TUNISNEWS
8 ème année, N° 2579 du 15.06.2007
Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme: Communiqué
AFP: Tunisie: formation d’une coalition contre la peine de mort
AP: Tunisie: constitution d’une coalition contre la peine de mort
AP: Le 11ème plan économique tunisien présenté aux bailleurs de fonds
Réalités: Nouvelles arrestations de terroristes dans l’affaire de Soliman
Réalités: A quoi rêvent les jeunes
AFP: Boycotté par le monde, le Hamas veut devenir incontournable
AFP: Palestiniens au désespoir après la prise de Gaza
Reuters: Les membres du Fatah entre abattement,introspection et reproches
Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme Communiqué
Un important dispositif policier s’est déployé sur tout le territoire de la république, dimanche 10 juin 2007, pour empêcher des militants des droits de l’homme et des syndicalistes d’atteindre la ville de Kairouan où devait se tenir une journée de solidarité avec la LTDH à l’initiative de l’Union Régionale du Travail de Kairouan. Dès la matinée, les forces de l’ordre ont harcelé le Président de la Ligue , des membres du Comité Directeur et des comités des sections ainsi que des militants des droits humains et les ont empêchés de quitter leurs villes de résidence ; d’autres ont été interceptés à l’entrée de la ville de Kairouan. Les membres de la section locale ont été contraints de rester chez eux. Le local de l’Union Régionale a été assiégé par la police et seuls quelques syndicalistes et ceux qui sont arrivés assez tôt ont pu y accéder. Le Comité Directeur dénonce avec la plus grande fermeté ce glissement dangereux des autorités qui ne se contentent plus de bloquer les locaux de la ligue étalant cette logique devant un local de l’UGTT. La Ligue salue l’Union Régionale du Travail de Kairouan et exprime son entière solidarité et son profond respect à sa direction et à tous les syndicalistes qui ont toujours soutenu la Ligue à travers les différentes manifestations qu’ils ont organisées et auxquelles ils ont invité les dirigeants de la Ligue et ses militants. Le Comité Directeur exprime également sa gratitude à tous ceux qui ont tenté d’atteindre la ville de Kairouan pour participer à la manifestation de solidarité ainsi que sa compassion avec eux pour le traitement irresponsable qu’ils ont subis. Le Comité Directeur relève le fait que depuis trois semaines, les forces de police impose chaque samedi un blocus incompréhensible sur le siège central de la Ligue à Tunis. Après avoir empêché, samedi 26 et dimanche 27 mai 2007, la tenue de la conférence sur le Forum Social, elles ont récidivé les samedi 2 et 9 juin en assiégeant le local sans qu’il n’y ait une quelconque activité. Par ailleurs, le siège des locaux des sections se poursuit depuis septembre 2005 en dépit des appels du Comité Directeur et des structures de la ligue à entamer un dialogue serein avec les autorités autour des questions litigieuses ; Appels restés sans réponse, pis encore, les restrictions contre la Ligue et ses militants n’ont cessé de s’aggraver. Tout en dénonçant ces pratiques, le Comité Directeur appelle les forces de la Société Civile , les partis politiques et les personnalités nationales ainsi que tous ses amis à travers le monde à exprimer leur indignation contre les entraves aux activités de la ligue et les tentatives de son asphyxie et de lui manifester leur solidarité effective pour qu’elle demeure une association forte et indépendante. Pour le Comité Directeur Le Président Mokhtar TRIFI
Tunisie: formation d’une coalition contre la peine de mort
AFP, jeudi 14 juin 2007 TUNIS – Une centaine de personnalités, parmi lesquelles plusieurs artistes, ainsi que sept associations non gouvernementales ont annoncé jeudi la constitution d’une coalition contre la peine de mort en Tunisie. « La coalition oeuvrera à créer une dynamique visant à abolir la peine capitale en Tunisie, où plus de 100 condamnés à mort croupissent dans les prisons, attendant la substitution de leur peine », a déclaré à la presse Mohamed Habib Marsit, président de la section locale d’Amnesty International. Ce groupe réunit notamment aux côtés d’Amnesty-Tunis, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, l’Association des femmes démocrates, l’Institut arabe des droits de l’Homme et l’Association des journalistes. Parmi les personnalités signataires figurent des avocats, y compris le bâtonnier Abdelsattar Ben Moussa, des cinéastes, hommes et femmes de théâtre, poètes, universitaires, féministes et défenseurs des droits de l’Homme. M. Marsit a également indiqué que la coalition envisageait de « sensibiliser l’opinion publique en vue de lutter contre cette sentence qui continue d’être largement pratiquée dans les pays arabes ». La peine capitale reste en vigueur dans la législation tunisienne, mais aucune exécution n’a été enregistrée depuis 1994, date de la pendaison d’un tueur en série, coupable de viols et assassinats d’enfants. Le ministre tunisien de la Justice et des droits de l’Homme, Béchir Tekkari, avait estimé en mars dernier au cours d’un débat avec les députés qu’il n’était « pas encore temps d’abolir la peine de mort ». Djibouti est le seul pays arabe à avoir aboli la peine capitale sur un total de 128 pays et territoires dans le monde, contre seize pays en 1997, selon le dernier rapport d’Amnesty International.
