C.R.L.D.H. Tunisie: La Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme continue son combat pour une existence effective C.R.L.D.H. Tunisie: Campagne de diffamation orchestrée contre M. Khémaïs CHAMMARI Liberté et Equité: Toujours pas de nouvelles de l’étudiant Abdelhamid Sghaïer Liberté et Equité: Lourimi interdit de conférence à Tunis et détenu deux heures à Sousse AISPP: Infos en continu AISPP: Appel de l’ ex prisonnier politique Mansour Chaoui Kalima: Génération Ben Ali: le gâchis Kalima: Ben Ali augmente les « salaires » de l’opposition Malek: Les « Ben Ali’s Angels » de la censure Réalités: Après sept ans d’activité, Tunisnews s’arrête Réalités: Que devient la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme ? Le Temps: Assemblée générale des magistrats – Ouverture prochaine d’un site web Le Temps: Sur les écrans français : « La Graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche Le Monde: Kadhafi à Paris Le Monde: Et Kadhafi devint respectable Le Monde: La diplomatie africaine controversée de Nicolas Sarkozy
Journée internationale des droits de l’Homme :
La Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme continue son combat pour une existence effective
C.R.L.D.H. Tunisie Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie Membre du Réseau Euro méditerranéen des Droits de l’Homme 21 ter rue Voltaire – FR-75011 PARIS – Tel/Fax : 00.33. (0)1.43.72.97.34 contact@crldht.org / www.crldht.org
Campagne de diffamation orchestrée contre M. Khémaïs CHAMMARI
Liberté et Equité Toujours pas de nouvelles de l’étudiant Abdelhamid Sghaïer
Lourimi interdit de conférence à Tunis et détenu deux heures à Sousse
Infos en continu Les procès continuent !
Génération Ben Ali: le gâchis
Ben Ali augmente les « salaires » de l’opposition
Les « Ben Ali’s Angels » de la censure
Par : Malek (Stranger)
Parmi les nombreux domaines où la Tunisie occupe les premiers rangs dans les classements internationaux, il en existe deux où elle est particulièrement brillante : l’émancipation de la femme et la pratique de la censure. Alors, quand le régime tunisien décide de mettre à profits l’expérience accumulée dans ces deux domaines, cela donne l’Agence Tunisienne de l’Internet ou ATI pour les intimes. En effet depuis sa création en 1996 l’agence publique n’a été dirigée que par des femmes. Pas moins de 3 directrices successives qui ont constitué à elles trois un tableau de chasse impressionnant. Celles qui auraient pu être le symbole de cette Tunisie paritaire ce retrouvent être les administratrices pour le compte de l’état de l’une des pires de ses entreprises : celle de la censure et de la désinformation. Elles s’appellent Khadija Ghariani, Feriel Béji et Lamia Cheffai. Leurs noms ne vous disent peut être rien, pourtant, elles participent de jours en jours, à mener à bien l’étouffement et la mise aux pas de l’Internet libre en Tunisie tant espérés par le pouvoir en place. Plus de 50 sites et blogs tunisiens sont depuis censurés sans compter des dizaines d’autres de diverses nationalités également inaccessibles. Pour y parvenir elles travaillent main dans la main et en dehors de tout cadre légal avec la police du Net tunisien. Il ne serait être autrement puisque depuis le 3 septembre 2007 et la censure de Dailymotion, le fournisseur d’accès TopNet a désigné directement l’ATI comme responsable du « filtrage » du site. Un aveu qui confirme se que tout le monde savait déjà. Etant le fournisseur de tous les autres fournisseurs d’accès, l’ATI peut filtrer à sa guise l’accès à l’Internet. Il faut dire que si on lit bien entre les lignes les déclarations des différentes administratrices, l’activité de « filtrage » de l’internet tunisien n’a jamais été formellement niée par l’agence. Déjà, Mme Ghariani, première à avoir tenu les reines de l’agence et à qui on doit la première vague de censure qui a vu interdire les premiers sites indépendants de la toile tunisienne, répondant aux accusations de censure déclarait : « il n’y a pas de censure en Tunisie puisque les proxys n’y sont pas interdits ». Ce qui en d’autre termes veut dire « nous censurons mais nous permettons de contourner cette censure ». Admirez toute la subtilité de la réponse qui sous-entend que pour les internautes avertis sachant utiliser les Proxys, il n’était pas impossible de contourner les blocages. Mais elle oublie tout de même de préciser que le recours aux proxys est possible surtout parce qu’il est techniquement impossible de les censurer tous et que ceux utilisés étaient censurés à-fur-et-à-mesure que ses techniciens les découvraient. Pour Mme Béji qui lui succède, le discours est toujours aussi subtil mais beaucoup plus explicite. Puisque tout en niant l’existence de la censure, elle justifie celle-ci par un besoin de servir l’intérêt général ! « Certaines voix calomnient la Tunisie en disant qu’Internet y serait censuré. » dit-elle. « La vérité, c’est que nous souhaitons une bonne utilisation du réseau, pour que cet outil serve réellement au peuple ». Voilà donc pourquoi censure-t-on en Tunisie : c’est pour éviter au peuple les lectures inutiles. Quelle abnégation et quel sens du devoir. Un sens du devoir qui lui permet de battre un record de rapidité en censurant Yezzi.org, le site de la manifestation permanente contre Ben Ali, moins de 18 heures après sa mise en ligne ! Encore, dans l’une de ses dernières actions à la tête de l’agence, surement dans un excès d’abnégation, elle censure Dailymotion l’un des sites les plus visités par les internautes tunisiens. « Le peuple », lui, n’apprécie pas vraiment, à en croire les dizaines de voix mecontentes des utilisateurs tunisiens de se site. Mme Lamia Chafaï qui est venue dans les baguages de Mr Haj, le ministre actuel, et que la presse présente comme «une vraie communicatrice, très joviale, toujours souriante, courtoise et est dotée d’une grande maîtrise du Web et de l’Internet», n’est quant à elle, pas étrangère à la maison. Elle s’y occupait déjà de marketing et de commerce électronique sous le règne de Mme béji avant d’aller exercer ses talents à l’Agence nationale de certification électronique (ANCE) dont elle a été la directrice générale. D’ailleurs pour bien marquer son retour et montrer à ses commanditaires qu’elle peut faire aussi bien, voir mieux que ses prédécesseurs, elle censure You Tube un autre site de partage de vidéo qui est devenu le refuge de tous ceux qui ne pouvaient plus accéder à Dailymotion. Ce qui ne semble pas poser de problème à celle qui déclarait que « La Tunisie est certainement aussi avancée dans la voie de la société de l’information que de nombreux pays européens. […] Dans un certain nombre de cas, elle donne l’impression d’avancer plus vite que la France ». Il est évident qu’administrer la censure des deux sites les plus emblématiques du Web 2.0, et de dizaines d’autres sites est en soit un exploit que peu de pays peuvent égaler. Mme Cheffai vient même d’élever encore le niveau d’un cran en censurant il y à quelques jours un autre blog qui s’ajoute à une liste qui commence à être longue. Difficile donc de faire mieux ! Sur Tunisie Haut débit, un blog qui parle des services Internet en Tunisie on peut lire la présentation suivante : « L’ATI, vous connaissez ? C’est la police du net tunisien. Plus efficace que le contrôle parental, elle veille à ce que notre navigation sur internet soit la plus saine que possible. L’ATI joue, aussi, le rôle du « Big Brother » qui décide à notre place et à la place des FAI de ce qui est le mieux pour les exigences des Tunisiens sur le net». La réputation de l’ATI n’est plus donc à faire en matière de « flicage » et même si l’auteur de ces quelques lignes espérait « une bienveillance plus maternelle » de la part de Mme Cheffai, le palmarès déjà bien garni de cette dernière finira pas le convaincre du contraire. Reste encore un petit effort à faire pour l’agence pour assumer son rôle « de police de l’internet » au grand jour, puisque jusqu’ici elle cachait la censure qu’elle exerce en reproduisant une fausse page d’erreur, la fameuse page « 404 ». Le journaliste, du site d’informations économiques, webmanagercenter.com ne croyait pas si bien dire en écrivant : « Décidément les femmes réussissent bien à l’ATI (Agence Tunisienne d’Internet). En effet, depuis sa création, l’ATI a été dirigée par des femmes (à trois reprises), ce qui dénote la capacité de ces dernières dans la gestion technique du nœud Internet national. ». En ce qui concerne la gestion du nœud les trois administratrices ont montré leur savoir faire à part que ce nœud est coulissant et qu’il est entrain d’étouffer le seul vrai espace de liberté en Tunisie. Je ne sais pas si le fait que cela soit l’œuvre de femmes tunisiennes le rend plus condamnable mais ce qui est certain c’est que cela est indigne de notre pays. Mais il semblerait que malheureusement la dignité a déserté depuis longtemps les couloirs du pouvoir en Tunisie. Ceci est aussi bien vrai pour les hommes que pour les femmes qui les arpentent. (Source : le blog de « Stranger », le 10 décembre 2007)
Lien : http://stranger-paris.blogspot.com/2007/12/les-ben-alis-angels-de-la-censure.html
Al Mostaqbal
Après une longue absence, le journal du MDS, Al Mostaqbal, est réapparu samedi dernier. Le premier numéro de cet hebdomadaire, dans sa nouvelle mouture, qui correspond, jour pour jour au 27ème anniversaire du journal a fêté cet événement en republiant l’éditorial du premier numéro signé par le fondateur du Mouvement, M. Ahmed Mestiri.
(Source : « Réalités » (Newsmagazine hebdomadaire – Tunis), N° 1145 du 6 décembre 2007)
Après sept ans d’activité, Tunisnews s’arrête
L’anonyme équipe du site Internet et la newsletter Tunisnews qui publient quotidiennement de l’information sur la Tunisie, ont décidé de mettre fin à leurs activités qui ont duré 7 ans et 7 mois.
Publiant tout et n’importe quoi depuis mai 2000 au déni de toute déontologie journalistique, Tunisnews a fini par devenir incontournable pour de nombreux observateurs politiques, vu qu’on y retrouve les informations officielles des différentes instances de l’Etat et des ONGs (reconnues ou non), mais aussi des attaques et rumeurs que désirent faire circuler certains individus sur Internet, Tunisnews est devenue au fil des jours une source d’information pour certains, et de désinformation pour d’autres.
L’équipe a motivé sa décision par «des raisons personnelles et de force majeure», expliquant qu’elle ne peut plus continuer à travailler à ce rythme et à cette cadence.
(Source : « Réalités » (Newsmagazine hebdomadaire – Tunis), N° 1145 du 6 décembre 2007)
Que devient la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme ?
