AFP: Tunisie: des élections démocratiques impossibles le 24 juillet (avocat)
Reuters: Tunisie-Cacophonie sur la date des élections à la constituante
Reuters: Election de la Constituante en Tunisie le 16 octobre
AFP: Tunisie: le bras de fer continue autour de la date des élections
AFP: Elections-Tunisie: c’est au gouvernement de reporter
AFP: La Tunisie doit redéfinir sa législation antiterroriste pour éviter les abus (rapporteur ONU)
AFP: e-G8: Facebook “ni nécessaire, ni suffisant” pour faire la révolution (Zuckerberg)
AFP: Egypte, Tunisie: le combat reste difficile pour les cyber-militants
Tunisie: des élections démocratiques impossibles le 24 juillet (avocat)
Tunisie: la commission électorale défend un report des élections
Tunisie-Cacophonie sur la date des élections à la constituante
Tunisian official gives Oct 16 election date
Election de la Constituante en Tunisie le 16 octobre
Tunisia opposition slam October election date
Tunisie: le bras de fer continue autour de la date des élections
Elections-Tunisie: c’est au gouvernement de reporter
La Tunisie doit redéfinir sa législation antiterroriste pour éviter les abus (rapporteur ONU)
REPORTAGE-Les Berbères espèrent profiter de la guerre en Libye
e-G8: Facebook “ni nécessaire, ni suffisant” pour faire la révolution (Zuckerberg)
Tunisie: enquête 22 ans après sur la mort d’un ingénieur qui en savait trop
Egypte, Tunisie: le combat reste difficile pour les cyber-militants
De Jailan ZAYAN (AFP) – Le 26 mai 2011
LE CAIRE — Après avoir contribué avec succès à déloger des régimes autocratiques installés depuis des décennies, les cyber-militants tunisiens et égyptiens continuent de se battre pour préserver des avancées chèrement acquises, dans un climat politique difficile jalonné de revers.
Armés de blogs, de pages Facebook et de comptes twitter, ils avaient stupéfait le monde en mobilisant de larges pans de la jeunesse pour lancer le “printemps arabe”.
Après la chute en janvier du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, suivi un mois plus tard par son homologue égyptien Hosni Moubarak, ils sont pris entre le dépit face aux aléas des progrès politiques, et la volonté de continuer leur combat pour l’avénement de vraies démocraties.
Slim Amamou, blogueur tunisien nommé le 17 janvier secrétaire d?Etat à la Jeunesse dans le gouvernement transitoire, a remis sa démission cette semaine, en faisant le constat que ce type de rôle politique n’était “pas fait pour lui” et qu’il se “sentait plus utile à l’extérieur du gouvernement”.
Sa démission -annoncée sur twitter- survient après un retour de la censure sur internet, avec une récente décision des autorités de fermer quatre sites à la demande de l?armée.
En Egypte, la condamnation le mois dernier d’un blogueur à trois ans de prison au motif d’avoir “insulté” l’armée, qui dirige le pays depuis le départ de M. Moubarak, a fait l’effet d’une douche froide.
Mais cela ne décourage pas de nombreux militants de critiquer le tout-puissant Conseil suprême des forces armées (CSFA), et en exprimant leur frustration devant la lenteur des réformes politiques.
Lundi dernier, près de 400 blogs ont pris part à une action intitulée “Journée sans le CSFA”, postant des commentaires contre la haute hiérarchie militaire.
La blogosphère égyptienne est également mobilisée pour appeler à des manifestations vendredi “pour une seconde révolution”, après celle de janvier et février.
“Il faut savoir que les sacrifices face à la tyrannie de Moubarak peuvent facilement être consentis à nouveau face à toute autre forme de tyrannie”, déclare le blogueur Amr Moneim, en appelant l’armée à “rentrer dans ses casernes”.
Le renversement de M. Moubarak “était une révolution, pas un putsch”, écrit-il, en fustigeant “la lenteur des procès des dirigeants de l’ancien régime” et un processus de démocratisation aussi déroutant qu’une “charade”.
En Tunisie, le site Nawaat.org (“noyau” en arabe), un blog collectif indépendant, en pointe lors de la révolte, ne veut pas non plus baisser les bras.
Quatre mois après la chute de Ben Ali, la mission de Nawaat a des contours plus flous, mais le site continue activement d’oeuvrer en faveur de la démocratie.
“Avant les choses étaient plus simples: il y avait les gentils d’un côté, les méchants de l’autre”, souligne l’un des ses administrateurs, Riadh Guerfali -Astrubal sur le net.
“Aujourd’hui les choses sont plus subtiles. Mais on continue à défendre la liberté d’expression. C’est un combat de tous les jours”, affirme-t-il.
Pour certains, les nouveaux médias électroniques ont encore de beaux jours face à des médias classiques -presse écrite, radio, télévision- qui peinent à retrouver la faveur du public après des années de dictature et de censure.
Sofiène Chourabi, 29 ans, journaliste et blogueur tunisien, estime que les nouveaux médias en pointe dans le soulèvement “continuent d’être actifs jusqu’à présent face à la faiblesse des médias traditionnels”.
Les médias classiques “n’ont pas réussi jusqu’à maintenant à regagner la confiance des Tunisiens, permettant encore l’introduction de nouveaux internautes actifs dans la vie médiatique”, assure-t-il.
Article sur T. Salmi
Notre transition démocratique doit réussir pour que la révolution se propage ailleurs
Ignacio Cembrero
(Traduction de l’espagnol : Abdelatif Ben Salem)
Il jouit d’un certain prestige, il possède une grande expérience de gouvernement et vient de fêter ses 84 ans, mais l’ambition lui fait défaut. Ces raisons sont probablement à l’origine du consensus qui le fit nommer au poste de Premier ministre du gouvernement tunisien, après que les manifestations massives aient poussées à la démission son prédécesseur Mohamed Ghannouchi, trop compromis avec la dictature de Ben Ali tombée en janvier dernier.
Depuis, Béji Caїd Essebsi est l’homme qui dirige un gouvernement de technocrates chargé de parachever la transition vers la démocratie en Tunisie, pays où a débuté la première révolution qui s’etendit plus tard au reste du monde arabe. Il fut successivement ministre de la Défense , de l’Intérieur et des Affaires Etrangères sous Habib Bourguiba, père de l’indépendance tunisienne. A la prise de pouvoir par Ben Ali, Essebsi a occupé pendant un an (1990-1991) la charge de président de la Chambre des députés ; il refusa de se représenter ; il prit ses distances avec la politique et reprit son activité d’avocat. Il ne s’opposa jamais à la dictature de Ben Ali.
Nous étions surpris par la légèreté du dispositif de sécurité autour du Palais de la Kasbah , siège du gouvernement et lieu de prédilection des rassemblements et des manifestations quelques semaines plus tôt.
De petite taille, Caїd Essebsi travaille dans un immense bureau au plafond très haut, au milieu duquel il donne l’impression d’être un peu perdu. Cependant dés qu’il se met à parler, il dégage cette assurance qu’on retrouve parmi ceux qui ont servi dans l’administration la plus rodée de l’Afrique du Nord.
Question : Pourquoi avez-vous pris vos distances de Ben Ali il y a vingt ans ?
Réponse : Parce que j’ai compris que les promesses faites par lui quand il prit le pouvoir, n’étaient pas sincères. Dans la vie, il ya deux partis, le parti de l’ordre et le parti du mouvement. Moi j’appartiens à ce dernier. En ces temps ce fut plutôt le parti de l’ordre qui imposa son hégémonie.
Q. : Pourquoi êtes-vous retourné à la politique il y a deux mois ?
R. : Parce que tout d’abord ils ont fait appel à moi. Ensuite j’ai estimé qu’il était de mon devoir de veiller à la continuité de l’Etat sur fond de conjoncture chargée d’incertitudes. Et puis mon épouse et principale conseillère m’a donné son accord. La Tunisie connaît des sérieux problèmes de sécurité à cause de certains excès populaires, ce qui est somme toute, bien normal après 23 ans de privation de liberté. La situation était arrivée à un point tel que le Conseil de ministre n’arrivait plus à tenir ses réunions au siège du gouvernement et fut contraint de déménager au palais présidentiel de Carthage. En ce moment même nous pouvons nous réunir. Il s’agit là d’un premier résultat, mais le rétablissement de la sécurité reste pour nous une priorité absolue.
