FIDH: Tunjsie – Recrudescence de violences policières
Reporters Without Borders: TUNISIA – Journalists demonstrate against last week’s police violence
AFP: Tunisie: volonté du gouvernement de tenir les élections le 24 juillet
Recrudescence de violences policières
TUNISIE – Les journalistes se mobilisent pour dénoncer la violence policière
TUNISIA – Journalists demonstrate against last week’s police violence
Dynamique Citoyenne des Tunisiens à l’Etranger
La transition démocratique en Tunisie
Neuvième centenaire de la mort de Ghazali
Tunisie: volonté du gouvernement de tenir les élections le 24 juillet
AFP / 10 mai 2011 19h36
PARIS – Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mouldi Kefi, a affirmé mardi à Paris que la volonté du gouvernement était que les élections aient lieu à la date proposée, le 24 juillet prochain, dans un entretien à la chaîne France 24. La volonté du gouvernement, la volonté du président par intérim, la volonté du Premier ministre, est que ces élections aient lieu à la date proposée, a déclaré le chef de la diplomatie tunisienne. Ca, c’est une volonté politique. Et je suis sûr que le peuple tunisien, qui a réussi le miracle de la révolution du 14 janvier (jour de la fuite de l’ex-président Ben Ali, ndlr) est capable de relever ce défi, nonobstant les difficultés techniques ou logistiques auxquelles on aura à faire face, a-t-il insisté. Dans un discours télévisé à la nation dimanche soir, le Premier ministre Béji Caïd Essebsi, dont le gouvernement est chargé de gérer le pays jusqu’à cette échéance électorale, a fait planer le doute sur le respect de la date prévue du 24 juillet, arguant de lenteur dans les travaux préparatoires. Le gouvernement s’est engagé en choisissant la date du 24 juillet et on tient à cette date, mais si le comité des réformes dit qu’il y a des empêchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilité à discuter, avait-il déclaré, avant d’ajouter: Il est vrai qu’il y a une lenteur dans l’étude de ce dossier, mais la Haute commission chargée de préparer ces élections cruciales (…) est autonome, et le gouvernement lui apporte seulement son soutien matériel et logistique avait-il ajouté. Les Tunisiens doivent élire une Assemblée constituante, qui aura la tâche d’adopter une nouvelle constitution et de préparer de nouvelles élections. Alors que des scènes de pillages et de désordre dans les banlieues de Tunis et certaines villes de province se sont multipliées ces derniers jours, le chef de la diplomatie s’est voulu rassurant: La démocratie ne se fait pas en quelques semaines, en quelques mois, a dit M. Kefi, tout en disant convaincu de la capacité de son pays à mener à bien sa transition démocratique. Interrogé sur les difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontées le pays et qui pourraient favoriser un vote islamiste, le ministre s’est à nouveau voulu confiant. Les islamistes ont été utilisés comme épouvantail pendant des années par le régime Ben Ali pour empêcher la transition démocratique, a-t-il rappelé. Est-ce qu’aujourd’hui la situation sociale difficile va favoriser l’émergence des islamistes’ Je ne le pense pas. La société tunisienne a tous les ingrédients pour réussir sa transition, y compris avec les islamistes (…) qui ont compris que c’est à eux de s’adapter à la nouvelle réalité. Je suis sûr qu’ils sont conscients de ça, a-t-il ajouté. Mouldi Kefi s’est par ailleurs félicité du fait que la Tunisie soit invitée au G8 qui se tiendra fin mai à Deauville, dans le nord-ouest de la France, et où une aide importante pourrait être annoncée pour son pays. La France a déjà promis en avril à la Tunisie une aide de 350 millions d’euros sur la période 2011-2012.
Les troubles se multiplient, les élections pourraient être retardées
Qui veut la peau de la révolution ?
En Tunisie, on envisage le report des élections
Le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, dont le gouvernement est chargé de gérer le pays jusqu’aux élections, a fait planer le doute sur le respect de la date prévue du 24 juillet, arguant de la «lenteur» dans les travaux préparatoires.
«Le gouvernement s’est engagé en choisissant la date du 24 juillet et on tient à cette date, mais si le comité des réformes dit qu’il y a des empêchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilité à discuter», a-t-il déclaré, hier, lundi.
«Il est vrai qu’il y a une lenteur dans l’étude de ce dossier, mais la Haute commission chargée de préparer ces élections cruciales est autonome, et le gouvernement lui apporte seulement son soutien matériel et logistique» a-t-il ajouté. La commission électorale indépendante a été élue, hier, lundi, par la Haute commission chargée de préparer les élections. Cette commission, qui doit au total compter 16 membres, sera chargée de superviser le scrutin. De leur côté, les partis politiques sont divisés sur le bien-fondé de la date du 24 juillet, le Parti démocrate progressiste y restant attaché tandis que le Mouvement de l’unité populaire plaide pour un report et l’organisation d’un référendum constitutionnel. Quant au président du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, il a souligné, dimanche dernier, que la Tunisie vit une situation «dangereuse» et que les Tunisiens «doutent de la crédibilité du gouvernement».
Le gouvernement et la police «refusent de réaliser qu’il y a eu des changements et que c’est le droit des Tunisiens de manifester», a-t-il aussi déclaré alors que des manifestations antigouvernementales ont régulièrement lieu à Tunis depuis le 5 mai dernier.
Depuis trois jours, des quartiers défavorisés de la capitale tunisienne sont, par ailleurs, la proie de violences accompagnées de pillages. A Slimane, dans la banlieue de Tunis, un homme a été mortellement blessé par balle, dimanche dernier, selon un témoin. De nouvelles scènes de désordre ont eu lieu également dans la nuit de dimanche à lundi à Ettadhamen, une banlieue défavorisée de Tunis, malgré le couvre-feu instauré dans la capitale pour une durée indéterminée. «ça a recommencé cette nuit comme la nuit précédente», a raconté ce témoin, Abdelrazak Haouini, parlant de «jeu du chat et de la souris» entre forces de l’ordre et bande de jeunes «très alcoolisés» jusqu’à 5h du matin.
«Un des jeunes, qui était poursuivi par la police, est monté sur le toit d’une maison et il est tombé, a ajouté cet habitant, affirmant «avoir entendu que le jeune serait mort». Cette information n’a pas pu être confirmée dans l’immédiat. «Ces jeunes qui sont très pauvres buvaient beaucoup de bière et je ne sais pas qui leur donne cet argent pour en acheter autant, je ne sais pas qui est derrière tout ça», a encore raconté le témoin. Dans ce contexte, plusieurs partis politiques ont appelé le gouvernement transitoire «à faire preuve de transparence afin de regagner la confiance du peuple» et à œuvrer pour stabiliser la situation dans le pays.
Source: “Donne Ton Avis” Le 10-05-2011
La Tunisie rétablit le couvre-feu et songe à reporter les élections
Le rétablissement du couvre-feu et la brutalité de la police dans les manifestations ne facilitent pas l’action d’un gouvernement qui cherche à attirer les investisseurs pour redresser le pays. Les élections pourraient être reportées.