Tunisie: constitution d’une coalition contre la peine de mort
Associated Press, le 15 juin 2007 à 15h59 TUNIS (AP) — Plusieurs associations de défense des droits de l’Homme ont annoncé dans un communiqué publié vendredi la création d’une « coalition tunisienne contre la peine de mort » qui menace une centaine de condamnés à mort. Initiée par la section tunisienne d’Amnesty International (AI) avec le concours de plusieurs autres organisations non-gouvernementales dont la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH), l’Association des femmes démocrates (ATFD) et l’Association des journalistes tunisiens (AJT), la naissance de cette coalition fait suite à l’appel du 3e Congrès mondial contre la peine de mort, qui s’est déroulé à Paris du 1 au 3 février, en vue de la constitution de coalitions nationales et sous-régionales pour l’abolition de la peine de mort. Bien qu’en vigueur dans la législation tunisienne, la peine capitale largement pratiquée dans les pays arabes, n’a été suivie d’aucune exécution depuis 1944, date de la pendaison d’un tueur en série auteur de viols et d’assassinats de 14 enfants. Des dizaines personnalités de la société civile ont déjà adhéré à cette initiative, dont le bâtonnier Abdessatar Ben Mousa, d’anciens présidents de la LTDH ET D’AI-Tunisie, ainsi que des académiciens, des artistes et hommes de lettres et de théâtre tels Jalila Baccar, Fadhel Jaïbi et Taoufik Jebali. Selon le président d’AI-Tunisie, Habib Marsit, il s’agit là d’un « premier jet », les abolitionnistes étant largement plus nombreux. Les fondateurs de cette coalition comptent agir à deux niveaux: faire adopter un moratoire pour surseoir à l’exécution des condamnés à mort et obtenir l’allègement des « conditions d’incarcération » de ces derniers très dures ». Associated Press
Le 11ème plan économique tunisien présenté aux bailleurs de fonds
Associated Press, le 15 juin 2007 à 01h27 TUNIS (AP) — Réunis à Tunis, les pays et institutions partenaires de la Tunisie dont la France son premier client, fournisseur et investisseur, ont pris connaissance jeudi des grands axes du 11ème plan de développement économique et social tunisien (2007-2011), qui a pour ambition de faire évoluer les indicateurs économiques et sociaux de ce pays pour le rapprocher de ceux des pays avancés. En dépit de ressources naturelles limitées, la Tunisie occupe la première place en Afrique en termes de compétitivité, selon le classement publié mercredi par le Forum économique mondial (WEF) actuellement réuni au Cap (Afrique du Sud). Pour faire ce saut, le volume global d’investissements est évalué à quelque 63 milliards de dollars dont 73% devront être fournis par l’épargne nationale. Les besoins en financements extérieurs se montent quant à eux à environ 17 milliards de dollars. Premier objectif essentiel à atteindre au terme des cinq prochaines années: un taux de croissance annuel de 6,1%, contre 4,5% au cours des cinq dernières années. Le principal défi à relever est de répondre à une demande d’emploi croissante d’environ 88.000 demandes supplémentaires par an. Il s’agit en même temps pour les dirigeants tunisiens d’améliorer le niveau de vie de la population en relevant de 5% par an le revenu par tête d’habitant, actuellement d’environ 3.000 dollars, l’un des plus élevés de la région. Associated Press
ATFD
Alors qu’elle est réputée être une association farouchementopposante, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates a eu l’agréable surprise de recevoir un chèque de la Présidencedela République d’un montant de 40.000 dinars. Un chèque qui tombe à point nommé pour régler quelques-unes des difficultés financières que connaît cette association. Louable initiative. (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
Une association pour la défense de la laïcité
Un groupe d’hommes et de femmes comptent déposer dans les prochains jours une demande pour la création d’une association culturelle défendant la laïcité. Cette association est appelée à regrouper des intellectuels, des chercheurs, des universitaires, journalistes, avocats, artistes et différents acteurs qui participent à l’animation de secteurs prioritaires pour l’action laïque et convaincus de la nécessité et de l’urgence de promouvoir la pensée et l’action laïques en Tunisie. L’Association se consacrera exclusivement à la défense et à la promotion de la laïcité et à la diffusion des valeurs et de la culture laïques. Ses promoteurs désirent qu’elle soit constamment mise à l’abri de toute instrumentalisation à des fins qui ne sont pas celles du mandat qu’ils lui ont préalablement fixé. (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
Nouvelles arrestations de terroristes dans l’affaire de Soliman
Trois Tunisiens soupçonnés d’avoir apporté un soutien logistique et financier à un membre d’Al-Qaïda et d’être liés aux attentats d’Alger en avril ont été arrêtés jeudi à Milan. Un quatrième membre du même groupe a été arrêté pour sa part à Londres. Selon la police italienne, le groupe aurait recruté des extrémistes envoyés dans des camps d’entraînement en Afghanistan, avant de rejoindre des militants en Algérie, Tunisie, Tchétchénie, Bosnie et Afghanistan. La cellule appartiendrait au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenue par la suite Branche maghrébine d’Al Qaïda), et projetait des attentats en Italie. La cellule milanaise était liée aux attentats du 11 avril dernier à Alger, qui avait fait 30 morts, ainsi qu’à la fusillade mortelle entre des policiers et des islamistes en décembre et janvier derniers à Soliman. Selon les premiers éléments de l’enquête, elle a fourni de faux documents, ainsi que des appartements, voitures, et moyens de communication enregistrés sous de faux noms. La police a également remonté la trace de plusieurs dizaines de milliers d’euros destinés à l’Afghanistan via l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
