier », a Ă©galement vu le jour. De mĂȘme qu’un « ComitĂ© de soutien aux habitants du Bassin minier de Gafsa » a Ă©tĂ© créé Ă  Paris, et un mouvement de solidaritĂ© similaire a vu le jour Ă  Nantes oĂč rĂ©side un nombre relativement important de Tunisiens originaires de la Ville de Redeyef.

Les associations civiles tunisiennes, telles que la Ligue Tunisienne de DĂ©fense des Droits de l’Homme (LTDH), le Conseil National pour les LibertĂ©s en Tunisie (CNLT), le ComitĂ© pour le Respect des LibertĂ©s et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) ainsi que plusieurs Unions rĂ©gionales de l’Union GĂ©nĂ©rale Tunisienne du Travail (UGTT), tout autant que les partis d’opposition tels que le Forum DĂ©mocratique pour le Travail et les LibertĂ©s (FDTL), le Parti DĂ©mocratique Progressiste (PDP) et le Parti ATTAJDID (pour ne citer que les partis lĂ©gaux), et des associations comme l’Association tunisienne des Femmes dĂ©mocrates (ATFD, prix des droits de l’Homme de la RĂ©publique française 2008) ont clairement exprimĂ© leur soutien Ă  ce mouvement pacifique de protestation sociale


Les nĂ©gociations engagĂ©es tant avec les autoritĂ©s locales qu’avec les ministres envoyĂ©s sur place par le Gouvernement ont toutes Ă©chouĂ©. Il semblerait, en effet, que les propositions d’embauche faites par les autoritĂ©s, Ă©taient trĂšs en deçà des aspirations de la population. Il convient de rappeler Ă  ce sujet que le taux de chĂŽmage dans la rĂ©gion de Gafsa est nettement au dessus du double de la moyenne nationale (estimĂ©e, officiellement, Ă  plus de 14%)

Le mouvement de protestation s’est donc poursuivi, entrainant dans son sillage un grand nombre d’arrestations (notamment parmi les leaders) et de condamnations (judiciaires).

Le procÚs organisé le 11/12/08, devant le tribunal pénal de Gafsa (statuant en matiÚre de crimes) intervient suite à plusieurs autres procÚs ayant abouti à la condamnation (à de plus ou moins lourdes peines) de la plupart des accusés (les cas de relaxe ont été rares
)

L’importance du prĂ©sent procĂšs dĂ©coule Ă  la fois du grand nombre d’accusĂ©s : 38, dont 2 considĂ©rĂ©s « en Ă©tat de fuite »[2], et de la qualitĂ© de ceux qui en font l’objet : « chefs d’une entente (criminelle) », selon l’accusation ; « leaders du mouvement de protestation pacifique de Gafsa » dĂ»ment mandatĂ©s par les habitants dans le cadre des nĂ©gociations avec les autoritĂ©s locales, selon la dĂ©fense


3)     QUELQUES OBSERVATIONS PRELIMINAIRES EN MARGE DU PROCÈS

Je voudrais tout d’abord relater quelques faits qu’il m’a Ă©tĂ© donnĂ© de constater en dehors du palais de justice de Gafsa, et qui, tout en Ă©tant mineurs, ne sont nullement anodins.

Sur la route qui nous conduisait vers Gafsa, nous avons Ă©tĂ© (trois jeunes avocats du Barreau de Tunis, et moi-mĂȘme) contrĂŽlĂ©s Ă  trois reprises. A chaque fois il s’agissait de « barrages sĂ©lectifs » de la gendarmerie appuyĂ©e par des policiers en civil, qui semblaient bien connaĂźtre mes compagnons, puisqu’ils les appelaient de leurs noms
 et s’enquerraient (surtout) de la prĂ©sence, dans la voiture, de « l’inconnu » que j’étais !

Le premier contrĂŽle s’est dĂ©roulĂ© de maniĂšre presque « cordiale », avec un air plutĂŽt amusĂ© de la part de mes compagnons, qui ont adressĂ© quelques blagues cyniques Ă  l’endroit des agents
 plutĂŽt souriants.

Les deux suivants ont failli dĂ©gĂ©nĂ©rer, puisque les « contrĂŽleurs » voulaient carrĂ©ment immobiliser le vĂ©hicule
 ce qui a obligĂ© mes co-voituriers Ă  dĂ©noncer (par tĂ©lĂ©phone) auprĂšs de M. le BĂątonnier ESSID, cette « atteinte caractĂ©risĂ©e au droit Ă  la libertĂ© de circulation » 

C’est lors d’un contrĂŽle similaire, en date du 04/12/08, que la dĂ©lĂ©gation de l’Association Tunisienne des Femmes DĂ©mocrates a Ă©té  « refoulĂ©e ».

Au bout de 10 Ă  15 minutes d’attente, « l’ordre » a Ă©tĂ© donnĂ© de nous laisser repartir.

ArrivĂ©s Ă  proximitĂ© du Palais de Justice de Gafsa, vers 08H30 du matin, j’ai Ă©tĂ© impressionnĂ© par la prĂ©sence, le moins que l’on puisse dire, massive des policiers (toutes brigades confondues
).

Un barrage a Ă©tĂ© dressĂ© Ă  l’entrĂ©e du parking du Palais. Des policiers nous en ont interdit l’accĂšs. C’était sans compter avec l’obstination de mes compagnons : « C’est le parking rĂ©servĂ© aux auxiliaires de justice, dont nous faisons partie, et vous n’avez nullement le droit de nous en interdire l’accĂšs » ont rĂ©torquĂ© Ă  l’unisson mes trois confrĂšres.

Quelques minutes de « nĂ©gociation » avec, entre autres, des agents civils, ont Ă©tĂ© « nĂ©cessaires » pour lever le barrage, et nous « autoriser exceptionnellement » de stationner le vĂ©hicule dans l’emplacement qui lui Ă©tait, pourtant, rĂ©servé 

Avant d’atteindre la porte du Palais, une femme (la quarantaine, face blĂȘme
) s’est prĂ©cipitĂ©e vers nous (j’ai compris par la suite qu’il s’agissait de l’épouse de M. Fahem BOUKADDOUS, le journaliste de « Al Hiwar Attounsi », accusĂ© en Ă©tat de fuite, parmi « les 38 ») et a priĂ© mes accompagnateurs de la faire rentrer avec eux au Palais
 car l’accĂšs lui a Ă©tĂ© refusĂ©, par les trĂšs nombreux policiers qui gardaient l’entrĂ©e du Tribunal.

Nouvelle « palabre » —quelque peu virulente en raison des propos vĂ©hĂ©ments tenus par un agent rĂ©pondant au nom de YOUSSEF— entre le petit groupe d’avocats (qui a improvisĂ© un « cordon » afin de protĂ©ger la malheureuse
 qui s’était, semble-t-il, fait agresser lors de l’audience du 04/12/08 devant la mĂȘme juridiction) et non moins d’une dizaine d’agents civils et en tenues. Un appel tĂ©lĂ©phonique —de l’un d’entre eux— Ă  un « haut responsable » a permis d’obtenir le « laissez-passer » pour tous


4)   LE PROCES

A)   La liste des accusés

Sur les soixante personnes (tous des hommes[3] du gouvernorat de Redeyef) poursuivies initialement par le ministĂšre public, une vingtaine a pu bĂ©nĂ©ficier d’un non-lieu, au cours de leur audition par le juge d’instruction


NOM ET PRENOM

DATE DE NAISSANCE ET PROFESSION

 

1) Adnane HAJI

25/10/1958 / Instituteur

 

2) Adel JAYAR

22/01/1969 / Professeur de l’enseignement secondaire

 

3) Bechir ABIDI

21/01/1954 / Instituteur

 

4) Tarak HLAYMI

16/11/1965 /  Instituteur

 

5) Tayeb Ben OTHMANE

06/10/1970 / Instituteur

 

6) Hassane Ben abdallah

10/08/1975 / Travailleur journalier

 

7) Maher Fajraoui

11/08/1976 / Ouvrier-boulanger

 

8) Ali JDIDI

02/11/1972 / Travailleur journalier

 

9) Haroun Hlaymi

06/07/1981 / Etudiant

 

10) Mdhaffar ABIDI

11/05/1985 /  ElÚve

 

11) Ghanem CHRAYTI

22/04/1983/  Travailleur journalier

 

12) Abid KHLAYFI

02/07/1973 / secrĂ©taire de gestion Ă  l’ISSPT de Gafsa

 

13) Rachid ABDAOUI

 

 

14) Ridha AMAYDI

03/01/1966 / Instituteur

 

15) Abdessalam HELALI

07/01/1960 / Instituteur

 

15) Hafnaoui BEN OTHMANE

06/10/1970 / Instituteur

 

16) Sami AMAYDI

13/11/1978 / Travailleur journalier

 

17) Fayçal BEN AMOR

13/06/1978 / Travailleur journalier

 

18) Ridha AZEDDINI

25/03/1974 Travailleur dans les chantiers de l’environnement

 

19) Mahmoud RADDADI

05/10/1968 / Travailleur journalier

 

20) Boubakar BEN BOUBAKAR

12/09/1972/ Travailleur journalier

 

21) Hafnaoui BEN OTHMANE

29/10/1973 / Travailleur journalier

 

