Résolution du Parlement européen du 3 février 2011 sur la situation en Tunisie
C.R.L.D.H. Tunisie: Monsieur Ahmed Ounaies, ministre tunisien des affaires etrangeres, arretez de parler comme du temps de Ben Ali
Ahmed BEN AMOR: RCD
dissous : soulagement des destouriens
AFP: France: Nicolas Sarkozy tranchera plus tard sur la polémique Alliot-Marie AFP: Monde arabe: l’instabilité peut favoriser l’immigration illégale (Rasmussen) AFP: Tunisie: Le Kef, une ville au bord de la crise de nerfs AFP: Tunisie: le gouvernement engage la bataille contre le RCD de Ben Ali AP: Report: Tunisia PM seeks aid to protect democracy Reuters: La pression monte sur Michèle Alliot-Marie AFP: Tunisie: le Parlement appelé à permettre au président de gouverner par décrets-lois AFP: Tunisie: calme au Kef, plus de 40 blessés dimanche (source hospitalière) AP: Tunisian minister suspends ex-ruling party Reuters: Tunisia takes steps to halt ‘security breakdown’ AFP: Tunisie: la chef de la diplomatie française s’enlise dans la controverse AFP: Tunisie: « soutien » et « vigilance » des députés européens Reuters: Washington veut voir « au-delà de l’horizon » en Egypte
AFP: L’aspiration démocratique, cauchemar d’Al-Qaïda
Résolution du Parlement européen du 3 février 2011 sur la situation en Tunisie
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Le Parlement européen , – vu ses précédentes résolutions sur la situation des droits de l’homme en Tunisie et en particulier ses résolutions du 29 septembre 2005, du 15 décembre 2005 et du 15 juin 2005, – vu l’accord d’association euro-méditerranéen signé entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République tunisienne, d’autre part, en mars 1998, – vu la politique de l’Union sur les droits de l’homme et la démocratisation dans les pays tiers, adoptée par le Conseil en décembre 2005, – vu sa résolution sur la clause relative aux droits de l’homme et à la démocratie dans les accords de l’Union européenne adopté le 16 février 2006, – vu la communication de la Commission du 4 décembre 2006 relative au renforcement de la politique européenne de voisinage (COM(2006)0726), – vu la communication de la Commission «Mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage en 2009, rapport de suivi Tunisie» (COM(2010)207- SEC(2010)513), – vu le plan d’action Union européenne-Tunisie, – vu sa résolution sur la politique de l’Union européenne en faveur des défenseurs des droits de l’homme adopté le 14 mai 2010, – vu la déclaration de l’Union européenne à l’issue de la 8e réunion du Conseil d’association UE-Tunisie qui s’est tenue le 11 mai 2010, – vu les déclarations de Mme Asthon, haute représentante de l’Union, et de M. Stefan Füle, commissaire européen, sur la situation en Tunisie, le 13 janvier 2011 et le 17 janvier 2011, – vu la déclaration de M. Buzek, Président du Parlement européen, sur la situation en Tunisie, le 17 janvier 2011, – vu l’article 110, paragraphe 4, de son règlement, A. considérant que les manifestations populaires et massives qui se sont déroulées dans tout le pays suite à la suite de l’immolation de Mohammed Bouazizi le 17 décembre 2010 ont entraîné le départ du président Ben Ali, le 14 janvier 2011, et ont permis au peuple tunisien de retrouver la liberté et de mettre fin au régime instauré depuis 1987 par le président Ben Ali, aujourd’hui déchu, B. considérant que le mouvement pacifique de protestation a été violemment réprimé par les forces de l’ordre, faisant plus d’une centaine de victimes, C. considérant l’incapacité de l’Union européenne à développer une véritable politique étrangère cohérente et efficace vis-à-vis de ses partenaires; notant en particulier la faiblesse des mécanismes de coopération entre l’Union et la Tunisie et soulignant une nouvelle fois la demande du Parlement européen d’accompagner systématiquement les clauses «droits de l’homme» des accords d’association d’un mécanisme de mise en œuvre effectif de la clause; considérant à ce titre la nécessaire révision de la politique de voisinage en cours, D. considérant les conclusions du Conseil d’association du 11 mai 2010 rappelant à la Tunisie que la réforme de la justice est un élément essentiel d’un véritable rapprochement vers l’Union européenne tout comme le pluralisme et la participation démocratique, les libertés d’expression et d’association et la protection des défenseurs des droits de l’homme; considérant que les autorités tunisiennes n’ont tenu aucun de ces engagements, E. considérant que la Tunisie et l’Union européenne étaient en train de définir le plan d’action pour la période 2011-2016; considérant que ce processus nécessitera des engagements accrus de la part des deux partenaires sur l’ensemble des questions, notamment dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales, F. considérant que l’espoir créé par la fin du régime autoritaire en Tunisie pour une démocratie stable peut contribuer à l’affirmation des mêmes aspirations pour d’autres peuples, 1. exprime sa solidarité avec le peuple tunisien qui, poussé par des aspirations démocratiques légitimes et l’exigence d’une amélioration des conditions sociales et d’accès au travail, a mené son pays à un tournant politique historique; salue à cet égard son courage et sa détermination lors des manifestations et exprime ses condoléances aux familles des victimes et sa solidarité aux blessés; 2. condamne la répression et l’utilisation disproportionnée de la force par les forces de sécurité; se félicite au contraire du comportement suivi par les forces armées qui ont refusé de tirer sur les manifestants; réclame l’ouverture d’une enquête indépendante sur les incidents ayant entraîné des morts et donné lieu à un usage excessif de la force au cours des semaines écoulées, ainsi que sur les pratiques de corruption, et à traduire les coupables en justice; 3. souligne l’importance d’une représentation complète de l’ensemble des forces politiques, sociales, citoyennes et démocratiques tunisiennes, seule à même de doter un gouvernement intérimaire de la confiance de la population et de la légitimité indispensable à la préparation des élections et de la transition démocratique; 4. soutient avec force le processus démocratique; souligne l’importance de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections, dans des délais suffisants pour permettre à l’ensemble des forces d’opposition et à tous les médias de se structurer à l’échelle nationale, d’une nouvelle Assemblée parlementaire chargée d’élaborer une Constitution démocratique respectant l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif et l’indépendance du pouvoir judiciaire; souhaite que toutes les forces démocratiques s’engageant à respecter le pluralisme, la liberté de conscience et l’alternance démocratique puissent participer à cette élection; se félicite à cet égard de la dissolution du ministère de l’information et de la garantie de la liberté d’expression; 5. se félicite du projet de loi sur l’amnistie générale qui doit permettre la libération des prisonniers politiques, le retour des opposants au régime, la reconnaissance de tous les partis d’opposition ainsi que la possibilité aux organisations non gouvernementales de s’enregistrer; 6. demande l’application immédiate par l’Union européene des décisions de blocage des biens mal acquis par la famille Ben Ali et ses proches; salue l’annonce faite par les autorités de restituer à l’État les biens mobiliers et immobiliers du parti RCD; 7. soutient la mise en place des trois commissions, présidées chacune par des personnalités indépendantes et réputées, sur la réforme des institutions et des lois institutionnelles, la lutte contre la corruption et sur les événements postérieurs au 17 décembre; souligne le fait que celles-ci doivent pouvoir agir en toute indépendance et disposer d’un véritable pouvoir d’enquête; estime nécessaire, dans la mesure où elles le souhaitent, que ces commissions puissent bénéficier de l’expertise et du soutien du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et des mécanismes pertinents des Nations unies; 8. demande à la haute représentante de promouvoir la constitution d’une «task force», avec la participation du Parlement européen, permettant de répondre aux besoins d’accompagnement du processus de transition démocratique tels qu’exprimés par les acteurs du changement démocratique, en particulier concernant la préparation d’élections libres et démocratiques, le soutien à la formation de partis politiques et à l’émergence de médias indépendants, ainsi que la reconstruction d’un appareil d’État transparent et indépendant du pouvoir politique et d’une justice équitable et indépendante; 9. invite la haute représentante et vice-présidente à appuyer le prochain processus électoral en envoyant en Tunisie une mission d’observation électorale; 10 appelle le Conseil, la Commission et la haute représentante de l’Union européenne à se tenir en conséquence prêts à réorienter les fonds – et, au besoin, à les augmenter – des différents instruments financiers de coopération UE-Tunisie; 11. demande à la Commission et à la BEI d’envisager le soutien à la Tunisie par le biais de prêts à taux bonifiés, afin de permettre à l’économie tunisienne de se diversifier et de donner des perspectives d’emplois qualifiés à la jeunesse tunisienne, dans le cadre d’un véritable contrat de développement favorisant les investissements productifs locaux et étrangers; 12. demande à la Commission de favoriser, y compris financièrement, l’appui et l’aide que la société civile européenne peut apporter à la société civile tunisienne, en particulier les associations de défense de droits de l’homme et les partenaires sociaux; 13. appelle instamment l’Union européenne à tirer les leçons de l’exemple tunisien et à revoir sa politique de soutien à la démocratie et aux droits de l’homme en mettant en place un mécanisme permettant la mise en œuvre de la clause de droits de l’homme dans tous les accords avec les pays tiers; insiste pour que la révision de la politique de voisinage accorde la priorité aux critères portant sur l’indépendance de la justice, le respect des libertés fondamentales, le pluralisme et la liberté de la presse et la lutte contre la corruption; invite à une meilleure coordination avec les autres politiques menées par l’Union avec ces pays; 14. estime que la lutte contre la corruption et le renforcement de l’État de droit dans les pays tiers sont des critères fondamentaux pour répondre aux attentes des peuples et attirer les investissements étrangers; 15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, à la haute représentante, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée, ainsi qu’au gouvernement intérimaire et au parlement tunisiens. |
Dernière mise à jour: 4 février 2011 |
La Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI)
LA TUNISIE ANNONCE SON INTENTION DE RATIFIER LE STATUT DE ROME
Les premières mesures du gouvernement intérimaire comprennent l’engagement en faveur des droits de l’homme
7 février 2011 Amman, Jordanie – La Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI) salue l’important engagement fait par le gouvernement de Tunisie en faveur de l’adhésion au Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Lors d’une conférence de presse tenue à la suite de la première réunion du Cabinet du gouvernement intérimaire de Tunisie le 2 février 2011, M. Taieb Baccouch, ministre de l’Éducation et porte-parole du gouvernement intérimaire, a indiqué que le gouvernement intérimaire préparait l’adhésion à d’importants traités internationaux des droits de l’homme, y compris le Statut de Rome de la CPI. La Coalition pour la Cour pénale internationale se réjouit de l’engagement rapide du gouvernement intérimaire en faveur de la justice. L’adhésion de la Tunisie enverrait un message fort au monde arabe, qui est sous-représenté à la CPI – la première cour internationale capable de poursuivre les responsables de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. « C’est un événement historique pour la Tunisie. C’est un moment historique pour le monde arabe », a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et ancienne Vice-présidente de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. « Le temps est venu pour notre pays de rejoindre la communauté internationale dans la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves, et de faire les engagements les plus vifs en faveur de la justice et des réparations pour les victimes des pires atrocités », a-t-elle ajouté. Le gouvernement tunisien peut ratifier le traité par décret présidentiel comme stipule par l’article 28 de l’actuelle Constitution. Après les élections, qui doivent se tenir vers la fin de l’année, la loi entrerait en vigueur une fois ratifiée par le prochain Parlement. « C’est une priorité pour le gouvernement et son engagement est sérieux parce qu’il a décidé de ratifier le Statut de Rome lors de sa deuxième réunion », a déclaré le Dr. Amor Boubakri, professeur à l’université de Sousse et membre de la Coalition et d’Amnesty International–Tunisie. « Le Statut de Rome sera ratifié par décret présidentiel du fait que l’actuel Parlement ne peut pas adopter le texte en raison de son affiliation politique avec le régime de Ben Ali. Mais la loi-décret présidentiel sera suffisant pour rendre les obligations de la Tunisie envers le Statut de Rome contraignantes. » La région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MOAN) ne compte pour l’instant qu’un seul État partie à la CPI, à savoir le Royaume hachémite de Jordanie, un pays membre de la Ligue arabe ayant ratifié le Statut de Rome en 2002. Deux autres membres de la Ligue arabe, les Comores et Djibouti, sont également États parties au Statut de Rome, ceux-ci ayant respectivement ratifié en août 2006 et novembre 2002. Le soutien en faveur du Statut de Rome de la CPI est un objectif clé visant à garantir une CPI véritablement universelle. Afin que le système du Statut de Rome réussisse, une plus grande majorité des pays du monde doivent soutenir la Cour et son traité fondateur. La Coalition se focalise en particulier sur les pays sous-représentés à la CPI, tels que les pays d’Asie et du Moyen-Orient, et continue son intense travail de plaidoyer dans les États non parties sur l’importance de rejoindre ce système de justice internationale fondamental créé par le Statut de Rome et représenté par la CPI. Contexte : La CPI est la première cour internationale permanente au monde à poursuivre les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Il existe actuellement 114 États parties. Central au mandat de la Cour est le principe de complémentarité qui stipule que la Cour n’interviendra que si les juridictions nationales sont incapables ou n’ont pas la volonté d’enquêter et de poursuivre de tels crimes. À ce jour, la CPI a ouvert des enquêtes dans cinq situations: en République centrafricaine, au Darfour (Soudan), en Ouganda, en République démocratique du Congo et au Kenya. Elle a émis douze mandats d’arrêt et trois citations à comparaître. Deux procès sont en cours et un troisième devrait s’ouvrir en 2010. Le Bureau du procureur de la CPI a rendu déclaré publiquement examiné au moins huit situations sur quatre continents, dont en Afghanistan, en Colombie, en Côte d’Ivoire, en Géorgie, en Guinée et en Palestine. La Coalition pour la Cour pénale internationale est un réseau mondial des organisations de la société civile dans 150 pays œuvrant pour une Cour pénale internationale juste, efficace et indépendante et un meilleur accès à la justice pour les victimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Pour plus d’informations, veuillez consulter: www.coalitionfortheicc.org Des experts d’ONG sont disponibles pour des interviews et commentaires. La liste d’experts est disponible sur demande en envoyant un email à :maillet@coalitionfortheicc.org
