Reuters: Nouvelles manifestations en Tunisie contre Mohammed Ghannouchi AFP: Tunisie: un leader islamiste veut rentrer AFP: Tunisie: fin de l’autorisation préalable pour importer livres, revues, films AFP: Tunisie: le parti de l’opposant Marzouki réclame une nouvelle Constitution AFP: Tunisie: des centaines d’habitants du centre-ouest marchent sur la capitale AFP: Tunisie: grève illimitée dans l’enseignement primaire dès lundi AFP: Tunisie: réouverture progressive des universités à partir du 25 janvier ATS: Tunisie: des policiers “victimes” de l’ancien régime dans la rue AFP: Tunisie: les policiers veulent se distancier de l’ancien régime AFP: Tunisie: nouvelles manifestations, les policiers dans la rue
REVUE DE PRESSE
Voici le texte d’une nouvelle réunion importante de la commission administrative de l’UGTT (syndicat) réunie hier le 21 janvier 2011
2) Ils rappellent que le retrait des ministres de l’UGTT du gouvernement est du au fait qu’il n’a pas été répondu aux conditions posées par le bureau exécutif de l’UGTT dans sa déclaration du 15 janvier, position qui s’est avérée juste et correspond aux demandes des manifestants et des composantes de la société politique et civile
3) Vu les grandes manifestations dans le pays qui réclament la dissolution du gouvernement et le refus d’y voir la participation de représentants du RCD, en considération, vu les démissions nombreuses vu au refus d’un certain nombre de partis et courants politiques, et vu la nécessité de rassurer tout le monde pour se consacrer effectivement aux réformes annoncées ; les membres de la CA demandent la dissolution du gouvernement et la création d’un gouvernement de coalition et de « sauvetage » nationale qui répond aux demandes des manifestants et des partis politiques, des associations, des ONG et de l’ensemble du peuple.
4) Il décident en vue de la participation effective à une commission de réformes politiques ; la création de comités syndicaux composés d’experts et de spécialistes pour la préparation des projets de l’UGTT en matière de réformes politiques, économiques , sociales qu’il y a lieu de mettre en place pour l’édification de la démocratie ; ainsi que des élections transparentes qui permettent des la liberté de choix et la création d’un gouvernement parlementaire, une information honnête. En outre l’UGTT demande a participer la commission d’enquête sur les meurtres par balles en vue de juger les responsables et aussi sa participation dans la commission contre la corruption
5) Ils appellent tous les travailleurs à se dresser contre les tentatives d’entraves au fonctionnement normal des institutions et leurs retour à la normal , et aussi à rester sur ses gardes pour la défense de nos acquis et éviter au pays tout vide
6) Ils réaffirment leur droits de lutter légitimement soit par la grève ou les manifestations pacifiques jusqu’à la composition du gouvernement selon les conditions posées par l’UGTT et qui correspondent aux demandes de toutes les composantes politique et à celles du peuples
7) Ils demandent la proclamation du 14 janvier comme fête nationale
8) Ils demandent de toute urgence aux travailleurs de maintenir l’unité de leur organisation pour permettre la continuité de la lutte et la satisfaction des revendications et de rester vigilants contre les tentatives de division
(Source: Message de Mr Tarek BEN HIBA le 22 janvier 2011)
Mouvement des Jeunes Tunisiens Un message de paix, d’union et de réconciliation pour tous les tunisiens:
