29 novembre 2010

Home – Accueil

TUNISNEWS    10 ème année, N° 3842 du 29.11.2010  archives :www.tunisnews.net 


Assabilonline:Décès de Khemaïs Adaïssi dans des circonstances obscures

Nawaat: TuniLeaks, les documents dévoilés par Wikileaks concernant la Tunisie : Quelques réactions à chaud Webdo: Wikileaks: 1055 messages confidentiels émanant de la Tunisie Le Monde: La peur des pays arabes face à l’Iran African Manager: Tunisie : La NASA présente à Géo-Tunis 2010 Leaders: Les Italiens de Tunisie : reflets de mémoire à travers l’œuvre d’Adrien Salmieri Realites: Les Tunisiens sont-ils racistes ? Khémais Khayati: La philosophie des perroquets


Décès de Khemaïs Adaïssi dans des circonstances obscures

Assabilonline, Tunis

A la suite de l’arrestation de monsieur Khemaïs Adaïssi, (âgé de 27 ans, père de deux enfants et dont l’épouse est enceinte), le 1er octobre 2010, à la cité Jiara dans la région de Sidi Houssine Sijoumi dans la capitale, avec un groupe d’amis pour une vérification d’identité, il a été transféré au poste de Bouchoucha, et le lendemain, le samedi 2 octobre 2010, la famille a été informée par le responsable des lieux du décès de leur fils.

Assabilonline a pris contact avec la mère de la victime et son épouse, madame Sonia Bent Omar Laamiri, qui nous a informés que son mari lui avait téléphoné depuis le poste de Bouchoucha, au moyen du portable d’un gardé à vue, qui l’avait introduit en cachette, pour l’informer qu’il allait bien, qu’il avait été arrêté et qu’il serait déféré devant le tribunal le jour suivant. Il lui a affirmé qu’il sortirait car il avait été arrêté par erreur. Ce fut sa dernière conversation avec son mari, à minuit le vendredi, avant qu’elle n’apprenne son décès dans des circonstances obscures.

L’épouse et la mère de la victime ont demandé lors d’un enregistrement vidéo de Assabilonline, que la lumière soit faite sur les zones d’ombre du décès de Khemaïs Adaïssi.

L’épouse du défunt a ajouté que l’une des personnes détenues avec son mari l’avait contactée après sa sortie de détention pour l’informer qu’avant son décès, Khemaïs souffrait de coliques abdominales dont il ignorait la cause, mais que les autorités ne lui avaient pas porté secours. Il transpirait à cause de l’acuité de la douleur et il l’avait vu tomber sur le sol et il lui avait semblé qu’il était mort, puis il avait été transporté à l’hôpital Charles Nicolle à Tunis qui a affirmé que le détenu leur avait été amené décédé tandis que les autorités de la détention à Bouchoucha prétendent qu’il a été amené vivant à l’hôpital. C’est pourquoi madame Sonia Bent Omar Laamiri, épouse du défunt Khemaïs Adaïssi, a déposé une requête auprès du procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Tunis, pour l’informer de l’événement et lui demander de diligenter une enquête sur la mort de son mari. Une information faisant état du décès pendant qu’il subissait des violences dans le poste de Bouchoucha lui étant parvenue, elle a exigé le rapport du médecin légiste afin de découvrir le secret de la mort de son mari et poursuivre ses auteurs.

L’affaire a été déférée devant le quinzième bureau du Tribunal de Première Instance de Tunis, sous le matricule : 7044526

De notre correspondant en Tunisie, Zouhaïer Makhlouf

29-11-2010

Vidéo : www.youtube.com/watch?v=kQqlbKzDq-c&feature=player_embedded

(traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)



 
La rédaction | Nov 28, 2010 Nawaat relaye, en exclusivité, une partie des documents secrets qui concernent la Tunisie dévoilés par Wikileaks. Le site qui a déjà été à l’origine de la fuite de milliers de documents sur l’engagement américain en Irak et en Afghanistan. Les documents sont issus du réseau SIPRNet (Secret Internet Protocol Router Network) de l’administration américaine utilisé pour la transmission de mémos diplomatiques et autres documents secrets. Tous les documents relatifs à la Tunisie sont classés secrets : (Classification SECRET//NOFORN). « Noforn », qui est une restriction supplémentaire, signifie « Not releasable to Foreign Nationals », autrement dit « non diffusable aux étrangers ».
Cette première partie, que nous avons nomméeTuniLeaks, est composée de 17 documents qui révèlent la teneur des échanges entre l’ambassade US en Tunisie et le département des Affaires étrangères américain. Lesdits rapports sont relativement récents et ont été transmis entre le 28 Mai 2008 et le 9 février 2010. Parmi les 17 rapports, 2 sont rédigés par l’actuel ambassadeur des États-Unis d’Amérique à Tunis Gordon Gray, et 15 par son prédécesseur. Cette première partie de câbles diplomatiques entre l’ambassade US à Tunis et Washington sera suivie par d’autres parties que nous publierons au fur et à mesure. Il est important ici de signaler qu’il s’agit donc des câbles du pouvoir civil par opposition aux instances militaires. Pour le cas des documents auxquels nous avons eu accès, en l’occurrence ceux concernant la Tunisie, il est frappant de relever la place des préoccupations américaines relatives aux droits de l’Homme. Ce qui pour nous a été une surprise, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de communiqués publics destinés à calmer des ONG, mais des échanges privés entre des diplomates. Sans aucun doute, l’ensemble des documents mis en ligne par Wikileaks révélera-t-il, s’agissant d’autres pays, des éléments qui heurtent des principes de droit de l’Homme. Mais pour le cas de la Tunisie, cela ne semble pas avoir été le cas au sein des documents dont nous avons disposés. Nos premières appréciations sur le contenu sont des appréciations à chaud. Mais nous aurons l’occasion de revenir dessus après plusieurs lectures approfondies, seules à même de permettre de saisir des détails qui pourraient sembler anodins à première vue. Il serait trop long de revenir sur tous les éléments évoqués par ces documents dans cette présentation. Néanmoins, nous avons retenu quelques aspects qui ont accroché les membres de l’équipe de Nawaat, notamment les préoccupations américaines relatives aux droits de l’Homme (I), la perception des US de la pratique du pouvoir en Tunisie (II), le profil de certaines personnalités (III) et l’aspect troublant de quelques éléments dont on ne trouve quasiment pas de traces dans ces mêmes documents (IV). I. – Les préoccupations américaines des questions relatives aux droits de l’Homme C’est sans doute l’un des aspects les plus surprenants que l’on découvre au sein de ces documents. Tant et si bien, qu’il n’est pas exagéré de dire que le premier bénéficiaire de cette fuite, ce sont les USA. D’où, d’ailleurs, le fait d’envisager toutes les éventualités concernant l’origine de la fuite. Sur Nawaat, nous ne nous sommes jamais privés de dénoncer les connivences de l’administration américaine avec les responsables Tunisiens et (Arabes en général) en matière de violation des droits de l’Homme. Or, ces documents montrent que les choses ne sont pas aussi simples et que leur souci quant au respect des droits de l’Homme en Tunisie est réel, tout comme les pressions diplomatiques en ce sens. Si en de nombreux endroits, il question de conditionner certaines aides au regard des avancés en terme de libéralisation politique, les choses deviennent surprenantes quand on lit qu’il est même envisagé de reconsidérer les aides militaires par rapport à ce critère. En briefant le secrétaire d’État lors d’une visite en Tunisie, l’ambassade indique:  