Le charlatanisme gagne du terrain
Le charlatanisme gagne du terrain, en toute impunité. En témoigne le nombre d’insertions publicitaires dans les tabloïds d’hommes et femmes prétendant guérir toutes sortes de maladies et de sorcelleries. Se cachant derrière le Coran, ils déclarent ainsi pouvoir guérir le cancer, les migraines, la stérilité, en plus de la sorcellerie, du « mauvais œil » etc. Pour asseoir leur crédibilité, certains proposent même des numéros de téléphone en Tunisie et à l’étranger (Maroc spécialement) afin de donner l’illusion qu’ils sont internationalement reconnus. Ce qui est regrettable, c’est qu’énormément de gens croient en la véracité de ces publicités mensongères, juste parce qu’elles ont trouvé leur pub dans les journaux. Pour eux, tout ce qui est écrit sur le journal est contrôlé par l’Etat et est donc vrai ! (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
348.000 dinars d’amende pour Lamine Nahdi
Le comédien Lamine Nahdi a perdu son procès face au réalisateur et scénariste Moncef Dhouib dans l’affaire de la pièce de théâtre «Fi hak esserdouk enraichou». Après cinq ans de procédure judiciaire, le tribunal de première instance de Tunis a donné raison à Moncef Dhouib et a condamné Lamine Nahdi à 348.000 dinars en plus des frais de justice. Elle lui ordonne également de retirer définitivement son nom de la pièce, en qualité de scénariste. Il s’agit d’une première en Tunisie dans une affaire de droits d’auteur. Plusieurs auteurs ont déclaré, à la suite de ce jugement (qui fera certainement objet d’appel) qu’il s’agit d’une victoire pour tous les créateurs artistiques victimes de plagiat. (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
Problèmes au lycée Louis Pasteur
Le lycée privé Louis Pasteur, appartenant au Groupe Bouebdelli, a été sommé par le ministère de l’Education d’arrêter toute publicité et toute nouvelle inscription pour suivre des cours dans cet établissement. Le lycée en question propose des cours selon les programmes français et essaie de répondre ainsi à une demande croissante d’inscription. Les cours proposés tiennent cependant compte des spécificités locales et proposent quelques matières spécifiques à la Tunisie, tels la langue arabe. Une demande a été déposée en 2005 et les premiers cours ont commencé l’année scolaire suivante. Contactée par Réalités, une source officielle au ministère de l’Éducation a déclaré que le lycée en question n’a toujours pas reçu l’autorisation définitive lui permettant d’exercer, à inscrire des élèves et à dispenser des cours d’enseignement. Le dossier est en cours d’étude et une réponse sera donnée dès la fin de la procédure ordinaire imposée à toute demande du genre. A rappeler que la réglementation en vigueur stipule que tout établissement désirant dispenser un enseignement conforme au programme français doit avoir l’autorisation du ministre tunisien en charge de l’Éducation (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
Huit candidats pour la BTK
Huit banques et groupes financiers ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt pour la cession de 60% du capital de la Banque Tuniso-Koweitienne. Sept candidats arabes et un français ont présenté ainsi leurs dossiers et ont été présélectionnés. Le nombre de participants est très significatif quand on voit le niveau d’exigence fixé au partenaire stratégique. Les candidats se devaient, en effet, d’être une banque avec au minimum 3 milliards de dollars US de total actif ou un investisseur financier avec un portefeuille d’investissement de plus de un milliard de dollars US en valeur. Une exigence que les huit candidats ont visiblement remplie. Il s’agit de :United Gulf Bank (Bahrein), Noor Financial Investment (Koweit), Mashreq Bank (Emirats Arabes Unis), EFG Hermes (Egypte), Groupe Caisse d’Epargne (France), Bank Audi (Liban), Banque Centrale Populaire, BCP (Maroc) et Banque Marocaine du Commerce Extérieur, BMCE (Maroc). Notons qu’à la suite de cette présélection, la dataroom de la BTK s’ouvrira officiellement à ces candidats à partir du 20 juin courant. (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
A quoi rêvent les jeunes ?
Dr. Samira Rekik On les voit dans les cafés, dans les bars, rarement au cinéma, presque jamais au théâtre, jamais un livre entre les mains. Ils dépensent beaucoup, n’ont aucune notion de l’argent, aucune notion du travail. Ce sont des lève-tard, des paresseux, des irresponsables, des insatisfaits…. Il s’agit de nos jeunes, qui représentent 40% de notre population. Sont-ils si affreux que ça ? L’Observatoire national de la jeunesse a réalisé une grande enquête en 2006, intitulée “Une jeunesse préparée à un avenir prometteur”. Il s’agit en fait d’une consultation de la jeunesse, avec comme objectif de mieux connaître les opinions et les attentes des jeunes, au sujet d’un certain nombre de questions d’intérêt national et international, en même temps de dresser le profil de cette jeunesse afin de la projeter dans les secteurs stratégiques du pays. Cette enquête conclut à un profil très rassurant d’une jeunesse équilibrée entre traditions et modernisme, fière de son identité nationale, tolérante, solidaire et ambitieuse. Donc l’idée stigmatisante qu’on se fait d’eux, ne serait qu’une paranoïa d’adultes trop protecteurs. Ecoutons-les et laissons-les s’exprimer. Seule la réussite financière est digne de ce nom Etudiant en 1ère année d’économie, Mehdi pense déjà à son avenir : «Mon rêve c’est de monter ma propre affaire, s’il le faut en même temps que mon troisième