La situation au sein de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme n’est pas au beau fixe. Pourtant les initiatives de déblocage de cette situation se sont multipliés : par l’incitation interne à sortir du marasme (la motion des 108), les médiations avec les pouvoirs publics, les pourparlers entre le président de la LTDH et M. Moncer Rouissi, Président du Comité Supérieur des Droits de l’Homme le 21 juillet 2007 et enfin la lettre envoyée par le Président de la LTDH au Président de la République qui s’en est suivie. Où en est donc la LTDH ? que faire pour que la Ligue retourne à la normale ? Sur ces sujets, Réalités a sollicité M. Abderrahman Kraïm, ancien membre du Comité directeur de la LTDH et l’un des initiateurs de la motion des 108, ainsi que M. Salah Zghidi, actuel membre du Comité Directeur de la LTDH. Dossier réalisé par Abdelmajid Haouachi M. Abderrahman Kraiem :L’existence de la Ligue est menacée «Il s’agit d’une crise en deux phases. Celle déclenchée suite à l’action judiciaire intentée par quatre candidats qui ont échoué aux élections tenues le 29 octobre 2000. Les graves conséquences d’une telle action ont été amorties à l’Appel. La Cour a,en effet, chargé le Comité directeur élu de préparer le nouveau congrès. Les militants et les sympathisants de la Ligue n’ont pas hésité à mettre en valeur l’apport positif d’une telle issue honorable permettant à la Ligue de continuer sa mission. La deuxième phase s’est déclenchée à partir de 2003 suite a la décision du Comité directeur de restructurer les sections en en fusionnant quelques-unes, ce qui a entrainé la réduction du nombre de 41 à 24. Il est à remarquer que si les militants de la Ligue étaient unanimes pour défendre les résultats du 5ème Congrès et la légalité du Comité directeur, la décision de fusionner des sections a été à l’origine de leurs divergences. Certaines sections « victimes » de la fusion ont choisi d’ester en justice. D’autres ont choisi le recours aux instances de la Ligue, tout en sachant que les instances associatives sont les seules habilitées à régler les conflits entre les adhérents en dehors de tout acte de Justice. J’aurais souhaité que mes amis membres du Comité directeur se penchent sur l’article 4 du règlement intérieur, conçu par les pionniers du mouvement des Droits de l’Homme dans notre pays dans un esprit créateur expansionniste et non sectaire. Cette grave situation nous incite à prendre des initiatives pour sauver la Ligue, quel que soit notre rôle dans la société civile. Je tiens, à cet effet, à exprimer mes remerciements à toutes les personnalités qui ont tenté de jouer un rôle positif pour sauver la Ligue. Il convient de souligner à ce sujet que plusieurs initiatives ont vu le jour en cette conjoncture de crise . La première a eu lieu le 24 aout 2005 lors d’une réunion tenue à la demande du Comité directeur qui a regroupé des anciens dirigeants de la Ligue. J’ai proposé la création d’un Comité de liaison et d’arbitrage qui devrait prendre les mesures les plus à même de cerner le conflit et de dépasser la crise en se référant aux valeurs et aux principes définis par le statut et le règlement intérieur de l’organisation. La deuxième initiative a vu le jour le 19 septembre 2005. Un appel lancé par d’anciens dirigeants pour que le dialogue et la raison puissent prévaloir et que le 6ème Congrès se tienne dans les meilleurs délais. La troisième initiative est à mettre à l’actif de la Commission des Bons Offices qui comprend trois anciens présidents de la Ligue. La quatrième initiative est celle des signataires de la motion des 108. La motion s’adresse : – aux adhérents pour briser le mur du silence, – aux comités pour consolider les pratiques démocratiques et réviser au besoin ses positions, – aux fondateurs pour assumer leurs responsabilités, – aux pouvoirs publics pour faciliter la tache à accomplir et assurer la tenue du 6ème congrès. Je veux insister sur le fait historique que la Ligue a de tout temps eu avec les responsables un contact franc, sincère et responsable. Le dialogue institutionnalisé ne peut que dissiper les malentendus et tracer le chemin de l’avenir dans un climat de confiance et de respect. En s’adressant au pouvoir, les initiateurs n’entendent nullement engager une quelconque responsabilité. Leur objectif s’oriente vers la sauvegarde de la Ligue, qui devrait rester un espace de dialogue, de tolérance, de concertation et de modération. Je suggère de poursuivre le processus de médiation. Par ailleurs, nos amis du Comité directeur devraient adopter la solution la plus adéquate pour rétablir l’équité. Je propose à cet effet la réunion du Conseil des cadres de la Ligue pour poursuivre les pourparlers. Parallèlement, il est recommandé de lever le blocage des sections pour que le Comité directeur puisse tenir des réunions préparatoires du congrès. » M. Salah Zghidi : “Autonomie et consensus” En quoi consiste la crise de la LTDH? On parle aujourd’hui de crise à la Ligue. Il s’agit en réalité de crise dans les relations de celle-ci avec les pouvoirs publics. Il faut d’ailleurs rappeler qu’en ce domaine ce genre de crise est cyclique. Depuis la création de la Ligue, en mai 1977,les relations avec le pouvoir ont connu des crises régulières. N’oublions pas la crise des années 90, qui a duré pas moins de deux ans et qui a abouti à la dissolution de jure de la Ligue. La Ligue n’est sortie de cette crise très grave qu’à la suite de négociations entre les responsables de la Ligue (légalement dissoute) et les dirigeants de l’Etat au plus haut niveau. Celle que la Ligue vit aujourd’hui est de la même nature. Ces crises répétitives durant ces trente dernières années trouvent toutes leur origine dans le fait que deux des principes essentiels sur