24 avril 2008

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TUNISNEWS

 8 ème année, N°  2893 du 24.04.2008

 archives : www.tunisnews.net


AISPP: Procès de 19 jeunes accusés de reconstitution du « Parti de la Libération islamique » ! OLPEC: Nouvelles attaques policières contre la famille de Taoufik Ben Brik Reporters sans frontières: La voiture de l’épouse de Taoufik Ben Brik vandalisée Reporters Without Borders: Threats against journalist’s family, then wife’s car vandalised Liberté et Equité: Communiqué AFP: Tunis confirme son refus d’une mission de la FIDH accusée de « partis pris » Le Monde: L’économie tunisienne, miracle ou mirage ? Le Monde: Gafsa, l’envers du décor reuters: Sarkozy to discuss Airbus sales in Tunisia-official JDD: Tunisie: Sarkozy et les droits de l’Homme Xinhua: La Tunisie arbitera le 46ème colloque international francophone sur la médecine nucléaire Youssef Girard: Tan Malakka : nationalisme, marxisme et Islam (2/2)


Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté pour Abdallah Zouari, le journaliste exilé dans son propre pays Association Internationale de Soutien aux Prisonniers politiques 43 Rue Eldjazira, Tunis e-mail : aispptunisie@yahoo.fr Tunis, le 23 février 2008

Procès de 19 jeunes accusés de reconstitution du « Parti de la Libération islamique » !

 

La huitième chambre criminelle du Tribunal de Première Instance de Tunis, présidée par le juge Mohammed Ali Ben Chouikha, a examiné aujourd’hui, mercredi 23 avril 2008, l’affaire 10890 dans laquelle sont déférés Mohammed Smaoui, Mabrouk Boudhafri, Mohammed Ali Biskri, Ali Hajjaji, Mohammed Abbas, Faouzi Chikhi, Fethi Azizi, Mohammed Ben Khmila, Ridha Thabet, Raouf Elamri, Béchir Zitouni, Mehrez Saïdi, Anis Hajjaji, Mohammed Ben Youssef, Mohammed M’hamdi, Mehdi Ben Mehrez, Fayçal Sassi, Youssef Troudi, Mohammed Razgui, accusés de reconstitution d’une association non reconnue, de tenue de réunions non autorisées, de mise à disposition d’un local de réunions non autorisées, de détention de publication de nature à troubler l’ordre public. Maîtres Ahmed Seddik, Samir Ben Amor, Kelthoum Zaoui, Abdelfattah Mourou et Néjib Ben Youssef se sont présentés pour les défendre. Le juge a décidé de trancher sur les demandes de mise en liberté et de fixer la date de la prochaine audience à l’issue des délibérations. […] Pour la commission de suivi des procès Le secrétaire général de l’association Maître Samir Dilou (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)


OLPEC  

Nouvelles attaques policières contre la famille de Taoufik Ben Brik

Tunis le 24 avril 2008

L’OLPEC est scandalisé par les attaques récentes qui ont ciblé la famille du journaliste et écrivain Taoufik Ben Brik. En effet, le matin du 23 avril courant, la voiture de Azza Zarrad, la femme de Taoufik Ben Brik a été saccagée en plein jour dans un quartier très fréquenté de Bab Jedid, alors qu’elle était garée devant un café. Rien n’a été pris de la voiture, mais les pare-brises et les rétroviseurs ont été cassés et la tôle endommagée. Azza Zarrad a déposé une plainte accusant la police politique d’être derrière cet acte qu’elle a qualifié de représailles contre son refus de collaborer. Mais la police a refusé de prendre sa déposition telle qu’elle l’avait formulée. Deux jours auparavant, les proches de Azza Zarrad, qui était en instance de divorce, ont reçu un appel d’un haut responsable des services de sécurité, incitant Azza à ne pas revenir sur sa décision de divorce et qu’elle sera soutenue par la police et qu’ils allaient faire payer Taoufik Ben Brik. Elle avait alors réagi en rejetant tout forme « d’aide » de leur part affirmant qu’elle n’a jamais été une collaboratrice de la police et qu’elle refusait de se laisser manipuler, d’autant qu’il s’agit d’une affaire privée. Par ailleurs, Taoufik Ben Brik a déclaré à l’OLPEC avoir reçu, une dizaine de jours auparavant, des menaces directes de la part d’un autre haut responsable de la police, lui signifiant que « s’il ne se tenait pas à carreau pour l’échéance électorale de 2009, on allait s’occuper de ses enfants  et de sa femme, comme on s’était occupés de ses frères ». Rappelons que les quatre frères de Taoufik Ben Brik ont fait l’objet de poursuites judiciaires et que 2 d’entre eux ont été condamnés injustement à la prison ferme durant ces quatre dernières années. L’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création –         Condamne avec la plus grande vigueur ces actes de représailles contre la famille de Taoufik Ben Brik et l’assure de son entière solidarité. –         Dénonce les menaces proférées par les services de sécurité contre les défenseurs et leurs familles. –         Considère que ce genre d’ingérence dans la vie privée des défenseurs de la part de la police politique relève de la dégénérescence politique qui commence à toucher l’administration tunisienne. Pour l’OLPEC La secrétaire générale Sihem Bensedrine