« Dans nos contacts avec les responsables tunisiens, ils [les Tunisiens] soulignent nos liens solides de plus de 200 ans. Mais ils ne dépassent rarement le cap du général vers le particulier. Votre visite est une occasion d’indiquer clairement qu’il est possible d’aller plus loin. Si la Tunisie est prête à s’ouvrir et à faire davantage sur les questions qui préoccupent les États-Unis, comme par exemple, les défis régionaux et/ou la libéralisation politique, nous sommes prêts à chercher des moyens d’approfondir nos relations. »  

« In our contacts with Tunisian officials, they [Tunisians] emphasize our strong ties of over 200 years. But they rarely move from the general to the specific. Your visit is an opportunity to make clear that more is possible. If Tunisia is prepared to open up and do more on issues of concern to the United States, e.g., regional challenges and/or political liberalization, we are prepared to look for ways to deepen our relationship. » (VZCZCXRO1905 sec.18)  

Sur un autre document, on découvre qu’il est même question de faire pression au niveau des partenaires européens pour faire avancer les choses sur ce terrain. Dans le document « VZCZCXRO0363, sec.9 » on y apprend :  

« Nous recommandons d’être explicite avec les dirigeants du gouvernement tunisien [GT] que nous changeons notre approche, tout en indiquant clairement que nous allons continuer à s’engager en privé avec les partis d’opposition et la société civile. En outre, nous devons accroître nos efforts pour convaincre nos partenaires européens, et d’autres pays aux vues similaires, à intensifier leurs efforts pour persuader le GT d’accélérer la réforme politique. Si certains membres de l’UE (par exemple l’Allemagne, le Royaume-Uni) sont d’accord avec nous, les grands pays comme la France et l’Italie ont hésité à faire pression sur le GT. Nous devons travailler à les amener à le faire, et à faire de ce sujet une condition pour les collaborations futures et pour l’accession au statut-avancées avec l’UE. »  

«  We recommend being explicit with Government Of Tunisia [GOT] leaders that we are changing our approach, while also making clear that we will continue to engage privately with opposition parties and civil society. In addition, we should increase our efforts to persuade our European partners, and other like-minded countries, to step up their efforts to persuade the GOT to accelerate political reform. While some in the EU (e.g., Germany, the UK) agree with us, key countries such as France and Italy have shied from putting pressure on the GOT. We should work to get them to do so, and to condition further assistance and advanced EU associate status on it. »  

II. – L’image de Ben Ali et la perception de la pratique du pouvoir en Tunisie On ne s’étonnera pas d’apprendre que la considération de la personne de Ben Ali est à la hauteur du caractère despotique de son pouvoir. Certains passages, notamment ceux du doc. VZCZCXRO0363 sont sans appel.  

« Trop souvent, le gouvernement tunisien préfère l’illusion de l’engagement au travail sérieux pour une réelle coopération. Le changement majeur en Tunisie devra attendre le départ de Ben Ali, […] La Tunisie a de gros problèmes. Le Président Ben Ali est vieillissant, son régime est sclérosé et il n’y a pas de successeur évident. De nombreux Tunisiens sont frustrés par le manque de libertés politiques et éprouvent de la colère envers la famille présidentielle, la corruption, le chômage élevé et les inégalités régionales. L’extrémisme fait peser une menace permanente. […] La Tunisie est un État policier, avec peu de liberté d’expression et d’association, et de graves problèmes de droits humains. […] Pour chaque pas en avant, il y en a un autre en arrière, par exemple le récent rachat d’importants médias privés par des personnes proches du président Ben Ali.

 [Ben Ali] et son régime ont perdu le contact avec le peuple tunisien. Ils ne tolèrent pas de conseils ou de critiques, nationales fussent-elles ou internationales. Ils s’appuient de plus en plus sur le contrôle par la police et se concentre sur la préservation du pouvoir. La corruption dans les premiers cercles s’accentue. Même les Tunisiens moyens sont à présent très conscients de cela, et les voix de leurs plaintes s’amplifient […]. Les Tunisiens vraiment n’aiment pas, voire éprouve de la haine envers la première dame Leila Trabelsi et sa famille. En privé, les opposants au régime se moquent d’elle. Même dans les cercles proches du pouvoir on y exprime la consternation face à ses frasques. Entre temps, la colère s’intensifie face au taux de chômage qui grimpe et les inégalités régionales. En conséquence, les risques pour la stabilité à long terme du régime sont en augmentation. »  

« Too often, the Government Of Tunisia prefers the illusion of engagement to the hard work of real cooperation. Major change in Tunisia will have to wait for Ben Ali’s departure, […] Tunisia has big problems. President Ben Ali is aging, his regime is sclerotic and there is no clear successor. Many Tunisians are frustrated by the lack of political freedom and angered by First Family corruption, high unemployment and regional inequities. Extremism poses a continuing threat. […] Tunisia is a police state, with little freedom of expression or association, and serious human rights problems. […] for every step forward there has been another back, for example the recent takeover of important private media outlets by individuals close to President Ben Ali. [Ben Ali] and his regime have lost touch with the Tunisian people. They tolerate no advice or criticism, whether domestic or international. Increasingly, they rely on the police for control and focus on preserving power. And, corruption in the inner circle is growing. Even average Tunisians are now keenly aware of it, and the chorus of complaints is rising […]. Tunisians intensely dislike, even hate, First Lady Leila Trabelsi and her family. In private, regime opponents mock her; even those close to the government express dismay at her reported behavior. Meanwhile, anger is growing at Tunisia’s high unemployment and regional inequities. As a consequence, the risks to the regime’s long-term stability are increasing. » VZCZCXRO0363, sec.1, 6 et 7.  

