11 avril 2010

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TUNISNEWS
9 ème année, N° 3610 du 11.04.2010
 archives : www.tunisnews.net 


Luiza Toscane: Vient de paraître : « Le contrôle administratif en Tunisie » un rapport de l’Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques (AISPP) Mourad Zitouni: Mohamed Sayah ou l’éthique en politique RMC: Al-Qaïda au Maghreb menace la Coupe du monde Le Parisien: Maghreb United, le concert qui dérange AFP: Thaïlande: une société bloquée


Luiza Toscane: Vient de paraître
 « Le contrôle administratif en Tunisie » un rapport de l’Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques (AISPP).

L’AISPP vient de publier un volumineux rapport sur la condition des ex prisonniers soumis à une peine complémentaire de contrôle administratif. 290 pages, fouillées, circonstanciées, illustrées de nombreux documents. Ce rapport est concomitant de ceux d’Amnesty International (Freed But Not Free, Tunisia’s Former Political Prisonners) et de Human Rights Watch (Une prison plus vaste, Répression des anciens prisonniers politiques en Tunisie) sur le même sujet, à savoir la vie après la prison.

Le rapport de l’AISPP se distingue des deux précédents par une mise en perspective historique du contrôle administratif, une approche juridique de cette peine prévue par le Code de Procédure pénale, une définition politique de cette mesure, et la langue de publication, l’arabe.

L’AISPP fait remonter l’origine de la peine complémentaire de contrôle administratif au protectorat français et en retrace l’évolution jusqu’à nos jours. Un point commun à toutes ces époques réside dans le bannissement des opposants. Prononcée comme une peine devant commencer dès la sortie de prison, le contrôle administratif vise à l’ « éradication sociale et politique » de l’ex prisonnier politique.

En principe, il s’agit d’une mesure visant à fixer la résidence de l’ex prisonnier politique dans un lieu donné pendant une période donnée. Cette peine est prononcée lors du procès et est effectuée en fin de peine ou lors d’une libération conditionnelle, dans les cas d’infractions liées au terrorisme, à la drogue, à l’atteinte à la Sûreté de l’Etat, la contrefaçon de monnaie, ou l’incitation à la débauche. Le non respect de cette mesure est passible d’un an d’emprisonnement, peine prononcée par le tribunal cantonal. Le code pénal ne détaille pas les mesures qui accompagnent l’application du décret de contrôle administratif, ce qui laisse le champ libre à la police, cette dernière étant chargée de le faire appliquer.

L’essentiel du rapport est donc consacré à l’examen de tous les dépassements policiers auxquels donne lieu cette peine sous le régime de Ben Ali : le premier est l’émargement au poste de police, non prévu par le juge, mais appliqué dans les faits à un rythme défini par la police pouvant aller à plusieurs fois par jour dans des postes différents, à des horaires pas forcément fixes, dans des postes éloignés du domicile dans lesquels il faut attendre ou revenir plus tard, et aux violences et humiliations et provocations auxquelles donne lieu ce pointage. Dans les années 90, bien que le juge n’ait pas condamné tous les prisonniers politiques à une peine de contrôle administratif, la police avait pris l’initiative de les obliger tous à signer.

Second dépassement, l’interdiction de travailler, par destruction pure et simple de boutiques, kidnapping sur le lieu du travail, par pressions policières sur les employeurs. Les membres de la famille peuvent aussi être victimes d’interdits professionnel.

Quant aux autres dépassements, il s’agit de la privation de la carte d’identité par non délivrance ou confiscation, ou de celle du passeport, qui peut durer des années, enfin, la privation du droit à la santé et aux études. Dans la pratique, le fait de devoir émarger, le refus de la police d’autoriser le malade à quitter la zone où se déroule le contrôle empêche une consultation ou une hospitalisation. Il peut y avoir refus de délivrance d’une carte d’handicapé

Autre abus signalé par le rapport : la détention dans les postes de police lors des visites présidentielles dans les villes ou les régions habitées par les anciens prisonniers ou lors de visites de personnalités étrangères invitées par l’Etat tunisien, détention parfois accompagnées de mauvais traitements.