cycle. Je voudrais gagner beaucoup d’argent, s’il le faut je travaillerai comme un dingue. Seul la réussite financière est digne de ce nom. Les diplômes, c’est bon pour la formation personnelle, pour valoriser les parents vis-à-vis de leur entourage, leur permettre de frimer devant les amis et la famille, sans plus, ça ne mène pas vers la réussite, en tout cas pas vers la richesse. Mon père possède une société, mais j’aimerais lui prouver qu’il peut compter sur moi, en créant ma propre société. Je voudrais aussi qu’il puisse prendre sa retraite tranquillement et qu’il me laisse diriger à sa place sa société en même temps que la mienne. Je voudrais que mes parents soient fiers de moi, et qu’ils puissent compter sur mes capacités. J’ai une dette envers mes parents, je voudrais leur prouver à quel point je suis digne et en même temps reconnaissant pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. Pour l’instant ma vie me plait, je n’ai aucun problème, je ne m’ennuie jamais. J’ai beaucoup d’amis et un juste équilibre entre sorties branchées et sorties familiales. J’ai beaucoup d’amies filles, beaucoup de cousines, je n’imagine pas une sortie en groupe sans qu’il n’y ait des filles avec nous, même pour aller au stade! J’aime l’esprit des Tunisiennes. Le mariage pour l’instant, je n’y pense jamais. Je sais que je ne me marierai pas avant trente ans. Je sais que j’épouserai la fille que j’aime, elle sera du même milieu social que moi ou presque, en tout cas sans différence sensible. Elle aura fait des études supérieures et elle aura eu une éducation moderne mais elle ne sera pas matérialiste. Son passé relationnel n’est pas important car il ne faut pas se leurrer, toutes les filles ont un passé. Ça dépend surtout de ce qu’elle a dans la tête. J’adore nos traditions, nos fêtes, nos cérémonies, tous nos us et coutumes de Tunisiens du Nord au Sud. Surtout qu’on n’y touche pas, même si elles sont lourdes financièrement car c’est le prix à payer, si on veut rester Tunisien. Pour moi les traditions sont aussi importantes que la religion ». La jeunesse dorée Quand on le voit à 13h dans sa Polo série 124, on pense que c’est un cadre dans une grosse boite qui rentre déjeuner chez lui. Détrompez-vous, il vient juste de se réveiller et va déjeuner chez maman. Il prendra le thé avec ses parents et discutera avec papa de quelques courses qu’il doit faire, en prenant tout son temps, pour les affaires de la société. Vers 18h il rejoindra le bureau de papa. Ensemble ils feront une mise au point sur le bilan de la journée, et sur les stratégies à suivre. C’est plutôt papa qui explique à son fiston ce qu’il a fait depuis 7 h du matin. Le fiston de 30 ans ( !) dont le travail consiste à faire de la figuration auprès de son père, reçoit un salaire de 3.000D par mois, en tant que directeur général de la boite, et a droit à une coquette enveloppe de partage des bénéfices tous les ans, depuis trois ans. Il y a quelques années, il vivait au Canada, où il poursuivait des études de management. Son diplôme en poche, il regagne le pays avec une amie américaine rencontrée là-bas. Mais maman avait d’autres projets pour lui. L’Américaine rentra chez elle pour ne plus revenir. Maman lui présente alors la fille de sa meilleure amie, dont le père est un grand monsieur. Le mariage futt célébré en grandes pompes après juste six mois. Comme lui, elle a fait des études supérieures ; comme lui, elle est dans les affaires de son propre père, comme lui, elle va au bureau l’après-midi, et comme lui elle déjeune chez sa mère. Chaque soir ils se retrouvent dans leur superbe appartement pour décider de leur programme nocturne : restau ou traiteur ? En dehors des mondanités, leur principale occupation est de naviguer sur Internet, ou de regarder la télé. Tous deux savent que cette dolce vita leur est un peu imposée, mais que faire ? Ils ne vont tout de même pas « cracher » sur la fortune de leurs parents, même s’ils les étouffent en décidant de tout à leur place ! « L’argent c’est le bonheur, c’est le respect, c’est le pouvoir, et celui qui pense le contraire n’a rien compris à la vie ». De l’argent et encore plus d’argent Sabeh, âgée de 29 ans, travaille dans une maison d’édition depuis qu’elle a eu sa maîtrise de littérature française, soit depuis quatre ans. « Mon expérience, dit-elle, m’a prouvé que seul l’argent compte. Je voudrais en gagner beaucoup, pour posséder toutes les choses qui me font rêver : des villas (au moins deux), des voitures, des bijoux, des voyages.. Je sais que je trouverai le moyen d’être très riche, même si je dois épouser un vieil Italien très laid mais très riche. Parfois il m’arrive de rêver que j’ai gagné le gros lot du Promosport. Pour l’instant rien ne m’intéresse en dehors de la quête de la richesse. Alors je fais des économies et je soigne mon apparence extérieure. Les histoires d’amour et les œuvres de charité ne font pas partie de mes croyances ». Partir Il y a dix ans, Hédi, âgé aujourd’hui de 30 ans, a été expulsé d’Italie parce que son visa avait expiré depuis plus de six mois. Un contrôle de papiers avait mis fin à son rêve. La version de Hédi, c’est que ses compatriotes l’avait « vendu » à la police, moyennant une prime. Dans quelques jours il va partir vers un pays frère où tout un circuit a été mis en place pour un retour en Italie, une harka, mais garantie. Il va débourser 6.000D. Pourtant Hédi n’a aucun souci financier. Les parents ont vécu en Arabie saoudite d’où ils ont ramené quelques économies non négligeables. Seulement Hédi a quitté l’école à l’âge de 16 ans et n’arrive pas à trouver un travail. Il a tenté sa chance dans le commerce sans succès. Il veut partir et faire sa vie en Italie, pour gagner beaucoup