Les prisonniers       politiques et les condamnations multiples        
Une injustice qui doit cesser
 
       
      (…) Les prisonniers et leurs familles ont attiré l’attention des militants       des droits de l’homme (1) sur le fait que des condamnations multiples leur       avaient été infligées pour des accusations sur la base desquelles ils       avaient été jugés plusieurs fois !! L’affaire paraît difficile à croire,       car lorsque la loi incrimine un acte, elle ne peut en condamner l’auteur       plus d’une fois. Mais une comparaison entre les copies des jugements       suffit à provoquer la stupéfaction et à inviter les militants et nombre       d’avocats à s’arrêter longuement sur la plupart des injustices qui ont       broyé ces prisonniers politiques et leur ont causé des préjudices. La voix       des prisonniers s’est enrouée à force d’exiger la révision des jugements       qui avaient été prononcés contre eux sans pouvoir faire valoir leur droit       à la jonction des affaires, d’autant qu’ils n’étaient pas en mesure       d’étayer leurs assertions puisque l’administration des prisons ne       délivrait pas les numéros des jugements et que le greffe du tribunal à son       tour ne donnait pas copie de ces derniers, le greffe ne délivrant pas de       jugement dans les affaires à caractère politique.
       
      Pour rendre les choses plus claires voici quelques exemples :
      Zouhaïer Ben Hassine a été condamné à deux reprises pour appartenance à       une association non autorisée : dans l’affaire n°24570 le 16/12/1994 à       Sousse et dans l’affaire n°99261 le 31/05/97 à Tunis
      Doniel Ben Mohammed Sadok Zarrouk a été condamné à trois reprises pour       appartenance : dans l’affaire n°72922 le 11/11/1992 et dans l’affaire       n°18980 le 26/01/1994 ainsi que dans l’affaire n°19630 le 23/05/1995..
       
      Même chose pour Farid Ben Ali Rezgui qui a été condamné à deux reprises :       dans l’affaire n°23672 le 10/07/1997 en appel à Tunis et dans l’affaire       n°23303 le 25/11/1996 en appel à Tunis       Frej Jami a lui aussi été condamné pour ce motif à deux reprises par la       Cour d’Appel de Tunis : dans l’affaire n°19102 le 05/05/1994 et dans       l’affaire n°18926 le 30/03/1994
      Toujours pour cette même accusation, Mohammed Bouazza a été condamné dans       deux affaires par la Cour d’Appel de Tunis, dans l’affaire n°23672 le       10/07/1997 et dans l’affaire n°23303 le 25/11/1996
      De même pour le prisonnier Sami Nouri qui a été condamné dans deux       affaires par la Cour d’Appel de Tunis : dans l’affaire n°23672 le       10/07/1997 et dans l’affaire n°23303 le 25/11/1996       Quant à Adel Ben Amor, il a été condamné à deux reprises pour les mêmes       accusations : dans l’affaire 76111 le 30/08/11992 par le tribunal       militaire de Bouchoucha à Tunis et dans l’affaire n°20702 le 13/04/1995       par la Cour d’Appel de Tunis.
      La Cour d’Appel du Kef a condamné Hamadi Labidi pour les mêmes accusations       cinq fois : dans l’affaire n°41553 le 25/03/1992, dans l’affaire n°2296 le       30/03/1992, dans l’affaire n°28339/41168 le 25/03/1992,dans l’affaire       n°28288/41376 le 29/01/1992 et enfin dans l’affaire n°39574/28287 le       29/01/1992.
       
      Et enfin, la Cour d’Appel de Tunis a condamné le prisonnier Sadok Akkari à       deux reprises au moins pour les mêmes accusations : dans l’affaire n°23672       le 10/07/1997 et dans l’affaire n°23303 du 25/11/1996.
       
      Une relecture des jugements prononcés contre les prisonniers politiques (quand       ils ont pu les obtenir) révèle des situations identiques à celles des dix       précitées (…) dont le nombre dépasse les trente, ainsi : Houssine       Ghodhbane, Abdallah Drissa, Ali Ghodhbane, Taoufik Zaïri, Béchir Laouati,       Mondher Béjaoui, Maher Selmane, Mohammed Galoui, Abdelkarim Baalouche,       Nabil Nouri, Choukri Ayari, Ahmed Bouazizi, Maher et Ramzi Khalsi, Aïssa       Amri, Anouar Belhajj, Chedly Mahfoudh, Lotfi Snoussi, Hamadi Ben       Abdelmalek, Adel Ben Amor, Abdelbasset Sli’i et Khaled Drissi.
       