Les procès pour contravention au contrôle administratif (déplacement jugé interdit, hors du gouvernorat, absence lors d’un pointage, etc..) se multiplient, même si le contrôle administratif stricto sensu est respecté.

Enfin le contrôle administratif, prononcé pour une durée fixée par le juge, est bien souvent prolongé dans les faits sur ordre oral de la police et le non-respect de cette nouvelle mesure sera sanctionné à son tour.

Les réclamations ou plaintes envoyées par les victimes sont systématiquement ignorées.

Bien évidemment, un ex prisonnier peut être victime de plusieurs dépassements. Et des personnes qui n’ont pas de condamnations peuvent être l’objet de ces mesures policières. Un tableau portant sur un échantillonnage significatif illustre le déclassement social des ex prisonniers.

Le rapport jette une lumière crue sur cinq d’entre eux (Ali Ben Salem, Moncef Ben Salem, Abdallah Zouari, Hamdi Zouari et Sami Bouras) qu’il décrit comme des otages.

Ces persécutions se pratiquent dans un grand climat de violences physiques et morales perpétrées aussi sur les familles des prisonniers. Les descentes de police nocturnes au domicile, les intrusions de la police sur les lieux de travail, les arrestations ostentatoires dans les lieux publics visent à couper l’ex prisonnier des siens de ses voisins, patrons collègues, etc.,… et créer chez tous un sentiment de terreur.

L’AISPP estime que ce déferlement de violence a atteint son apogée entre 1991 et 2000 pour s’atténuer ensuite, mais se maintenir. Les intéressés ont eu deux types de réactions : les grèves de la faim et la franchise illégale des frontières dans l’objectif de déposer des demandes d’asile.

Toutefois, cette violence a eu des conséquences dramatiques pouvant entraîner la mort, et le rapport cite plusieurs cas de décès.

Une importante partie du rapport est consacrée à la traque actuelle de la société civile.

Il n’est pas besoin d’insister sur l’importance de ce document, car il concerne des pans entiers de la société tunisienne. Depuis les années 90 les prisonniers politiques se chiffrent par dizaines de milliers et ce sont des centaines de milliers de proches qui ont vécu par ricochet ces persécutions. Au point que les auteurs se demandent si de « peine complémentaire », le contrôle administratif n’est pas une peine « tout court ».

Il y a donc urgence à ce que ce document soit traduit et mis à la disposition de l’opinion publique internationale qui ne peut deviner ce que cache le terme apparemment anodin de « contrôle administratif ». Comme tout rapport, il est sobre et pudique mais laisse deviner l’incommensurable souffrance entraînée par ces persécutions qui ne semblent pouvoir cesser que par l’exil, et encore ! Les autorités consulaires poursuivent leur traque des ex prisonniers. Les luttes pointées dans ce document sont des luttes individuelles, et pour cause, l’ex prisonnier vit dans une sorte d’apartheid, il est atomisé, isolé, y compris de ses pairs.

Toutefois, ce document laisse une question entière. Il est conjugué au masculin. Tous les prisonniers cités, sans exception, dans les années 90 ou 2000, sont des hommes. Il ne se singularise guère sur ce plan du document d’Amnesty International. Les anciennes prisonnières n’auraient-elles pas été persécutées après leur libération ? Une question posée avec une fausse naïveté qui aurait mérité une explication.

Luiza Toscane


Mohamed Sayah ou l’éthique en politique

Mourad Zitouni

Géographe

 

