Ennahdha Movement: Press Statement on Opening of TunisianNational Constituent Assembly
My Europ: Karima Souid, députée tunisienne, « sous-citoyenne » de Vénissieux
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Press Statement on Opening of TunisianNational Constituent Assembly
« On est moderne, tolérant et on a voté Ennahda. Où est le problème ? »
Le 23 octobre dernier, les Tunisiens ont voté, à 40%, pour le parti Ennahda. Un parti qui se revendique des valeurs de l’islam, au départ qualifié de conservateur mais que les années d’exil auraient fait évoluer vers une tendance plus modérée. Un choix qui suscite peurs et inquiétudes à l’intérieur comme à l’extérieur. Au-delà des polémiques, il est apparu plus pertinent à Afrik.com de donner la parole à ces hommes et à ces femmes qui ont donné leurs voix à Ennahda. Quelles sont leurs raisons ? Qu’attendent-ils de ce parti ? De quelle Tunisie rêvent-ils ? Reportage à Tunis.
Mercredi soir, Sidi Bou Saïd. Quartier réputé de la banlieue de Tunis pour ses maisons blanches et bleues. Le café du Jasmin. « C’était l’Eden café avant. Un café réquisitionné par les Trabelsi. » Depuis la révolution, il a changé de main et de nom par la même occasion. Une bande d’amis, la trentaine en moyenne, se retrouvent comme à leur habitude autour d’un verre de thé et d’un narguilé après le boulot. La conversation est essentiellement tournée vers les élections. Les résultats définitifs viennent d’être annoncés, confirmant le succès d’Ennahda. Un succès légitime pour Anis, 30 ans, commercial. « J’ai voté Ennahda pour leur programme social… Même si, au moment de déposer le bulletin dans l’urne je n’étais pas convaincu à 100%, concède-t-il. Ils vont nous permettre de revenir à nos fondements, l’islam. La Tunisie s’était trop éloignée de ses valeurs arabo-musulmanes à cause de Ben Ali. Ils vont moraliser la société tunisienne. »
C’est bien pour son caractère islamique que Ennahda a été choisi par une majorité de Tunisiens. Ce qui n’a pas été sans alimenter craintes et polémiques au-delà des frontières nationales.« C’est le choix des Tunisiens, rappelle Zineb, sa jeune épouse, employée dans une compagnie étrangère. Et c’est cela la démocratie : le peuple a choisi ses représentants et tout le monde doit l’accepter. » Allusion aux manifestations d’organisations laïques au lendemain du verdict des urnes. « Ces femmes (les Femmes démocrates) ne respectent pas le choix du peuple. Elles ne respectent rien. Elles sont allées trop loin. » Comme d’autres selon la jeune femme. « Un parti a même voulu autoriser le mariage des homosexuels ! Mais où va-t-on ? Même en France, ce type de mariage n’est pas autorisé. Nous sommes un pays arabo-musulman. C’est notre identité, notre force. Nous ne devons pas l’oublier. » Et de revenir sur le régime de Ben Ali responsable à leurs yeux de la perte de l’identité de la nation tunisienne. « Cela vous plaît de voir comment la Tunisie a évolué ? Les femmes n’avaient pas le droit d’être voilées, les hommes de fréquenter les mosquées, on ne pouvait pas vivre notre islam librement », poursuit Zineb, non voilée par ailleurs.
« Il y a des choses auxquelles on ne doit pas toucher, insiste Anis, l’article 1 de la Constitution qui dit que nous sommes dans un pays dont la religion est l’islam. L’héritage aussi. C’est l’un des sujets qui est le plus réglementé en islam, il est présent dans plusieurs sourates. Comment on peut venir et vouloir changer cela. » « On », des partis de gauche qui ont souhaité introduire dans le droit tunisien l’égalité des sexes en matière d’héritage alors que selon la loi coranique la part d’héritage revenant à la femme est deux fois moindre que celle de l’homme. « On n’a pas le droit de revenir sur cela, poursuit Zineb. C’est légitime. » Ceci étant, le jeune couple se veut rassurant quant à l’avenir de la Tunisie. « Ennahda ne va pas instaurer la Charia, temporise Zineb. Il faut comprendre quelque chose : nous les Tunisiens, nous sommes de bons vivants. On aime travailler, sortir nous amuser et aussi on aime notre religion, l’islam. Cela ne va pas changer. On ne va pas virer à 180° pour aller vers un régime islamiste autoritaire. On est modernes, tolérants et on a voté Ennahda. Où est le problème ? »
Et d’ajouter : « La révolution nous a plu, c’est vrai, nous avons obtenu notre liberté, mais au bout d’un moment on en a eu marre, on voulait reprendre une vie normale, travailler, sortir, voir nos amis. En finir avec l’insécurité, les manifestations, les troubles… » Une normalisation et une sécurité que le parti d’Ennahda serait seul à pouvoir garantir. « C’est un parti organisé, avec des personnalités compétentes. Ils vont remettre de l’ordre dans la société tunisienne et s’ils ne le font pas, il nous restera la rue. Car le peuple tunisien, même s’il a voté Ennahda, reste vigilant. S’ils ne répondent pas à nos attentes, le 14 janvier 2012 (l’anniversaire du départ de Ben Ali) il y aura un raz-de-marée humain dans les rues de Tunisie », promet-il. Des propos que l’on entend très souvent ces derniers jours dans les rues de Tunis. « S’ils ne nous conviennent pas, nous leur diron dégage, comme on a dit dégage à Ben Ali. »
Moncef est plus optimiste. Ce fonctionnaire de 42 ans a toujours été un militant d’Ennahda. « J’étais déjà un militant de ce parti alors qu’il portait un autre nom, Al Ittijah Al Islami quand j’étais étudiant, rappelle-t-il. Encore aujourd’hui. En Tunisie, déjà avant Ben Ali, avec Bourguiba, il y avait deux tendances, les nationalistes laïques et les islamistes. Le pays a fait les mauvais choix. On s’est éloigné de nos fondements. Même dans notre politique, nous sommes dans l’erreur. » Aussi pour lui, voter pour ce parti était une évidence. « Il n’y avait pas d’autre choix possible. Ils ont compris que les solutions aux problèmes de la société sont à trouver dans l’islam. » L’absence des dirigeants du parti, en exil ou en prison, pendant près de tente ans, ne semble pas l’avoir coupé de ses sympathisants comme le prouve Moncef. « Ennahda n’a jamais disparu. Ils n’avaient pas besoin d’être présents physiquement, leur discours était toujours là. La preuve en est, même si la plupart de ses cadres étaient en exil, ou en prison, leur esprit est toujours présent. Nous avons continué à entretenir des liens avec des militants en exil ou à leur sortie de prison. Ce que j’ai beaucoup apprécié chez eux c’est qu’à leur retour, ils n’ont pas cherché à appliquer la loi de la vengeance contre ceux qui les ont maltraité. »
L’union nationale, c’est ce que prône Ennahda. Pas évident sachant que parmi les partis qui ont obtenus de nombreux sièges il y a des anti-ennahdistes farouches. Des formations de gauches qui se revendiquent laïcs, influencées par les occidentaux selon Moncef. « Certains partis de gauche voient la religion comme quelque chose de folklorique, de dépassé, cela me dérange. Ils ont voulu offrir 500 dinars aux mères isolées, c’est une forme d’encouragement pour ces femmes qui enfantent hors mariage. C’est contre l’institution du mariage. Et c’est en plus le contribuable qui doit payer ces femmes alors que d’autres, des veuves ou autres, plus dans le besoin, n’ont rien. Ils veulent introduire chez nous des choses qui sont courantes en Occident mais pas dans un pays musulman. Leur discours est complètement influencé par l’Occident. J’ai assisté à un séminaire où il y avait une de ces Femmes démocrates. Elle a demandé la parole. Vous savez ce qu’elle a demandé : que l’on autorise les relations sexuelles hors mariage. Ce n’est pas dans nos principes. On a un fort taux de chômage, chez les jeunes notamment, une économie en sommeil, il faut mettre le pays en marche. Pour cela, il nous faut renouer avec les principes de solidarité prônés par le prophète. Alors que ce type de personne provoque des polémiques sur des sujets secondaires qui n’ont même pas besoin d’être débattus. » C’est un fait. Toute la campagne électorale s’est focalisée sur des questions religieuses, mettant de côté les priorités à savoir la reprise économique, la création d’emploi pour les jeunes chômeurs, le retour des investisseurs, etc. Des priorités auxquelles le parti Ennahda apportera des solutions assure Moncef. « J’ai confiance en eux. » Quant aux accusations de conservatisme, de dérive de la Tunisie vers un régime islamique autoritaire sous la conduite d’Ennada, le militant les balaie d’une main. « La Tunisie ne connaîtra plus d’autres dictatures. Il n’est plus possible de revenir à l’ancien régime. Ennahda défend l’idée d’un régime présidentiel semi-parlementaire. J’aime beaucoup cette idée. Nous n’aurons plus un président fort qui concentre tous les pouvoirs mais un président avec un parlement fort devant lequel le chef de l’Etat et le gouvernement devront rendre des comptes. » Et d’ajouter : « Beaucoup se trompent sur Ennahda. On imagine des barbus, les mains encore mouillés après avoir fait leurs ablutions qui ne font que dire Allah Akbar (Dieu est grand) toute la journée. Alors que parmi eux il y a des juristes, des économistes, des universitaires, des gens très compétents. Également des savants dont le futur premier ministre. Des gens instruits, cultivés, et des patriotes qui vont travailler pour le bien de la Tunisie. »
