TUNISNEWS
7 ème année, N° 2176 du 07.05.2006
Vérité-Action: Appel pour sauver la vie des prisonniers politiques TUNISIE VERTE: Activités au congrés des verts européens á Helsinki Mansour Ben Yahya: Les évènements du 08 mai 1991,15 ans Kamel Labidi: Des journalistes sans protection
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Appel pour sauver la vie des prisonniers politiques
L’état de santé de plusieurs prisonniers politiques tunisiens s’aggrave de jour en jour. Dans des conditions de détention très hostile selon les organisations nationales et internationales, et avec un manque de soin à temps, beaucoup de prisonniers sont infectés de maladies graves (cancer, asthme, diabète, …).
Les autorités tunisiennes ont pris l’habitude de libérer les prisonniers souffrant de maladies grave lorsqu’ils arrivent à la dernière phase, avec impossibilité de guérison, les livrant à leur sort et se débarrassant des coûts de leurs soins.
M. Hachemi Mekki, libéré depuis un mois après qu’il ait purgé 15 ans de prison, souffre d’un cancer de poumon. Il est informé par ses médecins qu’il est en phase finale et qu’ils ne peuvent rien pour lui. Me Mohamed Nouri, président de l’association internationale de soutien des prisonniers politiques en Tunisie (AISPP), Me Samir Dilou membre de l’AISPP et du collectif du 18 octobre lui rendaient visite le vendredi 05 mai 2006, lorsque la police les a poursuivi et violenté leur guide M. Fawzi Sadkawi.
Des nouvelles de M. Habib Ellouz, leader du mouvement Nahdha, non reconnu, prisonnier depuis plus de 15 ans, s’alarment de son état de santé. M. Ellouz souffre de diabète, et d’une chute de vision. Dernièrement, il a perdu la vue d’un œil, le deuxième est sur le point d’être perdu. Aucune initiative pour soigner M. Ellouz n’a été faite par les autorités malgré les grèves de la faim interminables que ce dernier a faite, et malgré les appels continuels des avocats et militants des droits de l’homme en Tunisie et à l’étranger pour que le droit aux soins soit garanti.
L’état de santé de M. Fethi Issaoui est aussi très préoccupant. Il souffre d’un cancer des voies respiratoires. Les médecins ont demandé de le faire opérer depuis 9 ans, sans que les autorités pénitentiaires et politiques acceptent malgré les demandes répétitives de sa famille et des organisations de défense des droits de l’homme. Les conditions de détention ont aggravé l’état de santé de M. Issaoui.
De nombreuses autres maladies et infections rendent les conditions d’incarcération des prisonniers politiques inhumaines. Le cas de MM Hamadi Ben Abdelmalek et M.Chedli Mahfoudh souffrant d’infections épidermiques, l’état de santé détérioré de M. Mohamed Akrout suite à ses grèves de la faim, et bien d’autres cas alarmants.
Vérité-Action exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits. Elle dénonce l’attitude négligente et préméditée des autorités tunisiennes vis-à-vis de ces “otages”. La politique de la mort lente exercée contre eux est une pratique sans précédent qui nécessite des organisations et des instances internationales une plus grande mobilisation et dénonciation.
Ainsi, nous appelons, les ONGs de défense des droits de l’homme et les instances internationales spécialisées en la matière à exiger des autorités tunisiennes :
- La cessation de cette destruction systématique de la personne humaine infligée aux prisonniers politiques tunisiens.
- La libération de M. Ellouz, M. Issaoui et tous les autres prisonniers politiques pour qu’ils puissent se soigner correctement.
- D’assurer les soins à tous les prisonniers selon les conventions internationales ratifiées par la Tunisi
Vérité-Action, rappelle que d’autres cas de prisonniers politiques morts en prison ou juste après leurs libérations, ont été enregistrés en Tunisie lors de la dernière décennie. A part la torture, le manque de soin et la négligence des autorités pénitentiaires sont des facteurs essentiels dans ces cas de décès. Rappelons le cas du leader estudiantin Lotfi Idoudi, du professeur Lazhar Noaman, et d’autres.
Fribourg, le 08 mai 2006 Vérité-Action Mansour Ben Yahya Service de l’information info@verite-action.org Source: http://www.verite-action.org
Activités au congrés des verts européens á Helsinki
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RECHERCHES DE MANUSCRITS SUR LE MONDE ARABE
Le Centre d’études et de recherches arabes (CERA) à Genève cherche des manuscrits pertinents et critiques analysant les aspects politiques, économiques, sociaux et culturels du monde arabe (ou de chacun de ses pays), afin de les publier.
Pour toutes informations s’adresser à :
CERA, case postale 398
1211 Genève 4
Suisse
E-mail : Houcine.ghali @bluewin.ch
Les évènements du 08 mai 1991,
15 ans après
Le 08 mai 1991, restera très certainement le jour le plus meurtrier de l’histoire de l’université tunisienne.
Cette date marqua un tournant dans la vie estudiantine tunisienne. Rien ne sera plus jamais comme avant, après ce jour noir.
