TUNISNEWS
7 ème année, N° 2530 du 27.04.2007
Reuters: Tunisia denies recycling charges against Islamist Slim Bagga: Avec Leïla, tout devient possible Tunisie Hamzah Zaman : Le Mal des Harass Le Temps : Tourisme: Les Iraniens affluent Le Temps :Transport aérien: Des prix défiant toute concurrence: Paris – Monastir pour 69 euros! AP: Legacy of Holocaust rescue by Arab recognized in New York Abdellah Taïa : Il faut sauver la jeunesse marocaine
AFP: Présidentielle turque: Gül échoue au 1er tour, bataille légale en vue
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Tunisia denies recycling charges against Islamist
Reuters, le 26 avril 2007 à 16h38 TUNIS, April 26 (Reuters) – Tunisia on Thursday dismissed an appeal to free a jailed Islamist, denying allegations from an international human rights group that it had imprisoned him repeatedly for the same offence. U.S.-based Human Rights Watch urged the government in an open letter on Wednesday to free teacher Daniel Zarrouk, 51, who it said had spent more than 15 years in jail following four convictions for membership of an Islamist movement. A judicial source told Reuters: « The suspect was not prosecuted for the same charges but for new criminal acts. Doing again the same crime … is considered as a new criminal offence punished by law. » The source said Zarrouk was jailed in connection with five different lawsuits concerning membership of a terrorist organisation and of a gang harming people and property. Zarrouk is a member of an Islamist movement, Nahdha, which is not recognised by the government. The source said Tunisia was in line with world practice in preventing the prosecution of anyone for the same crime more than once — contradicting Human Rights Watch, which said Zarrouk had been « convicted … multiple times for exactly the same offence ». The rights group said it was concerned by reports that Zarrouk was not unique among long-term prisoners affiliated with Nahdha. It said it understood he was due for release in 2009. Zarrouk has always denied engaging in or planning violence, while admitting to being an activist in Nahdha, the rights group said. Tunisia is North Africa’s most stable and prosperous country but human right groups have repeatedly urged authorities to allow more freedom of expression and to be more tolerant towards dissidents. REUTERS
Avec Leïla, tout devient possible Tunisie
Leïla Ben Ali pourrait, à n’en pas douter, reprendre à son compte le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy. Avec elle, « tout devient possible ».
C ette année, c’est donc la première « Drame » de Tunisie qui se lance dans l’enseignement privé pour mieux mettre à genoux des familles.
A vec son amie intime, Souha, la veuve « éplorée » de Yasser Arafat, Leïla Ben Ali s’approprie un secteur jusquelà à l’abri de ses tentacules : l’Education nationale. De quoi rire. Leïla est inculte. D’ailleurs ses gesticulations en vue de se faire attribuer des diplômes universitaires par le biais d’une fac toulousaine ont plutôt fait sourire l’opinion publique. Leïla tient donc à rattraper le temps perdu. Qu’à cela ne tienne, la préférée du Général Ben Ali a décidé de créer une école primaire et secondaire privée. Qui dit privé dit dispensant les meilleurs cours, grâce aux meilleurs enseignants. A 1000 DT (600 euros environ) l’année, on imagine le magot dans un pays où l’enseignement prodigué aux élèves a pris un sérieux coup depuis deux décennies… Pauvre Bourguiba qui doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait parié sur l’enseignement gratuit pour tous et consacré plus d’un tiers du budget de l’Etat à l’Education nationale. Autres temps, autres moeurs. Les budgets les plus mirobolants sont consacrés depuis à la sécurité présidentielle et à la police nationale pour satisfaire les besoins paranoïaques d’une oligarchie constituée du dernier carré d’analphabètes dans le pays. L’an dernier, le journal opposant L’Audace avait révélé que le clan des Trabelsi était parvenu à obtenir des sujets d’épreuves écrites à l’Université qu’il a pu ainsi « vendre » à des familles pour garantir réussite à leurs progénitures. Cette année, c’est donc la première « Drame » de Tunisie qui se lance dans l’enseignement privé pour mieux mettre à genoux des familles. On se demande déjà si des cours de coiffure seront dispensés aux futurs privilégiés et si les jeux de hasard feront partie des matières principales sous la férule de Belhassen Trabelsi qui, lui, lorgne sur les casinos… Parce qu’avec Leïla Trabelsi, « tout devient possible ». Slim Bagga