lesquels s’est constituée la Ligue, a savoir l’autonomie et le consensus qui doit unir en permanence ses cadres et ses militants, ont été lésés. Venons-en donc aux tenants de la crise. Comment les identifiez vous ? S’agissant de l’autonomie, deux choses doivent être dites ; la première est un constat. S’il est évident qu’aucune organisation humanitaire en Tunisie ou ailleurs ne pourrait mener à bien sa mission si elle n’établit pas de relations normales et correctes avec les autorités du pays, on ne peut que constater avec regret que le pouvoir est appelé à admettre qu’une telle organisation ne peut pas mener cette mission si elle n’est pas réellement autonome par rapport à lui. Et il semble, selon l’expérience vécue, que certaines sphères de pouvoir n’arrivent pas à intégrer dans leurs visions la nécessaire autonomie des composantes de la société civile. L’autonomie implique par ailleurs que la question se pose également par rapport aux partis politiques. Il y a une équivoque qui doit être levée : la LTDH doit sauvegarder son autonomie non seulement à l’égard du pouvoir et de son parti mais aussi, de la même façon et avec la, même force, à l’égard des partis politiques notamment de l’opposition. Une chose est à affirmer et à défendre en permanence ; la Ligue ne doit pas agir comme si elle était un parti politique. La Ligue est une association humanitaire et démocratique. Elle n’a pas vocation a être une alliée politique du pouvoir ni son adversaire politique. Il doit être clair que la Ligue n’a pas à se situer dans l’opposition. Dès lors qu’elle le fait, elle porte atteinte à sa nature et en même temps à son autonomie et au consensus sur lesquels se fonde son existence. Le consensus, quant à lui, c’est celui-là même qui a présidé à la fondation et la légalisation de la Ligue. L’attachement à ce consensus n’est pas de la coquetterie. C’est un impératif vital sans lequel la ligue perd sa raison d’être. C’est d’ailleurs à ces deux conditions que l’on peut affirmer que la Ligue constitue un acquis national dans lequel chaque Tunisien et Tunisienne, attaché aux Droits de l’Homme et au progrès, doit pouvoir se reconnaître. Quelle solution préconisez-vous pour sortir de cette crise ? Il est urgent de » bouger ». Sortons le conflit des mains de la Justice. Elle n’a rien à y faire. « L’affaire » de la Ligue n’est ni une affaire judiciaire, ni une affaire sécuritaire. C’est une affaire politique et une affaire de bon sens. Des gestes de décrispation sont nécessaires. Le premier d’entre eux devrait être une mesure de justice élémentaire: la levée de la fermeture des locaux de la LTDH à l’intérieur du pays et la facilitation de l’activité du siège central à Tunis. Dès lors que le climat s’améliore, il faut, avec courage et détermination, engager un processus de retour à la normale. La normale, je le rappelle, c’est une Ligue autonome (par rapport à l’Etat et à tous les partis et mouvements politiques), c’est une Ligue qui n’a ni à servir le pouvoir ni à le combattre, c’est une Ligue qui ne se fonde pas sur l’exclusion, mais sur le rassemblement, c’est une Ligue qui fait du consensus sa raison d’être ,c’est une Ligue indéfectiblement attachée à l’universalité des droits humains et à leurs instruments internationaux ,mais attachée aussi fortement à la Tunisie et à son peuple, et à ce titre rejetant toute instrumentalisation ou manipulation de la part de puissances ou de lobbies étrangers .Sur ces orientations claires et sans équivoque, peut s’engager rapidement, et de façon constamment consensuelle, un processus menant à la tenue du Congrès de la Ligue, appelé à tracer une ligne de rénovation et de redynamisation de cette importante organisation dont , pour peu que nous soyons capables de sauvegarder et de respecter ses « fondamentaux » ,notre peuple et notre pays peuvent être fiers.
(Source : « Réalités » (Newsmagazine hebdomadaire – Tunis), N° 1145 du 6 décembre 2007)
Assemblée générale des magistrats
Ouverture prochaine d’un site web
L’Association tunisienne des magistrats a tenu hier au club des magistrats à La Soukra son assemblée générale ordinaire en présence de plus de 500 magistrats. Le président de l’association M. Tarak Brahem a mis en relief l’attachement des magistrats à leur association. Il a évoqué les réunions du conseil national tenues à quatre reprises.
Il a précisé que le bureau exécutif tient à la révision de la grille des salaires surtout à la prime de la magistrature.
Il par ailleurs appelé à la généralisation des fax dans les bureaux des présidents des tribunaux, à la mise à disposition des connexions internet et à l’accélération de l’exécution du programme « un ordinateur pour chaque juge ».
Le président de l’association a appelé à continuer à soutenir l’autorité de tutelle dans le dossier foncier pour permettre aux juges de l’intérieur de la République de disposer de lots de terrain de l’AFH.
Il a réitéré la position de l’association tenant à utiliser des critères objectifs dans les mouvements de mutations.
Il a rappelé que les communiqués d’une certaine minorité sont une tentative désespérée d’entrainer l’association dans des voies dont l’écrasante majorité des magistrats n’en veut guère.
Il a annoncé l’ouverture prochaine d’un site web pour l’association.
(Source : « Le Temps du Lundi » (Hebdomadaire – Tunis), le 10 décembre 2007)
Sur les écrans français : « La Graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche
Chaleureux portrait d’une famille franco-tunisienne
Le Temps- Agences – « La Graine et le Mulet » d’Abdellatif Kechiche, chaleureux portrait d’une famille franco-tunisienne, a été acclamé au dernier Festival de Venise où il a raflé le Prix spécial du Jury et celui de la meilleure révélation, décerné à la jeune Hafsia Herzi.