Q. : Est-ce pour cela que vos détracteurs vous reprochent de vous conduire comme un gendarme, alors que le pays a plutôt besoin d’un médecin?
R. : Il est difficile de prodiguer les soins nécessaires aux patients, quand l’ordre fait défaut dans un hôpital. Nous agissons cependant en tant que médecins ; seulement il faut savoir que notre problème numéro un est le chômage : on compte en effet plus de 700.000 sans emplois, parmi lesquels 150.000 sont porteurs de diplômes. Nous avons lancé un projet pour la création de 60.000 postes d’emplois, nous sommes également en train de donner une nouvelle orientation du budget de l’Etat de façon à ce que 80% des investissements puissent profiter aux régions les plus défavorisées de l’intérieur d’où est partie la Révolution , et où il existe des besoins auxquels il nous faut trouver des réponses.
Q. : Ils prétendent (les détracteurs) également que vous êtes un Monsieur âgé, éloigné des problèmes qui préoccupent la jeunesse ?
R. : La véritable jeunesse n’est pas la date de naissance inscrite sur la carte d’identité, mais un état d’âme. Je vis avec mes petits enfants et je suis très au fait de leur état d’esprit.
Q. : Vous vous rendez aujourd’hui à Deauville en tant qu’invité spécial avec votre homologue égyptien au Sommet du G-8 ?
R. : Le G-8 va consacrer une session spéciale au « Printemps arabe » au cours de laquelle j’aurais l’occasion d’exposer notre projet. L’Occident nous a sanctionné par ce que nous n’étions pas démocrates. Aujourd’hui, c’est l’occasion ou jamais pour lui de démontrer qu’il est capable de nous fournir des aides puisque nous sommes désormais devenus démocrates. Je formule le vœu de voir se concrétiser ces promesses, car il est indispensable que la transition réussisse en Tunisie pour que la Révolution puisse se propager. Le succès de la transition est une responsabilité partagée, le nôtre et celle de la communauté internationale. Nous devons en conséquence conjuguer nos efforts.
Q. : Le 24 juillet auront lieu en Tunisie les premières élections libres pour lesquelles fut adopté le principe des listes paritaires hommes-femmes ?
R. : Quand on commence une révolution, il ne faut pas faire les choses à moitié. J’avoue que j’ai eu de doutes sur la capacité de certaines circonscriptions reculées de satisfaire à cette exigence, car au cas où cette règle ne peut pas être respectée, la liste sera invalidée. Mais les femmes ont dissipé mes doutes en m’assurant qu’elles allaient être à la hauteur du défi.
Q. : Se pourrait-il que le parti islamiste al-Nahda emporterait la majorité des sièges de la future Assemblée constituante ?
R. : Les partis islamistes ont été utilisés comme un épouvantail pour faire peur aux Européens. Mais ce sont eux qui ont consenti le plus de sacrifices dans le combat contre la dictature. Au jour d’aujourd’hui, ils émergent comme la force politique la mieux organisée, et ils obtiendront un score qui reflétera leur poids politique. Il ne faut ni minimiser ni exagérer ce résultat. Avec le temps d’autres forces politiques parviendront à mieux se structurer.
Q. : Est-ce que la guerre en Lybie a des conséquences sur la Tunisie ?
Il s’agit d’une affaire quasiment intérieure à la Tunisie. Nous avons accueilli depuis le début de la guerre 417.000 réfugiés. Certains ont pu revenir dans leur pays d’origine, les autres, Erythréens, Somaliens, en des 200.000 Libyens se trouvent encore sur notre sol, dans des camps ou dans les villes parce qu’ils n’ont pas où aller. Entretemps, 22.000 Tunisiens ont émigré à partir de nos côtes, parmi lesquels 40% sont détenteurs d’un titre de voyage octroyé par Rome. Nous recevons peu d’aide extérieure pour subvenir aux besoins de nos réfugiés, tandis qu’en Europe on continue de s’indigner de l’arrivée de nos émigrants. C’est ce que j’appelle, pratiquer la politique de deux poids deux mesures.
Q. :S’il n y a pas eu la guerre en Lybie, pensez-vous que Kadhafi aurait tenté de s’attaquer à la Tunisie démocratique ?
R. :C’est probable. Nous le connaissons parfaitement. J’ai confié à un ministre britannique que Kadhafi, c’est comme les rhumatismes, cela provoque parfois des crises aigues et parfois cela se calme.
Q. : Est-ce que la visite de l’ancien chef de Gouvernement espagnol Felipe Gonzalez a été utile ?
R. : C’est un sage. Il m’a rendu visite et nous avons discuté un bon moment. Il s’y connaît en matière de transition démocratique.
Courtesy (El PAIS, quotidien espagnol, Madrid, 26 mai 2011)
Traduction de l’espagnol par Abdelatif Ben Salem
Cette gifle qui n’a jamais eu lieu…, en hommage à Fadia, fille de Sidi Bouzid
Mon Programme pour la Constituante
Le printemps arabe au coeur des annonces du G8
Les pays les plus riches de la planète vont lancer un “partenariat durable” avec la Tunisie et l’Egypte. Une façon pour Nicolas Sarkozy de relancer son Union pour la méditerranée en perte de vitesse.
Invités d’honneur du sommet du G8 de Deauville, l’Egypte et la Tunisie n’auront pas fait le déplacement en vain. Dans la déclaration finale qui doit être prononcée ce vendredi par Nicolas Sarkozy, les huit pays les plus riches de la planète devraient annoncer un « partenariat durable » avec les deux leaders du printemps arabe. Une série de mesures économiques et politiques pour « soutenir les réformes démocratiques et répondre aux aspirations pour la liberté et l’emploi, en particulier des femmes et de la jeunesse », selon des extraits de la déclaration finale que s’est procurée la presse. Si les détails concrets de ce programme de soutien ne sont pas encore connus, Le Caire a d’ores et déjà réclamé entre 10 et 12 milliards de dollars d’ici mi-2012 pour relancer son économie et consolider la démocratie naissante. Pour sa part, Tunis estime ses besoins à 25 milliards de dollars sur cinq ans.
Alors que les pays du G8 ont du mal à s’accorder sur les autres sujets d’actualité brûlants -la politique internationale sur le nucléaire après la catastrophe de Fukushima au Japon, ou la réaction vis-à-vis de la Libye ou de la Syrie-, ce consensus sur un dossier fort est une bouffée d’air frais pour Nicolas Sarkozy. L’hôte du sommet, en quête de stature internationale à un an de la présidentielle française, a ainsi l’occasion d’afficher son volontarisme en relançant l’Union pour la Méditerranée (UpM), crée en 2008 sous sa propre impulsion. « Il faut dire les choses, l’UpM est une montagne qui a accouché d’une souris. La chance de Nicolas Sarkozy est de pouvoir incarner, grâce à sa casquette de président du G8, une coopération entre les pays industrialisés et les pays de la rive sud de la Méditerranée », décrypte un diplomate français. « Alors que l’UpM n’avait pas réussi à devenir indispensable, les évènements en Egypte et en Tunisie lui donnent une raison d’être inespérée pour Sarkozy », poursuit ce spécialiste.
Soutien officieux à Christine Lagarde
Ce programme de soutien aux deux foyers des révoltes arabes vient appuyer d’autres annonces plus symboliques. Les pays du G8 affichent leur “confiance” dans la capacité du Japon à surmonter la catastrophe de Fukuskima. Ils appellent également la Syrie et à la Libye à «mettre un terme aux violences», et condamnent l’usage de la force au Yémen, autre pays arabe au bord de la guerre civile dont la répression de la contestation sociale a causé 28 morts depuis le début de la semaine.