22) Hédi BOUSLAHI

17/07/1973/ Travailleur journalier

 

23) Thameur MAGHZAOUI

20/12/1977/ Travailleur journalier

 

24) Issam FAJRAOUI

27/03/1981/ Travailleur journalier

 

25) Mouadh AHMADI

09/02/1974/ Travailleur journalier

 

26) Abdallah FAJRAOUI

11/12/1978 / Travailleur journalier

 

27) Mohamed BALDI

01/04/1983/  Mécanicien

 

28) Makram MAJDI

20/10/1982/ Travailleur journalier

 

29) Othmane BEN OTHMANE

19/06/1983 / Travailleur journalier

 

30) Mahmoud HLALI

07/01/1960 /  Instituteur

 

31) Mohsen AMAYDI

23/01/1978 /  Etudiant

 

32) Radouane BOUZAYENE

30/04/1974/ Travailleur journalier

 

33) Habib KEDIRI (TABBABI)

11/8/1974 /  Travailleur journalier

 

34) IsmaĂŻl JOUHRI

26/09/1977 / Mécanicien

 

35) Lazhar BEN ABDELMALAK

02/01/1959 / Instituteur

 

36) Boujemaa CHRAYTI

22/04/1983 / Travailleur journalier

 

37) Fahem BOUKADDOUS

09/10/1970 / Journaliste

 

38) Mohieddine CHERBIB

30/08/1952 / Immigré en France

 

 

B)   Les chefs d’accusation

Pour les accusés de (1) à (36), il a été retenu les accusations suivantes :

« Appartenance Ă  une bande ; participation Ă  une entente en vue de prĂ©parer et commettre une agression contre les biens et les personnes ; participation Ă  une rĂ©bellion provoquĂ©e par plus de dix personnes avec usage d’armes et durant laquelle il y a eu agression d’un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ; entrave Ă  la circulation dans les voies publiques ; participation Ă  une rĂ©bellion provoquĂ©e par des discours prononcĂ©s dans des lieux et rĂ©unions publics, par des affiches, des communiquĂ©s et imprimĂ©s ; dĂ©gradation, sciemment, de bien d’autrui ; fabrication et dĂ©tention d’outils et d’instruments incendiaires sans autorisation ; jets de corps solides contre les biens d’autrui ; provocation de bruit et de tapages dans un lieu public ; distribution, vente et exposition de publications destinĂ©es Ă  la diffusion en vue de troubler l’ordre public ; collecte de dons sans autorisation ; mise Ă  disposition de locaux et assistance financiĂšre aux membres d’une association de malfaiteurs. Faits rĂ©primĂ©s par les articles : 32-131-132-133-119-118-121-121 ter-304-320-316 du Code PĂ©nal et les dĂ©crets du 21 dĂ©cembre 1944, du 18 juin 1894 et celui du 02 avril 1953  »

Pour les accusés Fahem BOUKADDOUS (n°37) et Mohieddine CHERBIB (n°38) :

« AdhĂ©sion Ă  une bande ; participation Ă  une entente visant Ă  prĂ©parer et Ă  commettre des agressions contre des personnes et des biens ; distribution, vente, exposition et dĂ©tention, dans l’intention de les diffuser, de documents susceptibles de troubler l’ordre public dans un but propagandiste »

Les avocats de la dĂ©fense rĂ©sumeront, communĂ©ment, cette sĂ©rie impressionnante d’accusations sous la simple appellation : « AFFAIRE DE L’ENTENTE ».

Il s’agit bien Ă©videmment d’accusations extrĂȘmement graves, faisant encourir aux auteurs prĂ©sumĂ©s jusqu’à 10 ans d’emprisonnement (article 119 du CPT), « sans prĂ©judice des peines Ă©dictĂ©es (
) contre l’auteur des coups et blessures  ». C’est l’application des peines prĂ©vues pour ce dernier dĂ©lit, qui ajoutera des mois supplĂ©mentaires aux annĂ©es d’emprisonnement prononcĂ©es Ă  l’encontre de certains accusĂ©s


 

C)   Le dĂ©roulement de l’audience

Peu de temps avant l’ouverture de l’audience, M. le BĂątonnier BĂ©chir ESSID a convoquĂ© ses confrĂšres dans la bibliothĂšque de l’Ordre des avocats, pour dĂ©battre de la stratĂ©gie de dĂ©fense Ă  adopter.

La question Ă  laquelle il fallait rĂ©pondre pourrait ĂȘtre rĂ©sumĂ©e ainsi : doit-on rĂ©itĂ©rer les demandes relatives aux exceptions de nullitĂ© et aux complĂ©ments d’enquĂȘte et d’information (lesquelles doivent ĂȘtre soulevĂ©es in limine litis, avant tout dĂ©bat au fond) ; et dans le cas oĂč lesdites exceptions sont Ă©cartĂ©es (d’une maniĂšre ou d’une autre) par le tribunal, qu’est-ce qu’il conviendrait de faire ? DĂ©fendre l’affaire au fond, ou se retirer en signe de protestation contre le non-respect des droits de la dĂ©fense ?

Plusieurs avocats ont pris la parole. Les avis Ă©taient divergents. Il m’a tout de mĂȘme semblĂ© qu’une majoritĂ© relative (parmi les prĂ©sents) penchait plutĂŽt vers l’engagement de la dĂ©fense au fond, dans le cas oĂč le tribunal « ignorerait » ce que les avocats tunisiens appellent « les demandes prĂ©liminaires ».

Toujours est-il que les avocats n’ont pas eu suffisamment de temps pour arrĂȘter dĂ©finitivement leur « stratĂ©gie ». Quelqu’un est venu nous annoncer que l’on avait fait venir les accusĂ©s. L’indĂ©cision des avocats de la dĂ©fense ne sera pas sans incidence sur le dĂ©roulement des dĂ©bats, tout autant que sur l’issue expĂ©ditive du procĂšs


Le dispositif policier qui Ă©tait dĂ©jĂ  impressionnant (dans l’enceinte mĂȘme du palais) au dĂ©but de la rĂ©union des avocats, est devenu (Ă  l’issue de cette mĂȘme rĂ©union) l’est devenu plus encore ensuite, notamment dans la salle d’audience (de taille moyenne) occupĂ©e, pour moitiĂ© au moins, par les forces de l’ordre et les agents civils


Les avocats de la dĂ©fense Ă©taient Ă©galement trĂšs nombreux. Il y avait, outre M. le BĂątonnier ESSID, son prĂ©dĂ©cesseur le BĂątonnier Abdessattar BEN MOUSSA, Me Ahmed NĂ©jib CHEBBI (PrĂ©sident du PDP, et candidat dissident Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 2009), Me Mokhtar TRIFI (PrĂ©sident de la LTDH), ainsi que son fils le jeune avocat Bassam TRIFI, Me Radhia NASRAOUI (PrĂ©sidente de l’ALTT), Me Ayachi HAMMAMI, Me SaĂŻda GARRACHE, Me Chokri BELAÏD, Me Abdennaceur LAOUINI, Me Karim
, Me Ali KALTHOUM, Me Zouhayr YAHYAOUI, Me Ridha RADDADI, Me Faouzi BEN M’RAD, Me CHAMAKHI, Me BEN THABET, Me ALIMI, Me HENCHIRI, Me FAJRAOUI, Me EL MEDDEB, Me THLIJANI, Me BEN BOUBAKEUR, Me TEBBASSI, Me Salem S’HIMI, Me SGHAIER, Me MLAOUAH, Me ABIDI, Me TARCHEK, Me BEN HAMMOUDA, Me HAMDI, Me ISSAOUI, Me HAMDI, Me BOUSLAH, Me JARBAOUI, Me AMARA, Me ZAROUANI, Me TROUDI, Me BEN YOUSSEF, Me KEDDIS, Me ZENDAH, Me RABHI, Me MANNAÏ, Me KAROUI, Me S’OUDI, Me KHERAYFI, Me MECHICHI, Me CHARNI, Me KRICHI, Me MOUMNI, Me TOUKABRI, Me BUSLAH
[4] En outre il y avait les avocats constituĂ©s et qui n’ont pu assister Ă  l’audience du 11/12/08, tels que Me J’MOUR, Me ABBOU, Me KOUSRI, etc. En tout, pas moins de 124 avocats de toute la Tunisie, tous constituĂ©s bĂ©nĂ©volement pour dĂ©fendre les 38 accusĂ©s.