La politique peut-elle être éthique ? Poser cette question de la sorte signifie qu’on est à la recherche d’une autre acception de la politique qui cherche à la sortir de sa pathologie politicienne. En effet, si la politique et la morale ne peuvent se confondre, on ne peut, en revanche, ignorer qu’il y a bien une morale en politique : c’est « l’éthique de responsabilité ». Cette éthique doit, en principe, investir l’attitude des politiques afin que le pouvoir dans sa pratique cesse d’être une forme de jouissance personnelle. C’est cette vertu qui permet, entre autres, de différencier une démocratie d’un régime autoritaire ou tyrannique. Car aussi bien l’autoritarisme que la tyrannie comme modèle d’organisation du pouvoir ne peuvent aboutir qu’à la négation  de la morale en politique. L’un comme l’autre procèdent d’une pratique du pouvoir qui cherche sciemment  à mettre hors d’atteinte un certain nombre de valeurs telles que « le bien commun » ou « l’intérêt général ». Cependant, aucun dictateur, aucun tyran ne se dit agir au nom du mal. Au contraire, il va toujours prétendre agir pour le bien de son peuple. Et s’il y a contestation de cette prétention, elle ne pourrait être que la résultante d’une démarche portée par des esprits malfaisants et vicieux qui ne veulent point laisser « le grand homme » semer le bien. C’est en effet cette configuration que vit la Tunisie actuelle. Elle est frappée depuis une vingtaine d’années d’une malédiction qui s’appelle dictature. Pouvoir immoral exercé par un président cynique dont la seule préoccupation est de s’enrichir et enrichir sa famille et ses proches. Point d’autres projets. Vol, corruption, mensonge, trafic (.. .) constituent désormais les nouveaux référents des gouvernants dans ce pays. Plus de place ni pour la morale ni pour l’éthique. Au contraire, ces valeurs apparaissent comme désuètes appartenant à un autre âge et à une époque révolue où des hommes et des femmes dans cette même Tunisie agissaient pour « le bien commun » et « l’intérêt des Tunisiens ». Il y avait dans leur pratique une croyance selon laquelle la politique pourrait être porteuse d’espoir et de bonheur pour le peuple. Ces politiques on les trouvait aussi bien dans les rangs de l’opposition qui ferraillait contre le régime que dans les rangs des hommes et des femmes proche de Bourguiba. Parmi eux je souhaite parler d’un homme politique qui a marqué l’histoire de notre pays. Décrié par les uns et adulé par les autres, l’homme a certainement sa part d’ombre, mais avec le recul et l’objectivité qu’impose aujourd’hui une lecture sérieuse des faits historiques (surtout depuis quelques années outre les mémoires et les récits de plusieurs acteurs, les langues se sont déliées sur des événements qui ont jalonnés l’histoire de notre pays), la part de lumière qui caractérise aussi bien le personnage que son action ne cesse de grandir et de s’imposer comme une nouvelle réalité. Et ces qualités sont d’autant plus appréciables qu’elles ont disparu de notre paysage politique. L’homme sur lequel va porter ma narration c’est Mohamed Sayah.   

Le souci de prévoir rationnellement l’avenir des sociétés a toujours été nourri par la découverte de la variété de qualités de leurs gouvernants. La question mérite d’autant plus réflexion que la classe politique et ceux qui la composent ont étrangement changé en Tunisie. Nul besoin de procéder à un comparatisme poussé pour se rendre compte que cette classe politique est dépourvue d’hommes de la stature d’un Mohamed Sayah. Le déficit n’est point humain mais plutôt de valeurs et d’idées. Ceux qui gouvernent le pays actuellement ne semblent avoir ni idées ni valeurs. Le néant, le vide, le rien. A l’image de la dictature dont ils sont les préposés serviles. Que dire alors du chef et de son proche entourage ? Là encore un grand « Rien » surgit. Ni culture, ni valeurs, ni idées, ni même envie d’en avoir. L’ignorance absolue. Toutefois, l’homme est rusé. Au lieu de gouverner par l’idée, il gouverne exclusivement par la ruse. Triste Tunisie. Face à un tel paysage de désolation, les valeurs qui caractérisent l’homme politique Mohamed Sayah ne peuvent que nous amener à lutter contre cette dangereuse avancée du « Néant » et croire qu’un jour meilleur est encore possible. Mohamed Sayah possède plusieurs qualités, nous souhaitons apporter spécialement un éclairage sur deux d’entre elles : la Fidélité aux idées et le sens de l’Etat

I) La suite dans les idées.                      