A moins d’une mesure sortie du chapeau qui aurait été tenue secrète jusqu’à demain, la nouveauté de Deauville 2011 sera la reconnaissance du rôle des Etats dans la réglementation d’Internet. Comme souvent dans ce genre de sommets, les évènements à la marge suscitent plus de passion que les sujets inscrits sur l’agenda. Même si la déclaration finale ne fera pas référence à la succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI, les différents dirigeants ont apporté un soutien officieux à Christine Lagarde. L’accord franco-russe sur la livraison de quatre avions Mistral après plusieurs années de négociations a également constitué un petit évènement en soi. Mais rien de comparable avec l’émoi suscité par le ventre rond de Carla Bruni-Sarkozy, radieuse sous les crépitements des flashs des photographes.
Source: “La Tribune” Le 26-05-2011
La Révolution tunisienne est-elle en panne ?
La croissance de la Tunisie devrait passer au dessous de 1% en 2011. Est-ce préoccupant ?
– C’est vrai. Notre économie n’est pas florissante, mais petit à petit, elle se redresse. Les Tunisiens se remettent au travail. J’espère que la saison touristique sera moins mauvaise que prévu. L’amélioration de la sécurité dans le pays devrait encourager les visiteurs étrangers à revenir.
La Tunisie sera présente au G8 le 27 mai à Deauville. Qu’attendez-vous de cette réunion ?
– Avec l’appui du président du G8, M. Nicolas Sarkozy, nous espérons que la Tunisie sera entendue. Nous avons établi un plan de développement de 125 milliards de dollars. La plus grande part sera financée par les Tunisiens eux-mêmes. Nous demandons à la communauté internationale de ne couvrir qu’une petite partie de cette somme : 25 milliards sur cinq ans. Mais nous traversons actuellement une conjoncture difficile. Pour la première tranche, un décaissement immédiat serait souhaitable.
La France est-elle toujours critiquée en Tunisie pour son soutien à Ben Ali ?
– Cette mauvaise image est effacée. Mon gouvernement regarde, lui, vers l’avenir, beaucoup moins vers le passé.
On parle d’un report des élections en octobre. Y êtes-vous favorable ?
– Pour des raisons de crédibilité, je souhaite que les élections pour l’assemblée constituante aient lieu à la date prévue du 24 juillet. Mais cette décision ne relève pas de la compétence du gouvernement. Elle appartient à la commission indépendante qui sera chargée d’organiser et de contrôler le scrutin. A l’avenir, nous nous bornerons à lui apporter un appui logistique.
L’ex-ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, a évoqué la menace d’un putsch militaire si les islamistes d’Ennahda remportaient le scrutin.
– Il ne savait pas ce qu’il disait. D’ailleurs, il a déclaré que les propos qui lui avaient été attribués ne correspondaient pas véritablement à sa pensée. Nous avons la chance d’avoir une armée républicaine qui ne cherche pas le pouvoir. Autrement, elle l’aurait pris le jour du départ de Ben Ali.
Farhat Rajhi doit être traduit devant un tribunal militaire pour ses propos. Cela ne risque-t-il pas d’envoyer un signal négatif ?
– Une action a été engagée pour outrage à l’armée. Elle suit son cours. On ne peut pas porter sur la place publique des accusations pareilles contre une institution respectable.
Le couvre-feu a été réinstauré à Tunis. Des manifestations ont été réprimées. La transition démocratique est-elle en panne ?
– Le couvre feu vient d’être levé. Dans toutes les manifestations, il y a des casseurs, y compris chez-vous. Mais il y a aussi une jeunesse qui s’inquiète. L’avantage en Tunisie, c’est que tout le monde s’exprime dans un cadre légal. Et ceux qui s’en écartent, tombent sous le coup de la loi.
Des groupes liés à l’ancien régime cherchent-ils à saper le processus démocratique ?
– De qui parle-t-on ? S’il s’agit du parti lui-même, le RCD, il est dissout. Quand aux individus, ils ont leurs droits et leurs devoirs, comme tout le monde. Ceux qui ont occupé des responsabilités sous l’ancien régime ne pourront pas participer aux élections. Les choses sont en train de s’estomper. Aujourd’hui, tout le monde s’inscrit dans le cadre du processus électoral.
Et la menace terroriste ? Deux militants d’al Qaïda auraient été tués récemment par vos forces de sécurité.
– Les forces de sécurité et l’armée sont particulièrement vigilantes, surtout le long de nos frontières. Des personnes infiltrées de Libye viennent d’être interceptées. Il y a eu cet échange de feu. Nous avons eu à déplorer nous aussi des morts.
Craignez- vous des tentatives de déstabilisation de la part de Kadhafi ?
– Par le passé, il a cherché à nous déstabiliser. Aujourd’hui, dans la situation, qui est la sienne, je ne crois pas qu’il en soit capable, à moins qu’il veuille détourner l’attention sur ce qui se passe chez-lui. Mais c’est peu probable.
Des bars, des vendeurs d’alcool, des maisons closes ont été attaqués. Y a-t-il un danger islamiste en Tunisie ?
– Il existe une minorité extrémiste. Mais elle est très marginale. Aucun pays au monde n’est épargné par ce phénomène. Il y a par contre les partis islamiques qui ont une existence légale et qui veulent participer aux élections, comme tout le monde.
Ennahda est-t-il, selon vous, devenu un parti légitime ?
– En tout cas, il a l’autorisation d’exercer. Il est un parti légal. Légitime, c’est un mot très différent. Mais il s’active, tient des réunions, publie ses programmes, il s’affiche comme un mouvement légaliste. Il dit clairement qu’il va respecter le code personnel. Donc pour l’instant, ça va.
Ses engagements démocratiques sont-ils sincères ?
– Est-ce qu’en politique, on peut parler de sincérité ? Mais nous n’avons aucune raison de mettre sa parole en doute.
Source : « Le Nouvel Observateur » Le 25-05-2011
Tunisie : la date de l’élection de la Constituante divise toujours
La commission électorale indépendante tunisienne a décidé que l’élection de l’Assemblée constituante serait reportée au 16 octobre, contre l’avis du gouvernement qui avait fixé la date du 24 juillet, a annoncé, jeudi 26 mai à la presse, son président,Kamel Jendoubi.
“La haute instance chargée des élections a préparé un calendrier qui fixe au 16 octobre l’élection de l’Assemblée constituante”, qui verra pour la première fois les Tunisiens voter librement, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, à l’issue d’une réunion avec les partis politiques tunisiens. “La date du 24 juillet ne figure pas dans le calendrier”, a-t-il insisté.
Mardi, le gouvernement de transition avait pourtant déclaré que ce scrutin-clé serait maintenu le 24 juillet, en affirmant que le décret-loi de convocation des électeurs entérinant cette date avait été signé par le président par intérim, Foued Mebazaa.“La haute instance a décidé le report des élections au 16 octobre pour des raisons techniques et logistiques”, a précisé un de ses membres, Arbi Chouikha.
“IMPOSSIBLE D’ORGANISER LES ÉLECTIONS SELON LA DATE QUI A ÉTÉ FIXÉE PAR LE GOUVERNEMENT”
“Nous sommes les garants des élections transparentes, libres et démocratiques qui auront lieu pour le première fois dans notre pays”, a-t-il affirmé. Or “il est impossible de les organiser selon la date qui a été fixée par le gouvernement”, a-t-il assuré en affirmant que “la décision finale est entre les mains de la haute instance”.
Le porte-parole du gouvernement, Taïeb Baccouche, a déclaré que “le Conseil des ministres se réunira pour en discuter”. “Si nous sommes convaincus par la commission de l’impossibilité de la tenue des élections le 24 juillet, nous pouvons promulguer un autre décret” pour remplacer celui fixant au 24 juillet la date de l’élection, a-t-il précisé.
Une majorité de partis politiques était jusqu’ici favorable au maintien de l’élection le 24 juillet, notamment le parti islamiste Ennahda et le parti démocrate progressiste, au nom de la stabilité du pays. D’autres, comme le Parti communiste et ouvrier tunisien, souhaitaient avoir plus de temps pour faire campagne et mettaient en garde contre les risques d’une élection mal préparée.
