Ben Ali et son épouse accusés de « complot contre la sûreté » de l’Etat
AFP: Tunisien: 55 nouveaux partis sur la scène politique depuis la révolution
AFP:
40.000 Libyens fuient en Tunisie
Ben Ali et son épouse accusés de « complot contre la sûreté » de l’Etat
Tunisien: 55 nouveaux partis sur la scène politique depuis la révolution
TUNIS – Quelque 55 partis politiques été créés en Tunisie depuis la chute de l’ancien régime le 14 janvier en Tunisie, où le nombre de formations politiques est désormais de 63, a-t-on appris mercredi auprès du ministère de l’Intérieur. Sous le régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, seuls huit partis étaient autorisés sur la scène politique dominée par le parti au pouvoir le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) dissous le 9 mars à la demande des nouvelles autorités. Selon le ministère de l’Intérieur, 82 demandes de création de partis politique ont été refusées. Dans le secteur médiatique fortement contrôlé par l’ancien régime, 51 publications ont été autorisées même si elles n’ont pas toutes encore vu le jour et 40 demandes sont encore en attente. Durant les 23 ans de pouvoir de Ben Ali, seuls 10 quotidiens ont été créés, a indiqué le ministère de l’Intérieur. Ces nouveaux partis politiques prennent place avant l’élection prévue le 24 juillet d’une Assemblée nationale constituante (ANC), chargée d’élaborer une nouvelle Constitution qui marquera l’émergence de la nouvelle Tunisie, l’après-Ben Ali. Parmi les formations politiques autorisées récemment figure un parti, le mouvement islamique Ennahda (Renaissance), présidé par Rached Ghannouchi, qui a été légalisé le 1er mars, trente ans après sa fondation.
(©AFP / 04 mai 2011 21h31)
40.000 Libyens fuient en Tunisie
Evacuation d’un immeuble parisien occupé par des migrants tunisiens
(AFP)–Il y a 6 heures
PARIS — Un immeuble du nord de Paris, occupé depuis lundi par une centaine de jeunes migrants, pour la plupart Tunisiens, a été évacué mercredi en début d’après-midi, a-t-on appris de sources concordantes.
Les occupants « ont été emmenés dans des commissariats pour des vérifications d’identité », a indiqué la préfecture de police. Selon la PP, « 128 personnes qui se trouvaient à l’intérieur du bâtiment » sont concernées, ainsi que « 20 autres personnes qui manifestaient devant l’immeuble, sans déclaration préalable ».
Leur sort devrait être décidé à l’issue de ces vérifications.
« L’opération d’évacuation a commencé peu avant 14H00 et s’est achevée sans incident notable à 15H00. Nous agissons sur réquisition du propriétaire des lieux », a indiqué la préfecture de police de Paris. L’immeuble, situé au 51 avenue Simon Bolivar (XIXe arrondissement), « n’était pas aux normes d’incendie et n’est pas adapté à servir de local d’hébergement », a-t-on ajouté.
L’évacuation « s’est faite à la demande de la Ville: ce lieu est reconnu comme dangereux et n?est nullement conçu pour servir d’hébergement », a confirmé la mairie de Paris propriétaire de cet immeuble insalubre, situé à proximité directe du parc des Buttes Chaumont.
Le bâtiment était occupé depuis lundi par une centaine de jeunes migrants, pour la plupart passés par l’Italie, qui dormaient depuis leur arrivée à Paris dans des jardins de la ville, notamment au Parc de la Villette.
Pendant l’évacuation, plusieurs dizaines de personnes soutenant les migrants ont crié « Liberté! Liberté! », face à un cordon de CRS protégeant l’accès à l’immeuble. Certains soutiens, en colère, ont lancé des détritus sur les CRS.
La Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR) a condamné « l’attitude de ce gouvernement qui, malgré des demandes répétées de prise en charge humaine de la question des migrants tunisiens, ne sait utiliser que des solutions répressives ».
La mairie de Paris a précisé qu’avant l’évacuation, « des élus et des représentants de la ville ont tenté de convaincre les ressortissants tunisiens présents de quitter le lieu pour rejoindre les hébergements » financés par la Ville.
Elle a appelé l’Etat à « mettre en place un dispositif adapté à ces circonstances exceptionnelles, notamment en proposant une aide au retour revalorisée ».
Le conseiller UMP de Paris Jean-François Lamour a dit à l’AFP « approuver totalement » l’évacuation.
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La Tunisie vit sous la menace mafieuse des hommes de main de l’ancien régime
Par Benoît Delmas*
Avec le calme que donne la certitude, Ali lâche : « Dégueulasse est un mot propre pour dire ce qu’ils ont fait. » 48 ans, dont 23 sous Ben Ali, Ali a honte. Depuis son poste d’observation, vingt-huit ans de taxi, il a tout vu, tout entendu, tout ressenti. La saloperie humaine, le vice et la perversion qu’autorise l’argent roi des mafieux. La suprématie du fort, financièrement parlant, sur le laborieux qui chaque matin courbait l’échine sous peine de prison, d’interdiction de travail, de confiscation de sa marchandise. Pour Ali, rien n’est fini.
« Ils sont encore là », jauge-t-il, les yeux plissés. Ce qu’il dit sans ambages, ils sont de plus en plus nombreux à le murmurer. Lorsque le despote quitta le pays, le 14 janvier à 17 h 52, les klaxons retentirent dans tout le pays. Deux heures plus tard, des 4×4 déboulèrent, vitres baissées, chargés de miliciens armés du dernier cri. Les desperados du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) avaient pour ordre de brûler le pays. Cinq jours de crimes suivirent le départ de Zine El-Abidine Ben Ali. Cinq jours entre enfer et espoir. Cinq jours durant lesquels la population tunisienne érigea des barrages de fortune, des barricades de bric et de broc. Avec des planches, des voitures calcinées, des meubles, chaque quartier s’organisa pour enfreindre le « à tombeaux ouverts » des partisans de M. et Mme Ben Ali. Un élan de courage, de solidarité que le peuple tunisien ne doit jamais oublier.
La révolution s’est jouée le 14 janvier et les cinq jours qui suivirent. Hommes, femmes, vieillards, jeunes, handicapés et enfants, tous furent des comités de quartier. Une vigueur nationale dont ils n’eurent pas le souffle de se rendre compte. Personne n’a pu fêter la grande victoire. Aucun, aucune, n’a pu danser, chanter le triomphe du peuple sur la force. Une révolution confisquée par cinq jours de terreur. Résultat : aucune union nationale. Et une grosse fatigue que les partisans de Ben Ali et des Trabelsi entretiennent.
Règne de la peur
Désormais, la Tunisie vit sous la menace des hommes de main de l’ancien régime. Policiers, mafieux, voyous, notables de l’ex-RCD : tous s’unissent pour salir, casser, tabasser le pays. Leur objectif : instaurer le règne de la peur. Se venger. Tuer la révolution. Chaparder le pouvoir. Quelques exemples : samedi 30 avril, ce sont trois prisons qui sont incendiées afin que 800 détenus s’échappent. Samedi encore, ce sont 500 salafistes qui font violence, avec la complicité de la police politique, avenue Bourguiba. Dimanche 1er mai, c’est un hôtel international de Tunis qui est attaqué comme dans le plus mauvais des westerns. Total : la multiplication des opérations coup-de-poing menée par de petits mercenaires rémunérés par les ex du RCD.
On s’explique difficilement que certains Trabelsi puissent encore faire du business à distance. On ne comprend pas que les prisonniers du type d’Imed Trabelsi bénéficient d’un régime digne d’un palace. L’armée et ses 43 000 soldats ne peuvent tout faire. La police de Ben Ali comptait 200 000 membres, sans compter les indics, vigiles et espions du quotidien. Ils n’ont pas disparu. Ajoutons au tableau le voisin libyen qui tente d’exporter sa guerre sur le sol tunisien avec force obus, mortiers… Kadhafi n’a jamais pardonné que son ami Ben Ali soit viré comme un voleur. Alors il frappe, via ses mercenaires, le grand sud.
Pour les amateurs de symboles, la Tunisie est devenue une destination de choix. On y fait du tourisme de grandes déclarations. A Tunis, le défilé continu de dirigeants étrangers donne lieu à des multitudes de déclarations, d’encouragements. Mais de concret, peu. Pour parler cash, il faut déverser des tonnes de flouz sur la frêle démocratie. L’aider sans compter. Les besoins immédiats sont estimés à 4 milliards de dollars par la Banque mondiale. Le prix à payer pour remettre le pays sur les rails de la croissance. Et le sauver définitivement des complots fomentés par ceux qui firent fortune sous Ben Ali et perdraient tout sous un régime démocratique.
