FIDH: Tunjsie – Recrudescence de violences policiĂšres
Reporters Without Borders: TUNISIA – Journalists demonstrate against last weekâs police violence
AFP: Tunisie: volonté du gouvernement de tenir les élections le 24 juillet
Recrudescence de violences policiĂšres
TUNISIE – Les journalistes se mobilisent pour dĂ©noncer la violence policiĂšre
TUNISIA – Journalists demonstrate against last weekâs police violence
Dynamique Citoyenne des Tunisiens Ă lâEtranger
La transition démocratique en Tunisie
NeuviĂšme centenaire de la mort de Ghazali
Tunisie: volonté du gouvernement de tenir les élections le 24 juillet
AFP / 10 mai 2011 19h36
PARIS – Le ministre tunisien des Affaires Ă©trangĂšres, Mouldi Kefi, a affirmĂ© mardi Ă Paris que la volontĂ© du gouvernement Ă©tait que les Ă©lections aient lieu Ă la date proposĂ©e, le 24 juillet prochain, dans un entretien Ă la chaĂźne France 24. La volontĂ© du gouvernement, la volontĂ© du prĂ©sident par intĂ©rim, la volontĂ© du Premier ministre, est que ces Ă©lections aient lieu Ă la date proposĂ©e, a dĂ©clarĂ© le chef de la diplomatie tunisienne. Ca, c’est une volontĂ© politique. Et je suis sĂ»r que le peuple tunisien, qui a rĂ©ussi le miracle de la rĂ©volution du 14 janvier (jour de la fuite de l’ex-prĂ©sident Ben Ali, ndlr) est capable de relever ce dĂ©fi, nonobstant les difficultĂ©s techniques ou logistiques auxquelles on aura Ă faire face, a-t-il insistĂ©. Dans un discours tĂ©lĂ©visĂ© Ă la nation dimanche soir, le Premier ministre BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, dont le gouvernement est chargĂ© de gĂ©rer le pays jusqu’Ă cette Ă©chĂ©ance Ă©lectorale, a fait planer le doute sur le respect de la date prĂ©vue du 24 juillet, arguant de lenteur dans les travaux prĂ©paratoires. Le gouvernement s’est engagĂ© en choisissant la date du 24 juillet et on tient Ă cette date, mais si le comitĂ© des rĂ©formes dit qu’il y a des empĂȘchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilitĂ© Ă discuter, avait-il dĂ©clarĂ©, avant d’ajouter: Il est vrai qu’il y a une lenteur dans l’Ă©tude de ce dossier, mais la Haute commission chargĂ©e de prĂ©parer ces Ă©lections cruciales (…) est autonome, et le gouvernement lui apporte seulement son soutien matĂ©riel et logistique avait-il ajoutĂ©. Les Tunisiens doivent Ă©lire une AssemblĂ©e constituante, qui aura la tĂąche d’adopter une nouvelle constitution et de prĂ©parer de nouvelles Ă©lections. Alors que des scĂšnes de pillages et de dĂ©sordre dans les banlieues de Tunis et certaines villes de province se sont multipliĂ©es ces derniers jours, le chef de la diplomatie s’est voulu rassurant: La dĂ©mocratie ne se fait pas en quelques semaines, en quelques mois, a dit M. Kefi, tout en disant convaincu de la capacitĂ© de son pays Ă mener Ă bien sa transition dĂ©mocratique. InterrogĂ© sur les difficultĂ©s Ă©conomiques et sociales auxquelles sont confrontĂ©es le pays et qui pourraient favoriser un vote islamiste, le ministre s’est Ă nouveau voulu confiant. Les islamistes ont Ă©tĂ© utilisĂ©s comme Ă©pouvantail pendant des annĂ©es par le rĂ©gime Ben Ali pour empĂȘcher la transition dĂ©mocratique, a-t-il rappelĂ©. Est-ce qu’aujourd’hui la situation sociale difficile va favoriser l’Ă©mergence des islamistes’ Je ne le pense pas. La sociĂ©tĂ© tunisienne a tous les ingrĂ©dients pour rĂ©ussir sa transition, y compris avec les islamistes (…) qui ont compris que c’est Ă eux de s’adapter Ă la nouvelle rĂ©alitĂ©. Je suis sĂ»r qu’ils sont conscients de ça, a-t-il ajoutĂ©. Mouldi Kefi s’est par ailleurs fĂ©licitĂ© du fait que la Tunisie soit invitĂ©e au G8 qui se tiendra fin mai Ă Deauville, dans le nord-ouest de la France, et oĂč une aide importante pourrait ĂȘtre annoncĂ©e pour son pays. La France a dĂ©jĂ promis en avril Ă la Tunisie une aide de 350 millions d’euros sur la pĂ©riode 2011-2012. Â
Les troubles se multiplient, les Ă©lections pourraient ĂȘtre retardĂ©es
Qui veut la peau de la révolution ?
En Tunisie, on envisage le report des élections
Le Premier ministre, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, dont le gouvernement est chargĂ© de gĂ©rer le pays jusquâaux Ă©lections, a fait planer le doute sur le respect de la date prĂ©vue du 24 juillet, arguant de la «lenteur» dans les travaux prĂ©paratoires.
«Le gouvernement sâest engagĂ© en choisissant la date du 24 juillet et on tient Ă cette date, mais si le comitĂ© des rĂ©formes dit quâil y a des empĂȘchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilitĂ© Ă discuter», a-t-il dĂ©clarĂ©, hier, lundi.
«Il est vrai quâil y a une lenteur dans lâĂ©tude de ce dossier, mais la Haute commission chargĂ©e de prĂ©parer ces Ă©lections cruciales est autonome, et le gouvernement lui apporte seulement son soutien matĂ©riel et logistique» a-t-il ajoutĂ©. La commission Ă©lectorale indĂ©pendante a Ă©tĂ© Ă©lue, hier, lundi, par la Haute commission chargĂ©e de prĂ©parer les Ă©lections. Cette commission, qui doit au total compter 16 membres, sera chargĂ©e de superviser le scrutin. De leur cĂŽtĂ©, les partis politiques sont divisĂ©s sur le bien-fondĂ© de la date du 24 juillet, le Parti dĂ©mocrate progressiste y restant attachĂ© tandis que le Mouvement de lâunitĂ© populaire plaide pour un report et lâorganisation dâun rĂ©fĂ©rendum constitutionnel. Quant au prĂ©sident du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, il a soulignĂ©, dimanche dernier, que la Tunisie vit une situation «dangereuse» et que les Tunisiens «doutent de la crĂ©dibilitĂ© du gouvernement».
Le gouvernement et la police «refusent de rĂ©aliser quâil y a eu des changements et que câest le droit des Tunisiens de manifester», a-t-il aussi dĂ©clarĂ© alors que des manifestations antigouvernementales ont rĂ©guliĂšrement lieu Ă Tunis depuis le 5 mai dernier.
Depuis trois jours, des quartiers dĂ©favorisĂ©s de la capitale tunisienne sont, par ailleurs, la proie de violences accompagnĂ©es de pillages. A Slimane, dans la banlieue de Tunis, un homme a Ă©tĂ© mortellement blessĂ© par balle, dimanche dernier, selon un tĂ©moin. De nouvelles scĂšnes de dĂ©sordre ont eu lieu Ă©galement dans la nuit de dimanche Ă lundi Ă Ettadhamen, une banlieue dĂ©favorisĂ©e de Tunis, malgrĂ© le couvre-feu instaurĂ© dans la capitale pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. «ça a recommencĂ© cette nuit comme la nuit prĂ©cĂ©dente», a racontĂ© ce tĂ©moin, Abdelrazak Haouini, parlant de «jeu du chat et de la souris» entre forces de lâordre et bande de jeunes «trĂšs alcoolisĂ©s» jusquâĂ 5h du matin.
«Un des jeunes, qui Ă©tait poursuivi par la police, est montĂ© sur le toit dâune maison et il est tombĂ©, a ajoutĂ© cet habitant, affirmant «avoir entendu que le jeune serait mort». Cette information nâa pas pu ĂȘtre confirmĂ©e dans lâimmĂ©diat. «Ces jeunes qui sont trĂšs pauvres buvaient beaucoup de biĂšre et je ne sais pas qui leur donne cet argent pour en acheter autant, je ne sais pas qui est derriĂšre tout ça», a encore racontĂ© le tĂ©moin. Dans ce contexte, plusieurs partis politiques ont appelĂ© le gouvernement transitoire «à faire preuve de transparence afin de regagner la confiance du peuple» et Ă Ćuvrer pour stabiliser la situation dans le pays.