Comme d’autres électeurs d’Ennahda, Moncef est très exigeant quant aux réalisations de ce parti qu’ils ont élus. « J’attends d’eux qu’ils mettent la main sur tous les corps de l’état, sans coup d’état, mais dans les ministères clés, notamment celui de la défense, précisément pour éviter un futur coup d’état, qu’ils mettent de l’ordre dans la magistrature. En parallèle, sur le plan social, il faut qu’ils s’intéressent à l’être humain tunisien. Tout tunisien à droit à un certain confort. Sur le volet économique, il faut un état interventionniste. Avec un peu de libéralisme. L’Etat doit être présent dans tous les secteurs tout en laissant un espace pour les partenaires privés qui veulent travailler pour le bien de leur pays. Ennahda a d’ailleurs un programme très intéressant pour les Tunisiens de l’étranger, pour les encourager à investir dans leur pays. Tous les investissements étrangers sont bons à prendre sauf pour ceux qui ouvrent la voix à Israël. Nous devons revoir nos accords politiques et commerciaux avec Israël. Le monde arabe est en guerre avec Israël nous ne pouvons plus être les seuls qui continuent de collaborer avec eux. Surtout, Ennahda doit mettre fin à la corruption. Cela seule Ennahda peut le faire. Parce que ce sont des hommes intègres qui ont peur de dieu. » Des propos qui font sourire son beau-frère Tarek, ingénieur du son de 46 ans. Lequel s’il n’a pas voté aux dernières élections, n’en demeure pas moins un observateur avisé de la société tunisienne. « La majorité des Tunisiens qui ont voté pour Ennahda l’ont fait sur ce point, la lutte contre la corruption et sur l’aspect morale, moraliser la société tunisienne qui se serait parjurée mais non pour un projet politique ou économique. Sans idéologie. Ce qu’on a regardé avant tout c’est l’intégrité des militants d’Ennahda, qui n’ont jamais magouillé avec l’ancien régime. » Et qui vont gouverner pour la première fois. Seule opposition réelle à la dictature de Ben Ali, ils se retrouvent aujourd’hui dans le camp de ceux qui gouvernent face à une opposition qui guettent leur moindre faux pas.
Source:”Afrik.com” Le 23-11-2011
Lien: http://www.afrik.com/article24200.html
Karima Souid, députée tunisienne, « sous-citoyenne » de Vénissieux
Karima Souid a été élue par les Tunisiens de France et fait partie des 18 députés qui représentent la diaspora à l’assemblée constituante issue des premières élections libres. Portrait.
« Mes amis, ma famille, mon appartement, ma voiture, mon travail ». Karima Souid a tout laissé en plan, à Vénissieux, pour s’envoler le 6 novembre dernier vers la Tunisie. Cette Franco-tunisienne de 40 ans a été élue en octobre à l’assemblée constituante, sous les couleurs d’Ettakatol, un parti de centre-gauche.
Elle est l’un des 18 députés qui représenteront la diaspora tunisienne: dix pour la France, trois pour l’Italie, un pour l’Allemagne, etc. Mais parmi eux, Karima Souid est fière de dire qu’elle est« la seule à être de la deuxième génération ». Née en France, Karima Souid a grandi aux Minguettes, un quartier populaire de Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise.
A 40 ans, la voilà dans l’hémicycle du palais du Bardo. Ce mardi 22 novembre, à quelques minutes de l’ouverture des travaux de l’assemblée, Karima Souid est « stressée », consciente« des difficultés qui nous attendent et de la lourde tâche qui nous a été confiée ». Cette pratiquante de boxe anglaise fait d’une réplique de Million dollar baby sa devise:
Il y a magie à livrer combat au-delà de ses limites, pour un rêve qu’on est le seul à connaître.
La séance s’ouvre. Hymne national, discours présidentiel, prestation de serment – l’instant est solennel. Débriefing à chaud, quelques heures plus tard, dans le café faïencé du palais beylical: « C’était très émouvant, en particulier l’énumération des noms des martyrs de la révolution », commente la députée, tailleur-pantalon et verre de thé à la main, déjà à son aise dans les lieux.
« En France, les Tunisiens sont considérés comme des sous-citoyens »
Directrice de projet dans le tourisme, Karima Souid ne s’était, jusqu’à la révolution, jamais intéressée à la politique tunisienne, « parce qu’il n’y avait qu’un seul parti ». Elle préfère la lutte associative, fait la com’ deTimecode Corp., une association vénissienne qui produit des courts-métrages contre les discriminations.
Mais la révolution l’a « obnubilée », raconte-t-elle. « Je ne voulais rien rater de ces moments-là, je suivais tous les événements à distance, par Facebook, par téléphone. » L’engagement politique s’impose vite. En février, elle se rapproche d’Ettakatol, dont elle apprécie le leader historique, le docteur Mustapha Ben Jaafar. En août, elle se voit proposer la tête de liste de la circonscription France sud.
La Lyonnaise cogite sérieusement pendant deux jours, avant d’accepter.
En Tunisie, j’ai toute ma place, alors qu’en France, on est considérés comme des sous-citoyens.
Avec la petite trentaine de militants qui forme Ettakatol dans le sud et « des tracts photocopiés en noir et blanc », elle mène campagne de Toulouse à Marseille, Bordeaux, Nice, Lyon… Et décroche un siège.
Apprendre à connaitre son pays
Le débarquement au bled n’est pas simple. Elle emménage dans la maison familiale, à la cité el Ghazala, dans la lointaine banlieue nord de Tunis. Cette maison où la famille venait passer les vacances, chaque année. La nouvelle venue a dû faire connaissance avec les autres membres du parti, en appréhender les rouages, au moment délicat où Ettakatol négociait son entrée au gouvernement de coalition. « Je suis en phase d’observation, d’apprentissage et d’échange avec la population », résume-t-elle.
Il faut aussi se réapproprier la langue.
En tant que deuxième génération, je vais avoir des difficultés de ce côté. Je parle parfaitement le dialecte tunisien, mais je maîtrise mal l’arabe classique, utilisé en particulier pour tous les termes techniques,
explique la jeune femme, qui a programmé de prendre des cours.
Ce n’est pas la première fois que Karima Souid vit en Tunisie. En 1993, dès sont BTS de tourisme en poche, elle part travailler dans son pays d’origine. Sept ans d’expériences diverses dans le secteur, qui lui ont permis « de découvrir le pays, les gens, la mentalité, d’apprendre à travailler avec les Tunisiens ».
Pour un droit du sol à la française
La jeune députée est à l’aise avec sa double citoyenneté. « Certains considèrent l’immigration comme un déracinement. Moi je le vis harmonieusement, comme une richesse. » Une vision pas toujours partagée par les pouvoirs politiques, de part et d’autre de la Méditerranée.
En France, les attaques d’une partie de la droite contre la binationalité s’insupportent. En Tunisie, c’est la vision instaurée par le régime de Ben Ali qu’il faut changer: « Nous n’étions considérés que comme des gens qui venaient passer leurs vacances ici et qui apportaient des devises. Il ne faut plus qu’il y ait de différence ». La large place accordée aux Tunisiens de l’étranger dans la nouvelle assemblée, fait inédit dans le monde, est le signe d’un changement, estime-t-elle.