The Coalition for the International Criminal Court (CICC) TUNISIA EXPRESSES INTENT TO RATIFY THE ROME STATUTE
First Steps of Interim Government Include Commitment to Human Rights
Amman, Jordan – The Coalition for the International Criminal Court (CICC) welcomes the important commitment made by the Tunisian Government toward accession to the Rome Statute, the founding treaty of the International Criminal Court (ICC). During a press conference after the first cabinet meeting of the interim government in Tunisia on 2 February 2011, Mr. Taieb Baccouch, Minister of Education and Interim Government Spokesperson, indicated that the interim government was prepared to adhere to many important international human rights treaties, including the Rome Statute. The Coalition for the International Criminal Court applauds the interim government’s early commitment to justice. Tunisia ’s ratification would send a strong message to the Arab world, which is under-represented at the ICC – the first permanent international court capable of trying perpetrators of genocide, crimes against humanity, and war crimes. « It is a historic moment for Tunisia . It is a historic moment for the Arab world,” stated Souhayr Belhassen, President of the International Federation for Human Rights (FIDH) and former Vice-President of the Tunisian League for Human Rights. “The time has come for our countries to join the international community in the fight against impunity for the most serious crimes, and to make the strongest commitment for justice and redress for victims of grave atrocities, » she added. The Tunisian government can ratify the Treaty by a presidential decree as laid out by Article 28 of the current Constitution. After the elections, which are due to occur later this year, the law would go into effect once ratified by the future parliament. “It is a priority for the government and its commitment is serious because it decided to ratify the Rome Statute just in its second meeting,” said Coalition member Dr. Amor Boubakri, Professor at the University of Sousse and Member of Amnesty International–Tunisia. “The Rome Statute will be ratified by a presidential decree because the present parliament cannot adopt the text for its political affiliation to Ben Ali’s regime. But the supposed presidential decree-law will be enough to bind the Tunisian state vis-à-vis Rome Statute,” he explained. The Middle East and North Africa (MENA) region at this time has one ICC state party – the Hashemite Kingdom of Jordan, a member of the League of Arab States, which ratified the Rome Statute in 2002. Two other members of the League of Arab States, the Comoros Islands and Djibouti , are also states parties to the Rome Statute, having ratified in August 2006 and November 2002, respectively. Supporting ratification of the Rome Statute of the ICC is a cornerstone objective to ensure a truly global and universal membership at the ICC. In order for the Rome Statute system to succeed, an increasing majority of the world’s nations must support the Court and its founding treaty. The Coalition focuses its efforts in particular in regions under-represented at the ICC, such as Asia and the Middle East , and continues to advocate strongly in non-party states on the importance of joining this fundamental international justice system, created by the Rome Statute and represented by the ICC. Background: The ICC is the world’s first permanent international court to prosecute war crimes, crimes against humanity and genocide. There are currently 114 ICC states parties. Central to the Court’s mandate is the principle of complementarity, which holds that the Court will only intervene if national legal systems are unable or unwilling to investigate and prosecute perpetrators of genocide, crimes against humanity and war crimes. There are currently five active investigations before the Court: the Central African Republic ; the Democratic Republic of the Congo ; Darfur, the Sudan ; Uganda , and Kenya . The ICC has publicly issued 12 arrest warrants and three summonses to appear. Three trials are ongoing. The Office of the Prosecutor has made public that it is examining at least ten situations on four continents, including Afghanistan , Chad , Colombia , Côte d’Ivoire , Georgia , Guinea , Honduras , South Korea , Nigeria , and Palestine . The Coalition for the International Criminal Court is a global network of civil society organizations in 150 countries advocating for a fair, effective and independent International Criminal Court and improved access to justice for victims of genocide, war crimes and crimes against humanity. For additional information, please visit: www.coalitionfortheicc.org Coalition NGO experts are available for interviews and background. List available upon request to maillet@coalitionfortheicc.org
C.R.L.D.H. Tunisie اللجنةمن أجل احترام الحريات وحقوق الإنسان في تونس Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie Membre du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme 21ter rue Voltaire – FR-75011 PARIS – Tel/Fax : 00.33.(0)1.43.72.97.34
Monsieur Ahmed OUNAIES, Ministre tunisien des Affaires Etrangères, arrêtez de parler comme du temps de BeN Ali
Lors de votre premier voyage en Europe en tant que ministre des Affaires Etrangères du gouvernement de transition issu de la Révolution, vous avez tenu des propos indignes de votre rang et de votre fonction.
En Belgique lors d’un point de presse, en présence de Mme Aston Haute Représentante de l’Union Européenne vous vous êtes permis de qualifier le régime du dictateur Ben ali comme une « simple parenthèse despotique » ; vous avez continué vos propos ahurissants en disant« qu’avec les derniers événements qui ont précipité le départ de Ben Ali la Tunisie a achevé une course qui n‘a rien à voir avec une révolution. »
Comme si cela ne suffisait pas, vous avez récidivé en France en prenant à contre-pied l’ensemble de l’opinion publique et les médias en couvrant d’éloges la Ministre des affaires Etrangères, Madame Michèle Alliot Marie, en disant que « Parler à côté de Michèle Alliot-Marie, c’est pour moi un honneur, c’était peut-être un petit rêve que je faisais, et que l’histoire ou l’accélération de l’histoire m’a permis de réaliser » rajoutant: «J’aime écouter Michèle Alliot-Marie en toutes circonstances et dans toutes les tribunes» et finalement vous avez osé dire «Je sais que vous êtes avant tout une amie de la Tunisie, parce que la France est l’amie de la démocratie, la France est l’amie des libertés, et donc Michèle Alliot-Marie, au nom de la France, est l’amie de la Tunisie d’aujourd’hui, qui aspire à enraciner la démocratie dans ses institutions.» parlant de « réconfort» que la Tunisie a trouvé «chez ses amis français», «dès l’amorce de son nouvel engagement, et d’abord chez Michèle Alliot-Marie».
Le CRLDHT dénonce ces déclarations qui dénaturent la réalité du processus libérateur en cours en Tunisie. Parler de parenthèse despotique de la dictature de Ben Ali est une offense aux martyres de la révolution. Le CRLDHT se doit de rappeler que le ministre des affaires étrangères a rejoint le gouvernement suite aux manifestations qui exigeaient le départ des ministres issus de l’ancien parti de Ben Ali le RCD.
En outre vos propos concernant Mme Alliot-Marie sont de véritables courbettes pleines de contre-vérités dignes d’une dictature bananière.
Le CRLDHT demande que la diplomatie tunisienne rompe définitivement avec la langue de bois obséquieuse et mensongère de l’ancien régime. La nouvelle diplomatie tunisienne doit être fidèle aux sacrifices des martyrs pour la démocratie et la liberté et à la hauteur des événements révolutionnaires qui sont en train de marquer toute la méditerranée du Sud.
Paris, le 7 février 2011.
Tunis, le 4 Février 2011 Communiqué Harlem Désir, secrétaire national à la coordination Pouria Amirshahi, secrétaire national à la coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’Homme
Délégation du Parti socialiste en Tunisie
Une délégation du PS s’est rendue à Tunis les jeudi 3 et vendredi 4 février. Harlem Désir et Pouria Amirshahi ont rencontré les organisations de la société civile et les partis démocratiques et progressistes acteurs de la révolution tunisienne : la ligue tunisienne des droits de l’Homme, le syndicat UGTT, le Forum démocratique pour le travail et les libertés, le PDP, ETTAJDID, le PCOT et de nombreuses personnalités parmi lesquelles Moktar Trifi, Souhayrb Belhassen, Mustafa Ben Jaafar, Hamma Hammami, Radia Nasraoui, Taoufik Ben Brick et Ahmed Mestiri. Le Parti socialiste apporte son soutien à toutes les forces démocratiques engagées dans la construction d’une Tunisie nouvelle. Il appelle le gouvernement français à en finir avec les hésitations, les ambiguïtés et les compromissions passées qui ont nuit gravement à l’image de la France. Notre pays doit maintenant pleinement s’engager aux côtés du peuple tunisien pour la réussite de la transition démocratique. Il faut bâtir une nouvelle coopération entre la France et la Tunisie fondée sur le respect et le progrès partagé. Le Parti socialiste apportera concrètement son aide au cours des mois qui viennent aux organisations qui œuvrent à la construction d’une démocratie durable et irréversible en Tunisie. Il enverra de nouvelles délégations dans les prochaines semaines.
Le CRLDHT vous invite à une rencontre afin de débattre du soulèvement, en Tunisie, de la jeunesse et du peuple. Celui-ci a engagé le pays dans un processus révolutionnaire de transition démocratique dont les enjeux dépassent l’avenir de la démocratie dans ce seul pays et ouvre la voie aux peuples arabes qui revendiquent leurs droits à la dignité, à la liberté et à la justice sociale. Face à ces défis, et surtout pour répondre à ce formidable espoir d’une transition démocratique, le rôle des partenaires de la Tunisie, à commencer par ceux de l’opinion publique et de la société civile, en France et en Europe, sera décisif pour soutenir les forces démocratiques. Avec la participation de défenseurs des droits de l’Homme de retour de Tunisie : Kamel Jendoubi, Président du REMDH et du Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie Khémais Chammari, Membre honoraire du REMDH et du Comité pour le Respect des Libertés et des droits de l’Homme en Tunisie Tarek Ben Hiba, Président de la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives et Secrétaire général du Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie La rencontre sera suivie d’une réception amicale en hommage au peuple tunisien. Contact : Mouhieddine Cherbib 06.15.57.79.14 – Iyed Dahmani 06.26.83.78.26 – crldht@gmail.com
RCD DISSOUS : SOULAGEMENT DES DESTOURIENS
Le COLLECTIF VIVE LA TUNISIE LIBRE ET PROSPÈRE et le gazier du RCD.
Le Corrompu ne perd jamais son temps, il perd celui des autres.
France: Nicolas Sarkozy tranchera plus tard sur la polémique Alliot-Marie
Monde arabe: l’instabilité peut favoriser l’immigration illégale (Rasmussen)
Tunisie: Le Kef, une ville au bord de la crise de nerfs
Tunisie: le gouvernement engage la bataille contre le RCD de Ben Ali
Associated Press, le 7 février 2011 à 12h08 GMT
Report: Tunisia PM seeks aid to protect democracy
La pression monte sur Michèle Alliot-Marie
Tunisie: le Parlement appelé à permettre au président de gouverner par décrets-lois
Tunisie: calme au Kef, plus de 40 blessés dimanche (source hospitalière)
Tunisian minister suspends ex-ruling party
Tunisia takes steps to halt ‘security breakdown’
Tunisie: la chef de la diplomatie française s’enlise dans la controverse
Tunisie: « soutien » et « vigilance » des députés européens
ANALYSE : Washington veut voir « au-delà de l’horizon » en Egypte
L’aspiration démocratique, cauchemar d’Al-Qaïda
Le Corrompu ne perd jamais son temps, il perd celui des autres.
