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REMDH: 10 jours d’Activisme pour les droits de l’Homme en Tunisie – Thème 8 : le rôle de la femme dans la société
Slate Afrique: Tunisie: la dictature légale d’Ennahda
Le Parisien: Tunisie: réunion de l’Assemblée, la rue réclame des actes concrets
WMC: Tunisie: Propositions pour pacifier l’université tunisienne
Tunisie, Maroc, Libye… quand l’islam entre en politique
Les unes après les autres, les victoires électorales des partis islamistes dessinent un paysage politique inédit. Le Nouvel Observateur dresse le panorama.
Le vide créé par la chute des régimes autoritaires dans plusieurs pays arabes a profité sans nul doute aux partis islamistes. Rejetés, bannis, voire interdits pendant des années, ces derniers sont apparus, dans des sociétés profondément musulmanes, comme les garants d’une certaine forme de moralité en rupture avec des anciens régimes corrompus.
En Tunisie, en Egypte, en Libye comme au Maroc, ces partis islamistes nouvelle génération revendiquent une politique sans armes, moderne, progressiste, sur le modèle de l’AKP turc. Tiendront-ils leurs promesses ? Pour les uns, les islamistes manient un double discours astucieux. Pour les autres, c’est la démonstration que l’islam est soluble dans la démocratie.
En Tunisie, en Egypte, en Libye, quel islam surgira du conflit ouvert entre les islamistes modérés et les salafistes ? Dans un grand dossier, « Le Nouvel Observateur » du 3 novembre 2011, donnait la parole à l’universitaire Gilles Kepel.
A partir des déclarations et des programmes des partis islamistes, le Nouvel Observateur dresse le panorama de cet islamisme politique au pouvoir dans les pays arabes en voie de transition démocratique.
Source: “Le Nouvel Observateur” Le 07-12-2011
Par Samy Ghorbal
Le parti islamiste a certes gagné les élections, mais peut-il faire fi de la séparation des pouvoirs?
Depuis une semaine maintenant, des centaines de manifestants campent en permanence auBardo, aux portes de l’Assemblée constituante tunisienne, élue le 23 octobre dernier. Ces «indignés de la démocratie» étaient plusieurs milliers vendredi 2 décembre à répondre à l’appel de dizaines d’organisations et de collectifs de la société civile, de partis d’opposition et de listes indépendantes. Ils étaient tout aussi nombreux le mardi 6 décembre, quand le très controversé projet de loi relatif à l’organisation provisoire des pouvoirs publics a commencé à être discuté en séance plénière.
Crainte d’une «dictature légale»
Les débats devraient s’étaler sur deux jours. Les manifestants ne relâcheront pas la pression: ils redoutent un passage en force des islamistes d’Ennahda et de leurs alliés du Congrès Pour la République (le CPR) et d’Ettakatol, qui déboucherait sur l’instauration d’une véritable «dictature légale» jusqu’à l’achèvementdu travail de la Constituante, prévu pour durer au minimum une année. La troïka formée par les islamistes d’Ennahda (89 sièges), les gaucho-islamo-nationalistes du CPR (30 sièges) et les sociaux-démocrates d’Ettakatol (20 sièges) dispose d’une confortable majorité, puisqu’elle totalise 64 % des élus à la Constituante.
Quarante jours après l’annonce définitive du résultat des élections, la Tunisie continue à vivre en apesanteur, à flotter dans le vide constitutionnel. Le gouvernement du Premier ministre Béji Caïd Essebsi a annoncé sa démission au président Foued Mebazaa (lui aussi sur le départ). Son successeur est d’ores et déjà connu puisqu’il s’est autoproclamé: ce sera Hamadi Jebali, le secrétaire générald’Ennahda.La présidence de la République est promise à Moncef Marzouki, le président du CPR. Mustapha Ben Jaafar, qui lorgnait également sur le poste, s’est consolé avec le perchoir, la présidence de la Constituante, une fonction purement décorative. Mais la formation du gouvernement Jebali et la désignation du nouveau président ne pourront intervenir avant un accord sur les prérogatives respectives des uns et des autres.