Et ailleurs, on y lit également :  

« Il n’y a aucune chance pour que les élections soient libres et régulières. La liberté d’expression et la liberté d’association sont sévèrement limitées. Et on ne permet pas aux partis d’opposition indépendants de fonctionner effectivement. »  

« There is no chance the elections will be free or fair; freedom of expression and freedom of association are severely constrained, and independent opposition parties are not allowed to operate effectively. » VZCZCXRO1905, sec.6  

Par ailleurs, certains événements semblent avoir eu un impact particulièrement négatif sur l’appréciation du régime tunisien. L’épisode de la nomination d’une « incompétente » à la tête de la Banque de Tunisie (qui est au demeurant l’épouse de Abdelwaheb Abdallah) tout en débarquant le très compétent Faouzi Bel Kahia « un banquier très respecté qui a occupé le poste pendant 16 ans » (« highly respected banker who held the post for 16 years » VZCZCXRO4879) paraît avoir laissé de sérieuses traces. De même, la gestion catastrophique du « problème » fiscal de l’« American Cooperative School of Tunis » fut très préjudiciable aux intérêts nationaux. Les termes que l’on découvre dans le document VZCZCXRO0363 sec. 9, du 17 juillet 2009 sont très significatifs :  

« Le plus troublant fut l’effort unilatéral et maladroit du gouvernement tunisien d’imposer de nouvelles taxes rétroactives à l’American cooperative School of Tunis. Il ne fait aucun doute que cette action a été à l’initiative d’amis puissants (y compris sans doute Leila Trabelsi) de l’Ecole Internationale de Carthage. Cela soulève d’importantes questions sur la gouvernance tunisienne et nos amitiés réciproques. Si, en fin de compte, les actions du GT obligent l’école à fermer, nous aurons besoin de réduire les effectifs de la Mission, limiter nos programmes et réduire nos relations. »  

« Most troubling has been the [Government of Tunisia’s] unilateral and clumsy effort to impose new and retroactive taxes on the American Cooperative School of Tunis. There is little doubt that this action was at the behest of powerful friends (probably including Leila Trabelsi) of the International School of Carthage. It raises important questions about Tunisian governance and our friendship. If, in the end, the GOT’s actions force the school to close we will need to downsize the Mission, limit our programs, and dial down our relations. »  

Enfin, la gestion du rapatriement des anciens détenus Tunisiens de Guantanamo semble avoir été désastreuse de la part des Tunisiens. Le manquement à la parole donnée (au niveau des assurances tunisiennes quant au respect des droits fondamentaux des rapatriés) a particulièrement exaspéré les Américains. III. – Abdelwaheb Abdallah, Kamel Morjane et Sakhr el Matri. Au niveau des ministres Tunisiens des affaires étrangères, le moins que l’on puisse dire, c’est que Abdelwaheb Abdallah n’a pas été en odeur de sainteté auprès des américains.  

«[Abdelwaheb Abdallah] est connu pour ouvrir ses rencontres avec des monologues interminables sur des positions politiques, sociales et économiques, les réussites et les positions modérées de la Tunisie sur les questions régionales. C’est le discours qu’Abdallah lui-même a conçu pendant ses années en tant que conseiller du président, chargé du contrôle des médias nationaux et internationaux. Pendant son mandat de trois ans comme ministre des Affaires étrangères, Abdallah a maintenu une influence notable – si ce n’est un contrôle – sur les médias locaux » […]« Par exemple, Abdallah me convoqua pour exprimer son «dégoût» de la condamnation de la Tunisie pour son traitement des journalistes, par le président Bush lors du 1er mai, journée mondiale pour la Liberté de la Presse. Mais les difficultés sont aussi le résultat des contrôles imposés par le ministère des Affaires étrangères. Ces contrôles limitent la capacité de l’Ambassade de s’engager avec d’autres organismes, et avec les universités, les organisations professionnelles et syndicales du pays » (VZCZCXRO1905, sec.8)  

« [Abdelwaheb Abdallah] has been known to open his meetings with lengthy soliloquies about Tunisia’s political, social, and economic successes and moderate positions on regional issues. This is the spin that Abdallah himself crafted during his years as Presidential Advisor responsible for domestic media control and international media spin. During his three-year tenure as Foreign Minister, Abdallah has maintained significant influence — if not control — over the local media” […] “For example, Abdallah convoked me to express his “disgust” that Tunisia was condemned for its treatment of journalists in President Bush’s May 1 statement on World Press Freedom. But the difficulties are also the result of the controls imposed by the Ministry of Foreign Affairs. These controls limit the Embassy’s ability to engage with other agencies, and with universities, business organizations and even the country’s labor union” (VZCZCXRO1905, sec.8).  

Ailleurs, on y apprend :  

« Nous avons été bloqués, en partie, par le ministère des Affaires étrangères qui vise à contrôler l’ensemble de nos contacts avec le gouvernement et de nombreuses autres organisations. »  

«We have been blocked, in part, by a Foreign Ministry that seeks to control all our contacts in the government and many other organizations.”(VZCZCXRO0363, sec.2).»  