L’ensemble de la sociĂ©tĂ© civile et politique tunisienne (indĂ©pendante) Ă©tait elle aussi prĂ©sente : la LTDH, AI-Tunisie, le CNLT, l’ATFD, l’UGTT, sans compter les associations dont les membres ont Ă©tĂ© « refoulĂ©s » telle que « L’OBSERVATOIRE POUR LA LIBERTE DE LA PRESSE ET DE L’EDITION » ; les partis politiques (ATTAJDID, PDP, FDTL PCOT, PTPD, PSG)

Parmi les observateurs internationaux j’ai remarquĂ© la prĂ©sence d’un reprĂ©sentant de la Commission europĂ©enne ; un reprĂ©sentant du syndicat FSU (France) ; la chargĂ©e des affaires politiques de l’ambassade amĂ©ricaine (Mme Tina D. SAHA), ainsi que mon confrĂšre Antoine AUSSEDAT du Barreau de Paris (mandatĂ© par la FIDH, le REMDH et l’Ordre des Avocats de Paris)

Le PrĂ©sident GARGOURI (Ă  la tĂȘte d’une formation collĂ©giale de cinq juges) a ouvert l’audience en donnant la parole aux avocats de la dĂ©fense. Il a sans doute estimĂ© qu’il n’était pas « nĂ©cessaire » de lire au prĂ©alable l’acte d’accusation ! (comme l’exige l’article 143 alinĂ©a 3 CPP : « Il est ensuite donnĂ© connaissance des piĂšces du dossier ») (PremiĂšre irrĂ©gularitĂ© procĂ©durale)

Cinq avocats se sont succĂ©dĂ©s Ă  la barre : Le BĂątonnier (en exercice) Me BĂ©chir ESSID, Me Radhia NASRAOUI, Me Chokri BELAÏD, le BĂątonnier Abdessattar BEN MOUSSA et Me Ali KALTHOUM.

Les trois principales plaidoiries (Me BEN MOUSSA, Me KALTHOUM et Me BELAÏD, qui nous ont remis leurs Ă©critures) ont soulevĂ©, in limine litis, les irrĂ©gularitĂ©s suivantes :

1)     SUR LA NON PRÉSENTATION DES SCELLÉS ET AUTRES PIÈCES À CONVICTION

L’accusation de « constitution d’une entente criminelle » a Ă©tĂ© fondĂ©e sur la saisie d’un certain nombre d’armes (blanches) (et d’armes par destination), ainsi que des disques compacts, des banderoles (portant les inscriptions suivantes  : « droit au travail pour le fils de l’ouvrier et du dĂ©shĂ©ritĂ© » ; « donnez-nous du travail, sinon ne rĂ©primandez pas les chĂŽmeurs s’ils la dĂ©clenchent » ; «  du travail non des promesses creuses» ; « pas de dignitĂ© sans emploi stable »; « oui pour l’emploi stable qui sauvegarde la dignitĂ©, oui pour notre part de la richesse nationale, oui pour les vrais projets de dĂ©veloppement dans la rĂ©gion »), un tĂ©lĂ©phone portable, une camĂ©ra, des communiquĂ©s et des tracts…

Aucune de ces preuves n’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e Ă  la dĂ©fense.  Ce qui constitue une atteinte on ne peut plus grave au principe du contradictoire (et Ă  l’égalitĂ© des armes), Ă  la publicitĂ© des dĂ©bats, et plus gĂ©nĂ©ralement aux droits de la dĂ©fense.

2)     SUR L’IMPORTANCE DES PROCÈS-VERBAUX CONSTATANT LES RENCONTRES OFFICIELLES ENTRE LES MEMBRES DE « L’ENTENTE » ET LES AUTORITÉS LOCALES

Plusieurs rĂ©unions officielles ont eu lieu entre, d’une part, « le comitĂ© de nĂ©gociation » composĂ©e de Messieurs : Adnane HAJI (dĂ©lĂ©guĂ© syndical) ; BĂ©chir ABIDI (dĂ©lĂ©guĂ© syndical) ; Ali R’HILI (SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral de l’Union syndicale locale) ; Mohamed KHLAYFI (Ancien dĂ©putĂ© et dĂ©lĂ©guĂ© syndical) ; M. Ali BOUIHI ; et les autoritĂ©s locales reprĂ©sentĂ©es notamment par M. le gouverneur de la ville de Redeyef, le maire, ainsi que cinq dirigeants de la compagnie des phosphates de Gafsa et quatre inspecteurs du travail de la ville de Metlaoui.

La dĂ©fense accorde une importance capitale Ă  ces procĂšs-verbaux, dans la mesure oĂč ils apportent la preuve de l’inexistence de « l’entente » allĂ©guĂ©e par l’accusation.

Dans leurs Ă©critures, les avocats disent avoir remis au tribunal des copies des procĂšs-verbaux dont s’agit.

3)     SUR LE DROIT D’ENTENDRE ET D’INTERROGER LES TÉMOINS

Les avocats de la dĂ©fense soutiennent qu’il ne leur a pas Ă©tĂ© donnĂ© d’interroger les tĂ©moins Ă  charge ; qu’il n’a pas Ă©tĂ© fait droit Ă  leur demande d’entendre les tĂ©moins Ă  dĂ©charge (le prĂ©cĂ©dent gouverneur de Redeyef, le maire de la ville, les inspecteurs du travail, les dirigeants de la sociĂ©tĂ© des phosphates de Gafsa, ainsi qu’un certain Omar TAKROUNI, haut officier dans l’armĂ©e nationale, ainsi que le ministre de la santĂ© publique qui a un long entretien avec l’accusĂ© Adnan HAJI) ; qu’en outre aucune confrontation n’a Ă©tĂ© organisĂ©e (comme l’exige l’article 65 du code de procĂ©dure pĂ©nale) entre leurs clients et les tĂ©moins Ă  charge.

4)     SUR LES DEMANDES D’EXPERTISES MÉDICALES

Les avocats soutiennent que la plupart de leurs clients ont Ă©tĂ© victimes de torture et ont subi des traitements inhumains et dĂ©gradants tout au long de leur dĂ©tention et notamment lors de la phase d’enquĂȘte ; qu’ils ont systĂ©matiquement fait Ă©tat de cette atteinte gravissime Ă  l’intĂ©gritĂ© physique des « accusĂ©s » en particulier devant le juge d’instruction qui en a constatĂ© la vĂ©racitĂ©. Ils prĂ©sentent un tableau des principaux cas de torture allĂ©guĂ©s et constatĂ©s (dont on a pu vĂ©rifier la transcription dans l’ordonnance de clĂŽture de l’instruction)

 

Date du PV

Nom de l’accusĂ©

Type de torture

Emplacement des traces

Observations du juge d’instruction

RequĂȘte de la dĂ©fense

21/06/08

Mouadh Ahmadi

physique

Griffures au dos et sur le cÎté gauche

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/06/08

Issam FAJRAOUI

physique

Blessures au menton

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/06/08

Adesselem HLALI

physique

Blessures au menton

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/06/08

Ridha AZZEDDINE

physique

Fessier, bras gauche

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/06/08

Ali JDIDI

physique

Les dents, bras gauche

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/06/08

Thameur MAGHZAOUI

physique

Pieds

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/06/08

Adnane MAHGZAOUI

Menaces

Torture sexuelle

Poignets

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

23/06/08

Med Ben Salah BEDOUI

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

23/06/08

Adnane HAJI

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

26/06/08

Farid HANDIRI

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

08/07/08

Béchir ABIDI

Menace de sodomie

 

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

10/07/08

TaĂŻeb BEN OTHMANE

physique

 

A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

21/07/08

Kamel KALBOUSSI

 

Ouverture béante au pied droit, blessures au pied et avant bras gauches, ecchymoses


A constaté les traces

Demande d’examen mĂ©dical

 

D’autres griefs ont Ă©tĂ© soulevĂ©s par les avocats de la dĂ©fense (notamment dans la plaidoirie exhaustive —et non interrompue par le PrĂ©sident— du BĂątonnier BEN MOUSSA) telle que l’incohĂ©rence flagrante d’un certain nombre de procĂšs verbaux qui taisent les mentions obligatoires devant y figurer (conformĂ©ment aux dispositions de l’article 13 bis du CPP tunisien)[5] ; ou la maltraitance et le dĂ©faut de soins envers M. BĂ©chir ABIDI qui, selon la dĂ©fense, a perdu plus de 30 kg durant son arrestation et y a contractĂ© une anĂ©mie et une bronchite aigĂŒe[6].

MalgrĂ© la gravitĂ© extrĂȘme des griefs soulevĂ©s par les avocats de la dĂ©fense, tous plaidant explicitement en faveur de l’annulation des procĂ©dures, pour raisons de torture, non respect des formalitĂ©s substantielles, non respect du principe (d’ordre public) du contradictoire, non respect de la publicitĂ© des dĂ©bats (et de l’égalitĂ© des armes), tout autant qu’au nom des droits Ă©lĂ©mentaires de la dĂ©fense
 le PrĂ©sident GARGOURI a dĂ©cidĂ© de passer outre et de procĂ©der immĂ©diatement Ă  l’interrogatoire des accusĂ©s !

MaĂźtre Ali KALTHOUM (du Barreau de Gafsa, et un des principaux avocats de la dĂ©fense) a engagĂ©, avec le prĂ©sident, un dĂ©bat procĂ©dural pointilleux sur le sens exact des dispositions de l’article 143 du CPP (tunisien) qui, selon lui, n’autorise l’interrogatoire des prĂ©sumĂ©s coupables, qu’aprĂšs la satisfaction des dispositions (du mĂȘme article) relatives Ă  la prĂ©sentation des scellĂ©s, Ă  l’organisation des confrontations, etc.