Aujourd’hui, la sécurité n’est plus une question », lançait jeudi dernier le directeur général de l’Office national du tourisme tunisien, Habib Ammar, en présentant la nouvelle campagne de promotion du tourisme en Tunisie. Samedi, après les manifestations antigouvernementales à Tunis et dans sa région, les autorités ont décrété le rétablissement du couvre-feu dans la capitale et dans d’autres villes, de 21 heures à 5 heures et pour une durée indéterminée. La police a violemment dispersé plusieurs centaines de manifestants en plein coeur de Tunis, jeudi et vendredi. Malgré le couvre-feu, les manifestations se sont poursuivies ce week-end et ont fait un mort à Slimane, dans la banlieue de Tunis, selon un témoin. Des magasins ont été pillés en plein centre de la capitale ainsi que dans sa banlieue nord. Cinq postes de police et de la Garde nationale ont été incendiés.
Les manifestants ont appelé à la« démission » du gouvernement transitoire et à « une nouvelle révolution », estimant que l’exécutif n’était pas capable d’emmener le pays sur la voie de la démocratie.
Le poids des islamistes
Quinze journalistes travaillant pour des médias tunisiens et internationaux ont reçu coups, insultes et se sont vu confisquer leurs appareils photo et caméras lors des manifestations de jeudi et vendredi. La presse tunisienne a condamné ces violences et le ministère de l’Intérieur a présenté ses excuses. Beaucoup s’interrogent sur les origines des troubles – anciens membres du parti unique RCD, islamistes, casseurs : nombre d’hypothèses sont évoquées.
Les manifestations ont démarré après l’interview de l’ancien ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, publiée sur Internet dans la nuit de mercredi à jeudi, dans laquelle il dénonçait la préparation d’un « coup d’Etat militaire ». « Si le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) gagne les prochaines élections du 24 juillet [pour la mise en place d’une Assemblée constituante, NDLR], le régime sera militaire » , indiquait-il. L’ancien ministre, très populaire, ajoutait : « Le dernier voyage du Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, à Alger a consisté en la coordination sur ce point » et « la nomination, le 18 avril, du général Rachid Ammar au poste de chef d’état-major interarmes n’est qu’une préparation à ce coup d’Etat ».
Le Premier ministre a critiqué des propos « dangereux », méritant « une poursuite judiciaire », visant à semer « la discorde et la zizanie » et à provoquer le report de la date des prochaines élections. Dans un discours à la télévision nationale, dimanche soir, Béji Caïd Essebsi a d’ailleurs laissé planer le doute sur la tenue des élections à la date prévue. « Le gouvernement s’est engagé en choisissant la date du 24 juillet et on tient à cette date, mais si le comité des réformes dit qu’il y a des empêchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilité à discuter. »
De quoi inquiéter encore un peu plus les investisseurs. Or, la relance de la croissance – qui ne dépassera pas 1 % cette année -passe par les investissements et les grands projets. Le poids des islamistes inquiète aussi. « Selon les estimations, ils feraient un score de 10 % à 30 % aux prochaines élections », indique un ancien diplomate. Une coalition regroupant une cinquantaine d’associations a été créée vendredi à Tunis pour « faire barrage à l’intégrisme et à l’islamisme ».
« En cette période difficile, l’Europe devrait soutenir la Tunisie au lieu d’apparaître comme égoïste, conclut ce diplomate. La Tunisie accueille 250.000 réfugiés de Libye alors que l’Europe s’insurge pour 20.000 migrants. L’image de l’Europe en prend un coup et ce n’est vraiment pas dans son intérêt. »
Source : « Les Echos » Le 10-05-2011
Un inquiétant tournant sécuritaire qui suscite la colère populaire TUNISIE
Le gouvernement transitoire a réinstauré le couvre-feu sur Tunis, après les manifestations de vendredi. Les Tunisiens redoutent les manipulations des islamistes et celles des nostalgiques de la dictature.
Tunis, envoyée spéciale.
«Nous sommes entrés dans une zone d’incertitudes lourdes de dangers. » Comme tous ses compatriotes, Massaoud Romdhani, syndicaliste et militant des droits de l’homme, affiche son inquiétude sur le regain de tension en Tunisie. Hier, le gouvernement transitoire a réinstauré le couvre-feu sur Tunis, espérant mettre un terme aux violences qui ont éclaté, ces dernières nuits, dans les quartiers populaires de la capitale tunisienne. Jeudi dernier, la tension est brutalement montée, après les déclarations de l’ancien et éphémère ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, qui a accusé les proches du dictateur déchu de tirer les ficelles de la transition. Ce magistrat a aussi mis en cause l’armée, dans une vidéo postée sur Facebook, en évoquant la préparation, selon lui, d’un coup d’État militaire en cas de victoire des islamistes d’Ennahda à l’issue de l’élection de l’Assemblée constituante, prévue le 24 juillet. Fondées ou non, ces allégations ont rencontré un large écho, en particulier chez les plus jeunes, convaincus qu’un « gouvernement de l’ombre » travaille à la confiscation de « leur » révolution.
Les propos de Farhat Rajhi ont eu l’effet d’une étincelle, suscitant, en centre-ville, des rassemblements violemment dispersés. Aux abords de l’avenue Bourguiba, lorsque des manifestants tentent de se rassembler, des policiers cagoulés et armés sillonnent les rues perpendiculaires, au prétexte de rechercher des casseurs. Vendredi, des journalistes, dont un photographe travaillant pour l’AFP, ont été pris pour cibles par les forces de l’ordre. L’armée s’est redéployée autour de la place de la Casbah, symbole des rassemblements qui avaient coûté son poste au premier ministre Mohammed Ghannouchi. Un tournant sécuritaire qui suscite l’émoi, la colère ou l’inquiétude. Dans le camp laïque, on redoute que les déclarations de Farhat Rajhi ne profitent aux islamistes, très actifs depuis la chute de Ben Ali. « Ces propos alimentent la campagne victimaire orchestrée par Ennahda », analyse la réalisatrice et militante Selma Beccar. Le troisième gouvernement de transition, dirigé par un vétéran du bourguibisme, Béji Caïd Sebsi, peine à gagner la confiance des Tunisiens, sur fond d’attentes sociales impérieuses, d’inégalités profondes entre la côte et le reste du pays, de doutes sur la date et les modalités des futures élections. « Cette révolution a été voulue par le peuple, mais aussi par une frange du régime, pour laquelle Ben Ali était devenu un grain de sable dans la mécanique du système. Avec ce peuple qui a pris la parole, ce n’est plus un grain de sable qui enraye la machine, c’est une pierre », résume l’écrivain Taoufik Ben Brik. Le chef du gouvernement devait s’exprimer, hier soir, à la télévision. Pas sûr que ses explications suffiront à dissiper un lourd climat de défiance.
Élections reportées ?