La Tunisie a besoin de tous ses enfants. rcdistes ou islamistes, communistes ou féministes… l’unité est sacré. la vengeance ne mène qu’a la… vengeance. Non aux attaques des rcdistes, Non aux règlements de comptes, Non a la vengeance. Oui a la Justice. Notre combat est contre la dictature, l’injustice et la corruption. Contre des idéologies, contre des structures et des symboles, mais jamais contres des individus, des compatriotes que peut être ont fait des erreurs, que peut être se sont trompés mais ils ne sont et ne seront pas les responsables de nos malheurs. Biensure sont oublier les vrais responsables et les complices qui doivent être jugés. La dictature excite bel et bien avant l’arrivée de ben Ali et elle ne partira pas juste avec son départ. C’est tout un système basé sur l’injustice, l’abus de pouvoir, la corruption et la terreur. C’est une mentalité enracinée dans notre société depuis longtemps commençant par le père dans sa famille, l’éducateur dans son école, le directeur dans son usine,… le grand chantier révolutionnaire doit se faire dans la tète de chaque tunisien. Notre révolution doit être plus globale et plus structuré, elle doit toucher tous les aspects de notre vie, de notre société. Notre révolution ne devra pas s’arrêtée a une révolte ou un soulèvement populaire. Elle ne s’accomplira pas juste par des élections démocratiques ou par la liberté de l’expression. Nous devons continuer notre combat en regroupement toutes les forces de la jeunesse tunisienne derrière un programme révolutionnaire a long terme, derrière une vision plus vaste d’une nouvelle Tunisie, une Tunisie qui permettra a sa jeunesse de rêver et d’accomplir, une Tunisie capable de relever les défis du présent et du future, une Tunisie libre, moderne et juste envers tous ses enfants. On est un peuple qui a charmé le monde entier par son courage, sa maturité, son intelligence, et son civisme. On ne doit pas détruire cette belle image, ce beau portrait d’une Tunisie solidaire et unie. Laissons la justice faire son travail. Concentrons-nous sur notre révolution : travaillons travaillons pour la reconstruction de notre pays. L’Unité fait la Force – vive la Tunisie, une Tunisie pour tous les tunisiens. Mohamed Ali Mhalla Mouvement des Jeunes Tunisiens
En Tunisie, Ben Ali a été viré par son peuple mais la révolution populaire continue
L’année 2011 restera dans l’histoire comme celle de la formidable révolution populaire tunisienne. Pour la première fois un dictateur est contraint par son peuple de s’enfuir. Cette victoire des masses populaires de Tunisie est porteuse d’un espoir immense pour tous les peuples opprimés. Elle montre la voie et annonce de nouvelles révoltes populaires dans le monde arabe et africain et dans toute l’Afrique. Partout les tyrans tremblent et ont peur que leurs peuples tirent les leçons de l’exemple tunisien.
En Algérie après plus d’une semaine d’émeutes des centaines de manifestants restent incarcérés et l’état d’urgence est en vigueur. Au Maroc les manifestations de solidarité avec le peuple tunisien sonnent comme un avertissement aux oreilles du régime du Maroc. Au Yémen, des affrontements ont eu lieu dans plusieurs villes. Dans la capitale Sanaa, les manifestants appelaient les populations du monde arabe à prendre exemple sur la révolution tunisienne. En Algérie, au Yémen, en Egypte, en Mauritanie, au Caire des citoyens se sont immolés pour dénoncer l’absence de libertés et de droits démocratiques. Partout la colère gronde.
Dans ce contexte de réveil des peuples, on comprend la tentative de reprise en main par le premier ministre tunisien. Le dictateur est parti mais la dictature est toujours présente. Au nom de l’impératif de « stabilité », les dirigeants tunisiens tentent de confisquer la révolution populaire. Le gouvernement provisoire soutenu par toutes les grandes puissances compte ainsi de nombreux complices de Ben Ali et des membres de son parti d’assassins, le RCD. Le peuple tunisien n’est pas dupe et continue son combat. Nous devons continuer à soutenir le combat du peuple tunisien car il est en même temps celui de tous les peuples opprimés. Avec le peuple tunisien, nous devons exiger :
– la dissolution du RCD, l’arrestation et le jugement des responsables des assassinats qui ont endeuillés la révolution, et ceux des crimes politiques et économiques durant les 23 ans passés,
– le respect de la volonté du peuple tunisien pour un Etat démocratique, populaire et laïc,
– En Algérie, nous devons exiger la libération immédiate et l’amnistie des centaines de manifestants encore emprisonnés et la levée immédiate de l’état d’urgence.