d’argent. Ses parents l’encouragent, ce sont eux qui ont donné les 6.000D pour la traversée clandestine. Mehdi est un ami de Hédi, et c’est ensemble qu’ils partiront. Mehdi a passé son bac deux fois sans succès. « Si tu n’as pas de diplôme, tu ne trouveras aucun travail bien rémunéré. Alors au lieu de vivre comme je le fais aux crochets de mes parents, je préfère tenter ma chance en Europe. Je passe mes journées entre le café et la salle de jeux. Le samedi, avec les copains on va vider des bières, au bord d’une plage déserte. Ce n’est pas une vie ça, nous dit-il, je préfère partir ». Les parents de Mehdi ont eux aussi déboursé les 6.000D. Aux dernières nouvelles, Hédi et Mehdi sont partis vers ce pays voisin pour embarquer ensuite pour l’Italie. Foot, cafés et bières Omar, âgé de 19 ans, étudiant en première année de droit, a son mot à dire sur ses camarades, sur l’avenir et sur son pays. Il parait très mûr pour son âge, et très dur pour ses pairs. « La jeunesse tunisienne est trop dans le matérialisme et dans l’individualisme. Aucun idéal, aucune valeur, ils ne rêvent que de frime. La plus grande valeur pour le Tunisien, c’est celle de la richesse. Qui a la meilleure table en boite et des choses futiles de ce genre. En ce qui concerne la Tunisie d’en bas, ils rêvent tous de harka, avec les mêmes objectifs, ceux de la richesse pour la frime. Dans les milieux moyens ils font de la survie, ils n’ont pas de loisirs, il n’y a que le foot, les cafés et la bière, et surtout ne veulent pas travailler. Ils ne rêvent plus, ils n’ont aucune vie associative. Ils n’ont aucune activité culturelle digne de ce nom. D’ailleurs le niveau culturel et le niveau de culture générale des jeunes Tunisiens sont lamentables, même dans les milieux très nantis. La culture doit être très présente pour développer un esprit critique qui forge la personnalité. Voilà comment se passe la vie d’un jeune de 20 ans issu d’un milieu modeste et qui n’a pas de travail: il est au café du matin au soir devant le même capucin à jouer aux cartes, à parler avec ses potes de la voisine qu’il veut “se faire”, et le week-end il prend des bières, se saoule et cause des problèmes. C’est une vie ça ? Il ferait mieux de faire du bénévolat, au moins il aurait une meilleure image de lui-même, et des recommandations méritées pour un emploi. Il n’y a pas de débat entre les amis sur des sujets comme la culture, la philosophie, ou la politique. On est même vu comme un marginal, par nos amis, quand on parle ainsi. Parce que pour être dans les normes de la jeunesse il faut parler foot, filles, alcool, soirée, bagnole. C’est très grave ça. J’admire la génération de nos parents, parce qu’elle a un sens patriotique très fort et c’est l’exemple à suivre. Je pense qu’il faut faire quelque chose d’une vie, et quelque chose pour la patrie. Il y a tellement de choses à faire ! A commencer par le changement des mentalités. Par exemple pour nombre de nos traditions, il faut les respecter, ok, mais il faut les faire évoluer, les adapter au 21ème siècle. Je prends l’exemple de l’égalité des sexes : pour moi les femmes sont les égales des hommes, sur tous les plans. Elles doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs. Je n’imagine pas qu’on puisse penser autrement. Combien de Tunisiens acceptent de partager les tâches ménagères avec leurs femmes, sans se sentir atteints dans leur virilité ou écrasés par celles-ci ? Et pour la virginité, est- ce qu’on exige d’un homme qu’il soit vierge jusqu’au mariage comme on le fait pour les femmes ? Je sais que techniquement il est possible de se faire refaire une virginité et que c’est une pratique très courante dans tous les pays arabes, y compris chez nous. Alors tant pis pour tous ceux qui en font un point d’honneur ! » Un mari ? Berk ! Rihab et ses copines de 16 ans rêvent de liberté ! Leur liberté se limite à « j’attends avec impatience d’avoir mon permis, ma voiture et de l’argent. Ce que je veux c’est sortir quand je veux, rentrer quand je veux. Pas de : où vas-tu, chez qui, avec qui. Pour garantir un bon avenir, ça passe inévitablement par une bonne réussite scolaire, ça on le sait. Mais pour l’avenir, faut-il penser au mariage, non ! Un mari ? Berk ! Berk ! Quelle horreur laver les chemises, repasser, faire le ménage, et le contrôle en plus, non merci ». Il n’y a pas de rêve du prince charmant chez ces adolescentes. Elles sont bien conscientes que ça n’existe que dans les contes de fées. Il faut dire qu’avant d’aller à l’école Rihab passe par trois contrôles : celui de sa mère qui vérifie ce qu’elle porte sous le tablier, celui de son père qui vérifie l’emploi du temps scolaire et enfin celui de son unique frère qui vérifie ce qu’elle emporte dans son cartable. Vous avez revendiqué l’égalité, nous revendiquons le droit à la féminité Le témoignage de Sarra est troublant. C’est une jeune étudiante de 21ans, en 2ème année de faculté. Malgré ces résultats excellents, elle ne rêve ni de troisième cycle, ni de doctorat, mais d’un prince charmant. « Pourquoi pas, je suis prête à accepter sa mauvaise humeur lorsqu’il rentre du travail, à condition qu’il m’aime et qu’il m’assure la sécurité. Et si je dois garder la maison par amour, pourquoi pas. Je renoncerai à tout, parce que je sais que s’il me le demande ce sera pour mon bien». Quand on dit à Sarra que son comportement est des plus étranges de la part d’une jeune fille d’aujourd’hui, et que c’est à la limite naïf de croire au prince charmant, elle répond : «Vous, vous avez eu la chance de revendiquer l’égalité et vous l’avez obtenue. Nous, nous revendiquons le droit à la féminité et à être autre chose que l’égale de l’homme ». Et elle ajoute : «Dans mon cas mon père ne m’a jamais dit non pour