TUNISNEWS
6 ème année, N° 2139 du 31.03.2006
Solidarité Tunisienne: La Famille Ben Salem privée de droits de citoyenneté les plus élémentaires!!! OMCT+FIDH: La situation de Me Mohamed Abbou s’aggrave
Centre de Tunis pour l’independance de la justice : Communiqué Comité international de soutien aux internautes de Zarzis: Zarzis une prison à ciel ouvert Tunisie Verte: Communiqué : Rencontre des sénateurs suédois Le Temps: Négociations sociales: Tunisie-Télécom: Des révisions salariales favorisées par une conjonction d’éléments AFP: Tunisie Telecom: Tecom-Dig déclaré officiellement vainqueur AP: Privatisation de Tunisie Télécom: Tecom-Dubai “partenaire stratégique” Sapo: La bureaucratie empêche un citoyen portugais de sortir de Tunisie O.F: Le régime de ben ali fait vraiment pitié Sami Ben Abdallah: ” Les masques ” de nouveau – A propos de la liberté d’_expression et de la vie privée Houcine Ghali: Lecons democratiques suisses offertes aux tunisiens
Fondation Temimi: Séminaire Sur le planning familial en Tunisie à ses débuts Kamel Labidi: Amnesia is the price of Algerian peace and reconciliation
AFP: Réunion des chefs de la diplomatie de l’UMA en mai à Tripoli (Belkhadem) AFP: Rice accuse les régimes autoritaires arabes de nourrir le terrorisme AP: Pression internationale et boycotts après la prise de fonctions du Hamas AFP: Jaruzelski inculpé pour avoir instauré la loi martiale en Pologne AFP: Le fil des araignées fait d’une soie qui les empêche de tournoyer (Nature) « Der Bund » (Suisse): Nach diplomatischer Krise mit Bundes bern zelebrierte Tunesien gestern Abend eitel Minne
Le Temps (Suisse): Le silence du soufi Le Monde : Un lourd climat de guerre civile sur fond de terreur s’installe en Irak
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La Famille Ben Salem: Privée de droits de citoyenneté les plus élémentaires!!!
La situation de Me Mohamed Abbou s’aggrave
Comité international de soutien aux internautes de Zarzis
Présidente : Hélène Flautre, Parlementaire européen
Site : www.zarzis.org
Communiqué
Les internautes sous contrôle administratif.
Zarzis une prison à ciel ouvert
Libérés le 27 février dernier après trois ans de détention, les internautes de Zarzis sont depuis cette
date l’objet de persécutions tant policières qu’administratives. La dernière en date est la
confirmation de leur assignation à résidence pendant 10 ans, soit le temps qu’il leur restait à passer en prison, assortie de 5 ans de contrôles administratifs.
Ainsi les actes d’accusation, qui les ont conduit à une condamnation de 13 ans de prison, lors de procès dont l’impartialité a été remise en cause par les avocats et les ONG internationales, sont maintenus.
Ils ont été libérés mais sont toujours considérés comme coupables aux yeux de l’administration et des services de Police.
Aux dernières violences contre Abdelghaffar Guiza se sont succédés les obstacles mis par l’administration tunisienne à leur liberté de circulation hors de la ville de Zarzis. Comment Abdelghaffar Guiza, atteint d’une tuberculose, va-t-il pouvoir accéder aux soins que nécessite son état ? Comment Omar Chlendi pourra t’il rejoindre sa famille en France ou au Portugal et Aymen Mcharek la sienne en Allemagne ?
Nous rappelons que MAHROUG Hamza, BEL HAJJ IBRAHIM Ridha, GUIZA Abdelghaffar, RACHED Omar, MCHAREK Aymen et CHLENDI Omar sont innocents, que leurs seuls crimes est d’avoir surfé sur Internet et nous exigeons donc que leur soient restitués tous les droits dont ils ont été privés et en particulier la liberté de circuler en toute liberté.
Paris, le 30 mars 2006
Le Comité de Soutien
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Documents et traductions
Les internautes sous contrôle administratif.
République Tunisienne
Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme
Administration générale des Prisons et de la Rééducation
Carte de Sortie de Prison
Prison civile : Borj El Amri
Numéro d’écrou : 23456
Prénom et Nom : Omar Farouk Mohammed Ali Chlendi
Nom de la mère : Térésa Dayésou
Date de naissance : 18.11.1982
Adresse : Avenue du 5 décembre, Zarzis, Médenine
Numéro de l’affaire : 6623/4994
Jugement : illisible
Début de la peine : 26.02.2003
Motif et date de libération : à titre conditionnel en vertu d’une décision prise par le ministre de la
Justice, le 27 Février 2006
Borj El Amri, le 27 février 2006
Le directeur de la prison civile, le (illisible)
Signature : illisible
Tampon rond : illisible
Remarque : il ne sera délivré qu’un seul exemplaire de cette carte
Tampon rectangulaire : (illisible) Zarzis Première circonscription
Copie conforme à l’original
Somme perçue : 1500
Numéro d’enregistrement : 1663
Tampon rectangulaire : Pour le Maire Signature :Kamila Maid
Signature : illisible
Tampon rond : illisible
(Traduit de l’arabe à partir d’une photocopie, LT)
Ministère de l’Intérieur et du Développement Local
Décision de contrôle administratif N°17583
Le Ministre de l’Intérieur et du Développement Local En vertu Des articles 23 et 24 du Code Pénal Du décret n°1244 de l’année 1984 du 20.10.1984 Du jugement prononcé par la Cour d’Appel de Tunis le 6 juillet 2004 contre le dénommé « Omar Farouk Mohammed Ali Chlendi, le condamnant à une peine d’emprisonnement de 13 ans et au contrôle administratif pour une durée de cinq ans, dans l’affaire n°2003/6623/11/4994.
Décide
Article 1 : Le susmentionné qui a bénéficié d’une libération conditionnelle le 27/02/2006 de la prison de Borj El Amri où il était écroué sous le matricule n°23456 doit résider avenue du 5 décembre, Zarzis, Médenine, jusqu’à la fin de sa peine complémentaire.
Article 2 : Le Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur et du Développement Local, en charge de la Sûreté Nationale et le directeur Général en chef de la Garde Nationale, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’application de cette décision.
Tampon rectangulaire : Le Directeur Général des Prisons et de la Rééducation Kabil Kabouss Signature : illisible
Tampon rectangulaire : Tunis, le 9 mars 2006 Le ministre de l’Intérieur et du développement local Rafik Bel Hajj Kacem Signature : illisible
Tampon rond : République tunisienne Ministère de l’Intérieur et du Développement Local
Tampon rectangulaire : Copie conforme à l’original
(traduction de l’arabe à partir d’une photocopie, LT)
République Tunisienne Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme
DECISION
Le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme
En vertu du Code de Procédure Pénale, notamment ses articles 353 à 360 En vertu de la loi n°73 de l’année 2001 du 11/07/2001, amendant les articles 56 et 359 du
Code de Procédure Pénale, En vertu du décret n°86 de l’année 1969 du 12 mars 1969, réglementant la procédure de la libération conditionnelle par le décret n°505 de l’année 1973 du 30 octobre 1973 En vertu de la proposition de la commission des libertés conditionnelles de libérer 6 prisonniers En vertu de la décision collective de libération conditionnelle du 27/02/2006
DECIDE
Article 1 : d’accorder une libération conditionnelle au dénommé « Omar Farouk Mohammed Ali Chlendi » dans le cadre de la libération collective précitée sous le numéro 04 et détenu actuellement à la prison civile de Borj El Amri sous le matricule 23456, condamné à 13 ans d’emprisonnement en vertu d’un jugement prononcé par la Cour d’Appel de Tunis le 06/07/2004, et qui a commencé sa peine le 26/02/2003
Article 2 : La libération conditionnelle de l’intéressé prend effet le 27/02/2000
Article 3 : Une carte de libération conditionnelle est remise à l’intéressé après qu’il ait été informé de cette décision et qu’il lui en été fait lecture. Son lieu de résidence est fixé au domicile : Du dénommé « Mohammed Ben Ali Ben El Hajj Ahmed Chlendi » sis rue du 5 décembre à Zarzis, Médenine jusqu’à la date du 23/02/2016, date de la peine à laquelle il a été condamné, et il ne peut le quitter que sur autorisation expresse du directeur général des prisons et de la rééducation.