Parce que l’histoire de la liberté et de la démocratie s’écrit aujourd’hui en Tunisie, nous appelons à soutenir le peuple tunisien en se mobilisant largement pour les initiatives suivantes :
– Dimanche 23 Janvier : à 11 Heures à un rassemblement au marché de Wazemmes à Lille (A l’angle des rues Jules Guesde et des Sarazins)
– Dimanche 30 : Janvier à 10 heures à une manifestation publique au départ du marché de Wazemmes (Métro Wazemmes), Lille;
– Dimanche 6 février : 14h à 20 heures, Journée de Solidarité (débat public avec des représentants de forces politiques démocratiques de Tunisie, du Maroc et d’Algérie, Témoignages, restauration, chants), Salle Concorde, 65 Boulevard St Bernard à Lille.
—————————————————————————————————-
Collectif pour les libertés et la démocratie en Tunisie
Soutenu par (premiers signataires) : Association des Tunisiens du Nord de la France, Collectif Afrique, La Voie Démocratique, CSP 59, Mémoire Vive, Les Amis de l’Association Marocaine des Droits Humains, ADN, MRAP, Coordination communiste
En Tunisie aussi on a fêté le bouc !
Et, en K-do, un i-coup d’Etat !
Tarak Ben Salah
Le 4 novembre 1987, le Général Ben Ali, adepte de l’ordre et des logiques binaires, dernier Premier ministre de Bourguiba, recevait l’ambassadeur des USA à Tunis en présence de son ministre des … affaires sociales ! Ce même ministre, Hédi Baccouche, deviendra l’éphémère et aigri Premier ministre du Général, au lendemain du coup d’Etat médical du 7 novembre 1987 !
Deux décennies infâmes plus tard, le 14 janvier 2011, le Général est chassé en douce du pays qu’il a tenu d’une main cupide, d’une main de fer et de plomb, avec la complicité active et passive d’une partie de la population tunisienne et une très large partie de l’élite économique et culturelle du pays. Mais aussi avec le soutien de nombreux pays « frères et amis ».
Les hivers sont chauds en Tunisie ! Le 26 janvier 1978, la répression de la grève générale par la police et l’armée tunisiennes avait coûté la vie à des centaines de Tunisiens – plus de 500 morts selon la police, et plus de mille selon l’opposition. Bourguiba n’est pas chassé du pouvoir ! Le 29 décembre 1983, la suppression des subventions aux produits de première nécessité conduisit au déclenchement des «émeutes du pain ». Encore des centaines de morts sous les coups conjugués de l’armée et de la police. Bourguiba, « trompé », aussi, avait, aussi « compris » les besoins de cette « poussière de peuple » ! Il annula l’augmentation des prix de la misère. Il fut acclamé en héros ! Le 13 décembre 2011, un jeune Tunisien, Bouazizi, un jeune atomisé, comme des centaines de milliers d’autres, en détresse solitaire dans un pays de tradition tribale encore vivace dans certaines régions, retourne la violence du pouvoir contre sa propre vie. Cette fois-ci, les jeunes Tunisiens, spontanément, réagissent, comme un seul homme ! Fayçal Baraket, en 1992, n’avait pas eu droit à tant d’honneur et d’empathie ! Ces jeunes vont manifester avec une détermination toute électronique leur solidarité, leur ras-le-bol et leur haine du pouvoir, incarné par le Général-et-sa-famille. Encore des morts ! Mais « seulement » 78 morts ! Sous les seules balles de la police du Général ! L’armée, cette fois-ci, a refusé de tirer ! C’est une armée qui protège désormais le peuple ! C’est une armée républicaine ! Le Général, seul, est chassé avec une célérité virtuelle du pouvoir ! Le système, c’est le Général-et-sa-famille ! Et le RCD, alors !