Située entre l’Algérie et la Libye, la Tunisie occupe une place géostratégique qu’il serait idiot de sous-estimer. Si l’on ne veut pas assister à la mise à sac de la révolution, si l’on ne souhaite pas le come-back de la mafia, si l’on a un minimum de respect pour un peuple qui a su s’affranchir de la peur pour déloger un mafieux, un clan, ses gangs, alors il faut aider la Tunisie. Aujourd’hui. Sans attendre une minute de plus. Demain, il sera peut-être trop tard.
*Benoît Delmas, journaliste et écrivain
Source : « Le Monde » Le 04-05-2011
Tunisie. Une révolution sans joie
Par Raouf Laroussi*
On sent de plus en plus le goût amer du désordre au sommet de l’Etat qui a suivi la chute du régime de Ben Ali. Ce désordre et cet affaiblissement de l’Etat se traduisent d’abord par la dégradation de l’ordre public et le sentiment d’insécurité qui en découle.
Une rupture retardée La seconde conséquence, non moins importante, est le ralentissement des activités économiques et l’absence de visibilité pour l’engagement de nouveaux grands projets et le drainage d’investissements nationaux et étrangers. Le blocage de l’économie se répercute évidemment directement sur l’emploi et renvoie au chômage de nouveaux groupes de jeunes tunisiens. En troisième lieu, on note une lenteur dans la rupture avec le régime déchu. La justice tarde à être rendue alors que les crimes et autres délits de différentes natures commis par le clan et ses associés sont visibles à l’œil nu. Certains courants contre-révolutionnaires traversent encore la haute administration et les entreprises publiques. Certaines organisations satellitaires qui se cachaient derrière un voile humanitaire et qui faisaient la propagande du pouvoir de Ben Ali n’ont subi aucun questionnement alors qu’elles exerçaient un pouvoir égal ou supérieur à celui des ministères… Last but not least, la reconstruction politique cherche difficilement son chemin. En effet, les Tunisiens se sont révoltés contre un régime despotique qui a confisqué la liberté et les biens du peuple.
D’un despotisme éclairé à un despotisme inculte Après Bourguiba qui a régné en despote éclairé et intègre, la Tunisie a basculé sous la coupe d’un despote inculte et corrompu qui a bénéficié du soutien de l’Occident, sous prétexte de lutte contre le terrorisme islamiste et l’immigration illégale. Le despotisme de Bourguiba était justifié par la précarité de la nation héritée du joug colonial et le besoin d’unité nationale pour construire un Etat moderne. Sous les deux régimes qu’a connus la Tunisie depuis son indépendance, l’exercice de la démocratie était défaillant et la vie politique se résumait, à part quelques périodes d’éclaircie, à la propagande d’un parti unique et au culte du chef de ce parti. Toutefois, le régime de Bourguiba s’accommodait d’une certaine liberté de penser, en raison de la personnalité même de Bourguiba, pétrie d’histoire et de culture, et fortement influencée par les démocraties occidentales. Le régime de Ben Ali, quant à lui, exerça un anéantissement de la pensée et de la culture entraînant un laminage de la classe politique. En procédant à la massification au niveau de l’enseignement supérieur accessible automatiquement par l’obtention d’un baccalauréat fortement dévalorisé, le régime de Ben Ali donna un coup fatal à la qualité des formations universitaires sauf dans certains îlots qui ont échappé à ce cataclysme. Le renouvellement des élites en prit un coup dur. Ainsi, c’est avec une jeunesse certainement intrinsèquement bonne mais formée de manière médiocre dans son écrasante majorité, une population adulte éblouie par l’apparition soudaine de la lumière de la liberté et une classe politique sinistrée que se retrouve la Tunisie post 14 janvier.
Reconstruire la gouvernance du pays D’où la difficulté de la reconstruction d’une gouvernance viable du pays. Cette difficulté est d’autant plus grande que le vide dans l’espace politique est exploité par certains courants fondamentalistes qui s’appuient sur la religion dans l’établissement de leur vision politique même si les évolutions des deux dernières décennies ont tempéré leur ardeur. D’un autre côté les partis et intellectuels laïcs brillent par leur désunion et leurs rivalités. La révolution était sans leader. La reconstruction l’est aussi et l’avenir de la démocratie est incertain sauf si tous les militants de tous les partis s’engagent à être d’abord des militants pour la reconstruction politique du pays sur des bases démocratiques irréversibles et se décident à y croire fermement. Y croire, en mettant notamment en sourdine la voix de leur ego.
* Universitaire, Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis (Enit). www.facebook.com/RaoufLaroussi
Source : « Kapitalis » Le 04-05-2011
La finance internationale fait pression pour une contre-révolution en Tunisie
Par Olivier Laurent
Le processus de réformes politiques en Tunisie écarte du pouvoir les figures trop liées, aux yeux des masses, au dictateur Ben Ali, tombé en janvier dernier. Cependant, il vise avant tout à justifier le maintien des conditions sociales contre lesquelles les Tunisiens se révoltent, dans l’intérêt des bourgeoisies nationale comme étrangères – et notamment française.
Ainsi, le gouvernement de transition tunisien a proposé d’interdire à ceux qui avaient détenu des postes à responsabilité au cours des dix dernières années dans le parti de l’ex-président Ben Ali, le Rassemblement démocratique constitutionnel (RDC) maintenant dissout, de participer aux prochaines élections prévues pour le 24 juillet. Il est également question d’exclure les membres du gouvernement précédent, ses conseillers et ses attachés.
Ces propositions sont une réaction à la mobilisation continue de la classe ouvrière tunisienne, une tentative tardive et symbolique de se distancier du régime de Ben Ali. Chokri Belaid du Mouvement des patriotes démocrates (MPD) et Abdellatif el-Mekki, membre du Bureau exécutif du parti islamiste Ennahdha, ont tous deux refusé de s’associer à cette décision limitée, prévenant le gouvernement qu’elle était loin de suffire à contenter la population et qu’ils craignaient une « nouvelle vague de contestations ».
Le Premier ministre d’intérim, Beji Caid Essebsi, a adopté une position distante vis-à-vis de la proposition, déclarant que les ex-membres du RDC « ne devraient pas être empêchés de se présenter à ces élections, s’ils ne sont pas condamnés par la justice. » Il a également insisté sur la nécessité de garantir un « climat social et économique adéquat » pour ces élections.
Sa réaction est la conséquence d’une pression croissante de la finance internationale, pour que l’exploitation des travailleurs tunisiens reprenne de plus belle le plus tôt possible. Dans ce contexte, le pouvoir tunisien mène un chantage économique envers son propre peuple, et s’appuie sur le soutien de tous les partis ayant un tant soit peu d’écho dans les masses, qu’ils soient « de gauche » ou islamistes. Essebsi a ainsi exprimé son inquiétude envers les sit-in, manifestations et grèves qui se poursuivent dans le pays, disant clairement que cela allait diminuer les investissements. Il y aurait eu 110 faits de blocages d’autoroutes et lignes de chemins de fer par des manifestants ces derniers mois.
Les principaux motifs d’inquiétude cités par Essebsi sont le cas de British Gas, qui fournit près de la moitié de la consommation nationale en gaz, où les grèves se sont multipliées parallèlement à un blocage de l’usine par des habitants proches exigeant des emplois ; le blocage du port de Sfax par des marins ; et des émeutes dans la région de Zarzis après l’arrestation des organisateurs d’un réseau d’immigration clandestine.
Les institutions internationales commencent à faire sentir leur impatience. La Tunisie a été invitée à participer à la prochaine réunion du G8 qui se tiendra en France (l’ancienne puissance coloniale de la Tunisie et qui est actuellement à l’initiative d’une intervention impérialiste en Libye voisine). Pour Essebsi, c’est « un motif de fierté pour tous les Tunisiens ».
Le message qui y sera délivré au gouvernement tunisien sera dans la lignée de celui donné lors des assemblées de printemps de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI). Ceux-ci, qui qualifiaient la Tunisie de « bon élève » sous Ben Ali, ont annoncé une aide budgétaire de 500 millions de dollars accordée au pays, qui devrait « générer 700 millions de dollars supplémentaires dans le cadre d’une nouvelle approche proactive. » Le contenu de cette « approche proactive » sera de « supprimer toutes formalités inutiles pour la création d’activités, » c’est-à-dire essentiellement de poursuivre les réformes économiques libérales.