(Source: Bakchich nr 32 du 27 avril 2007) http://www.bakchich.info/
Les revendications de démocratisation et de reconnaissance touchent les institutions policières
Le Mal des Harass
par Hamzah Zaman L’état déplorable de la santé des institutions du pays est un indicateur supplémentaire de la nécessité de démocratisation et de reconnaissance des personnels des services publics. Le Haras Tourabi, ou Garde Territoriale est l’équivalent du corps des Gendarmes en France, avec une nuance de taille : Haras et Police relèvent d’une seule et même Idarat Am’n, Direction de la Sûreté Nationale au Ministère de l’Intérieur. En général, la police exerce sa mission en milieu urbain et le Haras ailleurs. D’ordinaire, les Haras recrutent sans le bac sur concours . C’est l’une des rares opportunités offertes aux jeunes ruraux de milieux modestes. La rudesse de cette catégorie de jeunes les aide à endurer le dur labeur, le bas salaire, le mépris et les abus de la hiérarchie. Les salaires sont réputés être les plus bas de la Fonction Publique d’Etat. Or, de plus en plus de jeunes diplômés d’horizons divers en mal de débouchés se retournent vers ce métier. Les nouvelles recrues ont l’instruction suffisante et l’estime nécessaire pour eux-mêmes et pour leur milieu social d’extraction qui manquaient à leurs aînés. Du coup, ils relèvent la contradiction d’un Etat policier qui traite ses Gardiens comme des chiens. Désormais, les honneurs faits aux membres du sommet de la pyramide policière ne suffisent plus à tromper la grande masse des Agents. Et miracle, la muette se met à parler ! Elle dit les incohérences de la politique sécuritaire, l’autoritarisme aveugle de la hiérarchie, l’éloignement et le bas salaire. Dans le chapitre des incohérences de la politique de sécurité, les Haras (ou Hours comme on dit à la campagne) dénoncent les passes droits imposés par la hiérarchie en faveur des caciques du régime, des notables locaux, de certains caïds ainsi que toutes leurs clientèles respectives. Cette politique des copains et des vilains compromet l’application de la loi et humilie les Agents qui doivent sans cesse aller s’excuser d’avoir verbalisé des personnes protégées. • L’obsession de pénétrer tous les rouages de la société et d’accumuler du renseignement sans plan préalable aboutit à la couverture d’une infinité de trafics viviers d’indics . La pêche en eaux troubles à grande échelle brouille les frontières entre la norme et l’exception au point que beaucoup d’Agents mal soutenus et peu payés en perdent la tête. • L’amalgame entre insécurité et activités purement politiques de l’opposition tend à établir une égalité absurde entre adversaires du régime d’un côté et criminels de l’autre. Or l’élaboration d’une politique sur des bases viciées produit des élucubrations auxquelles les agents ne trouvent pas de sens et n’y adhèrent que superficiellement et par obligation. Par ailleurs, l’autoritarisme du régime se trouve à l’état de concentration dans les institutions policières en général et chez la Garde Territoriale en particulier. L’abus hiérarchique conjugué aux salaires de famine fait de chaque Haras un petit volcan ambulant. • Pour une futilité, un agent peut être muté à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile. Depuis la suppression de la gratuité des transports, il doit alors, avec ses 450 Dinars * mensuel, ou louer une chambre dans sa ville de mutation tout en subvenant aux besoins de sa famille, ou rentrer après le service chez lui en stop ou par les transports en communs. L’achat d’une voiture ou d’une moto personnelle est évidemment au dessus de ses moyens. Cet état déplorable de la santé des institutions du pays est un indicateur supplémentaire de la nécessité de démocratisation et de reconnaissance des personnels des services publics. Je suis néanmoins forcé et c’est une vrai surprise pour moi, d’exprimer mon étonnement de l’ouverture, de la maturité et du professionnalisme des jeunes Haras rencontrés. Malgré leurs situations personnelles difficiles ils gardent intactes la joie et la légèreté du tunisien ordinaire. (*) 1 €uro = 1,7 Dinar / 1 Dinar = 0, 59 €uro (Source: www.reveiltunisien.org , le jeudi 26 avril 2007) Lien : http://www.reveiltunisien.org/article.php3?id_article=2519
Tourisme
Les Iraniens affluent