Favori des critiques et du public en septembre à la Mostra, « La Graine et le mulet » est à l’affiche de 80 salles en France.
Slimane, un vieil ouvrier immigré des chantiers navals de Sète, est mis à la porte car il n’est « plus rentable » et « pas assez flexible ». « Tu es fatigué et tu nous fatigues! », lui lance son patron, une humiliante conclusion après des décennies de loyaux services.
Slimane décide alors d’ouvrir un restaurant de couscous de poisson – la semoule ou « graine », et le mulet – sur un vieux rafiot rongé par la rouille.
Les multiples démarches nécessaires sont bientôt synonymes de frustrations et d’humiliations larvées, pour cet homme modeste.
Ses vieux copains et surtout ses deux familles – séparé de son épouse, il fréquente la patronne de l’hôtel de l’Orient où il vit et élève sa fille, la jeune Rym, qui l’admire – vont se lancer à corps perdu dans l’aventure.
Après avoir évoqué la dureté de l’immigration dans « La faute à Voltaire » (2000) puis les quartiers populaires des banlieues avec « L’Esquive » (récompensé de quatre César en 2004), le franco-tunisien Abdellatif Kechiche aborde la crise de l’emploi dans ce superbe troisième film.
En toile de fond de « La Graine et le mulet »: la dureté du chômage qui accable les plus modestes, les moins diplômés, et les vexations subies par la communauté franco-arabe, jamais suffisamment « intégrée » aux yeux de certains.
« J’ai eu le désir de faire un film à partir de ce que j’étais: à travers cette histoire de famille, de communauté, d’origines, je me suis impliqué davantage », affirmait à l’AFP Abdellatif Kechiche, en septembre à Venise.
« Je voulais aussi donner une représentation plus juste, plus réaliste, des Français d’origine arabe de la classe ouvrière, dont les médias et le cinéma donnent une vision très étriquée », disait-il.
Tissé de longs plans-séquences qui font naître l’émotion tout en ménageant un formidable suspense, ce film à la fois lucide, chaleureux et souvent teinté d’humour, ne s’apesantit pas sur la violence sociale qu’il épingle.
Cinéaste humaniste, Abdellatif Kechiche y dépeint avec délicatesse des liens familiaux complexes et dessine des personnages forts, servis par d’impressionnants acteurs, pour certains non professionnels.
Avec son jeu sobre et subtil, Habib Boufares insuffle à Slimane un mélange de lassitude et de dignité inaliénable, tandis que la jeune Hafsia Herzi, qui tient son premier grand rôle à 20 ans, campe une Rym brûlante et entière.
Après avoir débuté adolescente dans « US Go home » de Claire Denis, Alice Houri est bouleversante en jeune épouse trahie.
Né à Tunis en 1960, Abdellatif Kechiche a débuté comme acteur de théâtre et de cinéma, jouant notamment dans « Le Thé à la menthe » d’Abdelkrim Bahloul (1984) et « Les Innocents » (1987) d’André Téchiné, avant de tourner « La faute à Voltaire », récompensé par un Lion d’or du meilleur premier film à Venise.
(Source : « Le Temps du Lundi » (Hebdomadaire – Tunis), le 10 décembre 2007)
Edito du Monde
Kadhafi à Paris
La France est le premier pays occidental qui fait à Mouammar Kadhafi l’honneur d’une réception depuis l’époque où le dirigeant libyen s’était mis au ban des nations par son soutien au terrorisme. En acceptant de négocier avec lui, en 2003, l’arrêt de ses tentatives pour se doter d’une arme atomique, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont donné le signal d’un changement d’attitude vis-à-vis d’un chef d’Etat dont le régime bafoue les libertés fondamentales et a été impliqué dans des attentats meurtriers contre la compagnie aérienne américaine PanAm et la française UTA.
Toutefois, ni Washington ni Londres n’ont, à ce jour, accueilli celui qui se fait appeler le « Guide de la révolution libyenne ». Il est vrai que l’un des derniers voyages de Tony Blair, en tant que premier ministre, a été pour la Libye, en juin, avec à la clé un énorme accord pétrolier. A ce moment-là, les infirmières et le médecin bulgares étaient toujours en prison à Benghazi. M. Blair était allé en Libye une première fois en 2004, de même que Silvio Berlusconi, alors président du conseil italien, et Jacques Chirac. La même année, Romano Prodi, président de la Commission européenne, avait reçu M. Kadhafi à Bruxelles.
Le président de la République a beau jeu de faire allusion à de tels précédents pour minimiser le cadeau qu’il a accepté de faire au dirigeant libyen. Il n’empêche : la hâte à recevoir le « Guide », les prévenances dont il est entouré pour une bien longue visite donnent à la France un rôle peu glorieux. En ne posant aucune condition à l’approfondissement de sa relation avec Tripoli, Paris accorde un blanc-seing à un vieux dictateur dont le principal atout semble tenir à ses réserves de pétrodollars.
A la différence d’Angela Merkel, qui défend les droits de l’homme et les principes démocratiques en tous lieux et quel que soit son interlocuteur, M. Sarkozy profite de l’incapacité de l’Europe à adopter une position commune sur ces questions pour se « placer » auprès des dirigeants les moins respectueux des libertés. Il n’est pas anormal d’avoir un dialogue avec la Libye, pays qui compte sur la rive africaine de la Méditerranée. Mais le langage de la France semble contraint par l’accord, resté mystérieux, qui a présidé à la libération des infirmières, le 24 juillet. Le malaise exprimé soudain par Bernard Kouchner et Rama Yade, membres du gouvernement, vise à désamorcer les critiques plutôt qu’il n’exprime une exigence.