Plusieurs fois Ministre dans des secteurs différents, Directeur du parti (PSD) et  surtout biographe de Bourguiba, Mohamed Sayah est un homme politique qui a sans conteste fait l’histoire de son pays. On ne peut analyser ou réfléchir l’époque bourguibienne sans que  son nom ne soit cité. De cette continuité, l’homme a tiré une notoriété qui lui a certainement attiré aussi bien de l’animosité que de l’admiration. Mais ce n’est point de l’action de l’homme lors de cette période qui nous intéresse ici. Laissons aux historiens et aux biographes le soin de nous éclairer en faisant l’inventaire. C’est Mohamed Sayah  de l’après 7 novembre qui nous intéresse. Même s’il n’y a point de rupture car l’homme est entier et son caractère n’est point binaire. Cependant, ce parti pris méthodologique n’est que la résultante d’un constat que nous avancions comme une hypothèse de départ : la lumière du pouvoir est tellement éclatante qu’elle tamise parfois les qualités des hommes qui l’exercent. A contrario, ce sont les traversées du désert qui font jaillir ces qualités en les rendant visibles à l’œil nu. Point de courtisaneries et de flatteries. L’homme se trouve alors face à lui-même. Et  c’est cet entre soi qui permet à l’observateur de différencier les hommes politiques porteurs de qualités réelles et ceux qui n’en ont aucune.

Mohamed Sayah a été un des plus proches collaborateurs du Président Bourguiba, il a côtoyé l’homme pendant plusieurs années, il lui a  consacré un certain nombre d’ouvrages à travers lesquels il a analysé non seulement l’œuvre, les idées et l’action, mais également « l’être » lui-même. De cette filiation naît une admiration. Admirer c’est s’étonner. Toutefois, il faut distinguer deux sortes d’admiration, celle qui est perte de l’être et celle qui est croissance de l’être. Il y a une admiration qui n’est qu’hébétude et comme une invasion de l’autre en nous et une autre admiration qui ne détruit pas la personnalité qu’elle épanouit ; elle ne tue pas la liberté qu’elle exalte. Dans ce cas l’admiration pour le modèle, c’est la réalisation du meilleur en soi. C’est cette dernière catégorie d’admiration qui correspond le mieux au rapport que Mohamed Sayah a établi avec le père de l’indépendance tunisienne. Il ne s’agit point de contemplation passive, mais d’une adhésion à un projet politique et un profond respect pour l’homme. Aussi, ne faut-il pas parler chez lui d’une admiration automatique, mais d’admiration inventive. Actualisation et transmission constituent la matrice de cette attitude. Par là se dégage  ce qui fait l’admiration de l’admirateur lui-même.

Faites un jeu : prononcez le nom de Mohamed Sayah où vous voulez en Tunisie (en ville ou en compagne), il déclanche toute une gamme de commentaires :, intègre, intelligent, autoritaire, rusé, incorruptible, travailleur, compétent, adepte du parti unique….  mais celui qui revient constamment  dans la bouche des locuteurs : fidèle à ses idées. Cette qualité apparaît comme un trait de caractère particulièrement prégnant de l’homme (Mohamed Sayah). En effet, après le coup de force de Ben Ali alors que plusieurs de ses anciens collègues (proches collaborateurs de Bourguiba) sont allés broutés l’herbe grasse de la dictature, sans même se soucier de préserver les apparences, Mohamed Sayah a visiblement pris l’option de résister à cette affreuse tentation. Qu’aurait-on pensé de lui s’il avait tourné kazakh après le 7 novembre pour aller faire allégeance au tombeur de Bourguiba ?  Il ne l’a pas fait. Et maintenant avec le recul nous pouvons même affirmer qu’il ne l’aurait jamais fait. La première des raisons qui l’a certainement empêché de se compromettre est d’abord et avant tout d’ordre personnel. Mohamed Sayah est un homme de principe. Le lien qu’il avait tissé pendant toute une vie avec Bourguiba dépasse de loin la simple collaboration politique. C’est une relation que ne peut être vécue qu’en fonction de la filialité et qui ne doit rien à un rôle ministériel. Il y a dans cette relation une forme de croyance en la justesse du projet bourguibien et son adéquation avec les attentes des Tunisiens. Ainsi, il est mû par des mobiles indissociablement politiques et affectifs. Cette attitude, qui tient compte à la fois du présent et de l’avenir, veut empêcher qu’on usurpe et qu’on souille le projet. Le régime de Ben Ali est né du parricide, il s’est fondé sur la mise à mort du Père (de la nation). Ce meurtre symbolique est politiquement immoral. Il ne pourrait que lui inspirer dégoût et rejet. Rien, selon Mohamed Sayah, n’est plus destructeur de toute éthique (politique) que la trahison. Et Ben Ali a trahi. Dans cette hypothèse l’incompatibilité ne pourrait qu’être que totale.