L’élue défend l’instauration en Tunisie d’un droit du sol à la française. Compte aussi travailler à la réforme des consulats, anciennement partie prenante du flicage des Tunisiens de l’étranger, pour les mettre « au service des citoyens ».
Pour le reste, Karima Souid ne sait pas grand chose de sa nouvelle vie. Elle pense retourner en France au moins une fois par mois pour rendre des comptes aux électeurs. En Tunisie, elle aimerait s’engager dans le milieuassociatif pour « être sur le terrain ».
Je veux m’intéresser à la femme rurale, aux difficultés qu’elle vit: elle est souvent ouvrière agricole, non déclarée. C’est elle qui ramène l’argent au foyer et qui s’occupe des enfants. Je veux découvrir une partie de la Tunisie que je ne connais pas.
Passé son mandat, la députée se voit « continuer à militer pour Ettakatol, mais de l’autre côté de la Méditerranée » cette fois.
Source:”myeurop.info” Le 23-11-2011
Lien: http://fr.myeurop.info/2011/11/23/karima-souid-deputee-tunisienne-sous-citoyenne-de-venissieux-3913
Tunisie : Les deux facettes du « Printemps arabe »
L’Egypte et laTunisieoccupent toujours l’avant-scène du printemps arabe. Mais, si à Tunis le consensus tend à prévaloir, au Caire par contre, la transition est freinée dans sa marche par des escarmouches quotidiennes. En Egypte, le mouvement démocratique a du mal avec la Grande muette qui gère le pays depuis la révolution conduite par Gamal Abdel Nasser et les officiers libres à la fin des années cinquante. Longtemps, l’armée égyptienne a été acclamée parce que composée de patriotes et de héros ayant remporté des victoires éclatantes face à l’ennemi commun des Arabes : Israël. Véritables détenteurs du pouvoir, les militaires ont toujours été au centre de tout. Mais depuis le déclenchement de la révolution de 2011, jamais ils ne se sont sentis aussi menacés par le peuple. Ils réagissent donc avec vigueur.
Des hommes en uniforme craignent sans doute de se voir ôter définitivement le fromage de la bouche. Dans un tel cas de figure, comment s’étonner de les voir faire ce qu’ils ont appris à faire le mieux : réprimer ? Cela se traduit quotidiennement par un nombre considérable de cadavres et de blessés. Car, les manifestants, qui sont parvenus à chasser le dictateur Moubarak n’entendent point céder aux militaires le fruit de leur lutte de longue haleine : le pouvoir. Les dirigeants de l’armée égyptienne ont du mal à s’ajuster face aux aspirations des jeunes. On avait espéré les voir accepter d’accompagner jusqu’au bout du processus le peuple dans sa conquête des espaces démocratiques et pour l’établissement d’un Etat de droit démocratique. En apparence, les généraux aux commandes sont déconnectés de la réalité.
Les militaires qui ont adopté des allures de parrains de la transition se refusent à lâcher du lest. Au sein de l’armée, beaucoup semblent plutôt chercher à protéger leurs privilèges. La révolution, dans sa marche, risque en effet de tout bouleverser et même de reconsidérer certains acquis. Plus que jamais, l’Egypte est à la croisée des chemins. Et le gâteau étant à portée de main, nulle force n’acceptera d’être marginalisée. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les multiples tentatives de démission des membres du gouvernement. Il y a comme un dégoût dans les rapports entre révolutionnaires et militaires. L’armée, elle, ne veut pas céder devant ce qui apparaît comme une forme de pression. D’où le report incessant de l’examen de la démission des membres du gouvernement.
Dans ce pays, des divergences existent également entre les groupes ayant solidarisé face à Moubarak qui les a réprimés des décennies durant. En particulier, les démocrates sont aujourd’hui bien frustrés et beaucoup se sentent floués. En effet, leur fragilité se heurte à la rigueur de l’organisation des islamistes. Bien enracinés au pays des Pharaons, mieux structurés et plus expérimentés, les Frères musulmans pourraient remporter les prochaines élections libres et transparentes. Ils s’installeront alors dans les arcanes du pouvoir. Cette montée du courant islamiste inquiète aussi des membres de l’oligarchie militaire. Pourtant, tout comme en Tunisie, il va bien falloir laisser le peuple décider. Peut-être ne sera-t-il pas aussi facile d’écarter du pouvoir les oligarques militaires égyptiens. Mais le succès de la lutte passe inévitablement par là.
Comme partout ailleurs en Afrique, les hommes en uniforme au pouvoir répugnent à se voir placés sous tutelle. Après avoir géré l’appareil d’Etat des années durant, ils n’aiment pas avoir en face, des forces civiles organisées qui critiquent leurs faits et gestes. Considérée comme budgétivore, l’armée qui gère le pouvoir d’Etat n’admet guère que l’on fourre le nez dans ses affaires, dissèque son budget et évalue ses dépenses. A croire que le secret militaire qu’on brandit à l’occasion cacherait des indélicatesses ! A l’heure de la transparence, des efforts s’avèrent indispensables à tous les niveaux. Les élus doivent s’assumer au nom de la démocratie républicaine qui impose les mêmes règles à tous.
Au carrefour de nombreuses civilisations et de routes permettant l’échange entre divers peuples, l’Egypte se situe également dans une zone perpétuellement en conflit. La sous-région, pour ne pas dire la région entière, est truffée de belligérants et d’antagonistes en tout genre. Comment les acteurs politiques civils qui émergent, appréhendent-ils les éléments du contexte ? Quelles leçons les militaires égyptiens tirent-ils des événements en Algérie, enTunisie, en Libye et en Syrie ?
Convaincus d’être les vrais et seuls maîtres à jouer dans une zone à tension, et à très haut risque d’explosion sociale, politique et militaire, jusqu’à quel niveau de patience se laisseront-ils faire par les manifestants en colère ? Le peuple réclame leur départ des affaires. Mais il est fort probable qu’aux yeux des militaires, et dans ce contexte de crise généralisée, les pouvoirs civils sortant des urnes constituent des pouvoirs éphémères et fragiles qu’il convient d’encadrer. Dans un tel cas de figure, quel compromis trouver avec le mouvement démocratique afin de ne pas perdre la face ? Ce sont autant de raisons pour applaudir le progrès enregistré enTunisie. L’on y montre que l’on n’a pas chassé le dictateur Ben Ali pour faire du surplace. Pour avancer, des compromis sont vite trouvés et progressivement, l’on donne satisfaction à tous ceux qui ont pris part à la lutte. Pour l’instant, les islamistes tunisiens, victorieux des élections, semblent vouloir se surpasser et convaincre de leur bonne foi.
Pour dissiper les inquiétudes, ils avaient avancé qu’ils préserveraient les acquis dont ceux relatifs aux droits de la femme et qui datent du temps du père de l’indépendance, Habib Bourguiba. Aujourd’hui, laTunisie, après quelques tumultes, semble avoir trouvé la voie de l’apaisement, préalable incontournable à un nouveau départ. Mais demain ?
En tout cas, des leçons doivent être tirées des expériences tunisienneet égyptienne au plan des rapports entre l’armée et le mouvement démocratique. Par exemple, comment faire en sorte que la Grande muette, sans se désavouer, contribue à sa manière à la restauration des libertés et à l’avancée de la démocratie en Afrique ? Sans doute, les mouvements démocratiques devront-ils apprendre davantage à avancer dans la cohésion, à faire du consensus une solution de rechange et à trouver le compromis salvateur avec l’armée, surtout lorsqu’elle a longtemps pris l’Etat sous sa tutelle. Toujours est-il que les armées africaines, surtout celles qui ont géré l’appareil d’Etat, doivent accepter de faire leur introspection. Il leur faut éviter de recourir systématiquement à la répression. Il est hautement salutaire de savoir accompagner le peuple dans sa quête de libertés et les acteurs politiques dans la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat. Dans cette perspective, il faut savoir partir et à temps, en évitant soigneusement les pièges de la boulimie du pouvoir d’Etat et les appels du pied d’un entourage qui laisse à désirer. On le constate, la révolution est en marche en Egypte et en Tunisie. Mais le soleil de la libération ne brille pas de la même façon dans ces pays phares du printemps arabe. Les faits montrent que l’évolution du processus y est certes tributaire de la force du mouvement démocratique et de sa cohésion mais, elle dépend aussi de l’adhésion de l’armée à la démocratie, autant que de l’ouverture d’esprit et de la bonne volonté des hommes en uniforme qui ont géré le pouvoir d’Etat. Aux forces africaines de progrès de savoir composer avec cette réalité et de tirer leçon de ce qui se passe ici et ailleurs pour avancer.