Source: ”Le Monde.fr” Le 26-05-2011
Tunisie : visite de François Hollande au Mouvement Ettajdid
Une délégation du PS français, conduite par François Hollande, a rendu visite au Mouvement Ettajdid, mardi 24 mai 2011. Au cours de cette rencontre, François Hollande a exprimé la détermination des forces démocratiques françaises à soutenir activement la transition de la Tunisie vers la démocratie.
La France, par-delà ses clivages, a-t-il affirmé, doit aider la Tunisie à affronter les difficultés économiques et sociales auxquelles elle est confrontée dans un environnement régional et international difficile. Il a déclaré sa confiance dans le peuple tunisien et dans sa capacité, fort de ses nombreux acquis depuis l’indépendance, à fonder une démocratie stable et le respect des libertés. Il a également mis l’accent sur la nécessité de l’union des forces démocratiques tunisiennes, en particulier les partis qui se sont battus contre le régime déchu, pour apparaître comme la principale force politique et fonder une Constitution à la hauteur des sacrifices consentis par le peuple tunisien et répondre à ses aspirations. En réponse, Ahmed Brahim, premier secrétaire du Mouvement Ettajdid, a rappelé que son parti n’a cessé d’œuvrer pour la création d’une large alliance des forces démocratiques, progressistes et modernistes. Malgré les réserves exprimées par les partis concernés, il poursuit ses efforts et ses contacts pour faire réussir le rassemblement le plus large. Il s’est félicité de la convergence d’analyses avec le PS sur la situation qui prévaut actuellement en Tunisie et sur les exigences qu’elle requiert. Il a ainsi affirmé sa confiance dans la capacité du peuple tunisien de réussir la transition démocratique en toute souveraineté tout en consolidant les relations de coopération avec la France et l’Europe.
Source : « Investir en Tunisie » Le 26-05-2011
François Hollande en Tunisie. Qu’est-il venu nous dire?
Par Emmanuelle Houerbi
Pendant sa visite de deux jours à Tunis, François Hollande a évoqué tous les sujets. Décryptage du message d’un homme en campagne prônant un partenariat renouvelé entre la Tunisie et la France.
M. Hollande a parlé de la préparation des élections en Tunisie, l’aide internationale et le G8, la question de la dette, l’immigration, ou la place des jeunes dans la société, tout y est passé… Sans oublier bien sûr les ambitions présidentielles de l’actuel favori du Parti Socialiste français. En marge de ses rencontres avec des jeunes, des leaders de la transition démocratique et les principaux responsables politiques, François Hollande a participé, mardi, à un débat sur l’avenir des relations franco-tunisiennes.
Appel à un rassemblement immédiat de la gauche Après avoir rencontré le président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et les représentants des principaux partis de gauche (Ettadjid, Etakatol, et Pdp), M. Hollande a pointé le danger de l’éparpillement et l’urgence de constituer un front commun entre des partis qui partagent le même projet et les mêmes valeurs démocratiques.
Il a rappelé que le scrutin proportionnel choisi pour les prochaines élections fait la part belle aux grands partis en excluant les autres de la scène politique, comme lors du deuxième tour de la présidentielle de 2002, où les Français ont eu à choisir entre Chirac et Le Pen. Tout en comparant la poussée de l’extrême-droite en France au celle des partis islamiste en Tunisie.
Sans avenir pour les jeunes, pas de démocratie Faisant à la fois référence aux révolutions arabes et à la révolte qui gronde en ce moment en Espagne, il a rappelé que les jeunes sont le levier de la réussite d’un pays et que, lorsqu’on ne leur donne pas la place qu’ils méritent, ils finissent forcément par se soulever et à se détourner de la démocratie.
M. Hollande a prôné un pacte entre les générations, une pyramide des âges équilibrée dans l’entreprise et rappelé l’importance majeure de la formation. Il a aussi pointé la situation alarmante des jeunes issus de l’immigration en France, stigmatisés et majoritairement exclusde la société, malgré le plus souvent un passeport français en bonne et due forme ! Dénonçant un repli de l’Europe sur elle-même, M. Hollande a particulièrement fustigé les dernières déclarations de la droite française et rappelé les vrais chiffres de l’immigration: sur les 200.000 immigrés arrivant en France chaque année, près de la moitié viennent de plein droit dans le cadre de l’immigration familiale et du rapprochement des conjoints. Viennent ensuite 60.000 étudiants, dont la France a besoin pour son rayonnement et son dynamisme, les universités souhaitant même en recevoir plus. Vient enfin l’émigration économique, la fameuse «immigration choisie», que Sarkozy voulait voir augmenter précédemment, et que l’actuel ministre de l’Intérieur veut à présent réduire de 30.000 à 15.000 individus: un chiffre dérisoire par rapport aux 4 millions de chômeurs! Pour M. Hollande, le vrai problème concerne les clandestins en France, pour lesquels il préconise la régularisation au cas par cas.
Une aide immédiate de la communauté internationale Lors du G8, jeudi et vendredi à Deauville, François Hollande compte plaider la cause d’une aide immédiate de 500 millions d’euros destinée à soutenir l’organisation des élections du 24 juillet, ainsi qu’une aide de 25 milliards sur 5 ans, sous forme de prêts ou de dons. Il a aussi prôné un audit de la dette, tout en rappelant que celle-ci ne représente «que» 37% de la richesse nationale, contre 85% pour la France! Il a toutefois proposé, vu la situation actuelle, de dispenser la Tunisie du paiement des intérêts, mais sans suspendre complètement les paiements de la dette elle-même, pour ne pas voir baisser la notation de la Tunisie. Candidat avant tout, François Hollande a régulièrement émaillé son discours d’allusions aux primaires socialistes et à l’élection présidentielle de 2012, et de piques bien senties à l’adresse de la droite française, évoquant successivement l’hystérie provoquée par l’arrivée de 25.000 Tunisiens à Lampedusa, l’Union pour la Méditerranée (UpM) initiée par Sarkozy et ses grands amis Ben Ali et Moubarak, les dernières déclarations du ministère français de l’Intérieur ou la réaction catastrophique de la France lors de la révolution tunisienne. Tout cela pour le plus grand plaisir d’une salle, composée principalement de Français et de binationaux, visiblement déjà acquise à sa cause. Un public auquel il n’a pas manqué de rappeler que tous les Français, et non pas seulement les militants socialistes, pourront voter aux primaires le 9 octobre prochain. Avis aux amateurs.
Source : « Kapitalis » Le 26-05-2011
Tunisie : Election de la constituante – Pas droit à l’erreur
La Tunisie entre dans la dernière ligne droite avant l’élection cruciale d’une Assemblée constituante. Le gouvernement de transition a maintenu la date au 24 juillet contre l’avis de la commission électorale pour qui les conditions logistiques de l’organisation de ce scrutin ne seront pas remplies à temps.
Sera-t-elle une décision ferme et définitive ? Pas du tout sûr. Quelques partis politiques continuent à communiquer et même harceler pour dire qu’une élection à la date de 24 juillet sera de toute façon une élection condamnée à l’échec. Pour le POCT- extrême gauche, les partis politiques ne sauront pas prêt à cette date pour s’organiser pour mener une compagne permettant aux tunisiens de choisir en connaissance de cause et en toute responsabilité. Pour le Parti ETTAJDID, le renouveau (ancien parti communiste tunisien), le maintien de cette date pour organiser la première élection libre et démocratique est une décision irresponsable qui mettrait en danger les fondamentaux de la révolution et rappelle la responsabilité du gouvernement transitoire en cas de l’échec des élections.
En revanche, comme Ennahdha – le parti islamiste, le CPR son allié, le PDP, le FTDL – centre gauche, saluent tous cette décision du gouvernement et appellent ce dernier à mettre le paquet pour raccourcir les délais et respecter la date du 24 juillet.
Croyant que la stabilité, la reprise économique du pays et la confiance du tunisien à ses institutions sont tributaires à la légitimité de ces dernières, j’ai toujours appelé à travers mes différents Twittes au non report de cette date. En dépit des critiques de ces dernières semaines adressées au Premier Ministre Tunisien BCE et le retour des manifestations contre le gouvernement transitoire qui avait conduit ce dernier à réinstaurer le couvre feu durant une semaine, j’ai exprimé à maintes reprises mon soutien à ce gouvernement et à ce premier ministre et ce jusqu’au 24 juillet, date de fin de mission de ce gouvernement.