Mais ce qui rend le régime qui s’est installé en Tunisie après le coup d’Etat, illégitime, c’est qu’il porte en lui les premiers craquements d’une société promise bientôt à d’immenses troubles. Par son acte, Ben Ali a inversé le système de valeurs. Il a rompu le pacte civil qui lie jusque là les Tunisiens avec leurs gouvernants. Il a promu une autre culture politique intrinsèquement dépourvue de qualités. Comment un régime dont l’acte fondateur est d’enfermer pourrait-il être porteur de liberté ? Ben Ali n’a-t-il pas débuté sa carrière de nouveau président en enfermant Bourguiba ? Ce geste politique d’une violence symbolique et réelle inouï n’a pas été apprécié à sa juste valeur par beaucoup de Tunisiens notamment par les plus éclairés d’entre eux. Or, contrairement aux autres politiques, Mohamed Sayah  a dès le début vu le danger d’un tel geste. Il n’a cessé d’attirer l’attention des uns et des autres sur la gravité d’une telle situation en démontrant que le traitement dégradant que Ben Ali infligeait à Bourguiba dépassait et de loin la personne de l’ancien Président. Et en agissant de la sorte, il cherchait à tester la capacité des Tunisiens à résister et à se mobiliser contre l’humiliation et l’injustice.  Le silence d’une partie de l’élite était assourdissant. Il n’y a pas lieu de s’enorgueillir. Cette complicité par abstention a ouvert grand la voie à Ben Ali et à ses proches de continuer leur œuvre. Désormais, c’est toute la Tunisie qui se trouve l’instar de Bourguiba (avant sa mort) enfermée et humiliée. On voit par là à quel point l’absence d’une lecture politique des faits peut aboutir à une catastrophe  dont on ne mesure pas encore l’étendue de ses conséquences. Pourtant, Mohamed Sayah nous a prévenu.                                                                                                              

Le devoir d’un politique est celui que l’on ne choisit pas, qui surprend par sa nouveauté toujours renouvelée, qui crée perpétuellement l’idée en la mettant à l’épreuve des citoyens. Car la caractéristique de l’action politique est précisément que l’approfondissement de l’idée y ait du même coup un développement du lien politico-social. Et ce n’est qu’au nom de cet idéal qu’on peut parler de transmission politique. C’est parce que faire de la politique est d’abord et avant tout une lutte entre les hommes et les idées, que la persuasion et la pédagogie sont (et seront) toujours nécessaires pour transformer continuellement l’opposition en une position réciproque. Dans la vision évolutionniste qu’il a de l’Histoire, Mohamed Sayah considère que la situation dans laquelle se trouve la Tunisie n’est qu’une parenthèse. Ce qui implique politiquement qu’il faut rapidement fermer cette parenthèse. Pour ce faire, il appartient à toutes les forces politiques de guider la marche de la société tunisienne vers un avenir meilleur. Et pour l’ancien ministre, cet avenir ne peut se construire que par un détour obligatoire  au projet bourguibien qui demeure dans ses grandes lignes d’une grande acuité. Il faut alors occuper la scène politique, marquée depuis le coup d’Etat par une absence  cruelle de référents idéologiques en adéquation avec le contexte tunisien, d’idées de Bourguiba. Plaçant le récepteur devant l’évidence de faits, cette démarche provoque un double effet. Elle réactualise le projet d’une part, et elle engendre un processus de comparaison entre l’ancien et l’actuel président, d’autre part. Du coup, on se rend compte qu’un gouffre  sépare aussi bien les deux hommes que les deux projets.

