TUNISNEWS
6 ème année, N° 2049 du 31.12.2005
Solidarité Tunisienne: Un acte ignoble qui vise l´intimadation de Monsieur Jendoubi Luiza Toscane: Ali Naïtibourk a été renvoyé à Casablanca Le Quotidien: Association des Magistrats Tunisiens : Seize postes vacants comblés au sein de la Commission administrative Le Quotidien : Soirée du Réveillon : Ruée vers les pâtisseries… La Presse: Bains maures : tout un art architectural en perditionLE Reporter : Nouveau : Un réseau des démocrates arabes Le Monde : La France, « homme malade » de l’Europe
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Solidarité Tunisienne
UN ACTE IGNOBLE QUI VISE L’INTIMIDATION DU MONSIEUR JENDOUBI
Le président du Comité pour le respect des Libertés et des Droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT) et du Réseau Euro Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH), Mr Kamel JENDOUBI a été l’objet d’un acte de vandalisme. Les malfaiteurs ont pu pénétrés sans difficulté au parking ou Mr JENDOUBI a stationné sa voiture et ils l’ont saccagés.
Il est utile de rappeler que depuis quelques années Mr JENDOUBI n’a cessé de militer pour la promotion et le respect des droits de l’homme en Tunisie. Son courage inébranlable en faveur de la liberté et la démocratie l’a conduit ce dernier temps, de fonder avec d’autres militants tunisiens, exilés en France un comité du soutien au mouvement du 18 octobre de huit personnalités politiques en Tunisie.
Solidarité Tunisienne condamne cet acte barbare et exprime son soutien avec notre ami Kamel JENDOUBI.
Nous demandons les autorités françaises d’ouvrir une enquête judiciaire afin d’arrêter les criminels et dévoiler les identités de ses commanditaires.
Le secrétaire général
Fathi Ennaes
Ali Naïtibourk a été renvoyé à Casablanca
Mardi 27 décembre : le quartier de Stalingrad est bouclé par la police qui procède à une rafle. Trois cafés sont cernés. Neuf personnes en situation irrégulière en France sont interpellées. Parmi elles, Ali Naïtibourk, marocain, sans papiers. Il a été aussitôt placé en garde à vue et au terme de celle-ci, mercredi 28, conduit au centre de rétention de Vincennes dans l’attente de son renvoi vers le Maroc, une issue contre laquelle l’intéressé et toutes les associations qui le soutiennent se sont battues pendant des années.
En effet, Ali Naïtibourk est arrivé en France en 2001 pour y demander l’asile. Il venait de quitter la Tunisie, pays où il est né de parents marocains et où il a toujours vécu et travaillé. Son appartenance au parti de la Nahdha lui valut les persécutions du régime tunisien : interpellations, tortures, surveillance, pressions sur ses proches ayant pour objectif de disloquer sa famille, harcèlement. Même son passeport marocain lui sera un temps confisqué par les autorités tunisiennes. Quant à sa naturalisation, elle sera refusée.
L’Office Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) rejette sa demande, rejet confirmé par la Commission des Recours des Réfugiés. Il dépose alors (le 30 avril 2003) une demande d’asile territorial, qui est à son tour refusée, au terme de deux années d’attente, le 29 mars 2005.
La nationalité marocaine d’Ali Naïtibourk est devenue un argument : « il ne peut se prévaloir des stipulations (…) de la Convention de Genève, qui subordonnent la reconnaissance de la qualité de réfugié à l’existence de persécutions ou de craintes de persécutions de la part des autorités dont l’intéressé a la nationalité »[i] .