L’échéance de juillet pour l’élection de l’assemblée constituante pourrait être décalée de quelques mois. Dans un entretien publié par le journal la Presse de Tunisie, Iadh Ben Achour, président du Conseil de l’instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, estime que les élections pourraient être reportées au mois d’octobre ou de novembre. La lenteur des discussions qui ont entouré l’élaboration de la loi électorale a fait qu’elle ne sera promulguée que la semaine prochaine, avec deux mois de retard sur l’échéance prévue. Le délai entre cette promulgation et la date du 24 juillet, prévue pour les élections, est trop court. M. Ben Achour estime qu’il n’est pas suffisant pour préparer convenablement les premières élections libres de l’histoire du pays.
Source : « L’humanite » Le 10-05-2011
Serge Moati : « La Tunisie de 2011 me fait penser à la France de 1981 »
Fidèle du président français François Mitterrand, le documentariste Serge Moati revient sur son parcours, trente ans après l’élection de mai 1981. Pour lui, un même vent de liberté souffle aujourd’hui sur son pays de naissance, la Tunisie.
C’était il y a trente ans. Le 10 mai 1981. La gauche arrivait au pouvoir et rêvait de « changer le monde ».Trente ans après (Le Seuil, 330 pages, 19,50 euros) est la chronique allègre de cette époque, une splendide rétrospective de cette France où tout semblait possible et paraissait devoir être inventé. C’est aussi le portrait en creux d’un jeune homme idéaliste et ambitieux. Du fils d’un notable tunisien, juif, socialiste, militant pour l’indépendance. Serge Moati n’a que 11 ans quand il se retrouve orphelin. Ce sont de ces drames qui marquent une vie, aussi accomplie soit-elle. On comprend mieux dès lors sa fascination pour François Mitterrand, incarnation d’une figure paternelle absente. Son ascension sera filmée par Moati depuis le congrès d’Épinay (1971), au cours duquel il prend la tête du Parti socialiste (PS), jusqu’à la kitschissime cérémonie du Panthéon de 1981, en passant par les duels télévisés des élections présidentielles et ses derniers vœux aux Français. Aujourd’hui, le documentariste, qui, « à 64 ans, n’a pas l’intention de devenir un mec de droite », s’apprête à filmer les coulisses de la campagne présidentielle de 2012 et à publier un essai écrit « à chaud, avec émotion » sur les événements de Tunisie, sa seconde patrie.
Jeune Afrique : Quel regard portez-vous sur la révolution tunisienne ?
Serge Moati : Je suis de ceux qui pensent, peut-être à tort, que le 14 janvier [jour de la fuite de Ben Ali, NDLR] marque le début de l’indépendance. Je souhaite de tout mon cœur quela Tunisie connaisse la démocratie qui lui a été confisquée depuis fort longtemps et qui n’est pas un luxe de bourgeois français interdit aux pays arabes. Il faut tordre le cou à ceux qui parient avec un air supérieur que les pays arabes ou africains ne sont pas capables d’y accéder.
Vous êtes donc optimiste ?
Je suis un pessimiste actif. Je veux que ça marche ; que, pour une fois, l’utopie gagne. On peut me traiter de gogo, mais je préfère être gogo avec ceux qui font bouger le monde que réaliste avec ceux qui ne font que le freiner.
Aviez-vous senti venir cette révolution ?
Oui, juste après la mort de Mohamed Bouazizi [dont le suicide a déclenché les premiers mouvements de révolte, NDLR]. Une anecdote m’a marqué. Je loue une maison à l’année à La Marsa, au bord de la plage. Des amoureux flirtaient tranquillement quand des flics sont arrivés comme des sauvages et les ont fait déguerpir. Un de mes amis leur a dit : « Arrêtez, que vous ont-ils fait ? » Quelques semaines plus tôt, il n’aurait jamais agi ainsi, car il savait que ça pouvait tourner au vinaigre. La plupart des gens avaient très peur, parce qu’ils avaient un appartement ou un emploi à défendre. Je suis de ceux qui avaient peur aussi. Je ne possède rien en Tunisie, mais je fais partie de la communauté juive et je n’avais pas envie qu’indirectement cela lui attire des ennuis.
Aviez-vous des contacts avec Ben Ali ?
Je l’ai vu une fois, juste après qu’il a pris le pouvoir, en 1987. Il m’a dit : « Vous êtes un fils de Tunis et un conseiller de Mitterrand, aidez-moi à libéraliser la télévision. » Moi, naïf, je passe un week-end auprès de lui et, un mois plus tard, je lui remets un rapport : télévision indépendante du pouvoir politique, création d’un Conseil supérieur de l’audiovisuel, organisation de débats… Ce rapport a dû être enterré dans les sables de Foum Tataouine !
Vous quittez la Tunisie pour la France, en 1957. Puis, en 1965, vous répondez à une petite annonce et c’est au Niger que vous apprenez votre métier de cinéaste…
J’ai adoré ce pays. Je m’y suis fait des frères et sœurs – des lycéens de mon âge, puisque je m’occupais d’une télé scolaire et du cinéclub. J’ai découvert les danses de possession, la tradition africaine, la franc-maçonnerie à laquelle j’ai été initié. J’étais un jeune homme ardent qui voulait changer le monde. Le Niger m’a offert l’espace et la fraternité. J’avais l’impression de sortir de l’orphelinat. L’immense savane africaine, la virginité du monde… C’était beau.
Vous y retournez ?
De temps en temps. J’ai fait plein de films en Afrique. J’aime beaucoup ce continent mais, par moments, il m’effraie. Il y avait plus de gentillesse avant, parce qu’il y avait plus de traditions, des sociétés initiatiques qui créaient un vrai ordre – qui ne reposait pas sur l’argent.
Vous rencontrez Mitterrand en 1970. Comment vous est-il apparu ?
Impressionnant. Il était beau, d’abord. Très cultivé, extrêmement attentif. C’était un homme en pleine possession de sa vie : il aimait les femmes – vous riez, mais cela compte : ce n’était pas un politique classique. Ce n’est pas un hasard s’il a dit : « Après moi, il n’y aura plus que des comptables. » Nous parlions poésie, cinéma, femmes… C’était un homme drôle, à l’humour distancié et qui, pour moi, avait le mérite inouï de connaître la France des chemins vicinaux, des collines et des départements… Voyager avec lui était délicieux. Il m’a appris la France.
Au début des années 1970, vous avez déjeuné chez lui avec René Bousquet, qui organisa la rafle des Juifs au vélodrome d’Hiver, en 1942. Cela ne vous a pas choqué ?