Méfiance à l’égard des islamistes «dits modérés»
Or, le texte en discussion suscite, à Tunis, des inquiétudes et des appréhensions qui contrastent nettement avec la tonalité exagérément laudative des commentaires entendus en France et à l’étranger surl’expérience démocratique en cours au pays du jasmin. Avec l’enthousiasme suspect de ceux qui ont beaucoup à se faire pardonner, journalistes spécialisés, experts patentés du monde arabe et diplomates du Quai d’Orsay n’ont eu de cesse en effet de distiller commentaires rassurants et appréciations positives à l’endroitdes islamistes d’Ennahda. A les entendre, il n’y aurait aucune raison de s’affoler. Les partisans du cheikh Rached Ghannouchi seraient de «bons» islamistes, des islamistes «modérés». Des islamistes modernes et démocrates, respectueux des droits de l’homme et de la femme, des libertés individuelles et des lois de l’économie de marché. Ils ne réclament plus le retour au califat, ou son succédané, l’Etat islamique, et la charia ne fait plus partie de leur vocabulaire. Mieux, ils consentent à ce que l’alcool reste en vente libre dans les hôtels et dans certains restaurants, et à ce que les touristes étrangers continuent à se prélasser en bikini sur les plages de sable fin…
Le raisonnement est un peu court, et, surtout, totalement déconnecté de la réalité des enjeux politiques. Car la question n’est pas de savoir si les Tunisiens ont affaire à de «gentils» ou à de «méchants» islamistes. La question est de savoir si l’étendue des prérogatives du gouvernement et de son chef,«digne d’un calife abbasside», est compatible ou non avec les canons de la démocratie libérale. Ennahda a gagné les élections, et les agagnées haut la main, puisqu’elle a engrangé davantage de voix que l’ensemble des autres partis et listes représentés à la Constituante. Ennahda a gagné le droit de diriger le gouvernement, un droit que personne ne songe à lui contester. Mais cette victoire l’autorise-t-elle àse comporter en parti hégémonique, à vouloir faire main basse sur pratiquement l’ensemble des postes stratégiques, et à faire fi de la séparation des pouvoirs?
Le retour de la dictature?
Derrière le caractère en apparence très technique des textes actuellement en discussion à l’Assemblée, se profile en réalitéle spectre d’un possible retour de l’absolutisme.
«S’il était voté en l’état, le projet de loi relatif à l’organisation provisoire des pouvoirs publics instaurerait un exécutif monocéphale conférant la quasi-totalité des pouvoirs au gouvernement formé et dirigé par le représentant du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à la Constituante»,explique l’avocatSlim Hajeri.
La fonction de président de la République, censée équilibrer celle de Premier ministre, serait ravalée,de facto, à une fonction purement honorifique. Le projet de la discorde prévoit en outre la possibilité, pourl’Assemblée, de déléguer une partie de ses compétences à l’exécutif, qui pourrait de la sorte légiférer par ordonnances. Le Premier ministre se verrait également attribuer un pouvoir de nomination étendu, englobant les ministres, les présidents d’entreprises publiques, ainsi que le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, la BCT, qui jouissait traditionnellement d’une réelle indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Et ce n’est pas tout: pour parer au vide juridique- le Conseil supérieur de la magistrature n’étant plus en mesure de fonctionner-, le texte envisage de transférer ses prérogatives… à l’exécutif, suivant des modalités à définir, étant entendu que le portefeuille de la justice reviendra, quoi qu’il arrive, à Ennahda.
Un coup d’état institutionnel à huis clos
Dernière critique, et pas des moindres: la méthode retenue, qui s’apparente à «un coup d’Etat institutionnel», pour reprendre l’expression de Slim Hajeri. Car hormis la séance inaugurale du 22 novembre, diffusée à la télévision, les débats en commission ont été organisés à huis-clos, sans publicité. Les députés de l’opposition, emmenés par le Parti démocrate progressiste (PDP, centre gauche) et le Pôle démocrate moderniste (PDM, ex-communistes et centristes) ne sont associés aux discussions que pour la forme. Ils ont eu la désagréable surprise de découvrir des textes volumineux, «prêts à l’emploi», à l’instar du projet de règlement intérieur de l’Assemblée, long de 300 articles, rédigé par la troïka dans des antichambres, et sur lequel ils ont été sommés de se prononcer quelques heures seulement après avoir pu en prendre connaissance. Iyed Dahmani (PDP), l’élu de Siliana, qui, pour briser le secret,tweeteen direct les débats des commissions, s’est plaint lundi 5 décembre de ne pas avoir reçu les textes qui allaient être soumis le lendemain en plénière.