Au soir de son élection, M. Sarkozy avait annoncé que la France serait « aux côtés des opprimés » et qu’elle était « de retour » en Europe. Il donne aujourd’hui au colonel Kadhafi l’occasion de pavoiser. Il aura été le seul dirigeant de l’Union européenne à féliciter Vladimir Poutine pour le résultat des élections législatives en Russie. M. Sarkozy ne tient pas parole.
(Source: “LE MONDE” (Quotidien – France), le 11 décembre 2007)
Et Kadhafi devint respectable
Le grand théâtre Kadhafi vient planter sa tente à Paris. Exotisme et numéro d’acteur garantis. Tirades iconoclastes probables, qu’il faudra encaisser sans trop sourciller. La santé de la balance commerciale hexagonale est jugée à ce prix, et les visites du Guide suprême de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste ne sont pas si fréquentes.
La dernière remonte à 1973. A cette époque, le personnage de Mouammar Kadhafi n’était pas encore sorti de ses limbes. Il n’était guère plus qu’une copie libyenne des « officiers libres » égyptiens déposant une monarchie usée jusqu’à la corde pour imposer le pouvoir du peuple.
Entre le jeune colonel putschiste au visage émacié d’alors et le despote aux traits épaissis d’aujourd’hui, les décennies se sont accumulées, avec elles les victoires et les revers, la somme de ces derniers l’emportant assez nettement sur les premières. Le temps de la dictature de la « révolution » et des « masses » est passé, le pragmatisme impose sa loi.
Les apparences, heureusement, sont sauves. L’extravagance reste le signe distinctif du Guide qui inventa au milieu des années 1990, au mitan de l’embargo international qui frappait son pays, une « voiture anti-accidents » pour mettre un terme aux hécatombes frappant la jeunesse du régime.
L’organisation de la Jamahiriya reste une source d’inspiration inépuisable pour les excentriques. Qui apprécie le titre de « secrétaire du comité populaire général » (premier ministre) raffolera de celui de « secrétaire de liaison extérieure » (ministre des affaires étrangères) et s’ébaubira devant la construction pyramidale des « congrès populaire général », « congrès populaires de base » et « comités révolutionnaires ». Le tout au nom de la véritable démocratie : comme l’assène le Livre vert, précis plus que trentenaire de la révolution libyenne, la volonté de 51 % des citoyens imposée aux 49 % restant n’est qu’une imposture.
Au même titre que les drapés avantageux, les tuniques constellées de drapeaux ou d’effigies des pères fondateurs de l’Afrique et les lunettes de soleil, les saillies verbales font corps avec le personnage. Elles comportent leurs constantes : un « tiers-alter-mondialisme » dont témoigne également la liste des récipiendaires du prix de la Fondation Kadhafi pour les droits de l’homme (Evo Morales, Hugo Chavez, Fidel Castro, etc.) ; la légitimation du terrorisme pour les peuples « faibles » ou « opprimés » (en marge du sommet Europe-Afrique de Lisbonne, le 7 décembre, comme lors du sommet de la Ligue arabe d’Alger, en 2005) ; ou la faute inexpiable des colonisateurs de l’Afrique, rabaissés au rang de pillards sans scrupule, depuis que le Guide s’est donné la mission de conduire le continent à une improbable unité.
EXTRAVAGANCE ET PROVOCATION
C’est dans cette obsession qu’il faut d’ailleurs trouver l’explication du caractère bien tardif des retrouvailles franco-libyennes. « Que fait la France en Afrique ? », n’a cessé de s’exclamer Mouammar Kadhafi. Très vite, le Guide avait troqué le panarabisme laissé en déshérence à la mort de son modèle Nasser, et dont il se voulait le porte-étendard dès le milieu des années 1970, pour une politique africaine aux contours flous, aux moyens pas toujours orthodoxes, qui l’a souvent placé en conflit avec la France.
L’extravagance et la provocation calculées ne parviennent pourtant plus à donner le change. Après s’être longtemps perdu dans la quête de « troisièmes voies », entre socialisme et capitalisme, entre l’islam conservateur des Frères musulmans et le djihadisme inspiré par Sayed Qotb, Mouammar Kadhafi suit opiniâtrement depuis plus d’une décennie le cap d’un rapprochement avec l’Occident.
Il revient de loin. Le parrain financier et idéologique du terrorisme international, qualifié par Ronald Reagan de « chien enragé », est la cible d’un bombardement américain en 1986, après un attentat perpétré à Berlin, dans lequel un ressortissant américain a trouvé la mort. Puis son régime est accusé d’être à l’origine des opérations contre des avions de la PanAm et d’UTA, en 1988 et en 1989. Vue de Washington, la Libye est l’incarnation par excellence de « l’Etat voyou ».
Les sanctions américaines et internationales (en 1992 puis en 1993) ont beau être plus légères que celles qui pèsent au même moment sur Bagdad, elles révèlent néanmoins l’isolement de Mouammar Kadhafi. Le Guide mesure les limites de la fraternité arabe. Il remâche son aigreur.
Les projets pharaoniques comme celui de la grande rivière artificielle qui, en 1996, achemine au moyen de conduites géantes installées par les Coréens l’eau pompée dans des nappes fossiles situées sous le désert, ne font guère illusion. Mais cette situation ne va pas durer bien longtemps.