La saison touristique commence à retrouver ses repères. Les hôtels affichent des taux d’occupation satisfaisants. Si les nationalités classiques remplissent nos unités, les nouveaux marchés commencent à bouger. C’est le cas du marché iranien qui se développe de plus en plus sur la Tunisie. Ils étaient des centaines iraniens à choisir la Tunisie pour fêter leur nouvel an (iranien, le Naurouze, NDLR)en Tunisie célébré le 21 mars de chaque année. Ce marché porteur est en train de se consolider sur la Tunisie. 3000 à 4000 iraniens ont choisi Hammamet et Sousse pour passer un séjour ensoleillé dans des unités de 4 et 5 étoiles. Ce marché a certes ses spécificités mais il est un bon créneau de diversification pour notre produit. Le tourisme iranien dans sa composante essentielle est un tourisme familial, de loisirs et surtout de shopping. C’est aussi un tourisme de luxe et de confort. Le produit touristique tunisien s’adapte parfaitement à la clientèle iranienne. La Tunisie a de grands atouts touristiques : de très belles plages, une bonne infrastructure hôtelière et un produit diversifié qui répond aux besoins de la clientèle iranienne. Les entrées touristiques ont connu une hausse ces dernières années grâce à une bonne programmation aérienne. Nouvelair et Mahan Airlines ont pu relier les deux pays grâce à des vols charters. Le touriste iranien apprécie beaucoup le produit tunisien et surtout le sourire du personnel et son accueil chaleureux. Bien sûr, le nombre des touristes iraniens en Tunisie peut toujours augmenter par le biais d’un effort promotionnel de la part des autorités et des agences de voyages. L’organisation des éductours et des workshops, l’invitation des journalistes iraniens et la consolidation du réseau de lignes aériennes directes reliant Téhéran à Tunis. Toutes ces mesures sont de nature à doubler les entrées des touristes iraniens en Tunisie. » Il est vrai que le nombre des Iraniens pourra augmenter dans les années à venir surtout avec l’implication de tous les professionnels et les Tour-opérateurs iraniens qui s’investissent pour drainer plus de touristes perses en Tunisie. Toutefois, nous devrons penser à développer l’aérien car nombreux sont les Iraniens qui choisissent la Turquie qui est à une heure de vol de l’Iran. Les compagnies aériennes du Golfe (Emirates et Qatar Airlines) pourront contribuer à renforcer les flux touristiques et ouvrir de nouveaux horizons sur ce marché. Il s’agit en fait d’une opération de « détournement » des touristes iraniens. En d’autres termes trouver le moyen de les ramener à Tunis plutôt qu’à Istanbul. Kamel BOUAOUINA (Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 27 avril 2007)
Transport aérien: Des prix défiant toute concurrence
Paris – Monastir pour 69 euros!
La nouvelle compagnie low cost et charter d’Air France Transavia.com lance une grande opération marketing. Les professionnels du tourisme mettent les bouchées doubles en vue de préparer la saison estivale. L’année 2006 a confirmé encore une fois la bonne santé du marché français avec l’arrivée de plus d’un million de touristes. Le marché du tourisme et du voyage en France connaît depuis quelques années une évolution constante. Un Français sur deux partira cet été pour un séjour de 4 nuitées et plus, malgré les surtaxes au prix du pétrole et les élections alors qu’ils étaient 60% il y a 5 ans. Parmi les destinations les plus prisées figurent l’Espagne ( 21% ) l’Italie ( 12%) le Portugal ( 8%) la Tunisie ( 6% ) Le Maroc ( 6%) et l’Amérique du Nord ( 5%). La recette gagnante : le soleil, last minute et les petits prix. Les Français cherchent de plus en plus les séjours à bas prix. Ce qui explique la prolifération des compagnies charters et Low Cost qui cassent les prix en offrant des voyages bradés. Pour cet été, Transavia.com, la compagnie low cost et charter du Groupe Air France a dévoilé son programme régulier sur la Tunisie. Son président Lionel Guérin a précisé que la compagnie assurera une fréquence par jour entre Orly et Djerba à partir du 1er juin. Un deuxième appareil B737 -800 (186 sièges) reliera Orly à Monastir cinq fois par semaine. Transavia.com a commencé à commercialiser ses vols avec des prix agressifs : 69 euros pour Monastir et 79 euros pour Djerba en aller simple, toutes taxes comprises. Elle réalisera le gros de ses ventes sur la Tunisie sur internet. D’ailleurs les Tour-opérateurs français qui travaillent sur la Tunisie ( Club Med, Nouvelles Frontières, Fram et Hypervacances) comptent travailler cet été avec Transavia où ils ont mobilisé plusieurs bloc-sièges. Tranavia.com va programmer des vols charter cet été pour le compte du Club Med sur Djerba. Un service à bord baptisé « Mini-Market on the air » sera assuré durant les vols Orly-Monastir et Djerba où les voyageurs pourront acheter des sandwichs, des boissons, des magazines…Bref, le marché français sera consolidé davantage par ces nouveaux vols. Ce qui renforcera les flux touristiques sur la Tunisie surtout en cette période de pointe et de surbooking. Kamel Bouaouina (Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 27 avril 2007)