Les appétits d’Ennahda font grincer…
La tournure des événements et l’appétit de pouvoir montré parles dirigeants d’Ennahdacommencent à susciter tiraillements et grincements de dents chez ses alliés, et singulièrement du côté du «maillon faible» de la coalition: les sociaux-démocrates d’Ettakatol. Nombre de militants et certains élus se demandent maintenant ce qu’ils sont venus faire dans une telle galère. Certains ont rejointle sit-in du Bardo. Deux députés, Khemaïs Ksila etLobna Jeribi, ont fait savoir que leur parti exigerait du régime que la motion de censure soit alignée sur le vote de confiance, et que le gouvernement puisse être révoqué par un vote à la majorité absolue, et non à la majorité des deux tiers. Ils ont aussi souhaité que le gouverneur de la BCT soit nommé conjointement par les trois «présidents» (de la République, du conseil et de la Constituante) et non plus par le seul Premier ministre. Cependant, la portée de leurs déclarations a été immédiatement relativisée par le porte-parole officiel du parti, Mohamed Bennour…
De son côté, l’opposition entend bien jouer son baroud d’honneur et mise sur une forte affluence populaire, sous les fenêtres de la Constituante, pour faire pression sur les élus toujours indécis. La stratégie commence à porter ses fruits. La troïka emmenée par Ennahda a finalement accepté, mardi 6 décembre, de revenir sur l’une des dispositions les plus contestées du projet initial: le seuil requis pour le vote d’une motion de censure a été abaissé. Il passe de la majorité qualifiée (majorité des deux tiers) à la majorité simple (50 % + 1 voix). Ennahda renonce à la minorité de blocage qui lui permettait de faire obstacle à un vote de défiance, même en cas d’explosion de la coalition gouvernementale. C’est une première victoire. Qui en appelle peut-être d’autres.La démocratie tunisienneencore balbutiante vit déjà des heures décisives…
Source: ”Slate Afrique” Le 07-12-2011
Lien: http://www.slateafrique.com/77775/tunisie-dictature-legale-d%E2%80%99ennahda
TUNIS – L’Assemblée constituante tunisienne a adopté mercredi le premier article d’un projet de constitution provisoire, préalable à la formation d’un gouvernement, à l’issue d’un long débat sur la durée de son mandat, a constaté une journaliste de l’AFP. Les députés ont finalement adopté le préambule et l’article un de la petite constitution sans tenir compte des propositions sur la limitation à un an du mandat de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Les élus de la coalition tripartite formée par le parti islamiste Ennahda (89 élus) et ses deux co-alliés de gauche Ettakatol (20 élus) et le Congrès pour la République (29 élus) ont été ralliés par d’autres députés pour voter contre l’amendement. Noureddine Bhiri, porte-parole d’Ennhada a jugé inutile d’incrire dans la loi le délai imparti à l’ANC puisque la durée d’un an était déjà l’objet d’un accord de principe entre onze des principaux partis tunisiens, avant les élections du 23 octobre. En préambule, les élus s’engagent à réaliser les objectifs de la révolution et à réussir le processus fondateur de la démocratie. Ils se présentent comme pouvoir législatif originel ayant mandat du peuple pour rédiger une constitution conforme aux objectifs de sa révolution et superviser la conduite des affaires du pays jusqu’à l’adoption de cette constitution et l’intauration d’institutions permanentes. L’article premier annonce une organisation provisoire des pouvoirs de la République jusqu’à l’entrée en vigueur de la future constitution. Le texte de 26 articles doit régir l’organisation des pouvoirs publics pendant la période transitoire jusqu’à la tenue d’élections générales. Des controverses étaient attendues sur les articles concernant les attributions du président et du Premier ministre, ainsi que sur la désignation du Gouverneur de la Banque centrale, qui réclame son inépendance vis à vis de l’exécutif. Plusieurs élus ont fait part de leur irritation devant la lenteur des travaux, alors que le pays fait face à une grave crise économique et sociale et n’a pas de gouvernement un mois et demi après les élections. Après l’adoption du texte, les députés pourront procéder à l’élection du président de la République, poste réservé au dirigeant du Congrès pour la République, Moncef Marzouki. Ce dernier nommera le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, numéro 2 d’Ennahda. Interrogés sur les concessions faites la veille par Ennahda, qui a notamment accepté que toute motion de censure contre le gouvernement soit votée à la majorité absolue, et non à la majorité qualifiée, des députés se sont déclarés satisfaits mais vigilants. Ce sont des concessions positives, nous en prenons acte et nous continuerons à être vigilants pour obtenir une organisation qui assure le meilleur équilibre possible entre les pouvoirs, a déclaré à l’AFP le fondateur du PDP (centre gauche) Ahmed Nejib Chebbi. Ces concessions sont le fruit de la pression de l’opinion publique, de l’opposition et des partis minoritaires, a déclaré de son côté Khemais Ksila, du parti Ettakatol.