Prenant acte de l’obstination du PrĂ©sident Ă  vouloir passer directement Ă  l’interrogatoire, en arguant de ce que leur audition permettra d’apporter des rĂ©ponses aux « questionnements lĂ©gitimes » des avocats, la dĂ©fense a enjoint les accusĂ©s de « refuser de rĂ©pondre » 

Le PrĂ©sident a alors ordonnĂ© Ă  ce qu’il soit consignĂ© dans le procĂšs verbal d’audience le refus des prĂ©sumĂ©s coupables de se prĂȘter Ă  l’interrogatoire du Tribunal, et a suspendu l’audience « pour dĂ©libĂ©ration ».

Cette dĂ©cision subite, qui a pratiquement mis un terme de maniĂšre totalement inattendue au procĂšs, a surpris tout le monde. Toute l’assistance est restĂ©e figĂ©e
 jusqu’à ce que les « accusĂ©s », se dressant sur leur banc, entonnent Ă  l’unisson l’hymne national, vite repris par tous les prĂ©sents, Ă  l’exception des forces de l’ordre


On entendait des « youyous » dans les bancs du public, situĂ©s derriĂšre celui rĂ©servĂ© aux avocats
 les accusĂ©s ont Ă©galement eu le temps de scander quelques mots d’ordre propres au Mouvement du Bassin Minier
 avant de se faire Ă©vacuer manu militari par les forces de l’ordre, sous les sifflets et les huĂ©es du public


Il Ă©tait Ă  peu prĂšs 11H30, lorsque le PrĂ©sident avait suspendu l’audience pour « dĂ©libĂ©rer ». La reprise n’a eu lieu que vers 23H00 !

A partir de 22H00 l’on a remarquĂ© un « remue-mĂ©nage » chez les policiers. C’était le signal avant-coureur de la reprise imminente de l’audience. Personne n’était encore tout Ă  fait certain que le tribunal (non prĂ©sent au complet, puisque 2 des 5 juges ne siĂšgeront pas
) allait s’apprĂȘter Ă  prononcer le jugement.

Un dispositif des plus impressionnants s’est petit Ă  petit mis en place dans la salle d’audience. Des va-et-vient, des chuchotements, des appels tĂ©lĂ©phoniques, des placements, des dĂ©placements
 bref une fourmiliĂšre d’agents de toutes sortes qui ont pris littĂ©ralement possession de tout le palais et notamment de la salle d’audience : un corridor de policiers allant de la porte d’entrĂ©e des prĂ©venus, jusqu’au banc des accusĂ©s ; derriĂšre lequel une rangĂ©e d’au moins une vingtaine de policiers (sĂ©parant les avocats de leurs clients) ; derriĂšre les avocats une rangĂ©e d’agents civils sĂ©parant les avocats des familles ; tournant le dos au tribunal (face Ă  la salle) une autre rangĂ©e de policiers ; un grand nombre de policiers (dont les hauts gradĂ©s
) bloquaient la deuxiĂšme entrĂ©e droite de la salle ; Ă  l’avant de l’aile gauche de la salle d’audience quelques vingt policiers


Les avocats Ă©taient abasourdis et indignĂ©s (ils m’ont affirmĂ© que mĂȘme pendant le procĂšs du « groupe de Soliman » ils n’avaient pas vu « une pareille mascarade qui dit long sur l’état pitoyable de la justice tunisienne ») ! Les observateurs internationaux Ă©taient choquĂ©s ! Les familles apeurĂ©es 


Lorsque le Tribunal incomplet (3/5 juges prĂ©sents, sans compter la « dĂ©faillance » du ministĂšre public
) est entrĂ© en salle pour annoncer la rĂ©ouverture de l’audience, un jeune avocat du Barreau de Tunis (AL) qui n’a pu contenir sa colĂšre et son indignation au vu de ce « spectacle affligeant », a criĂ© Ă  vive voix : « C’est cela votre justice ? C’est cela votre procĂšs Ă©quitable ? Est-ce ainsi que vous respectez l’Etat de droit et l’indĂ©pendance de la justice ? Mais c’est une caserne et non plus un tribunal 
 vous devez avoir honte
 voyez gens de Redeyef la justice qu’on rĂ©serve Ă  vos enfants  »

C’était « suffisant » pour que le prĂ©sident GARGOURI dĂ©cide de lever l’audience. Il n’y a donc pas eu lecture du jugement. Le prĂ©sident de la section de l’ordre des avocats de Gafsa a dĂ» aller en chercher une copie manuscrite auprĂšs du greffe pĂ©nal.

Rendez-vous fĂ»t donnĂ© aux avocats et aux membres des familles, dans la bibliothĂšque de l’Ordre pour lecture du jugement, dont voici le tableau rĂ©capitulatif :

 

NOM ET PRENOM

CONDAMNATION / PEINE

1) Adnane HAJI

 

2) Adel JAYAR

 

3) Bechir ABIDI

 

4) Tarak HLAYMI

10 ans

5) Tayeb Ben OTHMANE

 

6) Hassine Ben abdallah

 

7) Maher Fajraoui

 

8) Fahem BOUKADDOUS

6 ans (par défaut)

9) Haroun Hlaymi

 

10) Mdhaffar ABIDI

 

11) Ghanem CHRAYTI

 

12) Abid KHLAYFI

 

13) Rachid ABDAOUI

 

14) Ridha AMAYDI

6 ans

15) Abdessalam HELALI

 

15) Fayçal DHAOUADI

 

16) Sami AMAYDI

 

17) Fayçal BEN AMOR

 

18) Ridha AZEDDINI

 

19) Mahmoud RADDADI

 

20) Boubakar BEN BOUBAKAR

4 ans

21) Hafnaoui BEN OTHMANE

 

22) Hédi BOUSLAHI

1 an

23) Thamer MAGHZAOUI

 

24) Issam FAJRAOUI

 

25) Mouadh AHMADI

 

26) Abdallah FAJRAOUI

 

27) Mohamed BALDI

 

28) Makram MAJDI

2 ans avec sursis

29) Othmane BEN OTHMANE

 

30) Mahmoud HLALI

 

31) Mohsen AMAYDI

 

32) Radouane BOUZAYENE

 

33) Habib KEDIRI

 

34) IsmaĂŻl JOUHRI

 

35) Lazhar BEN ABDELMALAK

Relaxe

36) Boujemaa CHRAYTI

 

37) Ali JDIDI

 

38) Mohieddine CHERBIB

2 ans (« par défaut »)

 

CONCLUSIONS FINALES DU RAPPORT

Avant de donner la parole au PrĂ©sident de la Section de l’Ordre des avocats de Gafsa pour faire la lecture du jugement, le BĂątonnier de l’Ordre National des Avocats de Tunisie, Me BĂ©chir ESSID, a dit « Ce qui s’est passĂ© aujourd’hui ne mĂ©rite mĂȘme pas l’appellation « procĂšs », tant  les irrĂ©gularitĂ©s et illĂ©galitĂ©s sont Ă©videntes, et le non respect des droits de la dĂ©fense est flagrant  »

L’audience du 11/12/08, devant le tribunal pĂ©nal de Gafsa (statuant en matiĂšre criminelle, puisque l’équivalent de la Cour d’assises n’existe pas dans l’ordre judiciaire tunisien) Ă  laquelle j’ai pu assister, m’a permis de constater :

1)     Le non respect du principe de la prĂ©somption d’innocence

2)     Le rejet « tacite » des innombrables exceptions de nullité soulevées par la défense avant tout débat au fond

3)     L’absence de la moindre prise en compte, par le tribunal, des allĂ©gations on ne peut plus graves de torture (de traitements inhumains et dĂ©gradants et de dĂ©faut de soins) Ă©tayĂ©es —pour certains— par les constations du juge d’instruction
 et la « fin de non recevoir, implicite » des demandes d’expertises mĂ©dicales

4)     Le refus de présentation des scellés

5)     Le refus de convoquer les témoins (notamment à décharge)

6)     Le refus d’organiser les confrontations avec les tĂ©moins Ă  charge

7)     Le refus de diligenter des enquĂȘtes et informations complĂ©mentaires

Toutes ces observations et constatations me conduisent Ă  affirmer que le procĂšs auquel j’ai assistĂ©, le 11/12/08 Ă  Gafsa, est un des procĂšs les plus inĂ©quitables auxquels il m’a Ă©tĂ© donnĂ© d’assister. Le principe du contradictoire a, en effet, Ă©tĂ© totalement ignorĂ©, l’égalitĂ© des armes et la publicitĂ© des dĂ©bats ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement bafouĂ©es, les droits de la dĂ©fense (et implicitement ceux des accusĂ©s) ont Ă©tĂ© piĂ©tinĂ©s, depuis l’enquĂȘte prĂ©liminaire, jusqu’à l’autoritĂ© de jugement, en passant par celle de l’instruction.

S’il est un « procĂšs » qui ne saurait avoir pour « mĂ©rite » que celui d’ĂȘtre donnĂ© en contre-exemple absolu de ce qu’est un vrai procĂšs Ă©quitable, c’est bien celui «des 38 de Redeyef » qui s’est tenu devant le tribunal pĂ©nal de Gafsa le 11/12/08 !

 


 

*Je tiens Ă  remercier Karine GANTIN pour sa patiente relecture et ses suggestions pertinentes.