En revanche, s’agissant de l’actuel ministre des Affaires étrangères Kamel Morjane, celui-ci semble jouir d’une relative estime de la part de la diplomatie américaine. Il est du reste dépeint comme celui qui a cherché à limiter les dégâts de son prédécesseur. On notera également de longs passages concernant Sakhr El Matri, lesquels, entre autres révèlent cette promiscuité si malsaine entre les affaires et la politique. On retiendra cette anecdote, très révélatrice, qui a eu lieu à l’ambassade US où l’en passe du politique aux affaires d’El Matri sans la moindre pudeur. Celui qui aspire à obtenir une franchise McDonald en Tunisie se voit rétorquer par l’ambassadeur US que ceci nécessite des autorisations légales (de la part de l’administration tunisienne). Réponse d’El Matri : « ceci n’est pas un problème ». Et pour cause ! Voici le passage en question :  

« El-Matri a aussi exprimé son intérêt pour l’ouverture d’une franchise de restaurant McDonalds. Lorsque l’ambassadeur a déclaré que les entreprises américaines avaient besoin d’une législation sur les franchises avant d’investir, il a répondu: “cela n’est pas un problème”, et a suggéré que la première franchise pourrait s’ouvrir dans le port pour bateaux de croisières qu’il développe à La Goulette. »  

« El-Matri also expressed interest in opening a McDonalds restaurant franchise. When the Ambassador said US companies needed a franchise law before investing, he responded, “that would not be a problem,” and suggested a likely first option would be to open a franchise in the new cruise port he is developing in La Goulette. » (VZCZCXYZ0008, sec.3).  

Au demeurant, le contenu de ce document donnera de la matière à gloser à nos deux experts nationaux en « science des agendas » ; en l’occurrence Borhène Bsaïs et Boubaker Sghaïr. Sûrement, ils ne manqueront pas de reprendre les longs passages concernant Sakhr El Matri pour nous parler de son agenda lorsqu’il franchit le pas de l’ambassade US. Nos deux « messieurs agenda », aux compétences reconnues en la matière, nous ont habitués à ne louper aucune occasion pour discourir sur leur thème favori « ambassade et agenda ». IV.- Les Silences troublants Parmi les éléments les plus troublants, du moins concernant les documents que nous avons examinés, c’est cette absence flagrante des forces démocratiques tunisiennes au niveau des échanges entre l’ambassade US et le département d’Etat. L’opposition démocratique est mentionnée à deux ou trois reprises, mais c’est presque d’une manière collatérale, voire accidentelle. Et ce qui est d’autant plus troublant, c’est que malgré le fait que la diplomatie américaine n’attend que le départ de Ben Ali pour observer un réel changement « Tout changement majeur en Tunisie devra attendre le départ de Ben Ali » (« Major change in Tunisia will have to wait for Ben Ali’s departure »), l’opposition démocratique dans ce contexte n’incarne ni une alternative sérieuse ni même une force politique avec laquelle il serait utile d’avoir des rapports étroits. Il faut dire que cela confirme ce que nous avons par le passé écrit sur Nawaat, et qui incarne à nos yeux un réel problème tunisien. « Que cette opposition devienne tellement insignifiante, tellement inexistante au regard des gouvernements alliés de la Tunisie [avons-nous eu l’occasion d’écrire] est difficile à avaler. […] On ne devient pas une opposition qui incarne le changement démocratique en le proclamant, mais par la capacité, d’une part, à convaincre et à entraîner l’opinion publique en ce sens et, d’autre part, à gagner par ce biais la crédibilité des partenaires de la Tunisie quant au changement que l’on promet. » Juxtaposer cette non-considération des forces démocratiques tunisiennes avec les considérations réelles au niveau des questions des droits de l’homme en Tunisie par une nation étrangère, laquelle se met en position de protéger les Tunisiens sur leur propre territoire, a de quoi empêcher de dormir beaucoup de Tunisiens. Quand on songe à la défaillance indigne du gouvernement tunisien à s’enquérir du respect des garanties et droits fondamentaux des Tunisiens détenus à Guantanamo, C’est déjà très grave. Mais qu’ensuite les anciens geôliers de ces Tunisiens se retrouvent eux-mêmes dans la peau de ceux qui se démènent pour garantir leurs droits fondamentaux et leur intégrité physique en Tunisie ; cela frôle l’insupportable pour quiconque accorde un minimum d’honneur à la citoyenneté tunisienne et des droits qui s’y rattachent ! Et c’est face à de tels faits que l’on se demande comment des ministres, des parlementaires, des magistrats et des hommes politiques tunisiens peuvent se regarder dans la glace le matin. Que l’on soit très clair, que les Américains se démènent pour garantir la sécurité de ceux qui on subit les affres de Guantanamo, c’est la moindre des choses pour restaurer leur honneur. En revanche, pour nous Tunisiens, faisons-nous assez pour justement réhabiliter cet honneur qui devrait être celui de nos institutions républicaines dont la finalité ULTIME, faut-il le rappeler, est de garantir les droits fondamentaux du citoyen ? Au fond, les magouilles affairistes et politiques d’El Matri, A. Abdallah ou des Trabelsi sont tellement secondaires, sinon une conséquence logique de l’altération de ce qui est autrement plus fondamental : la place et le statut de la citoyenneté tunisienne au sein des institutions de la République. Aurions-nous su les défendre bec et ongle, ces institutions, depuis 1987, l’opposition démocratique en tête et nous n’en serions sûrement pas là aujourd’hui. Enfin à chacun de lire, de se faire une idée et donner du sens aux faits mentionnés. Le débat est ouvert. Ce qui est certain en tout cas, c’est que la transparence aura toujours du bon. Nous reviendrons sur ces documents, y compris sur d’autres dès que nous en disposerons. Nous les mettrons en forme, les classerons en catégorie et les taguons pour en faciliter la l’accès … d’ici là, bonne lecture. Pour suivre les nouvelles sur ce sujet, retrouvez-nous sur ce site dédiéhttps://tunileaks.appspot.com et assurez-vous que vous vous y connectez en HTTPS et non en HTTP. Vous pouvez également le faire en nous suivant sur notre compte twitter@nawaat etfacebook. Nawaat.org Télécharger les 17 documents en PDF:http://nawaat.org/portail/wp-content/uploads/2010/11/tn_lks2.pdf (Source: « Nawaat.org » le 28 novembre 2010)  

 Wikileaks: 1055 messages confidentiels émanant de la Tunisie

Une bombe vient d’être lancée aujourd’hui par le site Wikileaks. Malgré des annonces d’attaques informatiques massives a son encontre, le site d’information qui s’est donné pour point d’honneur de publier toute fuite d’information, a réussi à faire trembler les États Unis en publiant en début de soirée ( 28 novembre) des notes susceptibles de déstabiliser le climat diplomatique international.