Source: “Romandie” Le 07-12-2011
L’Assemblée constituante tunisienne examinait mardi un projet de « mini-constitution » permettant la formation d’ungouvernement, une « urgence absolue » selon plusieurs élus qui ont souligné la situation explosive dans la rue. Les 217 députés doivent examiner un texte de 26 articles sur l’organisation des pouvoirs publics qui permettra le démarrage effectif des institutions de l’Etat, un mois et demi après lesélectionsdu 23 octobre, et alors que la situation économique et sociale se dégrade de jour en jour.
Les débats s’annoncent fastidieux malgré l' »urgence », admise par de nombreux députés, de former rapidement un nouvel exécutif. L’élection duprésidentde la République et la formation du gouvernement ne pourra intervenir qu’après l’adoption de la « mini-constitution », qui définit notamment les prérogatives de chacun. Selon Nourredine Bhiri, porte-parole du parti islamiste Ennahda, première force au sein de l’Assemblée, « la Tunisie connaîtra, inch’allah, son président jeudi ». La présidence doit normalement revenir à Moncef Marzouki, dirigeant du Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) et le gouvernement à Hamadi Jebali, numéro 2 d’Ennahda. « Nous sommes conscients de l’urgence de la situation, et de la tension dans la rue et le pays. Il faut donner un coup de fouet au processus », a déclaré à l’AFP le porte-parole du CPR Abdelawab Matar, peu avant l’ouverture de la séance plénière. A la reprise des débats mardi après-midi après une longue suspension, l’élu d’Ennahda Nourredine Bhiri a annoncé « de grandes concessions » de la part de son parti. Il a prôné l’inscription du Code du statut personnel, qui donne à la femme tunisienne de larges droits, dans une loi fondamentale et non ordinaire. Il a également annoncé que son parti acceptait le principe du vote d’une motion de censure à la majorité absolue (50% + 1) et non, comme prévu initialement, à la majorité qualifiée des deux tiers. Ce point avait suscité l’ire de l’opposition qui craignait que le futur gouvernement dirigé par un islamiste soit de facto indéboulonnable en raison du rapport de force à l’Assemblée, où Ennahda dispose de 89 sièges sur 217. Tension sociale et incidents à la Faculté A l’extérieur de l’Assemblée, des milliers de personnes ont manifesté dans le calme en scandant notamment les slogans de la révolution tunisienne: « Liberté et dignité ». « Nous sommes fatigués d’attendre. A la limite on s’en fout de qui sera au gouvernement. Qu’ils se partagent le gâteau, nous on veut du travail! » a déclaré à l’AFP Nizar Jeridi, un chômeur de 23 ans. Venu du bassin minier de Gafsa, une région déshéritée du centre en proie à de régulières éruptions de violence, il campe avec plusieurs autres chômeurs depuis près d’une semaine devant l’Assemblée. Ils resteront « jusqu’à la formation d’un gouvernement qui puisse prendre des décisions urgentes », a affirmé un autre chômeur, Ali Jedlaoui. Sit-in, grèves et éruptions de violences se multiplient en Tunisie, où tous les indicateurs sont au rouge: croissance nulle voire négative en 2011, et un taux de chômage qui dépassera les 18%, selon le gouverneur de la Banque Centrale tunisienne Mustapha Kamel Nabli. Les tensions entre « islamistes » et « modernistes » se creusent aussi, et les salafistes, bien que minoritaires en Tunisie, donnent de la voix. La faculté des lettres de La Manouba a été contrainte de fermer mardi après de nouveaux incidents provoqués par des manifestants qui contestent l’interdiction du niqab à l’université et ont empêché le doyen de la faculté d’accéder à son bureau. Quelques dizaines de personnes, dont des salafistes, en majorité étrangers à la faculté selon la direction, campent depuis le 28 novembre dans l’enceinte du campus.
Source: ”Le Parisien” Le 07-12-2011
Si le discours officiel du parti Ennahda se veut rassurant, les agressions contre des femmes trop court vêtues au goût des fanatiques peuvent faire craindre une « afghanisation du pays ».