[1]  Compte tenu tout d’abord de l’importance du nombre des accusĂ©s et de leurs qualitĂ©s (« chefs d’une entente »)

 

[2] Le cas de M. Mohieddine CHERBIB (PrĂ©sident de la FTCR) est singulier, dans la mesure oĂč l’intĂ©ressĂ© a fait l’objet de « poursuites » alors mĂȘme qu’il rĂ©side Ă  des milliers de kilomĂštres de Gafsa ; il n’a jamais fait l’objet de convocation rĂ©guliĂšre ni de la part des autoritĂ©s d’enquĂȘte, ne de celles de l’instruction, ni par le Tribunal. Voir Ă  ce propos l’argumentaire juridique dĂ©taillĂ© rĂ©alisĂ© par le CRLDHT « Observations sur l’Ordonnance de clĂŽture de l’instruction dans l’affaire des 38 de Gafsa : le cas de Mohieddine CHERBIB) »

 

[3] La seule femme qui a Ă©tĂ© condamnĂ©e (Ă  4 mois d’emprisonnement) suite aux Ă©vĂšnements de Gafsa, est Mme Zakia DHIFAOUI (qui a dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© victime de torture et de harcĂšlement sexuel lors de sa dĂ©tention), membre du Forum DĂ©mocratique pour le Travail et les LibertĂ©s, parti lĂ©gal, dont le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, le Dr Mustapha BEN JAAFAR, s’est rĂ©cemment dĂ©clarĂ© candidat aux prochaines Ă©lections prĂ©sidentielles de 2009.

 

[4] Cette liste n’est pas exhaustive. Je m’excuse par avance auprĂšs des avocats que je n’ai pas citĂ©s.

 

[5] Cas de l’accusĂ© Mansour SOUILMI, dont il est tout d’abord indiquĂ© (dans le PV consignĂ© dans le dossier) qu’il a Ă©tĂ© placĂ© en garde Ă  vue le 12 aoĂ»t 2008, alors que dans un autre PV il est signalĂ© comme Ă©tant « recherché »  ; de mĂȘme il n’est pas indiquĂ© dans le PV de placement en garde Ă  vue de M. Abid KHLAYFI (datĂ© du 29/07/08) ni la date ni l’heure de la fin de la GAV


 

[6] Nous avons appris ultĂ©rieurement que l’état de santĂ© du concernĂ© s’est gravement dĂ©tĂ©riorĂ© aprĂšs le procĂšs, et qu’il a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© au CHU de l’Ariana dans la banlieue de Tunis, oĂč il a Ă©tĂ© maintenu menottĂ© Ă  son lit d’hĂŽpital


 


 Appel des artistes tunisiens

« GHAZA DANS NOS YEUX »

« GHAZA dans nos yeux, tant que les enfants meurent les yeux ouverts  »

C’est l’appel lancĂ© par EL HAMRA, théùtre tunisien ami.

Appel rĂ©percutĂ© par nous, artistes citoyens tunisiens, laĂŻques indĂ©pendants, et envoyĂ© Ă  tous les amis non tunisiens, notamment europĂ©ens, amis qu’on croyait tous jusqu’ici partager les mĂȘmes valeurs humanistes que nous


Un de ces amis-là, homme de théùtre avisé et dialecticien brechtien avéré, crut bon de nous renvoyer par S.M.S. le message suivant : « Devant nos yeux, une bande de fanatiques récolte les fruits amers de leurs provocations irresponsables et font payer à leur peuple pris en otage leurs folies meurtriÚres. »

Texte laconique, couperet, dĂ©finitif comme une dĂ©pĂȘche d’agence de presse officielle.

Une rĂ©ponse symĂ©trique reprenant presque mot Ă  mot un verdict, aussi court, expĂ©ditif qu’aveugle, aurait donnĂ© ceci : « Devant nos yeux, un Ă©tat raciste et belliqueux sĂšme depuis 1948 le fruit de sa domination irresponsable et fait payer Ă  un peuple et Ă  toute une rĂ©gion pris en otages, sa folie meurtriĂšre »

Chaque mot pĂšse, car chaque mot tue aussi.

Et si cet ami, artiste avisĂ© et humaniste avĂ©rĂ©, avait cĂ©dĂ© Ă  son tour Ă  l’intox pour devenir lui-mĂȘme intox ?

Et si le principe des deux poids deux mesures l’emportait sur la logique, le bon sens et la sagesse les plus Ă©lĂ©mentaires ?

Et si l’aveuglement qui entame aujourd’hui les esprits les plus lucides, balayait l’évidence la plus aveuglante ?

Et si les conséquences étaient de plus en plus admises comme des causes ?

Et si l’assailli devait encore et encore passer pour l’assaillant, et la victime pour le bourreau ?

Et si
 et si
 ?

TrĂȘve de cris d’OrphĂ©e protestataires et scandalisĂ©s. Buvons notre colĂšre,  dĂ©dramatisons la question, dĂ©passionnons le dĂ©bat et dĂ©plaçons le problĂšme du terrain Ă©motionnel et surtout idĂ©ologique comme tente de le placer notre ami artiste, et plaçons-le sur son terrain rĂ©el, le terrain politique.

Dans la plus grande prison Ă  ciel ouvert que l’Histoire ait connue depuis les camps de VARSOVIE, selon un Ă©minent expert onusien, est-il admissible qu’on assiĂšge des centaines de milliers d’humains, qu’on les Ă©touffe, affame, assoiffe et coupe du reste du monde, et qu’on les punisse d’avoir fait des choix politiques dĂ©mocratiques que l’Occident avait encouragĂ© (et il avait eu raison), puis il en avait boycottĂ© les rĂ©sultats (et il en a eu tort). Sombre contradiction aux  funestes consĂ©quences !

Chaque fois qu’une fraction, qu’un groupe, une minoritĂ©, un mouvement, un parti Ă©lĂšve la voix, proteste, conteste, Ă©ructe ou menace pour son existence ou sa survie, on le taxe de terrorisme fanatique, n’est-ce pas l’ami ?

Autrefois et sous d’autres cieux on appelait cela rĂ©sistance.

Spolier, dĂ©possĂ©der et chasser, envahir et Ă©craser puis Ă©lever des murs pour sĂ©parer les bons des mĂ©chants, les vrais citoyens de la terre promise des occupants historiques, c’est tout ce qu’a offert l’état hĂ©breux au peuple palestinien depuis 1948.

Tout cela avec l’appui passif ou actif des gouvernants du monde entier. ISRAËL fait ce qu’il veut et impunĂ©ment depuis plus de soixante ans.

On ne le répÚtera jamais assez.

Le sort fait aujourd’hui aux palestiniens de GHAZA, suspectĂ©s de terrorisme islamique, a Ă©tĂ© le mĂȘme, faut-il le rappeler, Ă  RAMALLAH sous le rĂšgne de l’autre « terroriste » non soupçonnĂ© d’islamisme, nommĂ© ARAFAT.

Ce sort fait aux palestiniens a Ă©tĂ© rendu possible par une longue et patiente construction de l’ennemi.

On ne le répÚtera jamais assez.

Qui arrĂȘtera ISRAËL devant son avancĂ©e inexorable vers l’anĂ©antissement du peuple palestinien ?

Cette nouvelle agression est une agression de trop.

Faut-il se contenter d’exprimer sa colùre et d’appeler à l’aide humanitaire ?

L’aide humanitaire suffit-elle en attendant le prochain assaut ?

De toute façon l’aide humanitaire n’est pas forcĂ©ment un acte de solidaritĂ©. Elle relĂšve juste du secours apportĂ© aux blessĂ©s. Et il n’ya aucun sens Ă  la solidaritĂ© politique demandĂ© par les Arabes si elle n’est pas assortie d’un soutien Ă  la rĂ©sistance. Le secours et l’assistance sont importants mais ne relĂšvent pas nĂ©cessairement de la solidaritĂ©.

MĂȘme les ennemis soignent les blessĂ©s en temps de guerre.

Et mĂȘme les ennemis autorisent les convois humanitaires d’acheminer mĂ©dicaments et nourriture.

Pas plus tard que ce matin, mercredi 7 Janvier, le gouvernement  israĂ©lien vient  de dĂ©cider d’une trĂȘve de quelques heures pour acheminer mĂ©dicaments et vivres Ă  GHAZA. Alors vive la solidaritĂ© d’ISRAËL avec le peuple palestinien !?

La cause palestinienne est une cause juste. L’apartheid orchestrĂ© qui y rĂšgne depuis plus de soixante ans en fait la plus grande injustice humaine de tous les temps. Qui peut encore ignorer cela, qui peut en faire douter ?

Cette agression est une agression de trop.

Ce sont des laĂŻques qui parlent et non quelques dĂ©fenseurs ou sympathisants excitĂ©s d’un quelconque islamisme fanatique.

IsolĂ©s, empĂȘchĂ©s chez nous de monter au crĂ©neau, de nous exprimer dans la rue comme cela se fait dans le monde entier, ou mĂȘme de faire parvenir une voix ni enragĂ©e ni partisane, une voix susceptible d’ inflĂ©chir les dĂ©cisions politiques et diplomatiques, une voix pour exprimer une juste colĂšre contre l’amalgame, la confusion et la propagande sioniste, nous ne cesserons jamais de dĂ©noncer les gouvernements complices, passifs ou actifs qui entĂ©rinent la partition de la PALESTINE et le projet planifiĂ© de son anĂ©antissement.