Ces notes classées selon leur type secrètes, top secrètes ou messages – et enregistrées depuis 2003 pour le cas de la Tunisie- ont déjà commencé à passer sous la loupe des journaux partenaires : Le Guardian, Le monde et Der Spiegel, en passant par le New York Times. Parmi les histoires « chaudes » dont parle notamment le Guardian celle de l’Arabie Saoudite et plusieurs pays arabes sans compter Israël pressant les Etats Unis d’intervenir même par la force pour empêcher l’Iran d’aboutir à sa maturité nucléaire.

La Tunisie figure bon élève de la diplomatie américaine où pas moins de 1055 messages diplomatiques confidentiels émanant de la Tunisie vers les Etats Unis ont été analysés par Der Spiegel.

Source: ”Webdo.tn” Le 28-11-2010

Lien: http://www.webdo.tn/2010/11/28/wikileaks-1055-messages-confidentiels-emanant-de-la-tunisie/


La peur des pays arabes face à l’Iran

On ne peut pas faire confiance aux Iraniens », observe le roi d’Arabie saoudite, Abdallah bin Abdelaziz, en mars 2009, devant le conseiller de la Maison Blanche pour l’antiterrorisme, John Brennan.« L’objectif de l’Iran est de causer des problèmes », l’Iran est « aventurier dans un sens négatif », « que Dieu nous préserve de leurs péchés », poursuit-il, selon un compte-rendu américain obtenu par WikiLeaks et examiné par Le Monde.

Des diplomates américains rapportent d’autres propos du roi Abdallah, invitant à « couper la tête du serpent », auquel il compare l’Iran. Parmi les documents obtenus par WikiLeaks et révélés par Le Monde, un télégramme daté du 11 février 2010 souligne que « le roi saoudien a dit au général [américain] [James] Jones que si l’Iran parvenait à développer des armes nucléaires, tout le monde, dans la région, ferait de même ».

« Ce programme doit être stoppé », insiste pour sa part le roi de Bahrein, Hamad Al-Khalifa, à propos du dossier nucléaire iranien, le 1er novembre 2009, en recevant le général David Petraeus, alors commandant en chef du Centcom, qui a en charge la région.« Le danger de le laisser se poursuivre est supérieur à celui de le stopper ».

« MBZ », DANS LES TÉLÉGRAMMES AMÉRICAINS

Cette inquiétude arabe n’a cessé de grandir au rythme du programme nucléaire de la République islamique. Cela vaut tout particulièrement pour les riverains du Golfe dont certains ont pu avoir, ou ont encore, des contentieux territoriaux avec l’Iran, qu’il s’agisse de Bahrein, revendiqué par le passé par l’Iran, ou bien des Emirats arabes unis, qui contestent la souveraineté de l’Iran sur trois îles situées dans le détroit d’Ormuz. Les pays arabes redoutent à la fois l’ambition décuplée que donnerait à Téhéran le statut de puissance nucléaire et la riposte que susciterait toute initiative militaire destinée à entraver ce projet. De nombreux documents font état de leur souci d’acquérir des armements américains. Les télégrammes diplomatiques américains attestent de ce climat général avec cependant quelques nuances, car tous les émirats de la région n’entretiennent pas les mêmes relations avec leur puissant voisin.

Mohammed bin Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi, pilier de la Fédération des Emirats arabes unis, est plus déterminé. Lorsque le chef des états-majors américains, l’amiral Mullen,  fait part au  prince (« MbZ », dans les télégrammes américains) de son doute sur l’efficacité d’opérations seulement aériennes contre les sites iraniens, il s’exclame: « il faudrait alors des troupes au sol ». « MbZ », écrit un diplomate, le 9 février 2010, « considère que la logique de guerre domine la région, et cette lecture explique sa quasi-obsession de renformer les forces armées » de l’émirat.

Le 14 février 2010, l’émir du Qatar, qui partage un champ gazier stratégique avec l’Iran, adresse un conseil au sénateur américain John Kerry.« En se basant sur 30 années d’expérience avec les Iraniens, l’émir conclut la réunion en disant qu’il ne faut croire qu’un mot sur cent qu’ils prononcent », note un document américain.  « Ils nous mentent, et nous leur mentons » : c’est ainsi que le premier ministre du Qatar, Hamad bin Jassim Al-Thani, décrit la relation entre son pays et l’Iran, lors d’un entretien avec le vice secrétaire américain à l’énergie, Daniel Poneman, le 10 décembre 2009.

« NE CROYEZ PAS UN SEUL MOT QU’ILS PRONONCENT »

Le 13 février 2010, le premier ministre du Qatar reçoit à son tour John Kerry. Il « affirme que Mahmoud Ahmadinejad [le président iranien] lui a dit : « nous avons battu les Américains en Irak, la bataille final sera livrée en Iran », relate un document américain. Le président de l’Egypte, Hosni Moubarak,« éprouve une haine viscérale pour la République islamique », écrit un diplomate basé au Caire, en février 2009, « il les traite de‘menteurs’« , et prévient : « ne croyez pas un seul mot qu’ils prononcent ». Le 21 avril 2009, devant l’amiral Mullen, le chef des renseignements égyptiens, Omar Souleyman, constate que l’Iran « est très actif en Egypte », « l’Iran doit ‘payer un prix’ pour ses actions », retranscrit un diplomate.

En Jordanie, souligne un télégramme américain, en avril 2009,« la métaphore la plus couramment utilisée par des officiels en parlant de l’Iran est celle d’une pieuvre étendant ses tentaticules », qui doivent être « coupées ». Le président de la Chambre haute du Parlement, Zeid Rifai,« prédit que le dialogue avec l’Iran ne mènera nulle part », dit un document, qui le cite ainsi: « bombardez l’Iran ou vivez avec un Iran nucléaire, les sanctions, les carottes, les incitations, n’ont pas d’importance ».