quoi que ce soit, ne m’a jamais fait de remontrance, il m’a toujours fait confiance et il m’arrive parfois d’envier mes amies dont les pères et les frères se comportent en machistes. C’est ça être un homme et c’est ça être une femme ». Une jeunesse en or Ce sont deux jeunes filles âgées de 24 ans chacune, l’une est ingénieur en génie industriel, l’autre professeur d’informatique. Elles se sont rencontrées et sont devenues amies, parce qu’elles partagent les mêmes principes, les mêmes aspirations, la même générosité et surtout les mêmes valeurs. A 16 ans, Aroua décide un jour de visiter un orphelinat à Nabeul dans le but de «faire quelque chose pour les autres ». Ce jour là elle a pleuré comme une madeleine. Depuis et jusqu’à ce jour elle continue de les visiter et de les aider. Et ce n’est que tout naturellement qu’elle intègre la Jeune Chambre de Mégrine quand son frère aîné le lui propose. Elle venait d’avoir 20 ans. Quant à Mériem, c’est sur les conseils de son père qu’à l’âge de 20 ans, aussi, elle rejoint la Jeune Chambre de Mégrine. Faire des actions sociales, quoi de plus gratifiant ! Nous dit-elle. La Jeune Chambre est une formidable école d’apprentissage de la vie. En plus de leur activité dans cette association, elles mènent des vies dont tout parent rêve pour ses enfants. Voici ce qu’elles pensent de la jeunesse tunisienne : « La jeunesse tunisienne est trop superficielle, elle frime. Elle n’a aucun niveau intellectuel. Elle est vide. Il n’y a d’intérêt que pour les boites de nuit, pour les restaurants. Aucune valeur, en dehors de celle de l’argent, n’est respectée. Elle est entretenue par des parents qui lui facilitent la vie. Le malheur c’est que les jeunes restent immatures jusqu’à l’âge de 30 ans ! Si la culture manque dans la formation des jeunes, c’est parce qu’il n’existe pas d’émissions culturelles, pas de médiatisation à propos des derniers livres écrits, des dernières créations culturelles ; par contre tous les jours on vous annoncera sur toutes les chaînes de radio tunisiennes quels sont les endroits qui organisent des soirées de « m’as-tu vu » et les dernières boites de nuit qui viennent d’ouvrir. Si un jeune de 18 ans veille jusqu’à 4 h du matin en boîte de nuit, qui va-t-il fréquenter en dehors des fêtards, pour ne pas dire des saoulards. C’est sûr qu’il faut être sociable, vivre son époque, mais il y a un équilibre à respecter. C’est la faute des parents qui faillissent quelque part à leur rôle d’éducateurs. Si les parents permettent tout et donnent tout, les jeunes ne feront rien de leur vie. Les rapports fille- garçon sont très délicats: quand il s’agit de relations envisageant le futur, on se rend compte que le matériel est à la base de l’échelle des valeurs : c’est « la Mini Cooper qui sort avec la BMW », une véritable catastrophe (msiba, disent-elles). Par contre, quand il s’agit d’amitié pure, les choses sont beaucoup plus saines et l’amitié très sincère, c’est très réconfortant. Pour penser au mariage, il faut d’abord trouver la personne qui puisse impressionner et être sûr de vouloir vivre avec cette personne. Il ne faut pas prendre à la légère ce genre de décisions, il ne faut pas faire de faux calcul dans le style « un bon parti, alors allons-y ». Il faut dire que les garçons ont peur de s’engager parce qu’ils ne font plus confiance aux filles ; pour eux toutes les filles sont matérialistes. Et même si le futur couple est d’accord pour réduire les dépenses d’un mariage, la peur du qu’en dira-t-on l’emporte et c’est toute la famille qui s’endette, aussi bien les parents respectifs que le jeune couple. Nous connaissons des couples qui songent à s’expatrier uniquement pour fuir le regard des autres. Ce sont des jeunes gens qui ont fait des études supérieures poussées, qui gagnent bien leur vie, mais qui, vu le coût de la vie, n’ont pas les moyens d’offrir à la galerie des cérémonies somptueuses. Oui c’est ça, ce sont des gens tiraillés entre les exigences des traditions et la réalité de leur situation financière, ou même tout simplement leur façon de penser mais ils n’arrivent pas à affronter la société et les qu’en dira-t-on. La seule issue reste la fuite en avant, surtout que pour ces cadres hautement qualifiés, les contrats de travail sont assez possibles à l’étranger. La solution est simple : les parents doivent changer, la société doit changer, sinon on va se retrouver dans les mêmes conditions que celles des pays asiatiques pauvres où les parents remboursent toute la vie la dot de leurs enfants ». Aroua et Mériem ont une vie bien remplie, partagée entre le sport, la marche, les concerts, les spectacles, les films, la lecture, la peinture. Et quand il n’y a rien à faire, il leur reste toujours Internet et l’ordinateur. Pour leur avenir, elles rêvent de réussite, tout simplement et de réussite sur tous les plans, et pour tous, à commencer par leur pays : « Quand on est dans la Jeune Chambre, on est d’une façon ou d’une autre dans la politique, puisque les décisions se prennent à l’échelle nationale et internationale. Faire du bénévolat c’est la moindre des choses qu’un jeune puisse faire pour son pays, et c’est l’esprit de la Jeune Chambre». (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1120 du 14 juin 2007)
Boycotté par le monde, le Hamas veut devenir incontournable