Reporters sans frontières Communiqué de pressse 24 Avril 2008 Tunisie

La voiture de l’épouse de Taoufik Ben Brik vandalisée

Le 23 avril 2008, la voiture de la femme du journaliste indépendant Taoufik Ben Brik, Azza Ben Brik, a été vandalisée par des policiers en civil. Une semaine plus tôt, le 16 avril, le journaliste avait été approché par deux hommes qui avaient menacé de s’en prendre à sa famille. « Taoufik Ben Brik est harcelé par les autorités tunisiennes depuis de nombreuses années déjà. La situation semblait s’être quelque peu apaisée mais, à moins d’un an de l’élection présidentielle, les pressions sur les journalistes reprennent de plus belle. Encore une fois, le pouvoir tunisien doit se montrer plus  tolérant envers la critique. La liberté de la  presse n’est toujours pas une réalité en Tunisie », a déclaré Reporters sans frontières. « A quelques jours de sa visite en Tunisie, nous avons écrit au président français Nicolas  Sarkozy pour lui demander d’évoquer la question de la liberté d’expression avec ses interlocuteurs et notamment le chef de l’Etat, Zine el-Abidine Ben Ali », a ajouté l’organisation. Selon la femme du journaliste, contactée par Reporters sans frontières, la vitre arrière et les rétroviseurs de son véhicule ont été brisés. Elle a porté plainte contre X. Elle a ajouté que des membres de sa famille ont été contactés pour la convaincre de divorcer de son mari. ”Aujourd’hui on s’en prend à ma voiture, j’ai peur que demain, on s’en prennne à ma famille. Jusqu’où iront-ils ?”, a dit Azza Ben Brik. Le 16 avril, Taoufik Ben Brik avait été approché par des policiers en civil qui lui avaient demandé d’arrêter de critiquer le régime. Il a déclaré à Reporters sans frontières que les agents avaient menacé de “s’occuper de sa famille”, s’il ne laissait pas passer l’échéance présidentielle de 2009. Taoufik Ben Brik a été correspondant du quotidien français La Croix et des agences de presse InfoSud et Syfia. Il publie régulièrement des articles dans le journal en ligne Kalima, interdit en Tunisie, ainsi que dans Libération et Courrier International.  


 

Reporters Without Borders Press Release 24 April 2008 Tunisia  

Threats against journalist’s family, then wife’s car vandalised

 

The car of freelance journalist Taoufik Ben Brik’s wife was vandalised in Tunis yesterday, a week after two plain-clothes policemen went up to him and threatened to target his family. “The Tunisian authorities have been harassing Ben Brik for years,” Reporters Without Borders said. “For a while they seemed to have let up. But now, with less than a year to go to a presidential election, the harassment of journalists has resumed. The government still has not learned to tolerate criticism. Press freedom still is not a reality in Tunisia.” The press freedom organisation wrote to French President Nicolas Sarkozy last week asking him to raise the issue of free expression with President Zine el-Abidine Ben Ali and the other officials he meets during the visit he is due to make to Tunis from 28 to 30 April. Ben Brik’s wife, Azza, told Reporters Without Borders that she filed a complaint against persons unknown after the rear window and side-mirrors of her car were broken yesterday. She also reported that members of her family have been contacted and told that they should convince her to divorce her husband. “Today they have targeted my car but I am afraid that tomorrow they will target my family,” she said. “How far will they go?” Ben Brik told Reporters Without Borders that on 16 April he was approached by two plain-clothes policemen who told him to stop criticising the government and warned him that they could “take care” of his family if he did stay quiet until after next year’s presidential election. Ben Brik used to be the Tunis correspondent of the French daily La Croix and the news agencies Infosud and Syfia. Nowadays he writes for Kalima, an online newspaper to which access is blocked within Tunisia, and the Paris-based newspapers Libération and Courrier International.

 

 


Sauvez la vie du prisonnier politique et ingénieur Ridha Boukadi Liberté pour Slim Boukhdhir, la plume libre Liberté et Equité Organisation de droits de l’homme indépendante 33 rue Mokhtar Atya, 1001 Tunis Tel/fax: 71 340 860 Email : Liberte_équite@yahoo.fr

 