A la suite d’une médiation de Nelson Mandela engagée en 1998, deux suspects libyens dans l’attentat de Lockerbie contre l’avion de la PanAm sont livrés (l’un sera condamné ultérieurement à la prison à vie) et les familles des victimes sont indemnisées. En 1999, les sanctions internationales sont suspendues – même si le régime continue de nier toute responsabilité.
Après le 11 septembre 2001, la Libye lève immédiatement toute ambiguïté. Une coopération sécuritaire fructueuse – compte tenu de sa parfaite connaissance des filières des groupes radicaux – est engagée avec les Etats-Unis. En décembre 2003, après l’offensive américaine contre le régime de Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi renonce officiellement à un programme de destruction massive comprenant un volet nucléaire conçu en collaboration avec le « père » de la bombe atomique pakistanaise, Abdul Qadeer Khan.
« Rachat à bon compte d’une légitimité internationale, estime un expert du ministère de la défense français. Kadhafi a compris que ce programme, assez peu avancé, était devenu contre-productif. » A-t-il eu peur d’une déstabilisation orchestrée par les Etats-Unis, comme naguère par l’Egypte ? « Avec le contexte nouveau créé par le 11-Septembre et la hausse des prix du brut, Kadhafi a vu qu’il avait un coup à jouer », assure Luis Martinez, spécialiste du Centre d’études et de recherches internationales (Sciences-Po Paris), auteur de The Libyan Paradox (Hurst, 2006).
Ce renoncement ouvre la voie à la normalisation. Puis les opportunités créées par la hausse des cours du pétrole et les besoins d’équipement du pays après les années d’embargo la précipitent. En avril 2004, Mouammar Kadhafi est reçu à Bruxelles par le président de la Commission européenne, Romano Prodi. Quelques mois plus tard, Jacques Chirac est le premier président français à se rendre à Tripoli, où l’ont déjà précédé le Britannique Tony Blair et l’Italien Silvio Berlusconi.
OPPOSITION AU DJIHADISME
Un dossier, pourtant, continue d’empoisonner l’atmosphère, celui des infirmières bulgares et du médecin palestinien condamnés à mort par la justice libyenne pour avoir, selon elle, intentionnellement inoculé le virus du sida à des enfants. Cet ultime contentieux est réglé en juillet 2007 à la suite d’une médiation française, après un long travail de fond de la Commission européenne.
En dépit de ses diatribes, le Guide libyen et l’Occident se retrouvent aujourd’hui sur de nombreux points : un mélange de défiance et d’hostilité vis-à-vis de « l’autre » révolution régionale, celle de l’Iran, et des chiites en général – c’est en Libye qu’avait disparu en 1978 le cheikh Moussa Sadr, à l’origine du réveil politique des chiites libanais ; et surtout une opposition frontale au djihadisme sans frontière d’Al-Qaida, que Mouammar Kadhafi a développée parallèlement à son pragmatisme.
Le Guide a traité au napalm l’islamisme combattant teinté d’irrédentisme dans le « Jebel vert », au milieu des années 1990. Le rapprochement du colonel et des Etats-Unis en fait d’ailleurs une cible du Groupe islamiste combattant libyen (GICL).
A l’intérieur, le régime a conservé tout au long de ces années une remarquable stabilité, avec « un petit groupe d’une dizaine de responsables concentrés sur les questions-clés pour sa pérennité : le pétrole, la sécurité et les tribus », explique Luis Martinez. La combinaison entre les trois principaux groupes tribaux (les Kadhara – celui du Guide –, les Meghara et les Warfallah) n’a pas varié depuis les débuts de la Jamahiriya.
Dans l’ombre de leur père, Seif Al-Islam et Saadi font leurs classes. Le premier, cheville ouvrière de la Fondation qui a réglé les contentieux financiers liés aux attentats de 1988 et 1989 et le dossier des infirmières bulgares, constitue « la vitrine présentable » du régime. Mais il n’a pas le pouvoir du second, un éphémère footballeur professionnel qui a réussi sa reconversion dans les forces spéciales.
Ces dernières doivent bénéficier d’un rééquipement de premier plan qui stimule les vendeurs d’armes européens. « Les forces spéciales sont plus fiables que l’armée, qui ne sera modernisée qu’après elles. Ces forces sont stratégiques pour le régime et contrôlent tous les points névralgiques du pays », assure Luis Martinez.
Ainsi va l’ancien pays paria, bardé aujourd’hui de conseillers de groupes de réflexion américains, sur le modèle des riches émirats du Golfe et dont l’artisan des réseaux radicaux de naguère, Moussa Koussa, est pressenti pour le poste d’ambassadeur à Washington. Où l’on donne aujourd’hui, il est vrai, du « Cher monsieur le président » au dictateur nord-coréen Kim Jong-il.
La diplomatie africaine controversée de Nicolas Sarkozy
Philippe Bernard (à Lisbonne) et Natalie Nougayrède
Alors qu’il accueille, lundi 10 décembre à Paris, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui effectue en France une visite controversée de six jours, Nicolas Sarkozy a voulu dessiner, samedi à Lisbonne, à l’occasion du sommet Union européenne-Afrique, les contours d’une nouvelle politique africaine de la France, où il s’agit de « parler avec tout le monde ». Le président français a jeté les jalons d’un « début de normalisation » avec la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo et le Rwanda de Paul Kagamé, deux pays dont les relations avec la France s’étaient détériorées durant la présidence de Jacques Chirac.
