TUNISNEWS
6 ème année, N° 2116 du 08.03.2006
Communiqué Amnesty – Nyon (Suisse) Jeune Afrique: Hamadi Jebali: « Les Tunisiens doivent se rassembler » Jeune Afrique: Le sens des libérations AP: La femme tunisienne: un statut privilégié dans le monde arabo-musulman AFP: Femmes: les lois de la République doivent l’emporter sur les traditions (Chirac) Le Gri-Gri: La Tunisie vue par une Tunisienne Le Temps: Faouzia Zouari, écrivain des deux rives: La femme tunisienne… un trait d’union entre l’Occident et l’Orient Houcine Ghali: Pluralisme de facade et mascarade democratique en Tunisie AFP: Au cœur des sociétés arabo-musulmanes, une longue tradition d’humour Jeune Afrique: Une certaine idée de la Tunisie Jeune Afrique: Kaddafi libère les “Frères”
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Communiqué Amnesty – Nyon (Suisse)
Le 7 mars 2006Hamadi Jebali: « Les Tunisiens doivent se rassembler »
Le sens des libérations
Composition du Bureau national de l’ATF
Chers (es) amis (es),
Nous avons constaté qu’une erreur s’est glissée dans la liste des membres du Bureau national. Certainement vous l’avez remarqué une seule personne ne peut pas être Secrétaire Général et Trésorier au même moment. En fait le Trésorier National est Monsieur Naceur ELFAHEM et non le Dr. Khaled HAMIDA qui est par ailleurs Secrétaire Général.
Ainsi si la liste du Bureau national de l’ATF est la suivante :
Fonction |
Nom et prénom |
Président |
Moncef BEN SLAMA |
Vice-Présidente |
Nadia CHAABANE |
Secrétaire Général |
Dr. Khaled HAMIDA |
Trésorier |
Naceur EL FAHEM |
Membres : |
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Sami Belhaj |
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Nadhem KHERRIGI |
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Tarek BEN HIBA |
Merci pour votre compréhension
ATF
Jegham: le retour
Mohamed Jegham, ex-ministre directeur du cabinet du président Zine el-Abidine Ben Ali, n’a pas pu supporter l’éloignement du pays après sa mise à la retraite au début de 2005. Après moins d’une année passée en Jordanie (voir J.A. n° 2312), il est de retour en Tunisie. Jegham, 64 ans, qui a aussi été ministre du Tourisme, de l’Intérieur et de la Défense, est rentré discrètement en février. Depuis, il dirige la filiale tunisienne du groupe d’investissement General Mediterranean Holding, propriété du milliardaire britannique d’origine irakienne Nadhmi Auchi, dont le fleuron est un hôtel cinq étoiles, le Royal Hammamet. (Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)Alifa Farouk
Banque à vendre
La privatisation progressive du secteur bancaire tunisien sera marquée dans les prochains mois par la mise en vente de l’un des plus vieux établissements du pays : la Banque franco-tunisienne, filiale à 78,18 % de la Société tunisienne de banque (STB), première banque commerciale de la place. Créée en 1879, la BFT dispose d’un capital social de 5 millions de dinars (3,08 millions d’euros) – inférieur au minimum exigé -, d’un bilan d’une centaine de millions de dinars et d’un réseau d’agences très réduit. L’intérêt pour les acheteurs réside surtout dans son agrément de banque universelle et dans le potentiel de croissance qu’elle offre. Parmi les candidats au rachat figure la banque française Le Crédit lyonnais (LCL). (Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)Tunisie: hausse du niveau de vie
par SAMIR GHARBI Avec un taux de croissance économique supérieur à 6 % en 2006, le revenu disponible par habitant de la Tunisie dépasserait 4 000 dinars (2 500 euros) par an. Ce revenu a déjà plus que doublé entre 1994 et 2004 (de 1 772 à 3 565 dinars), selon le tableau sur l’évolution du niveau de vie établi par l’Institut national de la statistique (INS). Ce tableau montre une nette amélioration des indicateurs socio-économiques. Plus de 452 000 familles tunisiennes (21 % du total) ont aujourd’hui au moins une voiture. Plus de 2 millions possèdent une télévision et plus de 1 million, une parabole pour capter les chaînes de télévision par satellite. Beaucoup de progrès restent cependant à faire en matière d’équipement des ménages : climatiseur, machine à laver, congélateur… (Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)2 millions 501 mille logements pour un parc toujours en évolution
Leasing : savoir-faire tunisien
par SAMIR GHARBI Nouvel établissement financier à capitaux 100 % étrangers, Maghreb Leasing Algérie (MLA) démarrera ses opérations courant mars avec un capital social de 1 milliard de dinars (11,4 millions d’euros, libérés à 50 %) et, pour commencer, des ressources disponibles de 10 millions d’euros, un prêt participatif octroyé par la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (Femip) gérée par la Banque européenne d’investissement (BEI). MLA a été créé à l’initiative de Tunisie Leasing, leader du marché tunisien, avec la participation active de Amen Bank, deuxième banque privée tunisienne. Ces deux établissements contrôlent 61 % du capital (36 % et 25 % respectivement) et ont mobilisé d’autres partenaires : 5 % pour Maghreb Private Equity Fund de Tuninvest Finance Group, 20 % pour le Fonds néerlandais pour le financement du développement FMO (très actif en Afrique), 10 % pour la société financière Proparco (filiale de l’Agence française de développement), et 4 % pour la CFAO (ex-Pinault-Printemps-Redoute). Les trois premiers dirigeants de MLA sont Ahmed el-Karm (Amen Bank), président du conseil de surveillance, Serge Gurvil (CFAO), vice-président, et Ahmed Abdelkefi (Tunisie Leasing), président du directoire. MLA vise la clientèle des PME algériennes, dont les besoins de financement sont immenses. Il devrait leur offrir des crédits-bails de trois à sept ans pour leurs achats d’équipements et de matériels de bureaux. (Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)Projet à quai