Des forces de la police tunisienne, armés, décidés à tuer, avaient pris d’assaut les universités tunisiennes de Bizerte à Sfax, sachant que Gabes avait son jour noir le 02 mai déjà.
Contre les manifestations pacifiques des étudiants réclamant le départ des forces de la police aux universités, la réponse été des tirs dans tous les sens, visant à tuer le maximum d’une jeunesse aspirant à une vraie vie démocratique.
Ce jour là tomba, Adnane Ben Said, Ahmed Amri et Mabrouk Zemzemi respectivement à la faculté des sciences de Tunis, à l’école d’ingénieurs de Tunis et à la faculté des sciences de Monastir. D’autres militants étaient gravement blessés. Boubaker Gallali, a reçu une balle dans un œil. Il reste le martyr vivant de cette journée meurtrière.
Dés lors, un acharnement contre les étudiants a commencé. Arrestations, tortures allant jusqu’à la mort comme le cas de Amer Deggachi. Suivis, les années de prison dans des conditions inhumaines, pendant lesquelles succomba d’autres militants parmi lesquels le membre du bureau exécutif de l’union générale tunisienne des étudiants (UGTE) Lotfi Idoudi.
Des leaders du mouvement estudiantin ont payés très cher leurs engagements. Abdelkarim Harouni, Ajmi ourimi alias « Haythem », Abdellatif Mekki, et d’autres ont payé et continuent de le faire.
Quelques questions surgissent, à cette occasion, sur cette période allant des début des années 80 jusqu’au 08 mai 1991.
Quand est ce qu’on fera l’étude critique de cette époque, de ces succès, de ces échecs ? Qui se chargera d’écrire l’histoire de cette époque ? N’est il devoir de tous les acteurs de donner leurs points de vues, leurs critiques, leurs analyses pour que cette période phare du militantisme estudiantin soit découvert par les nouvelles générations d’étudiants ?
L’expérience politique, syndicale et culturelle été très riche. Une lecture de cette expérience ne peut être que bénéfique pour le pays.
Mansour Ben Yahya / Suisse
Opposant exilé, ancien membre du comité administratif de l’UGTE
Des journalistes sans protection
Kamel Labidi (*)
L’hostilité des gouvernants arabes à la liberté d’__expression a atteint ces dernières années des proportions telles que Mohamed Talbi, ancien doyen de la faculté des lettres de Tunis et un des intellectuels arabes les plus engagés aussi bien contre les abus des émirs et présidents à vie que contre les imams partisans d’une lecture rigoriste de l’islam, a déclaré que l’élite des avocats et journalistes tunisiens avait plus de liberté sous le Protectorat français qu’aujourd’hui. Ce constat, fait par un historien octogénaire aux antipodes des nostalgiques de la colonisation, peut s’appliquer à d’autres pays arabes.
L’assassinat de Samir Kassir et de Gebran Tueni, du journal libanais An-Nahar, l’un des quotidiens arabes les plus respectueux de l’éthique de la profession, et la tentative d’assassinat de l’animatrice de télévision May Chidiac, à Beyrouth, sont venus rappeler que, même au Liban où la presse est moins enchaînée que dans la plupart des pays « frères », les journalistes risquent la mort s’ils dépassent, aux yeux des gouvernants, certaines « limites ».
Pour avoir osé les dépasser en collaborant à des journaux en ligne animés par des opposants libyens en exil, Dhayf Al Ghazal a été kidnappé, puis assassiné. Le hasard a voulu que son corps soit retrouvé, mutilé, ce même 2 juin 2005, jour où celui de Samir Kassir, qui figurait sur la liste des ennemis des chefs de services de sécurité libanais et de leurs alliés syriens, a été déchiqueté par une bombe.
Les intellectuels et journalistes arabes assoiffés de liberté ne peuvent prendre au sérieux les discours sur la nécessité de démocratiser le monde arabe et de protéger la liberté d’__expression que ressassent depuis environ trois ans des dirigeants occidentaux et notamment le président Bush, tant que les assassins des journalistes au Liban, en Libye, en Algérie et en Irak demeurent en liberté.
La poursuite, partout dans le monde arabe, de la sale guerre contre des journalistes et des défenseurs des droits humains, dont plusieurs sont actuellement en prison, est de nature à porter un coup dur aux chances d’une démocratisation authentique. Le cas le plus emblématique est celui de l’avocat tunisien Mohamed Abbou, torturé sauvagement pour avoir critiqué le régime du général Ben Ali.
Toutes ces dérives ont contribué énormément à la détérioration de la qualité de l’enseignement et au développement de courants islamistes ultraconservateurs farouchement opposés à la liberté d’__expression. Elles ont aussi eu pour conséquence un rapprochement périlleux pour les dictatures arabes entre les victimes d’obédience islamiste et celles issues de la gauche.
(*) Journaliste tunisien, conseiller auprès de deux organisations de défense des journalistes (Ifex et CPJ).
(Source : « La Croix » (France), le 28 avril 2006)