Source: âDonne Ton Avisâ Le 10-05-2011
La Tunisie rétablit le couvre-feu et songe à reporter les élections
Le rĂ©tablissement du couvre-feu et la brutalitĂ© de la police dans les manifestations ne facilitent pas l’action d’un gouvernement qui cherche Ă attirer les investisseurs pour redresser le pays. Les Ă©lections pourraient ĂȘtre reportĂ©es.
Aujourd’hui, la sĂ©curitĂ© n’est plus une question », lançait jeudi dernier le directeur gĂ©nĂ©ral de l’Office national du tourisme tunisien, Habib Ammar, en prĂ©sentant la nouvelle campagne de promotion du tourisme en Tunisie. Samedi, aprĂšs les manifestations antigouvernementales Ă Tunis et dans sa rĂ©gion, les autoritĂ©s ont dĂ©crĂ©tĂ© le rĂ©tablissement du couvre-feu dans la capitale et dans d’autres villes, de 21 heures Ă 5 heures et pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. La police a violemment dispersĂ© plusieurs centaines de manifestants en plein coeur de Tunis, jeudi et vendredi. MalgrĂ© le couvre-feu, les manifestations se sont poursuivies ce week-end et ont fait un mort Ă Slimane, dans la banlieue de Tunis, selon un tĂ©moin. Des magasins ont Ă©tĂ© pillĂ©s en plein centre de la capitale ainsi que dans sa banlieue nord. Cinq postes de police et de la Garde nationale ont Ă©tĂ© incendiĂ©s.
Les manifestants ont appelĂ© Ă la« dĂ©mission » du gouvernement transitoire et à « une nouvelle rĂ©volution », estimant que l’exĂ©cutif n’Ă©tait pas capable d’emmener le pays sur la voie de la dĂ©mocratie.
Le poids des islamistes
Quinze journalistes travaillant pour des mĂ©dias tunisiens et internationaux ont reçu coups, insultes et se sont vu confisquer leurs appareils photo et camĂ©ras lors des manifestations de jeudi et vendredi. La presse tunisienne a condamnĂ© ces violences et le ministĂšre de l’IntĂ©rieur a prĂ©sentĂ© ses excuses. Beaucoup s’interrogent sur les origines des troubles – anciens membres du parti unique RCD, islamistes, casseurs : nombre d’hypothĂšses sont Ă©voquĂ©es.
Les manifestations ont dĂ©marrĂ© aprĂšs l’interview de l’ancien ministre de l’IntĂ©rieur, Farhat Rajhi, publiĂ©e sur Internet dans la nuit de mercredi Ă jeudi, dans laquelle il dĂ©nonçait la prĂ©paration d’un « coup d’Etat militaire ». « Si le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) gagne les prochaines Ă©lections du 24 juillet [pour la mise en place d’une AssemblĂ©e constituante, NDLR], le rĂ©gime sera militaire » , indiquait-il. L’ancien ministre, trĂšs populaire, ajoutait : « Le dernier voyage du Premier ministre, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, Ă Alger a consistĂ© en la coordination sur ce point » et « la nomination, le 18 avril, du gĂ©nĂ©ral Rachid Ammar au poste de chef d’Ă©tat-major interarmes n’est qu’une prĂ©paration Ă ce coup d’Etat ».
Le Premier ministre a critiquĂ© des propos « dangereux », mĂ©ritant « une poursuite judiciaire », visant Ă semer « la discorde et la zizanie » et Ă provoquer le report de la date des prochaines Ă©lections. Dans un discours Ă la tĂ©lĂ©vision nationale, dimanche soir, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi a d’ailleurs laissĂ© planer le doute sur la tenue des Ă©lections Ă la date prĂ©vue. « Le gouvernement s’est engagĂ© en choisissant la date du 24 juillet et on tient Ă cette date, mais si le comitĂ© des rĂ©formes dit qu’il y a des empĂȘchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilitĂ© Ă discuter. »
De quoi inquiĂ©ter encore un peu plus les investisseurs. Or, la relance de la croissance – qui ne dĂ©passera pas 1 % cette annĂ©e -passe par les investissements et les grands projets. Le poids des islamistes inquiĂšte aussi. « Selon les estimations, ils feraient un score de 10 % Ă 30 % aux prochaines Ă©lections », indique un ancien diplomate. Une coalition regroupant une cinquantaine d’associations a Ă©tĂ© créée vendredi Ă Tunis pour « faire barrage Ă l’intĂ©grisme et Ă l’islamisme ».
« En cette pĂ©riode difficile, l’Europe devrait soutenir la Tunisie au lieu d’apparaĂźtre comme Ă©goĂŻste, conclut ce diplomate. La Tunisie accueille 250.000 rĂ©fugiĂ©s de Libye alors que l’Europe s’insurge pour 20.000 migrants. L’image de l’Europe en prend un coup et ce n’est vraiment pas dans son intĂ©rĂȘt. »
Source : « Les Echos » Le 10-05-2011
Un inquiétant tournant sécuritaire qui suscite la colÚre populaire TUNISIE
Le gouvernement transitoire a réinstauré le couvre-feu sur Tunis, aprÚs les manifestations de vendredi. Les Tunisiens redoutent les manipulations des islamistes et celles des nostalgiques de la dictature.
Tunis, envoyée spéciale.
«Nous sommes entrĂ©s dans une zone dâincertitudes lourdes de dangers.âŻÂ» Comme tous ses compatriotes, Massaoud Romdhani, syndicaliste et militant des droits de lâhomme, affiche son inquiĂ©tude sur le regain de tension en Tunisie. Hier, le gouvernement transitoire a rĂ©instaurĂ© le couvre-feu sur Tunis, espĂ©rant mettre un terme aux violences qui ont Ă©clatĂ©, ces derniĂšres nuits, dans les quartiers populaires de la capitale tunisienne. Jeudi dernier, la tension est brutalement montĂ©e, aprĂšs les dĂ©clarations de lâancien et Ă©phĂ©mĂšre ministre de lâIntĂ©rieur, Farhat Rajhi, qui a accusĂ© les proches du dictateur dĂ©chu de tirer les ficelles de la transition. Ce magistrat a aussi mis en cause lâarmĂ©e, dans une vidĂ©o postĂ©e sur Facebook, en Ă©voquant la prĂ©paration, selon lui, dâun coup dâĂtat militaire en cas de victoire des islamistes dâEnnahda Ă lâissue de lâĂ©lection de lâAssemblĂ©e constituante, prĂ©vue le 24âŻjuillet. FondĂ©es ou non, ces allĂ©gations ont rencontrĂ© un large Ă©cho, en particulier chez les plus jeunes, convaincus quâun «âŻgouvernement de lâombreâŻÂ» travaille Ă la confiscation de «âŻleurâŻÂ» rĂ©volution.
Les propos de Farhat Rajhi ont eu lâeffet dâune Ă©tincelle, suscitant, en centre-ville, des rassemblements violemment dispersĂ©s. Aux abords de lâavenue Bourguiba, lorsque des manifestants tentent de se rassembler, des policiers cagoulĂ©s et armĂ©s sillonnent les rues perpendiculaires, au prĂ©texte de rechercher des casseurs. Vendredi, des journalistes, dont un photographe travaillant pour lâAFP, ont Ă©tĂ© pris pour cibles par les forces de lâordre. LâarmĂ©e sâest redĂ©ployĂ©e autour de la place de la Casbah, symbole des rassemblements qui avaient coĂ»tĂ© son poste au premier ministre Mohammed Ghannouchi. Un tournant sĂ©curitaire qui suscite lâĂ©moi, la colĂšre ou lâinquiĂ©tude. Dans le camp laĂŻque, on redoute que les dĂ©clarations de Farhat Rajhi ne profitent aux islamistes, trĂšs actifs depuis la chute de Ben Ali. «âŻCes propos alimentent la campagne victimaire orchestrĂ©e par EnnahdaâŻÂ», analyse la rĂ©alisatrice et militante Selma Beccar. Le troisiĂšme gouvernement de transition, dirigĂ© par un vĂ©tĂ©ran du bourguibisme, BĂ©ji CaĂŻd Sebsi, peine Ă gagner la confiance des Tunisiens, sur fond dâattentes sociales impĂ©rieuses, dâinĂ©galitĂ©s profondes entre la cĂŽte et le reste du pays, de doutes sur la date et les modalitĂ©s des futures Ă©lections. «âŻCette rĂ©volution a Ă©tĂ© voulue par le peuple, mais aussi par une frange du rĂ©gime, pour laquelle Ben Ali Ă©tait devenu un grain de sable dans la mĂ©canique du systĂšme. Avec ce peuple qui a pris la parole, ce nâest plus un grain de sable qui enraye la machine, câest une pierreâŻÂ», rĂ©sume lâĂ©crivain Taoufik Ben Brik. Le chef du gouvernement devait sâexprimer, hier soir, Ă la tĂ©lĂ©vision. Pas sĂ»r que ses explications suffiront Ă dissiper un lourd climat de dĂ©fiance.