Le vrai problĂšme est qu’ISRAËL et ses alliĂ©s sont en train de parvenir Ă   toutes leurs fins depuis 1948.

D’une guerre arabe contre le nouvel occupant (paradoxe de la fin des colonisations) le conflit est devenu petit Ă  petit un conflit entre quelques arabes non rĂ©signĂ©s et ISRAËL. Puis ce conflit s’est transformĂ© en guerre israĂ©lo-palestinienne pour devenir une guerre fratricide palestino- palestinienne,  pour finir par une guerre entre ISRAËL et le HAMAS, ceci avec le silence complice ou les protestations humanitaires plus ou moins formelles des Arabes et des EuropĂ©ens.

Aujourd’hui, LA PALESTINE est un hypothĂ©tique projet d’état coupĂ© en deux, sinon vouĂ© Ă  la disparition.

 

BOLTON, l’ancien reprĂ©sentant de BUSH aux Nations-Unies, sans avoir de pouvoir de dĂ©cision et sans doute sans parler pour rien, Ă©voque l’hypothĂšse israĂ©lo- amĂ©ricaine de rattacher Ă  terme GHAZA Ă  l’EGYPTE et la CISJORDANIE au Royaume HachĂ©mite.

                      Si c’était le cas, c’en serait fini de la PALESTINE et des Palestiniens, et personne n’aura plus le droit de dire : «  On ne le savait pas ! ».

JALILA BACCAR              auteur et comédienne

FADHEL JAÏBI                 metteur en scùne et auteur

ANOUAR BRAHEM          musicien et compositeur

HABIB BEL HEDI             producteur

FATMA BEN SAÏDANE   comĂ©dienne

NAWAL SKANDRANI      chorégraphe   


 

APPEL PRESSANT A L’UNION EUROPEENNE

 08/01/2009    A l’initiative de l’Institut Arabe des Droits de l’Homme, nous, acteurs des sociĂ©tĂ©s civiles arabes et europĂ©ennes. -ConsternĂ©s par la gravitĂ© de l’agression israĂ©lienne contre le peuple palestinien et l’invasion de Gaza, qui a assombri les festivitĂ©s du nouvel an 2008 – 2009, et profondĂ©ment choquĂ©s  par le trĂšs grand nombre de civils innocents tuĂ©s qui se comptent par centaines dont un grand nombre d’enfants, sans compter les milliers de blessĂ©s, et par la destruction mĂ©thodique des infrastructures vitales, y compris les symboles culturels, religieux et Ă©ducationnels, sans Ă©pargner mĂȘme les Ă©coles des N.U. refuge des enfants dont les maisons ont Ă©tĂ© dĂ©truites par les bombardements intenses. -ConsidĂ©rant que de tels actes constituent une violation flagrante de toutes les conventions internationales qui forment le systĂšme onusien des droits de l’Homme et des peuples, dont le  droit international humanitaire et notamment les conventions de GenĂšve. -Prenant acte de l’appel europĂ©en pour l’arrĂȘt des combats, appel qui se dĂ©marque du soutien inconditionnel  Ă  la guerre exprimĂ© par l’administration amĂ©ricaine sortante. -Estimant que toute initiative pour rĂ©tablir la paix dans la rĂ©gion ne saurait renvoyer dos Ă  dos le colonisateur et la victime, et se doit de prendre en compte les faits suivants : Les vĂ©ritables causes de l’invasion actuelle et de toutes les violences dans la rĂ©gion ne sauraient se justifier par un quelconque alibi, mais d’abord et avant tout par l’occupation illĂ©gale des territoires palestiniens et leur colonisation continue, avec leur cortĂšge d’assassinats, d’emprisonnement de milliers de palestiniens qui croupissent dans les geĂŽles de l’occupant depuis de longues annĂ©es sans jugement ou suite Ă  des procĂšs iniques, d’humiliations insoutenables, de destructions des infrastructures garantissant le minimum vital pour un peuple assiĂ©gĂ©, humiliĂ© et poussĂ© au dĂ©sespoir.   Il ne sert Ă  rien de jouer sur l’amalgame du terrorisme et de la rĂ©sistance  Ă  l’occupation, ou d’invoquer le droit lĂ©gitime Ă  la sĂ©curitĂ©, mais Ă  sens unique, en oubliant qu’aucune sĂ©curitĂ© ne saurait se construire sur l’injustice, la colonisation illĂ©gale des terres des voisins et le non respect de toutes les rĂ©solutions de l’ONU . Il est Ă©vident que c’est bien la politique expansionniste, agressive et discriminatoire d’IsraĂ«l qui est la cause de l’insĂ©curitĂ© dans toute la rĂ©gion,  et qui ne fera que rendre plus problĂ©matique son intĂ©gration dans son environnement actuel. Encourager une telle politique par l’indiffĂ©rence et l’inaction, sĂšme le doute sur les valeurs universelles de la dĂ©mocratie et des droits de l’Homme et rend leur promotion et leur dĂ©fense dans la rĂ©gion plus difficiles. -ConsidĂ©rant enfin que les intĂ©rĂȘts objectifs de l’Europe sont tributaires de la paix dans la rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne, les signataires de ce document lancent un appel pressant Ă  la prĂ©sidence de l’Union EuropĂ©enne, la Commission EuropĂ©enne, le parlement europĂ©en et l’ensemble des instances de l’UE afin de prendre leurs responsabilitĂ©s morales et historiques en agissant au plus vite, avant qu’il ne soit trop tard, pour : *ArrĂȘter le bain de sang des civils et des enfants palestiniens * Mettre sur pied au plus vite une force internationale  de protection du peuple palestinien. * CrĂ©er une commission internationale d’enquĂȘte sur les bombardements des Ă©coles, notamment des N.U et l’utilisation d’armes prohibĂ©es comme les bombes phosphoriques et Ă  fragmentation.  * Participer activement Ă  une solution juste et durable du problĂšme palestinien sur la base des rĂ©solutions des NU. Il y va des intĂ©rĂȘts euro-mĂ©diterranĂ©ens, de la paix dans la rĂ©gion et dans le monde.    Les Signataires

 


 

Rencontre avec l’Ă©pouse du militant emprisonnĂ© Adnane Hajji

 
Comment avez-vous rĂ©agi aux condamnations prononcĂ©es contre Adnane et ses camarades ?   Djemaa Hajji : Pour moi, ce n’était pas un procĂšs. J’étais dans une caserne tant le nombre d’agents de police dĂ©passait celui des familles des prisonniers, des avocats et des militants prĂ©sents. Nous Ă©tions face Ă  une mise en scĂšne sordide oĂč les avocats n’ont pas Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  plaider, oĂč les accusĂ©s ont Ă©tĂ© empĂȘchĂ©s de s’exprimer. L’audience a Ă©tĂ© levĂ©e de façon arbitraire. On nous a demandĂ© d’évacuer la salle du tribunal vers trois heures de l’aprĂšs midi et on nous a violentĂ©s pour nous y obliger, mais nous avons rĂ©sistĂ© et fait valoir notre droit et nous sommes restĂ©s sur place [
] jusqu’à dix heures du soir lorsque la sĂ©ance a Ă©tĂ© suspendue. Nous sommes sortis puis les avocats nous ont contactĂ©s et nous ont informĂ©s des condamnations qui nous ont abasourdis, stupĂ©fiĂ©s [
] nous avons eu la sensation que les condamnations avaient Ă©tĂ© prĂ©parĂ©es et n’avaient plus qu’à ĂȘtre prononcĂ©es.   Quelles sont les derniĂšres nouvelles de la santĂ© d’Adnane Hajji et du traitement qui lui est rĂ©servĂ© dans sa prison?   D. H. On connaĂźt tous la rĂ©alitĂ© des conditions carcĂ©rales en Tunisie, notamment pour les prisonniers d’opinion. Mon mari a Ă©tĂ© en butte aux mauvais traitements Ă  une tentative de sĂ©vices puisqu’on l’a obligĂ© Ă  retirer ses vĂȘtements dans le froid terrible de la prison de Kasserine alors qu’ils connaissent son Ă©tat de santĂ© critique, qu’ils savent qu’il n’a qu’un seul rein. Ceci dit, son moral est trĂšs bon car il est convaincu de la cause pour laquelle il a Ă©tĂ© emprisonnĂ©. Mais le plus grave c’est l’état de BĂ©chir Labidi qui a eu une pneumonie aiguĂ« qui menace gravement sa santĂ©. Et ce qui aggrave encore son cas, c’est qu’on ne lui donne pas les mĂ©dicaments que sa famille lui apporte. Le frĂšre BĂ©chir Labidi est menacĂ© aujourd’hui et il faut au moins le changer de prison, lui permettre de se soigner, d’avoir accĂšs Ă  des mĂ©dicaments. Il y a eu des appels en ce sens, mais le pouvoir ferme les yeux devant cette tragĂ©die. C’est pourquoi je renouvelle un appel Ă  toutes les consciences libres pour sauver BĂ©chir Labidi.
 