Source: ”Afriscoop” Le 23-11-2011
Lien: http://www.afriscoop.net/journal/spip.php?breve8205
Tunisie – Mustapha Ben Jaâfar ne pose pas la main sur le Coran en prêtant serment
Image insolite du jour, au moment de prêter serment, les élus de l’Assemblée constituante ont tous, du moins selon l’enregistrement vidéo disponible, posé la main droite sur un exemplaire du Coran, comme l’exige le protocole. Tous, sauf Mustapha Ben Jaâfar, qui sera sans doute investi président de cette assemblée. A l’instant où l’objectif de la caméra se pose sur M. Ben Jaâfar, on perçoit clairement ce dernier répéter les termes du serment après le président de la séance Tahar H’mila mais tout en gardant les mains croisées sur le ventre. Le geste est pour le moins étrange venu d’un homme politique réputé être particulièrement consensuel et ne défendant jamais des positions à contre-courant. Ses détracteurs renchériront qu’il n’a jamais pris position sur rien. Encore plus étrange, sa justification donnée à Shems FM et reprise sur la page Facebook officielle d’Ettakatol. « Je ne me suis pas vu dans la caméra », a-t-il déclaré texto. Une déclaration pouvant être interprétée de mille et une manières : sa manière à lui de snober la journaliste ou d’éluder la question, ou bien un moment d’absence assumé ? Comme à son habitude, le Mustapha Ben Jaâfar ne donne pas de réponse claire et les interprétations vont bon train. Dans tous les cas, un tel geste dans un moment de grande solennité, qu’un politique ne vit que quelques rares fois dans sa carrière n’aurait pas pu passer inaperçu. Refuser de respecter un protocole, certes à forte connotation religieuse, exige logiquement une justification publique. Etre distrait à un tel instant relève, par contre, de la bourde politique. Une mésaventure similaire dans toute démocratie qui se respecte, ne passe jamais inaperçue, naturellement.
Source: “Business News” Le 22-11-2011
Tunisie-Bardo : Les Elus face aux chiens de garde de la liberté
Quelques partis politiques et divers militants de la société civile sont, par centaines, devant le lieu où siège l’Assemblée Constituante. Les Tunisiens sont là, histoire de veiller à ce que leurs élus n’oublient pas leurs priorités et leurs intouchables acquis. Et les minorités cherchent à faire entendre leurs voix. Vigilance citoyenne maximale !
l est 11h du matin. Nous sommes le mardi 22 novembre, une journée historique en Tunisie. Plus de 2000 personnes manifestent devant la Chambre des Députés, dissoute suite à une décision du conseil des ministres du gouvernement provisoire tenue en mars dernier. Désormais, place à l’Assemblée Nationale Constituante, première autorité démocratiquement élue par le peuple dans l’histoire de la République Tunisienne. Et c’est sur le rythme des revendications de citoyens bien vigilants et déterminés à maintenir leurs acquis, considérés en précarité. En ce premier jour de travail de l’Assemblée Constituante, le peuple a montré qu’il ne laissera personne mettre la main sur ses droits. Les chiens de garde de la liberté montrent les crocs et ne se laisseront pas se faire embobiner par de bonnes paroles.
Au Bardo, municipalité située à l’ouest de la capitale tunisoise, la foule est, en partie, issue des activistes de divers partis politiques. Parmi les formations les plus visibles, on remarquera la présence des activistes du Parti Communiste des Ouvriers Tunisiens (PCOT) et ceux des récents partis d’Attaliâa ou encore du Mouvement du Baath, deux organismes politiques reconnus légalement après le 14 janvier.
Toutefois, la majorité des manifestants sont issus de l’effervescente société civile tunisienne enrichie par des dizaines d’associations depuis la fuite du dictateur déchu et le début de la transition démocratique en Tunisie. Parmi les organismes fortement présents, on citera Amnesty International, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), l’association «Le Manifeste du 20 Mars» ou encore de naissants réseaux citoyens à l’instar du Mouvement du 24 Octobre pour les Libertés et la Citoyenneté.
Les valeurs progressistes sont les plus revendiquées par les manifestants. «Egalité entre hommes et femmes», «Il n’y a pas plus sacré que la liberté», «Mon Dieu, mon droits, mes acquis», «Travail, liberté et dignité nationale», «Touche pas au Code du Statut Personnel», ce sont les slogans les plus plébiscités sur les enseignes brandies par les manifestants.
La journée a été épicée par des débats enflammés entre certains islamistes et des progressistes. Il n’y a pas eu de violence à signaler, mis à part, les bousculades de Souad Abderrahim, députée du Mouvement d’Ennahdha attaquée pour ses propos hostiles à l’égard des mères célibataires et sa déclaration par rapport à la modification de la loi relative à l’adoption dans le Code du Statut Personnel. Sofiane Ben Hamida, chroniqueur chez Nessma Tv, controversé pour ses positions exprimées contre le Mouvement d’Ennahdha, a également été bousculé par un groupuscule d’islamistes.
Libertés individuelles, jugement des assassins des martyrs de la Révolution, droits de l’Homme, abolition de la peine de mort, refus de la normalisation avec Israël, opposition à toute ingérence étrangère dans les affaires internes de la Tunisie, c’est autour de ces thèmes que s’articulent les revendications de la foule. Et la pointe d’humour habituelle des Tunisiens n’a pas manqué à ce rendez-vous, notamment, avec diverses caricatures de l’émir du Qatar, Hamad Bin Khalifa al-Thani dont l’éventualité de sa présence a suscité une grande controverse dans la société tunisienne. Il est bien clair que le peuple tunisien use de tous les moyens quand sa liberté, ses droits et sa souveraineté sont menacés. Attention messieurs les membres élus de l’Assemblée Constituante, le vote n’est pas un chèque blanc. Les manifestants sont là pour le rappeler.
Source.:”Tekiano” Le 23-11-2011
Tunisie. La dépouille mortelle de Yousri Triqi arrive à Tunis
La dépouille mortelle Yousri Triqi, le jeune Tunisien condamné à mort et exécuté en Irak, est arrivée mercredi, à 14h 45, à l’aéroport de Tunis-Carthage.
La sépulture a été débarquée d’un avion en provenance de Bagdad via Amman, en Jordanie. Elle a été embarquée à bord d’un véhicule de la Samu, en présence du père et des frères du défunt, et de plusieurs centaines de personnes scandant «Allahou Akbar».
Arrêté en 2006, par des forces de sécurité irakiennes, des militaires américains ou des forces combinées, Yousri Triqi a été accusé pour des attaques à l’explosion à Samara au nord de Bagdad. Il y a un an, il a été entendu par un juge irakien qui l’a menacé ouvertement de le condamner à la peine capitale s’il revenait sur ses déclarations extorquées sous la torture. Incapable de se défendre, il a été condamné à mort.
Des défenseurs de droits de l’Homme, le président de la République par intérim, et le chef du mouvement Ennahdha ont tenté avec les autorités irakiennes de le faire transférer vivant vers la Tunisie.
Alors que tout le monde s’attendait à une issue plus clémente, les autorités irakiennes ont exécuté le jeune homme, le 16 novembre à 11 heures, heure locale, dans la prison de Soussa à Suleimanyia (au Kurdistan irakien).
Selon des informations recueillies sur place par Kapitalis, la dépouille de Yousri Triqi va être transportée au Chu de Sfax pour y subir une autopsie médico-légale. On apprend aussi que des avocats vont déposer une plainte contre les autorités irakiennes.
Source: “Kapitalis” Le 23-11-2011
Tunisie : discours inopportun de Tahar Hmila
Des députés ont fortement rejeté le discours du doyen de l’Assemblée nationale constituante, Tahar Hmila, prononcé lors de la séance inaugurale tenue à l’ancienne Chambre des députés au Bardo.