La procédure de reconduite à la frontière est alors rapidement enclenchée : « invitation à quitter le territoire », puis « arrêté préfectoral de reconduite à la frontière » (APRF). Ali Naïtibourk craint d’être renvoyé au Maroc, ce pays dont il a la nationalité, mais où il n’a jamais été, où il n’a ni famille, ni proches, ni la moindre connaissance. Il dépose un recours demandant l’annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière, essentiellement par deux moyens : « Me renvoyer au Maroc, pays que je ne connais pas et où je n’ai aucune famille alors qu’une partie de ma famille est en France porterait une atteinte à ma vie privée et familiale » et « je suis considéré par le pouvoir tunisien comme un islamiste et risque de l’être au Maroc (…) Ma liberté et mon intégrité physique risquent d’être menacées, directement ou indirectement en cas de renvoi forcé au Maroc [ii]» (…). Ce recours est audiencé par le Tribunal Administratif de Paris le 15 novembre dernier. Le délibéré s’achève par une confirmation par le TA du renvoi au Maroc, mais cette décision n’est notifiée à l’intéressé que le 26 décembre. Or, il a été arrêté le 27, avant que la notification ne lui parvienne.
Reste que l’arrêté de reconduite à la Frontière était exécutoire. La Préfecture est restée inflexible en dépit des interventions qui lui ont été adressées. Ce matin, vendredi, à quatre heures, il a été emmené à l’aéroport, et selon la préfecture, conduit à bord du vol AP 777, qui devait atterrir à 10 H 05 à Casablanca.
Sans argent, ni bagages.
Luiza Toscane
[i] Commission des Recours des Réfugiés, lu en séance publique, 6 février 2003
[ii] Tribunal Administratif de Paris, Requête à Monsieur le Président, 21 octobre 2005
Aubervilliers le 30 décembre 2005
Le site nawaat.org publie depuis quelques jours des informations de 1ére main sur :
« Les nouvelles victimes de la loi d’appui aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme ».
Le nombre des jeunes emprisonnés dans la région de Bizerte (uniquement) atteindrait UNE CENTAINE (100) de personnes selon les sources de nawaat.org
Pour voir les séquences aller sur le lien :
Association des Magistrats Tunisiens :
Seize postes vacants comblés au sein de la Commission administrative
Tunis-Le Quotidien
Seize postes vacants au sein de la Commission administrative de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) vient d’être comblés. Des élections se sont déroulées durant la période allant du 21 au 29 décembre aux sièges des tribunaux relevant de douze gouvernorats.
Les seize nouveaux membres de la Commission administrative sont :
MM. Hedhili Manaï (cour de cassation), Jaâfar Rabaoui (tribunal immobilier), Lassaâd Belliri (cour d’appel de Tunis), Faouzi Sassi (tribunal de première instance de Tunis), Touhami Mekki (tribunal de première instance de l’Ariana), Mohamed Bennour (cour d’appel de Bizerte), Larbi Khémiri (tribunal de première instance de Bizerte), Férid Ben J’ha (tribunal de première instance de Bizerte), Hammadi Chennoufi (tribunal de première instance de Grombalia), Karim El Hadj (tribunal de première instance de Monastir), Naceur Helali (tribunal de première instance du Kef), Fethi Jemmali (tribunal de première instance de Jendouba), Taoufik Oun (tribunal de première instance de Tozeur, Riadh Yangui (cour d’appel de Bizerte) et Wissem Ben Alij (tribunal de première instance de Médenine).
Les seize vacantes ont été occasionnées par la décision de deux anciens membres de la Commission administrative de figurer parmi les membres du Bureau exécutif de l’AMT au cours du dernier congrès extraordinaire de l’Association et par le mouvement des magistrats.
W.K.
(Source : « Le Quotidien » du 31 décembre 2005)
Soirée du Réveillon : Ruée vers les pâtisseries…
Les Tunisiens sont aux derniers préparatifs pour la soirée du réveillon.
La ruée se fait sentir du côté des pâtisseries et à un degré moindre du côté des commerçants de volaille.
Tunis – Le Quotidien
Ce soir à minuit, tout le monde va tourner la page d’une année qui s’achève pour accueillir une nouvelle.
Certes beaucoup ne prendront pas part aux festivités, étant respectueux du calendrier hégirien uniquement. Mais tous ceux qui cherchent à faire la fête pour la fête vont s’attabler autour d’un bon dîner.