Il était certain qu’une nouvelle démission du gouvernement transitoire conduirait le pays à une crise profonde, nul ne pourra prévoir ses conséquences. Je suis convaincu que ce scénario catastrophe conduirait à la rupture de confiance de l’armée envers nos politiques pour assurer la transition démocratique. Ce qui amènerait l’armée tunisienne à prendre en main les commandes, et l’unité du pays en serait donc ébranlée. On serait, dès lors, à des années lumière de la démocratie et des libertés tant convoitées par le peuple tunisien.
Nous voilà donc fixé, au moins à ce jour, sur la date de la première élection libre et démocratique en Tunisie. Pour autant, rien n’est encore gagné. La commission chargée d’organiser ces élections évoque des contraintes logistiques immenses liées à la formation de 20 000 personnes qui seront chargées d’administrer ces élections, à l’établissement des listes électorales…etc. Rien d’étonnant, vu qu’on parte du néant. Mais, il est de la responsabilité du gouvernement de mettre tous les moyens matériels, humains et surtout financiers. J’insiste sur les moyens financiers car tout le monde sait qu’avec plus de ressources financières les délais se contractent exponentiellement. Il est également de la responsabilité de la communauté internationale d’apporter leur savoir faire et leurs expériences dans ce domaine pour soutenir cette jeune future démocratie. Il est urgent aujourd’hui de passer de la bonne parole aux actes. Nous continuons à entendre ici et là-bas le soutien de l’union européenne, des Etats Unies d’Amérique mais nous voyons peu pour ne pas dire pas d’actes concrets.
La Tunisie est en attente du savoir faire Européen et Américain dans l’organisation de tel scrutin.
La Tunisie est toujours en attente de l’apport logistique : matériels et experts.
Ceci étant dit, l’attentisme, face aux échéances, serait une erreur fatale pour l’atteinte de l’objectif final à savoir organiser une élection libre et démocratique le 24 Juillet. C’est pour cela, nous pouvons saluer la bonne volonté de l’ensemble des acteurs qu’il s’agit des partis politiques, des différentes commissions indépendantes et du gouvernement pour conduire une démarche scientifique et politique pour organiser ce scrutin.
Le peuple tunisien est à la fois acteur, observateur et juge final de la réussite ou de l’échec de ce scrutin. Ce peuple qui a donné de son sang ne pourra accepter une réussite mitigée ou douteuse de scrutin du 24 juillet. En dépit des contraintes et des obstacles qui nous attendent dans les jours et les semaines à venir, je reste optimiste et persuadé que la Tunisie aura à la veille de la fête de la république sa première élection libre, que la Tunisie marquera l’histoire et donnera la ligne de conduite non seulement aux autres peuples arabes souffrant de la dictature mais également aux peuples européens inspirant récupérer leur pouvoir complètement décimé par les institutions soit disons représentatives.
La responsabilité de la Tunisie et des Tunisiens vis-à-vis de l’Histoire des peuples libres et dignes, ne leur donne pas droit à l’erreur. Alors travaillons, travaillons, travaillons la liberté est au bout du chemin.
Source : « AgoraVox » Le 26-05-2011
La Tunisie doit redéfinir sa législation antiterroriste pour éviter les abus
TUNIS – Le rapporteur spécial de l’ONU pour la protection des droits de l’Homme dans la lutte antiterroriste, Martin Scheinin, a invité jeudi la Tunisie à redéfinir sa législation antiterroriste, héritée du régime Ben Ali, et à poursuivre les auteurs de crimes et abus commis en son nom. La loi antiterroriste instaurée en 2003 est basée sur une définition beaucoup trop large du terrorisme, qui a servi d’outil pour opprimer toute manifestation de dissension politique ou autre, a-t-il déclaré à la presse au terme d’une visite de 5 jours. Le gouvernement de transition l’a admis en promulguant une loi d’amnistie pour tous les condamnés au titre de cette loi, et j’ai entendu de nombreux interlocuteurs confirmer que la loi contre le terrorisme de 2003, source de tant d’abus, n’avait plus servi depuis les événements du 14 janvier, date de la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, s’est félicité M. Scheinin. Toutefois, à la prison de Mornaguia (30 km de Tunis), on m’a dit que des juges ordonnaient parfois la mise en détention de prévenus au titre de cette loi de 2003, a-t-il déploré, en invitant la Tunisie à la remplacer par un cadre législatif approprié respectueux des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, la Tunisie devrait poursuivre ses enquêtes au sujet des allégations de torture et de détention illégale, souvent commis sous prétexte de lutte contre le terrorisme, a souligné le rapporteur de l’ONU, qui a rencontré en Tunisie des membres du gouvernement, des forces de l’ordre et des détenus soupçonnés de terrorisme. Mener des enquêtes, poursuivre et juger les responsables de ces crimes pourrait contribuer à restaurer la confiance entre la population et les forces de sécurité du pays, a-t-il fait valoir. M. Scheinin, qui avait déjà effectué une mission en Tunisie en janvier 2010, a salué la mise en retraite anticipée d’une quarantaine de responsables de la police pour leur comportement du temps du régime du président déchu Ben Ali. Mais ce n’est pas assez, a-t-il estimé: Au ministère de l’Intérieur, j’ai vu de mes propres yeux que des responsables qui étaient en poste l’an dernier et qui savaient certainement ce qui se passait sont toujours en fonction, parfois à un poste hiérarchique supérieur. Interrogé sur un risque terroriste en Tunisie, le rapporteur de l’ONU a indiqué que la Tunisie fait partie des pays dans lesquels la menace est réelle, mais que ce risque relevait plutôt d’une utilisation du territoire tunisien pour des activités transfrontalières que d’une menace imminente d’attentat. Le 18 mai, deux hommes fortement suspectés d’appartenir à Al-Qaïda ont été tués par les forces tunisiennes, à environ 200 km à l’ouest de Tunis. Trois jours auparavant, un Algérien et un Libyen suspectés d’appartenance à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont été arrêtés en possession d’explosifs à 130 km de la frontière avec la Libye.
Source : « Romandie » Le 26-05-2011
Tunisie : un expert de l’ONU appelle à renforcer la lutte contre l’impunité
26 mai 2011 –
Après une visite de quatre jours en Tunisie, du 22 au 26 mai, le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, Martin Scheinin, a appelé les autorités transitoires à renforcer la lutte contre l’impunité et à garantir que les auteurs de violations des droits de l’homme soient traduits en justice.
« Je demande que des mesures soient prises pour lutter contre l’impunité, afin de garantir que les auteurs des crimes et violations des droits de l’homme commis au nom de la lutte contre le terrorisme rendent des comptes », a déclaré Martin Scheinin dans un communiqué.
« Je salue les efforts du gouvernement car j’ai pu mener des entretiens ouverts et constructifs avec de nombreux agents de l’Etat, y compris au niveau le plus élevé. J’insiste sur le besoin d’entreprendre des réformes nécessaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, conformément au droit international des droits de l’homme », a-t-il ajouté.
Au cours de sa visite, l’expert indépendant a pu effectuer des entretiens avec le ministre de la justice et des droits de l’homme, le ministre de l’intérieur et du développement local, le secrétaire d’Etat pour les affaires étrangères, le procureur-général pour l’administration de la justice, le président de la commission d’établissement des faits sur les abus des droits de l’homme depuis le 17 décembre 2010, le porte-parole du Conseil de l’instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, ainsi qu’avec des hauts représentants des agences chargées du maintien de l’ordre.
Martin Scheinin a pu rencontrer des représentants de la société civile, y compris des avocats. Il s’est également rendu dans le centre de détention de Bouchoucha et à la prison de Al Mornaguia où il a pu s’entretenir en privé avec des suspects de crimes de terrorisme.