Communiqué  

Tunis, le 23 avril 2008 […] Le siège de l’association Liberté et Equité est toujours encerclé par la police politique depuis dimanche 20 avril 2008 […] la police politique suit dans leurs déplacements les membres du bureau exécutif de l’organisation […] à partir de six heures du matin tous les jours, les victimes d’atteintes aux droits de l’homme et les familles de prisonniers sont interdits d’accès au local de l’organisation, y compris des clients de maître Mohammed Nouri et de ses confrères travaillant dans ce même cabinet; […] Dimanche 20 avril, la police politique a procédé à l’arrestation à Nabeul de messieurs Mohammed Rahmani, originaire de la ville de Ben Gardane et détenteur de la carte nationale d’identité n°09124313, de Mohammed Smari, originaire de la ville de Kairouan et détenteur de la carte nationale d’identité n°07685749, d’Ahmed Krimi, originaire de Mannouba et détenteur de la carte nationale d’identité n°07391130. Il s’agit d’étudiants inscrits en deuxième année à l’école préparatoire aux études supérieures de Nabeul. Ils ont été conduits dans un lieu inconnu et n’ont pas été libérés jusqu’à aujourd’hui. […] Mardi 22 avril 2008, huit agents de la police politique ont investi le domicile de monsieur Tahar Herzi, sis 18 rue de la Méditerranée à l’Ariana et l’ont perquisitionné minutieusement au moyen d’antennes. La perquisition a visé les murs de la maison, les terrasses et le sol. Tahar Herzi est le père de deux ex prisonniers politiques, Ali et Ibrahim Herzi, qui ont été emprisonnés en vertu de la loi antiterroriste, inconstitutionnelle et la chambre criminelle avait prononcé contre eux un jugement les condamnant à l’emprisonnement pour plus de deux ans. Ils ont été libérés après avoir effectué leur peine dans sa totalité. […] Un groupe d’agents de la police politique ont investi le domicile de Monsieur Lassaad Mermech à l’Ariana-supérieur et l’ont perquisitionné minutieusement au moyen d’instruments d’analyse sophistiqués, y compris les murs, la terrasse et le sol. L’épouse de Lassaad Mermech a été saisie d’une intense frayeur alors qu’elle est enceinte de trois mois […]. Monsieur Lassaad Mermech a été emprisonné juste après son mariage, il était accusé de s’être allié par son mariage à la famille de Salem Beziouche, le père du prisonnier d’opinion Maher Beziouche et du martyr Marouane Beziouche. […] Mardi 22 avril, la police politique de la ville de Menzel Jmil dans le gouvernorat de Bizerte a procédé à l’arrestation du jeune Makram Kamel, propriétaire d’une boutique d’internet et a saisi son ordinateur. Mercredi matin, le 23 avril, deux autres jeunes gens de Menzel Jmil ont été arrêtés : il s’agit de Ahmed Chehimi (menuisier) et d’Aymen Belgacem (ouvrier journalier). Aux questions portant sur ce qu’il était advenu d’eux, que ce soit au poste de police de Menzel Jmil ou au district de la Sûreté de Bizerte, la réponse était comme à l’accoutumée : « Ils ne sont pas chez nous, cherchez ailleurs » […] La huitième chambre criminelle du TPI de Tunis, présidée par le juge Mohammed Ali Ben Chouikha, a examiné l’affaire n°10890 dans laquelle sont déférés un groupe de jeunes accusés d’appartenance au parti de la Libération Islamique. Le juge a décidé de lever la séance pour le délibéré et le prononcé le jugement Pour le bureau exécutif de l’Organisation Maître Mohammed Nouri (traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)


Tunis confirme son refus d’une mission de la FIDH accusée de « partis pris »

  AFP, mercredi 23 avril 2008 TUNIS – Les autorités tunisiennes ont confirmé mercredi l’interdiction d’une mission de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), estimant que l’organisation faisait preuve de « partis pris systématiques » contre la Tunisie.   « L’attitude de la FIDH est marquée par ses partis pris systématiques contre la Tunisie, sa sélection arbitraire et orientée des membres de la société civile avec lesquels elle collabore, ainsi que des thèmes qu’elle juge subjectivement utiles à aborder », a-t-on indiqué de source officielle à Tunis.   Tunis reproche aussi à la FIDH « ses attaques injustifiées contre le pays et le refus de prendre en considération les points de vue des autorités » et juge « inacceptable qu’une ONG comme la FIDH s’arroge unilatéralement le droit de fixer la date et l’objet de son déplacement en Tunisie ».   La FIDH avait dénoncé mardi l’interdiction « pour la deuxième fois en six mois » d’une mission que l’organisation entendait mener en Tunisie en vue des élections présidentielles de 2009.   Cette mission, emmenée par la vice-présidente de l’organisation Amina Bouayach et le président d’honneur de la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) Michel Tubiana, comptait se rendre à Tunis le 20 avril « afin d’y rencontrer les autorités tunisiennes dans le cadre d’échanges sur la préparation des échéances électorales de l’année 2009 ».   « Le ministère tunisien de l’Intérieur a informé la FIDH en date du 16 avril que la +mission de la FIDH était indésirable+ et que ses chargés de mission seraient refoulés à leur arrivée à l’aéroport de Tunis », avait déploré l’organisation dans un communiqué.   Les autorités tunisiennes ont en outre évoqué leur « coopération avec de nombreuses ONG internationales des droits humains », sans les identifier, affirmant que leurs délégués « visitent le pays, y mènent leurs activités et entreprennent leurs contacts en toute liberté et en toute indépendance ». La FIDH entretient une étroite collaboration avec la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, paralysée par une crise politico-judiciaire et interdite de tenir son congrès initialement prévu en septembre 2005.


 

Maghreb

L’économie tunisienne, miracle ou mirage ?

 

Autant la Tunisie a une image négative en matière de droits de l’homme, autant elle a bonne réputation dans le domaine économique. Le  » pays du Jasmin  » – où Nicolas Sarkozy se rend en visite officielle du 28 au 30 avril – est le bon élève des institutions multilatérales et de l’Occident : il honore ses dettes, est stable et rassure. Sans disposer des fabuleuses réserves en hydrocarbures de ses voisins, la Tunisie est un peu le modèle du Bassin méditerranéen. Un pays propre, doté d’infrastructures, éduqué, où les droits des femmes sont les plus avancés du monde arabo-musulman. La Tunisie est l’une des destinations favorites des Français. Ils sont chaque année 1 350 000 à aller y passer leurs vacances, pour peu cher, en toute sécurité. Pas de bidonvilles (tout juste quelques  » gourbivilles  » dus à l’exode rural), pas de misère criante.

Faute de pouvoir commercer avec ses voisins (l’Union du Maghreb arabe ne réussit pas à décoller), la Tunisie s’est tournée vers l’Union européenne, notamment dans le cadre de l’accord d’association qui a abouti, en janvier 2008, au libre-échange des biens industriels.  » Nous avons la culture de l’export dans nos gènes depuis la Carthage phénicienne « , rappellent les Tunisiens en souriant. Les deux principaux moteurs de l’économie sont les exportations et la consommation des ménages. Les premières sont stimulées par les investissements étrangers dans le cadre du régime dit  » offshore  » pour les produits de la sous-traitance (les intrants et les exportations sont libres de droits et taxes). Ce secteur fournit des emplois à bas prix. La consommation est encouragée par les crédits, dont l’encours a doublé depuis 2004, avec pour conséquence un lourd endettement des ménages.  