Je ne sais pas qui c’est, à l’époque ; c’est Jacques Attali – présent lui aussi à ce déjeuner – qui m’explique. Ça a glissé sur moi, je ne mesurais pas… Quand Mitterrand a dit à Attali : « Bousquet a sauvé notre réseau de résistants pendant la guerre », je n’avais pas de raison de douter de lui. Quel droit avais-je, moi, trente ans après, de condamner un type qui avait été blanchi à la Libération ? Je préfère me souvenir du Mitterrand jeune résistant, très courageux, qui fédérait les mouvements de prisonniers. Et puis, j’aime la complexité chez les gens. Notre seul moment de séparation s’est produit en 1986, au moment de la cohabitation. J’ai démissionné de la direction de FR3 [la chaîne de télévision régionale], car cela me déplaisait de découdre sous la droite la politique que j’avais mise en œuvre sous la gauche. « On ne déserte pas », m’a-t-il engueulé. On n’a plus échangé un mot jusqu’en 1988. Et là, grand seigneur, il m’appelle pour m’occuper de sa campagne…
Vous êtes de ceux qui l’ont fait répéter pour son débat du second tour face à Chirac, en 1988. Qui a eu l’idée de lui faire appeler son adversaire « monsieur le Premier ministre » ?
Bérégovoy ou Fabius, je ne sais plus. Mais là où Mitterrand est fort, c’est qu’il ne se trompe pas une seule fois, lors du débat. Il avait une maîtrise extraordinaire. C’est pour cela que je l’adorais, moi qui suis impatient, émotif… Mitterrand m’a appris des choses qui n’ont aucun rapport avec la politique. À se battre sur ce qu’on croit être essentiel et à ne pas dévier. L’opiniâtreté, l’acharnement. Et il l’a fait : en quatorze ans, rien de capital n’a été entaché.
Les socialistes voulaient « changer la vie ». L’avez-vous changée ?
Vous savez bien que non. Mais on a fait des choses concrètes, doublé les allocations familiales, le salaire minimum… On ne savait d’ailleurs pas très bien ce qu’on entendait par cette injonction rimbaldienne. Je croyais qu’on allait tous s’aimer, qu’il n’y aurait plus jamais de méchanceté.
C’était merveilleux !
Oui, mais on en était là, il y avait cette même naïveté, ce même enthousiasme qui, aujourd’hui, me poussent à croire que tout va bien se passer en Tunisie.
Allez-vous filmer la campagne présidentielle de 2012 ?
Oui, j’adore filmer les coulisses de la politique. Je suis alors extraordinairement neutre. Ce qui m’intéresse, c’est le côté romanesque des choses. Je filme d’ailleurs plus facilement la droite que la gauche parce que, pour moi, c’est plus exotique. Je voudrais, aussi, que la gauche réinvente un peu de lyrisme. Le programme du PS est sage, raisonnable.
Cela vous déçoit ?
Je pense que ce n’est plus de mon temps. C’est pour cela que ce livre est important pour moi : il parle d’une époque pas si lointaine où la gauche rêvait et savait faire rêver. On ne peut pas faire de politique réelle sans faire rêver.
Source : « Jeune Afrique » Le 10-05-2011
Tunisie. Scènes désolantes à l’aéroport de Tunis-Carthage
Les passagers tunisiens et étrangers arrivés à l’aéroport de Tunis-Carthage dans la nuit de samedi à dimanche ont été doublement surpris. Et pas seulement à cause du couvre feu…
A cause du couvre feu, une grande partie des voyageurs a été empêchée de quitter l’aérogare. Il était aussi impossible de décrocher un taxi. Les parents des uns et les hôtes des autres n’ont pu se déplacer à l’aéroport et ceux qui y étaient déjà avant l’annonce de la nouvelle ont éprouvé beaucoup de peine et de peur quitter les lieux à partir de 23 heures. Plusieurs ont d’ailleurs passé leur nuit sur place. Et pour rajouter à la mésaventure des centaines de personnes, étrangers compris, on a constaté sur place l’absence des moindres mesures de sécurité, les forces de l’ordre et l’armée étant les grands absents dans cet endroit aussi sensible. C’est à ne plus rien comprendre…
Qui fait quoi dans cette foire d’empoigne?
Dès leur atterrissage sur le sol tunisien, les passagers ont appris la triste information que les équipes de l’aéroport (les bagagistes en l’occurrence), qui observent une grève voici maintenant plusieurs jours, n’étaient pas en services et que ceux désignés pour assurer la permanence n’ont pu joindre leurs postes à cause du couvre-feu. Il a fallu donc attendre plus d’une heure pour pouvoir récupérer les bagages.
Mais la scène la plus désolante et la plus embarrassante pour nous Tunisiens dans toute cette triste soirée est celle des dizaines de visiteurs étrangers (touristes, particuliers et hommes/femmes d’affaires) livrés à eux-mêmes, qui n’ont rien compris et qui n’ont trouvé aucun interlocuteur capable de les consoler, de les aider à joindre leurs destinations ou tout simplement de les réconforter et de contenir leur rage et leur déception.
Tout le monde ne pensait qu’à une chose: comment rejoindre sa maison après avoir fini le travail. Et tous ces touristes et autres passagers? Peu importe ce qui leur arrive et s’ils parviennent à quitter les lieux dans des conditions normales!
Si on peut trouver des excuses pour ce qui est arrivé aux particuliers et aux investisseurs étrangers arrivés à Tunis samedi soir et tôt dimanche à l’aéroport de Tunis, il nous est été très difficile à digérer et à concevoir qu’aucune partie, privée ou officielle, n’est venue au secours de ceux, amoureux de notre pays, qui n’ont pas hésité de venir en touristes en ces temps difficiles.
Un démenti pour l’image d’une Tunisie accueillante
Il a fallu l’apport de quelques citoyens tunisiens et celui de quelques journalistes, eux aussi coincés dans les mêmes conditions, pour que des touristes soient rassurés et retrouvent leur sourire.
L’annonce du couvre feu moins d’une heure seulement avant son entrée en vigueur a certes beaucoup contribué à ce que nous avons vécu. Mais elle n’explique en rien ce qu’ont éprouvé beaucoup de Tunisiens et d’étrangers.
Au moment où les autorités tunisiennes s’efforcent pour sauver ce qui peut être sauvé de la saison touristique estivale, ce qui s’est passé à l’aéroport de Tunis-Carthage dans la nuit de samedi à dimanche est une vraie honte. Une gifle pour l’image d’une Tunisie calme, rassurante et accueillante.
N’est-ce pas monsieur le ministre du Commerce et du Tourisme?!
Source : « Kapitalis » Le 10-05-2011
TUNISIE. 13 élus pour la haute instance
Election de 13 membres de la haute instance indépendante pour les élections. 13 sur 16.
L’instance centrale des élections compte 16 membres nommés par décret et seront choisis comme suit : trois magistrats choisis par la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, proposés à parité par l’association des magistrats tunisiens (AMT), le syndicat des magistrats ; trois membres choisis par la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution parmi les six candidats proposés par le conseil de l’ordre des avocats, un huissier notaire, un huissier de justice, un expert comptable, un journaliste, deux membres parmi les militants des droits de l’Homme, un membre représentant les Tunisiens à l’étranger, un expert en informatique, et deux professeurs universitaires.