Ălections reportĂ©es ?
LâĂ©chĂ©ance de juillet pour lâĂ©lection de lâassemblĂ©e constituante pourrait ĂȘtre dĂ©calĂ©e de quelques mois. Dans un entretien publiĂ© par le journal la Presse de Tunisie, Iadh Ben Achour, prĂ©sident âšdu Conseil de lâinstance supĂ©rieure pour la rĂ©alisation des objectifs de la rĂ©volution, de la rĂ©forme politique et de la transition dĂ©mocratique, estime que les Ă©lections pourraient ĂȘtre reportĂ©es au mois dâoctobre ou de novembre. La lenteur des discussions âšqui ont entourĂ© lâĂ©laboration de la loi Ă©lectorale a fait quâelle âšne sera promulguĂ©e que la semaine prochaine, avec deux mois âšde retard sur lâĂ©chĂ©ance prĂ©vue. Le dĂ©lai entre cette promulgation et la date du 24 juillet, prĂ©vue pour les Ă©lections, est trop court. M. Ben Achour estime quâil nâest pas suffisant pour prĂ©parer convenablement les premiĂšres Ă©lections libres de lâhistoire âšdu pays.
Source : « Lâhumanite » Le 10-05-2011
Serge Moati : « La Tunisie de 2011 me fait penser à la France de 1981 »
FidĂšle du prĂ©sident français François Mitterrand, le documentariste Serge Moati revient sur son parcours, trente ans aprĂšs lâĂ©lection de mai 1981. Pour lui, un mĂȘme vent de libertĂ© souffle aujourdâhui sur son pays de naissance, la Tunisie.
CâĂ©tait il y a trente ans. Le 10 mai 1981. La gauche arrivait au pouvoir et rĂȘvait de « changer le monde ».Trente ans aprĂšs (Le Seuil, 330 pages, 19,50 euros) est la chronique allĂšgre de cette Ă©poque, une splendide rĂ©trospective de cette France oĂč tout semblait possible et paraissait devoir ĂȘtre inventĂ©. Câest aussi le portrait en creux dâun jeune homme idĂ©aliste et ambitieux. Du fils dâun notable tunisien, juif, socialiste, militant pour lâindĂ©pendance. Serge Moati nâa que 11 ans quand il se retrouve orphelin. Ce sont de ces drames qui marquent une vie, aussi accomplie soit-elle. On comprend mieux dĂšs lors sa fascination pour François Mitterrand, incarnation dâune figure paternelle absente. Son ascension sera filmĂ©e par Moati depuis le congrĂšs dâĂpinay (1971), au cours duquel il prend la tĂȘte du Parti socialiste (PS), jusquâĂ la kitschissime cĂ©rĂ©monie du PanthĂ©on de 1981, en passant par les duels tĂ©lĂ©visĂ©s des Ă©lections prĂ©sidentielles et ses derniers vĆux aux Français. Aujourdâhui, le documentariste, qui, « Ă 64 ans, nâa pas lâintention de devenir un mec de droite », sâapprĂȘte Ă filmer les coulisses de la campagne prĂ©sidentielle de 2012 et Ă publier un essai Ă©crit « Ă chaud, avec Ă©motion » sur les Ă©vĂ©nements de Tunisie, sa seconde patrie.
Jeune Afriqueâ: Quel regard portez-vous sur la rĂ©volution tunisienneâ?
Serge Moatiâ: Je suis de ceux qui pensent, peut-ĂȘtre Ă tort, que le 14 janvier [jour de la fuite de Ben Ali, NDLR] marque le dĂ©but de lâindĂ©pendance. Je souhaite de tout mon cĆur quela Tunisie connaisse la dĂ©mocratie qui lui a Ă©tĂ© confisquĂ©e depuis fort longtemps et qui nâest pas un luxe de bourgeois français interdit aux pays arabes. Il faut tordre le cou Ă ceux qui parient avec un air supĂ©rieur que les pays arabes ou africains ne sont pas capables dây accĂ©der.
Vous ĂȘtes donc optimisteâ?
Je suis un pessimiste actif. Je veux que ça marcheâ; que, pour une fois, lâutopie gagne. On peut me traiter de gogo, mais je prĂ©fĂšre ĂȘtre gogo avec ceux qui font bouger le monde que rĂ©aliste avec ceux qui ne font que le freiner.
Aviez-vous senti venir cette rĂ©volutionâ?
Oui, juste aprĂšs la mort de Mohamed Bouazizi [dont le suicide a dĂ©clenchĂ© les premiers mouvements de rĂ©volte, NDLR]. Une anecdote mâa marquĂ©. Je loue une maison Ă lâannĂ©e Ă La Marsa, au bord de la plage. Des amoureux flirtaient tranquillement quand des flics sont arrivĂ©s comme des sauvages et les ont fait dĂ©guerpir. Un de mes amis leur a ditâ: « ArrĂȘtez, que vous ont-ils faitâ? » Quelques semaines plus tĂŽt, il nâaurait jamais agi ainsi, car il savait que ça pouvait tourner au vinaigre. La plupart des gens avaient trĂšs peur, parce quâils avaient un appartement ou un emploi Ă dĂ©fendre. Je suis de ceux qui avaient peur aussi. Je ne possĂšde rien en Tunisie, mais je fais partie de la communautĂ© juive et je nâavais pas envie quâindirectement cela lui attire des ennuis.
Aviez-vous des contacts avec Ben Aliâ?
Je lâai vu une fois, juste aprĂšs quâil a pris le pouvoir, en 1987. Il mâa ditâ: « Vous ĂȘtes un fils de Tunis et un conseiller de Mitterrand, aidez-moi Ă libĂ©raliser la tĂ©lĂ©vision. » Moi, naĂŻf, je passe un week-end auprĂšs de lui et, un mois plus tard, je lui remets un rapportâ: tĂ©lĂ©vision indĂ©pendante du pouvoir politique, crĂ©ation dâun Conseil supĂ©rieur de lâaudiovisuel, organisation de dĂ©bats⊠Ce rapport a dĂ» ĂȘtre enterrĂ© dans les sables de Foum Tataouineâ!
Vous quittez la Tunisie pour la France, en 1957. Puis, en 1965, vous rĂ©pondez Ă une petite annonce et câest au Niger que vous apprenez votre mĂ©tier de cinĂ©asteâŠ
Jâai adorĂ© ce pays. Je mây suis fait des frĂšres et sĆurs â des lycĂ©ens de mon Ăąge, puisque je mâoccupais dâune tĂ©lĂ© scolaire et du cinĂ©club. Jâai dĂ©couvert les danses de possession, la tradition africaine, la franc-maçonnerie Ă laquelle jâai Ă©tĂ© initiĂ©. JâĂ©tais un jeune homme ardent qui voulait changer le monde. Le Niger mâa offert lâespace et la fraternitĂ©. Jâavais lâimpression de sortir de lâorphelinat. Lâimmense savane africaine, la virginitĂ© du monde⊠CâĂ©tait beau.
Vous y retournezâ?
De temps en temps. Jâai fait plein de films en Afrique. Jâaime beaucoup ce continent mais, par moments, il mâeffraie. Il y avait plus de gentillesse avant, parce quâil y avait plus de traditions, des sociĂ©tĂ©s initiatiques qui crĂ©aient un vrai ordre â qui ne reposait pas sur lâargent.
Vous rencontrez Mitterrand en 1970. Comment vous est-il apparuâ?
Impressionnant. Il Ă©tait beau, dâabord. TrĂšs cultivĂ©, extrĂȘmement attentif. CâĂ©tait un homme en pleine possession de sa vieâ: il aimait les femmes â vous riez, mais cela compteâ: ce nâĂ©tait pas un politique classique. Ce nâest pas un hasard sâil a ditâ: « AprĂšs moi, il nây aura plus que des comptables. » Nous parlions poĂ©sie, cinĂ©ma, femmes⊠CâĂ©tait un homme drĂŽle, Ă lâhumour distanciĂ© et qui, pour moi, avait le mĂ©rite inouĂŻ de connaĂźtre la France des chemins vicinaux, des collines et des dĂ©partements⊠Voyager avec lui Ă©tait dĂ©licieux. Il mâa appris la France.