« Les fêtards qui célèbrent l’entrée de 2006 chez eux ou invités chez des amis ou des proches ne peuvent se passer du traditionnel gâteau. Ce dernier est incontournable à chaque soirée de réveillon.
Hier aussi, nos concitoyens ont continué à investir en masse les pâtisseries pour assurer les douceurs du Nouvel An. Il faut dire que la demande est importante.
Malgré les doléances annuelles à cause des différentes formes d’arnaque auxquelles recourent plusieurs commerces de gâteaux, les Tunisiens restent dépendants de ce « pilier » du menu de fin d’année.
Au centre-ville, on a l’impression que la fin des temps est pour très bientôt. Des dizaines de clients sont cloîtrés devant les pièces de gâteaux. Les uns choisissent ce qui leur convient et les autres restent indécis.
Nombreuses parmi ces personnes qui savent très bien que la mie de pain et plusieurs autres produits substitutifs font les ingrédients de ces douceurs à l’occasion de la forte demande. Pourtant, les uns et les autres achètent.
De leur côté, les pâtisseries les incitent à faire des commandes à l’avance pour bénéficier d’un meilleur service.
* Plat phare
Par ailleurs, la volaille est censée être présente dans chaque menu de réveillon. Poulet ou dinde farci ou rôti est le plat phare de la soirée du Nouvel An. Mais cette année, la consommation des produits avicoles est beaucoup moins importante que d’habitude à cause de la psychose de la grippe aviaire. Toutefois, le réveillon du Nouvel An a permis à la consommation de reprendre un peu.
En témoignent les propos de certains marchands de volailles aussi bien au marché central qu’ailleurs. Ils confirment, en effet, la légère reprise enregistrée à l’occasion de la Saint-Sylvestre. Car il y a des gens qui ne conçoivent pas la soirée du réveillon sans poulet ou dinde. Mais beaucoup d’autres ont préféré tout simplement jeter leur dévolu sur la viande rouge, les poissons et les crustacés. Moyennant un budget plus conséquent pour un dîner spécial, ils profitent pour changer leurs habitudes au profit de viandes autres que les volailles. N’empêche que la vraie reprise n’a pas de rapport avec le réveillon. Elle a eu lieu après que le public ait été rassuré quant à la bonne santé de nos produits. Reste que le dîner de ce soir a également aidé à renouer justement avec les poulets et les dindes.
Bref, indépendamment de ce qu’il va manger ce soir, le Tunisien réaffirme à nouveau son adhésion à toutes fêtes confondues. Une bonne partie de nos concitoyens plaide pour un bon dîner en bonne compagnie. D’autres sont partisans des sorties. Mais la majorité un point commun : faire la fête !
M.K.
(Source : « Le Quotidien » du 31 décembre 2005)
Bains maures : tout un art architectural en perdition
F. RASSAA
Héritier des thermes grecs et romains, le hammam était déjà aux débuts de l’époque byzantine une institution solidement ancrée. Mais c’est avec l’arrivée de l’Islam que la cérémonie du bain va prendre une importance jusque-là inégalée. Pour preuve, Bagdad, au temps de sa splendeur, en comptait près de 30.000.
Avec l’expansion musulmane, les établissements de bain fleuriront du Proche- Orient à l’Andalousie, en passant par l’Afrique du Nord.
Sonia et Bahija portent leurs pagnes habituels aux rayures voyantes qui animent la pénombre de la chambre chaude du hammam.
Il y a peu de femmes à cette heure : quatre ou cinq de l’autre côté de la dalle de marbre. Elles demandent à la harza de les aider à se laver les cheveux et le dos et à chercher l’eau du bassin dans de grands seaux.
Dehors, sur la doukkana, juste couverte de nattes, tout au plaisir de s’habiller après un bon hammam, Khadija, Houda et Emna en exhibent la plus belle lingerie, s’offrent eau de Cologne et parfum, bavardent, échangent conseils et recettes en sirotant une boisson fraîche.