HAUSSE DES PRIX

La classe moyenne tunisienne est souvent considérée comme le facteur-clé de la croissance. Pourtant, les détracteurs du président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, assurent depuis des années que  » la classe moyenne s’érode « .  » Faux « , répond le ministre du développement et de l’investissement extérieur, Mohamed Nouiri Jouini, pour qui, au contraire, elle ne cesse de croître et englobe aujourd’hui 80 % de la population active.

Si l’on entend par  » classe moyenne  » ceux qui possèdent leur logement, ils sont effectivement plus de 80 % à en faire partie. Si l’on prend en compte les revenus et le pouvoir d’achat, il y a un doute.  » La classe moyenne s’amenuise, mais de façon imperceptible. Cela n’apparaît pas clairement pour deux raisons : les Tunisiens ont de plus en plus tendance à multiplier les petits emplois, quitte à avoir des journées de forçat, et ils vivent à crédit « , souligne Hacine Dimassi, professeur d’économie à l’université de Sousse. Pour lui, la classe moyenne est  » laminée «  non par l’impôt direct, mais par l’impôt sur la consommation.  » On grignote les gens petit à petit. Ils sentent bien que leur pouvoir d’achat diminue, mais c’est flou « , note-t-il. Exemples : l’eau, le téléphone ou l’électricité, sur lesquels la TVA est de 16 % ; l’alimentation, qui a fait un bond de 10 % en un an. Ou encore l’essence, augmentée à la pompe à huit reprises en deux ans, soit de 40 %.

Pourtant, la Tunisie est un pays producteur d’or noir. L’exploitation de ses petits bassins pétroliers a longtemps été jugée trop coûteuse, mais la situation a changé avec la hausse vertigineuse du cours du baril et les recettes à l’exportation augmentent nettement depuis 2006. Dans l’immédiat, la Tunisie continue d’exporter tout son brut (qu’elle n’a pas la capacité de raffiner) et d’importer la totalité de sa consommation. Aussi la facture pétrolière reste-t-elle l’obsession des autorités.  

 » DIPLÔMÉS CHÔMEURS  »

L’autre plaie de la Tunisie, c’est la question des  » diplômés chômeurs « . S’ils sont dépourvus de relations, ces jeunes sortis de l’Université tunisienne se voient offrir, dans le meilleur des cas, un emploi dans les hôtels à touristes ou de standardiste dans les centres d’appels. Officiellement, le pourcentage de diplômés chômeurs est de 17 %. Il serait en fait beaucoup plus élevé.

Bien plus que les libertés bafouées, le chômage des jeunes exaspère la population, provoque rancoeurs et envies d’exil. A cela s’ajoute la médiocre qualité de l’enseignement dispensé dans le secondaire et le supérieur.  » Nous avons gagné le pari de la quantité : 75 % des jeunes Tunisiens obtiennent aujourd’hui le bac. Il nous faut maintenant gagner celui de la qualité « , admet le ministre du développement. Une réforme destinée à réhabiliter la formation et l’enseignement professionnels a été engagée en 2007. Pour l’heure, la frustration est grande. Nombreux sont ceux qui se sentent écartés du  » miracle  » économique tunisien, dans lequel ils ne voient qu’un  » mirage « . La réussite fulgurante des proches du président Ben Ali et de son épouse attise ressentiments et rumeurs. Pour les Tunisiens, il y a d’un côté une poignée de très riches qui bénéficient de la mondialisation et surtout du  » système  » Ben Ali, basé sur le clientélisme, comme l’a décrit l’universitaire Béatrice Hibou dans son livre La Force de l’obéissance (La Découverte, 2008). Et de l’autre côté, une masse de presque pauvres, condamnés aux bas salaires et à la  » débrouille « . En réalité, le vrai problème en Tunisie n’est pas tant la création de richesse que la bonne répartition de cette richesse.

 

Florence Beaugé (Tunis, envoyée spéciale)

 

(Source: Le journal « Le Monde » (Quotidien – France) le 25 avril 2008)


 

Gafsa, l’envers du décor

 

DE TOUT TEMPS, la région de Gafsa (120 000 habitants) a été considérée comme frondeuse. C’est là que sont nés les principaux syndicalistes de l’histoire de la Tunisie. Là aussi qu’ont démarré les grands mouvements sociaux, notamment les émeutes du pain, en 1984. Trois ans plus tôt, les membres d’un commando venu de l’étranger avaient même tenté de mettre fin au régime Bourguiba, avant de finir au bout d’une corde.

Le 7 janvier 2008, des troubles ont brusquement éclaté, à 20, 30 et 70 kilomètres de Gafsa, dans les quatre bassins miniers de phosphates qui ont fait la richesse et la réputation de la région pendant un siècle. Au total, quelque 170 000 personnes vivent sur ces bassins miniers à ciel ouvert. Ce 7 janvier devait être un grand jour. La Compagnie des phosphates de Gafsa, le principal employeur, voire le seul, va afficher les noms des nouveaux recrutés. C’est la première fois depuis des années qu’elle embauche. La mécanisation des mines, engagée il y a trente ans, a fait chuter de façon drastique le nombre des employés : ils ne sont plus que 5 000, contre 14 000 autrefois. Un concours a été organisé pour remplacer des départs à la retraite. Plus de 1 000 candidats se sont présentés pour les 81 postes proposés.