      Signalons que plus de 120 prisonniers politiques ont passé en prison une       période dépassant la durée légale, et ce en vertu de condamnations       multiples pour les mêmes faits avant leur élargissement à diverses       occasions dans le passé. Parmi eux quatre prisonniers qui ont bénéficié de       la « grâce de 2005 » et de la « grâce de février 2006 » : Ali Neffati,       Taoufik Fatnassi, Ahmed Abdelli, et Nacer Bejaoui qui n’ont été intégrés à       la liste des prisonniers libérés qu’après que l’organisation Human Rights       Watch ait soulevé le problème des condamnations multiples.
       
      Quant aux prisonniers Taoufik Chaïeb et Lotfi Amdouni qui ont mené des       grèves de la faim en prison, respectivement de 52 jours et de plus de 67       jours (dont 15 jours de coma), ils n’ont été libérés qu’après avoir été       exténués par leurs grèves et suite à une intervention de l’organisation       Human Rights Watch, de la Croix Rouge Internationale, de l’AISPP et       d’Amnesty International, qui ont adopté leur cas, car ces prisonniers       n’avaient d’autre recours que la grève de la faim pour sensibiliser la       société civile tunisienne et faire parvenir leur voix aux organisations       internationales et leur faire connaître l’injustice qui les poursuivait       (2).
       
      Il n’est plus guère utile aujourd’hui de se demander si ces procès       remplissaient les conditions de procès équitables car au regard de ce       qu’ont produit les prisons et de ce qu’elles continuent de produire, la       question est aujourd’hui de savoir comment une justice en arrive à       consumer les prisonniers politiques et à les priver de leurs mères, de       leurs femmes et de leurs enfants sans raison légale ? Qu’est-ce qui pousse       une justice qui s’enorgueillit de son indépendance à refuser la jonction       des affaires (…) ? La mort a rattrapé le prisonnier politique Ridha       Khemiri à la suite d’une grève de la faim qu’il a entamée lorsqu’il s’est       vu refuser la jonction des affaires car il avait été condamné à plusieurs       reprises pour les mêmes faits (3). Paradoxalement et bizarrement, la       justice a prononcé un non-lieu à son endroit après sa mort… Quant au       prisonnier politique Hechmi Mekki, décédé le 15 juillet 2006, soit quatre       mois après sa libération, qui avait été condamné lui aussi à plusieurs       reprises pour les mêmes accusations, il aurait pu remédier à sa maladie       par des soins s’il avait été mis un terme à l’exécution des condamnations       multiples à son endroit : il aurait pu quitter la prison en bonne santé       s’il avait pu bénéficier de la jonction des affaires et être libéré avant       2000 (4).
       
      Mais il est trop tard pour se poser ces questions. Des dizaines de       prisonniers politiques pâtissent jusqu’à aujourd’hui du refus de leur       droit à la jonction des affaires, et on peut craindre que leur destin ne       soit identique à celui de leurs pairs avant eux. Qu’est-ce qui peut bien       inciter à repousser l’examen de leurs plaintes à plus tard, s’il y a       encore de la justice dans la « justice » ?
       
      L’administration des prisons y perdrait-elle en prestige si elle délivrait       aux prisonniers les numéros de leurs affaires ? Qu’est-ce qui empêche les       greffes des tribunaux de remettre aux avocats et aux familles des       prisonniers politiques des copies de leurs jugements afin qu’ils défendent       un droit piétiné, qu’ils corrigent une erreur qui s’est répétée au       détriment d’une catégorie spécifique de prisonniers et qu’ils évitent ce       qui, avec la durée de l’incarcération, deviendra une injustice qui a happé       de longues années des vies de ces Tunisiens. Lorsque le prisonnier est       acculé à faire le choix entre : la libération ou la mort, comme l’a fait       le prisonnier Ridha Khemiri, car il sait qu’une injustice programmée le       vise depuis longtemps,-son procès était en soi en injustice, que les       incriminations qui le visaient relevaient de calculs politiques, que les       condamnations étaient multiples, que ni le prisonnier ni sa famille ni son       avocat n’ont eu les moyens de se défendre pour stopper l’exécution des       condamnations multiples-, lorsque l’injustice atteint ce degré de       complexité, on ne peut éviter que le prisonnier ne soit au bout du rouleau,       et à bout de ressources pour en arriver à croire que la mort par la faim       ou liberté immédiate soient les termes uniques du choix qui s’offre à lui.
       