Mais, dira-t-on n’est-ce pas le propre de tout discours politique ? Sans doute la communication politique est-elle par essence unilatérale. Or, ce qui caractérise cette démarche c’est qu’elle ne se veut point unilatérale. Derrière la parole se profilent les images du père, du chef qui font partie du patrimoine de tous les Tunisiens. Inconsciemment, ce retour vers l’histoire s’inscrivant au niveau du binôme affectif Père de la nation-citoyen, renvoie à l’interlocuteur l’état de délabrement politique dans lequel se trouve le pays sous le règne de Ben Ali.  Comme Bourguiba, pour la majorité des Tunisiens, inspire des sentiments mêlés de manque et de gratitude, mais toujours nimbés d’amour, il reste l’objet d’un intense investissement politique. Cette identification sincère du peuple à son père assure du même coup la pérennité de ses idées. Perçues comme infiniment justes et infiniment bonnes, ces idées ne sauraient être mises en cause, bafouées, sans créer encore un sentiment de trahison.  D’où l’obligation de les défendre contre une nouvelle entreprise d’usurpation.

 

 Cependant, cette nouvelle actualité du projet bourguibien n’est nullement le fruit du hasard. Elle est la résultante d’un travail politique du terrain mené tambour battant par Mohamed Sayah. Tel un héraut camusien, il s’est acharné  à contourner tous les obstacles et à surmonter toutes les tracasseries pour rendre ledit projet de nouveau accessible. Armé de sa profonde conviction, il a mis tout son savoir-faire et son intelligence politique au service de cette périlleuse entreprise que nul ne pensait au lendemain du 7 novembre politiquement viable. Pourtant, quelques années après le coup d’Etat, Bourguiba a retrouvé une nouvelle jeunesse et ses idées n’ont  jamais été aussi présentes sur la scène politique en Tunisie. Comme par magie l’homme manque et ses idées suintent la modernité. Et cette donne est d’autant plus honorable pour Mohamed Sayah que la dictature a mis tout en oeuvre (surveillance, menace, filature, résidence surveillée…) afin de réduire ses mouvements et limiter ses contacts.

 

Nous sommes ainsi conduits à une autre idée encore, celle de la compromission. Jusqu’où peut-on aller dans le soutien des idées et des hommes sans se compromettre ? La réponse à une telle question nécessite d’abord de différencier le contexte dans lequel agissent les être et se produisent les idées… En effet, il est beaucoup plus facile de défendre des idées sans se compromettre dans une démocratie que dans un régime dictatorial. Vient, ensuite, le problème de la légitimité (morale, éthique, politique….) : peut-on défendre sans se compromettre une idée, un projet ou même un homme dont la légitimité est douteuse ? C’est à ce niveau qu’il faut chercher le sens et le fondement politique de l’opposition de Mohamed Sayah au régime de Ben Ali. Il le considère comme dépourvu non seulement de légalité, mais surtout de légitimité. En effet, à l’instar de Mendès France (luttant en 1958 contre l’installation de la Vème  République), il refuse toute légalité juridique au coup de force porté à l’encontre de Bourguiba par son premier ministre. En effet, ce dernier, en agissant de la sorte, fait délibérément le choix de se mettre hors la loi. Car un premier ministre dont le rôle premier et d’être le garant des institutions ne peut sans se compromettre les violer. En forçant son président au départ et surtout de cette manière, Ben Ali a agi plutôt en comploteur et non en homme d’Etat digne de confiance. Par conséquent, selon M. Sayah, il ne peut prétendre à aucune indulgence en la matière. Dès lors, c’est un régime profondément illégal. Quant à son déficit de légitimité, il est intiment lié, aux yeux de Mohamed Sayah à un défaut originel. En effet, à la différence des révolutions populaires dont la légitimité peut se dissocier de la légalité, les coup-d’Etats sont non seulement illégitimes, mais également illégaux. Si on applique cette théorie à la prise du pouvoir de Ben Ali, on est en face d’un cas d’école où l’acte ne peut aucunement prétendre une quelconque légitimité. Résultat, l’ADN même de ce type d’accession au pouvoir est porteuse d’illégitimité. Outre la manipulation, le mensonge, c’est l’usurpation qui éloigne encore plus, selon Mohamed Sayah, ce régime  de la légitimité. Comment alors peut-on sur le plan éthique faire confiance à un usurpateur ?