Il est 16 heures, les baigneuses commencent à affluer. Il y a des mères de famille avec enfants endormis et nourrissons. Certaines d’entre elles prennent la maqsoura, pièce tapissée de matelas qu’elles recouvrent soigneusement de draps propres et où elles se reposent à la sortie du bain. «Le droit d’entrée est de 1,600D. Avec la harza, c’est le double», indique une sexagénaire.
Dans la seconde chambre —le hammam en compte trois, une première tiède, une deuxième plus chaude et une troisième très chaude —, l’eau coule à flot et les produits de beauté traditionnels sont à l’honneur. La harza, debout sur la dalle, s’agenouilla ensuite, ceinturant le corps d’une baigneuse pour la masser. Elle sourit, des dents en or brillent et des seins longs pendent sur le ventre.
D’autres baigneuses, très rondes, se promènent, allant de la chambre tiède à la chambre chaude. La chaleur humide que dégage le lieu permet d’éliminer les toxines, de calmer les tensions musculaires et d’évacuer le stress.
«Dans la chambre chaude, les pores s’ouvrent et l’épiderme est débarrassé des impuretés», souligne Fatma, harza depuis quinze ans et gardienne des secrets de beaucoup de baigneuses.
«Les femmes parlent de leurs problèmes et de leur intimité avec nous».
Le hammam a une vocation qui dépasse celle de la simple hygiène. Il remplit une fonction sociale comparable à celle du café pour les hommes. «C’est un espace de liberté», explique Houda, étudiante en sociologie.
La vapeur et l’humidité, les quelques rayons de soleil filtrés qui entrent par la petite fenêtre au plafond donnent au lieu et aux personnes une impression presqu’irréelle. «J’apprécie cette ambiance où règne une atmosphère de repos et de solitude», souligne Houda.
«Certaines mères de famille profitent de leur visite au hammam pour prospecter d’éventuelles épouses pour leur fils», indique Khadouja, 52 ans, harza depuis longtemps. «Par ailleurs, la femme, avant de se marier, passe une journée au hammam. Elle est généralement accompagnée de ses amies. Il s’agit d’un rite traditionnel dans notre pays».
Leïla, jeune baigneuse, fréquente le hammam de mère en fille : «Mon arrière-grand-mère fréquentait déjà le hammam. C’est un endroit magique : c’est plus qu’un lieu où on se lave».
Les bénédictions vont à la masseuse que plusieurs femmes demandent. D’autres femmes, muettes, se dévisagent à travers la vapeur.
L’envers du décor
Mais que cache cet univers familier, tout de vapeur et d’intimité ?
M. Zoubeïr Ben Saïd, président de la Chambre nationale des hammams traditionnels, 30 ans d’expérience, déclare : «Il n’existe pas de cahier des charges pour l’organisation des bains maures». L’Utica, juge-t-il, ne s’occupe pas des petits métiers comme elle s’occupe des autres. Or, le hammam s’inscrit dans la catégorie des petits métiers. Certes, il y a un cahier des charges sanitaires. Il précise l’obligation relative au sol antidérapant, à l’étanchéité, au contrôle du CO2, au zoukaq. Toutefois, le contrôle ne se fait pas régulièrement.
Par ailleurs, ajoute M. Ben Saïd, le hammam est considéré comme un établissement purement fonctionnel. Le côté patrimoine est relégué au second plan. L’exemple du hammam «Saheb Ettabaâ» en est la preuve. Ce bain maure de 1.000 m2, construit en 1800 et attenant à la mosquée Saheb Ettabaâ, est délaissé, alors qu’il fait partie de notre patrimoine.
En Tunisie, nous fait savoir M. Ben Saïd, il n’existe pas d’architecte spécialisé dans la construction de bains maures traditionnels.
S’agissant de l’énergie, le brûleur des bains maures fonctionne désormais au mazout ou au gaz. «Or, en dehors de la capitale, tous les bains maures fonctionnent au mazout, ce qui revient très cher. Les charges ont ainsi augmenté», fait observer M. Ben Saïd qui considère, en outre, que les impôts sont lourds : «Nous sommes assujettis au régime correspondant à la catégorie des hommes d’affaires».