Par Hossam EZZEDINE RAMALLAH (Cisjordanie), 15 juin 2007 (AFP) – Boycotté par l’Occident et incapable de gouverner malgré sa victoire aux élections palestiniennes, le Hamas cherche à s’imposer comme un interlocuteur incontournable en prenant par la force le contrôle de la bande de Gaza, estimaient vendredi des analystes. Depuis l’entrée du Hamas au gouvernement en mars 2006 deux mois après avoir remporté haut la main les élections législatives, l’Occident, qui le considère comme une organisation terroriste, a suspendu ses aides financières directes à l’Autorité palestinienne. Les querelles avec le Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pour le contrôle des services de sécurité et les divergences politiques ont rendu impossible toute cohabitation, laissant le gouvernement dominé par le Hamas dans l’impossibilité d’exercer un réel pouvoir. « Le Hamas voit le contrôle de la bande de Gaza comme un atout renforçant sa position face à Israël, les Etats-Unis et même le monde arabe et il s’en servira certainement comme argument pour tenter d’arracher une reconnaissance », estime George Giacman, un Palestinien qui dirige l’Institut pour l’étude de la démocratie, basé à Ramallah en Cisjordanie. « Celui qui contrôle la bande de Gaza, même s’il s’agit d’un territoire exigu, devient de facto un partenaire », ajoute-t-il. « Le Hamas semble être parvenu à la conclusion que le contrôle de Gaza était le seul moyen d’obtenir une reconnaissance ». Le politologue palestinien Hani Al-Masri en convient. Le Hamas, qui refuse de reconnaître le droit d’Israël à exister et prône la lutte armée contre cet Etat, « cherche à se faire accepter par le monde par la force, après avoir vu son gouvernement soumis à un siège depuis plus d’un an ». Relevant les réactions internationales hostiles, analystes et responsables estiment que le tour de force du Hamas porte un sévère coup à la quête palestinienne d’établir un Etat palestinien indépendant dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Le négociateur palestinien en chef Saëb Erakat, du mouvement Fatah, affirme ainsi que la prise de Gaza par le Hamas est « la pire chose » qui soit arrivée aux Palestiniens depuis l’occupation de leurs terres par Israël en 1967. « Malheureusement cela nous ramène en arrière, de nombreuses années en arrière », déclare-t-il à l’AFP. « La bande de Gaza et la Cisjordanie sont désormais séparées et les aspirations d’un Etat palestinien repoussées. Gaza est officiellement hors du contrôle de l’Autorité palestinienne », selon lui. Pour Nader Saïd, directeur d’un institut de sondages en Cisjordanie, le Hamas ne pourra gouverner la bande de Gaza que d’une « poigne de fer ». « Le Hamas n’a aucune alternative politique à offrir. Sous son règne, la bande de Gaza se transformera en un nouveau Afghanistan et il n’aura d’autre choix que d’user d’une poigne de fer pour gouverner car de nouveaux groupes armés encore plus extrémistes y feront leur apparition », estime-t-il. Rien qu’en une semaine, 113 Palestiniens ont été tués dans la dernière vague de combats entre le Hamas et les services de sécurité fidèles au Fatah, alors que des dizaines d’autres ont péri dans les violences interpalestiniennes depuis un an. Selon M. Saïd, de puissants clans de Gaza dont des membres ont été tués par les combattants islamistes vont mener la vie dure au Hamas. « Des groupes vont vouloir se venger. L’Irak est un jeu d’enfants comparé à ce que sera la bande de Gaza sous le contrôle du Hamas », dit-il. La violence des attaques menées par le Hamas contre les QG de l’Autorité palestinienne a même suscité de critiques de responsables du mouvement islamiste en Cisjordanie. « Occuper les QG des services de sécurité et les brûler n’a rien d’héroïque. Avant le limogeage du gouvernement j’envisageais de démissionner avec trois autres ministres pour protester contre ce qui se passait à Gaza », déclare à l’AFP le ministre sortant des Collectivités locales, issu du Hamas, Mohammad Barghouthi. AFP
Palestiniens au désespoir après la prise de Gaza
par Mohammed Assadi (avec Nidal al Moughrabi à Gaza) RAMALLAH, Cisjordanie, 15 juin (Reuters) – Pour de nombreux Palestiniens, la fin des combats entre factions rivales à Gaza, désormais contrôlée par le Hamas, n’est que le prélude à davantage de troubles. Les mesures d’urgence décrétées à la dernière minute par le président Mahmoud Abbas pour renforcer le Fatah contre son adversaire islamiste ne réconfortent que peu les Palestiniens, pour qui le rêve d’un Etat uni s’est évanoui pour de bon. « Qu’on le veuille ou non, il y a désormais deux entités séparées. Le Hamas a divisé sa patrie (entre Gaza et la Cisjordanie occupée) », constate Ranya Mustafa, 32 ans, qui travaille pour une ONG. « Si le président avait réagi plus tôt, nous ne serions pas dans cette situation », ajoute cet habitant de Ramallah, en Cisjordanie. Les deux régions sont seulement distantes de 45 km, mais avec la prise de contrôle effectif du Hamas à Gaza et le maintien des positions du Fatah en Cisjordanie, elles sont désormais séparées par un gouffre politique. Contrairement à Gaza, d’où Israël s’est retiré en 2005, la Cisjordanie est constellée de soldats et de colons de l’Etat juif, ce que les Palestiniens perçoivent comme un déni supplémentaire de l’autorité de Mahmoud Abbas, dont le pouvoir est pourtant soutenu par les Occidentaux. « Comment peuvent-ils décréter l’état d’urgence alors que notre terre est encore occupée par Israël ? Quelle ironie », lance Mohammed Sharif, 40 ans, commerçant à Ramallah. TENDRE LA MAIN A ABBAS Le Hamas a présenté la prise de Gaza comme une attaque préventive contre les éléments du Fatah opposés à la présence du parti islamiste en politique. Toutefois, face aux risques d’aggravation de son isolement international, le Hamas a tendu la main à Abbas. « Nous disons à Abou Mazen (Mahmoud Abbas), ‘nous te reconnaissons toujours comme président du peuple palestinien' », a affirmé Khalil al Hayya lors d’une manifestation à Gaza. « Nous n’accepterons jamais que Gaza soit séparée de la Cisjordanie. » Le fait que Gaza soit tombée sans grande résistance des combattants