 

Mourad Zitouni

Géographe


Terrorisme

Al-Qaïda menace la Coupe du monde


|  RMC.fr  |  09/04/2010  Menace terroriste sur la Coupe du monde. Le groupe Al-Qaïda en Afrique du Nord et au Maghreb vient de menacer de faire sauter une bombe lors d’une rencontre du prochain Mondial en Afrique du Sud. « Une rencontre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne (programmé le 12 juin, ndlr), diffusée en direct dans le monde entier et avec un stade rempli de spectateurs, serait une occasion parfaite. L’explosion gronderait à travers la planète et les cadavres se compteraient par dizaines, par centaines, si Allah le veut », pouvait-on lire dans un communiqué publié sur le site jihadiste “Mushtaqun”. Outre les États-Unis et le Royaume-Uni, les équipes de France, d’Allemagne et d’Italie sont également visées. « Tous ces pays font partie de la campagne sioniste-croisés contre l’islam », poursuit le communiqué du groupe terroriste. Al-Qaïda avait fait peser des menaces similaires sur l’Euro 2008 et les Jeux Olympiques de Pékin.
 
(Source: RMC.fr le 9 avril 2010)

RAP, R’N’B ET RAÏ. 

Maghreb United, le concert qui dérange


Deux élus UMP franciliens demandent l’interdiction du concert qu’ils jugent « provocateur ». Prévu ce soir au Zénith de Paris, ce show a été annulé dans trois villes. LOUIS MOULIN | 10.04.2010, 07h00 Les quelque 7 000 spectateurs attendus ce soir au Zénith de Paris pour assister au concert Maghreb United vont-ils se retrouver face à des portes closes ? C’est ce que souhaitent deux députés UMP du Val-d’Oise, Yanick Paternotte et Claude Bodin, qui demandent l’interdiction de cet événement rap, raï et R’n’B, le jugeant « provocateur ». Les élus de droite s’indignent des « appels à la haine et à la violence de pseudo-chanteurs n’ayant de cesse de bafouer et d’insulter nos valeurs nationales et tous ceux qui sont chargés de les faire respecter ». Dans le viseur des élus UMP, deux artistes en particulier : Rim’K, le rappeur du groupe 113 (de Vitry dans le Val-de-Marne), organisateur de ce concert qui rassemble une quarantaine d’artistes, et Sefyu, rappeur d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), révélation des Victoires de la musique 2009. Les députés pointent en particulier les chansons « Face à la police », de Rim’K, et « la Vie qui va avec » de Sefyu. Aucune des deux ne figure pourtant au répertoire de Maghreb United et le premier texte a même plus de dix ans. Déjà interdit à Lyon et Marseille Rim’K, tout à la préparation de son concert, n’a pas souhaité s’exprimer directement, « pour faire retomber la pression », selon son entourage. Un communiqué signé « Rim’K management » souligne tout de même que Maghreb United se veut « un vrai rassemblement populaire multiculturel et multigénérationnel, sans distinction d’origine ou de nationalité, dans une grande manifestation multicolore à l’image de notre pays ». Le communiqué précise par ailleurs que « tous les propos que nous estimons diffamatoires feront l’objet d’une plainte en diffamation et sont à l’étude par nos conseils ». Le concert Maghreb United a déjà été interdit à Lyon (Rhône-Alpes), Seyssins (Isère) et Marseille (Bouches-du-Rhône). Dans la cité phocéenne, l’annulation avait été décidée à la suite des pressions de Jacques Bompard, le président de la Ligue du Sud, un mouvement d’extrême droite. (Source: leparisien.fr le 9 avril 2010)