Au dĂ©but des annĂ©es 1970, vous avez dĂ©jeunĂ© chez lui avec RenĂ© Bousquet, qui organisa la rafle des Juifs au vĂ©lodrome dâHiver, en 1942. Cela ne vous a pas choquĂ©â?
Je ne sais pas qui câest, Ă lâĂ©poqueâ; câest Jacques Attali â prĂ©sent lui aussi Ă ce dĂ©jeuner â qui mâexplique. Ăa a glissĂ© sur moi, je ne mesurais pas⊠Quand Mitterrand a dit Ă Attaliâ: « Bousquet a sauvĂ© notre rĂ©seau de rĂ©sistants pendant la guerre », je nâavais pas de raison de douter de lui. Quel droit avais-je, moi, trente ans aprĂšs, de condamner un type qui avait Ă©tĂ© blanchi Ă la LibĂ©rationâ? Je prĂ©fĂšre me souvenir du Mitterrand jeune rĂ©sistant, trĂšs courageux, qui fĂ©dĂ©rait les mouvements de prisonniers. Et puis, jâaime la complexitĂ© chez les gens. Notre seul moment de sĂ©paration sâest produit en 1986, au moment de la cohabitation. Jâai dĂ©missionnĂ© de la direction de FR3 [la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision rĂ©gionale], car cela me dĂ©plaisait de dĂ©coudre sous la droite la politique que jâavais mise en Ćuvre sous la gauche. « On ne dĂ©serte pas », mâa-t-il engueulĂ©. On nâa plus Ă©changĂ© un mot jusquâen 1988. Et lĂ , grand seigneur, il mâappelle pour mâoccuper de sa campagneâŠ
Vous ĂȘtes de ceux qui lâont fait rĂ©pĂ©ter pour son dĂ©bat du second tour face Ă Chirac, en 1988. Qui a eu lâidĂ©e de lui faire appeler son adversaire « monsieur le Premier ministre »â?
BĂ©rĂ©govoy ou Fabius, je ne sais plus. Mais lĂ oĂč Mitterrand est fort, câest quâil ne se trompe pas une seule fois, lors du dĂ©bat. Il avait une maĂźtrise extraordinaire. Câest pour cela que je lâadorais, moi qui suis impatient, Ă©motif⊠Mitterrand mâa appris des choses qui nâont aucun rapport avec la politique. Ă se battre sur ce quâon croit ĂȘtre essentiel et Ă ne pas dĂ©vier. LâopiniĂątretĂ©, lâacharnement. Et il lâa faitâ: en quatorze ans, rien de capital nâa Ă©tĂ© entachĂ©.
Les socialistes voulaient « changer la vie ». Lâavez-vous changĂ©eâ?
Vous savez bien que non. Mais on a fait des choses concrĂštes, doublĂ© les allocations familiales, le salaire minimum⊠On ne savait dâailleurs pas trĂšs bien ce quâon entendait par cette injonction rimbaldienne. Je croyais quâon allait tous sâaimer, quâil nây aurait plus jamais de mĂ©chancetĂ©.
CâĂ©tait merveilleuxâ!
Oui, mais on en Ă©tait lĂ , il y avait cette mĂȘme naĂŻvetĂ©, ce mĂȘme enthousiasme qui, aujourdâhui, me poussent Ă croire que tout va bien se passer en Tunisie.
Allez-vous filmer la campagne prĂ©sidentielle de 2012â?
Oui, jâadore filmer les coulisses de la politique. Je suis alors extraordinairement neutre. Ce qui mâintĂ©resse, câest le cĂŽtĂ© romanesque des choses. Je filme dâailleurs plus facilement la droite que la gauche parce que, pour moi, câest plus exotique. Je voudrais, aussi, que la gauche rĂ©invente un peu de lyrisme. Le programme du PS est sage, raisonnable.
Cela vous déçoitâ?
Je pense que ce nâest plus de mon temps. Câest pour cela que ce livre est important pour moiâ: il parle dâune Ă©poque pas si lointaine oĂč la gauche rĂȘvait et savait faire rĂȘver. On ne peut pas faire de politique rĂ©elle sans faire rĂȘver.
Source : « Jeune Afrique » Le 10-05-2011
Tunisie. ScĂšnes dĂ©solantes Ă lâaĂ©roport de Tunis-Carthage
Les passagers tunisiens et Ă©trangers arrivĂ©s Ă lâaĂ©roport de Tunis-Carthage dans la nuit de samedi Ă dimanche ont Ă©tĂ© doublement surpris. Et pas seulement Ă cause du couvre feuâŠ
A cause du couvre feu, une grande partie des voyageurs a Ă©tĂ© empĂȘchĂ©e de quitter lâaĂ©rogare. Il Ă©tait aussi impossible de dĂ©crocher un taxi. Les parents des uns et les hĂŽtes des autres nâont pu se dĂ©placer Ă lâaĂ©roport et ceux qui y Ă©taient dĂ©jĂ avant lâannonce de la nouvelle ont Ă©prouvĂ© beaucoup de peine et de peur quitter les lieux Ă partir de 23 heures. Plusieurs ont dâailleurs passĂ© leur nuit sur place. Et pour rajouter Ă la mĂ©saventure des centaines de personnes, Ă©trangers compris, on a constatĂ© sur place lâabsence des moindres mesures de sĂ©curitĂ©, les forces de lâordre et lâarmĂ©e Ă©tant les grands absents dans cet endroit aussi sensible. Câest Ă ne plus rien comprendreâŠ
Qui fait quoi dans cette foire dâempoigne?
DĂšs leur atterrissage sur le sol tunisien, les passagers ont appris la triste information que les Ă©quipes de lâaĂ©roport (les bagagistes en lâoccurrence), qui observent une grĂšve voici maintenant plusieurs jours, nâĂ©taient pas en services et que ceux dĂ©signĂ©s pour assurer la permanence nâont pu joindre leurs postes Ă cause du couvre-feu. Il a fallu donc attendre plus dâune heure pour pouvoir rĂ©cupĂ©rer les bagages.
Mais la scĂšne la plus dĂ©solante et la plus embarrassante pour nous Tunisiens dans toute cette triste soirĂ©e est celle des dizaines de visiteurs Ă©trangers (touristes, particuliers et hommes/femmes dâaffaires) livrĂ©s Ă eux-mĂȘmes, qui nâont rien compris et qui nâont trouvĂ© aucun interlocuteur capable de les consoler, de les aider Ă joindre leurs destinations ou tout simplement de les rĂ©conforter et de contenir leur rage et leur dĂ©ception.
Tout le monde ne pensait quâĂ une chose: comment rejoindre sa maison aprĂšs avoir fini le travail. Et tous ces touristes et autres passagers? Peu importe ce qui leur arrive et sâils parviennent Ă quitter les lieux dans des conditions normales!
Si on peut trouver des excuses pour ce qui est arrivĂ© aux particuliers et aux investisseurs Ă©trangers arrivĂ©s Ă Tunis samedi soir et tĂŽt dimanche Ă lâaĂ©roport de Tunis, il nous est Ă©tĂ© trĂšs difficile Ă digĂ©rer et Ă concevoir quâaucune partie, privĂ©e ou officielle, nâest venue au secours de ceux, amoureux de notre pays, qui nâont pas hĂ©sitĂ© de venir en touristes en ces temps difficiles.
Un dĂ©menti pour lâimage dâune Tunisie accueillante
Il a fallu lâapport de quelques citoyens tunisiens et celui de quelques journalistes, eux aussi coincĂ©s dans les mĂȘmes conditions, pour que des touristes soient rassurĂ©s et retrouvent leur sourire.
Lâannonce du couvre feu moins dâune heure seulement avant son entrĂ©e en vigueur a certes beaucoup contribuĂ© Ă ce que nous avons vĂ©cu. Mais elle nâexplique en rien ce quâont Ă©prouvĂ© beaucoup de Tunisiens et dâĂ©trangers.
Au moment oĂč les autoritĂ©s tunisiennes sâefforcent pour sauver ce qui peut ĂȘtre sauvĂ© de la saison touristique estivale, ce qui sâest passĂ© Ă lâaĂ©roport de Tunis-Carthage dans la nuit de samedi Ă dimanche est une vraie honte. Une gifle pour lâimage dâune Tunisie calme, rassurante et accueillante.
Nâest-ce pas monsieur le ministre du Commerce et du Tourisme?!
Source : « Kapitalis » Le 10-05-2011
TUNISIE. 13 élus pour la haute instance
Election de 13 membres de la haute instance indépendante pour les élections. 13 sur 16.