Cette obsession de la menace iranienne partagée par la quasi-totalité des pays de la région qui ont en outre officiellement sous-traité leur sécurité aux Etats-Unis depuis l’invasion de l’Irak par Saddam Hussein, en 1990, se combine avec une autre crainte, exprimée explicitement par les responsables jordaniens, celle d’un rapprochement historique américano-iranien qui rabibocherait Téhéran et Washington aux dépens de ses alliés arabes. La demande du prince héritier d’Abou Dhabi que le Conseil de coopération du Golfe (CCG) soit associé aux tentatives de négociations avec l’Iran traduit à sa manière le sentiment inconfortable d’être le spectateur d’une pièce qui s’écrit ailleurs.

(Source: “Le Monde” (Quotidien – France) le 29-11-2010)


Tunisie : La NASA présente à Géo-Tunis 2010

Les travaux de la 5ème  édition du congrès international Géo-Tunis 2010 démarrent, aujourd’hui, lundi,  au technopole d’El Ghazela. Organisé par l’Association tunisienne de l’information géographique numérique (ATIGN), la cinquième session du Congrès Internationale GéoTunis 2010, sous la thématique : l’utilisation des SIG et la Télédétection pour le développement durable, vient optimiser l’utilisation des SIG et de télédétection dans les différents domaines liés au développement durable et   favoriser l’échange d’expertises aux plans national, régional et international. IL s’agit aussi  de renforcer le partenariat entre le système de recherche scientifique, les composantes de la société civile et les secteurs public et privé en vue de la promotion de ces technologies, d’ancrer une culture de solidarité en matière de savoir, outre l’incitation à l’investissement dans le domaine de la technologie numérique et la réduction du fossé numérique entre le nord et le sud en matière d’utilisation des SIG.  Plusieurs organisations internationales spécialisées dans le domaine des technologies géographiques numériques, à l’instar de l’Agence spatiale américaine « NASA », le groupe allemand de géo-consulting « 3G »et l’entreprise britannique « Mapping solutions » prendront part à cette manifestation.

(Source: “African Manager” Le 29-11-2010)

Lien: http://www.africanmanager.com/articles/130578.html

 

Les Italiens de Tunisie : reflets de mémoire à travers l’œuvre d’Adrien Salmieri

Qu’avons-nous gardé de l’histoire des Italiens en Tunisie et notamment de l’œuvre littéraire de cette communauté ? L’Université Paul Valéry (Montpellier III) a eu l’heureuse initiative d’y consacrer, à travers l’Institut de Recherche Intersite Etudes Culturelles, un excellent colloque international. Sur le thème de « Adrien Salmierie et la Culture Italienne en Tunisie, des chercheurs universitaires français, italiens et tunisiens ont essayé (du 19 au 20 novembre) de restituer le chemin de l’émigration italienne en Tunisie, avec une attention particulière aux œuvres littéraires, à la presse de protestation sociale, la résistance anti-fasciste et les représentations d’une référence historico-culturelle. Evoquant le parcours historique, l’universitaire tunisienne Leila El-Houssi, Maître de conférences à l’Université de Florence, a traité des « choix et perspectives d’une communauté du XIXe au XXe siècle ». En marge des travaux, une exposition «Les Italiens de Tunisie : reflets de mémoire» a été inaugurée à la Bibliothèque Universitaire UPV. En introduction de cette manifestation, les organisateurs écrivent notamment: « C’est avec une vision d’ouverture qu’il faut revisiter l’expérience des Italiens de Tunisie, qui ont vécu au carrefour des peuples de la Méditerranée. Tunisiens de naissance, mais étrangers à leur pays adoptif, beaucoup d’entre eux ont vécu jusqu’au bout le rêve patriotique que cette frontière d’Italie, la Tunisie, sous protectorat français entre 1881 et 1956, devienne tôt ou tard italienne. La défaite de la seconde guerre mondiale, puis la décolonisation du pays, anéantissent toute velléité italienne de colonisation et brisent même le précaire équilibre franco-italien d’antan.

Si les intérêts du colonisateur français n’ont pas toujours correspondu à ceux des Italiens de Tunisie, le jeune Etat postcolonial, en quête de sa propre identité nationale n’arrivait pas à intégrer toutes ses communautés allogènes. Contraints au départ vers la France ou l’Italie, les Italo-tunisiens restent dans l’oubli pendant plusieurs décennies. Se pencher sur la figure et l’oeuvre d’Adrien Salmieri fournit une occasion d’étudier cet échange de cultures favorable à l’émergence d’une écriture sui generis.

LA FIGURE D’ADRIEN SALMIERI

Issu d’une famille de bourgeois italiens de Tunis, Adrien Salmieri, né en 1929, est l’auteur de plusieurs articles sur l’histoire et la culture de la communauté italienne de Tunisie et de nombreux ouvrages de fiction, pour la plupart en langue française.

C’est surtout dans son roman Chronique des morts (1974), à l’aide d’une analyse du passé réel et au fil de ses longues recherches à travers les abîmes d’une mémoire collective, que Salmieri reconstruit le passé intérieur des Italiens de Tunisie. L’auteur communique à son lecteur les « pensées secrètes » de ses morts. Salmieri veut offrir aux siens, qui sont devenus des fantômes incompris et errants dans les pages jamais écrites de l’Histoire, un monument littéraire qui réhabilite leur mémoire.

(Source: “Leaders” Le 29-11-2010)

Lien: http://www.leaders.com.tn/article/les-italiens-de-tunisie-reflets-de-memoire-a-travers-l-oeuvre-d-adrien-salmieri?id=3404


Les Tunisiens sont-ils racistes ?