Côté formation professionnelle, M. Ben Saïd indique que celle-ci s’impose aux masseurs de hammam : «Nous avons enregistré des accidents par manque de savoir-faire».
Un décret présidentiel, en date du 30/8/2002, rappelle le représentant de la profession, stipule que le masseur est un travailleur indépendant et non un salarié. «Or, la CNSS n’est pas en train de l’appliquer et continue de réclamer le paiement de charges…», fait valoir M. Ben Saïd en guise de conclusion.
(Source : « La Presse » du 31 décembre 2005)
Nouveau :
Un réseau des démocrates arabes
B. MOKHLISS
La volonté de créer une entité commune pour les démocrates arabes a réuni à Casablanca, autour de la même table, des islamistes, des laïcs, des libéraux et des gauchistes
Des islamistes, des laïcs, des gauchistes et des libéraux des pays arabes se sont donnés rendezvous, les 16 et 17 décembre, à Casablanca. L’objectif était de créer un réseau des démocrates dans les pays arabes. A cette rencontre « panarabe » ont participé des figures connues de la scène politique marocaine.
En effet, les leaders de deux partis islamistes ont participé à ce congrès constitutif du réseau. Il s’agit de Saâddine Othmani, secrétaire général du Parti de la Justice et Développement (PJD) et d’un second membre du bureau politique du parti, Mohamed Yatim.
L’autre parti islamiste est celui de Mustapha Lmouatassim, parti Al Badil Al Hadari (alternative civilisationnelle). Mohamed Ben Hammou, le secrétaire général du parti Initiatives Citoyennes pour le Développement était également de la partie. Ceux qui étaient présents en force, c’était les membres du « Centre des études et de recherches Humaines », notamment son directeur Mokhtar Abdellaoui.
Cependant, d’autres invités à cette rencontre n’y ont pas répondu favorablement. Il s’agit entre autres de la figure de proue de l’association islamiste Al Adl Wal Ihsane, Nadia Yassine, Abdellah Oualadi, président de l’OMDH, Mohammed Sassi, dirigeant du parti socialiste unifié, Mohamed Aujjar, ex-ministre des droits de l’Homme,… Quant à Khaled Charkaoui Sammouni, secrétaire général du Centre Marocain pour les droits de l’Homme, même s’il n’a pas assisté aux travaux, il a adressé aux participants une lettre où il a demandé son adhésion au réseau.
Issam Al Arayan, leader des « frères musulmans » de l’Egypte qui viennent de faire un ras de marée aux dernières élections égyptiennes, n’a pas pu assister à ces travaux. Il a été interdit (par les autorités égyptiennes) de quitter le territoire.
L’autre égyptien, Saadeddine Ibrahim du Centre Ibn Khaldoun a, lui, pu assister à ce congrès constitutif. Il y avait, bien sûr, les représentants d’autres pays arabes : Jordanie, Algérie, Iraq, Libye, Liban, Oman, Bahrein, Tunisie, Syrie…
Les démocrates arabes cherchent à s’unir Les initiateurs de cette action aspirent à créer une entité commune de tous les démocrates arabes, laïcs ou islamistes. Ils veulent avoir un impact sur les politiques nationales et internationales. Ils visent aussi à se solidariser avec les acteurs appelant à la réforme démocratique, la bonne gouvernance et l’accélération du rythme de la réforme dans le sens de la transition démocratique.
Le réseau explique ainsi ses motivations. Tout d’abord, les efforts éparpillés des démocrates ont besoin d’une coordination pour dynamiser la participation politique. Mais surtout, les prémices du danger de l’extrémisme se font de plus en plus sentir. Ce qui nécessite l’unification et la coordination des efforts de tous les démocrates.