Lâinstance centrale des Ă©lections compte 16 membres nommĂ©s par dĂ©cret et seront choisis comme suit : trois magistrats choisis par la haute instance pour la rĂ©alisation des objectifs de la rĂ©volution, proposĂ©s Ă paritĂ© par lâassociation des magistrats tunisiens (AMT), le syndicat des magistrats ; trois membres choisis par la haute instance pour la rĂ©alisation des objectifs de la rĂ©volution parmi les six candidats proposĂ©s par le conseil de lâordre des avocats, un huissier notaire, un huissier de justice, un expert comptable, un journaliste, deux membres parmi les militants des droits de lâHomme, un membre reprĂ©sentant les Tunisiens Ă lâĂ©tranger, un expert en informatique, et deux professeurs universitaires.
Voici la liste des 13 élus:
âąBoubaker Ben Thabet
âąMed Fadhel Mahfouth
âąRidha Torkhani
âąSami Ben Slama
âąNabil Bafoune
âąAnouar Ben Hssan
âąArbi Chouikha
âąKamel Jandoubi
âąAbd Errahmane Hedhili
âąMonia Abed
âąZeki Rahmouni
âąMohamed SghaĂŻer Achouri
âąSouad Triki
Source : « Le Western culturel » Le 10-05-2011
Tunisie : Les facebookeurs face Ă la situation politique actuelle
AprĂšs avoir grandement contribuĂ© Ă la rĂ©volution du 14 janvier, voilĂ que Facebook, le rĂ©seau social le plus populaire en Tunisie, fait naitre une toute nouvelle tendance : celle des sondages politiques. Que pensez-vous du discours de Beji Caid Essebsi ? Avez-vous confiance en Farhat Errajhi ? Autant de questions dont les rĂ©ponses demeurent parfois….inattendues !
A la base, cette nouvelle application intitulĂ©e «Facebook question», prĂ©sente sur pratiquement tous les murs des facebookeurs tunisiens, offre la possibilitĂ© aux utilisateurs de poser et de rĂ©pondre Ă plusieurs questions, d’obtenir des recommandations d’amis (les avis sur tel film, restaurant ou sur une voiture…). Sauf qu’en Tunisie, cet outil sert Ă une toute autre vocation : celle de jauger un temps soit peu l’Ă©tat d’esprit qui rĂšgne en ce moment chez des internautes, tiraillĂ©s entre les rĂ©vĂ©lations explosives de Farhat Errajhi, ancien ministre de l’intĂ©rieur et le dĂ©menti officiel effectuĂ© ce dimanche par BĂ©ji Caid Essebsi, le premier ministre du gouvernement provisoire tunisien. Sans parler des diffĂ©rents points de vue concernant les leaders des partis politiques !
Voici un petit Ă©chantillon provenant des innombrables questions/rĂ©ponses (ainsi que leurs rĂ©sultats) qui pullulent actuellement sur les murs des internautes. PrĂ©cisons toutefois, que chaque facebookeurs, groupes et pages fans a le droit de poser la question qu’il souhaite. Celle-ci sera ensuite proposĂ©e aux diffĂ©rents amis qui pourront donner leurs propre avis sur la question et mĂȘme rajouter de nouvelles opinions. Ainsi, selon les premiĂšre constatations, le tunisien serait pour un rĂ©gime militaire, aurait encore confiance en le gouvernement actuel aurait tendance Ă trouver Farhat Errajhi plus convaincant que Beji Caid Esebsi….
Source : « Tekiano » Le 10-05-2011
Tunisie. Le torchon brûle entre Tarak Ben Ammar et Gilbert Naccache
Le neveu de Wassila Bourguiba, seconde Ă©pouse de lâex-prĂ©sident, menace dâintenter un procĂšs pour diffamation Ă celui qui a Ă©tĂ© emprisonnĂ© par Bourguiba pendant 11 ans, entre 1968 et 1979.
La menace du producteur de cinĂ©ma Tarak Ben Ammar fait suite Ă une interview du militant de gauche et co-fondateur du groupe Perspectives Tunisiennes, oĂč Gilbert Naccache dĂ©crit Tarak Ben Ammar sous des traits peu amĂšnes.
Les «gens de lâombre» Parmi les «gens de lâombre», membres du Rcd, ex-parti au pouvoir, qui veulent confisquer la rĂ©volution tunisienne ou cherchent Ă jouer encore un rĂŽle politique dans lâaprĂšs-Ben Ali, des «gens qui reprĂ©sentaient Ă la fois la partie la plus pourrie du Rcd mais pas la partie complĂštement mafieuse», et «qui avaient des intĂ©rĂȘts avec les Français», M. Naccache cite, dans son entretien sur Facebook, le banquier «Hakim Karoui et ses acolytes». Il nomme ensuite lâun des reprĂ©sentants de «la bourgeoisie tunisoise», Tarak Ben Ammar en lâoccurrence, qui, pour reprendre pied sur la scĂšne politique tunisienne, serait, selon ses termes, «prĂȘt Ă tout financer». «Si tu veux crĂ©er un parti, vas le voir, il te donnera tout lâargent que tu voudras. Il est prĂȘt Ă tout financer. Il nous a mĂȘme fait des avances», raconte M. Naccache. Il ajoute dâautres dĂ©tails: «La personne qui a Ă©tĂ© contactĂ©e [par Ben Ammar, ndlr] lui a expliquĂ© que nous, dans notre association, on voudrait quâavec les gens qui participent Ă financer, que ce soit Tarak Ben Ammar ou un autre, on discute dâabord des engagements». Mais tout en affirmant que M. Ben Ammar nâa rien demandĂ© en contrepartie de son soutien financier et quâaucun compromis nâa Ă©tĂ© envisagĂ© entre les deux parties, M. Naccache justifie son refus de lâaide financiĂšre du producteur de cinĂ©ma par son souci de ne rien lui devoir. Car, explique-t-il, «quand tu as acceptĂ© de lâargent de quelquâun, mĂȘme si tu nâes pas obligĂ©, tu es beaucoup plus gĂȘnĂ© aprĂšs.»
Gros souliers contre mocassins Sâagissant, en lâoccurrence, de Tarak Ben Ammar, M. Naccache ajoute: «Je ne prendrai pas une position politique en Tunisie sans que je le dĂ©nonce comme un corrompu.» (sic!) Et dâajouter, sans prendre de gants: «En tout cas, il Ă©tait lâun des agents de la corruption du temps de Bourguiba. Ăa, je ne lui laisserai pas faire. Il a utilisĂ© la puissance de sa tante et de lâEtat pour gagner de lâargent et se faire un empire. Donc, si demain câest lui qui finance, et mĂȘme si moi je veux le dĂ©noncer, on va me dire: ââNe dĂ©conne pas, on a besoin de lui, câest un copain, il nous donne de lâargent, on doit le mĂ©nagerââ. Non, je ne mĂ©nage personne. Cette rĂ©volution est une rĂ©volution de gens qui ont de gros souliers et qui marchent dans la boue. Et non de gens qui ont des mocassins.» Dans sa rĂ©ponse aux «propos diffamatoires de Gilbert Naccache», Tarak Ben Ammar affirme sur sa page Facebook avoir pris connaissance «avec stupeur» des accusations de M. Naccache Ă son encontre. Et il est catĂ©gorique: «Je ne connais pas cet homme, je ne lâai jamais rencontrĂ©, ni ââapprochĂ©ââ comme il dit, encore moins ââproposĂ© de financer son mouvement politiqueââ. Je nâai jamais entendu parler de son mouvement. Je ne connais ni ses amis, ni ses thĂ©ories, ni ses idĂ©es, ni son parti, ni sa personne. Je ne sais rien de lui. Je ne lui ai jamais parlĂ© de ma vie. Il mâest parfaitement inconnu. Je ne lâai vu et entendu pour la premiĂšre fois de mon existence que dans la vidĂ©o postĂ©e sur Facebook». MĂȘme si on peut sâĂ©tonner du fait que M. Ben Ammar avoue ne pas connaĂźtre Gilbert Naccache, une icĂŽne de la scĂšne politique contemporaine de la Tunisie â Ă chacun sa culture et ses centres dâintĂ©rĂȘt, ceux de M. Ben Ammar, comme il le prĂ©cise lui-mĂȘme, sont les mĂ©dias et le cinĂ©ma â, on peut cependant concĂ©der au neveu de Wassila Bourguiba quâil nâa pas besoin du «secours de Gilbert Naccache» pour se «lancer dans la politique». Car, comme il le dit lui-mĂȘme: «Tant quâĂ financer un parti, jâen aurais simplement créé un moi-mĂȘme, au moins aurais-je eu lâassurance de ne pas vĂ©gĂ©ter Ă lâĂ©tat de groupuscule.»