      A l’instar de la libération du prisonnier politique Lotfi Amdouni après la       délivrance d’une levée d’exécution de la peine par le procureur auprès de       la Cour d’Appel, suite à l’examen de ses condamnations multiples, on peut       dire que ces injustices ne prendront fin qu’avec le respect dû au droit       des prisonniers de voir leurs condamnations révisées et la levée de       l’exécution de leurs peines. (…)
       
 Faouzi Sadkaoui
       
 (1)   L’AISPP a mentionné dans       son communiqué du 28 avril 2006, ce que les familles lui répercutaient à       savoir que nombre de prisonniers politiques étaient alors incarcérés, au       titre de condamnations multiples pour les mêmes faits. L’association a       exhorté les autorités judiciaires, dans ce même communiqué, à réviser les       dossiers d’environ trente prisonniers dont elle a cité les noms, qui sont       à ce jour toujours victimes de cette injustice.
 (2)   L’ex prisonnier politique Taoufik Chaïeb a été       condamné à trois reprises pour la même accusation et par le même juge.       Dans le cas du prisonnier Lotfi Amdouni par exemple, on aurait pu supposer       que les peines qui lui avaient été infligées prendraient fin en 2001, mais       il a supplié les officiels et les organisations pendant quatre années       jusqu’à ce que les organisations interviennent. Suite à quoi,       l’administration l’a convoqué pour qu’il rencontre un représentant du       ministère de la Justice qui lui a confirmé après investigation qu’il       s’avérait qu’il avait effectivement été prononcé contre lui des       condamnations multiples et qu’il aurait dû être libéré depuis belle       lurette.  Notre prisonnier aura ainsi passé en prison un « surplus de       justice » de quatre ans.
 (3)   Ridha Khemiri a rendu le dernier soupir avant       que l’ambulance ne parvienne à l’hôpital de Monastir.
 (4)   Jusqu’en 2000, Hechmi Mekki n’avait pas été       affecté par la maladie qui est devenue par la suite en tumeur maligne, et       lorsqu’il a été libéré en mars 2006, les médecins ne pouvaient plus lui       éradiquer le mal avait fait des métastases sur l’ensemble du corps.
       
 (Source : Nawaat,       reprise d’El Maoukef n°374 du 22 septembre 2006)
       
 (Traduction d’extraits ni revue ni corrigée par l’auteur de la       version en arabe, LT)
 Les Tunisiennes changent leurs habitudes       vestimentaires       
Le pouvoir fait la chasse au voile       islamique
 
       
      C’est devenu une véritable affaire d’Etat que celle relative au port des       vêtements dits « islamiques » en Tunisie. Le président Zine El Abidine Ben       Ali avait stigmatisé mercredi dernier le voile (hidjab) « d’inspiration       sectaire importé de l’extérieur », tout en prônant la « décence et la       pudeur » vestimentaires et soulignant que son pays était soucieux de «       consacrer les valeurs de décence et de pudeur de par son attachement à la       sublime religion islamique ».
       
      Aussi, selon l’AFP, plusieurs ministres et autres hauts dignitaires ont       condamné le port du voile et du qamis (longue tunique de coton) et de la       barbe par les hommes et ont mis la population en garde contre le « danger       » que représentent ces habitudes vestimentaires vecteurs qualifiés d’«       obscurantisme ». Le ministre des Affaires étrangères, Abdelwaheb Abdallah,       avait « mis l’emphase », vendredi, lors d’une réunion du Rassemblement       constitutionnel démocratique (RCD, au pouvoir) à Nabeul (Ouest) sur « le       danger que représente la tenue vestimentaire d’inspiration sectaire,       étrangère à notre pays, notre culture et nos traditions… Le voile est un       slogan politique affiché par un groupuscule qui se dissimule derrière la       religion pour réaliser des desseins politiques… C’est un signe       distinctif d’une frange dure et renfermée sur elle-même ». Le ministre de       l’Intérieur, Rafik Belhaj Kacem, y voit le « symbole d’une appartenance       politique qui se cache derrière la religion, qui en est innocente, et qui       cherche à faire revenir la réalité de la société aux heures très anciennes       ». L’autorisation du port du voile provoquerait, selon M. M’henni,       secrétaire général du RCD, « une véritable régression et une atteinte à       l’un des principaux attributs qui fondent la stabilité de la société, le       progrès du peuple et l’invulnérabilité du pays ». Les autorités insistent       notamment pour qu’une circulaire interdisant le port du voile « dans les       établissements publics, éducatifs et universitaires, ainsi que dans tous       les espaces publics » soit bien appliquée. Cette « circulaire 108 »       interdit le port du voile depuis le début des années 1990, juste après       l’interdiction du parti islamiste Ennahda (Renaissance) dont de nombreux       militants emprisonnés ont bénéficié au printemps dernier d’une amnistie.
       