par ABDELAZIZ BARROUHI Un port en eaux profondes pour recevoir la génération de navires porte-conteneurs du futur et servir de centre de transbordement international dans la Méditerranée centrale, où les capacités seront insuffisantes dès 2008. Tel est l’ambitieux projet que la Tunisie vient de lancer. Le 19 janvier, quarante-cinq représentants d’investisseurs, bailleurs de fonds et opérateurs maritimes d’envergure internationale se sont retrouvés en séminaire, à Tunis, pour s’informer et discuter des résultats de l’étude de faisabilité qui venait d’être achevée. Parmi eux, des Français, des Britanniques, des Italiens, des Danois, mais aussi plusieurs délégués de grands groupes du Golfe, dont la zone franche portuaire de Jebel Ali, aux Émirats arabes unis, qui cherche à renouveler son expérience réussie. L’Union européenne, engagée dans un projet d’autoroutes de la mer dans le cadre du futur réseau euro-méditerranéen des transports, a vite été séduite par l’idée et a financé l’étude. Les opérateurs des principales lignes maritimes à travers la Méditerranée ont exprimé leur intérêt pour le projet. À la veille du séminaire réuni à l’initiative du ministre des Transports Abderrahim Zouari, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali avait donné son feu vert à ce mégaprojet, qui, très probablement, devrait être réalisé à travers une concession avec des opérateurs stratégiques. La préparation de l’appel d’offres, son lancement et son dépouillement devraient s’étaler jusqu’à la fin de 2007. Selon les estimations, les investissements pour la première tranche fonctionnelle du port, qui devrait entrer en opération vers 2010-2011, se situent entre 660 et 980 millions de dinars (1 dinar = 0,61 euro). D’ores et déjà, sur la base de l’étude de faisabilité réalisée par le bureau d’études néerlandais Royal Haskoning, en collaboration avec le cabinet tunisien International Development Consulting, c’est le site de la région d’Enfidha, à une centaine de kilomètres au sud de Tunis, qui a été retenu (sur huit sites). Le port, qui sera construit à mi-chemin entre les villages côtiers de Hergla et de Salloum, aura une profondeur de 17 mètres, 3,6 kilomètres de quais avec un terre-plein d’environ 216 hectares pour le traitement des conteneurs. Un quai de 1,4 kilomètre sera réservé à la manutention des marchandises en vrac. Desservi par l’autoroute et le chemin de fer déjà existants, et mitoyen d’un futur aéroport international pour lequel l’appel d’offres est en cours, le nouveau port dispose d’une réserve foncière de 3 000 hectares pour accueillir les activités industrielles et de service. La qualité de vie est assurée : il sera construit à une quarantaine de kilomètres de Hammamet (au Nord) et de Sousse (au Sud), deux stations balnéaires réputées. (Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)
Ce que la Tunisie peut faire pour l’UMA
par MONCEF GUEN, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DU GRAND MAGHREB, TUNIS, TUNISIE À l’occasion du 17e anniversaire de la création de l’Union du Maghreb arabe, il est permis à notre peuple maghrébin de se demander comment sortir de l’ornière du conflit Algérie-Maroc à propos du Sahara occidental. Ce conflit a en effet bloqué d’une manière irrationnelle la construction maghrébine. J’ai déjà proposé, pour faire avancer l’édification d’un ensemble maghrébin, au moins sur le plan économique, la création d’une union douanière entre la Tunisie et l’Algérie. Une telle union se justifie par les besoins complémentaires des deux pays : la Tunisie a notamment besoin de produits énergétiques et l’Algérie de produits agricoles. Les deux pays pourraient aussi développer en commun une source nucléaire pour la production d’électricité. On peut se demander pourquoi un dessein aussi évident ne se réalise pas entre deux pays voisins ayant des liens historiques et géopolitiques très étroits. La seule réponse possible est la volonté de la Tunisie de ne pas froisser les relations fraternelles avec le Maroc, et cela est compréhensible. Mais il y a une réponse à cette question : la création parallèle d’une union douanière Tunisie-Maroc. Ainsi la Tunisie deviendrait-elle le ciment unificateur entre l’Algérie et le Maroc, et un pas fort significatif serait franchi pour débloquer l’UMA et créer un espace maghrébin intégré. (Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)Foi et liberté
Arius, Tunis, Tunisie Le numéro 2350 de J.A. nous apprend que Fethi Benslama s’indigne, dans son livre Déclaration d’insoumission à l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas, de la traduction du mot «islam» par « soumission ». Or la nuance est importante : le musulman se soumet uniquement au Créateur et, par conséquent, se libère de toute soumission aux créatures, dont les hommes. La foi est donc synonyme de libération vis-à-vis de toute soumission intellectuelle, politique ou économique. Il est vrai cependant que la traduction exclusive par « soumission » occulte l’aspect «amour » de la foi islamique, dont les piliers sont la crainte et l’amour envers Allah. (Source : « Courrier des lecteurs », Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)Saudi Telecom se retire de la course pour Tunisie Telecom
La femme tunisienne: un statut privilégié dans le monde arabo-musulman
Associated Press, le 8 mars 2006 à 16h37
par Bouazza ben Bouazza
TUNIS (AP) – Seul pays du monde arabo-musulman à avoir aboli la polygamie voici 50 ans, la Tunisie se prévaut d’un statut privilégié en matière d’émancipation de la femme.
Le point de départ de cette évolution était la promulgation du Code du statut personnel (CSP), première mesure prise par l’ancien président tunisien Habib Bourguiba au lendemain de l’indépendance du pays en 1956.
Qualifié alors de «révolutionnaire», cet acte audacieux dans un monde arabe où la polygamie continue d’être tolérée en vertu de la »charia» (loi coranique) qui autorise l’homme à prendre jusqu’à quatre épouses, octroyait par ailleurs à la femme des droits qui allaient en faire l’égale de l’homme, puis un partenaire agissant dans tous les domaines.