Legacy of Holocaust rescue by Arab recognized in New York
By SAMANTHA GROSS, Associated Press Writer Associated Press, le 26 avril 2007 à 17h09 NEW YORK (AP) _ Khaled Abdul-Wahab was shy about his past, but the Tunisian would have been proud to be the first Arab nominated to receive an honour reserved for those who saved Jews during the Holocaust, his daughter said. « He wouldn’t have looked for it, » Faiza Abdul-Wahab said of her father. But, she said, « he would have been very proud. » Faiza Abdul-Wahab appeared Wednesday at Manhattan’s Yeshiva University with the grown daughter of one of the girls her father rescued in the early 1940s, when he hid more than 20 Jews during the Nazi occupation of Tunisia. The New York event followed her father’s posthumous nomination in January for recognition as « Righteous Among the Nations » in Israel. Without Khaled Abdul-Wahab, Nadia Bijaoui said, her mother likely would not have survived World War II. « That’s what your father did, Faiza, » Bijaoui said to her counterpart. « He loved his neighbor like he loved himself. » The women met for the first time last week, united in part by the work of Robert Satloff, director of the Washington Institute for Near East Policy, who researched the families’ stories and nominated Khaled Abdul-Wahab for the Israeli high honor. Both women grew up in France, and despite their religious divide _ Bijaoui practices Judaism, Abdul-Wahab considers herself a Christian and Muslim _ recognize their common culture. Satloff said he set out to find stories of Arabs who rescued Jews in the hopes of combatting doubts about the persecution of Jews during the war. « If an Arab saved a Jew, isn’t that the best antidote to´Holocaust denial? » he said. While researching a book on the topic in 2003, Satloff was contacted by Anny Boukris, then a 71-year-old living in a Los Angeles suburb. Although she had always seemed reluctant to give the details of her World War II experiences to her family, Boukris was persistent in contacting Satloff. Just six weeks after giving him 83 pages of testimony, she died. Through interviews with Boukris’ childhood playmates and others, Satloff confirmed her account of how Khaled Abdul-Wahab heard that German officers were planning to rape a local Jewish woman, her mother. He then gathered her family and several other families, taking them to his farm and hiding them there until the occupation ended several months later. During the occupation from November 1942 to May 1943, the Germans targeted Jews by confiscating property, imposing fines and forcing some to wear Star of David badges, according to Israel’s Holocaust memorial, Yad Vashem. More than 5,000 Jews there were sent to forced labor camps, where 46 are known to have died. About 160 Tunisian Jews in France were sent to European death camps. Khaled Abdul-Wahab spent the rest of his life moving between Tunisia and Paris. He died in 1997 at the age of 86. His nomination is pending approval by the Israeli commission that grants the honor. Since the war, Yad Vashem has conferred the status on more than 21,700 people, including some 60 Muslims from the Balkans. Associated Press
Point de vue
Il faut sauver la jeunesse marocaine