Voici la liste des 13 élus:
•Boubaker Ben Thabet
•Med Fadhel Mahfouth
•Ridha Torkhani
•Sami Ben Slama
•Nabil Bafoune
•Anouar Ben Hssan
•Arbi Chouikha
•Kamel Jandoubi
•Abd Errahmane Hedhili
•Monia Abed
•Zeki Rahmouni
•Mohamed Sghaïer Achouri
•Souad Triki
Source : « Le Western culturel » Le 10-05-2011
Tunisie : Les facebookeurs face à la situation politique actuelle
Après avoir grandement contribué à la révolution du 14 janvier, voilà que Facebook, le réseau social le plus populaire en Tunisie, fait naitre une toute nouvelle tendance : celle des sondages politiques. Que pensez-vous du discours de Beji Caid Essebsi ? Avez-vous confiance en Farhat Errajhi ? Autant de questions dont les réponses demeurent parfois….inattendues !
A la base, cette nouvelle application intitulée «Facebook question», présente sur pratiquement tous les murs des facebookeurs tunisiens, offre la possibilité aux utilisateurs de poser et de répondre à plusieurs questions, d’obtenir des recommandations d’amis (les avis sur tel film, restaurant ou sur une voiture…). Sauf qu’en Tunisie, cet outil sert à une toute autre vocation : celle de jauger un temps soit peu l’état d’esprit qui règne en ce moment chez des internautes, tiraillés entre les révélations explosives de Farhat Errajhi, ancien ministre de l’intérieur et le démenti officiel effectué ce dimanche par Béji Caid Essebsi, le premier ministre du gouvernement provisoire tunisien. Sans parler des différents points de vue concernant les leaders des partis politiques !
Voici un petit échantillon provenant des innombrables questions/réponses (ainsi que leurs résultats) qui pullulent actuellement sur les murs des internautes. Précisons toutefois, que chaque facebookeurs, groupes et pages fans a le droit de poser la question qu’il souhaite. Celle-ci sera ensuite proposée aux différents amis qui pourront donner leurs propre avis sur la question et même rajouter de nouvelles opinions. Ainsi, selon les première constatations, le tunisien serait pour un régime militaire, aurait encore confiance en le gouvernement actuel aurait tendance à trouver Farhat Errajhi plus convaincant que Beji Caid Esebsi….
Source : « Tekiano » Le 10-05-2011
Tunisie. Le torchon brûle entre Tarak Ben Ammar et Gilbert Naccache
Le neveu de Wassila Bourguiba, seconde épouse de l’ex-président, menace d’intenter un procès pour diffamation à celui qui a été emprisonné par Bourguiba pendant 11 ans, entre 1968 et 1979.
La menace du producteur de cinéma Tarak Ben Ammar fait suite à une interview du militant de gauche et co-fondateur du groupe Perspectives Tunisiennes, où Gilbert Naccache décrit Tarak Ben Ammar sous des traits peu amènes.
Les «gens de l’ombre» Parmi les «gens de l’ombre», membres du Rcd, ex-parti au pouvoir, qui veulent confisquer la révolution tunisienne ou cherchent à jouer encore un rôle politique dans l’après-Ben Ali, des «gens qui représentaient à la fois la partie la plus pourrie du Rcd mais pas la partie complètement mafieuse», et «qui avaient des intérêts avec les Français», M. Naccache cite, dans son entretien sur Facebook, le banquier «Hakim Karoui et ses acolytes». Il nomme ensuite l’un des représentants de «la bourgeoisie tunisoise», Tarak Ben Ammar en l’occurrence, qui, pour reprendre pied sur la scène politique tunisienne, serait, selon ses termes, «prêt à tout financer». «Si tu veux créer un parti, vas le voir, il te donnera tout l’argent que tu voudras. Il est prêt à tout financer. Il nous a même fait des avances», raconte M. Naccache. Il ajoute d’autres détails: «La personne qui a été contactée [par Ben Ammar, ndlr] lui a expliqué que nous, dans notre association, on voudrait qu’avec les gens qui participent à financer, que ce soit Tarak Ben Ammar ou un autre, on discute d’abord des engagements». Mais tout en affirmant que M. Ben Ammar n’a rien demandé en contrepartie de son soutien financier et qu’aucun compromis n’a été envisagé entre les deux parties, M. Naccache justifie son refus de l’aide financière du producteur de cinéma par son souci de ne rien lui devoir. Car, explique-t-il, «quand tu as accepté de l’argent de quelqu’un, même si tu n’es pas obligé, tu es beaucoup plus gêné après.»
Gros souliers contre mocassins S’agissant, en l’occurrence, de Tarak Ben Ammar, M. Naccache ajoute: «Je ne prendrai pas une position politique en Tunisie sans que je le dénonce comme un corrompu.» (sic!) Et d’ajouter, sans prendre de gants: «En tout cas, il était l’un des agents de la corruption du temps de Bourguiba. Ça, je ne lui laisserai pas faire. Il a utilisé la puissance de sa tante et de l’Etat pour gagner de l’argent et se faire un empire. Donc, si demain c’est lui qui finance, et même si moi je veux le dénoncer, on va me dire: ‘‘Ne déconne pas, on a besoin de lui, c’est un copain, il nous donne de l’argent, on doit le ménager’’. Non, je ne ménage personne. Cette révolution est une révolution de gens qui ont de gros souliers et qui marchent dans la boue. Et non de gens qui ont des mocassins.» Dans sa réponse aux «propos diffamatoires de Gilbert Naccache», Tarak Ben Ammar affirme sur sa page Facebook avoir pris connaissance «avec stupeur» des accusations de M. Naccache à son encontre. Et il est catégorique: «Je ne connais pas cet homme, je ne l’ai jamais rencontré, ni ‘‘approché’’ comme il dit, encore moins ‘‘proposé de financer son mouvement politique’’. Je n’ai jamais entendu parler de son mouvement. Je ne connais ni ses amis, ni ses théories, ni ses idées, ni son parti, ni sa personne. Je ne sais rien de lui. Je ne lui ai jamais parlé de ma vie. Il m’est parfaitement inconnu. Je ne l’ai vu et entendu pour la première fois de mon existence que dans la vidéo postée sur Facebook». Même si on peut s’étonner du fait que M. Ben Ammar avoue ne pas connaître Gilbert Naccache, une icône de la scène politique contemporaine de la Tunisie – à chacun sa culture et ses centres d’intérêt, ceux de M. Ben Ammar, comme il le précise lui-même, sont les médias et le cinéma –, on peut cependant concéder au neveu de Wassila Bourguiba qu’il n’a pas besoin du «secours de Gilbert Naccache» pour se «lancer dans la politique». Car, comme il le dit lui-même: «Tant qu’à financer un parti, j’en aurais simplement créé un moi-même, au moins aurais-je eu l’assurance de ne pas végéter à l’état de groupuscule.»