 

Le football est devenu un phénomène social total. Un match peut nous dire sur une société ce que des dizaines d’essais sont incapables d’entrevoir. La finale retour de la ligue africaine des champions entre l’Espérance de Tunis et le Tout Puissant Mazembé a laissé transpirer chez une certaine opinion publique, médias inclus, des réactions et des comportements qui frisent le racisme s’ils n’en sont pas des expressions avérées. Imiter le cri des singes, pour des spectateurs, dire qu’on n’a rien à faire avec l’Afrique, pour un entraineur, cracher sur un adversaire, pour un joueur, refuser de saluer Issa Hayatou, pour l’équipe, et attaquer les connivences entre “noirs”, pour des médias… Tous ces faits dépassent dans leur signification la simple frustration suite à un arbitrage maison lors du match aller… * * * Les Arabes en général et les Tunisiens en particulier ont souvent bonne conscience vis-à-vis du racisme. Nous avons la faiblesse de croire qu’en étant souvent victimes du racisme, nous ne pouvions, nous mêmes, en être les auteurs. Nos cousins, ou plutôt demi-frères, les Juifs ont le même syndrome : la victime ne peut être bourreau à son tour… et pourtant ! * * * Une maxime, devenue célèbre dans le monde des sociologues, dit qu’il n’y a pas de sociétés sous développées, mais des sociétés sous analysées… une société qui a les moyens de regarder ses maux et ses tabous en face, ne peut plus être sous développée, au sens fort de l’éthique et des valeurs universelles, même si elle n’a pas encore totalement résorbé la pauvreté et la misère. Le Tunisien est-il raciste ? Voilà une question tabou que l’on a souvent du mal à poser de peur de donner de notre société une image négative qu’elle ne mérite pas. * * * Il y a dans le racisme deux dimensions fondamentales : l’“animale” et la “culturelle” et aucune des sociétés humaines n’y échappe totalement. Les scientifiques et les sociologues ont montré que dans toute communauté, qu’elle soit animale ou humaine, il y a ce qu’on appelle un seuil de tolérance. Le groupe est capable d’intégrer des éléments étrangers mais jusqu’à une certaine limite (toujours difficile à définir dans le monde complexe des humains) au delà de laquelle le rejet prend le pas sur l’intégration et ceux qui hier, ne posaient aucun problème, deviennent la “cinquième colonne” de l’invasion extérieure. C’est ce qui se passe, schématiquement en Europe. La seconde dimension du racisme est plus pernicieuse car elle campe dans les recoins sombres de la mémoire collective. Toutes les cultures pré-modernes qu’elles soient savantes ou populaires sont fondées sur des inégalités premières. L’Autre n’est pas uniquement un autre que soi-même, mais il est frappé du sceau de la disqualification essentielle même si souvent le vivre ensemble de différentes communautés sur un même sol atténue quelque peu cette inégalité originelle. Les Arabo-musulmans n’ont voulu retenir de leur legs historique que ce qui ne gêne pas radicalement la conscience moderne. Les humains sont égaux entre eux dans notre culture, croyons-nous, et ils ne se différencient que par la piété et les bonnes actions. Cette image d’Epinal ne dit pas toute la vérité sur les représentations historiques de l’altérité dans les différentes cultures arabo-musulmanes. Il suffit de lire les traités sur les “races humaines” y compris chez les auteurs les plus éclairés comme le célèbre. Al Jahidh pour nous rendre compte du regard fondamental racialiste des cultures traditionnelles. Cela laisse des traces indélébiles dans les comportements et le regard qu’on porte sur les Noirs au Maghreb et sur les Noirs et les Asiatiques, en dehors des sino-nippons au Machrek. Il est faux de croire que nos élites et même le bon peuple ne reconnaissent pas l’égalité intrinsèque entre les races (pour le genre le chemin est encore long) mais le fait de ne pas procéder à une autocritique sévère des résidus, souvent importants, racistes de notre culture et de nos comportements fait que les propos racistes sortent parfois sans que leur locuteurs ne s’en rendent compte. Quand un journaliste sportif dit sur antenne qu’il prie Dieu pour que l’équipe africaine subsaharienne perde le match devant une équipe arabe “sœur” comme ce fut le cas lors de la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations en 2004 en Tunisie, on est en plein dans le racisme ordinaire et inconscient. Le drame est que ce racisme reste impuni et qu’on n’ose pas dénoncer ses dérives de peur d’ouvrir la boîte de pandore. Eh bien cette boîte-là il faut bien l’ouvrir un jour si l’on veut que le Sahara ne soit pas un nouveau mur de la honte entre l’Afrique du Nord et le reste du Continent et que les dérives d’un jour ne soient plus la norme de tous les jours.  

(Source: “Realites” Le 29-11-2010)

Lien: http://www.realites.com.tn/


La philosophie des perroquets


 

Par Khémais Khayati –

Hier et aujourd’hui, à Tunis, et plus précisément à la Cité des Sciences, on fête la journée internationale de la philosophie en catimini, sans tambour ni trompette, entre gens de même portée et un peu à l’écart de la place publique qu’il ne fallait surtout pas titiller en cette fin de mois. Cette manifestation, oublions le fait qu’elle soit un peu à l’écart, est une occasion en or parce qu’elle est centrée sur le thème : « Philosophie et stratégies de la modernité ». Y participent des philosophes d’Algérie, d’Égypte, de Syrie, du Liban, de la Jamahiriya, de Mauritanie, du Yémen, de Palestine, et aussi de Hongrie. Vous voulez quelques noms.

 

 Tenez, notez : Mohamed Jdidi, Anouar Abdelmalek, Sadok Jalel el Adhem , Aziz al Adhama, Faycel Darraj, Chafika Bastaki, et une pelletée de noms illustres sans oublier ceux et celles de nos cieux comme Mehrez Hamdi, Ridha Channoufi, Abdelaziz Labib, Fathi Meskini, Jaleleddine Saïd, Mohamad Mahjoub…

Voyez-vous, c’est le gratin de la crème qui va philosopher chez nous durant 48h. Cerise sur le gâteau, ces tables rondes traiteront de « Renaissance ou modernité : le discours décisif », « La Pensée philosophique arabe : les Lumières et le renouveau », « Philosophie de l’interculturalité et stratégies de la modernisation », et seront accompagnées par un café philosophique qui se tiendra cet après-midi…. Avouez que ça vaudrait le déplacement.

Fatiguer ses neurones !

Seulement, philosopher en dehors de la place publique, une fois l’an et en fin de mois, c’est comme une rencontre « de professionnels de la profession de philosophe »… Et qui dit fin de mois chez nous, dit aussi l’ardoise chez l’épicier ou les commissions de fin de mois dans une grande surface, les abonnements dans les transports ou les sœurs factures qui ne vont pas tarder à pointer leur bec crochu, sans oublier les sentiments qui deviennent sources de tracas capables d’occuper le cœur et l’esprit…. Alors, fêter la philosophie en ces temps de vache maigre et d’horizon insaisissable, c’est comme annoncer l’avènement de l’Heure dont ne cessent de nous tarabiscoter les oiseaux noirs des satellitaires.