Le président provisoire, en attendant les élections, a qualifié l’assemblée parallèle initiée par la société civile de honte, ce qui a suscité la polémique de plupart des membres. M. Moncef Marzouki, leader du parti Congrès pour la République (CPR) a invité à respecter le principe de la démocratie : « Ce comportement ne va pas avec la dignité des Tunisiens. C’est scandaleux. Il s’agit d’une déclaration qui s’oppose à la démocratie». De son côté, Iyed Dahmani du PDP a interrompu le discours. Il a appelé à passer au vote et à élire un président ». Investir en Tunisie s’est entretenu avec M. Khémaïs Ksila, membre du bureau politique d’Ettakatol. Il a fait savoir que cette séance inaugurale est un événement historique et un moment émotionnel dont on ne peut pas arrêter de parler mais le débordement du président de la séance n’était pas prévu : « On attend un président neutre et facilitateur des négociations dans cette première séance inaugurale. Malheureusement, M. Hmila a prononcé un discours idéologique. Il ne fallait pas faire ça. Nous avons un ordre du jour dans lequel ce discours n’est pas prévu. Cela a été difficile pour les représentants du peuple de laisser faire. M. Hmila a fait un clivage inattendu et prématuré. Il aurait dû faire son discours, mais à partir de son siège. Cependant, je suis optimiste et nous sommes là pour concrétiser les objectifs de la Révolution et être vigilants ». Au sujet de la réussite d’Ennahdha aux élections de la Constituante, M. Ksila a indiqué que c’est le peuple qui l’a élu : « On va tout faire. On va s’organiser pour renverser le rapport de force au sein de la société afin de se préparer aux échéances prochaines et faire triompher la société moderniste et plurielle, voire une société au centre pour faire avancer le combat avec la liberté ».
Source: “Invetir en Tunisie” Le 23-11-2011
Lien: http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=12211
Tunisie : 18 membres d’Ennahdha au sein des commissions de l’Assemblée
Le mouvement Ennahdha a désigné 9 membres pour chaque commission interne élue de l’Assemblée constituante. Le Congrès pour la République a nommé 3 représentants, Ettakatol 2 et la coalition d’Al Arridha 2 également, pour chaque commission.
L’alliance composée de l’UPL, de membres d’Al Aridha et d’indépendants a obtenu un représentant au sein de chacune des 2 commissions. La « coalition du 14 janvier », englobant 9 autres indépendants a pu désigner un représentant. La coalition du parti El Moubadara et celui de la Justice et de l’Egalité ont bénéficié d’un seul membre dans chaque commission Ainsi, le PDP, le PDM, Afek Tounes, le Parti Libéral Maghrébin et 2 élus indépendants ont nommé 3 représentants. La commission du règlement intérieur de la Constituante et celle de l’organisation provisoire des pouvoirs publics, telles sont les instances internes nommées durant la séance du mercredi 23 novembre. La 1ère commission sera chargée de l’organisation provisoire des pouvoirs publics en Tunisie durant le mandat de l’Assemblée. Elle proposera également une base de travail pour construire la nouvelle République, en tenant compte de toutes les sensibilités existantes dans le cadre de la pluralité et la représentativité. La 2ème est appelée à élaborer une feuille de route organisant le déroulement des travaux au sein de l’Assemblée.
Source: “Invetir en Tunisie” Le 23-11-2011
Lien: http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=12220
Mehrezia Laâbidi : « Je suis originaire de Tunisie mais maintenant je suis une citoyenne française »
Le CV de la nouvelle vice-présidente de la Constituante, élue du mouvement Ennahdha en ferait pâlir plus d’un. diplômé de l’École normale supérieure. Traductrice-interprète, Mehrezia Laâbidi-Maïza est également coordinatrice du Global Women of Faith Network (Femmes croyantes pour la paix) et co-présidente de Religions for peace (Religions pour la Paix), un réseau qui comprend un Conseil mondial de dirigeants religieux de haut niveau issus de toutes les régions du monde, qu’elle a rejoint en 1996. Elle a également coécrit, avec Laurent Klein, un livre intitulé Abraham, réveille-toi, ils sont devenus fous ! , au sujet des tensions intercommunautaires qui bouleversent la société française. Oui mais voilà, comme tout ne peut pas être parfait, sur les réseaux sociaux, les esprits s’échauffent à cause d’une vidéo datée de 2009 où l’élue islamiste accorde une interview en anglais au sujet de son association « Religions pour la Paix ». Dans cette vidéo, Mehrezia Laâbidi insiste sur son identité française. Elle affirme en effet : « Je suis de France, originaire de Tunisie, mais maintenant je suis une citoyenne française ». De quoi créer des polémiques sans fin.
Source: “Business News” Le 23-11-2011
Hachmi Hamdi invite les Rcédistes à rejoindre El Aridha
Hachmi Hamdi, leader de la Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement, a appelé, sur les ondes d’Express FM, les Rcédistes ainsi que les militants de gauche à rejoindre El Aridha, lors des prochaines élections générales.
M. Hamdi, qui avait décidé, il y a quelques jours, de geler son activité politique, a déclaré que cette décision ne signifie pas son retrait de la vie politique. Le leader d’El Aridha compte organiser sa campagne pour les prochaines échéances électorales, à partir du 27 novembre. Il a ajouté que son seul objectif est de servir la Tunisie, déplorant l’exclusion et le mépris dont il a fait l’objet de la part des médias officiels et quelques partis : Ennahdha, le Congrès pour la république et Ettakatol.
Source: “Investir en Tunisie” Le 23-11-2011
Lien. http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=12214
Cageprisonners interview Yassine Ferchichi
Yassine Ferchichi est un ressortissant tunisien ayant fui la persécution de son pays d’origine. Il a été arrêté et condamné en France pour terrorisme. Sa condamnation a été largement basée sur les déclarations faites sous la torture par M’hamed Benyamina alors en garde à vue en Algérie. En 2009, Yassine Ferchichi a été expulsé vers le Sénégal malgré une décision contraire de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Depuis, il est sans-abri et sans papiers.
Bismillahi Rahmani Rahim
Cageprisoners: Pourriez-vous s’il vous plaît vous présenter?
Yassine Ferchichi: Je suis Yassine Ferchichi. Je suis un ressortissant tunisien. J’ai fui la Tunisie le 14 Octobre 2005 pour échapper à la persécution de l’ancien gouvernement tunisien. Je suis allé en Suisse, puis la situation étant trop difficile pour moi là-bas je suis entré en France. Je n’avais pas de connaissances et n’ai pas pensé à demander l’asile politique. Certains Tunisiens que je connaissais m’ont aidé à trouver un emploi. Un jour, le 15 Juillet 2005, nous avons été arrêtés à Paris.
CP: Pouvez-vous nous parler de votre vie en Tunisie?
YF: Tout a commencé par des arrestations et des interrogatoires. J’ai commencé à pratiquer (l’islam) en 2001 et donc à me rendre dans des mosquées, comme n’importe qui. Rien d’autre. Ils m’ont arrêté et interrogé. Je suis devenu malade et fatigué. Je n’ai pas pu trouver d’emploi jusqu’en 2003. Ils y sont allés étape par étape, jusqu’à m’emmener au ministère de l’Intérieur.
Ils m’ont emmené à la cave. J’ai été interrogé par deux personnes. Ils m’ont fait visiter des chambres avec du sang. Ils m’ont dit: «Si tu ne coopères pas avec nous, tu sais ce qui va t’arriver ». Deux ou trois mois plus tard … après cette période d’interrogatoire, ils ont mis leurs menaces à exécution. J’ai été tabassé pendant 36 heures. Quand ils m’ont relâché, ils m’ont jeté dans la rue alors que j’étais inconscient. J’ai réussi à appeler mon frère qui m’a emmené à l’hôpital. Comme j’avais des amis en Suisse, j’ai fais une demande de visa. Je l’ai fait discrètement, avant qu’ils ne prennent mon passeport, parce que c’est leur façon de faire. D’abord, ils vous menacent, puis ils vous battent et vous torturent. J’ai obtenu un visa et me suis rendu en Suisse. En Europe, j’ai appris que j’avais été condamné par contumace (en Tunisie). Pourquoi? Je ne sais pas.
CP: Étiez-vous impliqué dans la politique?
YF: Non, je n’étais impliqué d’aucune façon. Je n’avais aucun contact. Je parlais simplement à certaines personnes. Il n’y avait absolument rien.
CP: Vous n’étiez donc pas accusé de quoi que ce soit en particulier? C’était juste parce que vous étiez un musulman pratiquant?