L’université tunisienne est-elle condamnée à subir perpétuellement l’intolérance ? Est-il écrit quelque part qu’elle doit expérimenter éternellement les affres de la violence initiée par les esprits obtus ? Hier c’est la dictature mafieuse de Ben Ali qui avait transformé ce haut lieu du savoir en un espace sous strict contrôle policier d’où toute voix discordante, laïque ou islamiste, était bannie. Aujourd’hui, et alors qu’on croyait avoir franchi les zones de fortes turbulences le 23 octobre dernier [date des législatives], quelques centaines de barbus fortement fanatisés, s’autoproclamant serviteurs de la volonté divine, font régner la terreur parmi les enseignantes et les étudiantes dont les habits ne sont pas assez « islamiques » à leur goût.
L’un des grands paradoxes dont notre pays détient le secret est qu’il y a plus d’un demi-siècle les filles en minijupe passaient inaperçues dans la rue, à l’école et à l’université, et qu’aujourd’hui même les jupes au-dessous du genou suscitent la fureur de ces fanatiques du XXIe siècle qui insultent, fulminent et agressent celles qui ne se conforment pas à leur goût vestimentaire.
A voir l’intensification des agressions physiques et verbales contre les femmes à l’université et la détermination de ces barbus fanatisés à interdire par la violence toute forme de mixité dans les amphithéâtres et les réfectoires universitaires, on a la désagréable impression que la Tunisie s’afghanise, que Tunis se kaboulise et que Sousse et Gabès se kandaharisent. Non, la Tunisie n’est pas l’Afghanistan, Tunis n’est pas Kaboul, et Sousse et Gabès ne sont pas Khost et Kandahar.
Un autre grand paradoxe dont notre pays détient aussi le secret est que les persécuteurs d’aujourd’hui sont les persécutés d’hier. Le harcèlement des femmes dans la rue, à l’université et dans certains lieux de travail a en fait commencé dès le mois de février, quelques semaines après la révolution de la liberté et de la dignité. Mais ce harcèlement s’est intensifié depuis les élections du 23 octobre, qui ont donné à Ennahda la majorité relative à l’Assemblée constituante.
Curieusement, les fanatiques de l’université tunisienne ont interprété cette victoire relative des islamistes comme un événement qui les fortifie dans leurs convictions et aiguise leur désir de faire régner l' »ordre islamique » en interdisant l’accès aux enceintes universitaires à ces « femmes impies » portant jupe ou tailleur. Les cadres d’Ennahda ne sont pas des talibans et Rached Ghannouchi n’a rien à voir avec le mollah Omar. Tous les dirigeants de cette organisation ont insisté jusqu’à l’excès sur leurs convictions démocratiques et leur détermination à faire régner en Tunisie le pluralisme politique, l’alternance au pouvoir, la liberté de la presse et l’indépendance de la justice. C’est un discours rassurant. Mais nous serions plus rassurés encore si ces discours se traduisaient dans la réalité.
Source: “Courrier international” Le 07-12-2011
Lien: http://www.courrierinternational.com/article/2011/12/07/ne-pas-confondre-tunis-et-kaboul
Tunisie: Propositions pour pacifier l’université tunisienne
L’université tunisienne n’est pas au bout de ses peines. Touchée déjà dans son honneur par son trop mauvais classement à l’échelle mondiale -la première faculté tunisienne (celle de Sousse) étant classée 6719ème, cette université, qui devait être un temple du savoir, est actuellement déstabilisée par l’activisme salafiste lequel profite de la faiblesse de l’Etat, après la révolution du 14 janvier, pour «islamiser» cette institution et la ramener à l’âge de pierre.
Les incidents qui viennent d’avoir lieu à la Faculté des Lettres de La Manoubainterpellent la conscience de tous les Tunisiens –ou presque. Est-il besoin de rappeler que les étudiants salafistes qui ont séquestré le doyen de cette faculté revendiquent la non-mixité dans les salles d’enseignement, l’interdiction aux femmes de donner des cours aux étudiants et vice-versa, l’autorisation du port du niqab (burqa) pour les étudiantes, la construction d’une mosquée au sein de ladite faculté, et quoi d’autres encore…
Face à cette situation indigne de la révolution du 14 Janvier, des universitaires et hommes politiques ont proposé, à la hâte, des solutions pour préserver l’immunité de l’université et pacifier le milieu universitaire, en attendant des solutions pérennes.