Un «groupe de diplomates tunisiens» souligne les problèmes devant être réglés en priorité «dans l’intérêt de la diplomatie tunisienne dans le contexte de la politique de la promotion de l’image de la Tunisie à l’étranger».
Dans le texte qu’il nous a fait parvenir, et dont nous reproduisons ici l’essentiel, ledit «groupe» commence par présenter des éléments d’information à propos des nombreux ambassadeurs actuellement en poste mais qui n’appartiennent pas au ministère des Affaires étrangères.
Les obligés de l’ex-président et de son épouse Selon le «groupe de diplomates tunisiens», plus de 60% des chefs de missions diplomatiques et consulaires tunisiennes ne sont pas des fonctionnaires du ministère et ont été désignés par le président déchu pour des considérations personnelles. Ces nominations sont, dans la majeure partie des cas, «des rétributions pour service rendus ou pour la sauvegarde des intérêts» de sa famille et de son épouse. Voici, par ailleurs, la liste de ces ambassadeurs et leurs affectations tels que précisés par le «groupe»: Mongi Bedoui (Le Caire), Mustapha Bahia (Koweit), Sadok Korbi (Rabat), Raouf Najjar (Paris), Habib Achour (Rome), Ali Chaouch (Vienne), Mohamed Ridha Kechrid (Madrid), Mahmoud Karoui (Lisbonne), Houria Ferchichi (Belgrade), Haj Glai (Ankara), Lyes Ben Marzouk (New Delhi), Aberrahmen Kraiem (Séoul), Noureddine Hached (Tokyo, qui a annoncé sa démission), Mezri Haddad (Unesco, a annocé sa démission le 13 janvier- NDLR), Moncef Gouja (Abuja), Chakib Dhaouadi (Ramallah), Alifa Farouk (Berlin), Rafia Baouendi (Berne), Abbes Mohsen (La Haye), Chokri Hermassi (Dakar), Ridha Massoudi (Yamossoukro), Seifeddine Cherif (Brasilia), Kamel Haj Sassi (Prague), Abdelrahmane Belhaj Ali (La Valette), Ahmed Mahjoub (Pretoria), Habib Mbarek (Alger), Mohamed Samir Abdallah (Beyrouth) et Said Naceur Ramadhan (Khartoum). Ces ambassadeurs n’ayant, avant leur nomination, aucune notion de la diplomatie ni des relations internationales, les missions qu’ils dirigent fonctionnent grâce aux cadres du ministère, diplomates de vocation. Selon des communiqués de presse, une décision a été prise le 29 janvier pour effectuer un mouvement substantiel dans le corps des ambassadeurs. Officiellement, les autorités concernées sont restées silencieuses sur la question. Du coup, et selon des informations vérifiés au niveau des missions diplomatiques concernées, les ambassadeurs en question sont en train de manœuvrer en vue d’être maintenus. Pour preuve: certains d’entre eux ont même commencé les préparatifs des réceptions pour célébrer le 20 mars. «Sont-ils vraiment les meilleurs représentants de la Tunisie actuelle?», s’interroge le groupe de diplomates. Par ailleurs, des rumeurs non vérifiées nous apprennent que l’actuel ministre des Affaires étrangères, Ahmed Ounaies, aurait l’intention de faire appel à d’anciens fonctionnaires du département qui se trouvent à la retraite depuis un certain nombre d’années pour remplacer les ambassadeurs nommés par l’ex-président et son clan.
Pour une révision des rémunérations
Concernant la rémunération des diplomates tunisiens en poste à l’étranger, le «groupe de diplomates» précise qu’ils sont parmi les plus mal payés du monde. En effet, il n’y a eu que deux augmentations de salaire mineures en 20 ans (5% en 2003 et 7% en 2010). La grille des salaires à l’étranger ne reflète en rien le niveau de vie des pays d’accueil des missions tunisiennes sans compter le renchérissement continu de la vie. Cet état de fait a une incidence directe sur le rendement du diplomate tunisien qui se trouve souvent dans l’incapacité matérielle de représenter dignement son pays et d’accomplir dans les meilleures conditions sa mission. Les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères tunisien, pour leur part, sont régis par un statut particulier entré en vigueur en 1991, qui ne prévoit pas de prime spécifique au corps comme c’est le cas de tous les autres corps constitués (magistrats, médecins, enseignants….). Le «groupe de diplomates» souhaite que toutes ces questions soient soulevées avec le nouveau ministre des Affaires étrangères, qui est un diplomate à la retraite, en vue d’une meilleure visibilité et de transparence visant à l’assainissement de l’environnement de travail au sein du ministère.
(Source : « Kapitalis » (Tunis), le 7 Février 2011 à 08h06)
PASCAL BONIFACE (*)
Tout le monde devrait se réjouir de la contestation du régime répressif de Moubarak en Égypte. Mais la joie de voir la mise en place d’une véritable démocratie dans ce grand pays arabe est gâchée par une sombre perspective : la prise du pouvoir par les Frères Musulmans. Mais alors que The Economist qui n’est pas précisément un organe islamo-gauchiste se réjouit d’une révolte pacifique, populaire et séculière, trois des principaux intellectuels médiatiques français sont heureusement là pour mettre en garde les naïfs qui stupidement sont toujours prêts à applaudir à la chute des dictateurs.
Dans le Figaro des 29 et 30 janvier, Alexandre Adler est le premier à tirer la sonnette d’alarme dans sa chronique intitulée « Vers une dictature intégriste au Caire ? » dans laquelle il qualifie au passage Mohamed El Baradei, l’une des figures de proue de l’opposition à Moubarak de « pervers polymorphe ».
Alain Finkielkraut prend le relais dans Libération du 3 février. Il se demande si Mohamed El Baradei sera « l’homme de la transition démocratique ou l’idiot utile de l’islamisme » et doute de la possibilité de l’instauration d’un régime démocratique en Égypte à cause des Frères musulmans. Selon lui, il y avait une tradition démocratique en Europe de l’Est mais il doute qu’il y en ait une en Egypte. C’est faux et stupide à la fois. Seule la Tchécoslovaquie avait été une démocratie avant l’instauration du communisme en Europe de l’Est. Et il est curieux d’exiger le préalable d’une tradition démocratique pour une nation qui veut justement faire chuter une dictature. Dans Le Point (dont la couverture est sobrement intitulée « le spectre islamiste »), BHL avoue sa crainte de voir les fondamentalistes bénéficier de la chute de Moubarak avec la perspective d’une Égypte qui suivrait l’exemple iranien.
Ces trois intellectuels relaient en fait les craintes israéliennes face au changement politique en Égypte. Ce qui est assez amusant c’est que les mêmes qui ont dénoncé pendant des lustres l’absence de régimes démocratiques dans le monde arabe s’inquiètent désormais de la possibilité qu’il en existe. Cela ferait tomber leur argument de « Israël la seule démocratie du Proche-Orient » qu’ils psalmodient. Mais surtout cela pourrait signifier la mise en place de régimes moins accommodants avec Israël. Or c’est leur principale pour ne pas dire unique préoccupation.
Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’ils soient passés complètement à côté de la révolution tunisienne ; ils n’ont ni soutenu la révolte populaire comme ils ont pu le faire pour l’Iran, (la Tunisie n’est pas hostile à Israël donc on n’y soutient pas les revendications démocratiques) ni ne se sont inquiétés de ses conséquences comme ils le font pour l’Égypte (la Tunisie n’a pas un rôle clé au Proche Orient).
Ils font un parallèle entre la mise en place d’un régime répressif islamiste en Iran après 1979 et ce qui pourrait se produire en Égypte. Comparaison n’est pas raison ; si le régime des mollahs a pu s’imposer en Iran, c’est en grande partie du fait des craintes d’interventions extérieures américaines (et du précédent Mossadegh) et face à l’agression à partir de 1980 de Saddam Hussein, à l’époque soutenu unanimement par le monde occidental. Le sentiment de menace extérieure a largement servi le régime iranien pour se maintenir en place. C’est d’ailleurs une règle générale qui ne vaut pas que pour l’Iran.
Curieusement nos trois vedettes médiatiques qui s’inquiètent fortement de l’arrivée au pouvoir d’un mouvement intégriste religieux n’ont jamais rien dit contre le fait qu’en Israël un parti de de cette nature soit membre depuis longtemps de la coalition gouvernementale. Le parti Shass un parti extrémiste religieux (et raciste) est au pouvoir en Israël avec un autre parti d’extrême droite celui-ci laïc et tout aussi raciste, Israel Beiteinu. Ces deux partis alliés au Likoud essaient d’ailleurs de restreindre les libertés politiques et mettent une très forte pression sur les différentes O.N.G. de défense de droits de l’homme sans que nos trois intellectuels s’en émeuvent particulièrement.
Les Frères musulmans peuvent-ils prendre seul le pouvoir ? C’est fortement improbable pour ne pas dire impossible. Un gouvernement auquel éventuellement participeraient les Frères musulmans pourrait lever le blocus sur Gaza. Il ne se lancerait pas dans une guerre contre Israël du fait du rapport de forces militaires largement favorable à Israël sans parler de l’appui stratégique américain. Ce qui pourrait se produire par contre, c’est qu’un autre gouvernement égyptien soit moins accommodant avec l’actuelle coalition de droite et d’extrême-droite au pouvoir en Israël. Mais est-ce si grave qu’un pays démocratique d’une part ait une politique indépendante et d’autre part ne laisse pas carte blanche à un gouvernement de droite et d’extrême-droite ?
Les masques tombent. Nos trois intellectuels dénoncent un éventuel extrémisme en Egypte mais soutiennent celui au pouvoir en Israël. Ils critiquent l’absence de démocratie dans le monde arabe mais s’émeuvent dès qu’elle est en marche. Leur priorité n’est pas la démocratie mais la docilité à l’égard d’Israël, fut-il gouverné avec l’extrême droite.
(*) Pascal Boniface est Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d’Etudes européennes de l’Université de Paris 8.
Pascal Boniface dirige également La revue internationale et stratégique (parution trimestrielle depuis 1991) et L’Année stratégique (parution annuelle depuis 1985).
Il a écrit ou dirigé la publication d’une quarantaine d’ouvrages ayant pour thème les relations internationales, les questions nucléaires et de désarmement, les rapports de force entre les puissances, ou encore la politique étrangère française ou l’impact du sport dans les relations internationales.
Pascal Boniface publie de nombreux articles dans des revues internationales de géopolitique et intervient régulièrement dans les médias, qu’ils soient nationaux ou internationaux, écrits ou audiovisuels.
Il est éditorialiste pour l’hebdomadaire Réalités (Tunisie), et les quotidiens La Croix (France), La Vanguardia (Espagne), et Al Ittihad (Emirats arabes unis).
Pascal Boniface a présidé la Commission de prospective sur l’avenir du football auprès de la Fédération française de Football. Il est aujourd’hui Secrétaire général de la Fondation du football.
Pascal Boniface est Chevalier de l’Ordre national du mérite et Chevalier de la Légion d’honneur.