Article 4 : Le directeur général des prisons et de la rééducation est chargé de l’exécution de cette décision.
Tampon rectangulaire Copie conforme à l’original Le directeur général des prisons et de la rééducation Nabil Kabouss
Tampon rond : Illisible
Tampon rectangulaire : Tunis, le….
Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme
(traduction de l’arabe à partir d’une photocopie, LT)
Communiqué : Rencontre des sénateurs suédois :
Négociations sociales: Tunisie-Télécom
Des révisions salariales favorisées par une conjonction d’éléments
La manne providentielle
Tunisie Télécom a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. La cession des 35 % du capital de l’entreprise constitue le marché du siècle avec plus de trois milliards de dinars. Cette ouverture du capital, et les perspectives d’un partenariat stratégique avec les ténors des télécommunications dans le monde, exigent la mise à niveau des ressources humaines.
C’est ce qui explique les résultats flatteurs du dernier round des négociations sociales dans ce secteur. Pourtant, on craignait le pire au départ, notamment avec l’exécution d’une grève d’un jour et l’annonce d’une deuxième, de deux jours, qui était prévue les 28 et 29 mars. Mais, c’est finalement la raison qui l’a emporté, aidée, il est vrai, par les effets prometteurs de la 1ère phase de l’ouverture des plis de l’appel d’offres international pour la cession des 35 % du capital de l’entreprise.
Les offres dégagent un sensible écart positif relativement aux prévisions initiales. La direction générale avait les mains plus dégagées et pouvait mieux répondre aux doléances de la fédération syndicale représentant le personnel. Ainsi, les deux parties sont parvenues à l’accord de mardi dernier, qui fait bénéficier chaque agent d’augmentations des salaires similaires à celles du dernier triennat (2002-2005).
En plus, il obtient 40 dinars de prime de restauration, mensuellement, 400 impulsions téléphoniques, trimestriellement. La prime de rendement passe du barême de la fonction publique à deux salaires, soit une augmentation de plus de 250 %. La prime de recouvrement est passé de 1340 dinars à 1480 dinars. A part les effets pécuniaires, la promotion et l’ouverture des horizons professionnelles n’ont pas été laissées pour compte. 2 % de la masse globale des salaires leur seront affectées, soit près de deux milliards.
D’autre part, il a été convenu que les divers avantages, à caractère social, tels les prêts, l’indemnité de “mouton”… s’attribuent par agent, en dehors de toute considération de liaison familiale.
Satisfaction mutuelle
Le Président Directeur Général de Tunisie Télécom, Ahmed Mahjoub et le secrétaire général de la fédération des postes et des télécommunications de l’UGTT, Mohamed Belhaj, ont exprimé leur satisfaction quant à l’accord réalisé. “La promotion des ressources humaines fait partie intégrante de l’essor de toute entreprise, c’est un élément déterminant pour le développement”, selon Ahmed Mahjoub. Quant à Mohamed Belhaj, il considère que : “c’est un pas en avant dans l’amélioration de la situation des employés de Tunisie Télécom. Espérons un même sort pour leurs collègues, les postiers.”
Mourad SELLAMI
(Source : « Le Temps » du 31 mars 2006)
Tunisie Telecom: Tecom-Dig déclaré officiellement vainqueur
AFP, le 30.03.2006 à 19h34
TUNIS, 30 mars 2006 (AFP) – Le groupe de Dubai Tecom-Dig a été déclaré officiellement vainqueur de l’appel d’offre pour le rachat de 35% de Tunisie Telecom, annonce vendredi un communiqué du ministère des Technologies de la communication publié à Tunis.
Tecom-Dig avait présenté jeudi une offre améliorée de 1,893 milliard d’euros, supérieure à celle du français Vivendi Universal (VU) (1,712 milliard d’euros), lors de la phase finale de la plus importante opération de privatisation effectuée à ce jour en Tunisie.
“Compte tenu de ce classement et conformément au règlement de l’appel d’offres, Tecom-Dig a été retenu comme partenaire stratégique”, a annoncé le communiqué.
Le gouvernement avait indiqué jeudi qu’il notifierait la décision finale dans un délai de 72 heures, après la “vérification de la conformité de l’offre financière avec les dispositions du cahier des charges”.
VU avait présenté la meilleure offre lors du premier tour, la semaine dernière, proposant 1,503 milliard d’euros, devant Tecom-Dig (1,464 milliard d’euros).
Le groupe de Dubai a ainsi amélioré de 429 millions euros sa première offre, contre 209 millions d’euros additionnels pour VU.
Le consortium italo-saoudien (Telecom Italia et Saudi Oger), France Telecom, l’Emirati Etisalet et le Sud-africain Mobil Telephone Networks avaient été exclus au premier tour avec des offres entre 1,3 et 1,169 milliard d’euros.
Créé en 1995, Tunisie Telecom compte 1,2 million d’abonnés au réseau fixe et plus de 2,5 millions d’abonnés à son réseau mobile. Il partage le marché national avec un seul opérateur GSM, Tunisiana (2 millions d’abonnés) et a réalisé en 2004 un bénéfice net de 161 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 710 millions d’euros.
Privatisation de Tunisie Télécom: Tecom-Dubai “partenaire stratégique”
Associated Press, le 30.03.2006 à 21h20
TUNIS (AP) — Tecom-Dubaï Investment Group (Tecom-DIG) a été retenu comme “partenaire stratégique” de Tunisie Télécom (TT), ont annoncé les autorités jeudi soir à Tunis. Le groupe du Golfe avait remporté la veille le marché portant sur la cession de 35% du capital de l’opérateur public tunisien face à Vivendi Universal (VU).
Il a fait une offre d’un montant de 3,052 milliards de dinars tunisiens (1,85 milliard d’euros), devançant le groupe français qui offrait 2,760 milliards de dinars (1,68 md d’euros).
Compte tenu de ce classement et “conformément au règlement de l’appel d’offres, Tecom-DIG a été retenu comme partenaire stratégique”, indique le communiqué du ministère tunisien des technologies de la communication qui a chapeauté l’opération considérée à Tunis comme étant la “transaction du siècle”.
En effet, selon certaines sources, la cession partielle du capital de TT rapporterait à elle seule plus que les 190 privatisations opérées durant les vingt dernières années. Le montant acquis équivaut au quart du budget de l’Etat tunisien.
Selon le journal Achourouk, Tecom-Dubaï appartient au prince héritier Mohamed Ben Rached Al Maktoum. Celui-ci est actuellement gouverneur de l’émirat de Dubaï et président du conseil des ministres des Emirats arabes unis (EAU).
A la faveur de cette entrée en force dans le marché tunisien, les Emirats se positionnent désormais en tête des investisseurs arabes, détrônant le Koweït et l’Arabie saoudite.
L’opérateur public TT, unique fournisseur de services de téléphonie fixe en Tunisie mais qui partage le marché de la téléphonie mobile avec un opérateur privé, Tunisiana, compte 1,2 million d’abonnés au réseau fixe et plus de 2,5 millions à un réseau mobile en pleine expansion.
Associated Press
La bureaucratie empêche un citoyen portugais de sortir de Tunisie L’affaire des internautes de Zarzis
Le régime de ben ali fait vraiment pitié.