par Abdellah Taïa (*) Des jeunes, ceinturés d’explosifs, qui arpentent une grande ville, prêts à se faire sauter d’un moment à l’autre, entraînant avec eux dans la mort d’autres personnes, des victimes innocentes. Ces lignes ne résument pas le très beau film Paradise Now (2005) du Palestinien Hany Abou Assad, non, elles disent l’horreur qui s’est abattue il y a quelques jours sur le Maroc. Et, au risque de choquer certains, qu’on en soit arrivé là ne constitue pas une grande surprise. Je voudrais d’abord m’arrêter un moment et essayer d’imaginer le film noir de ces jeunes Casablancais, futurs kamikazes, imaginer ce qui traverse leur esprit au moment de passer à l’acte. Je le vois très bien ce film, très vite j’ai les images dans l’écran de mes yeux, très vite je suis un des personnages, mais pas une victime. Je suis kamikaze. Je suis dans la rue, vagabond, décidé, en prière. Je suis dans l’apocalypse. Et je veux par un dernier geste donner un sens (n’importe quel sens) à ma vie gâchée, je veux qu’on retienne mon nom, qu’on sache que je suis passé par cette vie, par ce Maroc, que j’ai existé, respiré dans le désespoir et l’indifférence. Je marche lentement, un peu désorienté, et je cherche ma cible. Je suis un bon musulman, bientôt je serai au paradis. Le suicide est interdit par l’islam, c’est vrai. Mais mon imam, mon émir, m’a dit qu’en cas de guerre on avait le droit d’user de tous les moyens pour vaincre l’ennemi, les mécréants. « C’est cela ma mission. C’est ce à quoi je me suis préparé depuis des mois et des mois. Je me suis accroché de tout mon coeur à ce but, à cette occupation qui comblait le vide de mes heures et de mes jours. Je me suis investi, j’ai changé de peau, discrètement je suis devenu autre, un « juste » qui veut rendre les autres « justes » comme lui, « justes » malgré eux s’il le faut. J’ai participé à toutes les opérations de mon groupe, à toutes les veillées religieuses. J’ai respecté les consignes. J’ai dit toutes les prières. Je n’ai pas flanché. Je suis devenu quelqu’un. Je suis devenu important. On me salue avec respect. On me donne des ordres avec respect. J’ai choisi ce que je vais faire. J’ai le monde entre mes mains. J’ai le Maroc entre mes mains. Il m’appartient enfin. Il est pour moi enfin. Et je suis en train de marcher dans la ville pour vérifier mon pouvoir, respirer autrement. Je n’ai pas d’autres motivations. J’ai confiance en moi, j’ai confiance en moi… Je me répète ça pour ne pas avoir peur, pour ne pas laisser filer le courage, ne pas oublier ma rage, ma mission, mon chemin… Non, je n’ai pas peur… Mais je tremble, j’ai mal aux jambes, aux pieds… J’ai peur, je ne peux plus le cacher. Peur comme toujours, depuis le début de ma vie. J’ai peur et je vais quand même à la mort. C’est ma mission. Je n’avais pas d’autres choix. » A travers cette identification, je ne veux pas trouver des excuses aux kamikazes de Casablanca. Je veux juste dire que je les comprends, de l’intérieur, que je me sens solidaire, non pas de leurs actes, de leur terrorisme, mais de leur déchéance, de leur désespoir. Moi aussi, à Salé, dans le quartier de Hay Salam où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 25 ans, j’ai ressenti de la haine pour le Maroc indifférent à mon sort, à mon malheur et à mon « no future ». Moi aussi on m’a écrasé et on m’a fait comprendre que j’étais moins que rien. Moi aussi je me suis senti maudit et j’ai maudit ce pays qui n’appartient qu’aux riches. Moi aussi, à ce moment-là précisément, dans le noir de ma vie, j’ai été approché par les islamistes. C’était en 1990. J’avais 17 ans. Je faisais mes études au lycée Hay Salam, qui se trouvait à Hay Al-Inbiat, non loin du fameux quartier de l’oued L’khanez (l’oued qui pue) et du non loin fameux souk El-Kalb (marché des chiens). Un homme d’une cinquantaine d’années venait régulièrement nous inviter, mes copains du quartier et moi, à manger le couscous chez lui après la prière du vendredi. Il était tout sauf insistant. Il continuait à passer nous saluer même si nous ne répondions pas à son invitation, il nous parlait brièvement de religion et nous encourageait gentiment à prier cinq fois par jour. Il n’oubliait jamais de renouveler son invitation pour le couscous. Je n’y suis jamais allé (et je le regrette un peu aujourd’hui). Ce ne fut pas le cas de mes autres copains. A cette époque-là j’étais quelqu’un de triste, d’amer. J’avais des rêves de films, mais je ne savais pas comment les concrétiser, et je ne savais pas non plus si cela suffirait à me sauver, de la misère, du chômage qui m’attendait. J’étais fragile, au sens propre. J’appartenais à cette génération dépolitisée par la volonté d’Hassan II et qui allait bientôt être sacrifiée. L’avenir s’annonçait bouché. A un an du baccalauréat, j’aurais pu, vu ce qu’on avait prévu pour nous, bifurquer, renoncer aux études, aller vers l’extrémisme, mener une carrière dangereuse. Personne, à l’époque, ne m’en aurait détourné. Personne n’en aurait rien su d’ailleurs. Car c’est