La première solution, à court terme, est d’ordre sécuritaire. Les salafistes non-étudiants qui se sont introduits à la Faculté des Lettres de La Manouba tombent sous le joug de la loi et peuvent être délogés par la force. Mais il semble que ni le président de l’université de La Manouba, ni le doyen, ni les professeurs, ni les étudiants ne veulent du retour de la police dans l’enceinte universitaire.
La deuxième solution est à l’actif du ministère de l’Enseignement supérieur. Selon Adel Ben Amor, directeur général de la rénovation universitaire au ministère de l’Enseignement supérieur, l’université a été, depuis sa création, hyper-politisée, mais avec l’avènement de la révolution du 14 Janvier, et son corollaire, l’institution de toutes les libertés, y compris celles de penser, de s’exprimer et de manifester, l’université doit retrouver sa vocation essentielle. Celle-là même qui consiste à inculquer le savoir, à élargir la structure mentale des étudiants et à initier à la recherche. Sa proposition est de dépolitiser l’université tunisienne.
La troisième est proposée par Abdelwahab Héni, président du parti Mejd. Interviewé par Radio ExpressFm, il a suggéré deux mécanismes pour pacifier l’université et en faire un cadre de savoir et non de violence.
Il s’agit, selon lui, d’élaborer une charte universitaire devant réglementer les rapports entre les divers intervenants dans le milieu universitaire (administration, professeurs, étudiants…) et de créer la fonction de médiateur universitaire dont la mission consisterait à aplanir les difficultés rencontrées.
Dont acte!
Source: ”wmc” Le 07-12-2011
Devant une conjoncture internationale peu propice, une situation interne instable et des choix économiques non encore clairement exprimés, la Tunisie se trouve dans une situation extrêmement critique.
Par Ferid Belhaj*
Le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (Bct) a choisi le 1er décembre 2011 pour lancer un cri strident d’alarme. Attention, danger ! Le pays est en train de s’enfoncer dans un marasme économique dont il sera extrêmement difficile de sortir. Le constat est sans incertitude et sans nuance. Il est brutal. L’institut d’émission, qui est généralement circonspect, prudent voire souvent muet, a parlé. Et son communiqué résonne lourdement.
La Tunisie n’est pas le premier pays, bien sûr, à s’être retrouvé dans une situation économique grave à la suite de soubresauts politiques et sociaux. Les exemples abondent. A chaque fois, cependant, deux facteurs importants ont joué, qui ont permis la résurgence et le retour à la croissance: (i) des politiques économiques adaptées et courageuses, jointes à la stabilité politique, et (ii) une conjoncture économique internationale porteuse et un voisinage en phase de croissance économique.
Regardons deux exemples, parmi d’autres avant d’examiner succinctement le cas tunisien.
La Turquie, aujourd’hui montrée comme un exemple de croissance, était au bord de la faillite en 2001, il n’y a pas si longtemps. Elle faisait face à la crise économique la plus grave de son histoire moderne. Comment en était-elle arrivée là ? Des années de coalitions gouvernementales difficiles à mener. Une baisse de confiance qui avait engendré une fuite importante des investissements étrangers du pays, et qui a laisse un vide que les banques de la place, non suffisamment capitalisées, ne pouvaient combler. Une crise politique entre le président de la république et son Premier ministre qui a abouti à l’instabilité institutionnelle… Cette combinaison de facteurs rappelle une situation potentielle très proche de nous. Trop proche, peut-être !
Comment créer des emplois quand la machine économique est grippée par les grèves
Il a fallu tout le savoir-faire et la crédibilité de Kemal Dervis, ancien vice-président à la Banque mondiale, qui avait quitté ses fonctions à Washington pour aider au redressement de son pays. Il avait aussi fallu en engagement fort du Fonds monétaire international (Fmi) et de la Banque mondiale, et une conjoncture économique favorable en Europe et en Asie. Plus que tout, c’est grâce à ses réformes financières, à ses choix de politique économique clairs, à l’indépendance de sa banque centrale et à un gouvernement plus stable que la côte de confiance de la Turquie est revenue à un niveau à-même d’attirer l’investissement productif.