YF: C’est seulement à cause de cela. Les accusations sont un peu ridicules, mais quand vous êtes face à l’Etat, vous n’avez pas la moindre chance. Quand un juge vous dit que vous êtes coupable, vous ne pouvez pas dire: « Non, je ne le suis pas ». Voilà comment c’est. J’ai été condamné trois ou quatre fois. Au total, j’ai été condamné à près de 47 ans. On m’a dit ça en France.
CP: Que s’est-il passé lorsque vous êtes arrivé en France?
YF: En France, j’étais très discret. J’étais clandestin. Je n’avais pas de papiers. J’essayais juste de gagner ma vie ici et là et j’essayais de trouver un emploi pour survivre. Le 15 Juillet 2005, nous étions à Paris et j’accompagnais un ami quand notre voiture est tombée en panne, c’est là que nous avons été arrêtés. J’avais peur, alors j’ai donné le nom de quelqu’un qui était en règle dans le pays. Je ne voulais pas être renvoyé là-bas. Je savais ce qu’il serait advenu de moi. Puis, ils ont commencé: «Vous savez, nous allons vous envoyer là-bas. Vous savez ce qui va se passer ? « Ils voulaient me faire dire:« Oui, ces personnes sont coupables ». Je leur ai dit: « Je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas condamner des personnes à perpétuité ».
CP: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les circonstances de votre arrestation?
YF: C’était juste un contrôle de routine pour vérifier notre identité. Ils nous ont emmenés à un poste de police à Paris. Ils nous ont fait attendre. J’étais le seul qui était embêté car je n’avais pas de papiers. J’ai essayé de rester calme, ils ne nous ont même pas posé de questions. Ils nous ont emmenés directement au sous-sol de la DST (renseignements français). Puis, ils ont commencé: interrogatoires durant la journée complète pendant quatre jours. La nuit, juste avant de dormir, ils nous emmenaient quelque part ou parfois nous dormions à la DST. Puis, j’ai directement été envoyé en prison.
CP: Comment étaient les interrogatoires?
YF: Comment est ce que j’ai connu telle personne? Ils ont fouillé ma maison. Il y avait un morceau de papier avec mes dettes. Je devais de l’argent à tel ou tel. Ils ont dit: « Non, ce sont les actions que vous donnez à des gens ». Ils m’ont accusé d’avoir financé le terrorisme ainsi qu’une association de malfaiteurs. Je ne savais rien. Ils m’ont dit: «Savez-vous quel juge a ordonné votre arrestation ?» Il m’a dit le juge Bruguière. J’ai dit: « Qui est-ce? » Peut-être voulait-il me faire peur, mais je ne le connaissais même pas. Après les interrogatoires, j’ai été mal conseillé par un avocat. Ils nous ont accusés d’avoir agressé une prostituée pour obtenir de l’argent. Je parle pour moi-même: une personne qui est passée par tout ce que j’ai vécu ne va pas agresser quelqu’un. Quoi qu’il en soit. La prostituée a apporté au juge une preuve médicale. Il a été prouvé que l’évidence était antérieure aux faits dont nous étions accusés. Elle mentait. Je n’ai pas été bien conseillé. L’avocat m’a dit: « Vous voyez, ils veulent vous inculper de terrorisme. Dites-leur que vous l’avez agressée pour obtenir de l’argent afin qu’ils ne vous accusent pas de terrorisme ». J’ai suivi les conseils de l’avocat, mais le contraire de ce qui devait arriver se produisit. Ils ont dit que j’ai commis cette agression afin de financer le terrorisme. Voilà comment c’est arrivé. Je n’avais aucune chance. J’ai passé trois ans et demi dans la prison de Fresnes. Le jour du jugement, ils m’ont condamné à quatre ans afin de couvrir le temps que j’avais passé en détention provisoire.
CP: La DST vous a-t-elle mis sous pression ou vous a-t-elle menacé?
YF: Mmmmmm. Je ne sais pas. Personnellement, je prends ça comme de l’intimidation. Je n’étais pas vraiment maltraité. Mais ils m’ont détruit psychologiquement. La seule crainte que j’avais était qu’ils me renvoient en Tunisie. Je suis maintenant au Sénégal. J’ai refusé catégoriquement de retourner là-bas sous le régime du gouvernement précédent. Je savais ce qui arriverait.
CP: Vous ont-ils menacé de vous renvoyer en Tunisie durant la garde à vue?
YF: Oui. Plusieurs fois.
CP: Ils vous demandaient de dénoncer les gens?
YF: Oui. Si je ne parle pas, si je ne dit pas la vérité … Mais leur vérité n’est pas la vraie vérité. Ils veulent me faire dire ce qu’ils veulent entendre. Vous voyez ce que je veux dire? Apparemment, pour eux, je n’ai pas dit la vérité. Si je ne dis pas ce qu’ils veulent entendre, ce n’est pas la vérité. Et ces petites choses pour vous humilier comme vous forcer à vous agenouiller …
CP: Ils vous demandaient de vous agenouiller?
YF: Oui. Deux ou trois fois. Mes mains étaient attachées dans mon dos. Ils m’ont forcé à me mettre à genoux. Je n’avais pas le droit de m’asseoir.
CP: Vous ont-ils posé des questions sur M’hamed Benyamina?
YF: Oui, ils m’ont parlé de lui. J’ai même vu son nom sur certains de leurs papiers. J’ai toujours dit la même chose. Je l’ai vu deux fois dans ma vie. Quand je suis arrivé en France, j’ai été accueilli par un français-tunisien, Samir B. Il allait en Egypte pour apprendre l’arabe. Il m’a dit « Je ne serais pas là. Vous pouvez prendre mon appartement, il vous suffit de payer le loyer ». J’ai cherché un emploi. C’était bien pour moi et bien pour lui.
CP: Savez-vous si au cours des interrogatoires, ils ont utilisé des informations données par M’hamed en Algérie?
YF: Je l’ai entendu dire par l’avocat. Il a dit qu’ils ne pouvaient pas prendre en compte le témoignage de quelqu’un interrogé en Algérie. Il n’y avait pas de juge, personne pour assister à l’interrogatoire. Tout le monde sait parfaitement comment ils soutirent des déclarations. Mais je ne sais même pas ce que M’hamed Benyamina a dit. Lors de l’audition avec le juge, ils m’ont montré quelques photos. Ils m’ont demandé: «Connaissez-vous cette personne? » Mais pendant la garde à vue à la DST, ils ne mentionnaient que des noms. Il n’y avait pas photo. Mais je ne connaissais pas beaucoup de gens.
CP: Vous avez donc été placé en détention préventive pendant trois ans …
YF: Trois ans et demi.
CP: Pourquoi si longtemps?
YF: Aucune idée. J’ai rempli de nombreuses pétitions pour être libéré. Toujours la même réponse. Samir B. a été libéré après un an et demi ou deux ans. Il était libre quand le procès commença. Quant à moi, ils ne voulaient rien entendre.
CP: Étiez-vous sous un régime spécial en prison?
YF: J’étais ce qu’on appelle un « détenu particulièrement surveillé » [DPS]. Je n’ai pas eu le droit de travailler. Je n’ai pas eu le droit à beaucoup de choses.
CP: Étiez-vous dans l’isolement?
YF: Au début j’étais seul. Je n’ai jamais partagé une cellule.
CP: Durant les audiences, qu’est ce que le juge d’instruction vous demanda?
YF: Vous voyez, quand j’y pense, ça me fait rire. Tous les quatre mois, un juge doit vous interroger. Ils ne m’appellent que pour valider la prolongation de ma détention préventive. Il n’y avait aucun véritable interrogatoire. C’était du genre, « avez-vous vraiment agressé cette fille? Vous avez fait ceci, vous avez fait cela ». Il n’y avait rien. Au début c’était un juge et puis un autre, mais c’était la même chose.
CP: Savez-vous si le juge a utilisé des informations obtenues à l’étranger?
YF: Oui. Oui. Oui. Si ma mémoire est bonne, il dit à propos de M’hamed Benyamina, je m’en souviens très bien que, lui, a dit qu’il me connaissait et que j’étais un membre du groupe. Le juge d’instruction m’a dit cela presque deux ans après. J’ai dit que je ne l’ai vu que deux fois. Ils m’ont demandé la même chose a propos de quelqu’un nommé Abderrahmane. Je n’avais jamais vu ou rencontré cette personne. Apparemment, il était en Égypte. Il revint alors que j’étais incarcéré. Je leur ai demandé: «Comment pouvez-vous dire que je suis un membre de son équipe alors que je ne l’ai jamais vu de ma vie et que même lui ne connaît pas mon visage? »
CP: Est-ce Safé Bourada?