D’ailleurs, la création du réseau n’est pas une idée qui vient de naître. Elle est le fruit de sept années de coordination, affirme le tunisien Redouan Masmoudi, directeur du « centre des études islamiques et de la démocratie », le principal fondateur du réseau à côté du marocain Mokhtar Abdellaoui.
Le réseau se démarque du « Forum pour l’Avenir » L’institution « Partenaires pour la réforme démocratique », dépendante du département d’Etat américain a été parmi les participants au congrès constitutif du « réseau des démocrates arabes ». Cette présence a soulevé des interrogations quant à l’indépendance de cette nouvelle entité par rapport aux initiatives américaines voulant imposer « sa démocratie » dans les pays du Proche Orient et qui a été affichée durant les travaux du « Forum pour l’Avenir ».
Des membres du comité préparatoire ont nié l’existence d’une relation du réseau avec les objectifs du Forum pour l’Avenir et des initiatives américaines. Ils ont souligné que la coopération avec l’institution «Partenaires pour la réforme démocratique» se limite à prêter son savoir faire au réseau dans le cadre de la formation. «Elle ne peut, en aucun cas exercer sa tutelle sur nos actions. D’ailleurs, c’est nous qui l’avons sollicitée en raison de son expérience dans la formation des cadres et des leaders», a souligné Salaheddine Al Jourchi, vice-président de la ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme et membre du comité préparatoire du Réseau.
Le porte-parole du réseau, Sadek El Mahdi, ancien Premier ministre du Soudan et président du parti Oumma (opposition), a souligné pour sa part qu’il est prématuré de juger le réseau sur son action alors qu’il est en phase de construction. « Le réseau doit instituer des règles pour le dialogue avec toutes les initiatives qui visent à influencer l’équation politique dans la région arabe. Comme il doit œuvrer à dévoiler toutes les actions qui parlent de la démocratie sans la vouloir », a souligné l’ex-Premier ministre soudanais.
Le réseau reste ouvert aux autres forces qui désirent l’intégrer, « à condition de respecter sa charte », précisent les fondateurs.
(Source : « LE REPORTER » (Maroc), N° 349 du 22 décembre 2005)
La France, « homme malade » de l’Europe,
par Nicolas Baverez (*)
Pour la France, 2005 restera une année terrible mais aussi un tournant. Une année terrible, rythmée par les échecs et les crises qui, dans le droit-fil du collapsus social de 1995 et du krach civique de 2002, ont acté le déclin du pays et l’éclatement de la nation. Au plan extérieur, l’échec du référendum a brisé net un demi-siècle d’engagement européen, qui constituait le dernier axe stable de la diplomatie et de la vie politique nationales. La défaite de la candidature de Paris face à Londres pour l’organisation des Jeux olympiques de 2012 a cristallisé la marginalisation de la France en Europe et dans le monde et souligné l’archaïsme d’un pays musée, en rupture avec la modernité du XXIe siècle. Enfin les émeutes urbaines, dans leur double dimension sociale et raciale, ont sanctionné la désintégration du pseudo-modèle français, le blocage de l’intégration, la balkanisation d’une société atomisée par un quart de siècle de chômage de masse.
Mais aussi un tournant pour trois raisons. La première provient de la sortie de Jacques Chirac de la vie politique : délégitimé en France, discrédité en dehors des frontières, il persiste à occuper la fonction présidentielle mais ne l’exerce plus ; il peut encore nuire mais ne peut plus agir. D’où une situation inédite sous la Ve République qui voit le président réduit à se mettre au service de son premier ministre, candidat par procuration investi de la mission de poursuivre le chiraquisme par d’autres moyens.
La deuxième tient à la prise de conscience par les Français de la crise nationale majeure que traverse le pays : la succession des revers a déchiré le voile de la démagogie qui recouvrait depuis un quart de siècle le divorce progressif de la France avec la nouvelle donne historique issue de la mondialisation et de l’après-guerre froide, découvrant aux yeux dessillés des citoyens une situation comparable à l’agonie de la IVe République, avec la guerre d’Algérie et l’inflation en moins, le chômage de masse et la guerre civile larvée en plus.