” Les masques ” de nouveau :
A propos de la liberté d’_expression et de la vie privée
LECONS DEMOCRATIQUES SUISSES OFFERTES AUX TUNISIENS
Sur le planning familial en Tunisie à ses débuts
le Samedi, 25 mars 2006 à 9hAmnesia is the price of Algerian peace and reconciliation
Algerian President Abdel-Aziz Bouteflika’s decree implementing the Charter for Peace and National Reconciliation at the end of February was a blunt reminder that the culture of opacity, impunity and injustice remains deeply embedded in the minds of many Arab rulers.
Indeed, the full text of the new legislation was not revealed to the public before its approval on February 27 by the Algerian Cabinet. It was hastily endorsed while Parliament was not in session and as the beleaguered independent press faced mounting pressure, with at least 20 journalists sentenced to prison terms in the last two years.
The latest victim of this “systematic policy of repression of the rare remaining independent voices,” as Nadir Benseba of the Brussels-based International Federation of Journalists put it, was Hakim Lalam of the daily Le Soir. The confirmation on March 7 by a court of appeals in Algiers of a six-month prison sentence handed down to the journalist for defaming Bouteflika sheds more light on the alarming circumstances surrounding the approval and implementation of the peace and reconciliation charter.
According to a joint statement by Amnesty International, Human Rights Watch, the International Center for Transitional Justice, and the International Federation for Human Rights, the charter “will consecrate impunity for crimes under international law and other human rights abuses, and even muzzle open debate by criminalizing public discussion about the nation’s decade-long conflict.”
When Bouteflika came to power seven years ago, many hoped that the president, who did not stage a coup d’etat or inherit power from his father like most of his Arab counterparts, would turn the page on the civil conflict of the 1990s that claimed more than 200,000 lives. (The government recently acknowledged, for the first time, that its forces killed 17,000 Islamist rebels during the conflict.) Unfortunately, Bouteflika’s decree on implementing the peace and reconciliation charter intensified his ongoing war of attrition against independent journalism and is proof that he has more in common with Arab autocrats than meets the eye.
Under the decree, journalists and victims of gross human rights abuses and their families who comment on the responsibility of the security forces for past killings and “disappearances,” or call for truth and justice, may be punished by three to five years’ in prison and a fine equivalent to between $3,000 and $7,000. This legislation, which violates international norms of freedom of _expression, threatens anyone who “uses or exploits the wounds of the national tragedy (the internal conflict of the 1990s) to harm [state] institutions,” which are increasingly dominated by Bouteflika. It also contains provisions similar to most Arab press laws, warning journalists against attempts “to weaken the state, or to undermine the good reputation of its agents” or to tarnish the image of the regime.
Bouteflika has turned a deaf ear to the voices of thousands of parents and relatives still mourning the death or the disappearance of their loved ones. They have asked for full and independent investigations of these crimes. http://www.dailystar.com.lb
I will always remember the pain on the faces of the parents of Aziz Bouabdellah and the deep sadness in the eyes of the wife of Jamaleddine Fahassi, when we met in October 1998 during a fact-finding mission to Algeria led by the New York-based Committee to Protect Journalists. Fahassi and Bouabdellah, two journalists, are widely believed to have been abducted by Algerian security forces in the mid-1990s.
Bouteflika granted amnesty to the security forces and state-armed militias responsible for extra-judicial killings and the disappearance of thousands of Algerians, including Bouabdellah and Fahassi. Armed Islamist groups involved in the massacre of innocent civilians were also amnestied and exempted from prosecution for human rights abuses.
Unlike, for example, Nelson Mandela in South Africa, Bouteflika denies Algerians the right to truth and justice, which are essential keys to lasting peace and national reconciliation. The South African Truth and Reconciliation Commission, established after the end of apartheid, provided a forum for victims of abuse to be heard, and for the perpetrators of violence to testify in exchange for amnesty from prosecution. The hearings, which were covered by local and international media, helped South Africa heal its deep wounds, and in only a few years make significant steps toward democracy and the rule of law.
Moncef Marzouki, a Tunisian democracy advocate who traveled to South Africa to learn about its reconciliation process, has observed: “There are four conditions for the success of national reconciliation: you need genuine political will, expressed by a general amnesty law, passed by a parliament representing different political forces; you also need highly respected figures like Desmond Tutu, to back the reconciliation process. Then you need the presence of the perpetrators of violence who should publicly acknowledge their crimes and ask for amnesty. Last, full reparation for the victims or their families should be guaranteed.”
The tragedy of Algeria and much of the Arab world is that no Mandelas can be found. Most Arab leaders seem so enmeshed in serious human rights violations and abuse of power that they, naturally, fear the outcome of a national reconciliation process. They pay lip service to reform and their occasional release of political prisoners seems mainly aimed at satisfying critics in the West. What has resulted is a swath of political systems based on deep amnesia, and the covering up of crimes.
Kamel Labidi is a Cairo-based freelance journalist. He wrote this commentary for THE DAILY STAR.
Rice accuse les régimes autoritaires arabes de nourrir le terrorisme
AFP, le 31.03.2006 à 14h17
BLACKBURN (Royaume-Uni), 31 mars 2006 (AFP) – Le chef de la diplomatie américaine Condoleezza Rice a accusé vendredi les régimes autoritaires arabes de nourrir le terrorisme, dans un discours prononcé lors d’une visite à Blackburn (nord-ouest de l’Angleterre).
“Qui, aujourd’hui, pourrait honnêtement défendre l’autoritarisme arabe qui crée un tel désespoir qu’il nourrit une idéologie de haine menant des gens à entourer leur corps de bombes et à se jeter dans des immeubles aux commandes d’avions ?”, a interrogé Mme Rice au détour d’un éloge de la démocratie libérale.
La secrétaire d’Etat s’exprimait à l’invitation de l’institut de politique étrangère Chatham House et de la BBC, et dans le cadre de sa visite à son homologue britannique Jack Straw, élu de Blackburn.
Elle a rappelé que “pendant des décennies, les régimes autoritaires (du Moyen-Orient) ont complètement verrouillé l’espace politique dans leurs pays” et qu’il était nécessaire de changer ce statu quo: “Certains critiques semblent penser que notre soutien aux réformes démocratiques dérange, (…) mais le vieux statu quo était instable”.
Les critiques “ont du mal à imaginer comment le processus de réformes pourra progresser au Moyen-Orient”, a insisté Mme Rice: “Laissez-moi vous dire qu’il ne progressera pas sans que les citoyens deviennent libres d’exprimer leurs choix”.
Selon la secrétaire d’Etat américaine, l’Irak et le reste du monde arabe ne sont pas condamnés à cet “autoritarisme” et vivent les prémisses d’une culture démocratique.
A Bagdad, “nous voyons les premiers contours d’une culture démocratique (…) et avec le temps, de durs efforts et notre soutien résolu, les Irakiens vont renforcer leur fragile culture démocratique et au bout du compte, dans plusieurs décennies, les gens jugeront la démocratie acquise”, a-t-elle plaidé.
A l’appui de sa démonstration, Mme Rice a évoqué l’évolution de sa propre ville, Birmingham, la capitale de l’Alabama, passée en cinquante ans, selon elle, du statut de ville fermée, violente et gangrenée par le racisme à celui de métropole moderne et ouverte.
“Nous autres, Américains et Britanniques, tenons maintenant nos cultures démocratiques pour acquises”, a-t-elle poursuivi: “Un jour, les gens de Bagdad, de Beyrouth, du Caire et, oui, de Téhéran pourront dire la même chose de leurs grandes villes”.
“Ils se souviendront”, a-t-elle conclu, “des autres démocraties qui, comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis et des dizaines d’autres, se sont tenues à leurs côtés quand ils en ont eu besoin”.