Une unique vocation: les médias et le cinéma Il y a certes eu une page Facebook mise en ligne le 21 janvier, soit une semaine après la chute de Ben Ali, par un certain Renaud Duaner, et qui annonçait clairement «Pour ceux qui aiment avoir ‘‘Tarek Ben Ammar’’ comme Président». Mais cela, bien sûr, n’engage en rien l’intéressé qui affirme n’avoir aucune ambition politique. Et nous n’avons aucune raison pour ne pas le croire. «J’ai déjà déclaré publiquement et officiellement, sur la radio Europe 1 et sur YouTube, que, étant associé à une chaîne de télévision, je considérais que cela était incompatible avec une quelconque charge ou candidature politique», souligne M. Ben Ammar. Il ajoute: «Et dans tous les cas, je n’ai jamais envisagé aucun projet de financement de parti politique, de quelque importance qu’il soit. Je répète donc qu’en ce qui me concerne, je n’ai toujours eu qu’une seule et unique vocation, depuis mon jeune âge, les médias et le cinéma.» L’ami de M. Ben Ammar, et son co-actionnaire à Nessma TV, Silvio Berlusconi, n’est pas du même avis. Ayant les mêmes vocations, les médias et le cinéma, cela ne l’a pas empêché d’utiliser son empire médiatique et télévisuel pour se lancer en politique et prendre la tête de l’Etat italien. Ce n’est visiblement pas un exemple à suivre pour le Tuniso-français. Et cela M. Naccache a visiblement du mal à l’admettre. L’auteur de ‘‘Cristal’’, un monument de la littérature carcérale tunisienne, qui aurait bien pu être porté à l’écran par M. Ben Ammar, ne porte malheureusement pas ce dernier dans son cœur, et c’est son droit, mais de là à lui attribuer des ambitions qu’il n’a pas, et encore moins de le traiter de «corrompu», il y a un pas qu’il aurait pu éviter de faire. Et comme on devait s’y attendre, les déclarations de M. Naccache n’ont pas manqué d’énerver M. Ben Ammar, qui s’est vu «contraint» de l’assigner en justice «pour toutes les diffamations proférées dans sa vidéo». Une affaire à suivre…
Source : « Kapitalis » Le 10-05-2011
Tunisie: Quand la stupidité s’érige en crime !
Ne pas insulter les cons, les débiles, les médiocres est une tâche difficile et une besogne frustrante pour peu qu’on ait un peu d’esprit et un début de
raison. Etre clément avec la sottise et tolérer le vulgaire, le bas, le très bas tel est désormais le lot quotidien de la majorité. Apparemment, le côté pervers de la démocratie serait le fait que nous soyons acculés à subir le mensonge sur fond de vérité et la vérité sur fond de mensonge. Peu importe les propos, pourvu que ça fasse tâche, pourvu que ça souille, pourvu que ça fasse le Buzz. « Ne pas laisser sa pensée trainer dans les ornières du vulgaire » [STENDHAL: « le rouge et le noir »]: Je m’y force, je m’y tiens. Il n’y’a pas plus vulgaire qu’une vidéo d’un ancien ministre de l’intérieur qui accuse sans preuve. Il n’y’a pas plus vulgaire qu’un propos non assumé. Il n’y’a pas plus vulgaire qu’un magistrat qui condamne par humeur. Il n’y’a pas plus vulgaire qu’un journalisme sans éthique et sans moral. Pour Monsieur RAJHI qui se veut homme du peuple je dis ceci : Tout est condamnable dans ta sortie, même sa forme. Une interview dérobée qui n’en a pas l’air et une légèreté de ton qui jure avec la gravité de la teneur. Et puis au bout, une bombe qui explose dans chaque foyer, un doute qui s’installe dans tous les esprits et un malaise qui ronge tous les cœurs. Mais encore, un pays qui brûle et la vie qui quitte les rues. J’espère que tu en es fier. Trois trucs que je retiens de cette tirade malheureuse : Armée pourrie, Sahéliens pourris, gouvernement pourri. Pour résumer : Tous ou presque pourris, tous ou presque vendus. D’abord venons-en aux forces armées. Pour moi, mettre en doute l’intégrité et la foi de l’institution militaire revient à un saut dans le vide sans filets de secours. L’armée est le dernier rempart qui abrite cette Tunisie qui n’a ni constitution ni légitimité. Et puis pourquoi R.AMMAR irait chercher ZABA le président déchu au fond du Sahara en cachette pour recevoir des ordres alors qu’il lui a désobéi avec fracas 4 mois avant quand ce dernier était le président en place. Le ridicule ne tue pas puisque M. Rajhi respire encore. Et puis il veut qu’on le suive dans cette marche vers le néant et sans apporter le moindre début de preuve !!! La grande muette ne doit pas le rester face à des allégations de la sorte. Personne n’est au dessus de la loi, et surtout pas un magistrat. Et puis, je veux bien croire que les sahéliens ne veulent pas céder le pouvoir qu’ils auraient exercé depuis des décennies puisque « Monsieur propre » lui-même ne voulait pas céder son juteux salaire de ministre acquis depuis seulement deux mois et ce même au prix d’une allégeance humiliante à un gouvernement de « pourris ». Mais approfondissons davantage ce point peut être qu’on verra plus clair. Alors, il prétend que les sahéliens se retourneraient contre toute élection qui ne les mettrait pas au pouvoir. Mais qui sont d’abord ces sahéliens ? Ils devraient être organisés en une société secrète ralliant politiques, militaires et peut être milices pour pouvoir ainsi effectuer un retournement aussi spectaculaire contre la volonté du peuple. Mais on doit aussi prendre comme hypothèse qu’une majorité des habitants de la région du sahel (Il faut d’abord la définir) sont au courant de cette machination on ne peut plus diabolique, parce que tout mouvement politique supposerait une base pour le soutenir après le putsch. Et du coup, Il faut supposer qu’une frange de la population tunisienne comploterait actuellement contre toutes les autres et ce parce qu’elle croit en sa légitimité à gouverner. La poudre d’une guerre civile étalée, il ne reste plus que l’étincelle !! Quel mépris de la Tunisie et des tunisiens et quelle belle image il nous dresse là. Ce n’est certainement pas l’idée que je me fais de ma patrie, mais ce n’est peut être là que le reflet d’un être psychologiquement tourmenté et d’une personne profondément amère. Et puis, pourquoi BCS, un Tunisois donc « géographiquement illégitime », risquerait sa réputation et sa mémoire pour servir ses maîtres sahéliens ? Pour quelle raison ? Je ne crois pas au crime sans motif et je ne vois vraiment pas pourquoi un homme politique défendrait un autre parti que le sien et sans même qu’il ait récompense en retour. L’homme est désintéressé de tout sinon de son amour pour son pays. Lisez son histoire et vous saurez que ce pays n’a jamais été entre de si bonnes mains. Après l’interview de ce dernier, les deux protagonistes de l’affaire ont parlé. Le contraste est sidérant. Tout commentaire sera de trop. Pour finir, si c’est juste de la stupidité qui a inspiré les propos de M.RAJHI alors c’est une stupidité qui s’érige en crime et si c’est juste de l’irresponsabilité alors c’est une irresponsabilité qui prend des allures de trahison. Et je vois aujourd’hui des avocats, encore eux, qui accourent pour prendre sa défense. Et la Tunisie, qui prend sa défense ?