Une unique vocation: les mĂ©dias et le cinĂ©ma Il y a certes eu une page Facebook mise en ligne le 21 janvier, soit une semaine aprĂšs la chute de Ben Ali, par un certain Renaud Duaner, et qui annonçait clairement «Pour ceux qui aiment avoir ââTarek Ben Ammarââ comme PrĂ©sident». Mais cela, bien sĂ»r, nâengage en rien lâintĂ©ressĂ© qui affirme nâavoir aucune ambition politique. Et nous nâavons aucune raison pour ne pas le croire. «Jâai dĂ©jĂ dĂ©clarĂ© publiquement et officiellement, sur la radio Europe 1 et sur YouTube, que, Ă©tant associĂ© Ă une chaĂźne de tĂ©lĂ©vision, je considĂ©rais que cela Ă©tait incompatible avec une quelconque charge ou candidature politique», souligne M. Ben Ammar. Il ajoute: «Et dans tous les cas, je nâai jamais envisagĂ© aucun projet de financement de parti politique, de quelque importance quâil soit. Je rĂ©pĂšte donc quâen ce qui me concerne, je nâai toujours eu quâune seule et unique vocation, depuis mon jeune Ăąge, les mĂ©dias et le cinĂ©ma.» Lâami de M. Ben Ammar, et son co-actionnaire Ă Nessma TV, Silvio Berlusconi, n’est pas du mĂȘme avis. Ayant les mĂȘmes vocations, les mĂ©dias et le cinĂ©ma, cela ne lâa pas empĂȘchĂ© dâutiliser son empire mĂ©diatique et tĂ©lĂ©visuel pour se lancer en politique et prendre la tĂȘte de lâEtat italien. Ce nâest visiblement pas un exemple Ă suivre pour le Tuniso-français. Et cela M. Naccache a visiblement du mal Ă l’admettre. Lâauteur de ââCristalââ, un monument de la littĂ©rature carcĂ©rale tunisienne, qui aurait bien pu ĂȘtre portĂ© Ă l’Ă©cran par M. Ben Ammar, ne porte malheureusement pas ce dernier dans son cĆur, et câest son droit, mais de lĂ Ă lui attribuer des ambitions quâil nâa pas, et encore moins de le traiter de «corrompu», il y a un pas qu’il aurait pu Ă©viter de faire. Et comme on devait sây attendre, les dĂ©clarations de M. Naccache nâont pas manquĂ© dâĂ©nerver M. Ben Ammar, qui sâest vu «contraint» de lâassigner en justice «pour toutes les diffamations profĂ©rĂ©es dans sa vidĂ©o». Une affaire Ă suivreâŠ
Source : « Kapitalis » Le 10-05-2011
Tunisie: Quand la stupiditĂ© sâĂ©rige en crime !
Ne pas insulter les cons, les dĂ©biles, les mĂ©diocres est une tĂąche difficile et une besogne frustrante pour peu quâon ait un peu dâesprit et un dĂ©but de
raison. Etre clĂ©ment avec la sottise et tolĂ©rer le vulgaire, le bas, le trĂšs bas tel est dĂ©sormais le lot quotidien de la majoritĂ©. Apparemment, le cĂŽtĂ© pervers de la dĂ©mocratie serait le fait que nous soyons acculĂ©s Ă subir le mensonge sur fond de vĂ©ritĂ© et la vĂ©ritĂ© sur fond de mensonge. Peu importe les propos, pourvu que ça fasse tĂąche, pourvu que ça souille, pourvu que ça fasse le Buzz. « Ne pas laisser sa pensĂ©e trainer dans les orniĂšres du vulgaire » [STENDHAL: « le rouge et le noir »]: Je mây force, je mây tiens. Il nâyâa pas plus vulgaire quâune vidĂ©o dâun ancien ministre de lâintĂ©rieur qui accuse sans preuve. Il nâyâa pas plus vulgaire quâun propos non assumĂ©. Il nâyâa pas plus vulgaire quâun magistrat qui condamne par humeur. Il nâyâa pas plus vulgaire quâun journalisme sans Ă©thique et sans moral. Pour Monsieur RAJHI qui se veut homme du peuple je dis ceci : Tout est condamnable dans ta sortie, mĂȘme sa forme. Une interview dĂ©robĂ©e qui nâen a pas lâair et une lĂ©gĂšretĂ© de ton qui jure avec la gravitĂ© de la teneur. Et puis au bout, une bombe qui explose dans chaque foyer, un doute qui sâinstalle dans tous les esprits et un malaise qui ronge tous les cĆurs. Mais encore, un pays qui brĂ»le et la vie qui quitte les rues. JâespĂšre que tu en es fier. Trois trucs que je retiens de cette tirade malheureuse : ArmĂ©e pourrie, SahĂ©liens pourris, gouvernement pourri. Pour rĂ©sumer : Tous ou presque pourris, tous ou presque vendus. Dâabord venons-en aux forces armĂ©es. Pour moi, mettre en doute lâintĂ©gritĂ© et la foi de lâinstitution militaire revient Ă un saut dans le vide sans filets de secours. LâarmĂ©e est le dernier rempart qui abrite cette Tunisie qui nâa ni constitution ni lĂ©gitimitĂ©. Et puis pourquoi R.AMMAR irait chercher ZABA le prĂ©sident dĂ©chu au fond du Sahara en cachette pour recevoir des ordres alors quâil lui a dĂ©sobĂ©i avec fracas 4 mois avant quand ce dernier Ă©tait le prĂ©sident en place. Le ridicule ne tue pas puisque M. Rajhi respire encore. Et puis il veut quâon le suive dans cette marche vers le nĂ©ant et sans apporter le moindre dĂ©but de preuve !!! La grande muette ne doit pas le rester face Ă des allĂ©gations de la sorte. Personne nâest au dessus de la loi, et surtout pas un magistrat. Et puis, je veux bien croire que les sahĂ©liens ne veulent pas cĂ©der le pouvoir quâils auraient exercĂ© depuis des dĂ©cennies puisque « Monsieur propre » lui-mĂȘme ne voulait pas cĂ©der son juteux salaire de ministre acquis depuis seulement deux mois et ce mĂȘme au prix dâune allĂ©geance humiliante Ă un gouvernement de « pourris ». Mais approfondissons davantage ce point peut ĂȘtre quâon verra plus clair. Alors, il prĂ©tend que les sahĂ©liens se retourneraient contre toute Ă©lection qui ne les mettrait pas au pouvoir. Mais qui sont dâabord ces sahĂ©liens ? Ils devraient ĂȘtre organisĂ©s en une sociĂ©tĂ© secrĂšte ralliant politiques, militaires et peut ĂȘtre milices pour pouvoir ainsi effectuer un retournement aussi spectaculaire contre la volontĂ© du peuple. Mais on doit aussi prendre comme hypothĂšse quâune majoritĂ© des habitants de la rĂ©gion du sahel (Il faut dâabord la dĂ©finir) sont au courant de cette machination on ne peut plus diabolique, parce que tout mouvement politique supposerait une base pour le soutenir aprĂšs le putsch. Et du coup, Il faut supposer quâune frange de la population tunisienne comploterait actuellement contre toutes les autres et ce parce quâelle croit en sa lĂ©gitimitĂ© Ă gouverner. La poudre dâune guerre civile Ă©talĂ©e, il ne reste plus que lâĂ©tincelle !! Quel mĂ©pris de la Tunisie et des tunisiens et quelle belle image il nous dresse lĂ . Ce nâest certainement pas lâidĂ©e que je me fais de ma patrie, mais ce nâest peut ĂȘtre lĂ que le reflet dâun ĂȘtre psychologiquement tourmentĂ© et dâune personne profondĂ©ment amĂšre. Et puis, pourquoi BCS, un Tunisois donc « gĂ©ographiquement illĂ©gitime », risquerait sa rĂ©putation et sa mĂ©moire pour servir ses maĂźtres sahĂ©liens ? Pour quelle raison ? Je ne crois pas au crime sans motif et je ne vois vraiment pas pourquoi un homme politique dĂ©fendrait un autre parti que le sien et sans mĂȘme quâil ait rĂ©compense en retour. Lâhomme est dĂ©sintĂ©ressĂ© de tout sinon de son amour pour son pays. Lisez son histoire et vous saurez que ce pays nâa jamais Ă©tĂ© entre de si bonnes mains. AprĂšs lâinterview de ce dernier, les deux protagonistes de lâaffaire ont parlĂ©. Le contraste est sidĂ©rant. Tout commentaire sera de trop. Pour finir, si câest juste de la stupiditĂ© qui a inspirĂ© les propos de M.RAJHI alors câest une stupiditĂ© qui sâĂ©rige en crime et si câest juste de lâirresponsabilitĂ© alors câest une irresponsabilitĂ© qui prend des allures de trahison. Et je vois aujourdâhui des avocats, encore eux, qui accourent pour prendre sa dĂ©fense. Et la Tunisie, qui prend sa dĂ©fense ?