(Source : le blog de Pascal Boniface, le 7 février 2011)
Retour sur la révolte du bassin minier. Les cinq leçons politiques d’un conflit social
Lorsqu’elle a éclaté au début de l’année 2008, personne ne soupçonnait l’ampleur qu’allait prendre la révolte du bassin minier de Gafsa. Limitée au départ à des revendications socioprofessionnelles, elle a progressivement revêtu une dimension politique et protestataire qui fait d’elle un mouvement social emblématique de la crise du « système Ben Ali ». Sur le plan sécuritaire d’abord, où les modes d’encadrement autoritaires habituels se sont rapidement avérés incapables de contenir la contestation sociale, au point de remettre en cause la cohérence du dispositif répressif. Sur le plan économique, ensuite, la révolte du bassin minier est venue égratigner sérieusement le mythe de la « Tunisie dragon d’Afrique », le chômage, la précarité généralisée et la corruption constituant les principaux moteurs de la protestation. Sur le plan politique, enfin, dans la mesure où les forces d’opposition classiques et les syndicats se sont retrouvés dépassés par l’audace protestataire de citoyens ordinaires. En ce sens, le mouvement social du bassin minier est porteur de « leçons politiques », sur lesquelles il est nécessaire de revenir, afin d’appréhender la dégénérescence du Pacte de sécurité mis en place par le régime au cours de la décennie précédente.
by Larbi Chouikha , Vincent Geisser
(31 January 2011)
Au début de l’année de 2008 éclatait dans le bassin minier de Gafsa l’un des plus grands mouvements sociaux qu’ait connu la Tunisie depuis son indépendance. Au départ, personne n’aurait pensé, dans un pays totalement verrouillé par l’appareil sécuritaire, que des mères de familles, des adolescents, des « petites gens », des diplômés chômeurs ou de simples militants syndicaux puissent défier le régime des mois durant, au point que la « révolte » est considérée aujourd’hui comme le symbole de la résistance populaire à l’autoritarisme benalien. Alors que tous les observateurs étaient braqués sur la campagne pour les élections présidentielle et législative d’octobre 2009 et, que les opposants cooptés ou indépendants se mettaient déjà en marche pour participer symboliquement ou boycotter énergiquement un « scrutin sur mesure », l’expression du ras-le-bol a explosé là où on ne l’attendait pas forcément : la Tunisie de l’intérieur, déshéritée et oubliée (les « zones d’ombre » pour reprendre la rhétorique officielle du régime1) qui n’intéresse finalement pas grand monde et encore moins les correspondants de la presse étrangère trop accoutumés à leurs réseaux d’informateurs des « beaux quartiers » de la capitale (le triangle La Marsa-Sidi Bousaïd-Carthage). Et, il est vrai, qu’au départ, comme le souligne pertinemment le politologue Amin Allal (2010), le « mouvement » du bassin minier n’a pas été vraiment pris au sérieux par les partis d’opposition et les organisations des droits de l’Homme basés à Tunis, qui ont voulu y voir la résurgence d’une « révolte tribale », que le pouvoir n’aurait aucune difficulté à étouffer dans l’œuf par la distribution de gratifications matérielles et de subventions en tout genre. Selon cette vision élitiste, le clientélisme d’État n’aurait aucun mal à venir à bout de la colère des gueux, peu politisés et facilement « achetables », en dépit du fait que Gafsa reste dans l’esprit de nombreux Tunisiens la « ville indomptable » en référence à une très ancienne tradition de luttes syndicales et aux événements de 1980 (Baduel, 1982, p. 521-574). Or, c’est tout le contraire qui s’est passé : au fil des jours, le mouvement social n’a cessé de se politiser et de revêtir une dimension protestataire, outrepassant largement les registres social et professionnel des premiers temps (demandes d’embauche collective dans la Compagnie des phosphates de Gafsa).
Avec du recul, les analyses produites par les social scientists (Allal, 2010 ; Chouikha et Gobe, 2009, p. 387-420) et les observateurs engagés2 ont convergé pour mettre en exergue la charge politique et contestataire de la révolte du bassin minier, au point de se demander si elle n’anticipait pas les contours d’un mouvement social à venir qui, à moyen terme, pourrait ébranler les bases du régime. En somme, les spécialistes du champ politique tunisien ont longtemps estimé que les changements au « pays du jasmin » viendraient du « sérail tunisois » et des milieux élitaires : le mouvement de Gafsa laisse à penser, au contraire, que le « pays de l’intérieur » pourrait jouer aussi un rôle dans la redéfinition des enjeux politiques futurs et la transition vers un nouveau type de régime. La répression policière et judiciaire du mouvement (procès en première instance des 4 et 11 décembre 2008 et procès en appel du 3 février 2009) et la « clémence présidentielle » (libération des condamnés du bassin minier à l’occasion de la fête du 7 novembre 20093) n’enlèvent rien à la charge subversive de la révolte. Cette dernière continue à marquer les mémoires et sert consciemment ou inconsciemment de « modèle de mobilisation », même si celui-ci n’a jamais été pensé par les acteurs protestataires. Pour le dire plus simplement : désormais, il y aura un avant et un après Redeyef4. De ce point de vue, cinq « leçons politiques » peuvent être tirées de ce mouvement social inédit dans la Tunisie indépendante.
Le syndicat de salariés, l’UGTT, apparaît bien comme le « maillon faible » des agences de pouvoir (Camau et Geisser, 2003 ; Gobe, 2006, p. 174-192) : si la direction nationale est prompte à collaborer avec le gouvernement et, en particulier, avec le ministère de l’Intérieur, pour pacifier les luttes sociales, les instances régionales et locales, davantage proches de la base militante et de la population, ont montré qu’elles pouvaient à tout moment faire preuve d’audace protestataire, refusant toute forme d’allégeance au régime.
A contrario, les partis de l’opposition indépendante et les organisations des droits de l’Homme, en dépit d’une bonne insertion dans les réseaux internationaux et d’un soutien tardif aux activistes du bassin minier, sont apparus en total décalage avec le mouvement social, évoluant dans une « bulle élitaire », certes objet de tracasseries policières permanentes, mais finalement peu menaçantes pour les assises du régime. Pire, la majorité des intellectuels tunisiens se sont montrés relativement indifférents au mouvement social, comme si celui-ci par sa « nature populaire » n’était porteur d’aucune signification politique5.
Car, il est vrai qu’une sociologie « fine » des émeutiers du bassin minier6 révèle la prédominance des membres des classes populaires, des diplômés au chômage, des anciens salariés prolétarisés, des femmes seules avec enfants (veuves de mineurs), etc., qui contraste point par point avec l’assise sociale des partis et des ONG ayant pignon sur rue. Même les leaders du mouvement, membres des syndicats de base, appartiennent généralement à la classe moyenne intellectuelle en voie de paupérisation.
Contrairement à toutes les analyses qui soulignent une distanciation de facto entre les Tunisiens de l’intérieur et ceux de l’extérieur (immigrés, réfugiés politiques, anciens opposants islamistes et gauchistes), certains milieux de la diaspora tunisienne ont joué un rôle central dans les mobilisations, davantage impliqués que les élites tunisoises. Les « Tunisiens de l’étranger » ont non seulement contribué à rendre visible le mouvement social aux yeux de l’opinion publique internationale mais ont aussi apporté un appui logistique aux révoltés du bassin minier.
Enfin, la gestion policière du mouvement social par les autorités apparaît davantage comme le signe d’une certaine impuissance du pouvoir que d’une réelle maîtrise de la situation. Confronté à une contestation « spontanée » et « imprévue », le régime s’est lancé dans une fuite en avant sécuritaire qui apparaît davantage comme un signe de faiblesse que de puissance.
Tirant les enseignements sociopolitiques de la « révolte du bassin minier », nous allons brièvement développer ces cinq points qui, selon nous, sont susceptibles de peser sur l’évolution future de la configuration politique tunisienne.
Socialistes du 20ème
4 questions à…
Mouhieddine Cherbib
militant tunisien des droits de l’Homme – CRLDHT
> Quelle était la situation de la démocratie et des droits de l’Homme sous Ben Ali ?
MC >
Ces dernières décennies, la Tunisie a vécu une dictature sournoises, derrière lacarte postale de «la Douce Tunisie du Jasmin».
La situation était marquée par uneabsence totale d’espace de liberté, en premier lieu desquelles les libertés d’expression, de publication et d’organisation. Les militants des droits de l’Homme étaient persécutés, Internet contrôlé, la justice aux ordres et la torture la règle ans les commissariats et les prisons. Il faut ajouter à tout cela, la corruption de la famille régnante et des proches du pouvoir.
> Les jeunes ont semblé être au coeur de la moblisation…
MC >
Les moins de 35 ans représentent plus de 60% de la population, la jeunesse a été l’acteur principal de cette révolution unisienne, c’est une jeunesse éduquée et fortement diplômée. Cette jeunesse souffre d’un important taux de chômage, surtoutdans les régions pauvres du pays comme Sidi Bouzid, Gafna, Kesserine… Plus de 200.000 diplômés-chômeurs en Tunisie. Face à l’absence totale d’espace de liberté, la jeunesse tunisienne s’est réfugiée dans Internet, on compte près de deux millions d’adhérentsdans les réseaux sociaux (facebook, tweeter) et des milliers jeunes blogueurs. Grâce aux nouveaux outils de communication,ces jeunes ont été le carburant de la mobilisation.
> Maintenant que Ben Ali est parti, quelles sont vos espérances ? vos attentes ?
MC >
Le dictateur est parti mais il reste le plus gros, c’est à dire la construction de la démocratie. Il nous faut réformer toutes les institutions et se débarrasser de toutes
les réflexes et pratiques non démocratiques dans la société. L’aspiration du peuple et surtout de la jeunesse est de retrouver la dignité, la liberté et la démocratie. Nous avons à aider à bâtir la Tunisie moderne,
libre, tolérante respectueuse des valeurs universelles de la démocratie. Nous appelons tous les démocrates à travers le mondeà aider à accompagner ce processus démocratique qui doit passer par l’organisation d’élection libre et transparente. Nous attendons que le nouveau pouvoir issu de la révolution trouve des solutions radicales au chômage de la jeunesse des diplômés ; et s’attèle au développement économique, social et culturel des régions laissées pour compte par le passé.
> Peut-on assister à une « exportation » de « la révolution de Jasmin » dans le reste monde arabe ?
MC >
Contrairement à l’idéologie dominante qui annonce que les pays de cultures musulmanes ne peuvent s’accommoder avec la démocratie, la révolution tunisienne et les slogans des manifestants dans les villes tunisiennes, ont prouvé le contraire. Tous lespeuples arabes ont accueilli avec beaucoup de joie la chute de la dictature en Tunisie. Ce que nous voyons en Egypte et dans lesautres pays arabes confirment la volonté de tous les peuples arabes de vivre dans la li-berté et en Démocratie. Lucas Jourdain
Michèle Alliot-Marie a de nouveau tenté de justifier ce lundi matin surEurope 1 ses deux voyages en jet privé au dessus de la Tunisie à Noël dernier. La ministre des Affaires Étrangères a reconnu des « erreurs » et a promis qu’elle ne volerait plus dans un avion privé « quelles que soient les circonstances, tant que je serai ministre ». L’opposition, qui demande sa démission depuis que l’affaire a éclaté, n’a semble-t-il pas été convaincue par ces nouvelles précisions.
Nouvelle prise de parole de Michèle Alliot-Marie ce lundi matin surEurope 1. La ministre des Affaires Étrangères est accusée depuis le début de la semaine dernière d’avoir utilisé le jet privé d’un de ses amis, l’homme d’affaires tunisien, Aziz Miled. Elle a reconnu avoir embarqué deux fois dans cet appareil pour survoler le pays à Noël dernier, alors que la révolte qui mènera à la chute de Ben Ali commençait à gronder. « Quand je suis en vacances, je ne suis pas ministre des Affaires étrangères ! », avait-elle déclaré samedi dernier sur France Info. « Vrai qu’on est ministre 24 heures sur 24 » Elle est revenue sur cette déclaration, vivement critiquée. « C’est vrai qu’on est ministre 24 heures sur 24 et 365 jours pas an », a-t-elle corrigé surEurope 1. « Avec le rythme que nous avons, on a besoin de temps en temps de se poser, on a besoin d’être en famille et avec des amis, et à ce moment-là, on oublie la représentation », mais « c’est une erreur, je m’en rends compte maintenant ». Une « erreur » qu’elle met sur le compte de la fatigue avant de promettre qu’on ne l’y reprendra plus. « Je vois, je constate que ça choque » et donc, « il n’est pas question que je remonte dans un avion privé, quelles que soient les circonstances, tant que je serai ministre ». « La seule solution, c’est qu’elle parte » Tant qu’elle sera ministre. Justement. A gauche, depuis plusieurs jours, des voix s’élèvent pour demander sa démission. Jean-Marc Ayrault, patron des députés socialistes a tiré la première banderille dès la publication de « l’affaire » dans le Canard Enchaîné. Ce lundi matin, après la nouvelle déclaration de MAM, Benoît Hamon, porte-parole du PS, a enfoncé le clou estimant que « la seule solution qui permettrait à Mme Alliot-Marie de recouvrer un peu de dignité et à ce gouvernement de retrouver un peu de crédibilité aux yeux des Français, c’est qu’elle parte, qu’elle démissionne ».