Réunion des chefs de la diplomatie de l’UMA en mai à Tripoli (Belkhadem)
AFP, le 30.03.2006 à 19h36
ALGER, 30 mars 2006 (AFP) – Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) se réuniront en mai à Tripoli pour relancer l’action maghrébine, a annoncé jeudi à Alger Abdelaziz Belkhadem, ministre d’Etat, représentant personnel du chef de l’Etat algérien.
Cette réunion a été décidée lors d’une rencontre des représentants des cinq pays de l’UMA (Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc, Tunisie), en marge du sommet de la Ligue arabe, qui vient de se tenir à Khartoum, a déclaré M. Belkhadem à la télévision nationale.
Un consensus s’est dégagé lors de cette réunion sur la “nécessité” de redynamiser l’action maghrébine, a ajouté le ministre, ayant participé au sommet de Khartoum.
Le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, avait réitéré récemment “la disponibilité de l’Algérie pour relancer la machinerie maghrébine”.
Fondée par le Traité de Marrakech (Maroc) le 17 février 1989, l’UMA vise à construire un Maghreb uni sur les plans politique et économique, mais son action est paralysée depuis plus de dix ans, notamment en raison du différend algéro-marocain sur le Sahara occidental.
Pression internationale et boycotts après la prise de fonctions du Hamas
Par Mehdi LEBOUACHERA
AFP, le 30.03.2006 à 19h53
GAZA, 30 mars 2006 (AFP) – Le gouvernement du Hamas, à peine entré en fonctions jeudi, a été menacé par le Quartette pour le Proche-Orient d’un arrêt des aides directes, que les Etats-Unis et le Canada ont déjà suspendues.
“Le Quartette (Union européenne, Etats-Unis, Russie, Onu) a répété son point de vue selon lequel l’aide future à tout nouveau gouvernement sera réévaluée sans (son) engagement” à reconnaître Israël, les accords signés avec lui et l’abandon de la violence armée, a indiqué un communiqué à Bruxelles.
Les pays du Quartette ont convenu “qu’inévitablement il y aura des conséquences sur l’aide directe au gouvernement et à ses ministres”, poursuit le texte.
Le nouveau ministre des Finances palestinien, Omar Abdelrazeq, s’est dit “surpris” de ces nouvelles menaces.
“Nous attendions des gens qu’ils entrent en contact avec nous avant de faire de telles menaces et nous attendions d’eux qu’ils fassent la différence entre des positions politiques et des questions économiques et humanitaires”, a-t-il affirmé.
“Que des sociétés occidentales refusent un processus démocratique que tous les observateurs ont reconnu s’être bien déroulé nous surprend”, a dit le ministre.
Le roi Abdallah II de Jordanie a appelé “la communauté internationale à ne doit pas tourner le dos au peuple palestinien” et au maintien des aides, en recevant à Amman l’envoyé spécial du Quartette James Wolfensohn.
Pour sa part, le Premier ministre jordanien, Maarouf Bakhit, a envoyé un message de félicitation à son homologue palestinien Ismaïl Haniyeh alors que les Etats-Unis et le Canada ont annoncé leur boycottage du nouveau cabinet palestinien.
Les Pays-Bas ont à leur tour indiqué qu’ils n’auront pas de contacts avec le cabinet Hamas mais continueront à rencontrer le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Ottawa a annoncé mercredi la suspension des contacts et de son aide à l’Autorité palestinienne et au gouvernement, qui s’élève à 7,3 millions d’euros par an. L’aide humanitaire au peuple palestinien va cependant se poursuivre.
Cette décision “est précipitée et contraire aux règles démocratiques et aux principes des droits de l’Homme”, a indiqué le ministre de l’Information palestinien, Youssef Rizqa.
Côté américain, le président George W. Bush a déclaré qu’une poursuite de l’aide financière au gouvernement palestinien n’avait “pas de sens” car il a “exprimé son désir de détruire son voisin”.
L’administration américaine, qui considère le Hamas comme une organisation terroriste, a par ailleurs annoncé qu’elle revoyait tous ses contacts avec des responsables palestiniens pour ne pas entrer en relation avec le Hamas.
Les Etats-Unis ont récemment demandé à l’Autorité palestinienne et reçu le remboursement de 50 millions de dollars versés en 2005, après la victoire du mouvement islamiste aux législatives de janvier.
Dans un entretien avec la chaîne CNN, Mahmoud Abbas a assuré que le Hamas était conscient de ses responsabilités.
“Le Hamas sait qu’il est maintenant responsable. Il est responsable du bien-être du peuple palestinien (…) économiquement et politiquement. Il sait donc ce qu’il doit faire mais attendons un peu”, a-t-il dit.
Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Zahar, a minimisé le boycottage américain et canadien.
“Si on regarde bien le volume de l’aide” des Etats-Unis et du Canada à l’Autorité palestinienne et au gouvernement, “cette décision n’aura pas de grandes conséquences”, a-t-il affirmé.
Le ministre des Finances a lui exclu un effondrement financier de l’Autorité palestinienne. “Nous ne serons pas en banqueroute. Nous avons d’autres ressources (…) et nous avons aussi le soutien des pays arabes”, a-t-il insisté.
Des aides financières viennent d’être versées au gouvernement par l’Algérie et l’Arabie saoudite, a ajouté le ministre, qui n’a pas été en mesure d’en chiffrer le montant.
AFP
Jaruzelski inculpé pour avoir instauré la loi martiale en Pologne
AFP, le 31.03.2006 à 11h40
VARSOVIE, 31 mars 2006 (AFP) – L’ancien homme fort de la Pologne communiste, le général Wojciech Jaruzelski, 82 ans, a été inculpé vendredi de “crime communiste” pour avoir instauré en 1981 la loi martiale contre le syndicat indépendant Solidarité, a annoncé un procureur chargé du dossier.
“Le général Jaruzelski est inculpé d’un crime communiste pour avoir dirigé une association armée à caractère délictueux”, a déclaré à l’AFP le procureur Przemyslaw Piatek de l’Institut de la mémoire nationale (IPN) qui instruit les crimes nazis et communistes.
M. Piatek n’a pas été en mesure, dans l’immédiat, de préciser la peine encourue par le général, qui a dirigé entre 1981 et 1989 le gouvernement et le parti communiste polonais.
Le général Jaruzelski est déjà jugé dans un procès interminable pour sa responsabilité présumée dans la sanglante répression de la révolte ouvrière sur le littoral de la Baltique en 1970, lorsqu’il était ministre de la Défense.
De son côté, le parlement polonais avait disculpé en 1996 le général Jaruzelski de toute responsabilité constitutionnelle pour l’instauration de la loi martiale.
L’ancien dirigeant communiste vient de faire reparler de lui, en renvoyant jeudi au président conservateur Lech Kaczynski une “croix des déportés en Sibérie”, décoration qui lui avait été décernée “par erreur” selon la présidence.
Le général Jaruzelski a bien été déporté en Sibérie avec sa famille en 1940, quand la partie orientale de la Pologne s’est retrouvée sous occupation soviétique en vertu du pacte Ribbentrop-Molotov de 1939.
Mais la décoration au titre de la déportation n’est pas automatique, car la loi dispose qu’elle est réservée aux patriotes polonais ayant souffert sous le régime stalinien et restés fidèles à l’idée de l’indépendance de la Pologne.
Mercredi, les collaborateurs du président Lech Kaczynski, ancien membre du mouvement Solidarité et ennemi avoué du général Jaruzelski, ont indiqué que le général l’avait reçue “par erreur”, son nom ayant été ajouté à la liste des candidats à la décoration “à l’insu” du chef de l’Etat.