La troisième est à chercher dans l’évolution des mentalités et l’ébranlement du conservatisme de l’opinion, avec d’un côté la compréhension du caractère insoutenable d’un modèle qui condamne les jeunes générations à l’exclusion, au chômage, à la paupérisation et à un endettement explosif, de l’autre la conviction qu’il n’existe pas de solution à l’intérieur du système actuel. D’où un changement d’attitude, manifeste lors des récents mouvements sociaux vis-à-vis des deux verrous qui interdisent la modernisation du pays : la protection du modèle d’économie administrée et de société fermée issu des années 1960 ; la sanctuarisation du secteur public.
Toutes les conditions d’une situation prérévolutionnaire se trouvent aujourd’hui réunies : d’une part une crise aiguë de la représentation politique qui dépasse les gouvernants pour englober l’ensemble de la classe politique ; une insécurité économique et sociale endémique ; des finances publiques en faillite avec une dette qui s’emballe, en progression de 10 points de PIB durant le quinquennat, minant la souveraineté du pays tout en fonctionnant comme une arme de destruction massive de la croissance et de l’emploi ; enfin le mélange de honte et de colère qui s’empare des citoyens d’une nation qui est devenue la risée de l’Europe et du monde développé. De l’autre, des échecs accumulés qui amplifient les peurs et les pulsions irrationnelles.
Le refus de la Constitution européenne a libéré les tentations nationalistes et protectionnistes, conduisant à une OPA intellectuelle de l’altermondialisme sur la gauche, Parti socialiste en tête, mais aussi sur une partie de la droite puisque le président de la République ne craint pas d’affirmer que le libéralisme constitue une menace pour la démocratie équivalente à ce qu’était le communisme au temps de la guerre froide. Dans le même temps, les émeutes urbaines ouvrent un vaste espace aux passions xénophobes et totalitaires, avec à la clé un puissant mouvement de basculement à droite de la société et, comme à la veille de 2002, une montée souterraine du vote extrémiste.
Les forces centrifuges qui sont à l’oeuvre dans le corps politique et social raréfient l’espace qui serait nécessaire pour un débat apaisé sur la situation et la modernisation du pays. D’où la démarche parallèle du Parti socialiste et de l’UMP qui, à travers le congrès du Mans et le compromis sur les primaires, ont privilégié une unité de façade qui entretient une commune ambiguïté sur leur ligne politique. D’où la lancinante réactivation des détours idéologiques qui érigent la mondialisation — via l’OMC — ou l’Union européenne en boucs émissaires de la crise française. D’où la rhétorique morbide de la commémo-nation qui évince la discussion des problèmes du présent au profit de l’actualisation virtuelle du passé. Les traites et la colonisation sont assurément des tragédies historiques, mais elles ne constituent ni des concepts, ni des principes d’action qui permettent d’appréhender la condition des immigrés en France et d’apporter des solutions concrètes à l’échec de leur intégration. Aussi bien le législateur, au lieu de s’aventurer de manière hasardeuse sur le terrain des historiens, serait-il mieux inspiré de consacrer son énergie aux réformes urgentes que réclame la situation du pays.
Pour autant, il n’y a aucune raison de désespérer. Car si tout peut aujourd’hui arriver, y compris l’engrenage de la violence, la dynamique de la réforme peut également frayer son chemin dans l’esprit et le coeur des Français. Voilà pourquoi 2007 s’annonce comme un scrutin décisif pour la France et pour l’Europe. Un scrutin décisif pour la France, parce que si l’élection présidentielle de 2007 devait, à l’image de 1995 et 2002, se réduire à un débat tronqué puis conduire à la reconduction des non-choix et du prisme démagogique, clientéliste et malthusien qui a prévalu depuis les années 1980, la crise économique et sociale sortirait de tout contrôle. Un scrutin décisif pour la France, parce qu’il constitue la dernière occasion de combler le retard accumulé sur les autres démocraties développées, engagées dans une course de vitesse pour s’adapter à un monde qui met en concurrence non seulement les entreprises mais plus encore les Etats et les sociétés. Un scrutin décisif pour l’Europe, dont la France est devenue l’homme malade, contribuant notablement à sa panne actuelle, exportant sa crise jusqu’à risquer de provoquer son éclatement comme celui de l’Euroland en cas d’aggravation de sa dérive.