Source : « Le Telegramme » le 07-02-2011
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La Tunisie veut gouverner par décrets-lois
TUNISIE. Pour accélérer les réformes, le premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi a demandé lundi 7 février 2011 aux députés d’adopter une loi qui permettrait au président intérimaire Foued Mebazaa, de gouverner par décrets-lois.
Cette demande s’appuie sur une volonté d’éviter les blocages des textes qui doivent normalement être discutés au Parlement dont les élus sont à 80% issus du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti de l’ex-président Ben Ali.
Des manifestants regroupés ce lundi 7 février 2011 devant le Palais du Bardo, siège de l’Assemblée nationale, réclament la dissolution immédiate du Parlement qui serait, selon le ministère tunisien des affaires étrangères, déjà programmée. Les manifestants ne veulent pas attendre le délai de six mois prévu pour l’organisation des élections présidentielles et législatives.
La veille, le gouvernement de transition a décidé de suspendre le RCD.
Source: ”econostrum” Le 07-02-2011
Lien: http://www.econostrum.info/La-Tunisie-veut-gouverner-par-decrets-lois_a4562.html
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Tunisie: Le gouvernement tunisien suspend le RCD et prépare sa dissolution
Le gouvernement de transition tunisien est occupé actuellement par l’inventaire des biens et avoirs du parti le plus détesté par la population qui réclame sa dissolution et demande des comptes à ses dirigeants, a annoncé M. Ahmed Ounaïes, sur le plateau de la chaine de télévision privée « Nesma ».
Confronté à une recrudescence des violences dans différentes villes tunisiennes, le gouvernement a anticipé la décision de suspendre le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti au pouvoir sous Zine El Abidine Ben Ali, alors que l’Assemblée nationale, toujours contrôlée à 80% par ce parti, se réunit aujourd’hui pour la première fois depuis la fuite du président le 14 janvier. « Le gouvernement Ghannouchi a programmé sa dissolution prochaine », a indiqué le ministre des AE du gouvernement provisoire en Tunisie.
Le RCD qui, au temps de sa toute puissance, revendiquait plus de deux millions d’adhérents pour dix millions d’habitants, peut changer, a assuré dimanche son secrétaire générale M. Mohamed Ghariani. Ce dernier, a affirmé, quelques heures avant cette annonce, que le parti-Etat honni pendant les 23 ans de règne de Ben Ali avait sa place dans la nouvelle Tunisie démocratique.
A noter que le Premier-ministre, Mohamed Ghannouchi, et son président Fouad Lambazaâ sont les premiers démissionnaires de l’ex-parti au pouvoir.
Source: “DonneTonAvis” Le 07-01-2011
Lien: http://www.donnetonavis.fr/actu/news/tunisie-gouvernement-suspension-rcd-dissolution_3666.html
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Tunisie: Témoignages des intellectuels sur la protestation populaire
Des intellectuels tunisiens ont apporté, dimanche à l’Hôtel de ville de Paris, leurs témoignages sur la forte protestation populaire ayant conduit au départ du président Ben Ali et aux mesures prises par le gouvernement de transition pour réussir sans heurts le passage à la démocratie.
Moment phare de la 17e édition du « Maghreb des livres« , dédiée cette année à la Tunisie, cette rencontre placée sous le thème « la parole retrouvée » a donné lieu à des témoignages d’une vérité cinglante sur le régime du président déchu Ben Ali copieusement décrié par l’ensemble des Tunisiens qui, par une conjonction de plusieurs forces, ont bousculé un régime où l’expression était bâillonnée.
Le professeur Mahmoud Ben Romdhane, de l’université de Tunis, fondateur et ancien président de la section tunisienne d’Amnesty International, a témoigné en sa qualité de porte-parole d’une quinzaine d’intellectuels et d’universitaires, représentant la classe intellectuelle tunisienne, invités à apporter leur témoignages et point de vues dans le cadre de salon littéraire.
Il est ainsi revenu sur la période Ben Ali où, a-t-il dit, « seule la cooptation et l’allégeance étaient admises », soulignant que tous les espaces « étaient hermétiques aux intellectuels ». « En raison de cette fermeture, les intellectuels qui n’ont pas choisis la voie de l’allégeance, ont opté pour d’autres voies pour ne pas se soumettre et choisi des domaines désamorcés », a-t-il dit. « Ils ont alors parlé ou traité de choses importantes, mais pas de la Tunisie. L’Islam et d’autres thèmes génériques qui permettent au moins de travailler noblement, sans être coopté, sans être allégeant mais qui permettent aussi de contribuer à la réflexion universelle », a-t-il dit, soulignant que l’enseignement des sciences politiques est interdit en Tunisie.
Pour ce militant des droits de l’homme, « tous les agents sociaux, étaient conscients que la démocratie était la seule voie pour sauver la Tunisie et lui permettre de participer à l’avenir du monde », ajoutant que si le mouvement social a explosé, « c’est par ce qu’il n’était pas intégré dans les appareils politiques existants ». « Ce fut un mouvement spontané animé par un désenchantement de plus en plus profond face à l’absence de perspectives qui commença par un sacrifice suprême : l’immolation d’un diplômé, pauvre », a-t-il rappelé.
A travers le cas de Mohamed Bouazizi, a expliqué M. Ben Romdhane, « il y a eu l’identification de tous les Tunisiens qui ont considéré que ce jeune homme qui avait accepté un travail qu’il pouvait considérer comme indigne de sa formation : vendeur à la brouette de fruits et légume n’était même plus en mesure d’exercer cette profession pour venir en aide à sa famille. Sa brouette lui a été saisie et il a reçu une gifle. Il n’avait plus d’autres solutions pour échapper à l’indignité que de s’immoler ».
Sur la transition démocratique, M. Ben Romdhane a expliqué que la Tunisie s’est dotée d’instituions qui vont lui permettre de la réussir. Ainsi, a-t-il poursuivi, une commission d’enquête sur les violations massives commises par les forces de sécurité été mise en place pour juger les coupables, pour que les forces de l’ordre « soient respectueuses des droits des citoyens y compris dans ce maintien de cet l’ordre ».
Une commission du contrôle de la corruption, de la prévarication et du népotisme a également été nommée pour veiller « à ce que plus jamais la Tunisie ne soit soumise à la corruption » et un comité de la transition démocratique appelé Comité de la réforme politique, a en outre été instauré.
Celui-ci a en charge l’abrogation de « toutes les lois liberticides » et l’élaboration de lois permettant à la Tunisie « d’aller vers des élections libres transparentes et compétitives et d’avoir à tous les niveaux une direction qui soit issue du peuple » , a ajouté cet intellectuel qui estime que la révolution « n’est pas un long fleuve tranquille » et que le chemin « est semé d’embuches ».
Deux jeunes tunisiens ont également apporté leurs témoignages lors de cette rencontre dédiée à la parole retrouvée. Fatima, une jeune tunisienne a affirmé qu’Internet et Facebook ont joué un grand rôle dans le déclenchement de cette gigantesque contestation. « Ces réseaux sociaux, qui réunissaient quelque 20 000 adhérents tunisiens contestataires du régime de Ben Ali, ne savaient pas comment traduire cette contestation sur le terrain et il a fallu le geste de Bouazizi pour l’exprimer », a-t-elle affirmé.
« On n’arrivait pas à exprimer le raz-le bol général et l’acte du 17 décembre de Bouazizi qui s’est sacrifié pour nous tous et qui a vraiment exprimé ce raz-le bol a été le catalyseur de cette révolte et, du coup, la rue s’est exprimée et le rôle de Facebook a alors été de relayer cette information », a expliqué Fatima.
Youcef a, pour sa part, déploré le fait qu’il y a eu toujours « deux paroles en Tunisie, la parole du pouvoir et la parole du peuple qui ne se sont jamais rencontrées ». Il s’est également interrogé sur la nature du terrain sur lequel vont devoir s’exprimer les Tunisiens à l’avenir, sur Internet ou les institutions ainsi que sur le rôle des médias pour structurer cette parole et le métier de journaliste qui, selon lui, doit être « totalement réinventé », dénonçant dans la foulée l’absence d’investigations et d’enquêtes.
A la faveur de cette rencontre, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a annoncé qu’il saisira prochainement le Conseil de Paris pour proposer la dénomination d’une rue qui portera le nom du jeune Mohamed Bouazizi.
Source: “DonneTonAvis” Le 07-02-2011
Lien: http://www.donnetonavis.fr/actu/news/tunisie-temoignages-protestation-ben-ali_3659.html
Consul de
Pour les Tunisiens, le combat continue
Consul de Tunisie à Grenoble, Hatem Landoulsi est en poste en France depuis le 29 novembre dernier.
o Trois semaines après la chute du régime de Ben Ali, quel message souhaitez-vous faire passer aux Tunisiens de l’Isère ?
« Je veux rassurer mes concitoyens. Leur dire que le consulat est là pour eux, quelle que soit leur appartenance politique. Et aussi que j’ai donné des consignes afin que les gens soient accueillis le mieux possible et que les services soient rendus rapidement. »
o En tant que consul, vous représentiez jusqu’au 14 janvier dernier le pouvoir officiel et le RCD, le parti du président déchu. Et maintenant ?
« Je suis diplomate et à ce titre, j’ai toujours représenté l’État tunisien et non le RCD. Si vous voulez tout savoir, je ne faisais pas partie du RCD. Ce n’est pas parce que j’étais fonctionnaire d’État que je partageais toutes les idées de Ben Ali. Aujourd’hui encore, je sers mon pays, pas une personne. »
o Il n’y a désormais plus aucun portrait de Ben Ali au consulat. Quand les avez-vous décrochés ?
« Le matin du samedi 15 janvier, au lendemain de son départ, les Tunisiens qui sont venus au consulat ont pu constater que les photos de Ben Ali n’étaient plus accrochées au mur. »
o Depuis les événements, avez-vous constaté plus de mouvements au consulat ?
« Oui. À commencer par les gens qui étaient jusque-là privés de passeports. J’ai reçu tous les opposants qui souhaitaient me rencontrer et fait le nécessaire pour qu’ils aient leurs papiers. Tous les Tunisiens ont le droit de rentrer dans leur pays. »
o Cette révolution, est-ce aussi la vôtre ?
« J’aurais aimé être à Tunis pour vivre ça avec mes amis et ma famille… Je respecte la révolution car elle représente la volonté du peuple tunisien et une nouvelle étape dans la vie de notre pays. J’y adhère bien sûr car j’aspire moi aussi à la démocratie et à la liberté. Je serais fier d’appartenir à un pays où les droits de chacun seraient respectés, où l’alternance politique serait possible. »
o Comment voyez-vous l’avenir ? Allez-vous rester en poste ?
« J’espère pouvoir finir la mission que l’on m’a confiée. Contrairement à d’autres consuls, personne en Isère n’a demandé mon départ. Le peuple tunisien lève enfin la tête et regarde l’avenir avec optimisme alors j’invite les Tunisiens à rentrer en masse en Tunisie cet été pour soutenir l’économie du pays et les Français à y passer aussi leurs vacances et à exprimer ainsi leur solidarité. »
Source : « Le dauphine » le 07-01-2011
Lien :http://www.ledauphine.com/isere-sud/2011/02/06/pour-les-tunisiens
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Tunisie : les facteurs économiques et sociaux de la révolution
Le renversement politique, qui vient d’avoir lieu en Tunisie, est d’abord une révolution démocratique. Cependant, elle enferme aussi, en son sein, un soulèvement à caractère social qui a déclenché l’ensemble du processus.
Ceci est vrai du début jusqu’au terme (provisoire) du processus. Le mouvement a été lancé, rappelons-le, par le geste désespéré d’un jeune chômeur diplômé – Mohamed Bouazizi, âgé de 26 ans – qui s’est immolé par le feu devant la préfecture de Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010.
Cette ville d’environ 40 000 habitants, située au centre de la Tunisie, fait partie de ces zones systématiquement délaissées par le pouvoir au profit du développement des villes côtières ; le taux de chômage de la ville est chiffré à 46 %, celui des jeunes générations à 60 %. Sidi Bouzid est loin d’être situé dans une zone désertique (à la différence de régions dans l’extrême sud de la Tunisie), et possède au contraire une agriculture qui pourrait être prospère. Cependant, 80 % des terres de la région étaient accaparées par le clan qui entourait Ben Ali.