Sitôt la liste affichée, c’est la révolte.  » Nous avons eu confirmation des rumeurs qui circulaient. Les embauches étaient affaire de corruption et de népotisme « , raconte Hajji Adnane, porte-parole du mouvement de Redeyef, l’un des quatre bassins miniers. Un groupe de  » diplômés chômeurs  » commence une grève de la faim, tandis que les mineurs se mettent en grève. Le mouvement est pacifique, mais il s’étend et, surtout, il dure. Les familles des grévistes, en particulier les femmes, défilent dans les rues. Dans un premier temps, les autorités laissent pourrir.

Le 7 avril, la situation dégénère. Une trentaine de syndicalistes sont interpellés à leur domicile et envoyés en prison. La police encercle les mines. Au niveau national et régional, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) désavoue les grévistes. A la mi-avril, les autorités lâchent du lest. Les syndicalistes sont libérés. D’autres embauches (en plus de la liste contestée) sont annoncées. Aujourd’hui, l’heure semble à l’apaisement.

Restent tous les problèmes de fond, dont Gafsa, ville déshéritée de l’intérieur, est une bonne illustration : chômage chronique (deux fois supérieur à la moyenne nationale), pollution élevée, maladies… Si  » miracle  » économique il y a en Tunisie, il bénéficie surtout aux zones côtières. Pas ou peu aux autres régions que les Tunisiens fuient à une vitesse accélérée pour aller s’entasser aux abords des grandes villes du littoral, telles que Sousse, avec tous les problèmes qu’une telle migration engendre.

 

Fl. B.

(Source: Le journal « Le Monde » (Quotidien – France) le 25 avril 2008)

 


Les entreprises françaises, premier employeur étranger

La France reste le premier client de la Tunisie et son premier fournisseur, malgré l’effritement de sa part de marché. Et la Tunisie est le 23e partenaire de la France, devant le Maroc et l’Algérie.

 

En 2007, la valeur globale des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint un niveau record de près de 7 milliards d’euros (+ 14 % par rapport à 2006), au bénéfice de la Tunisie, pour la troisième année consécutive. La France a acheté à la Tunisie pour 3,8 milliards d’euros, mais n’a vendu que pour 3,2 milliards d’euros. La France se classe à la quatrième place des pays investisseurs en Tunisie (après la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Italie, qui investissent principalement dans le secteur énergétique). On compte deux fois plus d’entreprises françaises en Tunisie qu’au Maroc, et trois fois plus qu’en Algérie. Au total, la France a permis la création de plus de 100 000 emplois directs, ce qui la place au premier rang des employeurs étrangers en Tunisie, selon la Mission économique française à Tunis.

 

(Source: Le journal « Le Monde » (Quotidien – France) le 25 avril 2008)


Sarkozy to discuss Airbus sales in Tunisia-official

 

PARIS, April 23 (Reuters) – French President Nicolas Sarkozy will discuss the possible sale of Airbus (EAD.PA: Quote, Profile, Research) planes to Tunis Air when he meets his Tunisian counterpart on a visit to the North African state, a French official said on Wednesday. Sarkozy is due to travel to Tunisia on Monday for a 3-day visit during which he will meet Tunisian President Zine al-Abidine Ben Ali. Talks were underway on the sale of planes, the official in Sarkozy’s office said, without giving details on the number of aircraft or the value of the potential deal. « The subject will be brought up during the meeting between the two heads of state, » the official said. The two countries should sign a framework agreement on civilian nuclear energy cooperation that could eventually lead to France selling Tunisia a power station, the official said. The nuclear agreement, which provides for the training of engineers and the creation of laboratories, is similar to accords reached recently with Algeria, Morocco and Libya. Talks were also underway on French heavy engineering firm Alstom (ALSO.PA: Quote, Profile, Research) providing equipment for a non-nuclear power station, the official said. It was possible that the plane and equipment deals would be signed during Sarkozy’s visit « if everything can be finalised by Monday night, » the official added. (Reporting by Emmanuel Jarry; writing by Francois Murphy, editing by Richard Chang) reuters Apr 23, 2008


Tunisie: Sarkozy et les droits de l’Homme

 

International 24/04/2008 – 17:04 A trois jours de sa visite d’Etat en Tunisie, Nicolas Sarkozy est attendu de pied ferme sur la question des droits de l’Homme. Le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, dans un communiqué, lui demande en tout cas de ne pas rester muet sur le sujet face à son homologue Zinedine Ben Ali. « Nicolas Sarkozy ne peut ignorer les violations récurrentes des droits humains et les atteintes graves aux libertés fondamentales perpétrées depuis des longues années en Tunisie », explique le texte. Plus précisément, « le REMDH demande au président français d’aborder clairement avec Zinedine Ben Ali la politique de harcèlement et de marginalisation exercée à l’encontre de tous les opposants qu’ils soient juges, avocats, syndicalistes ou journalistes, ainsi que le cas de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), devenue depuis des années une des cibles privilégiées du pouvoir politique tunisien ».