du Fatah, pourtant entraînés et armés par les pays occidentaux, a mis en doute la capacité d’Abbas à résister à de nouvelles pressions du Hamas. « Peut-il imposer l’état d’urgence à Gaza alors que ses hommes ne sont même pas capables de se défendre eux-mêmes ? Cette décision n’a aucune valeur », estime Khalida Jarrar, élu du Front populaire de libération de la Palestine, un parti de gauche, au parlement. Vendredi, Abbas a nommé l’ancien ministre des Finances Salam Fayyad à la tête du gouvernement de crise, après avoir limogé le gouvernement d’Ismaïl Haniyeh, dirigé par le Hamas. Fayyad n’appartient ni au Fatah ni au Hamas, et ses réseaux dans les pays occidentaux pourraient aider l’autorité palestinienne à s’attirer à nouveau les aides financières suspendues après la victoire des islamistes aux législatives de 2006. Ahmad al Khatib, 35 ans, est fonctionnaire. « C’est un pas en avant, l’argent va se remettre à couler et il y aura des salaires réguliers », prédit-il. Mais d’autres Palestiniens estiment qu’Abbas devrait affronter directement le Hamas, au lieu d’essayer de le contourner par voie diplomatique. « Dans cette situation, il faut un général, pas quelqu’un comme Fayyad », estime Khalid Ahmad, 40 ans, chauffeur de taxi. AFP
Les membres du Fatah entre abattement,introspection et reproches
par Wafa Amr
RAMALLAH, Cisjordanie, 15 juin (Reuters) – Le 14 juin 2007 restera dans la mémoire des simples militants et des responsables du Fatah comme un jour d’humiliation et de douleur. Une sensation d’accablement et de choc a gagné les rangs du Fatah lorsque ses membres ont appris, jeudi, la chute du palais de la présidence dans la bande de Gaza, la mort de certains de leurs chefs et le pillage de leurs locaux. « Ce que (le défunt président Yasser) Arafat a construit au cours des 20 dernières années, le Hamas l’a anéanti en un an. C’est triste, c’en est fini de notre rêve de libération nationale d’un Etat en Cisjordanie et à Gaza », explique Raeda, militant du Fatah, en Cisjordanie. « Israël a plus d’indulgence que le Hamas pour les Palestiniens », note de son côté un des dirigeants du Fatah, Abou Ali Chahine. « C’est une journée noire dans l’histoire de la Palestine et un grand revers pour l’islam politique et les groupes islamistes du monde entier », analyse Djamas Nazzal, porte-parole du Fatah, à propos du 14 juin, jour où la bande de Gaza est devenue de fait une entité autonome sous la coupe du Hamas. Pour le Hamas, comme l’a annoncé sa chaîne de télévision Al Aksa, la prise de contrôle de ce territoire équivaut à la « purification de Gaza, débarrassée d’un groupe de traitres ». La télévision a montré des combattants du Fatah les mains en l’air, se rendant aux hommes du Hamas. Des hommes du Hamas ont paradé à bord de véhicules du Fatah et saisi des stocks d’armes, tandis que des civils pillaient le Q.G. des forces de sécurité que dominait le Fatah. Les pillards ont emporté des paraboles satellitaires et même des portes. Dans leur abattement, les membres du Fatah reconnaissent les erreurs de calcul commises par leurs dirigeants, qui ont débouché sur une déroute face au Fatah. Nombre de responsables reprochent ainsi au président Mahmoud Abbas (Fatah) d’avoir permis au Hamas de le marginaliser et d’introduire suffisamment d’armes et d’argent dans la bande de Gaza pour mener ce que le Fatah considère comme un coup de force. Les forces de sécurité palestiniennes commandées par le Fatah étaient dirigées par des chefs soit affaiblis, soit corrompus. Bon nombre d’entre eux ne touchaient plus leur salaire depuis que le Hamas a constitué un gouvernement en mars 2006, après sa victoire aux élections législatives. « ARAFAT DOIT SE RETOURNER DANS SA TOMBE » Les responsables palestiniens de la sécurité se défendent en faisant valoir qu’il a fallu des mois de tractations difficiles pour obtenir qu’Israël autorise l’acheminement d’armes et de munitions aux forces de sécurité dirigées par le Fatah. Même lorsqu’elles sont devenues mieux armées, elles n’ont pas réussi à rivaliser avec la puissance de feu du Hamas, dont une bonne partie des armes ont été achetées grâce à des fonds iraniens et des dons de riches pays musulmans du monde arabe. « Nous n’étions pas sur un pied d’égalité avec le Hamas pendant cette guerre. Il disposait d’armes très modernes, d’un commandement centralisé et de bonnes finances », a déclaré à Reuters un haut responsable du Fatah à Gaza. « Qu’avions-nous, de notre côté? Des divisions. Seulement 20% des hommes du Fatah combattaient le Hamas, les forces de sécurité étaient affaiblies par Israël, affamées, les gens n’avaient pas perçu leur salaire depuis mars 2006 et nous n’avions pas de commandement digne de ce nom », ajoute-t-il. Selon certains dirigeants du Fatah, les forces de sécurité palestiniennes paient là les conséquences de l’intifada de l’an 2000, quand Israël a détruit leurs infrastructures et arrêté des personnalités du Fatah. Certains responsables pressaient depuis un certain temps Abbas de limoger le gouvernement d’union, dirigé par le Hamas, afin de préserver le rêve de création d’un Etat indépendant palestinien. Lorsque le président a pris cette décision, jeudi, la partie semblait d’ores et déjà jouée. Abbas a rencontré vendredi des membres de la jeune garde ainsi que de la vieille garde de son mouvement dans la Moukata, siège de la présidence à Ramallah, à l’intérieur duquel Arafat avait défié Israël pendant un long siège, en 2002. Sous Arafat, le Fatah dominait, uni, les territoires, tandis que le Hamas était encore une organisation marginale. « Abou Amar (nom de guerre d’Arafat) doit se retourner dans sa tombe. Il n’aurait jamais permis que cela arrive », déplore un combattant du Fatah. REUTERS