Des chômeurs diplômés par milliers
Mais le désespoir des jeunes, souvent bardés de diplômes et néanmoins chômeurs sans véritable perspective (à défaut d’appartenir à une « bonne famille » ou d’avoir du « piston » qui marche), va bien au-delà de Sidi Bouzid ou d’autres régions de l’intérieur enclavé de la Tunisie.
L’étincelle, provoquée par l’immolation du jeune Mohammed Bouazizi, qui entendait protester contre son harcèlement par les policiers locaux (alors qu’il gagnait sa vie péniblement en tant que vendeur « à la sauvette » du secteur informel), a pu embraser l’ensemble du pays.
Si cela a été possible, c’est parce que des centaines de milliers de Tunisiens – jeunes et moins jeunes – se sont immédiatement reconnus dans la situation du jeune précaire, mort deux semaines et demie après s’être aspergé de térébentine.Le terme de « chômeurs diplômés » est connu dans l’ensemble des pays du Maghreb ; au Maroc, il existe depuis une dizaine d’années un « mouvement des chômeurs diplômés » structuré.
En Tunisie, la situation a fini par devenir plus explosive parce qu’aucune activité de protestation légale n’était possible avant la chute du régime de Ben Ali – aucune « soupape » n’était laissée à la contestation. Cependant, il existe des traits communs entre les différents pays : Maroc, Tunisie, ou encore (avec quelques différences) Égypte.
Tunisie, Maroc, des économies pour de la main d’oeuvre peu qualifiée
Plus on monte en niveau de formation et de diplômes, plus on court de risques de finir son périple comme chômeur. Ce constat, qui ressort même des statistiques officielles – particulièrement nettes dans le cas du Maroc –, tient à la structure profonde de l’économie. Celle-ci est, d’un côté, marquée par une prépondérance des emplois « de basse qualification », délocalisés depuis l’Europe où le patronat ne trouve plus (en nombre) la main-d’oeuvre suffisamment peu chère et malléable qu’il recherche.
Dans le cas de la Tunisie, une bonne partie de l’économie se caractérise par la sous-traitance, et une étroite dépendance vis-à-vis de certaines « niches » des marchés européens ; par exemple dans le secteur de l’industrie automobile, qui fait fabriquer en Tunisie les tapis de voiture, alors que les véhicules eux-mêmes sont construits ailleurs.
Avec la crise financière et économique qui a atteint l’Europe (en particulier le secteur automobile) en 2008, la situation des sous-traitants en Tunisie s’est d’ailleurs elle-même assombrie.
Le même constat est valable pour le secteur textile, deuxième plus gros employeur en Tunisie avec 200 000 emplois (contre 230 000 dans le secteur du tourisme « pas cher »), depuis la fin de l’Accord multi-fibres en 2005 et l’exacerbation de la concurrence mondiale depuis cette période.
De l’autre côté, la monopolisation des « morceaux de choix » de l’économie, des meilleurs emplois et des rentes se situation (le monopole pour l’importation de voitures) par des clans mafieux – au coeur desquels se trouvaient les familles de Ben Ali et de son épouse Leila Trabelsi – a contribué à fermer tous les débouchés.
Si les facteurs sociaux ont été présents lors du déclenchement de la révolte, ils l’ont également été lors de son aboutissement provisoire. Le changement de régime politique (même si certains hommes, à commencer par Mohamed Ghannouchi, Premier ministre depuis le 17 novembre 1999, sont restés) est allé de pair, dans de nombreuses entreprises, avec l’éviction de dirigeants – imposée par les travailleurs de la base – dès lors que ceux-ci étaient impliqués dans l’ancien régime et les réseaux de la corruption généralisée.
Le PDG de TunisAir, compagnie extrêmement phagocytée par les pratiques de corruption – à l’instar d’autres compagnies aériennes du continent – a ainsi cru devoir s’enfermer dans un bureau du cinquième étage, les salariés lui demandant des comptes…
Des parasites au pouvoir
Une partie de la bourgeoisie locale tunisienne peut elle-même trouver, en ce moment, son compte dans les changements en cours. En effet, les entreprises (surtout PME) détenues par des nationaux ne profitaient souvent pas vraiment de la situation, mais se faisaient ponctionner par des membres de la mafia régnante, qui exigeaient des prises de participation pour encaisser des dividendes sans rien apporter.
En revanche, le grand capital international – surtout français et européen – arrivait très bien à s’arranger avec la mafia du pouvoir : il concluait ses affaires directement avec ses membres les plus éminents.
Prenons l’exemple de France Télécom-Orange, dont la filiale Orange Tunisie était à 49 % la propriété de l’entreprise française, mais à 51 % la propriété d’un gendre de Ben Ali, Marwan Mabrouk. Aujourd’hui, Mabrouk a fui le pays, et la multinationale française fait face à un léger problème…
Le capital international, surtout européen, est aussi attristé que ses centres d’appel délocalisés en Tunisie – 8 % à 12 % des appels des opérateurs téléphoniques français passaient jusqu’ici par ce pays – marchent actuellement au ralenti, du fait des grèves et bouleversements en cours.
Source : « survie.org » Le 07-02-2011
Lien :http://survie.org/billets-d-afrique/2011/199-fevrier-2011/article/tunisie-les-facteurs-economiques
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Tunisie : les dérives et le naufrage de la diplomatie française
Incapable de mesurer l’ampleur de la contestation socio-politique, la France s’est une fois de plus distinguée par son cynisme.
La volonté de la ministre Michèle Alliot-Marie d’offrir une aide sécuritaire au régime Ben Ali n’est pas une gaffe politique, mais la politique de la France qui prévalait en Tunisie. D’ailleurs la ministre des Affaires étrangères ne s’est pas fait piéger au micro d’une radio puisqu’elle a lu un texte officiel.
Rappelons aussi que la ministre est bien rodée aux dérives sécuritaires de la Sarkozie. Fervente défenseuse de la télésurveillance et promotrice de la disparition du juge d’instruction, MAM était la ministre de l’Intérieur pendant l’affaire Tarnac et, dernièrement dans son fief, elle était restée totalement insensible au mandat d’arrêt européen prononcé contre la militante basque Aurore Martin.
En Tunisie, le président Zine el-Abidine Ben Ali a toujours bénéficié de la bienveillance du gouvernement français, tout particulièrement celle de Jacques Chirac qui parlait toujours du « miracle » économique du pays.
Quand les grands médias découvrent la nature du régime Ben Ali
Ainsi, la diplomatie française a maintenu le cap, jusqu’au naufrage benalien. De leur côté, après avoir été bien timides, les médias généralistes ont paru découvrir la violence et l’arbitraire du régime Ben Ali à sa chute.
S’ils ont jugé indignes les propos tenus par Michèle Alliot-Marie, leur silence systématique pendant ces longues années de répression n’est-elle pas plus répréhensible ? Le 11 janvier, la journaliste Bérénice Dubuc du gratuit 20 min est une des premières à employer le terme « révolution de jasmin ». Or, en 1987, Ben Ali lui-même, utilisait cette expression pour désigner son coup d’État. Raccourci journalistique ou signe d’une information tirée vers le bas ?
En Tunisie, depuis une semaine, on « tire la ligne » sur des sujets qui se ressemblent, les envoyés spéciaux fleurissent sur le terrain, chaque média possède son ancien prisonnier politique à interviewer, son « décryptage » de la transition démocratique et l’enquête « exclusive » sur les biens du clan Trabelsi placés en France ou en Suisse. Pourtant, pendant des années, les militants exilés se butaient désespérément au déni de la plupart des rédactions parisiennes. Omniprésent ces derniers jours dans la presse,l’opposant Moncef Marzouki était à l’époque quasi inconnu et seul le site web bastamag.net lui consacrait une interview en 2009.
Le clan des Tunisiens
Comment expliquer les raisons d’un soutien inconditionnel de Paris au régime Ben Ali ? D’autant que les dérives mafieuses des proches de Zine El Abidine Ben Ali dépassaient largement le sud de la Méditerranée.
En 2006, les frères Trabelsi, deux neveux par alliance du président déchu, avaient été mis en cause dans le vol, à Bonifacio, du yacht d’un ancien président de la banque privée Lazard, Bruno Roger, un proche de Jacques Chirac. Une enquête privée menée par les assureurs du navire avait permis de le retrouver, maquillé et repeint, dans le port de Sidi Bou Saïd, une banlieue huppée du Nord de Tunis, puis, le yacht avait été discrètement restitué à son propriétaire.
On sait que la défense des droits humains passe bien après les intérêts commerciaux ou stratégiques de la France.
De surcroit, en Tunisie, la répression policière et le non-respect des droits fondamentaux étaient intimement liés avec le système économique. Surnommé le « clan des Tunisiens », un groupe de Français très influent s’est toujours distingué par sa loyauté indéfectible envers le président tunisien : parmi eux, l’actuel ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, qui avait contesté la dénomination de « dictature » à l’encontre du régime benalien. Une minorité de célèbres natifs du pays, tel Bertrand Delanoë, et le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur Pierre Lellouche ont longtemps promu une vision tronquée de la Tunisie.
« Avant de juger un gouvernement étranger, mieux vaut bien connaître la situation sur le terrain », avait mis en garde le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire. En effet, seule une minorité de français pouvait jouir et donc connaître la panoplie de privilèges offerts par le président Ben Ali. Tant que le pays continua d’accueillir « de manière formidable » Michèle Alliot-Marie, celle-ci ne pensa qu’à défendre sa police.
Car l’été dernier, MAM avait passé quelques jours à Hammamet, dans une suite présidentielle de l’hôtel Phenicia. Fin décembre, alors que la contestation prenait forme dans le pays, elle célébrait le Jour de l’an dans le nord-ouest dans sa villa de Tabarka. Elle y a peut être croisé son compatriote Dominique Baudis, qui apprécie pleinement la « réalité » tunisienne.
Les bonnes affaires françaises chez Ben Ali
Bien entendu, le Code du travail, de rigueur sous le régime Ben Ali semblait très bien convenir aux milliers d’entreprises hexagonales présentes.
Premier investisseur étranger avec un record de 280 millions d’euros, la France est particulièrement représentée en Tunisie dans les secteurs du textile, de l’électronique (Valeo, Faurecia, Sagem ou EADS) et des services avec les centres d’appels (Téléperformance).
Exemple parmi d’autres : le président Ben Ali a toujours été très bien accueilli sur le site d’exploitation de la Sagem qui emploie environ 3 500 personnes dans le gouvernorat de Ben Arous. En 2009, Eric Faubry, directeur industriel et logistique du groupe français, recevait des mains du Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, le premier prix du gouvernement pour la promotion de la qualité. Et qu’importe si les emplois générés sont peu qualifiés alors que le pays souffre du chômage des jeunes diplômés.
La Chambre franco-tunisienne du commerce et de l’industrie est aussi le pilier de la proximité des milieux d’affaires entre les deux pays. Ainsi Christian de Boissieu, le président du Cercle d’amitié France-Tunisie, est consultant auprès de Matignon. Le nouveau dirigeant de l’Institut des cultures d’islam, Hakim El Karoui, est à la fois un membre de l’Institut arabe des chefs d’entreprise et proche de Jean-Pierre Raffarin et de Hedi Djiilanil, le patron des patrons tunisiens dont l’une de ses filles, Zohra, est l’épouse de Belhssen Trabelsi.
Mais surtout Hosni Djemmali, qui contrôle tout un pan de l’hôtellerie de luxe, demeure un intime de la famille Debré et de Guillaume Sarkozy. Surnommé « l’ambassadeur bis de Tunisie » Hosni Djemmali a été promu chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur en 2008 par le secrétaire d’Etat au tourisme, Hervé Novelli.
Djemmali est considéré comme la pierre angulaire de la « Tunisie française ». Ancien journaliste il est resté en contact étroit avec Christian de Villeneuve, directeur des rédactions du groupe Lagardère, Jean Daniel du Nouvel Observateur ou Etienne Mougeotte ancien directeur de TF1 et directeur actuel du Figaro.
Une diplomatie dépassée
La diplomatie française s’est, une fois de plus, distinguée par son mépris envers les droits humains. Mais son incompétence, a aussi marqué les Tunisiens car, incapable de mesurer l’ampleur de la contestation sociale, Paris n’a pas rebondi, même dans la real politik la plus cynique.