 

(Source: le journal du dimanche le 24 avril 2008)


Elysée: Accord sur le nucléaire avec la Tunisie

 

Politique 23/04/2008 – 21:27

La France et la Tunisie devraient parapher un accord cadre de partenariat dans le domaine du nucléaire civil, à l’occasion de la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy, de lundi à mercredi prochains. Il sera similaire à ceux déjà signés avec la Libye, le Maroc ou l’Algérie, précise-t-on à l’Elysée, et pourrait déboucher à terme sur la livraison d’une centrale nucléaire. Par ailleurs, des discussions sont en cours sur la vente d’appareils Airbus à la compagnie Tunis Air. Le président de la République devrait évoquer ce sujet avec son homologue Zine el Abbidine ben Ali. Un contrat pourrait également être signé par Alstom.

 

(Source: le journal du dimanche le 23 avril 2008)


 

La Tunisie arbitera le 46ème colloque international francophone sur la médecine nucléaire

   

     TUNIS, 23 avril (Xinhua) — La Tunisie abritera, du 27 au 2 mai prochain, le 46ème colloque international francophone sur la  médecine nucléaire, a-t-on appris mercredi.       Les travaux de ce colloque se dérouleront dans la ville de  Hammamet avec la participation de plus de 400 médecins qui vont  jeter la lumière sur les dernières évolutions de la médecine  nucléaire, sur les plus récentes technologies utilisées par cette  discipline et sur les expertises développées en la matière en  Europe, au Maghreb et en Afrique.       Les communications qui seront données traiteront de  technologies de pointe (Tomographie par émission de positrons) et  de questions majeures : l’avenir de l’oncologie (imagerie) passera t-il par la médecine nucléaire ? La radioimmunothérapie en  clinique, la prise en charge des cancers papillaires et  vésiculaires de la thyroïde, l’évolution du protocole de  traitement et les dernières recommandations des sociétés  scientifiques concernant la prise en charge du cancer.       La médecine nucléaire est une discipline médicale qui consiste  à administrer aux patients des préparations faiblement  radioactives favorisant soit un diagnostic soit un traitement  d’une lésion ou d’une tumeur.       Le mérite de cette spécialité, qui recoupe avec d’autres  technologies d’imagerie médicale (Scanner, IRM), réside dans son  degré d’efficacité.       Elle permet, d’abord, de détecter excroissance et altérations  diverses du tissu et d’agir, ensuite, sur les lésions et tumeurs  ciblées en épargnant le tissu sain environnant ainsi que les  organes adjacents.  l’Agence de Presse  chinoise Xinhua le 24/04/2008


 

Tan Malakka : nationalisme, marxisme et Islam (2/2)

Par Youssef Girard jeudi 24 avril 2008

Inspiré par les idées de « fraternité islamique » développées par Djamal ed-Din al-Afghani, Tan Malakka voyait dans le pan-islamisme une volonté de renaissance civilisationelle et de libération des peuples musulmans victimes de l’impérialisme occidental.

Au quatrième congrès l’Internationale Communiste en 1922 à Moscou, Tan Malakka affirma : « aujourd’hui, le pan-islamisme signifie la lutte de libération nationale, parce que pour les musulmans l’Islam c’est tout : non seulement la religion, mais aussi l’Etat, l’économie, la nourriture et tout le reste. C’est ainsi que le pan-islamisme signifie maintenant la fraternité de tous les peuples musulmans et la libération nationale non seulement des Arabes mais aussi des Indiens, des Javanais et de tous les peuples musulmans opprimés.

Cette fraternité implique non seulement la lutte pratique contre l’impérialisme hollandais mais aussi contre le capitalisme anglais, français et italien et donc contre le capitalisme mondial tout entier. Et c’est pourquoi aujourd’hui, en Indonésie, parmi les peuples coloniaux opprimés, le pan-islamisme représente la lutte de libération contre les différentes puissances impérialistes du monde. C’est une tâche nouvelle pour nous. Juste autant que nous voulons soutenir la lutte nationale, nous voulons aussi soutenir la lutte de libération des très combatifs, très actifs 250 millions de Musulmans vivant sous la domination des puissances impérialistes »[1].

A la même époque, le Parti Communiste d’Indonésie préparait une insurrection pour prendre le pouvoir dans le pays. Tan Malakka était opposé à cette insurrection, estimant que le Parti n’était pas prêt pour mener une révolution et libérer le l’Indonésie. Cependant des éléments du PKI à Java Ouest et Sumatra Ouest déclenchèrent une insurrection armée, qui fut brutalement réprimée par les autorités coloniales hollandaises. Le Parti Communiste d’Indonésie fut interdit et plusieurs de ses dirigeants exécutés.

Prenant ainsi ses distances vis-à-vis du Komintern et du PKI, Tan Malakka, en 1926, se rendit à Bangkok, où il fonda le Partai Republik Indonesia (PARI). Pour Tan Malakka, en Indonésie la lutte de libération nationale primait et les marxistes devaient faire passer cela avant toutes autres considérations.

Alors que Staline voulait promouvoir une politique dite de « classe contre classe », c’est-à-dire que les partis communistes devaient refuser toute alliance et mener leur lutte seuls contre tous, Tan Malakka était favorable à la constitution de front anti-colonialiste comme il avait déjà tenté de le faire lors de sa collaboration avec le Sarekat Islam. De fait, à la fin des années 1920, le PARI de Tan Malakka, était le seul Parti prônant l’indépendance de l’Indonésie.

Revenu à Manille, il fut arrêté par la police coloniale américaine à la demande des autorités hollandaises. L’ « affaire » Tan Malakka devint un point de ralliement pour les nationalistes philippins. Il fut finalement extradé et se réfugia en Chine. A Shanghai, il reprit sa coopération avec le Komintern en 1931. Au moment où les troupes japonaises envahirent la ville en 1932, il s’enfuit à Hong Kong.