Un autre exemple est celui du Maroc. En 1998, le Roi Hassan II avait lancé devant le parlement que le pays était au bord de la crise cardiaque (d’où le titre de cette contribution). Le monarque se basait alors sur un rapport critique de la Banque mondiale. Et le Maroc était en effet, à ce moment-là, dans une situation économique particulièrement délicate. La Tunisie, et j’en suis témoin, était alors montrée comme l’exemple à suivre. Lorsque le gouvernement de Driss Jettou est venu aux affaires en novembre 2002, le pays avait commencé à bouger dans la bonne direction. Les années Jettou virent une accélération importante des réformes et l’articulation d’un discours cohérent et à même d’insuffler la confiance. Le système financier a été réformé, avec la privatisation ordonnée de banques publiques, l’assainissement des mauvaises créances, un rôle accru et stratégique pour la banque centrale (Bank Al Maghrib), et l’adoption d’importantes politiques de promotion du secteur privé. Notre actuel ministre des Finances, Jaloul Ayed, a été l’un des acteurs de cette période. En parallèle, un effort courageux avait été fait pour réformer les secteurs publics, sous la houlette de Nejib Zerouali (aujourd’hui ambassadeur du Maroc en Tunisie).
La réorganisation des secteurs de l’eau et de l’énergie, ainsi qu’une politique volontariste dans le domaine agricole et une initiative forte de réduction des disparités sociales et de la pauvreté ont été engagées.
Tout cela avait été lancé dans une conjoncture internationale porteuse et avec l’appui et la confiance de partenaires financiers multilatéraux comme la Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque africaine de développement (Bad). Tout cela a aussi été fait en consultation avec tous les acteurs de la scène politique marocaine, y inclus le Parti de la justice et du développement (Pjd), récent vainqueur des élections parlementaires, et notamment son secrétaire général de l’époque, Saâdeddine Othmani.
Regardons chez nous et autour de nous pour nous faire une idée de la situation et mesurer ce que nous devons faire pour dépasser ce moment délicat.
En Tunisie, le pays est en proie à l’incertitude tant institutionnelle qu’en termes de choix économiques, voire de société. Beaucoup pensaient (à tort) que donner un blanc-seing à la Constituante, représentante légitime du peuple, et la libérer de tout contre-pouvoir, allait permettre une résolution rapide de l’après-élection. Ce n’est pas le cas. Aujourd’hui c’est l’incertitude et le pays en souffre. A quoi ressemblera le budget de l’Etat ? Comment allons-nous financer toutes ces promesses et tous ces espoirs placés en la révolution ? La loi de finances qui doit supporter le fonctionnement de l’Etat et donner forme au rééquilibrage des priorités tant espéré par les régions déshéritées du pays, celles d’où est partie la contestation, n’est pas encore discutée par la Constituante et, à moins d’un processus sommaire, loin d’être adoptée.
La Tunisie n’a probablement plus l’espace budgétaire nécessaire pour mener une politique contre cyclique de relance. Les réserves sont au plus bas et la récession guette. L’option de lancer un emprunt obligataire dans les circonstances actuelles est limitée et risquée. Cela reviendrait trop cher. Notre crédit auprès des marchés n’est plus ce qu’il était. Quand on voit ce qu’a payé l’Italie lors de sa dernière sortie sur les marches obligataires, 8% pour un coupon sur dix années, nous sommes en droit d’hésiter avant de nous lancer. La Tunisie n’a pas non plus un accès illimité aux ressources financières semi-concessionnelles de la Banque mondiale et de la Bad. Ces institutions peuvent aider, et elles l’ont fait de manière importante au lendemain de la révolution, mais les plafonds des prêts sont ce qu’ils sont.
Allons-nous mettre à contribution la planche à billets ? Respirer une bouffée d’air frais avant de tomber dans l’inflation et la ruine ?Ernest Hemingway, le célèbre auteur de “Pour qui sonne le glas”, écrivait : «The first panacea for a mismanaged nation is inflation of the currency ; the second is war. Both bring a temporary prosperity ; both bring a permanent ruin. But both are the refuge of political and economic opportunists» (‘‘La panacée pour une nation mal gérée c’est l’inflation de sa monnaie ; la seconde panacée est la guerre. Les deux charrient une prospérité temporaire, et les deux portent en eux la ruine permanente. Mais les deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques”).
Il faudra faire extrêmement attention à ne pas laisser le pays aux opportunistes économiques et politiques dont parlait Hemingway, et que l’on ne fasse pas l’erreur de nous jeter dans des aventures aux réveils difficiles. C’est pour cela que l’indépendance de la Banque centrale de tout pouvoir ou influence politique est, aujourd’hui plus que jamais, un enjeu fondamental.
Si la situation est à ce point difficile, le salut viendrait-il de notre environnement le plus immédiat ? Nous sommes en droit d’en douter.