La Tunisie n’aura qu’une croissance de 1,3 pour cent cette année d’après le rapport sur les perspectives économiques globales du FMI et de la BM, contre 5 pour cent de moyenne sur les dix dernières années. La baisse des exportations vers l’Europe après la crise économique avait déjà fait chuter cette croissance à 4,6 pour cent en 2008 et « entre 3 et 4 pour cent » en 2009-10 (source CIA World Factbook).
Le FMI anticipe une reprise à 5,6 pour cent l’année prochaine, mais cela ne lui suffit pas : « Le rééquilibrage n’est pas en train de se faire aussi rapidement que nous le souhaitons. Et il faut encore plus d’efforts pour soutenir l’exportation, la consommation et l’investissement, » a déclaré Olivier Blanchard, économiste en chef au FMI.
La hausse des salaires est une option exclue d’emblée par le FMI : Ahmed Masood, directeur du département MENA au FMI a déclaré que la hausse des salaires ne pourrait pas constituer une solution, en l’absence d’une augmentation encore plus importante de la productivité.
Le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, a organisé à l’Institut du monde arabe à Paris un colloque le 16 avril sur le thème du « printemps arabe, » réunissant les ambassadeurs de France, des chercheurs et des « acteurs » de ces révolutions, dont des représentants de partis islamistes arabes. Ces partis n’ont joué pratiquement aucun rôle dans les mouvements initiaux, mais les puissances impérialistes les considèrent maintenant comme un moyen acceptable de canaliser le mécontentement populaire—à condition de donner quelques gages de bonne conduite aux impérialistes.
Ainsi, lors de ce colloque, Mohamed Ben Salem, représentant du parti Ennahdha, a déclaré qu’il « ne vise pas l’hégémonie » et s’est prononcé pour la parité hommes-femmes lors des élections, rejoignant le souhait du gouvernement et des groupes de défense des droits de l’Homme.
Pour autant, la politique qui sera ainsi appliquée avec la participation des islamistes et des féministes sera fondamentalement anti-ouvrière. Toujours dans ce colloque, deux militantes tunisiennes des droits de l’homme, Souhayr Belhassen et Radhia Nasraoui, se sont publiquement inquiétées des risques de « contre-révolution » dans leur pays.
En fait, elles adhérent complètement au chantage économique du gouvernement. Leur inquiétude tient à « l’incohérence et l’instabilité du processus démocratique qui tend à la disparition de l’État ; l’appauvrissement économique alors que l’activité industrielle et touristique tarde à reprendre ; le désenchantement. En outre, certaines structures et pratiques de l’ancienne police politique semblent se remettre en place. » C’est-à-dire que pour éviter la répression contre-révolutionnaire, elles militent pour l’acceptation par la population d’une politique économique brutale.
Quelques mois à peine après la révolution qui a chassé Ben Ali, l’intégration de la nouvelle couche de jeunes petits-bourgeois « révolutionnaires » tunisiens dans le système impérialiste français est déjà bien en marche. Ce lien transparaît clairement dans une visite « express » de Juppé en Tunisie le 20 avril, pour accorder un prêt de 350 millions d’euros.
Juppé y a trouvé le temps pour un dîner « avec quelques bloggeurs chevilles ouvrières de la révolution, », selon l’AFP, puis de partager son petit-déjeuner le lendemain matin avec des hauts responsables du nouveau régime, dont Yadh Ben Achour, président de la Haute commission de réformes politiques, et connu comme expert en droit public et en théorie politique islamique.
Les ministres tunisiens des Finances, du Commerce et du Tourisme, du Transport et de l’Équipement et de la Formation professionnelle et l’Emploi se sont ensuite rendus à Paris le 26 avril, pour garantir la pérennité de leurs investissements à 300 chefs d’entreprises françaises réunis au siège du MEDEF. « Nous sommes venus dire que la Tunisie est en train de changer en mieux et que les opportunités futures seront encore plus rentables et plus intéressantes, » leur a déclaré Jalloul Ayed, ministre tunisien des Finances.
Essebsi a résumé son chantage en déclarant que, « La révolution tunisienne peut mener à la guerre civile comme elle peut mener à la Démocratie, » en clair : si la classe ouvrière ne se contente pas de ces changements cosmétiques, et ne reprend pas le travail dans des conditions largement similaires à celles qui régnaient sous Ben Ali, l’usage de la force sera envisageable pour ce gouvernement capitaliste.
Source : « wsws : World Socialist Web Site » Le 04-05-2011
Tunisie : à quand la renaissance de la presse ?
La presse aujourd’hui est considérée comme un nouveau né. Elle a vécu 23 ans de marginalisation au vu de l’absence de la liberté d’expression, a précisé M. Néji Bghouri, président du Syndicat national des journalistes tunisiens.
Vingt ans après la déclaration de Windhoek, la Tunisie, à l’instar de plusieurs pays, a célébré, mardi 3 mai 2011, la Journée mondiale de la liberté de la presse. « Les médias du XXIe siècle au service de la démocratie » est le thème de cette rencontre. M. Bghouri a présenté le rapport annuel des libertés de presse établi par l’observatoire et traitant des différentes infractions relevées à l’encontre des journalistes et des lacunes de divers médias depuis la Révolution. Les journalistes ont subit des harcèlements physiques et moraux de la part des agents de la police politique. Parmi les griefs dénoncés figurent la dégradation des droits des journalistes notamment sociaux et financiers au sein des institutions médiatiques, l’absence de contrats clairs et des salaires en dessous de leurs compétences, le dépassement flagrant au code de travail ! Parmi les lacunes constatées après le 14 janvier, on cite: l’absence d’une ligne éditoriale au sein des médias, les insultes propagées contre le président déchu, les membres de sa famille et les responsables de RCD Les informations sont devenues similaires en raison du recours à une seule source d’information (la TAP). Il s’agit également de l’absence de la source pour certains médias. Les anciens responsables gérant l’information sont restés dans leurs postes, ce qui a bloqué la liberté d’expression La disparition de certains titres de journaux de partis politiques à l’instar d’Al Horria, le Renouveau, Al Wehda, Al Moustakbil, Al Arab et autres. A accentué le chômage des journalistes. Malgré l’amélioration de contenu de La Presse et d’Assahafa après la Révolution, ces derniers sont menacés de fermeture en raison de problèmes financiers. Cette situation nécessite une intervention immédiate de l’Etat. La période post révolution a connu des avantages. En effet, l’audiovisuel a enregistré une amélioration au niveau de la qualité du contenu, compte tenu du nouveau paysage de liberté d’expression. Les sujets traités reflètent les préoccupations du citoyen. Le rapport n’a rien mentionné sur la presse électronique qui souffre jusqu’à présent de la négligence des autorités. Or, aucune initiative n’est manifestée à l’égard de ce volet. Il est légitime de s’interroger sur l’avenir de la presse électronique en Tunisie.
Source : « Investir en Tunisie » Le 04-05-2011
Tunisie, une nouvelle approche managériale
Beaucoup de sit-in et troubles dans les entreprises tunisiennes ne sont pas du domaine des troubles à l’ordre public mais plutôt du domaine des ressources humaines. Les soigner par la force ne fera que les aggraver car on utilise pas le bon remède.
Quand on soigne une grippe comme un cancer, on fait deux erreurs. La première touche au diagnostic. La seconde c’est qu’au lieu de soigner le corps, on l’abîme encore plus car on utilise un traitement disproportionné. Beaucoup de sit-in et troubles dans les entreprises tunisiennes ne sont pas du domaine des troubles à l’ordre public mais plutôt du domaine des ressources humaines (erreur de diagnostic). Les soigner par la force ne fera que les aggraver car on utilise pas le bon remède (le bon remède est plutôt l’approche managériale).
Le management à la matraque
Il y a quelques temps, une entreprise française me propose de réaliser une mission de management de transition en Tunisie. Le problème était double, faire passer une unité de production de 60 salariés à 200 salariés en quelques mois (tout en mettant en place les départements classiques transversaux que sont les RH, la formation et la qualité) et injecter dans la hiérarchie managériale locale un peu d’esprit managérial moderne. Comme à mon habitude, avant chaque mission, je me suis réservé une semaine d’observation au sein de l’entreprise. Quelle ne fut pas ma surprise ?