Parallèlement, le CSP accordait à la Tunisienne le droit de vote et supprimait la répudiation, le divorce relevant désormais du ressort des tribunaux. La femme majeure n’a plus depuis besoin de tuteur pour se marier.
Ce texte fondateur de son émancipation donnait accès à la femme tunisienne à l’enseignement et au marché du travail avec le même salaire que l’homme.
A son arrivée au pouvoir en 1987, l’actuel président Zine El Abidine Ben Ali coupait aussitôt court aux rumeurs faisant craindre à une remise en question de ce statut. Excluant tout «retour en arrière», il affichait, au contraire, une ferme volonté politique d’aller de l’avant car «il ne peut y avoir de développement si la moitié de la société, les femmes, en sont exclues».
Un train de réformes étaient effectivement engagées qui confortaient la place de la femme dans la société et lui ouvraient de nouvelles perspectives.
Aujourd’hui, le gouvernement compte sept femmes. La Cour des comptes a une présidente et une femme a été nommée il y a près d’un an gouverneur (préfet) pour la première fois dans les annales du pays.
Les femmes occupent en outre 27% des postes de décision dans les cabinets ministériels, 21,6% des conseils municipaux et 20% du corps diplomatique. Au plan parlementaire, avec 23% de femmes à la Chambre des députés, la Tunisie se classe 36e sur 138 pays du monde. Au Sénat, on trouve 19% de femmes. Elles sont souvent considérées comme un rempart contre les courants extrémistes et fanatiques et les mouvements rétrogrades.
Les femmes, qui représentent 25% de la population active, comptent environ 10.000 chefs d’entreprise, sont 33% dans la magistrature, 31% au barreau, 40% dans l’enseignement universitaire et 34% dans les médias. D’autre part, les étudiantes ont supplanté les étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur (55% de femmes).
»Loin de nous l’idée de donner des leçons aux autres, mais nous sommes disposées à mettre notre expérience et notre approche au service des pays arabes», explique la ministre tunisienne des affaires de la femme, de la famille et des personnes âgées, Salwa Ayachi Labbène. La Tunisie assure la présidence en exercice de l’Organisation de la femme arabe.
Femmes: les lois de la République doivent l’emporter sur les traditions (Chirac)
AFP, le 08.03.06 à 13h56
Jacques Chirac a assuré mercredi qu' »aucune tradition, aucune coutume, aucune croyance ne sauraient prendre le pas sur les lois de la République », en inaugurant dans le XXème arrondissement de Paris la Maison de la Mixité animée par le mouvement Ni putes ni soumises.
« Il faut que les jeunes filles sachent qu’elles ne sont pas coupables de vouloir vivre leur vie normalement », a ajouté le chef de l’Etat, devant une assistance nombreuse, dont la ministre déléguée à la Cohésion sociale Catherine Vautrin.
Etaient également présents de nombreux socialistes (François Hollande, Bertrand Delanoë, Laurent Fabius…) ainsi que le président UMP de l’Assemblée Jean-Louis Debré ou encore Simone Veil, membre du Conseil constitutionnel.
Pour M. Chirac, la maison de la Mixité, inaugurée à l’occasion de la journée internationale des femmes, est un beau projet, une belle idée » mais « qui sont nés du drame et de la souffrance« .
« Ni putes ni soumises », qui milite pour la laïcité et l’égalité hommes et femmes, et contre les violences faites aux femmes, a été créé en 2002, après la mort de Sohane, brûlée vive à 17 ans à Vitry-sur-Seine.
Le président a aussi évoqué la mémoire de Samira (ndlr: Samira Bellil, qui avait témoigné sur l’enfer des tournantes, morte à 31 ans des suites d’un cancer), et de Sheherazade (brûlée vive à Neuilly-sur-Marne en 2005).
M. Chirac a salué particulièrement la mère de Fadela Amara, fondatrice de Ni putes ni soumises. « Elle nous a rendu un grand service en vous mettant au monde », a lancé le président à Fadela Amara.
La Maison de la mixité, nouveaux locaux du mouvement, se veut « espace d’accueil et d’écoute », et « centre de ressource et de recherche » ouvert au grand public.
C’est un ancien supermarché situé rue des Rigoles, au cœur d’un quartier parisien classé en « politique de la ville« .
AFP
La Tunisie vue par une Tunisienne
Faouzia Zouari, écrivain des deux rives
La femme tunisienne… un trait d’union entre l’Occident et l’Orient
Par Marianne CATZARAS
« Est-ce pour longtemps – ô vie – que mon destin est d’errer par le monde ? Où es-tu, Port, où je pourrai me reposer… ? »1901 . Sur la route d’Alger – Isabelle Eberhardht prend des notes.
Un siècle après l’errance des femmes a-t-elle cessé ? Au gré de nos entretiens et de nos rencontres, Faouzia Zouari a toujours eu notre préférence. En tant qu’écrivain. En tant que femme. Aujourd’hui, où l’on fête la femme. En Tunisie – Dans le monde.
Le Temps : Certes, on fête la femme ici et ailleurs mais l’actualité est encore chargée d’événements… J’ai envie de revenir sur l’histoire des caricatures du Prophète, si vous permettez…
–Faouzia Zouari : Que vous dire d’autre que je n’aie déjà dit ? Ce sont en fait deux états d’esprit qui composent le malentendu… l’ignorance est au centre de cette affaire. Nous savons à quel point l’Occident est attaché à la liberté d’_expression et nous, au référent religieux. Les sociétés laïques qui ont décidé de tuer Dieu ou de l’éloigner ne jurent que par la liberté d’_expression.
En terre d’Islam, le religieux donne sens à la vie, au social. L’être au monde est différent. Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de choc culturel ?
•Ne pensez-vous pas qu’il y ait malgré cette grande incompréhension, de la provocation ?