« Mon mandat met l’accent sur la protection des droits de l’homme tout en luttant contre le terrorisme. Je constate quelques mesures liminaires qui indiquent que la Tunisie a rompu avec son passé. C’est avec intérêt que j’ai entendu de nombreux interlocuteurs confirmer que la loi sur la lutte contre le terrorisme de 2003, source de tant d’abus, n’avait plus servi depuis les évènements du 14 janvier, notamment à l’encontre du peuple tunisien qui exigeait le changement », a souligné l’expert indépendant.
« Dans le souci de donner au peuple tunisien toutes les garanties de sécurité qu’il mérite, je mets mes services et ceux de mon mandat à disposition pour remplacer la loi de 2003 par un cadre législatif approprié qui règlemente les efforts déployés par la Tunisie pour lutter contre le terrorisme, conformément aux conventions et protocoles internationaux de lutte contre le terrorisme, tout en garantissant le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales », a-t-il proposé tout en réaffirmant que « la menace mondiale que pose le terrorisme est bien réelle ».
Martin Scheinin s’est félicité de la dissolution de la Direction pour la sécurité de l’Etat qui jouissait d’une impunité et qui était, selon l’expert, la principale instance responsable des actes de torture et de détention arbitraire.
« Néanmoins, mon rapport précédent insistait aussi sur le fait qu’il n’existait pas d’information aisément disponible au sujet de plusieurs organes de sécurité de l’Etat tunisien. La culture du secret était un élément essentiel créant une véritable d’impunité permettant à ces agents d’agir », a-t-il dit.
Pour l’expert, ces premières étapes sont positives. Mais il a rappelé la nécessité pour le pays « d’affronter les pages noires de son passé ».
« Certains agents continuent de nier que des bureaux du Ministère de l’intérieur aient servi de salle d’interrogatoires et de torture. On m’a fait savoir qu’à ce jour, 60 agents de sécurité ont été arrêtés, 7 cadres supérieurs poursuivis et 42 agents contraints de prendre leur retraite ou partis volontairement à la retraite. La Tunisie devrait poursuivre ses enquêtes ex officio au sujet des allégations de torture et de détention illégale, autant d’actes souvent commis au prétexte de la lutte contre le terrorisme. Le fait de mener des enquêtes, de poursuivre et de juger les responsables de ces crimes pourrait contribuer à reconstruire la confiance entre la population et les forces de sécurité du pays », a recommandé Martin Scheinin.
Enfin, il a appelé les autorités tunisiennes à mettre en place des règles de protection lors des gardes à vue notamment l’accès à un avocat de son choix dès l’arrestation et sa présence à chaque interrogatoire.
Il présentera son rapport complet au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2012.
Source: ”Centre d’actualites de l’onu” Le 26-05-2011
Marouane Ben Zineb, l’autre martyr de la révolution tunisienne
Par Ridha Kéfi
Qui est ce martyr dont Kadhem Zine El Abidine, représentant du ministère de la Justice, a annoncé, mardi, l’autopsie du corps pour savoir les raisons exactes de sa mort brutale… il y a douze ans, probablement tué sur ordre de… Ben Ali?
L’histoire tragique de ce génie de l’informatique, mort à 27 ans dans des circonstances troubles, a été racontée par deux auteurs: Ahmed Mannaï, ancien militant d’Ennahdha emprisonné sous Ben Ali, dans un ouvrage intitulé ‘‘Supplice tunisien. Le jardin secret du général Ben Ali’’ (éd. La découverte, Paris, 1995), puis par Béchir Turki, ancien officier de l’armée tunisienne, dans ‘‘Ben Ali le ripou’’ (édité à compte d’auteur, Tunis, 2011). C’est à partir de ces deux ouvrages que nous reprenons, ici, les détails de cette histoire sur laquelle la justice tunisienne ne manquera pas de faire la lumière, puisque de nombreux témoins sont encore en vie.
Les fréquentations israéliennes du président de la république
En juillet 1989, Marouane Ben Zineb, grand féru d’informatique, a eu le malheur de s’introduire par inadvertance dans le système informatique de la présidence de la république. A sa grande surprise, il a découvert que Ben Ali avait des relations avec des agents du Mossad israélien accrédités à Tunis pour surveiller les chefs de l’Organisation de libération de la Palestine (Olp), dont le siège était alors à Tunis, ainsi que de nombreux militants tunisiens et arabes de la cause palestinienne. A-t-il fait d’autres découvertes? Possible, mais c’est tout ce qu’il a raconté à sa sœur, qui s’en souviendra et en parlera à sa famille, le jour où Marouane, après une disparition de huit jours, a été enfin ramené à la maison dans un cercueil sur lequel il était écrit «Défense d’ouvrir». La jeune femme et son père, Habib Ben Zineb, juge à la retraite, ancien président du tribunal administratif, ont alors tout compris. Marouane a été assassiné. Et c’était un crime d’Etat. Quelques années plus tard, le malheureux père eut une attaque cérébrale. Atteint de tétraplégie, il mourut immobilisé dans son lit, au bout de trois années de paralysie complète. Ironie de l’histoire: ne sont-ce pas les technologies de l’information et Internet, dont il a voulu faire un instrument d’embrigadement et d’abêtissement du public, qui ont finalement causé la perte du dictateur? Mais c’est là une autre histoire, que les historiens raconteront sans doute un jour…
Chronique d’une mort annoncée Pour revenir à Marouane Ben Zineb, en ce 27 juillet 1989, le jeune homme rangé et bien dans sa tête doit se rendre à l’hôpital pour une séance de rééducation, nécessitée par un récent accident de la circulation. Il emprunte la vieille R12 de son père. Sur le chemin, il prend un ami qu’il dépose quelques kilomètres plus loin. Puis plus rien… Une longue absence de huit jours. On imagine le désarroi de la famille Ben Zineb, qui se mobilise, dès la tombée de la première nuit d’absence, pour rechercher le jeune homme. On va voir ses amis, la police, la garde nationale et jusqu’aux morgues des hôpitaux de Tunis. En vain. Pas un renseignement utile. Pas un signe de vie. Au troisième jour, le malheureux père obtient une audience auprès de Chedly Neffati, ministre de l’Intérieur de l’époque. Ahmed Mannaï raconte la rencontre entre les deux hommes: «Le père rappela au ministre la longue liste des services qu’il a rendus à l’État durant sa carrière de juge et l’assura qu’il consentirait bien à lui sacrifier encore le fils si cela était nécessaire: pourvu qu’on lui dise que c’était l’État qui en disposait. Le ministre lui fit la réponse qu’il a entendue trois jours durant de la bouche des chefs de poste de police: Marouane n’a pas été arrêté, n’a jamais été recherché et n’a été signalé dans aucun accident de la circulation. Cela a été dit sur un ton dont la fibre mensongère n’échappa pas au vieux juge. En quittant le ministère, Habib Ben Zineb était convaincu que son fils était passé par là, et que s’il n’y était plus, il devait être déjà enterré, ou quelque part dans une morgue d’hôpital» (‘‘Horizon 94’’, n° 1, août 93).
Un jeune homme bien rangé… jusque dans la mort Marouane était en effet décédé et son corps déposé dans la morgue de l’hôpital Charles Nicolle, à Tunis. Il était inscrit sous un faux nom, cinq jours plus tôt. Motif officiel du décès: accident de la circulation. Le jeune homme a donc passé trois longs jours dans les geôles du ministère de l’Intérieur. On imagine l’acharnement de ses tortionnaires et les souffrances inhumaines qu’ils ont dû lui faire subir. Par un curieux hasard, le même jour où le cadavre du jeune homme a été découvert, la vieille R 12 du père était découverte, elle aussi, à Hammam-Lif, «au niveau de Bou-Kornine à quelques mètres de la voie ferrée et à moins de 50 mètres du poste de police de la circulation!», précise Ahmed Mannaï L’auteur relève d’autres détails bizarres et qui rappellent une scène de crime dans un film de série noire. «Dans le coffre de la voiture, il y avait les papiers, les lunettes, la montre et d’autres effets personnels, rangés avec un grand soin. Mais il y avait surtout les clés de la voiture miraculeusement déposées sur l’enjoliveur de la roue droite avant», écrit-il. Il ajoute avec une pointe d’ironie douloureuse: «Avant de ‘‘se jeter’’ sous le train, Marouane avait pris soin de tout mettre en ordre. Mais jamais un mort n’a eu autant de mal à gagner sa sépulture. Il attendit encore huit jours pour être porté en terre. Jamais la police n’a autant honoré de sa présence les funérailles d’un simple et anonyme citoyen. La veille de son inhumation, elle investit le quartier et se mêla à la famille pour veiller le corps. Elle assura pendant des semaines la protection rapprochée de la tombe, à l’affût d’une quelconque révélation outre-tombe de Marouane». Version officielle servie par les sbires du dictateur à la famille du défunt : Marouane a été retrouvé mort sur les rails du train à la gare d’Ezzahra, non loin du lieu de son habitation.