Le manager policier
D’emblée, j’ai compris que pour les managers locaux, le management était quelque chose que l’ont faisait aux salariés et non pas quelque chose que l’on faisait avec eux (la nuance est importante). Mais que leur faisait-on ? Les managers, sans exagérer, insultaient quasiment leur subordonnés quand ils leur parlaient. Ils les menaçaient souvent quand les objectifs n’étaient pas réalisés. Et en bons managers « chien de garde », ils contrôlaient de près mais alors de très près ce que faisaient leurs collègues de travail.
Plus qu’étonné de ce système policier à l’intérieur même de l’entreprise, je demandais aux managers pourquoi ils agissaient comme cela. Bien évidemment, comme tout le monde, je sais que le « management à la dure » fut en vogue pendant longtemps dans le domaine de la théorie du Management mais d’abord tout cela date de la préhistoire du Management et ensuite cette conception du management n’allait pas aussi loin que ce que je voyais de mes propres yeux !. Les managers tunisiens, étonnés par mes questions, me donnèrent la raison.
Pour eux, ils partaient du principe que le salarié tunisien était paresseux et qu’ils le stimulaient de cette façon pour être davantage performants. Bref, c’était un management par la peur, l’intimidation et la contrainte constituait, aux yeux des managers, la source de la motivation de leurs collaborateurs.
Je voulais aussi avoir le ressenti des salariés. Je me posais mille questions. Comment se faisait-il qu’ils ne craquaient pas ? le comportement des managers influaient-ils sur leurs performances ? qu’attendaient –ils de leur manager ? La position des salariés m’étonna elle aussi. Je trouvais en face de moi des personnes d’une qualité intellectuelle élevé, d’un professionnalisme étonnement haut malgré ces conditions de travail. Mais je les trouvais aussi plein d’une rancœur contenue mais prête à exploser à tout moment. Et plus le temps passait plus cette rancœur constituait une bombe sociale forte.
En quelques mots, les collaborateurs tunisiens qui, pour certains avaient plus de diplômes que moi ou leur managers, avaient les mêmes attentes que les collaborateurs européens. A savoir, travailler dans une entreprise dont ils acceptent les contrôles quant aux objectifs remplis mais où on leur fait confiance aussi. Une entreprise où on leur apporte formation. Une entreprise dans laquelle il y a une communication transparente et rapide et où ils peuvent faire preuve d’initiative dans l’intérêt de leur entreprise.
Quant au fait qu’ils tiennent le coup psychologiquement, les salariés m’expliquèrent, après que je les ai assuré de ma confiance, qu’ils faisaient beaucoup de choses dans le dos de leur managers et que certes cela nuisait quelques fois au travail mais que leur managers ne les motivaient pas aussi de leur coté (consultation abusive d’internet, temps de pause exagéré, absentéisme…..). Bref, j’étais en face d’une mauvaise pièce de théatre. D’un coté, des Managers policiers à la main de fer, de l’autre des tunisiens rusés qui font tout par derrière et ce au détriment de l’entreprise !
Mise en place des solutions
Pour être honnête, je ne pense pas être arrivé au bout de mes objectifs même si j’ai du utiliser une méthode radicale. Passer du management à la dure au management « empowerment » (pour ceux qui ne savent ce que c’est, je vous renvoie à une recherche sur internet) en si peu de temps n’était pas chose aisée. Mais certains managers ont commencé à se réformer en comprenant qu’ils n’avaient pas le choix. Pourquoi ? Parce qu’il en allait de leur intérêt tout d’abord. En faisant confiance à leur salariés, en les contrôlant de manière plus fine et raisonnable, ils s’évitaient ulcères et surtout pouvaient se consacrer à d’autres points plus importants pour l’entreprise.
Parce qu’en Tunisie aussi, il y a eu le phénomène de nivellement de la hiérarchie. Le salarié tunisien est diplômé, parfois même sur diplômé par rapport au poste qu’il occupe. Il est souvent même plus diplômé que son manager. De ce fait, même si le manager a une supériorité hiérarchique légitime, il n’en demeure pas moins que la relation est davantage devenue une relation de partenariat que hiérarchique. Ce nivellement hiérarchique est réel et constitue un fait. Le manager doit donc traiter avec un partenaire dans l’entreprise et non plus un subordonné.
Parce qu’à cause de l’ère de l’internet et du mail qui ont aussi changé la donne. Le salarié est directement impacté par cette révolution technologique, ses valeurs changent. Ils devient plus exigeant quant au respect qu’on doit lui accorder (est-il nécessaire de rappeler qu’après le salaire, la première exigence du salarié est d’être respecté, encouragé par sa hièrarchie ; ce levier managérial est bien souvent négligé. Un sourire, serrer la main, un compliment quant au travail fait ne coute rien et peut rapporter gros!).
Le salarié sait comment les managers traitent leur collaborateurs ailleurs, et ce d’un seul clic de souris. Il connaît l’ouverture que connaît la société dans le monde. Comment peut il accepter d’être mal traité dans son entreprise par un dictateur-manager qui remet en question tout ce qu’il fait? Parce que l’impératif de communication est apparu ! Un manager ne peut plus se permettre de se croire tout puissant car il contrôle l’information. D’ailleurs peut-il encore faire de la rétention d’information ? Avec internet, son salarié en sait davantage et parfois même plus que lui sur l’entreprise (plusieurs exemples récents frappants ont révélé des informations confidentielles sur les entreprises tunisiennes). Certaines informations confidentielles sont divulguées publiquement et mondialement en un temps record ! Parce que le salarié tunisien est malin comme tous les salariés du monde (voir même un peu plus). Par devant, ce sera un « un béni oui-oui » car il a peur de vous et que dès que le manager a le dos tourné, ce sera la fête au travail sur le dos de l’entreprise.
Le management à la dure pour les durs managers
Si certains managers auxquels j’ai été confronté ont évolué, d’ autres, conscients qu’ils allaient devoir se mettre davantage à hauteur du salarié et perdre leur pouvoir, firent bloc contre moi et me firent, je peux le dire avec le sourire aujourd’hui, la misère totale. Coups bas et coups tordus étaient mon lot quotidien. Je devais donc, à mon grand regret, adopter moi aussi une méthode radicale avec eux. Ces récalcitrants allaient goûter mon management à la dure.
Du jour au lendemain, j’intimidais et menaçais. Je harcelais de contrôle certains et humiliais à haute voix d’autres. Je ne communiquais plus les objectifs à réaliser et prenait un malin plaisir à souligner la non atteinte des objectifs que je n’avais pas communiqués. Je rétrogradais certains managers et nommaient leurs anciennes victimes et ennemis dans l’entreprise à leur poste. Je coupais l’internet de certains et les empêchait même d’avoir accès à leur boite mails. Sous tension, je ne voulais pas qu’ils se divertissent et trouvent une soupape de sécurité. J’agissais dans les règles mais comme elles.
Cette période fut sans doute aussi épuisante pour eux que pour moi, en totale contradiction avec mes principes. Mais miracle, le groupe de managers récalcitrants me demandèrent collectivement un temps d’échange après 3 mois de cette guerrilla dans l’entreprise. Et là quelle ne fut pas ma stupeur quand ils m’ont reproché d’être trop dur, d’être méchant, de ne pas les respecter, de vouloir les humilier. Bref de ne pas leur fournir un cadre de travail positif plus à même de les rendre performants. Ceux que leurspropres subalternes leur reprochaient !!!
A partir de ce moment, avec beaucoup de retard, j’ai pu commençer ma mission. Je réhabilitais les managers rétrogradés, faisait la paix avec tout le monde et eux s’engageait à vraiment manager mieux pour permettre à l’entreprise d’être plus performante (car au delà des considérations humanistes, chaque manager doit comprendre que mieux manager c’est dans l’intérêt de l’entreprise avant tout !)
L’empowerment (ou la commuication dans l’entreprise, la motivation du salarié)
Le manager doit soutenir ses salariés. Le salarié, en venant le matin au travail, ne doit pas avoir peur d’être brûlé par le bûcher des mauvaises paroles de son hiérarchique. Non, le feu, il faut l’allumer dans le cœur de vos collaborateurs. Motivés, ils travailleront plus. L’entreprise doit être un lieu d’échange pour pouvoir mettre en place de nouvelles idées, de nouveaux process pour satisfaire mieux vos clients. Rappelez-vous, le salarié sait souvent mieux que le manager ce qui satisfait le client car il est au contact tout le temps avec le client.
Si cette communication, ces échanges n’ont pas lieu dans l’entreprise, ils auront lieu ailleurs, sur Internet, dans les couloirs, dans la rue…ect. Et là, ces informations qui circuleront pourront nuire à l’entreprise. N’oubliez pas, nous sommes à l’ère du tweet et de l’e-mail. Pour ce qui me lisent jusqu’ici, pourquoi ce point sur le management ? qu’est-ce que cela à faire avec la Révolution tunisienne ?