–Je pense que le journal n’a pas calculé les conséquences. Il faut comprendre l’histoire des valeurs de ces deux mondes. Il faut inverser la hiérarchie des valeurs, d’un côté la liberté de l’Occident à laquelle il ne faut pas toucher, de l’autre la dignité des Arabes qu’il ne faut pas froisser, pas d’humiliation.
Le sens de la dignité est différent. L’Occident est en position de force, c’est une puissance économique, politique, c’est lui qui fixe les valeurs. La liberté humaine d’un côté, Dieu de l’autre côté. Alors ? L’Occident veut régir le monde et dicter ses valeurs. L’arrogance est telle que je peux parler de « terrorisme des valeurs ».
Cela s’est fait dans l’inconscience. Est-ce un délire de puissance, les contours restent imprécis. La presse occidentale veut émouvoir le lectorat. Et puis, il y a une grande ignorance de l’Islam… Il faut y remédier.
•Vous devriez animer une rencontre « Femmes et Islam », sur une chaîne de télévision française, cela ne s’est pas fait…
–En effet, on m’a proposé cette rencontre et j’ai amené un canevas différent. J’ai voulu m’inscrire hors du sensationnel, débarrasser l’Islam de certains préjugés. Mais j’avais face à moi une équipe qui voulait inviter une femme lapidée, une femme excisée, des femmes martyres ; nous devions parler de l’Islam à partir des faits-divers. J’ai refusé ! Il faut cesser d’alimenter les phobies. J’ai vu à quel point cette frange qui tient les médias qui eux-mêmes forgent l’opinion publique, trouvent commerce dans une boutique d’horreurs et de sévices.
L’ennemi culturel est fabriqué. Si on ne s’inscrit pas dans un certain ralliement, on se nie. Ce n’est pas possible.
•Mais cela justifiait-il tant de manifestations souvent violentes, meurtrières… pensez-vous qu’il faille répondre par la violence à l’ignorance, à l’incompréhension ?
–Tout est histoire de manipulation. D’abord, je le répète, on ne touche pas à la foi. Ces foules manifestent car elles ne peuvent pas le faire par ailleurs. Les peuples n’ont pas su canaliser leur contestation. Les réactions furent primaires, il n’y a pas de culture de manifestation de rue. Il aurait fallu, je crois, marquer son mécontentement par une minute de silence. Des millions de personnes dans la rue ! Il faut combattre les intégrismes, de tout bord. La violence n’a jamais été un moyen de contrecarrer le choc des cultures.
•D’où viendrait le dialogue… peut-être de personnes comme vous… habitant les deux rives ?
–Tous les jours nous tissons, je vous assure, tous les jours, nous habitants des deux rives, nous construisons hors des communautarismes, hors des pensées fascistes. Nous voulons rétablir le dialogue et une énorme lame de fond vient tout balayer. Tous les jours, des Pénélope sont piétinées, détruites par des foules en délire, par des préjugés. L’Occident a tort de vouloir imposer son point de vue en défendant ceux qui sont dans l’excès.
•Vous semblez en colère contre l’Occident…
–Je suis en colère avec eux qui déforment la pensée, ceux qui lisent autrement, ceux qui ne montrent que les excès, ceux qui cautionnent les blasphémateurs.
L’Occident aime le scandale, il permet la circulation de traités haineux sur l’Islam, je ne citerai que Oriana Fallaci et Ouellebeck, les plumes de la haine qui alimentent l’islamophobie. C’est ainsi que le nazisme a commencé, des romans devenus traités, concepts.
•Mais vous habitez Paris…
–Oui, j’habite Paris,et j’adore Paris, je suis de plus en plus souvent à Tunis. L’Occident doit reconnaître cette islamophobie qui traîne, qui rôde… après nous irons mieux. J’aime le vieux monde, le vieil orient, j’ai des ancêtres ici, des générations à venir dans l’autre, j’essaie de garder la meilleure part des deux rives. Je vais vous raconter une petite anecdote, il n’y a pas très longtemps, on se disait avec Youssef Seddik, un dimanche pluvieux d’hiver, « il faut qu’on rentre au pays, motif : froid et islamophobie … ».
Je vous mentirai en vous disant que je suis tunisienne à 100% ou française à 100%.
•Vous êtes écrivain par contre, pleinement…
–Oui, je suis écrivain, le milieu des terres, des mers et une rive inventée. L’écriture crée un pays entre les frontières, c’est là que je vis… Je suis comme cet immigré qui ne se sent bien ni à Tunis, ni à Paris… Il n’est heureux que dans l’avion… mon avion à moi c’est l’écriture… Moi, femme arabe des deux rives…
•Vous femme arabe des deux rives…
–Il n’y a pas une seule femme arabe, il y a des femmes arabes. Je suis plus proche d’une sicilienne que d’une saoudienne. Je crois au féminisme méditerranéen, la méditerranée est une plage de rencontre. Les féminismes musulmans, occidentaux, sont occulés, il faut impliquer les femmes méditerranéennes dans un projet économique, social, culturel. Les données changeront, je vous assure. Arrêtons de pleurer sur le sort de telle ou telle femme, avançons, allons de l’avant, c’est peut-être là l’issue, le féminisme qui ne quitte pas le féminin.
•Très utopique, pardonnez-moi…
–Les intellectuels fabriquent des utopies, le monde entier avance avec des utopies, en tant que femme, j’ai droit à l’utopie. On doit tirer au loin, comme la loi de l’arc.
•Femme… vous insistez tellement, femme tunisienne aussi, exemple du monde arabe, quant à ses acquis…
–Pour la femme tunisienne, il fait bon vivre. Elles portent le pays, elles ont le meilleur statut qui soit au niveau législatif. L’arsenal juridique de ce pays est révolutionnaire, les mentalités vont suivre, j’espère.