Dans une lettre rendue publique vendredi, le général Jaruzelski a exprimé ses “regrets” au président Kaczynski, “placé dans une situation désagréable par l’octroi d’une décoration à son insu et contre sa volonté”.
La personnalité du général reste controversée en Pologne, certains voyant en lui celui qui leur a épargné une invasion de l’URSS en 1981 et les autres l’accusant d’avoir maté le mouvement Solidarité et ainsi retardé de sept ans la chute du communisme à l’Est.
AFP
Le fil des araignées fait d’une soie qui les empêche de tournoyer (Nature)
Charmeoffensive in Bern
Nach diplomatischer Krise mit Bundes bern zelebrierte Tunesien gestern Abend eitel Minne
rudolf gafner
Zehntausende Schweizer kennen Tunesien als gastliches Ferienland – um so mehr irritierte die Krise, die Bern und Tunis 2005 anlässlich des Weltinformationsgipfels entzweite: Da erlaubte sich Moritz Leuenberger ein kritisches Wort zur Zensur in Tunesien – was Bern prompt formellen diplomatischen Protest des Maghrebstaats bescherte. Alsdann erlebte Samuel Schmid diese Zensur höchstselbst: Als er am Gipfel auf die Menschenrechtslage zu sprechen kam, brach Tunesiens TV flugs die Live-Übertragung ab und schnitt Schmid abrupt das Wort ab – was wiederum Tunesiens Mann in Bern eine Demarche eintrug. Als dann auch noch Micheline Calmy-Rey Bürgerrechtler empfing, die in Tunesien mit einem Hungerstreik Meinungsfreiheit gefordert hatten, wurde umgekehrt der Vertreter der Schweiz in Tunis verärgert zitiert.
Alles vergessen bei gutem Essen?
Von all dem Knatsch war gestern Abend in Berns «Bellevue Palace» keine Spur – da wurden bei feinen Weinen und Gourmetspezialitäten tunesischer Provenienz lächelnd Hände geschüttelt und «l’amitié» beschworen. Tunis’ Chargé d’Affaires in Bern, Naceur Ben Frija, hatte das diplomatische Korps ins Fünfsternepalais geladen, um den 50. Jahrestag der Unabhängigkeit Tunesiens von der französischen Kolonialmacht zu begehen. Auf Fragen des «Bund», ob wirklich schon wieder alles in Butter sei zwischen den Ländern, verwies Ben Frija auf die herzlichen Neujahrswünsche, die sein Präsident, Zine el Abidine Ben Ali, und Bundespräsident Leuenberger ausgetauscht hätten – und überhaupt, man schaue vorwärts, positiv, konstruktiv, daran müsse ja doch auch der Presse gelegen sein.
Schweiz lässt sich nicht blenden
Um einiges differenzierter indes fällt die Beurteilung Bundesberns aus: Gewiss, die bilateralen Beziehungen seien «so weit normal», erklärte EDA-Sprecher Lars Knuchel auf Anfrage. Auch anerkenne Bern durchaus Fortschritte wie die kürzliche Freilassung von 1500 Häftlingen in Tunesien, unter ihnen viele gewaltlose politische Gefangene.
«Grundsätzlich aber hat sich die Position der Schweiz seit dem Gipfel nicht verändert», sagte Knuchel weiter. Das EDA, das mit dem Chef der zuständigen Politischen Abteilung am Empfang im «Bellevue» vertreten war, analysiere regelmässig die Lage, habe vor Ort Kontakte, so auch mit Menschenrechtsorganisationen – und müsse feststellen: «Namentlich was Meinungsäusserungs- und Versammlungsfreiheit anbelangt, bestehen Probleme.»
Drastischer noch schildern Exil-oppositionelle in der Schweiz die Lage – und zwar nicht nur, was ihre Heimat angeht; gar von Pressionen wie Bespitzelungen im schweizerischen Exil ist die Klage. 5500 tunesische Staatsangehörige leben laut Volkszählung in der Schweiz (Eingebürgerte nicht mitgerechnet) – und viele von ihnen, erklärt zumindest Jalel Matri, Chef der Union der Tunesier in der Schweiz (UTS), «leben in Angst», mindestens um Angehörige im Herkunftsland. Er selber habe «die Angst verloren», als Regimekritiker stelle er sein Leben in den Dienst der Bürgerrechtsbewegung, sagte Matri dem «Bund».
Dissidente in Schweiz bespitzelt?
Tunesiens Oppositionelle in der Schweiz – von prowestlich-demokratischen und linksliberal-laizistischen Mitte-Kräften bis zu kommunistischen oder islamistischen Radikalen – sind in drei Vereinen organisiert, von denen sich jedoch nur gerade acht Vertreter mit Name und Gesicht outen, wie Matri sagte. Anonymität sei zum Schutz nötig, immerhin hätten jüngst erst bei einer Protestaktion vor dem Genfer Büro von Tunis Air obskure Gestalten, mutmasslich von der Botschaft in Bern detachierte Spitzel, die Aktivisten gefilmt – und letzten Herbst bei der Vorbereitungskonferenz zum Uno-Gipfel in Genf sei ein Tunesier als angeblicher «Uno-Polizist» aufgetreten, um zu stören. Offiziell will bei Schweizer Stellen natürlich niemand diese Vorwürfe kommentieren – informell werden Matris Aussagen von unterrichteter Seite indes durchaus bestätigt.
Blühende (Hochglanz-)Toleranz
Auf derlei Erörterungen wollte sich Naceur Ben Frija gestern nicht einlassen – dafür liess er dem «Bund» mit Botschaftslimousinen-Kurier einen Stapel von Regierungspublikationen zukommen, in denen Ben Alis Reformpolitik für Öffnung und Liberalisierung einlässlich erklärt wird. Und in seinem «discours» zur 50-Jahr-Feier nannte Ben Frija einige Zahlen, die – bei allem von Amnesty über EDA bis Uno monierten Demokratiedefizit – durchaus eindrucksvoll von gewisser Liberalisierung künden, etwa was die Stellung der Frau angeht: So seien gegen 60 Prozent der Studierenden in Tunesien Frauen, 22 Prozent seien es im Parlament, 34 Prozent bei der Presse. «Im Übrigen», so Ben Frija, «lade ich Sie ein, Tunesien zu besuchen, sich selber ein Bild von Gastfreundschaft und Toleranz zu machen.» Womit die Rede wieder beim Ferienland wäre.
(Source: « Der Bund » (Suisse) du 24 mars 2006, page 27)
Il a fallu quinze ans à Nacer Khemir pour sortir le magnifique «Bab’Aziz – Le Prince qui contemplait son âme». Trop à contre-courant d’une certaine image de l’islam?
Le silence du soufi
Norbert Creutz
Nacer Khemir serait-il enfin arrivé au bout de ses peines? Rencontré au sortir d’un Festival de Fribourg qui lui aura mis un peu de baume sur le cœur, le cinéaste tunisien respire l’assurance du devoir accompli. Mais quatorze ans de silence cinématographique depuis Le Collier perdu de la colombe, pour une réapparition digne d’un Terrence Malick avec le magnifique Bab’Aziz – Le Prince qui contemplait son âme (lire Le Temps du 22.3.2006), suscitent bien des questions… Né à Korba en 1948, Nacer Khemir est resté fidèle à une enfance bercée par «l’antique lumière» de son pays, par l’univers magique des contes et par le formidable pouvoir d’évasion du cinéma. Parti étudier la réalisation à Paris, il revient à Tunis en 1972 pour récolter les contes de son pays, qui deviendront la matière de tous ses films, documentaires comme fictions. Entre-deux, il vit de ses talents – oraux comme écrits – de conteur. Mais la passion du cinéma ne l’a jamais lâché non plus.
Samedi culturel: Toutes ces années de silence cinématographique, ce n’était donc pas un désamour?