Les hivers sont chauds en Tunisie ! Pourtant, nos hibernations sociales sont courageusement longues ! Notre poète Abou El Kacem Chabbi, lui, nous a parfaitement compris et décrits …
Quoi de plus ordinaire ! Un dictateur adepte de l’informatique a été défait par une étrange mobilisation collective électronique ! Etrange, car cette mobilisation a semblé avoir été remontée comme une horloge mécanique. Wikileaks divulgue la teneur de télégrammes diplomatiques, triés sur le volet semble-t-il – bizarrement, aucun télégramme « fuité » ne disserte sur les opposants embedded – concernant la situation politique en Tunisie. Leur contenu indique clairement que les USA ne soutiennent plusleur Salaud tunisien et qu’aucun membre du clan « quasi-mafieux » ne leur semblait crédible pour assurer la survie du régime. L’événement de l’immolation réelle surgit opportunément. Cela aurait pu être une immolation virtuelle, une immolation fabriquée, une falsification de résultats d’un concours de recrutement, un Timisoara tunisien etc. Les conséquences auraient été les mêmes que par le passé tant une partie de la jeunesse tunisienne était dans le désarroi, la frustration et le désespoir : une révolte, un soubresaut populaire plus ou moins maté et récupéré. Mais cette fois-ci, on a assisté à une mobilisation de trois semaines, organisée sans faille sur le réseau Facebook. Toutes les informations, toutes les rumeurs, toutes les opinions canalisaient la colère des jeunes vers un même objectif : occuper la rue et exiger le départ du Général-et-sa-famille ! Très peu y ont vu un mouvement aux conséquences majeures. Sauf le Département d’Etat américain ! Les responsables du secteur Tunisie au sein de ce même Département convoquent, dès la première semaine de mobilisation légitime l’ambassadeur de Tunisie et lui transmettent une seule exigence : ne pas censurer le réseau social américain ! Heureusement, cette mobilisation de la jeunesse sera rapidement encadrée par les sections régionales de la centrale syndicale et échappera à la manipulation. Le 14 janvier 2011, à la nuit tombée, à 18 heures 35 minutes, le Général quitte le pays de manière plus élégante que Manuel Noriega mais moins glamour que le Shah d’Iran ! Réaction immédiate de M. Obama, qui salue « le courage et la dignité du peuple tunisien » pour s’être débarrassé du tyran et de son régime ! Mission accomplie, semble-t-il, pour ce Seigneur de l’instrumentalité ! Fichtre ! Un président américain qui sait que notre petite Tunisie existe ! Que ce pays est habité par un peuple et non par des « rues » ! Notre « bravitude » a transpercé les montagnes et traversé mers et océans ! Sous les Bush, la Tunisie, comme ses sœurs arabes, était peuplée de « rues » qui gigotent de temps à autre ! Le mot d’ordre était de terroriser ces rues et de les tétaniser par la puissance de feu américaine. Sous les Bush, on prenait langue avec la « rue arabe » par des opérations de type « Tempête du désert » ou « Stupeur et effroi » ! M. Obama semble privilégier les opérations « flatter et séduire » ! Il nous rend visite modestement. Il nous susurre des mots en arabe. Bientôt, il va nous réciter des versets … sataniques pour nous dire dans quel Islam nous devons nous draper ! Dès la fuite du Général et l’intervention de M. Obama, une partie des Tunisiens a considéré que « la Révolution du jasmin » était achevée ! Le réseau Facebook a relayé cette position. Les informations, les opinions, les mots d’ordre qui y circulent depuis, ont déstabilisé la cohésion et l’assurance de la mobilisation, disloqué les opinions et commencé à semer le doute sur la suite à donner au mouvement populaire. Les troubles, l’insécurité, les actions des simili escadrons de la mort et le ralliement prémédité des opposants embedded sont en train de redonner confiance aux rhinocéros, véritables piliers du régime du RCD-milice-police en place depuis plus de 50 ans. Ce régime a construit en particulier depuis 1987, un système totalitaire modèle.
La constitution d’un gouvernement d’ « unité nationale » indique clairement que le jasmin est génétiquement modifié. Il vire vers une drôle de couleur orange et exhale une étrange odeur de rose fanée.