La justice peut (et doit) se racheter Le jeune homme, qui se préparait à partir aux Etats-Unis, où il a réussi à décrocher une bourse d’études, aurait-il eu la mauvaise idée de se suicider à quelques jours de son départ pour la grande aventure? Nous espérons (nous exigeons) que la justice fasse enfin aujourd’hui le travail qu’elle aurait dû faire il y a douze ans. Pour la mémoire de Marouane et de celle son père, mais aussi afin que les autres membres de sa famille encore vivants puisse faire enfin leur deuil. Et pour que la vérité sur cette affaire éclate enfin et que les ordonnateurs de ce meurtre ignoble, à commencer par l’ex-président, et les exécuteurs soient traduits devant les tribunaux d’une Tunisie enfin libérée du joug de la dictature, de l’injustice et, nous osons l’espérer aussi, de l’impunité.
Source : « Kapitalis » Le 26-05-2011
“La Tunisie sortira de la crise plus forte en 2012”
Par Anis Mili
Alors que le G8, qui débute ce jeudi à Deauville, devrait décider de l’aide à apporter aux pays du Moyen Orient touchés par les révoltes populaires, Said Aidi, ministre tunisien de la formation et de l’emploi fait le point sur la situation du pays et les projets du gouvernement de transition.
L’économie tunisienne est-elle encore à l’arrêt ?
Pas du tout. Nous avons certes enregistré une croissance inférieure à 1% sur premier trimestre mais les usines tournent de nouveau normalement et les exportations n’ont pas ralenti contrairement à ce qui a pu être dit. Le secteur des nouvelles technologie a été très peu touché par les révoltes. En revanche, le gros point noir aujourd’hui est le tourisme. Il s’est effondré sur les trois premiers mois de l’année, mais heureusement ce sont des périodes creuses. Nous espérons que le secteur repartira cet été mais nous ne nous faisons pas d’illusion, l’activité sera très mauvaise cette année. D’une part parce que les touristes occidentaux auront peur de venir dans le pays qui est pourtant loin d’être à feu et à sang. D’autre part, la situation en Libye est toujours critique or plus d’un million de touristes libyens visitent notre pays chaque année et ils sont particulièrement dépensiers. Cette chute d’activité pèsera fortement sur l’emploi, le secteur du tourisme employant près de 700 000 personnes en temps normal, notamment des saisonniers.
Justement, quelle est la situation de l’emploi dans le pays ?
Le chômage avec les inégalités sociales a été la principale cause de la Révolution sociale. Surtout le chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur qui atteint 24% aujourd’hui et était à 22% avant la révolte. Et ce n’est qu’une moyenne: il peut atteindre près de 40% dans certaines régions à l’intérieur des terres. Pendant des années, nous avons formé trop de jeunes dans les sciences sociales, la géographie, les langues… car il fallait remplir les universités. Ce sont ces jeunes désespérés et frustrés qui sont à l’origine des révoltes populaires. Notre constat aujourd’hui, c’est qu’il y a un vrai besoin de main d’oeuvre en Tunisie, et qu’il est urgent d’adapter l’offre à la demande. Pour cela nous avons identifié six pôles de forte employabilité (les hautes technologie, l’agroalimentaire, la santé, les énergies renouvelables, la santé, la logistique et le tourisme durable) sur lesquels nous allons orienter nos efforts via des formations pour les chômeurs. Nous avons également décidé de créer une allocation à la reconversion. Attention, pas une allocation chômage car nous ne voulons pas tomber dans l’assistanat. Elle prendra la forme d’une aide financière de 100 euros par mois. En contrepartie, le chômeur devra accepter de suivre une formation sur un des pôles à forte employabilité. Pour les jeunes, nous allons revaloriser l’image de l’apprentissage et favoriser l’entrée dans cette filière dès le collège.
Ces mesures pourront-elles améliorer rapidement la situation du marché de l’emploi dans le pays ?
Il est clair que le taux de chômage ne baissera pas avant la fin de l’année. Il devrait même continuer à augmenter. De 16% aujourd’hui, il passera vraisemblablement à près de 20% d’ici le quatrième trimestre 2011. A cause des problèmes dans le secteur touristique comme je l’ai déjà dis, mais aussi parce que la révolution en Libye incite bon nombre de nos compatriotes expatriés (35 000 environs) à revenir en Tunisie. Ce qui fait gonfler un peu plus les rangs des demandeurs d’emploi. Mais dès 2012, le pays repartira plus fort avec une croissance qui devrait atteindre 5% l’an et une forte baisse du chômage.
Vous prévoyez de nombreuses mesures dans la formation mais aussi dans l’aménagement du territoire, l’aide à la création d’entreprises…Vos finances publiques vous permettent-elles vraiment de mener à bien ces réformes ?
Même si nous allons faire un gros effort pour rationaliser notre administration et réduire les dépenses de fonctionnement, nous aurons besoin d’aide. Un plan d’action sera présenté pour moderniser l’économie tunisienne au G8 de Deauville, en fin de semaine, et nous demanderons une aide de 25 milliards de dollars sur 5 ans.
Source : « L’express » Le 26-05-2011
Lien :http://lexpansion.lexpress.fr/economie/la-tunisie-sortira-de-la-crise-plus-forte-en-2012_256186.html
Tunisie : du faux départ à la contre-révolution
Par Ghazi Mabrouk
Ghazi Mabrouk est conseiller spécial de l’Observatoire européen du Maghreb.
«La République des copains et des coquins ! » Une terrible formule du Français Michel Poniatowski pour évoquer, il y a trente-cinq ans, l’État-UDR. La Tunisie a vécu la « République des coquins » durant vingt-trois ans. Elle connaîtrait maintenant la « République des copains », celle des clans et des « visiteurs du soir ».
Certes, de telles accusations sont la conséquence directe de l’impression d’opacité que donnerait un pouvoir tenu par l’élite et par l’establishment, provoquant inévitablement la suspicion de la base populaire et augmentant les risques de contestation et de blocages.
Certes, ceux qui ont immédiatement « succédé » au dictateur ont commis l’erreur de s’appuyer sur la Constitution de l’ancien régime : exit le Comité de salut public adossé à l’armée – qui est légitimiste – et la purge politique du système au nom des aspirations populaires.
Certes, le peuple a l’impression que les autorités provisoires tergiversent, que la liberté et la justice ne sont pas au rendez-vous, que des personnalités emblématiques de l’ancien régime et leurs acolytes sont ménagés.
Certes, pensent certains, le temps faisant son œuvre, le peuple se lassera et passera à autre chose. La grande révolution aura été que Ben Ali et sa mafia soient partis : maintenant, on peut aller se coucher. Circulez, il n’y a rien à voir !
Certes, les caciques de la politique comprennent difficilement que la donne a changé, et que le peuple risque de considérer que sa révolution est inachevée après ce faux départ et une contre-révolution rampante que les nervis du passé tentent d’alimenter par la politique de la terre brûlée et la violence.
Certes, certes, certes, mais il va bien falloir avancer.