      K. S.
       
 
IRAK : Recours aux militaires
 
 Samir Sobh (*)                                    Réalisant enfin que les formules de gouvernance qu’il a mis en       place depuis l’occupation de l’Irak ont été toutes vouées à des échecs       cuisants, Washington se tourne aujourd’hui vers l’imposition d’un       gouvernement dirigé par des militaires où les sunnites seront fortement       représentés. Une « ordonnance » prescrite par le tandem Abi Zeid- Zalmay       Khalil Zad.
       
      Plus d’un responsable américain, y compris le secrétaire d’Etat,       Condoleeza Rice- qui vient de visiter Baghdad, la semaine dernière – a dit       explicitement que le gouvernement de Nouri al-Malki n’a pas réussi à       mettre fin aux massacres perpétrés par les Brigades de la mort (Formations       paramilitaires appartenant dans sa majorité à Faylak Badr du Haut Conseil       de la révolution islamique du leader chiite, Abdel Aziz al-Hakim) ; et,       par là, il n’a plus beaucoup de temps pour se rattraper. Sinon, il sera       contraint à partir.
      Les leaders de la coalition chiite au pouvoir, formée de ce cette       formation, en plus du Parti al-Dâawa dont est issu al-Malki, soutenu par       le jeune enturbané, Saïd Moktada al-Sadr, ont compris parfaitement le sens       du message de Mme Rice. De ce fait, ils n’ont pas tardé à agir en       conséquence. La réaction la plus significative vis-à-vis de l’éventuel       changement qui pourrait intervenir de l’administration Bush est venu       d’Ayatollah Banchir al-Najafi, un des quatre marjâaïates chiites d’Irak.       Ce dernier a tiré la sonnette d’alarme à l’égard de la position des       Etats-Unis qui s’éloigne de la neutralité. Ce qui pourra déclencher une       détérioration régionale et confessionnelle que les marjâaïates chiites ne       peuvent tolérer.
      Autre réaction qui a presque coïncidé avec la première de par son timing,       était celle du vice-président de la République irakienne, Adel Abdel Mahdi,       un des dirigeants du Haut conseil de la révolution islamique. Celui-ci,       pourtant proche de la CIA, a considéré que le rôle américain rend la       situation interne de plus en plus complexe. Il est allé encore plus loin       en accusant, sans le nommer, l’ambassadeur des Etats-Unis, Zalmay Khalil       Zad, d’exercer des pressions sur le chef du gouvernement Nouri al-Malki (lui       aussi comme Abdel Mahdi, membre du Parti Al-Dâawa) qui est confronté à une       opposition de la « minorité sunnite ». Ce qui rendra sa mission de gouverner       quasi-impossible.
      Les chiites haussent de plus en plus le ton envers les Américains qui,       d’après eux, prennent des distances avec ceux qui les avaient aidé à       destituer le régime de Saddam Hussein. Certains de leurs symboles       n’hésitent plus à accuser les généraux américains d’opter, avec l’aide de       certains pays arabes voisins, pour la préparation d’un retour des       Baâsistes dans l’objectif de défendre les sunnites contre les massacres       organisés par les Brigades chiites de la mort. Les leaders de la coalition       chiite disent qu’ils sont persuadés que l’appel de l’Armée islamique (sunnite)       en Irak à des négociations avec Washington, sans aucune condition       préalable, est compatible avec le virage en cours de cette dernière.       Surtout qu’il a été diffusé par la chaîne d’Al-Jazirah le jour même de       l’arrivée de Condoleeza Rice à Baghdad. La déclaration de cette dernière à       Arbil, en présence du dirigeant Kurde, Massaoud Barazani, concernant la       distribution des équitables des revenus pétroliers entre les différentes       composantes de l’Irak qui devra rester uni a été très mal prise par les       chiites qui, à maintes reprises, avaient montré leur intention d’appliquer       la fédération. Ils visaient par là, de bénéficier de la manne pétrolière       des régions du Sud où ils sont majoritaires.
      Les observateurs sur le terrain remarquent depuis quelques mois un       changement d’attitude aussi bien des dirigeants militaires américains que       de l’ambassadeur, Zalmay Khalid Zad par rapport aux anciennes alliances.       Ce qui était valable après l’occupation, ne l’est plus aujourd’hui.       Notamment, après que les services américano-britanniques ont établi des       rapports « accablants » sur une coordination en profondeur entre les partis       de la coalition chiite, soutenu par Ayatollah Ali al-Sistani, et Téhéran.       Quelques uns de ces rapports font état de la probabilité d’une révolte       chiite, à l’instar de « Thaourat Al-Ichrine » contre l’occupation       britannique de l’époque. Ce qui a accéléré l’ouverture des Américains à       l’égard des sunnites.
       