En Ukraine et en Géorgie, les politiques de « sortie » du totalitarisme ont été assujetties à des intérêts étrangers et conduites, de ce fait, par des hommes qui ont ignoré les attentes légitimes de leurs peuples. Résultat : la gabegie, l’instabilité intérieure et l’aventurisme extérieur.
La République dominicaine paiera cher sa transition constitutionnelle assurée par un fantoche du tyran macabre Trujillo. Balager, décrit comme un homme austère et effacé, reprit le flambeau et régna sur les Dominicains durant quinze ans.
La Tunisie a fêté le bouc mais elle n’a pas encore fêté sa liberté et encore moins son émancipation ! Sa révolution a été prise de vitesse par un i-coup d’Etat et une révolution de palais. Si ce mouvement populaire échoue, la Tunisie risque d’habiter pour longtemps le passé de l’Amérique latine.
Rien n’est encore perdu, rien n’est encore gagné.
Aujourd’hui, une partie du peuple tunisien occupe pacifiquement l’espace public et exige un changement radical. Pour enrayer toute tentative de retour en arrière.
Demain, il n’en sera peut-être pas de même. Nous devons absolument profiter de cette fenêtre de résistance pour parachever la réappropriation de notre destin. Ne nous laissons pas berner par les discours fallacieusement flatteurs ; nous ne sommes ni les plus braves, ni les plus courageux des peuples. Nous le savons, nous avons tendance à tergiverser, à composer. Ne ratons pas ce moment historique.
Nous devons renouer avec notre mémoire sociale et éthique, réactualiser le destin brisé de Farhat Hached. L’attitude des syndicalistes de base redonne à tous de l’espoir. C’est grâce à notre Centrale syndicale que le mouvement s’est d’abord émancipé de la manipulation et a retrouvé sa vigueur et sa détermination.
L’UGTT doit retrouver la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
L’assassinat de Ferhat Hached le 5 décembre 1952 avait fragilisé le mouvement syndical tunisien et ouvert la voie à l’hégémonie du Destour. Cette hégémonie explique en grande partie la situation d’aujourd’hui. La Tunisie avait perdu ainsi un contre-pouvoir et la perspective d’un développement politique et économique équilibré. Qui a tué Hached ? Qui sont les Tunisiens qui ont participé à son élimination ? Nous ne le savons pas jusqu’à ce jour. La France, en cette période cruciale pour la Tunisie, s’honorerait et regagnerait de sa crédibilité auprès des Tunisiens et pas seulement, en levant le secret défense sur cette affaire d’assassinat.
La vérité aidera les Tunisiens à comprendre leur passé pour mieux construire leur avenir. La vérité aidera l’UGTT à retrouver son autonomie et son statut de contre-pouvoir et de contre-proposition.
Aujourd’hui, sous la houlette des syndicalistes de base de l’UGTT et de l’opposition, l’opposition authentique, le mouvement vers la liberté reprend de l’ampleur. L’enjeu étant d’arracher tout espoir à tous ceux qui ont avili le peuple tunisien pendant plus de cinquante ans, tout espoir de statu quo ou de possibilité de repartir comme en 1987. L’agenda immédiat est la déconstruction du parti-état RCD.
Aujourd’hui, la situation risque de dégénérer. Il n’y a rien à espérer de cette nouvelle « transition constitutionnelle », rien à attendre de ce gouvernement « d’unité nationale ».
L’armée nationale tunisienne a refusé de tirer sur la population. Elle l’a décidé en toute liberté et en toute conscience parce qu’elle est patriotique et républicaine. Elle a pris cette fois-ci le parti du peuple. C’est ce qu’elle prétend. Qu’elle le prouve. Qu’elle parachève ce qu’elle a entrepris.