Là, il fut aussitôt arrêté par les autorités britanniques qui l’expulsèrent. Tan Malakka du se réfugier de nouveau en Chine, mais dut une nouvelle fois fuir l’avancée japonaise en 1937. Il partit pour Singapour. Durant la seconde guerre mondiale, lorsque les Japonais occupèrent la Malaisie et l’Indonésie, en 1942, Tan Malaka décida de rentrer dans son pays, après un exil de près de vingt ans.

Durant l’occupation japonaise, Tan Malakka travailla comme employé administratif dans une mine de Java Ouest. En 1945, lorsque Ahmed Soekarno et Mohammed Hatta proclamèrent l’indépendance de la République d’Indonésie, Tan Malaka estimait qu’ils étaient trop conciliants envers les colonialistes hollandais, qui cherchaient uniquement à récupérer leur ancienne possession.

En effet, fin 1945, les hollandais débarquèrent en Indonésie cherchant à reprendre pied dans l’archipel. En 1946 Tan Malaka fonda le Persatuan Perjuangan, « Front de lutte », qui n’inclut pas le Parti Communiste d’Indonésie. Tan Malaka affirmait que le gouvernement indonésien ne devait pas négocier avec les colonisateurs hollandais avant le retrait total de leurs troupes d’Indonésie.

Du fait de son action nationaliste révolutionnaire, Tan Malakka fut emprisonné en mars 1946, avec les dirigeants du Persatuan Perjuangan, par décret de la délégation néerlandaise en Indonésie, exécuté par le gouvernement de la République indonésienne d’Ahmed Soekarno.

Selon Tan Malakka, l’arrestation des dirigeants du Front traduisait « le désir du gouvernement de la République de transformer la lutte des masses prolétariennes en une action purement diplomatique ; de remplacer la diplomatie du « bamba runtjing » (lance à pointe de bambou aiguisée) par une diplomatie basée sur des négociations, de remplacer le mot d’ordre « négocier sur la base de la reconnaissance complète » par celui de « la paix par le sacrifice de la souveraineté, de l’indépendance, des ressources économiques et de la population » »[2].

Pour Tan Malakka, « les mesures qui visaient à rendre tous les biens de l’ennemi au peuple indonésien qui y avait droit, furent remplacées par une politique visant à restituer toutes leurs possessions aux étrangers, y compris aux sujets ennemis ; la construction d’une économie indépendante destinée à assurer la prospérité de tout le peuple indonésien (ce qui est conforme aux intérêts de tous les autres peuples) fut abandonné et on se dirigea vers une collaboration avec les capitalistes et impérialistes néerlandais qui, depuis 350 ans, opprimaient et exploitaient le peuple indonésien »[3].

Le Persatuan Perjuangan avait des soutiens y compris au sein de l’armée républicaine indonésienne et auprès de son commandant, le général Sudirman. Le Front réussit à pousser le premier ministre Sultan Sjahrir, qui prônait la négociation avec les autorités hollandaises, à démissionner pour quelques mois.

Convaincu que les accords de Linggarjati en 1947 et du « Renville » en 1948, avec les autorités hollandaises, étaient un échec pour la jeune République d’Indonésie, Tan Malakka fonda, à sa sortie de prison en septembre 1948, le Partai Murba, « parti de masses », à Yogyakarta dans le centre de Java.

A ce moment, acculé par la menace d’une défaite certaine, les autorités hollandaises accordèrent l’indépendance aux Etats-Unis d’Indonésie et commencèrent à évacuer leurs troupes. En échange, le gouvernement indonésien reconnut le droit de propriété des impérialistes sur toutes leurs anciennes possessions, et s’associa aux Pays-Bas dans une « Union Néerlandaise » sous la couronne de la maison d’Orange-Nassau.

Contre les compromissions du gouvernement indonésien avec l’ancienne puissance coloniale hollandaise, Tan Malakka décida de passer des « armes de la critique » à la « critique des armes ». Poursuivi par les troupes républicaines, Tan Malakka disparu en 1949 dans la jungle près de Kediri à l’est de Java.

Derrière les barreaux, en mai 1948, Tan Malakka rédigea une brochure intitulée « Le partisan et sa lutte militaire, politique et économique ». Cette brochure avait été écrite pour la formation des partisans luttant dès 1947 contre les forces de l’armée néerlandaise en Indonésie.

Elle exposait les conceptions de l’auteur sur la guerre de partisans. Pour Tan Malakka, la conduite des opérations militaires, l’orientation politique à suivre, les discussions diplomatiques à engager, les mesures économiques à exécuter, constituaient un tout cohérent tendu vers un seul et même but : la conquête de l’indépendance totale de l’Indonésie et l’émancipation sociale des masses indonésiennes.

Dans son introduction il dressait un sombre constat de la situation de la révolution indonésienne en 1948 : « Nous sommes acculés à l’abîme. Nos possibilités sur les plans politique, économique, financier et militaire sont réduites à l’extrême. Voilà le résultat de deux ans de négociations. L’unité du peuple dans la lutte contre le capitalisme et l’impérialisme est brisée. Une grande partie du territoire indonésien est isolée, soumise à l’autorité de l’ennemi, dominée de nouveau par les Pays-Bas. Plusieurs Etats fantoches ont été créés et dressés les uns contre les autres.

L’économie et les finances des territoires encore administrés par la République se trouvent dans le plus grand désordre. La politique de « reconstruction et rationalisation » de l’armée menace de transformer celle-ci en une armée coloniale, c’est-à-dire une armée constituée avec l’argent des masses mais séparée de celles-ci et destinée à les maintenir dans un état de sujétion »[4].