Quelle a Ă©tĂ© la rĂ©action des populations du bassin minier Ă  ces condamnations ?   D. H. Le vendredi, soit au lendemain du prononcĂ© des condamnations, la population de RĂ©dĂ©yef est sortie en scandant les noms des prisonniers et pour exprimer leur refus des jugements, chacun Ă  sa façon. Parmi les slogans significatifs : « Pour un Adnane de parti, il y a mille nouveaux Adnane », mais les autoritĂ©s ont rĂ©agi en faisant intrusion dans les domiciles et en interpellant les jeunes qui avaient protestĂ© contre les condamnations.   Les partis d’opposition indĂ©pendants et la sociĂ©tĂ© civile ont Ă©tĂ© solidaires de la population du bassin minier. Que pensez-vous de cette solidaritĂ© et qu’attendez-vous de ces forces ?   D. H. Nous saluons toute voix qui se lĂšve pour nous aider, indĂ©pendamment de la forme du soutien, de son origine et quelque soit son importance. [
] GrĂące Ă  ce soutien nous sommes plus forts et plus Ă  mĂȘmes de rĂ©sister et de persĂ©vĂ©rer. Je souhaite que les efforts dĂ©ployĂ©s par ces forces portent leurs fruits et parviennent Ă  faire libĂ©rer tous les prisonniers, Ă  leur redonner de la considĂ©ration et Ă  lever l’injustice qui s’est abattue sur nos populations.   Une visite de forces politiques et civiles françaises aux populations de la rĂ©gion s’est heurtĂ©e Ă  une attaque fĂ©roce du pouvoir et des mĂ©dias Ă  son service. Comment Ă©valuez-vous ce type de soutien ?   D. H. Nous sommes touchĂ©s par toute main tendue en ces jours difficiles et, toute voix humaine libre, nous l’accueillons avec amitiĂ©, pour la libĂ©ration des prisonniers pour que soit mis un terme aux souffrances ainsi qu’à l’injustice qui s’est abattue sur notre population et nous n’accordons pas d’intĂ©rĂȘt Ă  ce que dit une certaine propagande qui a ignorĂ© notre existence et nous dĂ©couvre aujourd’hui.   Nous avons notĂ© l’importance de la participation des femmes dans le mouvement de protestation. Comment l’expliquez-vous et quel est le rĂŽle jouĂ© par la femme en ces moments critiques ?   D. H. Notre cause a conscientisĂ© profondĂ©ment et fortement tout le monde, qu’il s’agisse de femmes instruites ou non, car les femmes connaissent de l’intĂ©rieur et dans leur chair les raisons qui ont poussĂ© au soulĂšvement pour un emploi digne. Mais maintenant la femme se sent impuissante et elle ne peut s’exprimer Ă  cause du nombre effrayant des forces de police qui est en passe de dĂ©passer celui de la population. Ces forces sont chargĂ©es de rĂ©primer tout mouvement. Sans compter que la femme, la sƓur, l’épouse ne craint pas seulement les coups et les arrestations mais elle craint ce que cela suppose en terme d’outrages. Et les populations en ont trĂšs peur. Mais dans tous les conseils et dans toutes les maisons la conversation tourne sur la situation et la cause des prisonniers. La femme en rĂ©alitĂ© ne fait qu’assumer son rĂŽle naturel, ni plus ni moins.   Pendant le soulĂšvement et par la suite, la propagande officielle a dit que tous les problĂšmes Ă  l’origine des protestations Ă©taient rĂ©glĂ©s. Qu’en est -il ?   D. H. (long sourire) En tant que citoyenne je n’ai rien vu des allĂ©gations officielles. Je vais vous donner un exemple de la permanence de la mĂȘme situation. Il y a de nombreux jeunes qui ont Ă©migrĂ© clandestinement en Europe, or il sont toujours dĂ©clarĂ©s en tant que travailleurs dans le secteur des chantiers et de la sous-traitance et dans le mĂȘme temps, certains touchent leur salaire si minime soit-il et le versent sur leur compte. Ceux qui utilisent ce type de mĂ©thodes concourent de façon importante Ă  la tragĂ©die de RĂ©deyef, Ă  la misĂšre de sa population et au pourrissement de la situation en terme de corruption permanente. Vous n’avez qu’à vous promener dans la petite ville de RĂ©deyef pour voir les chĂŽmeurs par dizaines dans les rues et les cafĂ©s. MĂȘme pour un emploi ponctuel payĂ© de façon dĂ©risoire il faut user de corruption pour l’obtenir. En conclusion, pour ce qui est des rĂ©alisations supposĂ©es, rien n’a Ă©tĂ© fait qui aille dans le sens de la rĂ©solution des problĂšmes de la rĂ©gion.   Quelle a Ă©tĂ© votre rĂ©action Ă  la nouvelle de la levĂ©e du gel de monsieur Adnane Hajji ?   D. H; Je crois sincĂšrement qu’Adnane n’a pas commis de crime qui mĂ©rite son gel de mĂȘme qu’il n’a rien fait pour que ce gel soit levĂ©, mais cette dĂ©cision est correcte et de bon sens et elle aide l’affaire d’Adnane Hajji et l’affaire des emprisonnĂ©s du bassin minier en gĂ©nĂ©ral.
 
Avez-vous un appel Ă  lancer Ă  la direction syndicale ?   D. H. Je remercie la direction syndicale pour son attitude et je l’exhorte Ă  continuer son soutien jusqu’à la fin de cette injustice. Je considĂšre que ses positions et ses manifestations vont dans le bon sens et reprĂ©sentent un point d’appui important pour les prisonniers et leur affaire, ce qui poussera en fin de compte le pouvoir Ă  revoir ses positions. Enfin, j’apprĂ©cie les mobilisations des syndicalistes de tous secteurs et quelque soit leurs responsabilitĂ©s.   Et avez-vous un appel Ă  lancer au pouvoir en place ?   D. H. Je leur demande de recouvrer la raison et je leur dis que ces prisonniers n’ont commis aucun crime mĂ©ritant une telle sanction. Je leur dis que les prisonniers ont besoin de leur libertĂ©, que leurs familles, leurs Ă©pouses et leurs enfants ont besoin d’eux. Je les exhorte Ă  mettre un terme Ă  cette errance qui est la notre depuis l’incarcĂ©ration de nos Ă©poux. Je leur dis : « rĂ©visez votre position sur la rĂ©gion et sa population maintenant et n’attendez pas demain »   Et avez-vous un appel pour les forces de l’opposition et de la sociĂ©tĂ© civile ?   D.H. N’arrĂȘtez pas vos efforts inestimables pour lever cette injustice et ne dĂ©daignez aucune action car chaque mot et chaque acte nous aide, nous renforce dans nos convictions et contribue Ă  nous faire tenir.   Comment ont rĂ©agi les membres de la famille d’Adnane Hajji Ă  sa condamnation ?   D. H. Adnane a une seule fille qui a souffert et a Ă©tĂ© en crise au dĂ©but mais maintenant elle va mieux [
]. De mon cĂŽtĂ© je fais ce que je peux en tant que mĂšre pour lui rendre les choses moins lourdes, je m’oublie moi-mĂȘme et mes problĂšmes en gĂ©nĂ©ral. [
.] Entrevue rĂ©alisĂ©e par Abdeljabbar Rguigui Source : El Maoukef (traduction d’extraits : Luiza Toscane)


L’Afrique et ses tripatouilleurs de Constitution

Nombre de chefs d’Etat suppriment les limitations de mandats pour s’éterniser au pouvoir

 
Les putschs, l’annĂ©e derniĂšre, en GuinĂ©e et en Mauritanie, ont provoquĂ© une vague de protestations au sein de la communautĂ© internationale. Mais il existe, en Afrique, une autre forme de coup d’Etat devant laquelle cette communautĂ© reste bien silencieuse : les manipulations de Constitution pratiquĂ©es par des chefs d’Etat pour s’éterniser au pouvoir. Ces derniĂšres annĂ©es, elles se sont multipliĂ©es sur le continent. C’est un exploit en Afrique. Mais ailleurs, cela reste un fait ordinaire. John Agyekum Kufuor, le prĂ©sident ghanĂ©en sortant, quitte le pouvoir aprĂšs deux mandats sans avoir cherchĂ© Ă  tripatouiller la Constitution pour s’y maintenir. Avant son retrait le 6 janvier, John Kufuor a mĂȘme prĂ©sentĂ© ses excuses aux GhanĂ©ens qu’il aurait offensĂ© pendant ses huit ans de magistrature suprĂȘme. VoilĂ  une belle leçon de sagesse et de respect de la Loi fondamentale d’un pays. Une leçon qui devrait servir Ă  nombre de ses homologues africains. Au nigĂ©rien Mamadou Tandja, par exemple. Elu chef d’Etat en dĂ©cembre 1999, le prĂ©sident du Niger, 70 ans, arrive au terme de son deuxiĂšme et dernier mandat en dĂ©cembre 2009. Mais tout porte Ă  croire que M. Tandja va s’accrocher Ă  son fauteuil prĂ©sidentiel. Cette annĂ©e des appels, dits « spontanĂ©s », pour son maintien au pouvoir se sont multipliĂ©s. Dernier en date, celui de certains de ses partisans qui, lors d’une manifestation le 21 dĂ©cembre Ă  Niamey, la capitale du Niger, ont demandĂ© au Parlement de prolonger de trois ans le mandat de Mamadou Tandja. « Nous demandons au prĂ©sident de la RĂ©publique d’accepter notre humble proposition et Ă  l’AssemblĂ©e Nationale de la prendre en compte dans son ordre du jour, lors de ses prochaines sessions », avaient-ils dĂ©clarĂ©. Ainsi, Mamadou Tandja se ferait priĂ© par des NigĂ©riens pour demeurer au pouvoir plus longtemps que ne lui permettent les dispositions lĂ©gales. Ce scĂ©nario qui a un air de dĂ©jĂ  vu ailleurs en Afrique, n’est rien d’autre qu’une manƓuvre destinĂ©e Ă  prĂ©parer l’opinion Ă  une Ă©ventuelle modification ou contournement de la Constitution du Niger. Cela a Ă©tĂ© le cas au Togo en 2002. Les NigĂ©riens l’ont bien compris. Mardi dernier, une vingtaine d’ONG et syndicats ont crĂ©e, Ă  Niamey, le Front uni pour la sauvegarde des acquis dĂ©mocratiques (Fusad). Leur objectif : combattre une possible prolongation du mandat du prĂ©sident.