L’armée, patriotique et républicaine, libre dans ses choix et décisions, peut superviser le processus de sortie du totalitarisme. Elle peut transformer l’étrange i-coup d’Etat en coup d’Etat clair et franc qui ouvrira la voie à une véritable alternative démocratique. L’armée pourra s’appuyer sur de grands commis de l’Etat qui ont su préserver leur intégrité, pour la gestion des affaires courantes et la reprise d’une activité économique et sociale normale. Elle se chargera de la sécurité des citoyens et de leurs biens.
Sera-t-elle en mesure de mettre les bases pour un espace public démocratique ? Elle pourra confier cette mission à un comité de la Constituante. Ce comité pourrait être chapeauté par Ahmed Mestiri et Ahmed Ben Salah, deux personnalités politiques historiques, sociologiquement et politiquement complémentaires. Ils se sont opposés à Bourguiba, certes pas toujours quand il le fallait et comme il le fallait. Ils se sont opposés dès le départ au Général Ben Ali. Agés, ils sont fragiles physiquement mais restent vigoureux intellectuellement et moralement. Ahmed Mestiri et Ahmed Ben Salah disposent de cette légitimité. Ce comité devra préparer les conditions juridiques et institutionnelles pour une refondation de la Constitution et l’établissement des institutions d’un nouveau régime. Cette préparation devra se dérouler en concertation avec les candidats légitimes aux futures élections présidentielles, tels que Moncef Marzouki, Sihem Ben Sedrine, Hamma Hammami, ou encore Mokhtar Yahyaoui. Ils seront les principaux visages de la Tunisie nouvelle.
DAM ELFAREH, RENTREZ CHEZ VOUS !
MARCHE SUR LA « BASTILLE » : la KASBAH !
Entretien avec Habib Sayah : Panorama de la Révolution tunisienne
Jeune tunisien, Habib Sayah est étudiant en droit à la Sorbonne. Il préside par ailleurs le think-tank français Energie Libérale.
Nous avons tous été surpris par la chute de Ben Ali. Comment se fait-il qu’il a été déchu si rapidement ? Il est vrai qu’un mois auparavant, dans l’esprit des Tunisiens, Ben Ali était encore ce dictateur immortel, indéboulonnable et terrifiant. Pourtant, deux semaines après le début de cette révolte qui a duré près d’un mois, les gens commençaient à parler du départ du tyran. Ce mouvement qui a pris naissance à Sidi Bouzid suite à l’immolation d’un vendeur ambulant, dont la marchandise a été confisquée par les autorités, s’est étendu rapidement à une douzaine de villes dans l’ensemble du pays. Mais nous avions peur de l’essoufflement du mouvement.
Nous attendions tous que Tunis, la capitale, se joigne à la contestation. Et quand Tunis s’est révoltée, nous avons su que c’en était fini de Ben Ali parce-que les classes moyennes ont à leur tour protesté, sachant que cette catégorie était la plus docile car ayant tout à perdre. La peur était annihilée. Or, cette peur était la pierre angulaire sur laquelle tout le régime de Ben Ali reposait. Une fois que toutes les régions et que toutes les milieux sociaux s’étaient affranchis de la peur, nous pouvions prédire la fin de la dictature. Puis, les Tunisiens ne pouvaient plus reculer. L’ensemble de la population était engagé et un relâchement aurait permis à la vengeance des autorités de s’abattre sur les innombrables voix qui avaient osé s’élever. Ce n’était donc qu’une question de temps. Mais j’avoue que nous pensions que Ben Ali tiendrait le coup encore quelques mois.
En quoi la peur permettait-elle à Ben Ali de se maintenir ?