Nacer Khemir: Non, plutôt une impossibilité de travailler. Bab’Aziz est le premier scénario que j’ai déposé juste après avoir terminé Le Collier perdu de la colombe, en 1991. Il a été refusé au moins six fois par différentes instances d’aide en France et en Tunisie. Et dans mes tiroirs, j’ai huit autres scénarios qui ont subi le même sort: Nuages dans l’eau, Le Voyage nocturne, Iram, etc.
Vous n’avez jamais douté de vous?
C’est douloureux à vivre, mais je n’ai pas voulu lâcher. J’ai compris que je nageais à contre-courant, que ce que je racontais n’était apparemment pas «politiquement correct». Ce n’est pas ce qu’on attend d’un cinéma du Sud: une certaine soumission dans les idées, une allégeance tacite. Les fiches de lectures des commissions étaient parfois excellentes, mais la décision était quand même négative. Il ne s’agissait donc pas d’un problème de qualité. Simplement, on ne veut pas d’une autre image du monde arabo-musulman. Comme je dis pour taquiner mes amis en France, la droite française déteste les Arabes et la gauche n’aime pas l’islam. Entre les deux, ce film n’avait aucune chance! Après, il a encore été refusé par tous les grands festivals, Cannes, Venise, Berlin, et à peu près tous les distributeurs français…
C’est insensé! Vous ne voyez pas d’autre explication à cela?
C’est peut-être la nature profonde du film qui pose problème. Par sa construction, il essaie d’aider le spectateur à oublier l’ego, à l’effacer pour mieux voir le monde. Or, chez un directeur de festival, l’ego est souvent surdimensionné et il sentira plutôt un malaise devant un tel film (rire).
Vous avez fini par réunir votre financement dans huit pays…
Si j’ai ce générique digne d’un James Bond, ce n’est pas parce qu’il y a eu beaucoup d’argent, au contraire. Je dois rendre ici hommage à Raoul Peck, le cinéaste haïtien, qui a présidé la première commission française à m’avoir accordé une aide. C’est lui qui a débloqué la situation. Mais même après, tout n’a tenu qu’à un fil. Le tournage a failli s’arrêter par manque d’argent. Pour terminer, il a fallu les 100000 euros apportés par une mécène! Le film est très structuré… Oui. La structure est empruntée aux visions que racontent les soufis ou les derviches. Le spectateur assiste donc à une vision, et celle-ci a pour thème l’amour, parce que rien n’existerait sans lui – une conception du monde qu’on retrouve dans le christianisme ou le bouddhisme. Il y a plusieurs histoires, mais comme elles sont toutes porteuses du même thème, on n’a pas vraiment de mal à alterner. C’est donc une sorte de narration en spirale, une ascension qui soulage le spectateur de son ego. Voilà en quoi il s’agit d’un film mystique. En termes de cinéma, bien sûr, cela donne le contraire du processus d’identification classique.
Ces histoires imbriquées sont-elles originales ou empruntées?
Les deux, sans doute. Pour chaque film, je fais d’innombrables lectures, mais à l’arrivée, j’essaye de tout oublier pour opérer une sorte de synthèse. C’est ce qui donne cette impression qu’il y a toujours une partie invisible, cachée, comme dans un iceberg. Par exemple, il y a bien eu un prince qui est devenu derviche, mais j’ai mêlé son histoire avec une assiette peinte du XIIe siècle où était représenté un prince contemplant son âme. Le hasard a d’ailleurs voulu que cette assiette ait été fabriquée à Kachan en Iran, où je me suis retrouvé pour le début du tournage! Au total, le film est un mélange insensé de textes, d’images, de lieux et de musiques.
N’y a-t-il pas des références qui risquent d’échapper à un public occidental?
A tout le monde. Personne ne voit vraiment le même film. Certains comprendront mieux d’où vient la gazelle, par exemple, mais tout le monde devrait ressentir qu’il s’agit d’un symbole de beauté. Les soufis développeront en disant que toute beauté est un signe divin, mais ça, on le ressent même si on ne le pense pas (rire). Il n’y a donc pas de véritable barrière. Au bout du compte, ce qu’on voit, c’est ce qu’on porte en soi. Mais attention, porter en soi ne veut pas forcément dire en avoir conscience. Et en ce sens, une œuvre peut vous révéler quelque chose. C’est aussi ça, le principe du voyage soufi.
Où le film a-t-il été tourné?
Disons 3/5es en Iran et 2/5es en Tunisie. Souvent, c’est mélangé, et je suis le seul à le savoir. Par exemple un personnage est dans un palais tunisien, il regarde dehors, et il voit l’Iran. C’est un truc aussi vieux que le cinéma, et ça marche très bien! La poétique n’a pas besoin d’effets spéciaux. Ils ne sont que démonstration de puissance. La poétique, elle, n’a besoin que d’une démonstration d’intelligence.
Quelques-uns des personnages, comme Zaïd, portent des habits d’aujourd’hui…
Il y a des endroits, au Maroc ou en Mauritanie, par exemple, qui ressemblent encore aux images du film. Des survivances d’un monde passé qui entrent en collision avec un monde à venir. Comme je ne voulais pas que ce soit totalement situé dans le passé, j’ai tenté de faire la jonction, pour dire que je ne raconte pas une histoire révolue. Tout ça va prendre de nouvelles formes. Actuellement, le soufisme reprend chez les jeunes, en réaction contre l’islamisme. Comme il a donné les bases esthétiques du monde musulman, on le retrouve d’ailleurs partout: dans l’architecture, la calligraphie, la musique… Un maçon peut être soufi, et cela ne se verra en rien sur lui, mais vous pourrez le retrouver dans un cercle de prières, de commentaires ou de discussions. Ce n’est juste pas quelque chose de visible sur la place publique.
Vos films ne manifestent donc pas de refus de la modernité?
J’emploie volontiers cette parabole. Si vous marchez à côté de votre père et qu’il tombe dans la boue, vous essayez de lui essuyer le visage avec votre veste, votre chemise, ce que vous avez. Alors moi, j’ai essayé d’essuyer le visage de l’islam avec un film. A cause du terrorisme d’un côté et des médias de l’autre, il est aujourd’hui ravalé à quelque chose de monstrueux et d’inhumain. Dès lors, je ne vois pas plus urgent comme thème que celui-là: redonner un visage à des millions de gens qui n’y sont pour rien, qui en sont même souvent les premières victimes. D’autre part, si je fais des films hors du temps, c’est aussi parce que c’est la seule forme de survie que j’ai trouvée en tant que cinéaste condamné à l’attente. Mais en ce moment, je travaille sur un film qui parle du rapport entre la France et l’Afrique du Nord, ce colonialisme qui ne dit plus son nom. Et là, je suis prêt à mettre les pieds dans le plat – si je trouve quelqu’un pour le produire.
(Source : « Le Temps » (Suisse) du 25.03.2006)
Reportage
Un lourd climat de guerre civile sur fond de terreur s’installe en Irak
Patrice Claude (Bagdad, envoyé spécial)
La dernière fois que Mme Houdad a vu son frère Ahmad Ali, c’était le 10 mars, à la morgue de l’hôpital Al-Yarmouk, dans le sud de Bagdad. Il gisait parmi 18 cadavres déjà bleuis entassés à l’arrière d’un minibus abandonné le long d’un trottoir. Tous les corps, “des hommes âgés de 20 à 35 ans” selon les médecins, avaient les mains liées dans le dos. Certains avaient été étranglés, d’autres abattus d’une balle dans la nuque. Tous portaient des marques de torture. De martyre plutôt. Nul n’avait voulu faire parler ces hommes. On avait simplement cherché à leur infliger le maximum de souffrance. “Ahmad avait un gros trou dans la tempe gauche, témoigne sa soeur. Le docteur a dit qu’on lui avait fait ça avec une perceuse électrique. De son vivant.”