Ils ont déjà modifié la Constitution pour se maintenir au pouvoir

Abdelaziz Bouteflika (AlgĂ©rie) : Le prĂ©sident algĂ©rien briguera, sans doute, un troisiĂšme mandat Ă  la prĂ©sidentielle d’avril 2009 aprĂšs deux quinquennats. Il a fait modifier, en novembre 2008, la Constitution qui limitait le nombre de mandat Ă  deux. Paul BarthĂ©lĂ©my Biya (Cameroun) : Au pouvoir depuis 1982 , Paul Biya a supprimĂ© en avril dernier la limitation du nombre de mandats Ă  deux dans la Loi fondamentale du Cameroun. Il pourra se reprĂ©senter Ă  sa propre succession en 2011, aprĂšs ce qui devait ĂȘtre son second et dernier septennat. Idriss DĂ©by (Tchad) : La Constitution du Tchad a Ă©tĂ© modifiĂ©e en 2005 pour permettre au prĂ©sident d’ĂȘtre candidat Ă  sa propre succession en 2006, et de conserver le pouvoir dont il s’est emparĂ© depuis son coup d’État en 1990. Yoweri Museveni (Ouganda) : Le prĂ©sident ougandais a manipulĂ© la Constitution de son pays en 2005 pour se maintenir au pouvoir. Il occupe le fauteuil prĂ©sidentiel depuis qu’il l’a pris par les armes en 1986. Omar Bongo Ondimba (Gabon) : Au Gabon, la limitation du nombre de mandats a Ă©tĂ© supprimĂ©e en 2003 pour permettre au prĂ©sident Bongo, au pouvoir depuis 1967, de se prĂ©senter autant de fois qu’il le souhaite Ă  une Ă©lection prĂ©sidentielle. Blaise CompaorĂ© (Burkina Faso) : Au pouvoir depuis son coup d’Etat en 1987, le prĂ©sident burkinabĂš avait supprimĂ© la limitation du nombre de mandats en 1997 pour ĂȘtre candidat et réélu Ă  la prĂ©sidentielle de 2008. Il a restaurĂ©, en 2000, cette limitation Ă  deux quinquennats. Zine Abidine Ben Ali (Tunisie) : En 2002, la Loi fondamentale de la Tunisie a Ă©tĂ© changĂ©e pour permettre au prĂ©sident Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, de se prĂ©senter Ă  sa propre succession Ă  la prĂ©sidentielle de 2004. La Constitution limitait le nombre de mandats prĂ©sidentiels Ă  trois. Feu GnassingbĂ© Eyadema (Togo) : Au Togo, le parlement a votĂ© la non limitation de mandats, fin 2002, pour permettre Ă  l’ancien prĂ©sident GnassingbĂ© Eyadema de se faire réélire pour un troisiĂšme mandat de cinq ans. Il Ă©tait au pouvoir depuis 36 ans dĂ©jĂ . Feu Lansana ContĂ© (GuinĂ©e) : L’ancien prĂ©sident guinĂ©en avait fait voter la modification de la Constitution en 2002 pour lui permettre de se faire réélire Ă  la tĂȘte de la GuinĂ©e en 2003 alors qu’il venait d’achever son second et dernier mandat.

Bouteflika, vers un troisiĂšme mandat

Ce qui, pour l’heure, n’est qu’une intention prĂȘtĂ©e Ă  Mamadou Tandja, a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© accompli par son homologue algĂ©rien. Abdelaziz Bouteflika, 71 ans, a fait sauter la limitation des mandats de la Loi fondamentale de son pays pour, dit-il, « permettre au peuple d’exercer son droit lĂ©gitime Ă  choisir ses gouvernants et Ă  leur renouveler sa confiance en toute souverainetĂ© ». Pour rĂ©aliser ce hold-up constitutionnel en novembre dernier, M. Bouteflika s’est appuyĂ© sur le Parlement et le SĂ©nat qui lui sont complĂštement acquis. Il saluera d’ailleurs le « patriotisme et le sens de la responsabilitĂ© » de ceux-lĂ  qui sont censĂ©s reprĂ©sentĂ©s le peuple. PrĂ©sident depuis 1999, aprĂšs une Ă©lection anticipĂ©e, Abdelaziz Bouteflika peut dĂ©sormais briguer, en toute tranquillitĂ©, un troisiĂšme mandat. Selon une analyse du Journal ChrĂ©tien, Bouteflika, rĂ©duit par la maladie, attendrait de rĂ©unir cinq conditions pour annoncer sa candidature Ă  la prochaine prĂ©sidentielle d’avril 2009, Ă  savoir : obtenir le soutien de l’environnement international et national, rassurer les ONG et les journalistes Ă©trangers, obtenir le soutien de l’environnement interne, connaĂźtre ses concurrents et enfin attendre le moment appropriĂ©. Au Cameroun, Paul BarthĂ©lĂ©my Biya n’a pu, lui non plus, rĂ©sister Ă  la tentation de se maintenir dans son trĂŽne prĂ©sidentiel. Le 31 dĂ©cembre 2007, dans les vƓux de nouvel an prĂ©sentĂ©s Ă  ses concitoyens, le prĂ©sident camerounais, au pouvoir depuis 1982, avait annoncĂ© Ă  ses compatriotes, son intention de gommer des textes constitutionnels la limitation du nombre de mandats. Celui qui a remplacĂ© Ă  la tĂȘte du Cameroun Ahmadou Ahidjo, parti volontairement pour des raisons de santĂ©, a estimĂ© que l’alinĂ©a 2 de l’article 6 de la constitution qui limitait les mandats prĂ©sidentiels Ă  deux, s’oppose Ă  la volontĂ© populaire et « s’accorde mal avec l’idĂ©e mĂȘme du choix dĂ©mocratique
 ». « Nous allons donc, dans cet esprit, rĂ©examiner les dispositions de notre Constitution qui mĂ©riteraient d’ĂȘtre harmonisĂ©es avec les avancĂ©es rĂ©centes de notre systĂšme dĂ©mocratique afin de rĂ©pondre aux attentes de la grande majoritĂ© de notre population », avait-t-il dĂ©clarĂ©. DĂ©but 2008, alors que les Camerounais, prĂ©occupĂ©s par la hausse des prix des denrĂ©es alimentaires, manifestaient violemment dans les rues, Paul BarthĂ©lĂ©my Biya leur fait une sĂ©rie de promesses dont la hausse des salaires de 15%, et, dans la foulĂ©e, profite pour mettre en exĂ©cution son plan. Cela a Ă©tĂ© une formalitĂ© puisque le Parlement est majoritairement dominĂ© par sa formation politique, le RDPC [1]. La Loi fondamentale du Cameroun, revisitĂ©e, stipule dĂ©sormais que le « PrĂ©sident de la RĂ©publique, Ă©lu pour sept ans, est rééligible ». Ainsi, Paul Biya, 75 ans, dont le deuxiĂšme septennat s’achĂšve en 2011 pourrait ĂȘtre candidat Ă  sa propre succession autant de fois qu’il voudra. Ce n’est pas tout. Le visionnaire prĂ©sident camerounais a anticipĂ© les ennuis judiciaires au cas oĂč il dĂ©ciderait de prendre sa retraite. Les nouvelles dispositions de la Constitution lui confĂ©rent une immunitĂ© aprĂšs son rĂšgne. Une veste que chacun coupe Ă  sa mesure Paul Biya a ainsi rejoint, cette annĂ©e, la longue liste des chefs d’Etats qui ont modifiĂ© la Constitution de leur pays (Idriss DĂ©by, Omar Bongo Ondimba, Zine Abidine Ben Ali
) pour se maintenir au pouvoir. La liste va sans doute s’allonger au cours des prochaines annĂ©es. La Constitution en Afrique n’est finalement rien d’autre qu’un outil juridique qui permet aux Chefs d’Etat de rĂ©aliser leur dessein personnel. La constitution, comme le dit la chanson, est devenue une veste que chacun coupe, taille et recoud Ă  sa mesure. [1] Rassemblement dĂ©mocratique du peuple camerounais

 
(Source: Afrik.com le 10 janvier 2009)

 

 

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