Thaïlande: une société bloquée


Publié le 11 avril 2010 à 07h42 | Mis à jour à 07h49   Didier Lauras Agence France-Presse Bangkok Une vingtaine de morts, un Premier ministre en sursis, une division chaque jour plus profonde entre les élites et les milieux populaires: la Thaïlande s’est réveillée dimanche sur un tas de ruines, après avoir vécu les affrontements les plus violents depuis 20 ans. Le pays a observé en direct samedi, sur les chaînes de télévision, les soldats s’affronter avec les «chemises rouges», mouvement né dans les régions rurales du nord et du nord-est du royaume, et aujourd’hui rejoint par une fraction de plus en plus importante des masses populaires de Bangkok. Après un mois de manifestations pacifiques, de plaisanteries et de sourires échangés entre les deux camps, le face-à-face a dégénéré pour faire au moins 19 morts et 825 blessés. Mais le conflit dépasse largement l’affrontement entre l’opposition et Abhisit Vejjajiva, Premier ministre démocrate diplômé d’Oxford. Ce qui se joue, rappellent des analystes, est une fracture profonde entre la masse des déshérités du pays et les élites de Bangkok qui gravitent autour du palais royal, des hauts fonctionnaires, magistrats, hommes d’affaires. «Cette société n’aborde pas les problèmes de fond: la justice à deux vitesses, l’équilibre des pouvoirs, le rôle de Bangkok et des provinces. Donc le pays n’avance pas», résume Arnaud Leveau, directeur adjoint de l’Institut de recherche pour l’Asie du sud-est contemporaine (IRASEC). Les «rouges» réclament le retour à l’ordre constitutionnel en vigueur avant le putsch militaire de 2006 qui a renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra pour népotisme et corruption. Ils vénèrent l’homme d’affaires, dont la politique populiste (2001-2006) a été très favorable aux masses rurales du nord. Et ils dénient à Abhisit toute crédibilité, en rappelant qu’il est arrivé au pouvoir, en 2008, à la faveur de décisions de justice et d’un renversement d’alliances parlementaires. Dimanche, la Thaïlande s’est réveillée dans un cul-de-sac politique. Abhisit a déjà indiqué qu’il ne voulait pas démissionner. L’armée sort affaiblie des affrontements, à l’issue desquels elle a dû faire marche arrière. Et les «rouges» ont démontré qu’ils ne céderaient pas. «Le bain de sang est un rappel urgent de la nécessité de mettre fin au glissement vers l’anarchie», estimait le quotidien The Nation dans un éditorial. «Même les optimistes ne peuvent pas croire qu’un réel processus d’apaisement peut débuter dans un avenir proche». Pour Pavin Chachavalpongpun, chercheur thaïlandais à l’Institut des études sur l’Asie du sud-est de Singapour, les violences ne désigneront aucun vainqueur. «Il y a deux jours, j’aurais dit qu’Abhisit n’allait pas démissionner. Maintenant, il y a une possibilité que ses alliés le lâchent», estime-t-il. Le bain de sang aura aussi coûter cher aux opposants, assure le chercheur. «Ils disaient qu’ils organisaient des manifestations non violentes, et regardez ce qui s’est passé». Reste la figure du roi, 82 ans dont 64 de règne, vers lequel se sont longtemps tournés les Thaïlandais lorsqu’ils étaient en difficulté. Mais Bhumibol Adulyadej, hospitalisé depuis septembre, n’est pas intervenu publiquement au cours de cette crise. Dimanche soir, un leader «rouge» a implicitement lancé un appel au monarque, immensément révéré. «Quelqu’un va-t-il informer le roi que ses enfants ont été tués au milieu de la route sans justice?», a proclamé Jatuporn Prompan. Mais ce dernier «n’espère rien en réalité», assure Pavin. «Le roi ne pourrait offrir qu’une forme de compromis et il ne veut pas de compromis (…). Jatuporn voulait juste montrer que les +rouges+ ne se battent pas contre la monarchie, mais contre les élites de Bangkok».

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