Trois ans après l’invasion anglo-américaine, l’Irak s’enfonce plus profondément dans la barbarie. Il y avait, il y a toujours, les attentats à la voiture piégée qui déchiquettent quotidiennement des dizaines de badauds innocents – parfois des centaines quand les bombes sont déposées sur des marchés populaires ou près des mosquées à l’heure de la prière. Il y avait, il y a toujours, ces enlèvements par centaines, criminels et/ou “politiques”, qui font fuir toutes les élites nationales – médecins, avocats, enseignants, universitaires, hommes d’affaires – vers les pays voisins. Il y a maintenant des dizaines de milices qui s’affrontent, des centaines de petits “seigneurs de guerre” qui commandent des dizaines de milliers de pistoleros. Il y a les “escadrons de la mort”, les assassinats sectaires, les bouffées de haine communautaires, les exécutions collectives, le nettoyage ethnique, le risque croissant de la guerre civile.
A bout de nerfs et de souffrances, la société irakienne se fracture, se délite sous le regard inquiet, ou intéressé, des Etats voisins. La peur s’insinue partout, la suspicion de l’ami, du collègue de travail, du cousin, du beau-frère même, devient la règle. “Je n’ai pas dit à mes voisins que je partais, glisse Abou Haora. Nous avons fermé la maison un soir, en prenant juste l’indispensable. Nous sommes amis depuis dix-sept ans avec eux et je ne crois pas qu’ils m’auraient dénoncé. Mais dans notre quartier d’Al Dora, il y a maintenant des groupes de jeunes assassins sunnites qui font du porte-à-porte, menacent et même parfois exécutent les familles sunnites qui refusent de désigner leurs voisins chiites.” La guerre civile “n’est pas inéluctable”, répètent chaque jour, comme pour l’exorciser, les officiels, ministres ou politiciens irakiens, diplomates et militaires étrangers. “Elle a déjà commencé”, estime Iyad Allaoui, l’ancien premier ministre favori de Washington.
Dimanche 26 mars, trente cadavres décapités ont été retrouvés à la sortie nord de Bagdad. Rien d’extraordinaire. Depuis le dynamitage du “mausolée d’or” de Samarra, l’un des sites religieux les plus sacrés de l’islam chiite, le 22 février par un commando d’inconnus, c’est la Saint-Barthélemy. “540 personnes de confession sunnite, dont quelques femmes, ont été enlevées, torturées et tuées” affirme le Parti islamique, une formation politique sunnite. Le docteur Faïk Bakr qui dirigeait la morgue principale de Bagdad jusqu’à sa fuite à l’étranger, fin janvier, va plus loin : pour lui, les tueries de type confessionnel, à l’exception des attentats, ont commencé dès l’automne dernier et le nombre des victimes s’élevait déjà, il y a deux mois, “à au moins 7 000” affirme-t-il. “La bataille pour le contrôle de Bagdad – 7 millions d’habitants, à 70 % chiites, l’une des trois ou quatre grandes cités irakiennes “mixtes” avec Mossoul, Kirkouk et Bassora -, a commencé, estime Fouad Hussein, un politicien kurde. Elle ne s’arrêtera, au mieux, qu’avec l’établissement de quartiers “monocolores”, au pire avec l’expulsion totale d’une confession au profit de l’autre.”
Le petit pont Al-Imamein sur le grand fleuve Tigre qui sépare les quartiers “monocolores” d’Adhamiyeh (sunnite) et de Khazemiyeh (chiite) en plein coeur de Bagdad, a dû être fermé il y a plusieurs mois déjà, à la suite d’affrontements armés entre milices. Jusqu’ici, malgré les efforts sanglants et conjugués des djihadistes fanatisés du sunnite jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui et d’une partie des dizaines de milliers de miliciens chiites qui écument désormais non seulement la capitale mais le pays tout entier, on n’a pas encore vu d’affrontements collectifs entre les deux grandes croyances islamiques du pays. Mais dans le chaos ambiant, l’absence d’Etat, les bains de sang quotidiens et les appels à la vengeance qui ruissellent à chaque prière des minarets d’un grand nombre de mosquées, il apparaît clairement que le poison confessionnel coule déjà dans les veines de beaucoup.
Sur le marché noir le mieux achalandé du Moyen-Orient en la matière, la demande d’armes personnelles est telle que le prix d’une kalachnikov a monté de 50 % en quelques semaines. “C’est 200 dollars désormais pour un engin de bonne qualité”, confie un connaisseur. “Les gens se préparent au pire, déplore un juge chiite qui réclame l’anonymat. L’esprit de la guerre civile est déjà dans nos têtes.” Et les signes avant-coureurs du conflit, au-delà des tueries, sont partout. Ce sont, on l’a vu, ces voisins qui se méfient désormais les uns des autres, ne s’invitent plus pour le thé, disent aux enfants de se “montrer prudents” dans ce qu’ils racontent aux copains. Ce sont les amis chiites et sunnites du visiteur étranger, peu ou pas pratiquants et naguère unis dans leur rejet de l'”occupation étrangère” au nom d’un nationalisme virulent, qui ouvrent désormais toutes les discussions par un “nous autres chiites” ou un “nous, les sunnites” totalement nouveaux.
Ce sont, dans les entreprises, tous ces collègues de travail qui ne s’adressent plus la parole. Ce sont les mariages inter-confessionnels qui se raréfient, ces couples mixtes avec enfants – “un quart de la population”, nous assure le premier ministre Ibrahim Al-Jaafari – qui se fracturent ou évitent les réunions de famille. “Parce qu’il n’est plus possible de manger ensemble sans évoquer la situation, donc sans se déchirer”, confie Zeinab, une jeune femme chiite qui n’a plus vu sa soeur, mariée à un sunnite, “depuis des mois”. Ce sont ces chauffeurs de taxi sunnites qui refusent de vous déposer dans des quartiers chiites. Et inversement. Ce sont des cheikhs de grandes tribus, mélangées depuis des siècles, qui vous confient, la larme à l’oeil, ne même plus parvenir à convoquer les “conseils d’anciens” nécessaires à la coexistence intra-tribale.
Les prémices de la guerre civile, ce sont aussi ces dizaines de mosquées qui, d’un jour à l’autre, changent de mains, de muezzin ou d’imam après une attaque à la roquette, un mitraillage aveugle à la sortie d’une prière, ou la mise à sac du lieu par une bande armée non identifiée. Ou qui tirent le rideau parce que les servants du lieu ont été assassinés, ou que le quartier s’est brusquement vidé de ses fidèles, chiites ou sunnites. Ce sont ces boulangers sunnites du centre de Bagdad qui réduisent leurs activités parce que les meuniers ont l’habitude, depuis toujours, de livrer leur farine dans un quartier chiite à l’est de la ville, et qu’il est désormais “trop dangereux” d’aller s’approvisionner “là-bas”, de l’autre côté du monde, à un ou deux kilomètres. Ce sont ces bazars chiites qui n’ont plus de ceci ou de cela dans l’échoppe parce que les grossistes sont sunnites et qu'”il vaut mieux se méfier”.
Adnan Al-Jobouri est sunnite, journaliste, photographe et “fixeur” pour une grande publication américaine installée dans la capitale. “J’ai acheté des cassettes de prières et de sermons typiquement chiites, explique-t-il. Quand je dois me rendre dans un quartier dominé par eux, j’évacue de ma voiture et de mes poches tout ce qui peut indiquer ma confession. Je glisse une cassette dans le lecteur de mon tableau de bord. Parfois, quand il y a eu un gros attentat avec beaucoup de morts dans une zone chiite, je sais que la foule sera surexcitée et que je serais lynché sur place si l’on découvrait que je suis sunnite. Alors, j’accroche un petit portrait de l’imam Ali ou de son fils Hussein à mon rétroviseur. J’enlève évidemment tout ça avant de rentrer chez moi.” Les confrères chiites qui ont à circuler dans des zones fortement sunnites, font l’inverse.