Quand on regarde les sit-in dans certaines entreprises, les blocages de route devant certaines autres, ….. on s’aperçoit que ce ne sont pas tant des revendications salariales en terme financier qui sont faites mais des revendications à destinations des managers présents. Soit que ces managers, n’ayant pas compris que le tunisien ne peut plus être géré par la peur continuent dans leurs mauvaises habitudes, soit qu’il y a une carence en terme d’échange dans l’entreprise. Dans les deux cas, le conflit ne pouvant être géré dans l’entreprise, il se déplace sur la voie publique, dans la rue occasionnant par la même occasion des heurts qui viennent amplifier le climat que l’ont connaît déjà.
Si les personnes se sentent bien dans l’entreprise et savent qu’elles peuvent y être entendues, elles n’iront pas dans la rue. Elles s’adresseront directement à vous chefs d’entreprise et managers. Vous aussi avez votre révolution à faire et jouer votre rôle dans l’optique de bien manager, mais aussi d’apaiser le climat social tunisien (et par la même les éventuels troubles à l’ordre public qui pourraient en résulter).
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PS: Dans un souci d’honnêteté intellectuelle, j’ajoute trois points. Le management est un art difficile, même en Europe où hélas on voit qu’il n’est pas parfait car des suicides se produisent dans les entreprises et où les arrêts maladies sont nombreux. Donc le management « à la dure » n’existe pas qu’en Tunisie !
Ensuite, les salariés tunisiens doivent bien comprendre que l’anarchie est intolérable quel que soit l’état du pays ou le contexte et qu’on ne peut pas profiter de la période actuelle pour réclamer tout et n’importe quoi. Le tunisien ne peut pas reprocher à l’ancien système son arbitraire et être à l’origine d’un contexte d’arbitraire et d’anarchie aujourd’hui. Et j’ai même envie d’ajouter à l’adresse du salarié tunisien que par ces temps troubles que traverse la Tunisie, même si ses revendications sont légitimes, qu’ils fasse preuve de patience et se retienne d’agir pour ne pas faire fuir les investisseurs étrangers et pour le bien de toute la Tunisie.
Enfin, mon texte ne concerne bien évidemment pas les actes de délinquance, qui même s’ils se déroulent dans une entreprise, sont des troubles à l’ordre public et relèvent du domaine non plus des ressources humaines mais de la sécurité.
Source : « Les Echos » Le 04-05-2011
Plus jamais la démocratie par procuration en Tunisie
Vivre la démocratie via un écran de télévision ne nous suffit plus.
Il fut un temps ou je vivais la démocratie par procuration, tout comme d’autres tunisiens. J’ai passé maintes soirées à suivre les résultats des élections législatives en France alors que je vivais en Tunisie et que je ne connaissais même pas le nom du gouverneur ni celui du maire par exemple. Je veillais tard pour les élections américaines, pour moi les débats télévisés des politiciens des grandes démocraties mondiales étaient plus importants à suivre qu’un remaniement ministériel tunisien. Oui le résultat était couru d’avance et les chaises musicales du gouvernement ne me fascinaient pas.
Aujourd’hui, je me relève difficilement du choc post 14 janvier ou des « glorieux ont triomphés du lâche »
Ces démocraties tant adulées montrent pour moi leur « échec » en n’ayant pas prévu ni soutenu la volonté des peuples opprimés de se « libérer » du joug de la dictature. Aujourd’hui je n’arrive plus à « aduler ces systèmes démocratiques qui traitent avec des états avant de traiter avec des peuples. Je n’arrive plus à voir une once de « perfection » dans ces régimes qui soutiennent et financent les dictatures sous prétexte que c’est le dernier rempart contre le terrorisme.
Je cite Frédéric Charillon Le monde 9 avril 11 qui dit « la France doit rompre avec sa politique post coloniale » et je dis plus tout ceux qui se considèrent comme les francs de ce monde doivent changer leur vision de la politique et s’adapter à cette nouvelle ère.
Je pense que ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie, en Egypte, au Maroc, au Bahrein, au Yemen , en Jordanie et bientôt partout dans le monde est encore plus fort que la chute du mur de Berlin. C’est la chute du mur de la peur, du mur du complexe d’infériorité.
Je crois que les peuples qui se sont levés ces derniers mois contre leurs dictateurs sont fin prêt pour décider de leur sort. Pourquoi doit on se voir dans un moule de démocratie à la française, à l’anglaise ou la suédoise, pourquoi on n’invente pas notre propre système d’auto gouvernance. Je pense que ces révoltes, évolutions ou révolutions concrétisent une soif de décider de son sort et celui de sa nation par soi même.
Ce que je vois sur les réseaux sociaux c’est aussi une nouvelle forme de communication entre peuples directement sans passer par les colonnes des journaux ou les émissions télé.
Pour l’anecdote, le jeunes de place Tahrir ont demandé sur twitter et facebook à leurs « amis tunisiens » comment ils faisaient pour lutter contre les gaz lacrymo et les tunisiens leur ont répondu utilisez du cola !
Des fouteurs de trouble ont tabassé les joueurs d’une équipe de foot tunisienne en déplacement en Egypte. Même pas une heure après on remarque une grande effervescence sur les réseaux sociaux avec des Egyptiens qui demandent pardon aux tunisiens avec un millier de manières différentes.
Ce type d’échanges devrait nous inciter à revoir la manière avec laquelle communiquent les pays et les peuples. Je pense que l’ère des relations diplomatiques classiques est finie et qu’aujourd’hui on doit inventer un nouveau mode relationnel inter peuples et inter pays qui place l’humain en dessus de toute autre considération.
Oui ça affecterait les relations économiques telles que nous les connaissons les frontières administratives entre les pays les flux migratoires. Mais n’est il pas temps d’évoluer vers autre chose ?
Je reviens un peu sur terre, je n’ai pas la prétention de changer le monde et pour le moment je me contente de préoccupations plus terre à terre comme les élections en Tunisie. Je pense qu’il est de notre devoir à tous de voter et de décider de notre sort. Mieux, je pense qu’il est de notre devoir de se présenter aux élections comme représentants du peuple. L’assemblée constituante devrait à mon sens constituer un enjeu entre indépendants et pas être disputée par les partis politiques. Je vais sortir une phrase bateau pour dire que nous avons une chance de construire quelque chose pour nos enfants ; pour y arriver on doit innover et je pense que les partis du 20ème siècle ne répondent plus aux besoins actuels.
Faites des listes indépendantes et surtout votez pour les indépendants !
Source : « agoravox » Le 04-05-2011
Tunisie. Les socialistes européens «votent»… Mustapha Ben Jaâfar
«Un pays qui compte de nombreux partis, c’est bien! Mais à condition que tous ces partis se serrent les coudes et s’orientent dans la direction qui conduira le pays au développement»…
C’est ce qu’a affirmé Poul Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen (Pse), lors de la cérémonie de clôture du séminaire sur le thème: «Révolutions arabes, l’heure de la démocratie et du progrès», organisé par le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Fdtl), les 28 et 29 avril à Tunis.
Il y a seulement quatre mois, un forum pareil n’aurait jamais pu être organisé en Tunisie. Car, les orientations du Fdtl déplaisaient à l’ex-président voire le dérangeaient et constituaient une grave menace pour son système. C’est donc la première fois que le Fdtl organise, en collaboration avec l’organisation Euromed, une rencontre de cette envergue en Tunisie.
L’union des politiques fait la force de la démocratie
Si dans son mot de clôture du forum, M. Rasmussen a tenu un discours ferme, c’est parce que la Tunisie est aujourd’hui à la croisée des chemins. Selon lui, derrière la révolution tunisienne, qui a déclenché les soulèvements dans le reste de la région, il y a des idées phares et des hommes libres et responsables. Si ces idées ne sont pas mises en pratique et si ces hommes ne sont pas unis, la greffe de la démocratie aura du mal à prendre en Tunisie et, par conséquent, dans les autres pays arabes.
Le président du Pse a constaté que le terrain est encore miné de l’intérieur et qu’il faut faire le ménage prudemment dans la scène politique avant de l’assainir complètement et de passer par la suite à la démocratie.