La visite du Guide de la révolution libyenne à Paris intervient moins de cinq mois après la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien obtenue par la France et l’Union européenne (UE), avec une médiation décisive du Qatar auquel avait fait appel M. Sarkozy. Le colonel Kadhafi, pour lequel une tente a été installée dans la cour de l’Hôtel Marigny, à côté de l’Elysée, restera jusqu’au 15 décembre en France. Il sera reçu à deux reprises, lundi et mercredi, par M. Sarkozy. Les discussions devraient porter sur des contrats commerciaux, des fournitures d’armements, une coopération dans le nucléaire civil, ainsi que le projet d’Union méditerranéenne.
A Lisbonne, M. Sarkozy a salué le dirigeant libyen en se déclarant « très heureux » de le recevoir à Paris. Devant les journalistes, le chef de l’Etat a cherché à justifier l’invitation qu’il avait lancée à M. Kadhafi au lendemain de la libération des infirmières bulgares : « Si nous n’accueillons pas des pays qui prennent le chemin de la respectabilité, que devons nous dire à ceux qui prennent le chemin inverse ? » Il a exprimé le souhait que la visite soit « un succès » et qu’elle donne lieu à la conclusion d' »un certain nombre d’accords économiques ».
« Pour le reste, a ajouté Nicolas Sarkozy à propos du numéro un libyen, il a sa personnalité, il a son tempérament, ce n’est pas moi qui vais le juger. » Le président français n’a pas fait de commentaire spécifique sur les propos tenus la veille par le colonel Kadhafi, qui avait réclamé, devant une assemblée d’étudiants portugais, des compensations financières pour les pays colonisés, puis fustigé « la dictature » du Conseil de sécurité de l’ONU et déclaré comprendre « le recours des faibles au terrorisme » face aux « superpuissances ».
A Lisbonne, M. Sarkozy a enchaîné une série d’entretiens avec des dirigeants africains, esquissant une politique africaine où les contacts de la France seraient plus larges, affranchis de certains contentieux. Ce positionnement, visiblement soucieux de marquer une nouveauté, intervient au moment où l’image de la France en Afrique a été sensiblement écornée à la fois par le scandale de l’Arche de Zoé au Tchad et par le discours prononcé en juillet par M. Sarkozy à Dakar, où il avait mis en cause la capacité de « l’homme africain » à appréhender l’avenir.
Se présentant comme « l’ami de l’Afrique », le président français a souligné « les progrès réalisés » en matière de paix et de démocratie sur le continent. « Je ne suis pas de ceux qui réduisent l’Afrique à une terre de guerre et de violence », a-t-il déclaré devant les 53 dirigeants africains et 27 européens réunis. Affirmant que « l’Afrique n’appartient qu’à elle-même », il a appelé le continent à « assumer encore davantage (ses) responsabilités » pour éteindre « ses propres incendies ». Le président lui-même s’est présenté en démineur. « Si je dois régler les problèmes, c’est qu’ils ne l’ont pas été avant », a-t-il lancé devant les journalistes.
Les « problèmes » concernent les relations franco-rwandaises, interrompues depuis la publication, voici un an, des conclusions du juge Bruguière mettant en cause le président Kagamé dans l’attentat de 1994 qui coûta la vie aux présidents rwandais et burundais de l’époque et fut le signal qui déclencha le génocide de Tutsis. Un génocide qui « nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos faiblesses ou à nos erreurs », a déclaré M. Sarkozy, en une formulation qui, a-t-il précisé, a été « pesée » afin de « respecter toutes les sensibilités ». « Il y a beaucoup de souffrance au Rwanda. Nous avons convenu, M. Kagamé et moi, de nous tourner vers l’avenir », a-t-il ajouté, confirmant qu’un groupe de travail préparait la reprise des relations diplomatiques.
D’une tout autre nature, la querelle franco-ivoirienne devrait, elle aussi, être vidée, et des « relations amicales » rétablies à condition que le président Gbagbo tienne sa promesse d’organiser des « élections transparentes » d’ici à juin 2008.
Nicolas Sarkozy a d’autre part affirmé que la France « continuerait à faire évoluer son dispositif militaire » en Afrique. Il a indiqué avoir fait le commentaire suivant aux présidents de la Côte d’Ivoire et du Tchad, où sont déployées des troupes françaises : « Si on gêne, on peut s’en aller. » La réponse de ses interlocuteurs, a-t-il dit, a été négative.
A propos du Tchad, M. Sarkozy a réaffirmé sa détermination à déployer la force européenne voulue par la France pour protéger les réfugiés. Cette force a pour objectif d’ « éviter un nouveau Darfour » dans l’est du Tchad, a-t-il dit. L’Eufor devrait aussi être évoquée à Paris avec le colonel Kadhafi, qui n’a jamais aimé l’idée d’un déploiement international à ses frontières.
Chronologie
1973 : visite du colonel Kadhafi à Paris.
1983 : opération militaire Manta au Tchad après l’intervention de la Libye.
1984 : rencontre en Crète entre François Mitterrand et Mouammar Kadhafi.
1991 : la justice française met en cause la Libye dans l’attentat contre un DC-10 d’UTA en 1989 au-dessus du Niger.
1999 : six membres présumés des services secrets libyens condamnés par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité dans l’affaire du DC-10.
2004 : visite de Jacques Chirac en Libye.
2007 : Nicolas Sarkozy se rend à Tripoli après la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus depuis huit ans.
(Source: “LE MONDE” (Quotidien – France), le 11 décembre 2007)