Source : « Espace Manager » Le 10-05-2011
Montrer les révolutions du Maghreb, un défi pour les cinéastes et producteurs
La rĂ©volution tunisienne est dans « la boĂźte » : les Ă©vĂ©nements qui ont conduit au dĂ©part de l’ancien prĂ©sident Ben Ali, le 14 janvier, ont suscitĂ© un flot continu d’images Ă©manant de journalistes, d’amateurs, mais aussi de documentaristes et de cinĂ©astes. Ainsi, tournĂ© dans l’urgence, Plus jamais peur, un documentaire rĂ©alisĂ© par Mourad Cheikh, sera projetĂ© durant le Festival de Cannes, le 20 mai.
Mais que faire de cette matiĂšre ? Quel effet va produire la chute de la dictature sur l’imaginaire des rĂ©alisateurs ? Ces questions Ă©taient au centre de la table ronde organisĂ©e, dimanche 8 mai, au cinĂ©ma L’Ecran, Ă Saint-Denis, lors de la 6e Ă©dition du Panorama des cinĂ©mas du Maghreb, organisĂ© du 4 au 8 mai. RĂ©alisateurs et producteurs tunisiens, algĂ©riens ou marocains invitĂ©s n’ont pas cachĂ© une certaine perplexitĂ©. La force de l’autocensure est tenace, la fiction est encore sous la bride. « Je ne trouve pas encore le recul pour filmer. Mais nous sommes venus ici pour lancer un appel et fonder une association de cinĂ©astes du Maghreb », a dĂ©clarĂ© le documentariste tunisien et activiste Marouane Meddeb.
Qu’elles proviennent d’amateurs ou de professionnels, les images captĂ©es sur le vif se ressemblent, estime le rĂ©alisateur et producteur marocain Ali Essafi : « Au Maroc, on a filmĂ© le mouvement qui est nĂ© le 20 fĂ©vrier. Ce que j’ai vu, dans les rushes, ne diffĂšre pas de ce qui tourne sur YouTube. L’autocensure est plus importante que la censure. On est empĂȘtrĂ©s dans des schĂ©mas, des complexes d’infĂ©rioritĂ© issus du colonialisme, dit-il, sans pour autant dĂ©sespĂ©rer. Les images sauvages de la rĂ©volution ont un intĂ©rĂȘt : ces amateurs qui filment beaucoup peuvent nous aider Ă nous libĂ©rer de l’auto-censure. »
Filmer la Tunisie post-Ben Ali pour en tirer une fiction ? C’est le pari de trois jeunes cinĂ©astes tunisiens du groupe Exit, sociĂ©tĂ© de production fondĂ©e en 2005. AprĂšs avoir « surconsommé » des images tĂ©lĂ©visĂ©es, Ala Eddine Slim, Youssef Chebbi et Ismael ont eu envie de fabriquer autre chose. Fin mars et dĂ©but avril, ils sont partis dans le camp de rĂ©fugiĂ©s de Ras Jedir, Ă la frontiĂšre tuniso-libyenne. Avec leurs camĂ©ras numĂ©riques, ils ont filmĂ© la vie du camp : les intĂ©gristes font la loi, les communautĂ©s se sont dĂ©jĂ regroupĂ©es par quartier, l’armĂ©e ne fait que contrĂŽler quand elle ne sort pas le bĂąton… Babylon n’est encore qu’une Ă©bauche, mais promet d’ĂȘtre un objet cinĂ©matographique singulier.
L’Ă©ducation Ă l’image
Vingt minutes en ont Ă©tĂ© montrĂ©es au public, dimanche 8 mai. « On va raconter une sociĂ©tĂ© qui s’autodĂ©truit. Les dialogues ne seront pas sous-titrĂ©s. Babylon, c’est l’impossibilitĂ© de rencontre entre les gens. On tient aussi Ă ce que le film parle de nulle part, et ne soit pas cantonnĂ© Ă la Tunisie », explique Ala Eddine Slim, 28 ans, Ă l’issue de la table ronde. Les trois cinĂ©astes ont autoproduit le film et cherchent encore des financements pour la postproduction.
En attendant, ils mettent la derniĂšre main Ă des propositions visant Ă rĂ©organiser le cinĂ©ma tunisien, dĂ©velopper les cinĂ©-clubs, l’Ă©ducation Ă l’image. Quand on salue une telle Ă©nergie, Ala Eddine Slim rĂ©pond avec ironie : « La dictature, c’est stimulant intellectuellement. »
Source: âLe Mondeâ Le 10-05-2011
Premiers orages sur le « printemps arabe »
Ne soyons pas naĂŻfs : les chemins de la dĂ©mocratie sont rarement pavĂ©s de roses. Les deux pays « modĂšles » du « printemps arabe », la Tunisie et l’Egypte, n’Ă©chappent pas Ă la rĂšgle. Ils sont dans la tourmente, comme l’ont encore manifestĂ© les Ă©vĂ©nements du week-end. Ce n’Ă©tait pas inattendu.
Si, Ă Tunis comme au Caire, des rĂ©gimes dictatoriaux ont cĂ©dĂ© le pas sans trop de sang versĂ©, la transition vers la dĂ©mocratie n’y est pas moins difficile. Mais il faut toute l’impatience d’un consommateur europĂ©en, habituĂ© Ă ĂȘtre servi Ă la nanoseconde, et pour qui le rythme de l’Histoire se confond avec celui d’une sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e, pour s’Ă©tonner que la Tunisie et l’Egypte ne soient pas dĂ©jĂ des social-dĂ©mocraties scandinaves !
Cela prendra du temps, mieux vaut s’y faire.A la dictature succĂšde en gĂ©nĂ©ral une phase plus ou moins chaotique. La dĂ©mocratie relĂšve de l’Ă©volution – pas de la rĂ©volution ; elle ne se dĂ©crĂšte pas – elle s’installe lentement.
Et dans l’insistance de certains Ă pointer d’ores et dĂ©jĂ les « ratĂ©s » de la transition Ă©gyptienne et tunisienne, il y a quelques relents de ce que les Allemands appellent la Schadenfreude – ce « on vous l’avait bien dit que ça allait mal tourner » des Ă©ternels nostalgiques de l’ordre passĂ©.
Les nouvelles venues d’Egypte et de Tunisie n’en sont pas moins inquiĂ©tantes.
Au moins douze personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es, des centaines d’autres blessĂ©es et deux Ă©glises brĂ»lĂ©es au Caire, dans la nuit du samedi 7 mai, lors d’affrontements entre chrĂ©tiens et musulmans. Ce type d’incidents sanglants – dont sont en gĂ©nĂ©ral victimes les coptes – n’est pas nouveau : il y en avait du temps d’Hosni Moubarak. Mais la lenteur de la rĂ©action de la police tĂ©moigne d’un climat de sĂ©curitĂ© durablement dĂ©gradĂ©, alors que l’Egypte va entrer en campagne Ă©lectorale.
Les Ă©vĂ©nements de Tunisie reflĂštent Ă©galement une phase de doute et d’insĂ©curitĂ©. Le gouvernement s’est rĂ©solu Ă dĂ©clarer samedi le couvre-feu Ă Tunis et dans sa banlieue. La mesure a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e aprĂšs quatre jours de manifestations antigouvernementales suivies de pillages au coeur de la capitale et dans la banlieue nord.
Elle intervient alors qu’un ancien ministre a Ă©voquĂ© la possibilitĂ© d’un coup d’Etat militaire si le scrutin prĂ©vu pour l’Ă©lection d’une AssemblĂ©e constituante, le 24 juillet, donnait la victoire aux islamistes.
En Tunisie comme en Egypte, la difficile transition politique en cours a lieu sur fond de difficultĂ©s Ă©conomiques grandissantes. L’effondrement du tourisme y est pour beaucoup. La croissance a chutĂ© dans les deux pays, le chĂŽmage des jeunes augmente, la pauvretĂ© aussi, crĂ©ant un terrain favorable Ă l’extrĂ©misme politique.
L’Egypte et la Tunisie sont emblĂ©matiques de ce que le « printemps arabe » a portĂ© de meilleur. Un Ă©chec serait une victoire pour les dictateurs de la rĂ©gion. Les pays du G8, qui se rĂ©unissent fin mai Ă Deauville, doivent dĂ©gager rapidement une aide massive au profit du Caire et de Tunis.