Selon lui, le pays est dans un enfer pavé de bonnes intentions, l’espoir est donc permis. «Un pays qui compte plusieurs partis, c’est bien! Mais à condition que tous se serrent les coudes et s’orientent dans la direction qui conduira le pays au développement. Le progrès, ne se fera pas en l’absence de la démocratie. Et sans cette union des uns et des autres, elle pourrait ne pas aboutir», a-t-il prévenu, en s’adressant à un parterre d’intellectuels et de représentants de partis, en tout 70 personnalités politiques arabes et euro-méditerranéennes.
Un climat de confiance et de… prudence
Avant de s’attarder sur les conditions du passage de la révolution à la démocratie dans les pays arabes, le président du Pse n’a pas omis de rendre hommage au secrétaire général du Fdtl. «La direction et la vision montrées par Mustapha Ben Jâafar dans ces moments tumultueux me rendent fier de considérer le Fdtl comme associé du Pse. Nous ne pouvons qu’être confiants. En ce moment historique, notre conférence va contribuer à implanter les fondements de la démocratie en Tunisie. Et si celle-ci réussit, elle s’implantera tout naturellement dans l’ensemble de la région», a-t-il indiqué.
Dr Ben Jâafar, pour sa part, a mis l’index sur ce qui a poussé les peuples à se révolter. Pour lui, les révolutions arabes ne sont pas des émeutes de pain, mais des soulèvements pour la liberté et pour la dignité. «Les peuples de la région ont en a marre de leurs dirigeants et il était temps de manifester leur désir d’adhérer aux valeurs universelles et de s’inscrire dans une dynamique de liberté et de démocratie», a-t-il dit. Et d’ajouter que des millions de personnes, au nord et au sud, veulent biffer les frontières, instaurer des dialogues de cultures et des civilisations entre les peuples. «Ces peuples refusent d’être isolés ou marginalisés. Ils ont besoin de se développer sur des bases solides. Il est donc temps de remettre les aiguilles à l’heure et de reconstruire un vrai dialogue d’égal-à-égal avec l’Occident», a-t-il expliqué.
M. Ben Jaâfar a indiqué qu’après avoir écouté les interventions des uns et des autres, il est devenu plus optimiste, même si les hommes politiques doivent aujourd’hui marcher sur des œufs. «Les participants des divers courants politiques, ici présents, ont fait savoir qu’ils sont prêts à coopérer et il n’y a pas mieux que la coopération», a dit aussi le secrétaire général du Fdtl. Pour lui, ce message est fort et il souhaite que ce soit un bon début. «Le moment est venu pour que les uns et les autres s’entendent sur un programme basé sur la liberté et le respect mutuel», a encore indiqué M. Ben Jaâfar. Et d’enchaîner: «Il est vrai que, pour le moment, la Tunisie et ses voisins arabes sont fragilisés. Pour ce qui est de la Tunisie, il y a encore des forces qui ont déclenché la révolution et d’autres qui tirent vers le bas.» Tout en soulignant, en passant, que plusieurs responsables et chefs d’Etat de l’Occident, qui sont des démocrates, ont malheureusement soutenu les dictatures, le chef du Fdtl a indiqué que «la transition vers la démocratie va prendre des années» et que la Tunisie et les pays arabes ont besoin «d’un coup de pouce de nos amis pour tourner définitivement la page sombre de notre histoire».
L’édifice de la transition a besoin d’un bon partenariat
Aussi M. Ben Jâafar a-t-il appelé ses amis européens à plus de coopération dans l’immédiat. Car, selon lui, «il y a des difficultés, mais la Tunisie a encore son ciel bleu et limpide.» Et de lancer à ses hôtes européens: «Il faut seulement que nous résistions un petit peu et que vous nous aidiez à résister pour nous en sortir». Tout en précisant: «La Tunisie n’a pas besoin de charité, mais de coopération».
Le leader du Fdtl a rappelé que la révolution tunisienne a déclenché un vent de liberté dans les Etats de la région et que ces Etats, qui sont en train de mettre les premières pierres à leur édifice démocratique, sont capables de rattraper rapidement la caravane du développement. Il inutile de faire rapidement un saut pour accéder à la démocratie, a tenu, à prévenir Dr Ben Jâafar. Avant d’expliquer: «Pour éviter le risque de trébucher, nous avons besoin de monter les marches prudemment. Nous avons besoin aussi d’un autre discours avec nos partenaires. Nous voulons un autre style, pas de hiérarchie, mais une relation d’égal à égal». «Construire la démocratie c’est aussi édifier une société progressiste, juste et équitable», a-t-il aussi souligné. «Nous attendons des mesures urgentes pour sauvegarder les droits des Tunisiens. Il est aussi impératif de renforcer l’investissement dans les régions les plus reculées et à taux très élevé de chômage. Nous voulons la stabilité, nous ne tolérons pas la violence. Il y a ceux qui parlent aujourd’hui d’un plan Marshall pour la Tunisie, moi, je plaide pour un plan de la dignité», a renchéri le secrétaire général du Fdtl.
Au terme du forum, M. Rasmussen a annoncé un new deal: un second rendez-vous sera au printemps prochain. «Nous allons démarrer le processus de notre partenariat. Nous avons déjà commencé à mobiliser nos cellules en Europe pour un travail de coopération», a promis le secrétaire général du Fdtl.
Source : « Kapitalis » Le 04-05-2011
Comment le mode de scrutin va-t-il court-circuiter Ennahdha?
Par Mehdi Khemakhem*
Après d’innombrables débats enflammés concernant le mode de scrutin pour l’élection de la prochaine assemblée constituante, je me suis rendu compte de la désinformation ambiante concernant la portée et la pertinence du choix de la haute Commission pour la réalisation des objectifs de la révolution. Le citoyen lambda semble avoir troqué sa veste de politologue pour celle de bookmaker! Il donne non seulement gagnant d’avance Ennahdha aux prochaines élections mais il prédit également une domination sans partage de ce parti à l’assemblée constituante vu la très certaine obtention (toujours selon lui) de 25 ou 30% des voix le 24 juillet prochain… Je dois avouer que l’annonce du choix d’un mode de scrutin proportionnel à plus grands restes m’a conforté dans mon optimisme quant à l’avenir de notre pays. Je vais essayer d’expliquer pourquoi! Il n’est pas question, dans cette note, de s’étendre sur les différents modes de scrutin (aucun n’étant théoriquement meilleur que l’autre) mais de faire le plus simple possible en ne traitant que du mode de scrutin pour lequel nos «sages» ont opté. Le raisonnement qui suit va se dérouler en quatre temps. Il faut tout d’abord comprendre que la «carte» des circonscriptions électorales a été remodelée. Chaque gouvernorat est désormais une circonscription électorale à part entière sauf pour Tunis, Sfax et Nabeul qui, du fait de leur grand nombre d’habitants, se sont vus tous les trois découpés en deux circonscriptions (les trois comptent ainsi «double») Après la question du nombre de circonscriptions, il est nécessaire de s’intéresser au nombre d’habitants qu’il va falloir en théorie pour obtenir un siège à l’assemblée constituante. Il a été décidé qu’un siège à l’assemblée constituante représentera 60.000 habitants (on prend en considération le nombre total d’habitants du pays) mais certaines régions intérieures vont se voir attribuer des sièges supplémentaires. La difficulté réside dans la troisième étape. En pratique, une liste quelle qu’elle soit ne devra pas nécessairement obtenir 60.000 voix pour obtenir un siège à l’assemblée constituante! Pourquoi?
Une simulation pour mieux comprendre Je vous propose d’effectuer une simulation. On va prendre l’exemple d’un gouvernorat qu’on appellera «quelconque»! Supposons que ce gouvernorat «quelconque» compte 240.000 habitants. Le gouvernorat va donc bénéficier d’office de 4 sièges à l’assemblée constituante (240 000 habitants/60 000 voix pour obtenir un siège = 4 sièges). Or les 240.000 habitants ne vont pas tous aller voter (c’est la fameuse et dangereuse abstention) et certains votes seront blancs ou nuls! Ainsi, un nouveau paramètre entre en jeu: le nombre de suffrages exprimés! Si l’on considère que l’on va avoir 200.000 suffrages exprimés dans ce gouvernorat «quelconque» qui compte 240.000 habitants, combien va t-il falloir obtenir de voix pour qu’une liste obtienne un siège à l’assemblée constituante? Et bien ce chiffre (que les juristes appellent quotient électoral) sera donné par la division du nombre de suffrages exprimés dans le gouvernorat (soit 200.000 suffrages) par le nombre de sièges qui lui a été attribué au départ (soit 4 sièges dans notre cas). Ainsi, il faudra qu’une liste obtienne 200.000 suffrages exprimés/4 sièges = 50.000 voix pour obtenir un siège à l’assemblée constituante! En quoi ce système va t-il favoriser les petits partis et les listes indépendantes et donc par la même plomber les «grands partis»?! C’est la quatrième étape de notre raisonnement. Nous sommes toujours dans le cadre de notre simulation et de notre gouvernorat «quelconque». Nous supposerons que 8 listes ont été mises en concurrence (pour ne pas compliquer les choses ) et que l’on a obtenu les résultats suivants : Liste B (comme barbu) : 70.000 voix; Liste C (comme communistes): 10.000 voix; Liste P1 (comme parti progressiste 1): 30.000 voix; Liste P2 (comme parti progressiste 2) 27.000 voix; Liste P3 (comme parti progressiste 3) : 18.000 voix ; Liste I1 (comme indépendante 1) : 23.000 voix; Liste I2 (comme indépendante 2) : 15.000 voix; Liste 23 (comme parti né la veille des élections du 24 juillet) : 7.000 voix. Parmi vous, certains ont la mine déconfite devant le résultat de notre scrutin. Certains pensent déjà à prendre le premier vol pour Paris et d’autres, le premier bateau pour Lampedusa !