cela le lot de l’individu au Maroc : il n’intéresse personne. Ce qui arrive aujourd’hui à certains jeunes Marocains est exactement ce qui aurait pu m’arriver. Ce qui m’a sauvé ? Deux choses. D’abord ma mère, M’Barka, qui m’a toujours encouragé à étudier. Et ensuite le cinéma, ma véritable religion. Les prières de la première et le pouvoir extraordinaire sur mon imaginaire du second ont changé ma vie. Mais je sais que je suis une exception, que j’ai eu de la chance et que j’aurais pu très facilement mal tourner. Ce que je viens d’écrire, ces mots durs peut-être, c’est aussi une lettre. Une bouteille à la mer. Un cri, comme celui du tableau d’Edvard Munch. Des larmes. Des prières. Le Maroc a échappé au pire jusqu’ici grâce à la baraka. Les actes terroristes des kamikazes de Casablanca sont criminels. Continuer à abandonner la jeunesse marocaine l’est aussi. (*) Abdellah Taïa est écrivain. (Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 28.04.07)
Présidentielle turque: Gül échoue au 1er tour, bataille légale en vue
Par Burak AKINCI AFP, le 27 avril 2007 à 17h52 ANKARA, 27 avr 2007 (AFP) – L’unique candidat à l’élection présidentielle en Turquie, Abdullah Gül, n’a pas réussi vendredi a être élu au premier tour de scrutin par le Parlement, tandis que l’opposition s’apprêtait à réclamer l’invalidation du vote, ce qui risque de provoquer des législatives anticipées. M. Gül, ministre des Affaires étrangères et membre influent du Parti de la Justice et du Développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, a obtenu 357 suffrages sur les 361 députés qui ont voté. Il lui en fallait 367 (sur 550 élus au total) pour être élu dès le premier tour. Le principal parti d’opposition social-démocrate (CHP), qui a dénoncé le fait que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan n’ait pas daigné consulter l’opposition parlementaire avant de désigner mardi M. Gül comme candidat, a boycotté le vote. La plupart des députés de deux petits partis conservateurs ont fait de même malgré la promesse in extremis du gouvernement de mettre à l’étude une série de projets de loi qu’ils réclamaient de longue date, notamment sur la restriction de l’immunité parlementaire. Le deuxième candidat en lice, un membre dissident de l’AKP, s’était retiré de la course juste avant le début du vote. Un deuxième tour de scrutin est prévu mardi prochain. L’AKP bénéficie d’une majorité écrasante de 352 sièges à l’Assemblée et il est certain que Gül sera élu lors du troisième tour de scrutin, le 9 mai, quand 276 voix suffiront. Il n’est pas certain toutefois que le scrutin se poursuivra comme prévu, car le CHP devait déposer dès vendredi une plainte auprès de la Cour constitutionnelle pour réclamer l’invalidation du premier tour de vote et provoquer des élections législatives anticipées. Le CHP affirme qu’il faut au moins 367 députés pour ouvrir le vote, ce que conteste l’AKP, pour lequel 184 députés suffisent. Le scrutin législatif doit normalement avoir lieu le 4 novembre. La presse spéculait vendredi sur le fait que la majorité des juges de la Cour constitutionnelle soient nommés par le président sortant Ahmet Necdet Sezer, un laïc convaincu, ce qui pourrait faire pencher la balance en défaveur de l’AKP. « Je remercie tout ceux qui sont venus au Parlement même s’ils n’ont pas voté », a déclaré M. Gül aux journalistes. Cet homme de 56 ans est considéré comme une personnalité modérée. Il est un islamiste reconverti en « démocrate conservateur » comme M. Erdogan, dont il est le bras droit, et son épouse porte le foulard, perçu comme une manifestation de militantisme politique islamique par les laïcs. Des commentateurs craignaient qu’une fois élu, M. Gül n’approuve des lois rejetées par son prédécesseur et n’islamise le pays, creusant davantage le fossé entre les laïcs et l’AKP, accusé par ses détracteurs d’avoir un agenda islamiste caché dans ce pays de 73 millions d’habitants qui aspire à intégrer l’Union européenne. Un petit groupe de personnes a manifesté avant le premier tour de vote devant le Parlement, brandissant des drapeaux turcs et des affiches du père fondateur de la Turquie laïque, Mustafa Kemal Atatürk. Une manifestation est prévue dimanche à Istanbul, reprenant le thème de l’attachement à la laïcité. A la mi-avril, un premier rassemblement sur ce même thème avait réuni plus de 500.000 personnes à Ankara, ce qui aurait contribué à dissuader M. Erdogan de se présenter. AFP