Hussein Abou Hassan, lui, a retiré la bague d’argent incrustée d’un saphir qu’il portait au petit doigt depuis sa jeunesse. “Une tradition typiquement chiite, observe-t-il. Même si la règle souffre des exceptions, – certains sunnites aussi portent des bagues mais plutôt en or -, c’est un fait que, désormais, quand un inconnu vous serre la main, on a toujours l’impression qu’il cherche la bague qui va l’aider à vous identifier.” Crâne luisant dégarni du sexagénaire raffiné qu’il est, vêtu d’un costume chic occidental, Hussein sait de quoi il parle, il est bijoutier. Ou plutôt était. “J’ai fermé ma boutique et ma maison à Al-Dora le 23 février, après l’assassinat de trois de mes voisins chiites dans la seule nuit précédente”, raconte-t-il.
Comme nombre de ses amis en fuite, Karim, artisan électricien de 32 ans, a rasé sa courte barbe noire, “signe d’appartenance chiite pour beaucoup, les sunnites préférant souvent la moustache”, avance-t-il. Comme Hussein, Karim a quitté Al-Dora, un faubourg de classes moyennes constitué de petites maisons avec jardinet, au sud de Bagdad, “de nuit, et avec le minimum d’affaires, pour ne pas attirer l’attention.” Comme beaucoup, Karim a trouvé le 24 février au matin dans son jardin, une balle de kalachnikov enroulée dans un bout de papier sur lequel étaient écrits ces mots : “Chiens de rafida’ïn, partez !” Les “rafida’ïn” sont les chiites. Dominé par les sunnites, Al-Dora comprenait jusqu’à présent environ un tiers de chiites. Il est en passe de devenir “monocolore”.
Beaucoup parmi les centaines de familles qui l’ont fui se sont retrouvées à Khazemiyeh ou dans le quartier commerçant de Karada, au centre de Bagdad. “En un mois, les prix de l’immobilier y ont grimpé de moitié, déplore Hussein le bijoutier. “Par contre, ma maison d’Al-Dora a perdu 50 % de sa valeur. Quelqu’un a tracé de grandes croix noires en forme de X sur ma porte d’entrée. La maison est marquée désormais, et ses occupants aussi. Comme du gibier.” Des centaines d’autres familles chiites en fuite prennent la route du Sud, vers les villes saintes de Nadjaf et Kerbala, qui ont demandé l’aide financière du gouvernement pour faire face à l’afflux. Beaucoup de réfugiés vivent à présent sous la tente.
Côté sunnite, les histoires de déplacés sont les mêmes, à quelques détails près. Jusqu’au 24 février, Mohammed Rachid et ses parents vivaient côte à côte dans deux petits pavillons de la rue Palestine, située à un jet de pierre de la fameuse “zone verte” ultra-fortifiée où résident la plupart des diplomates occidentaux – sauf les Français – en plein centre de Bagdad. La veille de leur départ, “une centaine de jeunes chiites vêtus d’habits noirs comme ceux portés dans l’Armée du Mahdi, la milice de Moqtada Al-Sadr, ont attaqué notre mosquée Al-Hassan Ibn Ali en vociférant. Ils ont tué notre imam, nous ont battus à coups de crosse en nous insultant et puis ils nous ont ordonné de quitter le quartier. “Sinon, on vous égorge” ont-ils dit.”
Se plaindre à la police ? Moustapha a un faible sourire : “Cela aggraverait notre cas, souffle-t-il. Il n’y a que des chiites et beaucoup de miliciens dans les forces de l’ordre.” “Dieu sait que je suis opposé à l’occupation de mon pays, poursuit-il, mais franchement, aujourd’hui, je préférerais être arrêté par les Américains que par la police irakienne. Avec les premiers, on peut être torturé et humilié, mais nos familles finissent par nous retrouver, à Abou Ghraib ou dans une autre prison. Alors qu’avec nos soi-disant “forces de sécurité nationales”, il y a de fortes chances qu’on retrouve notre cadavre dans une fosse commune ou un camion abandonné.”
Jusqu’au 22 février, jour maudit de la destruction sacrilège du “mausolée d’or” chiite de Samarra – ville essentiellement sunnite, à 95 km au nord de Bagdad -, les masses chiites se conformaient globalement aux appels à “ne pas tomber dans le piège de la vengeance et de la guerre civile”, rituellement lancés, après chaque attentat par le grand ayatollah Ali Sistani, chef spirituel incontesté, quoique de plus en plus reclus et inaudible, des 14 millions de chiites irakiens. ” Ce jour-là, tout a changé, se désespère Ali Dabbagh, un universitaire qui conseille le grand ayatollah en matière politique. Le 22 février entrera dans l’histoire de l’Irak comme notre 11-Septembre à nous.” Le soir même, près de 200 mosquées sunnites étaient attaquées, une trentaine incendiées et détruites, d’autres purement et simplement “confisquées” et transformées en mosquées chiites, appelées ici “husseiniyehs”, en mémoire du premier martyr du chiisme.
Dans les jours qui suivirent, des centaines de sunnites – “peut-être des milliers”, avance Salah Al-Motlaq, un politicien sunnite -, chefs de tribu, cheikhs religieux et imams inclus, furent assassinés. Depuis, plus une seule journée ne passe sans qu’on retrouve au petit matin, rien qu’à Bagdad, 20, 30 ou 50 cadavres de jeunes sunnites “exécutés” après avoir été, le plus souvent, horriblement torturés. La semaine passée, à Sadr City, l’immense et misérable faubourg chiite dans l’est de Bagdad – 3 millions d’habitants -, ce sont quatre jeunes chiites qui ont été découverts pendus à des lampadaires avec un seul mot griffonné sur la poitrine : “Traître”. Pour la vox populi sunnite, les principaux auteurs de ces crimes impunis appartiennent aux “commandos” ou aux “forces spéciales” du ministère de l’intérieur et à leurs milices affiliées.
Le plus souvent masqués, encagoulés et en tenue camouflée, ces milliers d’hommes, qui sillonnent anonymement Bagdad dans des 4 × 4 et des camionnettes surélevées de mitrailleuses, inspirent une véritable terreur. “Peut-être, mais ils font du très bon travail contre les terroristes”, nous disait il y a quelques jours le très contesté ministre de l’intérieur, Bayan Jaber Solagh. Pour ce petit homme sec et noueux de 60 ans, qui traitait fin février le chef de la diplomatie saoudienne de “misérable Bédouin sur son chameau” parce que celui-ci s’inquiétait des meurtres de sunnites, les tueurs seraient plutôt “des takfiris et des wahhabites”, autrement dit des extrémistes sunnites cherchant “la provocation en assassinant eux-mêmes leurs “frères” en religion pour les pousser à la guerre civile. (…) N’oubliez pas, ajoutait le ministre, que sur les 86 000 Irakiens, civils, militaires et policiers, tués depuis la guerre de mars-avril 2003, 95 % étaient des chiites.” Manière de justifier les tueries de sunnites aujourd’hui ?
Trois ans après avoir déclenché un bouleversement historique avec, pour la première fois depuis des siècles, l’arrivée d’un gouvernement chiite à la tête d’un Etat arabe, il semble en tout cas que l’administration Bush ait enfin trouvé une arme de destruction massive dont elle ne soupçonnait peut-être pas la puissance dévastatrice : la religion.
(Source : Article paru dans l’édition du journal « Le Monde » du 01.04.06)