L’Europe est un bateau pris dans la tempête et la situation est à ce point grave que l’on en arrive aujourd’hui à parler d’isoler certains pays de la zone euro de peur que la contamination, du reste déjà avérée, n’emporte la nef et ne la fasse chavirer. Pas de secours immédiat, donc, à espérer de l’autre côté de la Méditerranée. En regardant vers l’est, la Libye, marché prometteur et pourvoyeur potentiel d’emplois et d’énergie, est dans la tourmente avec une visibilité limitée quant à l’avenir.
Un saut vers les pays du Golfe, «frères et amis» et nous retombons dans les schémas éculés et réducteurs de l’assistance au compte goutte. Au plaisir, à l’humeur et au goût de nos interlocuteurs. De là aussi, point de salut ! Quant aux Etats Unis, nous attendrons la matérialisation des promesses d’investissement faites depuis quelques mois avant de nous prononcer.
Donc, en un mot comme en mille : il faudra à la Tunisie compter sur elle même et au nouveau gouvernement de s’atteler sans tarder, et toutes affaires non-économiques cessantes, à juguler la crise qui est déjà là, éviter la récession toute proche et donner au peuple tunisien les moyens de son ambition à la dignité et à la liberté.
De nombreux chantiers doivent être menés de concert. Il en est deux cependant qui me paraissent fondamentaux à ce stade parce qu’ils conditionnent l’activité économique, qu’ils conditionnent la croissance et qu’ils conditionnent la création pérenne d’emplois.
1 – Redonner confiance aux investisseurs tunisiens et étrangers : Le secteur privé sera le moteur de la résurrection de l’économie tunisienne. Il n’en est pas d’autres. Il est de toute première instance de relancer l’appareil d’attraction des capitaux et de mettre en place toutes les incitations possibles au retour de l’investissement. La Tunisie a bâti son économie sur la petite et moyenne entreprise (Pme), notamment dirigée vers l’exportation. C’est vers elle que les efforts doivent se concentrer. Il faut revoir rapidement le cadre règlementaire qui régit les Pme et l’alléger de manière à libérer les énergies entrepreneuriales. Il faut minimiser les étapes nécessaires à la création d’entreprises et lever les obstacles administratifs lourds qui existent encore. Dans un grand nombre de pays, la création d’entreprises se fait en quelques minutes sur internet et l’enregistrement au registre du commerce suit immédiatement. Faisons-le. Notons au passage que lors des premiers mois de la révolution, le ministère de l’Intérieur avait accordé plus de cent visas de création de partis politiques. Avec la conséquence que nous savons ! Que nos ministères du Commerce et de l’Industrie en prennent de la graine et accordent eux aussi des permis d’entreprendre.Ceux-là, au moins, seront utiles, parce que créateurs d’emplois.
2 – Remettre le secteur financier sur les rails et lui permettre d’assurer sa fonction de financier de l’économie. Le secteur financier tunisien n’est pas dans un état optimal. Un nombre de banques sont sous-capitalisées, courbent l’échine sous le poids des mauvaises créances, et n’ont donc pas l’espace financier de contribuer à la croissance du secteur privé productif. D’autres, qui se portent relativement mieux, hésitent à s’engager dans une conjoncture au mieux… incertaine ! Les rumeurs de remise en question de l’indépendance de la Banque centrale, si elles se confirmaient, auraient pour première conséquence d’éloigner plus encore les investisseurs étrangers. Cela lancerait un signal négatif aux banques de la place. Nous serions alors revenus des années en arrière, et serions totalement à contre-courant de nos compétiteurs, et notamment le Maroc qui a su donner à Bank Al Maghrib une autonomie importante et, à travers son mandat, d’assurer la stabilité des prix, son mot à dire dans la conduite de la politique économique du pays.
En conclusion, devant une conjoncture internationale peu propice, une situation interne instable et des choix économiques non encore clairement exprimés, la Tunisie se trouve dans une situation extrêmement critique.
L’avertissement de la Bct doit être entendu. Les appels du patronat doivent être écoutés. Le gouvernement est tenu de répondre vite, sinon il perdra la confiance de ce qui lui reste de partenaires économiques et il perdra la légitimité que lui avaient conférée les élections du 23 octobre.
* Directeur du Département du Pacifique à Banque Mondiale.
Source: “Kapitalis” Le 07-12-2011
Lien: http://www.kapitalis.com/kapital/34-economie/7186-la-tunisie-au-bord-de-la-crise-cardiaque-.html