Source: âLe Mondeâ Le 09-05-2011
La bourde de Lotfi Laamari, les dits et les non dits de Béji Caïd Essebsi, et les « oublis » de nos journalistes
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Par Badreddine BEN HENDA
AprĂšs lâentretien accordĂ© dimanche dernier par le Premier Ministre Ă nos trois chaĂźnes nationales de tĂ©lĂ©vision, nous avons cru bon de livrer Ă chaud cet ensemble de remarques plutĂŽt critiques sur la prestation des journalistes invitĂ©s et sur quelques rĂ©ponses de M. BĂ©ji CaĂŻd Essebsi.
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A notre avis, le « coup dâĂ©clat » de lâinterview fut la question posĂ©e par Lotfi Laamari sur la possibilitĂ© de demander aux forces de lâOTAN de dĂ©fendre nos frontiĂšres avec la Libye. HabituĂ© Ă jouer le beau rĂŽle dans les Ă©missions oĂč il participe sur Hannibal TV, il crut, cette fois encore, devoir sâillustrer aux dĂ©pens de ses deux collĂšgues de la Nationale et de Nessma lesquelles, pour son malheur, le laissĂšrent poser sa question-bourde et tirer le premier sa « boulette » du jour. Ne cachant point sa sympathie, nous dirions mĂȘme son soutien, pour les rebelles en guerre contre Gaddafi, et passant sous silence les abus et les exactions commis en terre libyenne par les forces Ă©trangĂšres (guĂšre dĂ©sintĂ©ressĂ©es) au nom de la dĂ©fense des civils, Lotfi Laamari sâĂ©tonna que la Tunisie nâait pas jusquâaujourdâhui et aprĂšs les incursions et agressions rĂ©pĂ©tĂ©es des voisins libyens, demandĂ© « secours » Ă nos « amis » de lâOTAN. Heureusement que BĂ©ji CaĂŻd Essbsi lâarrĂȘta net en lui rappelant un devoir sacrĂ© que le premier ou mĂȘme le dernier des journalistes « rĂ©volutionnaires » est censĂ© connaĂźtre et dĂ©fendre, Ă savoir la souverainetĂ© de lâEtat tunisien et de ses dĂ©cisions. Sur cette question, le Premier ministre tunisien a rĂ©agi fort honorablement. Nous lâavons mĂȘme senti effarouchĂ©, indignĂ© par « la sotte » demande de Laamari.
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Toujours diplomate
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Dans dâautres rĂ©ponses nĂ©anmoins, BĂ©ji Caid Essebsi fut soit trop impulsif, soit peu convaincant, soit plutĂŽt Ă©vasif. En tout cas, il nâa pas tout dit de maniĂšre explicite et son discours regorgeait de non-dits et dâinter-dits. Reconnaissons tout de mĂȘme quâil Ă©tait le mieux prĂ©parĂ© Ă lâentretien et le moins pressĂ© de le finir. Nos trois journalistes ne surent pas tout tirer de lui et nâabordĂšrent que les sujets quâils estimaient les plus « brĂ»lants ». Revenons au Premier ministre Ă qui lâinterview offrit visiblement une belle opportunitĂ© pour rendre Ă Farhat Rajhi la monnaie de sa piĂšce : chaque fois quâil Ă©voquait lâancien ministre de lâintĂ©rieur, BĂ©ji CaĂŻd Essebsi tint des propos ostensiblement railleurs, mĂ©prisants, voire mĂȘme insultants. CâĂ©tait dans lâensemble une riposte plus passionnĂ©e que mesurĂ©e. A propos de Kamel Letaief, Beji Caid Essebsi ne fit pas seulement la fine bouche, mais ne daigna mĂȘme pas prononcer son nom. Il rappela surtout quâen chef du gouvernement, il ne recevait ses ordres de personne tout en nuançant ce ferme refus de partager avec qui que ce soit les prĂ©rogatives de premier ministre, par quelques Ă©vocations lapidaires de la prééminence du pouvoir prĂ©sidentiel dĂ©volu Ă Foued Mbazaa. En ce qui concerne ses rapports avec les journalistes, objet rĂ©current de certaines rĂ©serves, le Premier ministre ne dĂ©rogea pas, cette fois non plus, Ă son ton badin coutumier et usa de son humour un tantinet intimidant et parfois ouvertement dĂ©nigreur. Il concĂ©da, certes, quelques formules courtoises et des compliments flatteurs aux trois journalistes de la tĂ©lĂ©vision, mais il ne put cacher une certaine rancĆur contre les attaques des mĂ©dias (excessives et infondĂ©es Ă ses yeux) contre lui ou contre son gouvernement. Il est vrai que durant les trente annĂ©es que BĂ©ji CaĂŻd Essebsi a passĂ©es au pouvoir sous le rĂšgne de Bourguiba, les hommes de la presse quâon « autorisait » Ă interviewer un Premier ministre se comptaient Ă peine sur le bout des doigts dâune seule main et tout le monde connaĂźt la « tendresse » des questions que ces journalistes privilĂ©giĂ©s (sĂ©lectionnĂ©s, plutĂŽt) posaient aux dirigeants et la « douceur » des articles dont ils encensaient les hauts responsables interviewĂ©s. Aujourdâhui, les langues se sont dĂ©liĂ©es et pour parer aux plus mĂ©disantes dâentre elles, il nây a aucun mal Ă jouer la carte de la transparence totale. Choix pris presque Ă contrecĆur par si BĂ©ji qui aurait aimĂ© rester discret sur certaines questions. Et de fait, il lâest restĂ© dimanche soir sur quelques sujets. Disons plutĂŽt quâil a rĂ©pondu en diplomate de temps Ă autre. Comme sur la visite au Qatar de notre ministre de la DĂ©fense chargĂ© alors, selon BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, dâun dossier de coopĂ©ration Ă©conomique ! Le Premier ministre « provisoire » (la polĂ©mique sur ce qualificatif Ă©tait drĂŽle) nous a semblĂ© par ailleurs suggĂ©rer la possibilitĂ© (la probabilitĂ© ?) de deux reports : celui des Ă©lections de lâAssemblĂ©e constituante et celui des grands examens nationaux, en particulier du baccalaurĂ©at. Nous lâavons mĂȘme trouvĂ© un peu sceptique quant au respect du dĂ©lai du 24 juillet prochain. Lorsquâil a Ă©voquĂ© son entretien avec Iyadh Ben Achour Ă ce sujet, le Premier ministre ne pouvait pas ignorer que les apprĂ©hensions de ce dernier rĂ©sumaient celles de plusieurs autres membres de la Haute Instance pour la rĂ©alisation des objectifs de la RĂ©volution et les appels lancĂ©s par certains chefs de partis en faveur du report de la date des Ă©lections en question.
LâactualitĂ© dâabord
Toujours est-il que globalement, les rĂ©ponses de BĂ©ji CaĂŻd Essebsi dĂ©notaient une assurance certaine chez cet homme qui ne sâĂ©nerva quasiment pas et Ă©tait disposĂ© Ă rester encore plus longtemps avec ses invitĂ©s. Ces derniers le déçurent quelque peu parce quâil aurait aimĂ© les voir poser dâautres questions sur, entre autres, le dĂ©ficit budgĂ©taire qui nâaugure rien de bon pour les salariĂ©s de lâEtat. Le Premier ministre aurait sans doute voulu sâĂ©tendre sur les dossiers Ă©conomiques et sociaux, sur le dĂ©veloppement Ă©quilibrĂ© des rĂ©gions. Curieusement, câest lui qui a Ă©voquĂ© la nouvelle rĂ©partition du budget national et soulignĂ© le chambardement total opĂ©rĂ© au profit des gouvernorats de lâintĂ©rieur. On ne lui a pas non plus posĂ© de questions sur lâutilisation des sommes « faramineuses » prĂȘtĂ©es ou promises Ă la Tunisie, sur les rĂ©sultats de la visite « Ă©conomique » du ministre de la DĂ©fense au Qatar, sur lâopportunitĂ© dâun projet « laitier » Ă Sidi Bouzid alors quâĂ Jendouba, on arrose les prĂ©s, les jardins et mĂȘme le bitume avec le lait en trop. Bref, nos trois journalistes tenaient dĂ©jĂ leurs « scoops » une heure aprĂšs le dĂ©but de lâinterview avec Si BĂ©ji. Ils avaient fait le tour de lâactualitĂ© « brĂ»lante », et ne demandaient pas plus que le « menu du jour ». Ils lâeurent et câest Monsieur CaĂŻd Essebsi qui, paraĂźt-il, resta sur sa faim ! Nous aussi, dâune certaine maniĂšre !
Source: âLe tempsâ Le 10-05-2011