Qui perd gagne! Pas de panique, faisons les comptes! Dans l’étape 3, on avait calculé qu’il fallait 50.000 voix pour obtenir un siège à l’assemblée constituante. Ainsi, la liste B est la seule à remplir d’office le critère et va donc obtenir le premier siège! Comment répartir les 3 autres sièges dévolus à notre gouvernorat!? C’est à ce moment précis que l’expression mode de scrutin proportionnel à plus forts restes prend tout son sens! Combien reste t-il de voix après avoir attribué le premier des 4 sièges à la liste B? Liste B: 50.000 voix ayant permis de prendre le premier siège, il reste donc 20.000 voix; Liste C: reste 10.000 voix; Liste P1: reste 30.000 voix; Liste P2: reste 27.000 voix; Liste P3: reste 18.000 voix; Liste I1: reste 23.000 voix; Liste I2: reste 15.000 voix; Liste 23: reste 7.000 voix. Comment va-t-on attribuer les 3 sièges restants? Le mode de scrutin pour lequel on a opté donne les 3 sièges restants en établissant un classement dégressif qui ne prend en considération que les restes! La liste qui en a le plus se voit attribuer un siège à l’assemblée constituante jusqu’à ce que tous les sièges du gouvernorat soient «occupés»! Ainsi, dans notre simulation, la liste Progressiste 1 bénéficiera du second siège, la liste Progressiste 2 bénéficiera du troisième siège et la liste Indépendante 1 obtiendra le quatrième et dernier siège du gouvernorat! Le constat est saisissant. Dans le cadre de notre gouvernorat, la liste Barbu va obtenir un unique siège à l’assemblée constituante (tout comme les deux premiers partis progressistes et la première liste indépendante) et ce alors même qu’avec 70.000 suffrages exprimés en sa faveur dans le gouvernorat, notre liste barbu a obtenu plus du double des suffrages exprimés en faveur du second et du troisième parti, et même du triple des voix exprimées en faveur de la liste indépendante! Objectivement, le mode de scrutin choisi manque clairement d’équité mais il garantit cependant une plus grande représentativité de la population. Il donne la possibilité aux petits partis et aux listes indépendantes de se frayer un chemin jusqu’à l’assemblée constituante aux dépens des grands partis.
Une meilleure représentativité A mon sens, le choix de ce mode de scrutin est très pertinent dans la mesure où il va permettre à l’ensemble de la population de participer à la rédaction de notre nouvelle Constitution, nouvelle norme fondamentale pouvant également s’apparenter à un véritable projet de société et contrat social. On peut rappeler que la Constitution du 1er juin 1959 qui n’est autre que la constitution de la première république tunisienne avait été rédigée par une assemblée constituante exclusivement composée de membres du Néo-Destour après le choix «vicieux» d’un mode de scrutin majoritaire à un tour! (le parti arrivant en tête au premier tour empochant alors la totalité des sièges quel que soit son score). Outre cette meilleure représentativité, le mode de scrutin va certainement permettre d’éviter toute mauvaise surprise et de combler le «vide politique» devant lequel nous nous trouvons. J’espère que les plus pessimistes d’entre-nous ont été un tant soit peu plus rassurés à la lecture de cette note! Pour autant, sérénité et optimisme ne doivent pas être synonymes d’immobilisme! Restons vigilants, mobilisons nous et engageons-nous! Ce n’est pas en restant les bras croisés que nous construirons ensemble la Tunisie de demain! Sinon, elle se construira certainement sans nous!
* Etudiant.
Source : « Kapitalis » Le 04-05-2011
C’est l’heure du rassemblement !
Par Hichem Stambouli*
Un mois de révolution, un mois de révolte, un mois d’insoumission : la première facture du calme. Tel est le schéma intrinsèque que l’on attribuerait à la majorité des tunisiens pour venir à bout de l’oppression qui les a tant fait souffrir et indignés durant plus de 20 ans. « Une révolution classique », diront certains, d’un peuple qui s’est débarrassé du pénible fardeau dictatorial et qui s’est constitué partie civile. Le constat reste légitime tant qu’il s’intéresse à l’aspect ou à l’allure de la révolution, mais dès lors qu’il en découvre l’âme, il demeure infondé. Cette révolution est propre à l’âme de ses martyrs, arabes et méditerranéens. Cette révolution est Tunisienne et non un avatar d’une quelconque autre révolution occidentale. Le message du tunisien révolutionnaire semblait pourtant clair : « Liberté ». Cette même liberté lui a procuré l’espoir du soulagement relayé dans les rues par un souffle de délivrance. Cette même liberté l’a plongé dans un sentiment de témérité et d’appréhension dès qu’il était question de la préserver. Le tunisien se sentait ainsi libre de partir à la quête des sens : libre de vivre, libre de s’exprimer, libre de s’affirmer, libre d’exulter, libre de condamner, libre de récriminer. Guidé par son unique instinct, il était pour la première fois entendu, reconnu et respecté. Il s’est découvert une nouvelle forme de réalité bâtie par son miracle sur les fondements de l’estime, de la dignité et de la juste reconnaissance. Internet lui a suggéré le Rêve de la liberté, que son sang a transformé en Liberté de rêver. Il se voyait ainsi libre de réclamer les instruments « sous-garanties » de ladite Liberté. Face à cette foudroyante ferveur populaire, le gouvernement provisoire de Ghannouchi, quel qu’il fût, ne pouvait évidemment pas suivre le rythme imposé par la renaissance du peuple. Plus les jours passaient, plus il perdait de sa légitimité. Ce gouvernement, atrophié ne serait ce que par l’historique du régime sanguinaire précédent, n’était qu’au stade de réformer les réformes et de restructurer les forces de l’ordre fourvoyées.Le gouvernement était instable face à une pression implacable et vigilante d’un peuple soucieux qui s’estimait déjà prêt à vivre librement. Il ne s’agit pas de critiquer l’ancien gouvernement provisoire, loin de là, mais bel et bien de sensibiliser le tunisien sur tout ce qui se passe autour de lui, de ses nouvelles fonctions de citoyens jusqu’à l’environnement politique et social auquel il appartient. Il faudrait ainsi commencer par analyser quelques facettes du passé pour comprendre la réalité du présent. Nous ne pouvons nous empêcher d’admettre qu’en dépit des efforts investis et des discours prononcés, ce gouvernement provisoire était dépassé ; il se voulait rassurant mais répandait involontairement l’inquiétude, il se voulait sécuritaire mais ne maitrisait pas encore son autorité, il se voulait unitaire mais provoquait maladroitement le désordre. Le gouvernement de Mohamed Ghannouchi était instable, non pas parce qu’il n’était pas à la hauteur de ses responsabilités, mais parce qu’il ne pouvait satisfaire les attentes que lui incombait la nervosité d’un peuple impatient. Il se voulait à la merci du tunisien avant même de décider, démocratique avant même de communiquer et souverain avant même de s’affirmer. Il se voulait ainsi démissionnaire avant même de gouverner. La Tunisie a vécu une incapacité politique, n’ayant pas peur des mots : un réel vide politique. Il serait pourtant impensable de parler d’aspirations démocratiques sans parler de rupture brutale et totale avec l’ancien régime de Ben Ali. Si nous devions retenir un seul point positif, et non moins essentiel, de ce néant politique, c’est qu’il a permis par la force du peuple d’écarter progressivement l’ignominie et la dépravation initiées par les têtes dirigeantes de l’ancien régime. Les Tunisiens se sont rassemblés autour d’un rejet pulsionnel général envers ceux que nous appelons les petits Ben Ali : le signe d’une unité nationale retrouvée semblable à celle de l’après indépendance. Il s’agit d’une condition nécessaire mais pas suffisante à la garantie de l’avènement du peuple tunisien. La problématique aujourd’hui est de remplir le vide politique, et plus particulièrement de bien le faire car « la nature a horreur du vide ». Les partis politiques ne sont malheureusement pas exempts