Sont-elles seulement conscientes de leurs chances ? Vont-elles avancer, travailler à les pérenniser. Les Tunisiennes doivent être vigilantes, si la génération des 40/60 ans est tenace et sait gérer et veiller sur ses intérêts, les plus jeunes doivent sortir des murs où elles se cachent. Elles doivent parler, dire.
Pourquoi cèdent-elles par centaines aux prêcheurs de certaines chaînes arabes ? Arrêtons de subir le délire de puissance d’Amrou Khaled ! Comment une femme tunisienne peut-elle prêter l’oreille à lubies passéistes et rétrogrades, elles porte-paroles de la modernité !
•Serions-nous enviées quant à notre modernité…
–Le problème ne se réfléchit pas en ces termes, notre modernité a commencé très tôt, il ne faut pas perdre de vue la construction de notre société. Il faut négocier avec l’Autre, adopter l’Autre, l’Etranger et devenir le trait d’union. Personne ne doit nous faire reculer… ces idéologies obscures n’ont rien à faire avec la Tunisie. Dommage qu’il n’y ait pas de porte-parole, une femme tunisienne qu’on entendrait… ailleurs…
•Avez-vous songé, un jour à faire de la politique ?
–Jamais, mon Dieu, jamais ! Je ne suis pas une femme de stratégie. La politique c’est pour les hommes, c’est faux, c’est insidieux… D’ailleurs, même quand certaines femmes sont propulsées dans la politique, elles imitent le modèle masculin, elles deviennent des Tatcher… Il faudrait leur laisser un champ libre et briser cette hégémonie masculine. Le XXIème siècle doit être féminin !
•A vous entendre ainsi parler des femmes, vous feriez bien leur porte-parole… vous ne voulez pas faire de politique mais votre écriture, votre page blanche n’est-elle pas le lieu du combat féminin que vous menez au jour le jour ?
–Mon écriture est une écriture de femme, avec un corps de femme, un rythme de femme ; l’écriture sort de soi, de ses seins, de son ventre, c’est ma manière d’exister, c’est mon issue, notre issue. Je suis dans mon être de femme.
Je ne suis ni féministe ni militante, je suis partisane de la différence. C’est dans la rencontre des différences que survient l’extraordinaire. Le familier ôte le mystère. La création s’est toujours écartée du mimétisme. Je suis trop libre pour être militante, trop femme pour être féministe.
•Vous publiez un nouveau roman, vous êtes retournée à la fiction, lasse de la rigidité de l’essai, un jour vous m’avez dit que la fiction vous donnait des ailes, qu’elle vous permettait de respirer…
–Une fiction, en effet, paraîtra en France, en septembre. La Retournée est sortie en poche, un texte aussi en attente de publication, Lettre à une amie Chrétienne.
Dans ce livre je dis ma colère mais je parle à cette femme que j’aime… je lui dis, attends-moi, écoute-moi on va comprendre ensemble, posons-nous, mes vérités ne peuvent pas te blesser ; nous avons toujours avancé ensemble. Mais ce texte n’a pas plu aux éditeurs pas assez émouvant, le lectorat n’a pas besoin d’être édifié, m’a-t-on répété.
•Les littératures du Maghreb se vendent bien pourtant…
–La littérature algérienne est toujours de près ou de loin associée à la guerre d’Algérie, ses récits en sont tributaires, les écrivains marocains se soucient de l’authenticité de leurs discours, chacun de ces pays véhicule une image. L’écrivain tunisien n’est pas associé nécessairement à une imagerie. C’est peut-être cela notre force.
•Dans quel décor place-t-il ses inquiétudes, ses traumatismes, ses rêves, l’écrivain tunisien… ?
–Nous ne véhiculons pas d’images, nous n’avons pas besoin de nous encombrer de connotations stéréotypées pour nous vendre, l’écrivain tunisien est chantre de l’universel.
Nous inventons, nous réinventons, chaque jour notre image. Hédi Kaddour a obtenu le prix du premier roman en France… rien sur le monde arabe dans son histoire, il est sorti de sa tribu. Il faut partir loin, nouer avec l’ailleurs…
•Etre universel n’est pas le dessein de tout écrivain… tunisien ou pas… mais c’est vrai, le tunisien a une capacité d’ouverture inégalée, il est capable d’embrasser le monde et d’étreindre toutes ses différences.
–Les Tunisiens sont souverains dans la tête, nous ne travaillons pas sur le complexe de la victime et du martyr. Quand j’écris, je suis en mouvement, je marche, j’entre dans des forêts noires… mon inspiration, mes idées sont liées à mon corps, à sa marche, quand il traverse les lieux, les âges, les langues…
•Vers Dahmani vos pas vous mènent…
–Merci de revenir à l’essentiel. Mes pas me ramèneront toujours à Dahmani, ce petit village dans la région du Kef, terre de récits, d’histoires. C’est parce que je suis d’un lieu que j’aspire à l’universel. L’égarement est nécessaire… quand tu es ainsi d’un lieu, tu vas loin, très loin…
Conversation partagée avec
Marianne CATZARAS
(Source : « Le Temps » du 8 mars 2006)
PLURALISME DE FACADE ET MASCARADE DEMOCRATIQUE EN TUNISIE
Houcine Ghali, Genève
Depuis le 4 mars dernier, les journaux inféodés au pouvoir destourien ( Essabah, Echchourouk, Le Temps, La Presse, Le Quotidien…) ne cessent de se fendre en articles ventant le « processus démocratique » instauré par le président Ben Ali, suite à l’octroi du ministère de l’Intérieur et du Développement local, du visa légal au Parti des verts pour le progrès (PVP)
Ainsi donc, au nom d’un pluralisme de façade, la Tunisie compte aujourd’hui 9 formations politiques (RCD, PSDL, MDS, PUP, Ettajdid, UDU, PDP, FDLT et le nouveau né PVP ).