Demain, avec qui la Tunisie démocratique préférera-t-elle nouer des partenariats privilégiés ? Avec un pays qui proposait de se joindre à la répression Ben Alienne, ou avec un État qui se réjouit de l’ouverture d émocratique ?
Deux semaines après la chute de Ben Ali, Nicolas Sarkozy a évincé Pierre Ménat, l’ambassadeur de France en Tunisie, au profit de Boris Boillon, jusqu’ici à Bagdad, considéré comme le diplomate star du sarkozysme, qui incarne la diplomatie du business.
Pendant ce temps, l’Elysée cherche toujours des explications à son manque de clairvoyance. Selon le Canard Enchaîné, les réactions d’Alain Juppé et de Michèle Alliot-Marie étaient virulentes contre les diplomates français : « Nous sommes restés tout le temps dans un brouillard total ». La brume des hammams des palais de Ben Ali peut-être ? Parce le déclin du régime Ben Ali était décrit par de nombreux analystes [1] et sur le terrain, depuis plus de deux ans, un changement était notable dans la population, notamment au regard de la solidité du réseau des militants des droits de l’homme, des journalistes et des avocats indépendants.
Il y a quelques semaines Wikileaks révélait un télégramme diplomatique de l’ambassade des Etats- Unis à Tunis, daté du 14 août 2007, où l’on pouvait lire que Serge Degallaix, ambassadeur de 2005 à 2009, avait jugé, que « La Tunisie n’est pas une dictature et ses leaders sont vraiment à l’écoute du peuple ».
L’année suivante, le mouvement social dans le bassin minier de Gafsa se concluait par la répression sanglante par le régime Ben Ali. En visite dans le pays, à l’époque, Nicolas Sarkozy avait suscité l’indignation pour s’être félicité des progrès de l’espace des libertés publiques.
[1] Décrite aussi par l’expertise du Quai d’Orsay, marginalisé depuis 2007 ; par la diplomatie américaine ; et par des chercheurs français dont la politologue Béatrice Hibou. Citons aussi l’ouvrage Économie politique de la répression en Tunisie. La découverte 2006 et l’article :« Kamel Libidi la longue descente aux enfers de la Tunisie » dans le Monde diplomatique, 2006.
Source : « survie.org » Le 07-02-2011
Lien :http://survie.org/billets-d-afrique/2011/199-fevrier-2011/article/tunisie-les-derives-et-le-naufrage
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Échos de la francophonie: Tunisie
Voilà un pays francophone dont le nom est devenu une référence universelle. Maintenant, quand on dit Tunisie, on pense à ces images floues de la foule en révolte, ces vidéos réalisées par les téléphones portables des participants et transmises sur internet, puis reprises par les chaînes de télévision du monde entier.
Une référence, comme la Hongrie de 1956 qui, par son soulèvement populaire contre les forces de l’empire soviétique de jadis, a marqué l’histoire. Des séquences de film pâles en noir et blanc, des jeunes dans les rues avec des fusils, la démolition de la statue de Staline, la foule bravant les chars, mais aussi des cadavres et des édifices carbonisés, le deuil, la tristesse. Une révolution qui ne devait aboutir que 33 ans plus tard, mais qui restera pour toujours gravée dans notre mémoire collective.
Actuellement, nous sommes les témoins de cette explosion révolutionnaire en Tunisie, ce pays apparemment si tranquille – un paradis touristique pour beaucoup. Je me rappelle d’un coucher de soleil à Douz dans le Sahara, notre caravane de dromadaires près du château qui m’évoque un film fantastique – justement, parce que La Guerre des Étoiles fût tournée là, dans le désert de sable. Et je me souviens de cette conversation que j’ai eue avec le jeune homme qui a guidé mon chameau (loué pour une excursion), et qui m’a parlé– en français mais aussi en italien! – de sa vie et de ses ambitions. Electricien de formation, il n’a pas trouvé de travail à l’issue de ses études et a choisi d’exploiter les dromadaires de son père – et de se préparer aux concours dont les héros sont ces curieux animaux du désert.
Je ne peux pas savoir s’il a participé aux événements qui ont conduit à la chute de Ben Ali, le président corrompu, et de son clan mais rétrospectivement, je comprends mieux certains signes précurseurs. D’une part,la contradiction entre un système éducatif ambitieux mais qui, finalement, ne pouvait pas assurer de travail aux jeunes. Dans ce pays francophone et même polyglotte, la révolte fût déclenchée par le suicide d’un vendeur de fruits… diplômé, mais chômeur. Et aussi, cette omniprésence de l’image du président, affiché dans toutes les localités sur l’avenue principale ou place Bourguiba (Bourguiba, le chef d’état précédent, fût écarté par Ben Ali en personne dans le cadre d’une prise du pouvoir „médicale”, pour „cause de sénilité”). Ou encore, l’interdiction de photographier les bâtiments publics, les stations de police et le palais de Ben Ali à Carthage. On nous a dit que c’était une mesure contre le terrorisme, islamiste et autre (d’ailleurs vraiment menaçant dans cette partie du monde, ici aussi…). Et c’est bien-entre autres- au nom de cette lutte contre le terrorisme que la France et d’autres grandes puissances démocratiques ont affiché une grande tolérance – maintenant abondamment critiquée – envers le système Ben Ali.
Nous savons maintenant que le mécanisme apparemment parfait du tourisme de masse alimentait aussi la corruption, l’avidité du pouvoir. Il fallait donc se protéger contre la grogne invisible et inaudible – mais répandue – des jeunes et des pauvres qui n’ont vu aucun avenir devant eux dans leur si beau pays.
Pour le chroniqueur que je suis, l’aspect médiatique de la chute brutale de ce système de clans est particulièrement significatif. Ben Ali pouvait museler une presse traditionnelle docile, et il a longtemps isolé son pays de ces critiques (islamistes et autres) qui s’exprimaient sur les ondes de la télévision Al-Jazira, dont le bureau de Tunis fût fermé depuis des années. Mais il ne pouvait rien contre les nouveaux médias, contre Facebook, Twitter, YouTube et consorts, contre le pouvoir informatique du web. Al-Jazira et Al-Arabiya, ces télévisions satellitaires ont repris les images répandues sur Facebook et les autres nouveaux médias, en contournant les autorités de Tunis. La première révolution web? Certainement pas. Ce sont les masses populaires qui ont chassé, au prix de leurs sacrifices, le clan Ben Ali, mais cela aurait peut-être été impossible sans ce nouvel espace médiatique tunisien et arabe.
Comme nous le savons, le soulèvement hongrois a semé les germes des changements ultérieurs dans tout le bloc soviétique – en quelques décennies. Cette fois, les problèmes qui ont engendré la colère sont bien différents, et les circonstances (techniques et sociales) ont changé, elles aussi. Quelques jours ont suffi pour que les démonstrations se propagent à beaucoup d’autres pays – voisins et lointains – en proie aux mêmes inquiétudes pour le futur et où les populations sont motivées par le même amour de la liberté que les Tunisiens.
Ce qui ne veut pas dire que la voie vers l’avenir joyeux soit déjà largement ouverte et que le piège islamiste soit dorénavant exclu – dans ce but, il faudrait installer de véritables démocraties. Même en Tunisie, si le chapitre Ben Ali est déjà clos, le suivant est encore en sursis, le mouvement de masse continue à exiger un changement plus radical. Au moment où j’écris ces lignes, les protestations de masse s’amplifient encore dans plusieurs pays – tout comme les interventions policières.
Maintenant, nous suivons l’histoire en direct et les reportages ne nous parviennent plus en noir et blanc comme en 1956. Les taches de sang sur le pavé sont bien rouges.
Source : « Journal de lafrancophonie de Budapest » Le 07-02-2011
Lien : http://www.jfb.hu/node/1626
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Les « révolutions » arabes nuisent-elles à Al-Qaïda ?
D’après plusieurs experts, les soulèvements populaires que connaissent la Tunisie, l’Égypte ou encore le Yémen et la Jordanie, pourraient être catastrophiques pour Al-Qaïda et les autres mouvements djihadistes, en montrant qu’une autre voie que la violence peut faire tomber des régimes autoritaires pro-occidentaux.
« Ce serait une dangereuse erreur pour les djihadistes de s’éloigner des peuples. Nous devrions leur pardonner, nous rapprocher d’eux et les supplier de nous écouter, car séparer le mouvement djihadiste du mouvement musulman populaire signerait notre fin. »
Cette réflexion, postée par le cyber-prédicateur radical Abou Moundhir al-Shanqiti le 31 janvier sur un forum djihadiste (et traduite par SITE, l’institut américain de surveillance des sites islamistes), semble témoigner de la crainte de marginalisation des djihadistes après le début des soulèvements populaires et pacifiques dans le monde arabe.
Silence gêné
Car le mouvement djihadiste (comme, sur ce point, de nombreux gouvernements occidentaux) semble n’avoir rien vu venir et est largement dépassé par les manifestations en Tunisie, Égypte, Jordanie ou encore au Yémen.
« Al-Qaïda a été complètement prise de court par la contestation populaire dans le monde arabe », remarque Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris et à l’Université Columbia. « Elle est d’ailleurs pratiquement silencieuse sur ce sujet, car incapable de proférer le moindre commentaire d’actualité, tant cette nouvelle donne la dépasse. »
Pour Dominique Thomas, spécialiste de l’islamisme radical à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, France), « les groupes djihadistes sont à la croisée des chemins : si les événements font boule de neige, suscitent des vocations démocratiques dans la région et que les peuples parviennent à renverser des dictatures sous la seule pression de la rue, ce sera une réfutation cinglante de leurs thèses ».
« Si c’est par le peuple que les régimes tombent, Al-Qaïda et les groupes djihadistes auront du mal à rebondir et à adapter leur discours », ajoute-t-il.
Les leaders d’Al-Qaïda sont « sans doute embarrassés, estime-t-il encore. Il va falloir que Ben Laden ou mieux l’Égyptien Al-Zawahiri s’expriment rapidement, faute de quoi leur discours perdra toute substance ».
Islamisme non-violent
Surtout, les mots d’ordres des manifestants (la démocratie, les élections et la transparence du pouvoir) sont très éloignés des revendications d’Al-Qaïda.
Les Frères musulmans,qui viennent de réintégrer le jeu politique égyptien, avaient quant à eux su se couler dans le mouvement et ses revendications.
Ils « condamnent tous la violence politique, rappelle Maha Azzam, du programme « Moyen-Orient » du centre de réflexion londonien Chatham House. […] Si la transition est pacifique, si cela aboutit à un système politique incluant tout le monde, cela se fera au détriment des groupes radicaux », affirme-t-elle.
En revanche, soulignent ces experts, un échec du mouvement démocratique, une répression aveugle ou des coups d’État militaires seraient une aubaine et une validation de leurs thèses pour les partisans de l’islamisme radical
Source : « Jeune Afrique » Le 07-02-2011
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Tunisie: une révolution prometteuse
Le monde entier célèbre la révolution démocratique de la Tunisie qui a déclenché une cascade de soulèvements dans la région, notamment en Egypte, avec des conséquences inouïes.
DAVOS – Le monde a maintenant les yeux fixés sur ce petit pays de 10 millions d’habitants pour tirer les leçons des événements récents, tout en se demandant quelle va être la suite : ce jeune peuple qui a renversé un autocrate corrompu parviendra-t-il à créer une démocratie stable et fonctionnelle ?
D’abord les leçons. En premier lieu il ne suffit pas que l’Etat assure la croissance économique. Le PIB de la Tunisie a augmenté en moyenne de 5% par an au cours des 20 dernières années, au point d’être souvent citée comme l’une des économies les plus performantes de la région.
De même il ne suffit pas de se conformer aux exigences des marchés financiers – cela permet sans doute d’avoir des obligations bien cotées et de répondre à l’attente des investisseurs étrangers, mais cela ne s’accompagne pas nécessairement de créations d’emplois et d’une augmentation du niveau de vie de la population. La crise de 2008 a mis en évidence la faillibilité du marché obligataire et celle des agences de notation. Elles ont baissé la note de la Tunisie au moment où elle tentait de passer d’un régime autoritaire à la démocratie, ce qui n’est pas à mettre à leur crédit. Cela doit rester dans les annales.
Même permettre à la population d’accéder à une éducation de qualité ne suffit peut-être pas. Un peu partout dans le monde, on s’efforce de créer des emplois pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. Chômage élevé et corruption endémique constituent un mélange explosif. Des études économiques montrent que la réussite d’un pays dépend avant tout du sentiment de justice et d’équité.