L’intérêt supérieur de la Tunisie commande de s’engager « haut les cœurs » dans la phase nouvelle qui se dessine : celle d’un processus électoral inédit. Une nouvelle République pourrait émerger del’élection de l’Assemblée constituante. La plupart des partis légalisés ont les yeux tournés vers cette élection, qu’ils croient déterminante pour eux, car ils pourront enfin mesurer leur poids. Mais cela ne sera qu’indicatif : ce sera plutôt lors des élections législatives que l’avenir politique des partis « croupions » se jouera. C’est là que les alliances et les coalitions prendront toute leur importance, pour dégager une majorité de gouvernement. D’ici là, ces partis auront eu le temps de s’organiser.
Une Constituante n’est pas une Assemblée nationale, sa gouvernance reste transitoire. La Constituante pourrait choisir la solution de facilité, celle d’un gouvernement d’union nationale transitoire, mais qui risquerait d’être paralysé. Elle pourrait aussi choisir l’apprentissage « grandeur nature » de la démocratie, avec un système de coalition post-électorale, une majorité gouvernementale et une opposition républicaine.
Le Premier ministre transitoire serait alors issu de la coalition majoritaire de la Constituante, tandis que le président élu de la Constituante pourrait cumuler la fonction de président de la République transitoire, afin de ne pas la personnaliser, le temps d’élaborer une nouvelle Constitution et d’organiser des élections législatives et présidentielle.
« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » pour que la magie tunisienne puisse opérer à nouveau. À défaut de donner à la dynamique de la révolution du 14 janvier « des gages », c’est « Dégage ! » que les dirigeants entendront encore crier sous leurs fenêtres.
Un gage politique d’ouverture serait l’introduction du concept de référendum populaire. Un autre gage en direction du développement régional serait l’adoption du principe de Conseils régionaux élus : ils bénéficieraient d’affectations budgétaires spécifiques décentralisées, autogérées par chaque région, sous le contrôle d’un Sénat constitué en Seconde Chambre des représentants des régions.
Les métamorphoses audacieuses sont désormais requises : il ne faut pas hésiter à souffler sur la braise si l’on veut que les cendres s’éparpillent ! C’est ce que la lutte pour l’indépendance nationale nous avait appris. L’esprit de Bourguiba n’a-t-il pas plané sur la Tunisie en ce 14 janvier, pour la seconde libération du pays ?
Source : « Jeune Afrique » Le 26-05-2011
Quel avenir pour les révolutions arabes ?
Après cinq mois de contestation, voici venue l’heure d’un bilan provisoire et contrasté. Deux pays, la Tunisie et l’Égypte, ont obtenu la chute des régimes autoritaires en place. Ce n’est qu’une étape pour des peuples qui veulent plus de libertés et de justice sociale.
Après la Tunisie puis l’Égypte, c’est le Yémen qui semble tout près de la victoire. Samedi, l’opposition a accepté de signer un accord devant en principe mettre fin à la première phase d’un soulèvement populaire qui s’exerce depuis le mois de janvier. Selon cet accord « parrainé » par le Conseil consultatif du Golfe, le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis trente-trois ans, devait démissionner en échange d’une garantie d’immunité. Mais, dimanche, ce dernier, qui n’en est pas à sa première manœuvre, a posé de nouvelles conditions à son départ. Isolé sur la scène internationale, où l’on craint un effet de contagion dans les pays voisins du Golfe, et notamment en Arabie Saoudite, il semble cependant condamné.
D’autant que la mobilisation populaire ne cesse de croître. Mais la situation en Tunisie, en Égypte et maintenant au Yémen pose une autre question : où doit s’arrêter le curseur de ces révolutions ? La chute de régimes autoritaires est-elle synonyme de victoire pour le peuple ? Quand auront lieu des élections libres ? Quels régimes sortiront des urnes ? De quelles libertés jouiront enfin les peuples ? Et ces libertés pourront-elles renforcer la lutte sociale ? Car il est évident que tel est l’objectif des mouvements révolutionnaires qui, depuis le mois de décembre, agitent le monde arabe : la liberté pour la justice sociale. Or, il y a parfois loin de la chute d’un dictateur à l’établissement d’un système politique garantissant davantage de libertés et de justice sociale.
C’est pour répondre à ces questions que nous avons donné une place particulière à la Tunisie, là où tout a commencé et là où les choses sont les plus avancées. On n’oubliera pas non plus les trois pays où les régimes en place résistent, parfois férocement : Bahreïn, la Libye et la Syrie. Trois situations et trois histoires de nature différente. Mais où le sang a déjà beaucoup coulé. Après l’heure déjà lointaine de l’enthousiasme à Tunis et au Caire, voici venu le temps des doutes et des questions. Sans oublier un détour par le conflit israélo-palestinien, au cœur politique et symbolique de tous les conflits qui parcourent le monde arabo-musulman
Source : « Politis » Le 25-06-2011
Tunisie: Quand les Magistrats font de la politique
Par Dr. Farouk Ben Ammar
Le 6 Décembre 1946, une brochette d’éminents magistrats tunisiens, pères fondateurs de la magistrature tunisienne moderne, ont crée une association baptisée « Amicale des Magistrats Tunisiens » afin de militer pour l’indépendance de la magistrature et la non-ingérence de l’exécutif dans ses missions, pour l’égalité entre les magistrats Tunisiens et les magistrats Français, (certaines affaires sensibles étaient confiées exclusivement à des magistrats français) et pour paver le terrain de la lutte pour une Tunisie indépendante et souveraine. La présidence de cette noble institution a été confiée, pendant plusieurs années au Magistrat Feu Sidi Mohammed Ben Ammar, connu pour être « aussi sage que savant » dixit le célèbre journaliste français Géo London dans un article « Critiques Judiciaires » paru dans le premier quotidien français « France-Soir ». Cette institution a, en outre, rédigé le fameux manifeste adressé au ministre français des affaires étrangères pour protester contre les événements de 1952, ainsi que contre la circulaire qui touchait de plein fouet à la souveraineté tunisienne et à la dualité de la magistrature. Ces braves magistrats faisant, aussi, partie du comité des « sages quarante » qui avaient institué sur les accords tuniso-francais concernant l’autonomie interne de la Tunisie et ont finalisé la rédaction de la constitution de 1956 qu’a présentée, devant l’assemblée constituante le président feu Mohammed Ben Ammar, ou siégeaient H.Bourguiba et S.Ben Youssef. Durant les premières années de l’indépendance, Bourguiba conscient de la puissance de cette association et de son hégémonie sur les magistrats tunisiens ; n’avait ménagé aucun effort afin de la diviser en mettant à la retraite anticipée plusieurs magistrats. Hélas pour lui, la grande cohésion du corps judiciaire et leur courage légendaire a fait de sorte que ladite association puisse survivre à toutes les tentatives de saper son unité et intégrité qui constituent sa principale force. Derechef, durant, le gouvernement de Ben Ali, qui voulait compléter la besogne inachevée de Bourguiba, a vu tous ses efforts se solder par un échec cuisant, et ce, encore une fois, grâce à l’unité des magistrats et à leur indéfectible cohésion. La révolution de la dignité du 14 Juillet 2011, dont une des principales revendications était l’indépendance de la magistrature, a permis à certains individus de saisir l’occasion afin d’affaiblir ladite association par la création d’un « syndicat des magistrats » ! Chose inadmissible qui ne ferait que fragiliser et affaiblir l’association, existante depuis 65 ans et rogner sa légitimité et saborder son indépendance, et de surcroît mettant en cause le principe même de la démocratie et ses trois pouvoirs, à savoir : L’exécutif, le législatif et le judiciaire ! Dans la même veine on devrait aussi créer « un syndicat du gouvernement » et « un syndicat de l’assemblée nationale », ce qui pousserait notre démocratie naissante sur la bordure dangereuse du populisme. Bref, M. F.Rajhi, magistrat de son état, n’était pas fait pour la politique, technocrate qu’il est ! C’était une erreur dés le début, une fatalité sans exemple. Un magistrat ne doit jamais s’immiscer dans la politique au risque d’aviliser la noble mission qui lui est dévolue : c’est un principe quasi universel. Les conséquences sont patentes, nous en avons tous constaté les dégâts.
Source : « Espace Manager » Le 26-05-2011
Lien :http://www.espacemanager.com/chroniques/tunisie-quand-les-magistrats-font-de-la-politique.html