Il faut d’abord relever que le RCD ( Rassemblement constitutionnel démocratique ) monopolise le pouvoir et se confond allègrement avec l’Etat depuis l’installation de Ben Ali au palais de Carthage en novembre 1987; que le président de la République, sensé être le président de tous les Tunisiens se trouve en même temps président du RCD, ce qui est contraire à toutes les normes démocratiques pratiquées dans les pays où règne effectivement la liberté; que ce parti fonctionne comme une machine stalinienne sans la moindre transparence où les mêmes fonctionnaires et hommes d’affaires monopolisent ses structures sans conviction idéologique mais simplement pour la consolidation de leur intérêt matériel; qu’il a fait main basse sur près de 7500 associations de la société civile présentées comme indépendantes mais réellement sous la coupe des pouvoirs publiques; que les 152 sièges qu’il accaparent au Parlement, contre 37 tenus par l’opposition dite légale, résultent de diverses fraudes et manipulations des élections car jamais les 5/6 des Tunisiens n’ont voté RCD pour des raisons évidentes: Absolutisme, règne de la répression, pratique du népotisme, absence de liberté, presse muselée, autoritarisme des clans au pouvoir et avenir sombre pour la jeunesse.
Comment ose-t-on parler d’octroi de visa légal à un parti politique lorsque le pouvoir en place s’avère lui-même, non représentatif, illégal, illégitime parce que n’émanant nullement d’une volonté populaire libre de son choix et exerçant véritablement ses droits politiques?
Faut-il recenser ici toutes les étapes de l’ascension au pouvoir du président Ben Ali, depuis son coup d’Etat médical contre Bourguiba jusqu’à son référendum de mai 2002 pour amender la constitution et se faire élire à perpétuité, contrairement à ce que stipule la Constitution, en passant par les nombreux procès politiques, la pratique d’une répression féroce à l’égard de tous ceux qui osent contester sa politique, le bâillonnement de la presse d’opinion, le harcèlement des leaders des organisations et formations politiques radicales et l’enrichissement des membres des clans au pouvoir sur le dos des contribuables et du petit peuple, pour expliquer l’illégitimité du régime actuel?
Le pouvoir tunisien se caractérise aujourd’hui par un autoritarisme sans égal. Le président de la République détient tous les pouvoirs. Il ne le cache pas d’ailleurs. Il suffit de lire les journaux pour constater l’étendue de ses directives et de ses ordres. Il décide de tout et le Parlement, la Chambre des conseillers et mêmes ses ministres ne font qu’appliquer ses prérogatives. La confusion des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est totale dans le pays en émanant tous de Ben Ali.
Dans ces conditions, les 5 partis de l’opposition légale ( PSDL, UDU, PUP, MDS et PVD ) ne constituent qu’un faire-valoir d’un pouvoir autoritaire, qu’une manœuvre pour le régime destourien qui, sévèrement critiqué à l’étranger surtout après les constats de la pratique répressive et de l’absence totale de liberté lors de la deuxième phase du SMSI tenue à Tunis en octobre 2005, et honnis par la majorité des Tunisiens, cherche à redorer son blason en octroyant de temps à autre un visa pour une nouvelle formation politique formée d’arrivistes qui lui sont fidèles. Ils ne se sont jamais déclarés comme des formations capables de poser le problème de l’alternance au pouvoir. Multipliant les déclarations élogieuses à la politique pratiquée par le régime destourien, ils se sont gardés de critiquer ou de dénoncer le règne de la répression et l’abus de pouvoir qui caractérise les autorités à toutes ses échelles.
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Le Parti des verts pour le progrès ( PVP ) est une émanation du pouvoir pour élargir la vitrine démocratique qui prévaut dans le pays. Sinon comment expliquer que son secrétaire général, Mongi Khammasi, qui a demandé le visa pour cette formation politique le 14 novembre 2005 l’a cordialement reçu le 3 mars 2006 tandis qu’un autre parti écologique, le Parti de la Tunisie verte, a déposé une demande pour sa légalisation depuis le 19 avril 2004 mais n’a jamais reçu de réponse?
Ancien membre du bureau politique du PSDL, le parti de Mounir Béji qui ne représente que ses membres fondateurs en Tunisie et qui a traversé des querelles intestines sans fin, Mongi Khammasi a donc demandé un visa pour un autre parti et l’a reçu, ce qui est contraire à la loi. Mieux encore, il était élu député au Parlement sur la liste du PSDL, dit qu’il a démissionné de ce parti mais demeure quand même parlementaire en étant chef d’un nouveau parti et toute cette magouille, orchestrée par le pouvoir, lui permet de recevoir une contribution financière de l’Etat!
En réalité, le Parti social démocratique libéral ( PSDL ), duquel est issu le nouveau parti PVP, n’a pas de raison d’être et surtout pas dans l’opposition tout simplement parce qu’il ne différencie en rien du RCD quant à sa stratégie politique et à sa ligne idéologique. Voilà ce que disait son secrétaire général, Mounir Béji, lors de son 3ème congrès tenus à Tunis le 4 avril 2005 ( La Presse du 5.4.2005): « M. Mounir Béji a rendu hommage, à cette occasion, aux réalisations avant-gardistes accomplies en Tunisie depuis le changement du 7 novembre, dans le cadre du projet civilisationnel du président Zine El Abidine Ben Ali, passant en revue les multiples acquis accomplis, tant au niveau politique, social, économique et culturel, qu’au plan extérieur. Il a précisé que le parti estime positif le processus de démocratisation en cours dans le pays, et qu’en tant que formation politique de l’opposition, le PSDL appelle à poursuivre sur cette voie« .
Le seul rôle donc de ce parti d’opposition, c’est de constater que tout marche bien dans le pays, grâce à la politique clairvoyante de Ben Ali!! Et c’est à un membre de ce parti là, que le ministère de l’intérieur et du Développement local à octroyé un visa, dans un laps de temps le plus court de l’histoire de l’opposition, comme preuve de la bonne marche du processus démocratique!!