D’où le paradoxe des dix-huit mois qui s’écouleront avant l’élection présidentielle. Aucune amélioration fondamentale n’est à attendre dans la situation du pays, en dehors d’artifices tels qu’une baisse du chômage qui doit tout au traitement statistique et à la création d’emplois semi-publics financés par la hausse de la dette. Situation logique dès lors que les conditions nécessaires au changement ne sont pas remplies : le président de la République ne dispose plus d’aucune légitimité ; les leviers majeurs de la modernisation que sont le changement du modèle social et la réforme de l’Etat ont été d’emblée exclus ; l’action du gouvernement est tout entière orientée vers l’horizon électoral de 2007 à l’exclusion d’une vision cohérente, comme le souligne la contradiction frontale entre le recours aux pouvoirs exceptionnels propres à l’état d’urgence d’une part, la volonté de minimiser la gravité de l’insurrection des banlieues ramenée à de bénins « troubles sociaux » d’autre part ; enfin, la cohabitation hautement conflictuelle entre le premier ministre et le ministre de l’intérieur interdit l’unité et la continuité dont toutes les expériences étrangères ont montré qu’elles étaient indispensables.
Il reste que le moteur de la modernisation peut embrayer, pour peu que les Français se mettent en mouvement et imposent de centrer le débat, par leur mobilisation et leur engagement, sur la situation réelle du pays et les moyens de l’améliorer. La modernisation de la France ne dépend ni de la mondialisation ni de l’Europe, mais des Français qui conservent la maîtrise de leur destin. A condition de surmonter les tentations protectionnistes et sécuritaires, nationalistes et xénophobes, pour examiner et trancher, non pas de manière passionnelle ou démagogique mais de manière rationnelle, les questions cardinales qui ont été éludées lors des derniers scrutins : comment rétablir le couplage de l’autorité et de la responsabilité du chef de l’Etat ? quels principes utiliser pour refonder une nation ? quels changements instaurer dans l’Etat pour lui permettre de jouer son rôle de réassureur des risques globaux de l’économie et de la société ouvertes ? quels positionnements pour le système productif et le territoire français à l’horizon des années 2010 ? quelles transformations apporter au modèle économique et social pour concilier efficacité et équité, compétitivité et solidarité dans l’univers de la mondialisation ? quels leviers employer pour débloquer la société, l’ouvrir en direction des jeunes, des immigrés, des exclus ? quelles voies pour contribuer à rétablir l’unité des démocraties et relancer l’Europe ?
Pour prix des échecs et des revers dont ils sont les premières victimes, les Français ont acquis le droit de percer la bulle de démagogie et de mensonge qui dévaste la vie politique nationale depuis de trop longues années et d’accéder à une information objective sur la situation de leur pays et l’état du monde. Leur responsabilité vis-à-vis de leur patrie comme des générations futures consiste à cesser de s’en remettre à un président de droit divin ou à l’Etat pour exiger de ceux qui aspirent à les gouverner des choix cohérents dont ils assument les conséquences prévisibles. A conjurer les tentations de régression vers un passé mythique et les passions extrémistes, à sanctionner sans faiblesse les cyniques et les démagogues pour ouvrir résolument la voie à une nouvelle génération, en rupture avec la République des truqueurs et des gérontes, à qui il reviendra de reconstruire un pays moderne, puissant et respecté dans le monde du XXIe siècle.
(*) Nicolas Baverez est économiste, historien et avocat. Auteur notamment de « La France qui tombe » (Perrin, 2003).
(Source : Article paru dans l’édition du journal « Le Monde » du 30.12.05)