YF: Oui! Je pense que c’est son nom. Ils me montraient des photos me demandant «Connaissez-vous Abderrahmane? » J’ai dit non. Le juge a dit: «Cette personne a été arrêtée. Il a fondé un groupe et vous êtes un membre de celui-ci « . J’ai demandé une confrontation avec la personne. Cela n’est jamais arrivé.
CP: Comment avez-vous pris conscience que vous aviez été condamné en Tunisie?
YF: Je l’ai appris quand j’étais dans la prison de Fresnes. Je savais que j’avais été condamné et j’avais peur qu’après ma libération, ils me renvoient directement. J’ai réussi à obtenir les coordonnées de Luiza Toscane. Elle avait des contacts en Tunisie et elle m’a informé des condamnations. Ensuite, j’ai pu entrer en contact avec mon frère qui a réussi à obtenir un avocat afin de faire publier les jugements. Après six mois, nous avons réussi.
CP: Savez-vous de quoi vous avez été accusé en Tunisie?
YF: Il y a une condamnation de huit années parce que j’ai été condamné en France. Il y avait une autre condamnation de 8 ans. Je pense qu’il y avait en tout trois condamnations de huit ans. Ils ont dit que j’avais parlé à des gens qui appartenaient à un groupe qui a préparé des actes terroristes. Juste parler. Cette personne a dit: « Oui, Yassine m’a parlé ». Juste des mots. Je n’étais pas là. Ils ont arrêté des gens en Tunisie et comme je n’étais pas là, la faute a été mise sur moi. La condamnation est énorme, 47 ans. Tout ce que je sais c’est ce qui était écrit sur ces décisions. Même quand ils m’ont arrêté et torturé en Tunisie, ils n’ont jamais posé des questions précises. Pour m’impressionner, ils me disaient: « Vous connaissez tel et tel ». Ils m’ont posé des questions sur quelqu’un que je ne connaissais pas, il est aussi vieux que mon père. J’étais cuisinier en Tunisie. Voilà comment je l’ai rencontré. J’étais dans la mosquée et c’était le mariage de sa fille. J’ai cuisiné pour le mariage de sa fille. Puis, ils ont dit « donc vous connaissez cette personne ». Voila le genre de questions qu’ils me posaient.
CP: En Octobre 2008, votre procès a commencé en France. Comment cela s’est-il passé?
YF: C’était comme au théâtre. C’était formel. Il y avait un procès car ils devaient nous juger. Ils ne pouvaient pas nous laisser plus longtemps en prison sans le justifier. Comme je ne pouvais pas parler très bien français, j’ai pris des cours et obtenu des diplômes en prison. Ceci afin d’être en mesure de m’exprimer lors du procès. Même mon avocat a dit que ce n’était pas équitable. J’ai attendu pendant trois ans et demi et pendant le procès, je n’ai même pas parlé plus de quatre minutes. Le juge a pris mon dossier. Elle cita le nom de telle et telle personne, elle a commencé à me bombarder de faits. J’ai demandé: « Excusez-moi, pourriez-vous poser les questions les unes après les autres, afin que j’aie le temps de réagir? » Sa réponse a été: « Nous n’avons pas le temps ». Même mon avocat a été révolté. Elle a dit: «Il a ce droit au moins ». J’étais là, mais seulement comme une photo.
CP: Comment avez-vous réagi lorsque vous avez entendu la condamnation?
YF: Franchement, tout ce que je voulais, à cette époque, était en finir et partir car je savais que je n’avais aucune chance de m’expliquer ou de me défendre. Je ne sais pas comment dire. Il y a un dicton en Tunisie: «J’attaque une montagne avec un bâton». Je ne pouvais même pas dire ce qui s’était passé. Et ensuite, vous savez ce qui m’est arrivé … Après avoir reçu ma condamnation, j’ai mis en route le processus pour éviter mon retour en Tunisie. Je l’ai fait avec Luiza Toscane ainsi que l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture). Nous avons rempli la pétition. J’ai demandé trois fois la permission de quitter la prison pour aller à l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides). Cela a été rejeté. Je n’ai pas été autorisé à y aller pour une entrevue. Un jour, j’étais dans ma cellule. Ils ont ouvert la porte et ils ont dit: «Vous partez ». J’ai dit: « où? » Ils ont rien dit. J’arrive donc à l’OFPRA. A nouveau juste une mise en scène afin de vous donner vos droits. Vous avez le droit de comparaître, alors ils vous le donnent. Mais après, il n’y a rien de concret.
CP: La France était toujours prête à vous expulser vers la Tunisie. Qu’est-ce qui l’a empêchée? YF: Les actions que j’ai entreprises avec Luiza Toscane. Nous avons contacté les organisations Amnesty, l’ACAT … Ils ont écrit des lettres à l’Office pour la Protection des Réfugiés et Apatrides et même au ministre de l’Intérieur en France. L’asile ne m’a pas été refusé. J’ai été exclu. Ils reconnaissent que je suis en droit de bénéficier de l’asile, mais puisque j’ai été condamné en France, ils me le refusent. J’ai été condamné à une peine de quatre ans pour terrorisme. Regardez leur hostilité, ils m’ont donné six mois pour vol d’identité, pour la fois ou par peur j’ai donné un faux nom. Et en plus, je suis interdit ( de territoire) en France. J’ai lutté pour obtenir la levée de l’interdiction, mais ils ne veulent rien entendre. Quand j’ai été libéré, ils ne m’ont pas expulsé vers la Tunisie, mais ils ont essayé de me faire signer quelque chose pour m’envoyer au Sénégal. J’ai refusé catégoriquement. J’ai même refusé d’entrer dans l’avion. J’ai été « attaché » de la tête aux orteils. Ils m’ont soulevé comme un sac et ils m’ont mis à l’arrière de l’avion. Il y avait trois personnes pour me surveiller. L’un d’eux est resté assis sur moi jusqu’à l’arrivée au Sénégal. Je suis arrivé à l’aéroport du Sénégal. J’ai attendu. Les policiers sénégalais m’ont pris à l’étage. Je n’avais pas de documents, rien. J’ai été mis direct en garde à vue dans un endroit très sale plein de cafards et de moustiques. J’ai passé cinq jours là-bas. J’ai commencé une grève de la faim et de la soif jusqu’à ce qu’ils m’emmènent à l’hôpital pour me nourrir par voie intraveineuse. Je voulais savoir pourquoi ils m’avaient emmené ici pour me jeter de nouveau en prison. Grâce au médias et a Luiza Toscane qui a suivi mon cas depuis le début, ils ont été obligés de me libérer.
CP: Quand avez-vous su que vous alliez être expulsé vers le Sénégal?
YF: Le jour de ma libération, le 24 Décembre 2009. Comme j’ai étudié, j’ai eu mes diplômes, j’ai eu un bon comportement, ma peine a été réduite. J’ai été libéré. Quand nous sommes arrivés au bureau de la prison, je pensais que je serais mis en liberté ou que je serais envoyé dans un endroit pour les réfugiés ou ailleurs. Les policiers m’ont donné quelque chose. Je l’ai lu. Je ne connaissais même pas le Sénégal. Je ne connaissais personne. J’ai refusé de signer. Ils m’ont donné un stylo et j’ai écrit au bas de la page: « Je refuse de signer jusqu’à ce que mon avocat soit informé».
CP: Savez-vous pourquoi ils ont choisi le Sénégal?
YF: Aucune idée.