Source : « Espace Manager » Le 10-05-2011
Montrer les révolutions du Maghreb, un défi pour les cinéastes et producteurs
La révolution tunisienne est dans « la boîte » : les événements qui ont conduit au départ de l’ancien président Ben Ali, le 14 janvier, ont suscité un flot continu d’images émanant de journalistes, d’amateurs, mais aussi de documentaristes et de cinéastes. Ainsi, tourné dans l’urgence, Plus jamais peur, un documentaire réalisé par Mourad Cheikh, sera projeté durant le Festival de Cannes, le 20 mai.
Mais que faire de cette matière ? Quel effet va produire la chute de la dictature sur l’imaginaire des réalisateurs ? Ces questions étaient au centre de la table ronde organisée, dimanche 8 mai, au cinéma L’Ecran, à Saint-Denis, lors de la 6e édition du Panorama des cinémas du Maghreb, organisé du 4 au 8 mai. Réalisateurs et producteurs tunisiens, algériens ou marocains invités n’ont pas caché une certaine perplexité. La force de l’autocensure est tenace, la fiction est encore sous la bride. « Je ne trouve pas encore le recul pour filmer. Mais nous sommes venus ici pour lancer un appel et fonder une association de cinéastes du Maghreb », a déclaré le documentariste tunisien et activiste Marouane Meddeb.
Qu’elles proviennent d’amateurs ou de professionnels, les images captées sur le vif se ressemblent, estime le réalisateur et producteur marocain Ali Essafi : « Au Maroc, on a filmé le mouvement qui est né le 20 février. Ce que j’ai vu, dans les rushes, ne diffère pas de ce qui tourne sur YouTube. L’autocensure est plus importante que la censure. On est empêtrés dans des schémas, des complexes d’infériorité issus du colonialisme, dit-il, sans pour autant désespérer. Les images sauvages de la révolution ont un intérêt : ces amateurs qui filment beaucoup peuvent nous aider à nous libérer de l’auto-censure. »
Filmer la Tunisie post-Ben Ali pour en tirer une fiction ? C’est le pari de trois jeunes cinéastes tunisiens du groupe Exit, société de production fondée en 2005. Après avoir « surconsommé » des images télévisées, Ala Eddine Slim, Youssef Chebbi et Ismael ont eu envie de fabriquer autre chose. Fin mars et début avril, ils sont partis dans le camp de réfugiés de Ras Jedir, à la frontière tuniso-libyenne. Avec leurs caméras numériques, ils ont filmé la vie du camp : les intégristes font la loi, les communautés se sont déjà regroupées par quartier, l’armée ne fait que contrôler quand elle ne sort pas le bâton… Babylon n’est encore qu’une ébauche, mais promet d’être un objet cinématographique singulier.
L’éducation à l’image
Vingt minutes en ont été montrées au public, dimanche 8 mai. « On va raconter une société qui s’autodétruit. Les dialogues ne seront pas sous-titrés. Babylon, c’est l’impossibilité de rencontre entre les gens. On tient aussi à ce que le film parle de nulle part, et ne soit pas cantonné à la Tunisie », explique Ala Eddine Slim, 28 ans, à l’issue de la table ronde. Les trois cinéastes ont autoproduit le film et cherchent encore des financements pour la postproduction.
En attendant, ils mettent la dernière main à des propositions visant à réorganiser le cinéma tunisien, développer les ciné-clubs, l’éducation à l’image. Quand on salue une telle énergie, Ala Eddine Slim répond avec ironie : « La dictature, c’est stimulant intellectuellement. »
Source: “Le Monde” Le 10-05-2011
Premiers orages sur le « printemps arabe »
Ne soyons pas naïfs : les chemins de la démocratie sont rarement pavés de roses. Les deux pays « modèles » du « printemps arabe », la Tunisie et l’Egypte, n’échappent pas à la règle. Ils sont dans la tourmente, comme l’ont encore manifesté les événements du week-end. Ce n’était pas inattendu.
Si, à Tunis comme au Caire, des régimes dictatoriaux ont cédé le pas sans trop de sang versé, la transition vers la démocratie n’y est pas moins difficile. Mais il faut toute l’impatience d’un consommateur européen, habitué à être servi à la nanoseconde, et pour qui le rythme de l’Histoire se confond avec celui d’une série télévisée, pour s’étonner que la Tunisie et l’Egypte ne soient pas déjà des social-démocraties scandinaves !
Cela prendra du temps, mieux vaut s’y faire.A la dictature succède en général une phase plus ou moins chaotique. La démocratie relève de l’évolution – pas de la révolution ; elle ne se décrète pas – elle s’installe lentement.
Et dans l’insistance de certains à pointer d’ores et déjà les « ratés » de la transition égyptienne et tunisienne, il y a quelques relents de ce que les Allemands appellent la Schadenfreude – ce « on vous l’avait bien dit que ça allait mal tourner » des éternels nostalgiques de l’ordre passé.
Les nouvelles venues d’Egypte et de Tunisie n’en sont pas moins inquiétantes.
Au moins douze personnes ont été tuées, des centaines d’autres blessées et deux églises brûlées au Caire, dans la nuit du samedi 7 mai, lors d’affrontements entre chrétiens et musulmans. Ce type d’incidents sanglants – dont sont en général victimes les coptes – n’est pas nouveau : il y en avait du temps d’Hosni Moubarak. Mais la lenteur de la réaction de la police témoigne d’un climat de sécurité durablement dégradé, alors que l’Egypte va entrer en campagne électorale.
Les événements de Tunisie reflètent également une phase de doute et d’insécurité. Le gouvernement s’est résolu à déclarer samedi le couvre-feu à Tunis et dans sa banlieue. La mesure a été décidée après quatre jours de manifestations antigouvernementales suivies de pillages au coeur de la capitale et dans la banlieue nord.
Elle intervient alors qu’un ancien ministre a évoqué la possibilité d’un coup d’Etat militaire si le scrutin prévu pour l’élection d’une Assemblée constituante, le 24 juillet, donnait la victoire aux islamistes.
En Tunisie comme en Egypte, la difficile transition politique en cours a lieu sur fond de difficultés économiques grandissantes. L’effondrement du tourisme y est pour beaucoup. La croissance a chuté dans les deux pays, le chômage des jeunes augmente, la pauvreté aussi, créant un terrain favorable à l’extrémisme politique.
L’Egypte et la Tunisie sont emblématiques de ce que le « printemps arabe » a porté de meilleur. Un échec serait une victoire pour les dictateurs de la région. Les pays du G8, qui se réunissent fin mai à Deauville, doivent dégager rapidement une aide massive au profit du Caire et de Tunis.