Au cœur des sociétés arabo-musulmanes, une longue tradition d’humour
Par Amer OUALI
AFP, le 08.03.2006 à 05h50
PARIS, 8 mars 2006 (AFP) – Bons mots, plaisanteries, histoires grivoises: l’humour a toujours occupé une place importante dans le monde arabo-musulman, même si la violente controverse sur les caricatures de Mahomet a pu renforcer l’image de peuples austères et puritains.
Du petit peuple du Caire aux souks d’Alger et de Tunis, l’humour permet de se venger des dirigeants politiques, de soulager les frustrations et les peines quotidiennes. Les comiques jouissent souvent d’une énorme popularité, comme l’Algérien Fellag, ou Adel Imam en Egypte.
La religion, la mort, les sultans, la sexualité, la morale ont inspiré écrivains et poètes et nourri un humour souvent ravageur.
Ce qui est en général moins connu en Occident, c’est que cet humour s’enracine dans une longue tradition remontant jusqu’au prophète qui recommandait lui-même aux croyants: « allégez vos cœurs instant après instant car quand les cœurs sont las ils s’aveuglent ».
Il a laissé quelques bons mots à la postérité mais « dans les limites de la décence », explique l’écrivain Jean-Jacques Schmidt, auteur d’une récente anthologie d’histoires arabes drôles.
« Le prophète aimait plaisanter », rappelle aussi l’anthropologue Malek Chebel.
« Les arabes, que certains parmi nous imagineraient austères et puritains, pratiquent la grivoiserie et la dérision », explique M. Schmidt.
La blague suivante circule à Damas. En mourant, une artiste à la beauté éblouissante et à la réputation sulfureuse, s’est vu remettre une clé par le redoutable Azraël, l’ange de la mort. Elle alla ouvrir la porte de l’enfer convaincue que telle était sa fin. La clé refusa de tourner. Etait-ce alors la clé du paradis? Là aussi, la porte ne s’ouvrit pas. Elle retourna s’enquérir auprès de l’ange. « C’est la clé de ma chambre… », lui répondit-il.
« La religion elle-même est tournée en dérision à travers ses représentants », poursuit M. Schmidt.
Comme avec l’histoire de cet imam qui, affirmant que Dieu demandera des comptes le jour du Jugement dernier, s’est vu répondre par un fidèle: « nous sommes sauvés car quelqu’un de bon et généreux n’épluche pas les comptes ».
Autre histoire: un poète à qui le Calife reprochait de tenir une bouteille de vin dans les mains répondit qu’il s’agissait de lait. « Quand il t’a vu, commandeur des croyants, il en a été si intimidé qu’il a rougi ».
« L’islam n’a pas refusé l’humour », dit encore M. Chebel, « même s’il en délimité les contours » car « on ne peut pas en faire sur Dieu ».
« Le rire est une tradition culturelle chez les arabes qui ont développé l’humour de situation », poursuit-il.
Il cite le légendaire Djeha dont la réputation au Moyen-Orient et au Maghreb a traversé les siècles. Idiot, sage ou facétieux, Djeha campe toutes sortes de personnages dans les situations les plus diverses. Ses histoires, courtes et acérées, sont chargées de sous-entendus.
« L’humour est humain et prétendre que les musulmans ne rient pas revient à dire qu’il ne sont pas des humains », résume le dramaturge Slimane Benaïssa qui a été confronté à la question de la représentation du prophète interdite par les théologiens les plus traditionalistes de l’islam sunnite.
Dans un style décapant, sa pièce de théâtre « Prophètes sans Dieu » (2003) met en scène Moïse qui convoque Jésus et Mahomet pour une réunion sur l’état du monde. Mais Mahomet, que l’on ne peut pas représenter, ne viendra pas…
Certaines blagues trop osées -et qui pourraient susciter la colère des religieux- se colportent strictement entre amis, au nom du principe « qu’on ne peut pas rire avec n’importe qui ».
AFP
Une certaine idée de la Tunisie
par FAWZIA ZOUARI
Un ensemble de récits obéissant à la logique de leur propre narration, d’où les auteurs natifs du pays sont largement exclus.
Personne ne mettra en doute les intentions louables de Guy Dugas envers la Tunisie. L’universitaire et critique littéraire français entend vanter les qualités d’ouverture du pays de Carthage, la douceur de ses mœurs et la diversité de ses cultures. Hélas ! Tunisie, rêve de partages n’offre ni dans la forme ni dans le fond la meilleure façon d’inviter au voyage. Le lecteur bute déjà contre un titre pour le moins vague. Est-ce un beau livre, un carnet de route, un guide, un recueil de poèmes ?
L’introduction ressemble à une notice historique, digne d’un dictionnaire, l’objectivité en moins. Est-il juste, en effet, de décrire les quartiers juifs, les fameuses haras, comme des « ghettos », ou de souligner « l’exclusive de la religion musulmane sur l’œcuménisme et le partage » dans un livre qui entend vanter une Tunisie « plurielle et nuancée » ?
La sélection de douze textes, dont les auteurs s’appellent entre autres Michel Tournier, Albert Memmi, Jean Amrouche ou Guy de Maupassant – qu’aucune note bio-bibliographique n’introduit -, fait bien sûr penser à l’anthologie. Mais ce n’est pas une anthologie de la littérature tunisienne, car seuls quelques auteurs natifs du pays y figurent. Ni une anthologie des chantres étrangers de la Tunisie, si l’on en juge par la quasi-absence d’écrivains voyageurs illustres tels que Gustave Flaubert ou Isabelle Eberhardt. En outre, le choix des textes n’obéit pas à des critères précis, tels que l’époque ou le genre littéraire. Il est fait référence à des écrivains du siècle dernier tout autant qu’à des romanciers contemporains, sans ancrage historique ni études comparatives.