Lorsqu’il faut avoir des relations pour trouver du travail alors que les emplois sont rares et lorsque les dirigeants et les hauts fonctionnaires accumulent des fortunes alors que les ressources sont limitées, naît un sentiment d’injustice puis de révolte. L’indignation de l’opinion publique à l’encontre les banquiers en Occident est une version édulcorée de l’exigence de justice économique qui est apparue d’abord en Tunisie, et ensuite à travers la région.
Aussi vertueuse soit la démocratie (ainsi que le montre l’exemple tunisien, elle est de loin préférable à la dictature) souvenons-nous des échecs de ceux qui en font un mantra et n’oublions pas qu’elle ne se limite pas à des élections, même équitables. Ainsi aux USA elle s’accompagne d’inégalités croissantes, au point que les 1% d’Américains les plus riches bénéficient du quart du revenu national et que la répartition du patrimoine est encore plus inéquitable.
La plupart des Américains vivent moins bien aujourd’hui qu’il y a 10 ans, presque tous les bénéfices de la croissance économique bénéficiant exclusivement à la petite minorité des plus riches. La corruption de style américain se traduit par des milliers de milliards de dollars de cadeaux aux entreprises pharmaceutiques, l’achat des hommes politiques au moyen de contributions financières massives aux campagnes électorales et des baisses d’impôt pour les millionnaires, tandis que les pauvres voient leur assurance santé se réduire à peau de chagrin.
Souvent la démocratie s’accompagne de conflits, de factionalisme et de dysfonctionnements étatiques. De ce point de vue la révolution tunisienne débute sur une note positive : un sentiment de cohésion nationale généré par le renversement d’un dictateur haï par la grande majorité de la population. La Tunisie doit préserver ce sentiment, ce qui exige un effort de transparence, de tolérance et d’ouverture à l’égard de toutes les couches de la société – tant sur le plan politique qu’économique.
Le sentiment d’équité exige un dialogue public. Car si tout le monde parle d’Etat de droit, on ne peut mettre de coté la nature même de ce droit. La loi peut servir à garantir l’égalité des chances et la tolérance ou bien à maintenir les inégalités et la mainmise des élites sur le pouvoir.
La Tunisie ne parviendra peut-être pas à empêcher que les représentants d’intérêts particuliers fassent main basse sur l’Etat. Pour éviter cette situation il est indispensable de procéder au financement public des campagnes électorales, de limiter l’action des lobbies et d’interdire les passages trop faciles entre le secteur public et le secteur privé. Privatiser en toute transparence et procéder à de véritables appels d’offre pour les achats publics permettrait de freiner la recherche de rente de situation.
Il y a un équilibre délicat à trouver dans beaucoup de domaine : un Etat trop puissant risque de ne pas respecter les droits des citoyens, tandis qu’un Etat trop faible risque de ne pouvoir conduire l’action collective nécessaire pour parvenir à une société prospère et solidaire à l’égard des plus démunis – ou de ne pouvoir empêcher les puissants acteurs du secteur privé d’exploiter les individus les plus faibles et sans défense. L’Amérique latine montre qu’il y a des problèmes relatifs à la durée des mandats des hommes politiques, mais l’absence de limite est la pire solution.
Les Constitutions doivent donc être flexibles. Inscrire comme loi d’airain le dernier principe économique à la mode, ainsi que l’a fait l’UE avec sa banque centrale qui se préoccupe exclusivement de la lutte contre l’inflation, est une erreur. Mais il est indispensable de garantir certains droits politiques (la liberté de religion, la liberté d’expression et la liberté de la presse) et économiques. Ainsi la Tunisie pourrait entamer son débat public par la question de savoir quels droits supplémentaires introduire dans sa nouvelle Constitution, en plus de ceux figurant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Le début de la révolution tunisienne est étonnamment prometteur. Le peuple tunisien a fait preuve de maturité et de sagesse en établissant un gouvernement intérimaire, tandis que des Tunisiens qui ont réussi par leur talent ont accouru pour servir leur pays dans ce moment critique. C’est aux Tunisiens eux-mêmes de créer un nouveau système qui pourrait symboliser la démocratie du 21° siècle.
Quant à la communauté internationale, après avoir soutenu si souvent des régimes autoritaires au nom de la stabilité (ou du principe qui veux que « les ennemis de mes ennemis sont mes amis »), elle a de toute évidence la responsabilité de fournir à la Tunisie toute l’aide dont elle aura besoin dans les mois et les années qui viennent.
Source : « Les Echos » Le 07-02-2011
Lien : http://lecercle.lesechos.fr/node/33245
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En Tunisie, Radio Kalima surfe sur les ondes de la liberté
Au rez-de-chaussée du vieil immeuble du 4, rue Abou-Dhabi, dans le centre-ville animé de Tunis, les visiteurs se succèdent sans discontinuer.Plus aucun policier ne bloque l’entrée des locaux chichement équipés qui abritentRadio Kalima Tunisie. La police est certainement dans les parages, mais se borne à surveiller les allées et venues. La radio a enfin retrouvé ses locaux, dont elle avait été expulsée seulement trois jours après son lancement sur le satellite Hotbird, le 26 janvier 2009, accusée de tentative de coup d’Etat.
Sa jeune rédaction de neuf journalistes, portée par la détermination de Sihem Bensedrine et Omar Mestiri, y prépare dans une certaine frénésie ses premiers pas sur la bande FM. Porte-voix des expressions muselées sous le régime deBen Ali, elle n’a, malgré la censure, jamais cessé de diffuser : en continu sur la Toile et une heure par semaine en direct sur Radio Galère à Marseille.
L’installation ce week-end d’un studio offert par Radio France marque le début d’une nouvelle aventure. L’arrivée de Radio Kalima Tunisie sur les ondes est désormais entre les mains du premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi, sur le bureau duquel trône la demande d’attribution de fréquence.
SORTIR DE LA CLANDESTINITÉ
L’équipe est anxieuse. « C’est une énorme responsabilité, on sent que l’enjeu est de taille », confie Nibras Al-Hazili, un jeune étudiant. Faten Hamdi, reporter, acquiesce. Les deux jeunes journalistes ne se connaissaient pas il y a trois semaines. Contraints à la clandestinité, ils travaillaient en solo, à Tunis ou dans leurs régions respectives. Sihem, la rédactrice en chef, revenue d’exil le 14 janvier, faisait le lien entre ces électrons libres. Pendant deux ans, ils ont assuré trois heures de programmation quotidienne, diffusées en boucle sur le site Internet aux fidèles auditeurs ayant appris à déjouer la censure grâce aux proxys.ur de Radio Kalima Algérie.Hélène Sallon
A 26 ans, Faten ne compte plus le nombre de fois où elle a été suivie, tabassée, arrêtée et détenue des heures par la police politique. « Ils ont tenté de m’intimider pour que je quitte la radio. Ils ont harcelé ma famille en disant que je tentais de renverser le régime », se souvient-elle. Des tentatives d’intimidation qui n’ont pas entamé la détermination de la radio pirate à dénoncer la répression, la corruption et la torture, et à couvrir les problèmes socio-économiques de la population, ignorés par la presse gouvernementale.
Donner la priorité à la parole des Tunisiens n’a pas été chose facile, confie Omar Mestiri, le directeur de la radio : « Les gens voyaient dans cette opportunité une agression. Le micro sorti dans la rue était pour eux comme une arme, une facon de les impliquer dans une provocation contre le régime. »
EN PREMIÈRE LIGNE DE LA RÉVOLUTION
A n’avoir jamais renoncé à cette « ligne éditoriale indépendante et engagée, explique Omar, la radio a gagné sa crédibilité ». Dès le 20 décembre 2010, le serveur tunisien a saturé. Il a fallu en ajouter deux pour assurer la diffusion à près de 6 000 auditeurs. « La radio a été en première ligne. Elle a donné une quinzaine d’infos en exclusivité mondiale, des massacres à Kasserine aux tirs de l’armée sur la foule », assure Yahia Bounouar, directeur de Radio Kalima Algérie, venu donner un coup de main. Les événements de Sidi Bouzid et Kasserine ont été suivis en direct grâce aux contacts sur place.mdi, reporter à Radio Kalima Tunisie.Hélène Sallon
Sur le terrain, Faten ressent désormais une forme de reconnaissance pour son travail. « Le jour des événements place de la Kasbah, les manifestants ont refusé de s’adresser aux autres médias, à cause de leur couverture biaisée. Quand je disais ‘Radio Kalima’, on me disait tout de suite oui », confie-t-elle. De fait, Radio Kalima Tunisie ne craint pas la concurrence des autres médias, encore loin d’avoir pris vraiment leur indépendance. « Du 14 au 16 janvier, les médias tunisiens ont été plus ou moins libres, indépendants, mais après la constitution du nouveau gouvernement, ils ont commencé à le défendre farouchement, d’une manière pas très objective. Nous, on garde la même position, on ne défend personne et on garde la ligne éditoriale d’avant », assure Nibras l’étudiant.
RELEVER LE DÉFI DE LA PROFESSIONNALISATION
Avec son entrée prochaine dans les foyers tunisiens, d’autres défis attendent Radio Kalima Tunisie. « Maintenant, on a les conditions pour travailler en réel. Il faut qu’on poursuive les mêmes objectifs mais de façon plus professionnelle », indique Omar, en assurant 24 heures de diffusion avec des plateaux en direct. Selon lui, devenir une radio commerciale ne devrait pas les priver de leur indépendance. « Nos investisseurs, ce sont les ONG et les radios qui nous ont toujours soutenus ainsi que des hommes d’affaires tunisiens qui nous ont aidés à préserver notre liberté d’expression. En en payant souvent le prix. »
Source: ”Le Monde.fr” Le 07-02-2011
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«Mohamed a offert son âme pour son pays, il ne faut pas en faire quelque chose de mercantile»
La famille de Mohamed Bouazizi tente d’éviter par tous les moyens que le nom de leur défunt ne soit utilisé à tort et à travers…
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a annoncé vendredi dernier son intention de donner à un lieu parisien le nom de Mohamed Bouazizi,le jeune Tunisien dont l’immolation a déclenché la vague de manifestations ayant abouti à la chute du régime Ben Ali. Une façon de lui «rendre hommage», selon le maire de la capitale.
La famille de Mohamed Bouazizi, par la voix d’un de ses cousins, Chamseddine Lachhab, et de son frère Salem, a indiqué à 20minutes.fr qu’elle se sentait «honorée par le geste». Cependant, elle déplore que personne de la Mairie de Paris ne les ait contactés pour leur demander la permision d’utiliser le nom de leur défunt. Leur plus grande crainte: que son nom soit récupéré à des fins politiques, ou pour un quelconque profit que ce soit.
«Ce qui est arrivé à Mohamed ne doit pas bénéficier à un parti»
«On ne veut pas que ce soit récupéré, alors on ne laisse à personne la possibilité d’essayer de profiter de nous», indique Salem Bouazizi. Pourtant, des représentants de partis politiques sont déjà venus pour tenter de s’adjoindre ses services. Il les a remerciés. «Je n’y connais rien en politique, je ne sais même pas quels partis ils représentaient», explique-t-il.
«Ce qui est arrivé à Mohamed ne doit pas bénéficier à un parti, à un homme politique pour récolter des voix», reprend Chamseddine, le cousin, qui rappelle que «Ben Ali a déjà tenté de le faire lorsqu’il est venu à son chevet» pour calmer l’opinion publique tunisienne, le 28 décembre dernier.
«Je ne veux pas que les gens profitent de mon frère»
«Mohamed a offert son âme pour son pays, il ne faut pas en faire quelque chose de mercantile», martèle Salem. «Je ne veux pas que les gens profitent, de quelque manière que ce soit, de mon frère.» Il souligne encore qu’il ne veut « surtout pas que des gens se fassent de l’argent» sur le dos de son frère. «Je ne veux pas voir son nom sur des t-shirts ou sur un parasol, par exemple.»
Salem a même refusé de vendre la charrette avec laquelle son frère vendait ses fruits et légumes. Il affirme qu’il «ne la lâchera pas». Il se dit prêt à l’emmener à Tunis pour l’exposer, pour que tout le monde puisse voir ce symbole de la Révolution de Jasmin, mais affirme qu’il la ramènera avec lui, à Sidi Bouzid.
Source : « 20minutes » Le 07-02-2011