 Tractations d’Amman
       
      Le début du véritable virage de Washington a commencé, début septembre,       notamment après le retour à Washington du général-major, John Abi Zeid de       la capitale jordanienne Amman. Ce, après avoir passé plus d’une semaine au       cours de laquelle il avait rencontré de hauts responsables jordaniens       ainsi que d’anciens chefs militaires de l’armée de Saddam Hussein dont       certains ont été formés aux Etats-Unis lors de la guerre Iran-Irak. Abi       Zeid qui a passé environ deux ans de mission en Jordanie, connaît de très       près les spécificités irakiennes, mieux encore l’importance du voisinage       totalement sunnite : est un allié stratégique des Etats-Unis, à commencer       par l’Arabie Saoudite et la Jordanie, finissant par la Turquie et l’Egypte.       Pour ce qui est de la Syrie, Abi Zeid est convaincu, semble-t-il, qu’elle       finira par s’aligner si l’administration américaine découvre la meilleure       voie qui la conduira vers Damas. Comme cela a été le cas lors de la       deuxième guerre du Golfe où le feu président, Hafez al-Assad, a envoyé ses       troupes à Hafr al-Baten, pour participer, indirectement certes, à la       campagne militaire menée contre l’armée de Saddam Hussein qui avait envahi       le Koweit.
      Le général Abi Zeid, d’origine libanaise, qui lit et écrit l’arabe, qui a,       en plus, vécu longtemps dans la région du Moyen- Orient a défendu devant       le Hearings, en août dernier son point de vue appelant à changer de       stratégie et d’alliances en Irak. Car, d’après lui, si les Etats-Unis       continuent sur la même voie, ses troupes ne pourront plus rester dans ce       pays plus d’un an encore. Abi Zeid a présenté lors de sa rencontre avec le       comité des Affaires étrangères auprès du Congrès, des documents       compromettants, montrant l’implication des membres des gouvernements       actuels et précédents dans l’instabilité sécuritaire ainsi qu’au niveau de       leurs liaisons avec les services de renseignements iraniens. Le       général-major Abi Zeid, se basant sur un rapport qui lui a été remis par       l’ambassadeur en Irak, Zalmay Khalil Zad, a prouvé que toutes les formules       adoptées depuis août 2003 jusque-là, commençant par le Conseil de       gouvernement provisoire, ensuite par le gouvernement provisoire, dirigé       par Iyad Allaoui, suivi par celui d’Ibrahim Jâafari et aujourd’hui par       Nouri al-Malki ont été toutes vouées à l’échec. Ce qui devra inciter       l’establishment américain, administration politique, pentagone et services       de renseignements à se mettre d’accord sur une nouvelle formule. Là, Abi       Zeid a sorti sa carte qu’il considère comme gagnante.
      Ce dernier ne s’est pas contenté de présenter une analyse de son nouveau       projet, mais il a fait visualiser à l’assistance un schéma voire un       organigramme de ceux qui seront derrière le nouveau gouvernement formé       majoritairement de militaires dont les principaux piliers seront issus de       l’ancienne armée de Saddam Hussein. Abi Zeid a encore prouvé, documents à       l’appui, qu’il était impossible dorénavant de reproduire un 5ème       gouvernement de civils. Car celui-ci serait incapable de faire face à la       dégradation accélérée de la situation. Notamment, l’éventuelle explosion       de la guerre communautaire et ethnique.
      Tout l’establishment américain est, semble-t-il, maintenant convaincu du       schéma du gouvernement militaire proposé par le général-Major John Abi       Zeid. Le voisinage sunnite est au courant de ce projet et a donné sa       bénédiction. Ils se sont engagés de plus à lui octroyer toute l’aide       possible et imaginable. Ce qui explique l’appel de certaines formations       irakiennes sunnites, mis à part, Al-Qaïda Fi Bilad Al-Rafidaïnes, à       négocier sans conditions avec les Américains. Messages qui commencent à       inquiéter la coalition chiite qui fait d’ores et déjà marche arrière,       faisant l’éloge des rôles que pourraient jouer aussi bien les pays       limitrophes, l’Arabie Saoudite et la Jordanie.
      De son côté, Zalmay Khalil Zad qui fait depuis trois semaines la tournée       des leaders irakiens, toutes confessions et ethnies confondues, n’hésitent       pas à faire savoir à ses interlocuteurs que les centres de décision à       Washington ont d’ores et déjà pris leur décision concernant le changement       de la formule civile actuelle à la gouvernance ; ce, si le premier       ministre, Nouri Al-Malki, n’arrive pas dans l’espace de trois mois, à       arrêter l’hémorragie, et contrecarrer les projets de partition de l’Irak,       et, le plus important conduire avec succès le processus de réconciliation       nationale.
      Pis, encore, l’ambassadeur américain n’a pas hésité à citer des noms des       militaires qui auront un rôle à jouer dans l’avenir pour ramener la       stabilité et l’ordre au pays. Et comme par hasard, la majorité des noms       cités par le diplomate sont issus de la communauté sunnite.       Ce qui a créé un tollé chez les dirigeants chiites qui ont accusé Zalmay       Khalil Zad, le sunnite, de jouer un rôle déterminant dans le changement       d’attitude de Washington.
       