de tout reproche. Ils n’ont jusqu’à présent pas réussi à combler une partie du vide politique, bien plus préoccupés, à séduire qu’à guérir, à critiquer qu’à construire… Certains ont accru le fossé entre le gouvernement et le peuple afin de donner plus d’impact à leurs promesses miraculeuses, qui ne restent qu’illusions tant qu’elles ne sont pas matérialisées par des actions substantielles. Où sont ces partis politiques qui n’attendaient que le départ de Ben Ali pour éclore. Faute de moyens ou de structure ? La seule excuse « tolérée », c’est qu’ils n’ont pas existé quand le peuple les a réclamés. Choisir de représenter un groupe de personnes, c’est commencer par se considérer comme partie intégrante d’un peuple de personnes. Les partis auraient-ils confondu leurs intérêts avec l’intérêt national à l’instant t = révolution ? Il ne fallait pas grand-chose pour se rapprocher du peuple, pour le toucher, le sensibiliser, le réunir, l’organiser, l’informer, le guider, le conseiller, le flatter et le raisonner. Il ne fallait pas grand-chose pour être à la fois le confident, le garant et l’interlocuteur privilégié de la foule : le liant principal entre le pouvoir et le peuple. Comment voulons-nous instaurer un ordre social alors que nous n’arrivons pas à générer un ordre moral au sein de partis totalement libres de s’organiser ? Tant d’interrogations pour un tunisien qui cherche à donner un sens à sa démocratie. Tant qu’il restera dans la division il restera dans le doute, et ne pourra retourner travailler l’esprit libre, de peur d’être trompé dès qu’il aura le dos tourné. Agir ensemble constituera notre meilleure avancée. Que dire d’un peuple soulagé qui n’a besoin que de sérénité pour faire don de sa liberté au service du progrès. Un progrès encore bon marché : avis aux investisseurs étrangers. Nous n’allons pas intervertir une dictature en une démocratie en peu de temps. La démocratie est un apprentissage institutionnel de longue haleine qui passe, tout d’abord, par un sacrifice progressif de l’intérêt personnel au bénéfice de valeurs morales communes. N’oublions pas que la démocratie estropiée de Ben Ali, soutenue par la démocratie impérialiste occidentale, avait réussie à spolier un peuple tout entier. La démocratie n’a aucune définition universelle, parler d’un modèle démocratique nous oblige à le situer dans un référentiel politique, social et économique, précis dans l’espace et dans le temps. Notre démocratie sera ainsi notre concept politique qui ne trouvera signification qu’à l’intérieure de nos frontières, dans notre culture, nos traditions et nos préceptes. Le seul caractère universel de toute démocratie réside dans l’intérêt de préserver la souveraineté du peuple. Il ne se justifie ni par le nombre de partis politiques recensés, ni par l’expression spontanée et désordonnée d’un sentiment populaire, deux phénomènes encore visibles dans une Tunisie post-révolutionnaire. La démocratie serait plutôt appréciée par l’interaction organisée d’unités rassemblant des personnes autour de valeurs, de principes, de doctrines et d’idéologies tant qu’elles restent universelles. Pour garantir le bien commun, de la naissance des idées jusqu’au vote de la citoyenneté, ce système politique doit bien évidemment être régi par des règles aussi bien définies que respectées. L’issue de ces règles se dessinera par une Assemblée Constituante. La principale bonne nouvelle est que tout le peuple votera un certain 24 juillet. Cependant, les partis politiques répartis aujourd’hui en 63 unités ne reflètent aucune solidarité, ni une réelle envie de se rassembler mis à part quelques velléités dans ce sens qui tardent à se concrétiser. Faut-il d’abord qu’ils rassemblent le peuple autour de leurs unités sans conflit d’intérêt et sans peur de succéder. Nous n’avons plus le temps d’analyser, nous devons regrouper toutes les forces vives et s’unir autour d’un étendard visant à contrecarrer les extrêmes pensées car il serait irresponsable aujourd’hui de nier le risque de l’obscurantisme d’un état islamisé. Notre optimisme restera aussi inviolable et prononcé que l’enthousiasme de notre liberté car nous ne laisserons plus jamais notre histoire se confesser. Certaines actions sont irréversibles et conditionnées, arrivera le jour où nous en connaitrons les effets. *Ingénieur d’Affaires
Source : « Leaders » Le 03-05-2011
Retour de la «dégage» !
Par Hajer AJROUDI
Samedi dernier, le parti Ennahdha voulant donner une réunion à Monastir, s’est vu non seulement empêcher, mais aussi agresser. La foule, les accueillant par des « dégage », n’a pas tardé de les agresser en leur lançant des œufs et des pierres. Des centaines de copies du journal « Al Fajer » du parti ont été dispersées dans le vent et la foule excitée foulait le papier en poussant des cris déchaînés. On se serait cru au moyen âge assistant à une foule brûlant les œuvres, suite à des procès populaires, et en accusant leurs auteurs d’hérésie, sorcellerie ou autres vindictes… Il ne manquait plus que le bûcher dans cette chasse aux sorcières.
La même scène ou presque s’est déroulée contre Ennahdha à Kelibia, au Watan au Sud et à d’autres chefs de partis qui se font simultanément renvoyer d’une région ou d’une autre.
C’est à croire que les cartes sont déjà jouées, que chaque zone se range déjà exclusivement du côté de son parti et que tout autre intrus osant y organiser sa campagne est systématiquement rejeté.
Mais même si la majorité de telle ou telle région a déjà choisi son clan, cela deviendra-t-il zone exclusive ? Ceux qui hésitent encore, n’ont-il pas le droit de se décider pour un autre parti ?
A Monastir, la foule argue que Rached Ghannouchi n’est pas le bienvenu car il aurait refusé de prier pour l’âme de Bourguiba. Au Sud, le Watan a été réfuté car son chef faisait partie de l’ancien régime, à Kelibia, La Ennahdha a été interdite de réunion car son orientation irait à l’encontre de celle de la population locale modérée et ouverte… En fait, les prétextes invoqués ne manquent pas, mais cela justifie-t-il un tel acharnement.
Il est certain que dans un pays qui se veut libre et démocrate, l’opposition et l’opinion contraire sont une donnée et une logique tout à fait normale. Mais cela ne doit pas mener à l’anarchie et priver les citoyens ou les partis de faire véhiculer leurs arguments. Opposer son refus à un mouvement ou à un autre dérogé aux règles de civisme. Un rassemblement avec des brassards aurait suffi à démontrer ce refus, si même manifester son rejet soit essentiel, car l’on peut tout simplement boycotter une réunion.
Pourquoi cet acharnement alors et où cela nous mènera-t-il ?
Le pays déjà accablé par les troubles et l’insécurité – les Tunisiens refusant plus ce que jamais l’autorité policière et avides de leur liberté – se laisseraient-ils aller à une « inculture politique » ?
La crainte qu’on ne leur confisque leur liberté, par un extrémisme religieux ou par le retour d’un système, RCDiste assez puissant et déjà existant, les pousse à vouloir faire taire qui que ce soit susceptible de le faire.
Faire taire l’autre constitue pour eux une garantie que son message ne puisse arriver et donc convaincre. Certains débordements, néanmoins, laissent croire que le mouvement n’est point innocent et qu’il y a quelques forces derrière.
Or, il a toujours été établi qu’opprimer l’autre, le rend non seulement plus agressif, mais éveille également la compassion et donc renforce sa position.
Il est également essentiel de savoir que ce comportement antidémocratique finira par faire s’évaporer le rêve que nous avons tous caressé, à savoir être finalement libre et pouvoir choisir le gouvernement pour lequel votera la majorité. A trop pratiquer le dégage, c’est la démocratie que nous réussirons à faire dégager… N’oublions jamais que nous faisons nos premiers pas sur un chemin caillouteux – prenons bien garde de trébucher – ce n’est qu’un début d’initiation à la démocratie.
Source: “Le Temps” Le 04-05-2011