Face à cette situation, Tan Malakka, influencé par l’expérience de la révolution chinoise et les écrits de Mao Zedong, proposait de mener une guerre de guérilla : « J’estime qu’une des mesures qui peuvent le plus contribuer à sauver le pays, c’est la formation sur terre et sur mer, partout, de guérillas. C’est pour exprimer mes opinions sur ce sujet que, j’ai écrit cette brochure ».

Selon lui, la guerre de guérilla était « l’une des armes les plus importantes de la lutte des peuples opprimés et mal équipés contre un ennemi disposant d’un armement moderne ». Cette guerre de guérilla devait s’appuyer sur les partisans qui étaient les indonésiens revendiquant une indépendance complète et prête à « détruire toutes les forces qui s’opposent à cette proclamation et à cette indépendance complète »[5].

Nationalistes révolutionnaires, défendant un marxisme spécifique, Tan Malakka donnait à son combat de libération et de renaissance nationale-culturelle une dimension sociale nécessaire à l’émancipation des masses : « Si le transfert de la souveraineté conduisait à faire occuper tous les postes gouvernementaux par des gens comme le Professeur Hossein Djajadiningrau, le colonel Abdul Kadir et le Sultan Hamid, tandis que la vie économique resterait dominée par les étrangers, la révolution nationale n’aurait pas modifié la situation dans laquelle les masses se trouvaient du temps des « Indes néerlandaises ». En bref, la seule indépendance nationale, la seule indépendance politique n’ont pas de signification pour le prolétariat, les ouvriers, les paysans et toutes les classes non possédantes »[6].

Pour Tan Malakka, l’indépendance politique devait nécessairement s’accompagner d’une indépendance économique qui devait permettre de satisfaire les besoins de l’ensemble du peuple indonésien : « En Indonésie, les Néerlandais ne peuvent pas faire abandon de leurs droits politiques sans mettre en danger en même temps leurs intérêts capitalistes. Le peuple indonésien ne peut assurer sa survivance en limitant son action à l’obtention de droits politiques, sans mettre en cause la domination économique des capitalistes étrangers.

Les questions économiques et politiques sont étroitement liées. La lutte de libération du prolétariat indonésien est une lutte pour l’indépendance politique et économique sans qu’il soit possible de dissocier les objectifs politiques, économiques et sociaux. La lutte de libération indonésienne ne tend pas seulement à l’élimination politique de l’impérialisme mais également à la suppression de l’exploitation économique et à l’obtention dans la nouvelle société du droit à la vie.

La révolution indonésienne n’est pas une simple révolution nationale comme le veulent certains Indonésiens qui ne visent qu’à maintenir ou à améliorer leur situation, tout en étant prêts à céder toutes les sources de richesses à des étrangers, qu’ils soient les alliés ou les ennemis de la nation. La révolution doit associer les mesures économiques et sociales à celles qui visent à réaliser l’indépendance complète.

La révolution ne peut être victorieuse si elle ne dépasse pas les bornes d’une révolution nationale. La lutte de libération du peuple indonésien doit tendre à l’obtention de garanties sociales et économiques »[7].

Cette volonté d’indépendance économique, amenait Tan Malakka à s’opposer aux dirigeants indonésiens qui limitaient leurs revendications au domaine purement politique : « si les laquais des capitalistes étrangers vont à nouveau gouverner, le pays – même si ces laquais sont des Indonésiens – et si 100% des entreprises modernes tombent aux mains des capitalistes comme à l’époque des « Indes néerlandaises », alors la révolution nationale sera la négation de la Proclamation et de l’indépendance nationale, et le début du retour des capitalistes et des impérialistes »[8].

Ainsi, contre l’ancienne puissance coloniale hollandaise et contre certains dirigeants indonésiens, Tan Malakka revendiquait la récupération par le peuple indonésien des biens des colonisateurs : « Le partisan doit donc considérer la défense de l’indépendance complète et la confiscation de tous les biens ennemis comme une occasion unique, tombée du ciel et offerte aux Indonésiens pour qu’ils puissent accomplir une tâche élevée et effectuer un travail sacré. Seuls les gens sans intelligence ne perçoivent pas cette occasion. Seuls des lâches et des malhonnêtes peuvent ne pas désirer accomplir une tâche qui, si elle est lourde, sera cependant fondamentalement utile à la société présente et future »[9].

Par son action et sa réflexion, Tan Malakka représenta une des figures les plus originales de la volonté de créer un marxisme spécifique capable de s’adapter aux réalités nationales-culturelles de son peuple parmi lesquelles l’Islam. Tan Malakka comprit l’importance que pouvait jouer l’Islam en tant que facteur de libération des peuples musulmans dominés par l’impérialisme occidental.

L’importance de l’Islam dans la vie des populations des pays musulmans, obligea nombre de marxistes dans ces pays, à la suite de Tan Malakka, à repenser leurs rapports à l’Islam en tant que religion et civilisation.

Anouar Abdel Malek écrivait à ce propos que les revers d’une partie des marxistes des Trois Continents, amena, bien tardivement, les dirigeants de ces mouvements à penser que l’une « des raisons principales de leur échec tenait à ce qu’ils n’avaient pas su mettre sur pied des partis socialistes révolutionnaires capables d’intégrer le fond national culturel, avec sa dimension religieuse, dans une formulation, un cadres général, un style d’action et une méthodologie qui soient elle du marxisme »[10].

 

 

 

 

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