CP: Pouvez-vous nous dire comment vous avez été emmené à l’aéroport? YF: Nous sommes arrivés à l’aéroport de Roissy. Ils m’ont mis quelque part pendant deux heures. A l’aéroport, j’ai insisté pour avoir le droit d’appeler mon avocat. Je n’étais plus en prison, j’avais le droit de donner des appels. Je voulais appeler mon avocat pour l’informer. Ils ont refusé. Quand je me suis vraiment mis en colère, ils m’ont emmené à l’étage. J’ai eu les mains attachées dans mon dos et mes jambes bloquées. Ils m’ont mis au sol. L’avocat a demandé à la Cour européenne des droits de l’homme d’empêcher cette expulsion tant que le Sénégal ne donne pas la garantie qu’il m’accepte et subviendrait à mes besoins. La Cour européenne a donné l’ordre à la France de ne pas me déporter au Sénégal. Ils l’ont ignoré et ils m’ont expulsé. Comme excuse, ils ont dit que la demande de la Cour européenne est venue alors que j’étais déjà dans l’avion. Ce n’est pas vrai. Nous avons l’heure à laquelle l’ordre est arrivé et l’heure à laquelle l’avion a décollé. Comme j’ai refusé de monter à bord, le vol a été retardé de 45 minutes. Ils ont mis du scotch partout sur moi. Ils étaient quatre. Ils ne pouvaient pas me contenir, alors ils m’ont mis par terre avec mes mains dans le dos. C’était vraiment humiliant. Je ne sais pas quoi dire.
CP: Que s’est-il passé lorsque vous êtes arrivé?
YF: Comme je vous l’ai dit, au début, ils attentaient les policiers sénégalais. Ils sont venus. Les policiers français sont partis. Ils m’ont emmené à l’étage. Ils ont rempli certains documents. Avant que je passe la porte, ils m’ont mis les menottes de nouveau et je suis monté dans la voiture avec trois personnes. Ils m’ont emmené quelque part, je ne sais pas où. Ils appellent cela le « poste de police du port ». Je jure, que même à des animaux, vous ne pouvez pas faire ça. Je suis resté là pendant cinq jours. Cinq jours sans boire ni manger. Je refusais. À un moment, j’ai prié et je me suis évanoui. Ils ont dû m’emmener à l’hôpital. Ils essayaient de me parler, de me dire que ça allait s’arranger et ils me donnaient des injections. J’ai dit que je n’ai pas demandé à venir et que s’ils voulaient me jeter en prison encore une fois, je préférais mourir avec dignité. Ils m’ont dit que vous êtes ici chez vous … C’était seulement des mots. Ils pensaient que j’étais un gamin. Même maintenant. Que puis-je faire? Je n’ai pas d’argent, je n’ai pas de papiers. Nous avons parlé, les médias sont venus avec un avocat au Sénégal, l’ancien président de l’ONDH (Organisation nationale des droits de l’homme). Il est le seul qui m’ait aidé. J’ai passé 15 jours en face du ministère des Affaires étrangères à Dakar. J’ai campé là. Ils ne s’en soucient pas. Le président de RRADHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme) a eu une réunion avec le ministre. Il a parlé de mon cas. J’ai continué à téléphoner. Même les associations comme Amnesty, la radio … elles se sont découragées. Elles ont tout fait, elles ne peuvent rien faire pour moi. Tout ce qu’elles peuvent faire est d’appeler ou écrire. Puis j’ai arrêté. Je voulais garder un peu de ma dignité.
CP: Vous vous êtes cassé la main. Avez-vous reçu un traitement? YF: J’ai reçu une mauvaise nouvelle en provenance de Tunisie, de ma mère. J’ai frappé un mur et je me suis cassé la main. L’os est déformé. Il guérit comme cela. Nous avons fait une radiographie. Le médecin a dit que j’avais besoin d’une opération. Ils ont dit que l’opération est coûteuse. Ils m’ont laissé comme ça. Maintenant, je ne peux pas fermer ma main.
CP: Combien de fois vous êtes vous retrouvé sans abri parce que les autorités n’ont pas payé l’hôtel?
YF: Ils n’ont jamais payé l’hôtel pour être honnête. J’avais un peu d’argent au début. Quand j’ai été libéré, ils m’ont demandé: « voulez-vous subvenir par vous-même ou voulez-vous que nous le fassions pour vous? » Je n’avais pas les moyens et je ne connaissais pas l’endroit. J’ai seulement demandé une place pour dormir et je verrais pour le reste. Je suis allé dans un hôtel. Quand il ne me resta plus d’argent, j’ai du les contacter à nouveau. La personne avec qui j’ai été en contact au poste de police appela l’homme en charge de l’hôtel pour le calmer. Ils lui ont dit qu’ils allaient payer. Il leur a fait confiance au début, parce que ce sont les autorités. Cela a duré quatre ou cinq mois, il n’a rien reçu. Il m’a dit, « Mon ami, je ne peux pas continuer. J’ai des patrons, je ne peux pas leur dire que quelqu’un vit ici et ne paie pas ». J’ai dû partir. J’ai pris ma valise et je suis allé directement au ministère des Affaires étrangères à Dakar. Il était quatre heures du matin. J’ai posé ma valise et j’ai attendu. Le lendemain, des policiers m’ont demandé ce que je faisais. Ils m’ont dit que je ne pouvais pas rester là. J’ai dû traverser la route. J’ai traversé la route et je suis resté là-bas. L’avocat que j’ai mentionné est venu. Certains médias sont venus aussi. Parfois, c’est très douloureux. Il y a un titre que je n’oublierai jamais. Un journaliste est venu me parler très honnêtement. Puis, il a écrit: «Un terroriste dans les rues de Dakar». Ils ne se soucient pas de la personne, ils ne se soucient que de la vente. Je ne sais pas comment expliquer. Quand vous arrivez dans un pays, vous ne connaissez personne et les gens vous voient comme un terroriste … Je veux juste être anonyme. Je veux que personne ne me connaisse. Je veux juste vivre ma vie. Jusqu’à quand est-ce que ça va durer? Cela fait presque deux ans de calvaire au Sénégal.
CP: Quelle est votre situation administrative maintenant?
YF: J’ai déposé une demande de passeport tunisien voila près de sept mois. Je suis toujours en attente. Il n’y a rien. Pour être honnête, je veux repartir, mais en même temps, il n’y a pas de gouvernement. Je ne veux pas y aller, passer un mois ou deux, voire un an, puis les voir frapper à ma porte pour me créer des problèmes.
CP: Quelles sont vos conditions de vie en ce moment?
YF: Pfff. Je ne sais pas comment dire. Je n’ai pas de logement, aucun papier et pas d’argent. J’ai vendu tout ce que j’avais. Je n’ai gardé que mon téléphone parce que c’est mon lien avec le monde.
CP: Comment vivez-vous?
YF: Je me débrouille. Il fait chaud, il y a la plage. Je me promène dans les rues pendant la journée. La nuit, je marche. Khair inchaAllah. Dieu est grand.
CP: Comment avez-vous réagi quand vous avez appris la chute de Ben Ali?
YF: Honnêtement, je n’étais pas content pour moi. J’ai été heureux pour le pays.
CP: Et qu’en est-il quand vous avez appris la loi d’amnistie?
YF: Mon frère est allé, et il a réussi à savoir que j’ai été blanchi. Mais vous savez, je n’avais rien fait. Ils m’ont détruit. Après toutes les choses que j’ai dites à leur sujet, pensez-vous qu’ils vont me laisser tranquille?
CP: Alors, vous n’avez pas l’intention de revenir en Tunisie?
YF: Vous voyez, j’ai l’envie mais la peur me fait hésiter. Je ne sais pas ce qu’il adviendrait de moi là-bas. Parce que j’ai parlé. Quand ils m’auront là, tôt ou tard, ils chercheront à se venger.
CP: Quelle est la meilleure solution pour vous?
YF: Honnêtement, je ne sais pas. Je vis au jour le jour. Je ne sais pas: un endroit où je pourrais vivre avec dignité. Je suis un travailleur, je ne suis pas un gamin.
CP: Comment pouvons-nous vous aider?
YF: Franchement, je ne sais pas. Je n’ai aucune idée. Au moins avoir parlé m’a aidé psychologiquement. Cela va m’aider à extérioriser mes sentiments. C’est une double vie. Avec un passé comme le mien, celui que je vous ai décrit, les gens vous regardent bizarrement.
CP: Avez-vous un message pour nos lecteurs?
YF: Le seul message que j’ai est le suivant: Quand est-ce que ça va finir? Quand vais-je avoir une vie normale? Devrais-je payer toute ma vie? Ce n’est pas juste. J’ai été condamné. C’est fini. Ce que la France a fait pour moi, c’est qu’elle m’a fait sortir de sa prison pour me jeter dans une autre énorme ! Kheir inchaAllah.
Traduit par Sanâbil.
Pour lire l’original: http://www.cageprisoners.com/our-work/interviews/item/2374-interview-with-yassine-ferchichi