Car, j’ai la nette impression que, dans mon pays et dans ma culture arabo-musulmane d’aujourd’hui, philosopher est devenu une chinoiserie comme qui vous parlerait de la quadrature du cercle. Et c’est d’autant plus inquiétant que la négation de cette pratique humaine par excellence surgit au moment où la connaissance – dans tous ses états – et grâce aux nouveaux moyens de communication, est étalée de son long en exposant ses atours sur les scènes publiques et privées, ici et ailleurs… Parce que chez nous, comme dans le reste du monde arabe, faire travailler ses méninges et établir des liaisons entre ses propres neurones – et la philosophie est bien cette pratique là – c’est devenu tout bonnement une activité absurde, une activité tellement immatérielle qui ne sonne pas et ne trébuche pas qu’elle en devient le signe d’une quelconque dénaturation, si ce n’est tout bonnement « le métier de ceux qui n’en ont pas ». Et quand, chez nous, on n’a pas de métier, c’est de deux choses l’une ou qu’on soit né avec une cuillère en or dans la bouche et c’est de plus en plus fréquent mais c’est du pur virtuel, ou que la chance d’avoir terminé vos études ne vous a pas donné celle d’avoir un travail, et c’est très fréquent aussi…

Dans tous les cas de figure, philosopher est devenu un acte irréfléchi qui a nécessité l’intervention de l’Unesco qui pour y remédier instituant depuis 2002 une journée mondiale de la philosophie sur le thème « du rapprochement entre les cultures ». Et si on veut rapprocher les choses, c’est qu’on s’est rendu compte, depuis des lustres, que les liaisons non seulement entre l’Occident et l’Orient (passons sur la définition des dénominations : genre qui est l’Occident ou l’Orient de l’Autre ?) sont parasitées, mais qu’il existe dans l’Orient lui-même de nouvelles « cultures » qui se regardent en  chiens de faïence… Et leur affrontement n’est pas pour après demain. Alors, permettre qu’on fête l’acte de philosopher avant le choc des Titans c’est, ma foi, s’offrir une bonne conscience avant le grand spectacle de la descente du rideau…  

La stratégie des Perroquets  

Cette gratuité de la philosophie ici et maintenant n’a pas de valeur – dans tous les sens positifs et négatifs du terme – et est le signe distinctif de la santé mentale d’une société comme la nôtre… Vous connaissez sûrement la « noukta »  (l’anecdote) sur la valeur inestimable du cerveau arabe qui n’a jamais servi… Et quand un cerveau n’a pas servi, ce n’est nullement de sa faute.Il faut jeter un regard rétrospectif sur les décades qui ont précédé pour voir les politiques culturelles et éducatives qui ont régné sur le monde arabe. Ces politiques, pour répondre au questionnement légitime du citoyen arabe quand il se voit malmené chez lui comme ailleurs, ces politiques n’ont pas trouvé de mieux qu’une philosophie des satisfécits basée sur les certitudes. Seules les sciences exactes sont la « vraie » réponse au doute. Et ce n’est pas sans raison que la pensée rétrograde reprend du poil de la bête immonde dans le champ des sciences exactes quand les sciences humaines, et principalement la philosophie, sont non seulement dépréciées par l’absence de débouchés sur le marché du travail, mais aussi bâillonnées dans les manuels scolaires et réduites aux simples intentions…

Nous avons de nos propres mains tué l’unique savoir qui questionne l’homme et lui enlève la paresse de l’esprit que les évidences lui inculquent. Mais vouloir tuer la philosophie n’est-ce pas une philosophie aussi, celle de limiter la pensée, ou du moins d’en faire le souffre douleurs ? 

Il existe en Tunisie une expression qui résume à merveille le statut réservé à la fonction de « penser »… Quand quelqu’un essaie de réfléchir – ce qui est la définition première et primitive même de la philosophie – on dit de lui « Ykhaddim fi moukhou » (fait fonctionner son cerveau). Ce qui, par extension, signifie « chercher des complications », ne pas prendre les choses comme elles viennent, ne pas être naturel. Et le contraire de naturel est culturel. Donc l’acte de réfléchir est un acte culturel… A partir de cet anti-cogito qui met en valeur l’équivalence entre l’existence et la non pensée, il nous est aisé de conclure que la société tunisienne – même si elle a l’air de se moquer de la philosophie (yetfalsif = complique la chose), fait de la philosophie selon la formule connue de Pascal dans ses pensées… Toutefois, chez Pascal, l’acte de se moquer de la philo est un acte conscient, un acte culturel, chez nous, c’est un acte naturel, vital… Le Tunisien moyen passe plus de trois heures et demi devant sa télé (ne disons pas lesquelles) et la télé n’aide pas à la réflexion. Elle tue le temps en le laissant couler. Elle tue l’exercice d’exprimer une idée en organisant sa pensée puisque penser c’est poser des questions, c’est être « continuellement en route », comme l’écrivait Alber Jacquard… La télé, internet et les moyens de communication modernes rendent les gens muets même s’ils « claviardent » (comme bavarder mais avec un clavier) à longueur de temps. Le mutisme et l’antinomie de la Philosophie… dans ces médias, on reçoit des réponses qui généralement ne font que renforcer la violence quand les questions de la philosophie et le savoir des sciences humaines résorbent cette violence par le fait même de penser, de faire fonctionner les méninges et d’établir des liaisons entre les neurones… Pour renverser la vapeur, il ne faut pas seulement une journée, il faut une politique… Il faut populariser la philosophie comme le souhaitait, il y a déjà trois siècles, Diderot afin que les peuples rejoignent les philosophes, pensent et ne récitent plus… Car la Modernité n’a jamais été initiée par la stratégie des Perroquets dans laquelle s’est affaissé le monde arabo-musulman… Pourquoi donc ? Va savoir !  

(Source: “Le Temps” (Quotidien – Tunisie) Le 29-11-2010)


 

Home – Accueil الرئيسية

 

أعداد أخرى مُتاحة

Langue / لغة

Sélectionnez la langue dans laquelle vous souhaitez lire les articles du site.

حدد اللغة التي تريد قراءة المنشورات بها على موقع الويب.