Les qualités d’écriture, indéniables dans certains textes, font défaut dans d’autres : comment comparer, en effet, le récit de Maherzia Amira Bournaz, plus proche du document ethnologique et d’une naïveté littéraire déconcertante, avec l’écriture lumineuse d’un Georges Duhamel ? Et, entre Guy de Maupassant et Adrien Salmière, il n’y a pas photo. Enfin, il s’avère que le noble objectif d’illustrer une Tunisie multiculturelle concerne surtout le passé et plus précisément la première moitié du 20e siècle. Certains esprits mal intentionnés pourraient en conclure que la Tunisie présente a tourné le dos à ses traditions et qu’il ne fait plus bon y vivre pour l’étranger…
Ces écueils énumérés, Tunisie, rêves de partage se laisse lire comme une série de récits d’auteurs, reproduits dans leur intégralité, obéissant en définitive à la logique de leur propre narration, sans qu’il soit question de livrer un message à tout prix. L’on peut picorer dans quelques textes, faire un bout de chemin avec un ou deux écrivains de talent. Mais une chose est sûre : Guy Dugas s’est fait plaisir avec une sélection qui suit ses inclinaisons personnelles. Ce n’est pas forcément la condition d’un vrai partage.
(Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)
ALGÉRIE
Fermeture de 42 écoles francophones
La police algérienne a procédé, dimanche 26 février à la fermeture de 42 écoles privées francophones dans plusieurs localités, pour «déviation linguistique».
Cette opération est en fait l’application d’une ordonnance présidentielle qui exige d’enseigner «obligatoirement en langue arabe dans toutes les disciplines et à tous les niveaux (…)».
Il y a une année, le président Boutaflika avait même averti que «toute institution privée qui n’accorde pas une priorité absolue à la langue arabe est appelée à disparaître».
Depuis octobre 1988, date à laquelle les premières écoles privées ont été créées, l’Algérie compte une centaine d’établissements de ce type et plus de 25 mille élèves.
(Source : « Tunis Hebdo » du 6 mars 2006)
Maroc
Guerre virtuelle contre les islamistes
Guerre virtuelle sur l’Internet : www.yassine.net contre www.khorafa.org . Le premier est le site d’Al-Adl wal Ihsan (Justice et bienfaisance) que dirige le cheikh Abdessalam Yassine.
Se tenant en dehors des institutions, toléré, ce mouvement mystico-politique s’est distingué l’année dernière en diffusant des rêves ou plus exactement des « visions » mettant en scène le prophète Mohammed. L’une de ces visions, révélée au cheikh lui-même, a un caractère apocalyptique : elle « annonce » rien de moins que l’invasion du Maroc par l’Espagne, l’effondrement de la monarchie chérifienne, l’organisation de la résistance par les troupes d’Al-Adl et la restauration finale du califat.
Ce sont ces visions que le second site critique. D’emblée, il annonce la couleur puisque khorafa signifie « conte, mythe »… Les articles, signés, sont visiblement écrits par des oulémas qui connaissent leur affaire et qui entendent combattre le cheikh Yassine, versets coraniques et hadiths à l’appui, sur son propre terrain.
Selon toute vraisemblance, les autorités, qui prennent au sérieux les « visions » d’Al-Adl, ont décidé d’allumer des contre-feux idéologiques dans l’espoir de faire l’économie d’une confrontation violente avec les illuminés yassiniens.
(Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)
Kaddafi libère les “Frères”
par CHERIF OUAZANI
Mouammar Kaddafi a, le 2 mars, à l’occasion du 29e anniversaire de l’instauration de la Jamahiriya, libéré une partie des prisonniers politiques libyens : quatre-vingt-quatre islamistes proches des Frères musulmans. Le 25 janvier, l’organisation humanitaire Human Rights Watch estimait le nombre des détenus d’opinion en Libye, toutes tendances confondues, à 132. Quelques jours auparavant, les autorités tunisiennes avaient libéré plus de 1 600 prisonniers, parmi lesquels plusieurs dizaines d’islamistes (voir pp. 44-45). En Algérie, plus de 2 000 islamistes ont déjà bénéficié de la Charte de paix et de réconciliation, dont les décrets d’application ont été promulgués le 1er mars (voir ?pp. 46-47), et ont été élargis. Curieuse coïncidence.
La décision du « Guide » libyen est en revanche une sorte de pied de nez à l’adresse de Hosni Moubarak, qui se trouvait à Tripoli le 28 février pour une visite éclair : on sait que le raïs s’efforce, plutôt mal que bien, de juguler la montée en puissance des Frères musulmans égyptiens… Mahdi Akef, leur chef, s’est d’ailleurs empressé de saluer la clémence kaddafienne.
Les 84 ex-détenus étaient en prison depuis 1998. Ils avaient été arrêtés, à Benghazi, avec quelques dizaines d’étudiants et de membres des professions libérales (152 interpellations, au total), accusés d’appartenance à un parti politique (ce qui, selon la loi libyenne, équivaut à un crime de haute trahison), en l’occurrence El-Jamaa el-Islamiya el-Libya, la section libyenne des Frères musulmans. En 2002, ils avaient été jugés par une juridiction spéciale aujourd’hui dissoute. Deux d’entre eux avaient été condamnés à la peine capitale, soixante-treize à la réclusion criminelle à perpétuité et neuf à une peine de dix années de réclusion.
La subite mansuétude de Kaddafi répond, bien sûr, à un calcul politique. Contrairement aux djihadistes (aucun détenu soupçonné d’appartenir à cette mouvance n’a été élargi), les « Frères » sont partisans d’une action pacifique, voire d’une certaine passivité politique : ils s’efforcent d’islamiser la société à la base. Elle coïncide par ailleurs avec une intensification des pressions internationales sur la Libye, accusée de se soucier comme d’une guigne des droits de l’homme et des libertés publiques. Échaudé par le sort réservé à Saddam Hussein, Kaddafi ne sait plus quoi faire pour s’attirer les faveurs des dirigeants occidentaux, notamment américains.
(Source : Jeune Afrique N°2356 du 5 au 11 mars 2006)