Source: ”Le Monde” Le 09-05-2011
La bourde de Lotfi Laamari, les dits et les non dits de Béji Caïd Essebsi, et les « oublis » de nos journalistes
Par Badreddine BEN HENDA
Après l’entretien accordé dimanche dernier par le Premier Ministre à nos trois chaînes nationales de télévision, nous avons cru bon de livrer à chaud cet ensemble de remarques plutôt critiques sur la prestation des journalistes invités et sur quelques réponses de M. Béji Caïd Essebsi.
A notre avis, le « coup d’éclat » de l’interview fut la question posée par Lotfi Laamari sur la possibilité de demander aux forces de l’OTAN de défendre nos frontières avec la Libye. Habitué à jouer le beau rôle dans les émissions où il participe sur Hannibal TV, il crut, cette fois encore, devoir s’illustrer aux dépens de ses deux collègues de la Nationale et de Nessma lesquelles, pour son malheur, le laissèrent poser sa question-bourde et tirer le premier sa « boulette » du jour. Ne cachant point sa sympathie, nous dirions même son soutien, pour les rebelles en guerre contre Gaddafi, et passant sous silence les abus et les exactions commis en terre libyenne par les forces étrangères (guère désintéressées) au nom de la défense des civils, Lotfi Laamari s’étonna que la Tunisie n’ait pas jusqu’aujourd’hui et après les incursions et agressions répétées des voisins libyens, demandé « secours » à nos « amis » de l’OTAN. Heureusement que Béji Caïd Essbsi l’arrêta net en lui rappelant un devoir sacré que le premier ou même le dernier des journalistes « révolutionnaires » est censé connaître et défendre, à savoir la souveraineté de l’Etat tunisien et de ses décisions. Sur cette question, le Premier ministre tunisien a réagi fort honorablement. Nous l’avons même senti effarouché, indigné par « la sotte » demande de Laamari.
Toujours diplomate
Dans d’autres réponses néanmoins, Béji Caid Essebsi fut soit trop impulsif, soit peu convaincant, soit plutôt évasif. En tout cas, il n’a pas tout dit de manière explicite et son discours regorgeait de non-dits et d’inter-dits. Reconnaissons tout de même qu’il était le mieux préparé à l’entretien et le moins pressé de le finir. Nos trois journalistes ne surent pas tout tirer de lui et n’abordèrent que les sujets qu’ils estimaient les plus « brûlants ». Revenons au Premier ministre à qui l’interview offrit visiblement une belle opportunité pour rendre à Farhat Rajhi la monnaie de sa pièce : chaque fois qu’il évoquait l’ancien ministre de l’intérieur, Béji Caïd Essebsi tint des propos ostensiblement railleurs, méprisants, voire même insultants. C’était dans l’ensemble une riposte plus passionnée que mesurée. A propos de Kamel Letaief, Beji Caid Essebsi ne fit pas seulement la fine bouche, mais ne daigna même pas prononcer son nom. Il rappela surtout qu’en chef du gouvernement, il ne recevait ses ordres de personne tout en nuançant ce ferme refus de partager avec qui que ce soit les prérogatives de premier ministre, par quelques évocations lapidaires de la prééminence du pouvoir présidentiel dévolu à Foued Mbazaa. En ce qui concerne ses rapports avec les journalistes, objet récurrent de certaines réserves, le Premier ministre ne dérogea pas, cette fois non plus, à son ton badin coutumier et usa de son humour un tantinet intimidant et parfois ouvertement dénigreur. Il concéda, certes, quelques formules courtoises et des compliments flatteurs aux trois journalistes de la télévision, mais il ne put cacher une certaine rancœur contre les attaques des médias (excessives et infondées à ses yeux) contre lui ou contre son gouvernement. Il est vrai que durant les trente années que Béji Caïd Essebsi a passées au pouvoir sous le règne de Bourguiba, les hommes de la presse qu’on « autorisait » à interviewer un Premier ministre se comptaient à peine sur le bout des doigts d’une seule main et tout le monde connaît la « tendresse » des questions que ces journalistes privilégiés (sélectionnés, plutôt) posaient aux dirigeants et la « douceur » des articles dont ils encensaient les hauts responsables interviewés. Aujourd’hui, les langues se sont déliées et pour parer aux plus médisantes d’entre elles, il n’y a aucun mal à jouer la carte de la transparence totale. Choix pris presque à contrecœur par si Béji qui aurait aimé rester discret sur certaines questions. Et de fait, il l’est resté dimanche soir sur quelques sujets. Disons plutôt qu’il a répondu en diplomate de temps à autre. Comme sur la visite au Qatar de notre ministre de la Défense chargé alors, selon Béji Caïd Essebsi, d’un dossier de coopération économique ! Le Premier ministre « provisoire » (la polémique sur ce qualificatif était drôle) nous a semblé par ailleurs suggérer la possibilité (la probabilité ?) de deux reports : celui des élections de l’Assemblée constituante et celui des grands examens nationaux, en particulier du baccalauréat. Nous l’avons même trouvé un peu sceptique quant au respect du délai du 24 juillet prochain. Lorsqu’il a évoqué son entretien avec Iyadh Ben Achour à ce sujet, le Premier ministre ne pouvait pas ignorer que les appréhensions de ce dernier résumaient celles de plusieurs autres membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution et les appels lancés par certains chefs de partis en faveur du report de la date des élections en question.
L’actualité d’abord
Toujours est-il que globalement, les réponses de Béji Caïd Essebsi dénotaient une assurance certaine chez cet homme qui ne s’énerva quasiment pas et était disposé à rester encore plus longtemps avec ses invités. Ces derniers le déçurent quelque peu parce qu’il aurait aimé les voir poser d’autres questions sur, entre autres, le déficit budgétaire qui n’augure rien de bon pour les salariés de l’Etat. Le Premier ministre aurait sans doute voulu s’étendre sur les dossiers économiques et sociaux, sur le développement équilibré des régions. Curieusement, c’est lui qui a évoqué la nouvelle répartition du budget national et souligné le chambardement total opéré au profit des gouvernorats de l’intérieur. On ne lui a pas non plus posé de questions sur l’utilisation des sommes « faramineuses » prêtées ou promises à la Tunisie, sur les résultats de la visite « économique » du ministre de la Défense au Qatar, sur l’opportunité d’un projet « laitier » à Sidi Bouzid alors qu’à Jendouba, on arrose les prés, les jardins et même le bitume avec le lait en trop. Bref, nos trois journalistes tenaient déjà leurs « scoops » une heure après le début de l’interview avec Si Béji. Ils avaient fait le tour de l’actualité « brûlante », et ne demandaient pas plus que le « menu du jour ». Ils l’eurent et c’est Monsieur Caïd Essebsi qui, paraît-il, resta sur sa faim ! Nous aussi, d’une certaine manière !
Source: ”Le temps” Le 10-05-2011