 Profils et noms
       
      Interrogé par La Gazette du Maroc sur les noms et les profils des       éventuels militaires qui participeront à un gouvernement militaire irakien       au cas où, un ancien ministre jordanien des Affaires étrangères, ami de       longue date avec le général-major, Abi Zeid, a répondu après avoir requis       l’anonymat, que trois personnalités sont sollicités par Washington pour       constituer le noyau dur du prochain haut conseil militaire. Il s’agit       d’abord du général-major, Nassir Arkane al-Abbadi, qui occupait un poste       clé dans l’état-major de l’aviation du temps de l’ancien régime. Issu       d’une famille chiite arabe du centre d’Al-Fourat. D’une mère sunnite de       Baghdad, sœur de l’ancien premier ministre feu Jamil Madfaï, son père       était membre du Majliss Al-Ayâane du temps de la monarchie alors que son       oncle paternel est le général Kazem al-Abbadi, ancien chef des forces       aériennes.
      Deuxième figure, c’est le général Mohamed Abdallah al-Chahwani, actuel       chef des services de renseignements. Ce militaire de carrière, ancien       conseiller du ministre irakien de la Défense, Adnan Khairallah Telfah,       cousin de Saddam Hussein, est issu d’une tribu originaire de Moussol.       Quant au troisième militaire, il s’agit du général d’aviation, Kamal       Barzanji, qui occupe, à l’heure actuelle, le poste de commandant des       forces aériennes. C’est le président de la République irakienne, Jalal       Talabani, qui l’a convaincu de regagner à nouveau l’armée.
      Tous ses militaires réputés pour leur intégrité et leur patriotisme       auxquelles s’ajoutent des compétences indiscutables, auront de fortes       chances de se trouver aux commandes si le gouvernement de Nouri al-Malki       demeure incapable d’assumer ses responsabilités et tenir ses engagements       pris vis-à-vis des responsables américains qui l’avaient rencontré ces       dernières semaines.
      En tout état de cause, le voisinage sunnite qui ne cache plus ses       intentions en faveur de la formule Abi Zeid/ Zalmay Khalil Zad, laisse       entendre qu’il n’a plus d’inconvénient à ce que leur ennemi, l’ancien       président irakien, Saddam Hussein, soit libéré et transféré dans un pays       du Golfe. Notamment, après que l’émirat d’Abou Dhabi a fait savoir qu’il       était prêt à le recevoir.
       
      (*) Analyste libanais résidant à Paris