L’homme qui avait mis en place une police de 120 000 hommes pour 10 millions d’habitants (la France en a autant pour 65 millions d’âmes), en usait pour terrifier le peuple. Je crois que la Tunisie était l’un des rares pays dont les habitants avaient peur de prononcer le nom de leur président, que ce soit pour en dire du bien ou du mal. Tout petit, je me souviens de mon amusement lorsque, dans les salons, j’entendais les adultes parler de la politique économique de « Tarzan », ou de la réception que « le Patron » dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom organisait en l’honneur du Président du Ghana…
Il faut dire que le génie de Ben Ali fut d’imprimer dans l’esprit des Tunisiens le schéma de la servitude volontaire, de l’autocensure. Les gens étaient terrorisés. Même à Paris, Montréal ou Bruxelles, les Tunisiens à l’étranger craignaient de parler de Ben Ali dans les lieux publics, de peur qu’un agent du Consulat ne les écoute. Cette peur justifiée par un appareil répressif redoutable empêchait toute opinion contestataire d’émerger. Une fois la barrière de la peur surmontée, plus rien n’empêchait les Tunisiens d’abattre ce régime dénué de toute légitimité.
Et Ben Ali avait des soutiens à l’étranger, notamment de la part de la France…
En effet, la France a apporté un soutien inconditionnel au dictateur, jusqu’à la dernière minute. Pour se défendre, le gouvernement français invoquait le devoir de non-ingérence, mais ce n’est pas de l’ingérence que l’on attendait de lui. Nous ne lui demandions pas de s’opposer au régime Tunisien, mais simplement de ne pas le soutenir, car la France a fait preuve d’un zèle inégalé dans son soutien à Ben Ali. De Mitterrand à Chirac, en passant par Jospin et Sarkozy, tous ont salué le prétendu « miracle économique » tunisien. Hier encore, Sarkozy déclarait que l’espace des libertés en Tunisie avait progressé, alors que la brutalité de la répression ne cessait de croître.
Je me permets de raconter à ce sujet une anecdote significative : il y a quelques jours, nous étions un groupe de onze jeunes tunisiens qui manifestions devant le Quai d’Orsay pour protester contre la venue du Ministre des Affaires Etrangères tunisien qui était reçu par Alliot-Marie alors même que les hommes de Ben Ali tiraient sur la population à balles réelles. Lorsque nous avons scandé « Ben Ali assassin ! La France complice ! », une cinquantaine de CRS armés de boucliers et de matraques a accouru pour nous encercler. Un agent des RG est ensuite venu recueillir nos noms, avant de nous indiquer qu’ils seraient transmis au Consulat de Tunisie, sachant que toute action à l’étranger susceptible d’écorner l’image du régime de Ben Ali se solde habituellement par une arrestation, du moins par un retrait de passeport au moment du retour en Tunisie. Nous avons ensuite été transportés vers l’Hôtel de Police – où nous avons passé une partie de la nuit – dans un fourgon avec une escorte composée de cinq voitures avec sirènes et gyrophares dignes d’un transfert de terroristes d’Action Directe. C’était ridicule.
Comment expliquez-vous cette attitude de la part de la France ?
Cela peut s’expliquer par la volonté d’assurer le maintien des liens économiques entre la France et la Tunisie. Mais il s’agit d’une analyse erronée, analyse que les Français ont sans doute adoptée dans leur aveuglement. La Tunisie est dépendante économiquement de la France, il faut l’avouer. La France n’avait pas besoin de recourir à la mesquinerie pour obtenir les marchés qu’elle convoitait. L’attitude Allemande semble être la bonne : ne jamais se rendre complice des injustices, mais les dénoncer la tête haute… ce qui n’empêche pas les Allemands d’emporter de gros marchés. La diplomatie française, non contente d’être dénuée d’éthique, a montré qu’elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez et que sa stratégie s’inscrivait dans le très court terme. Pour préserver ses intérêts immédiats avec Ben Ali, la France s’est durablement aliéné la confiance de la population tunisienne. Les gens ne sont pas prêts d’oublier l’attitude des gouvernements français successifs.
En revanche, les Etats-Unis, notamment depuis la nomination de l’ex-Ambassadeur Robert F. Godec (dont les télégrammes diplomatiques révélés par Wikileaks ont démontré une ferme opposition au régime de Ben Ali) n’ont jamais hésité à critiquer de manière frontale la dictature en Tunisie. L’Ambassade US à Tunis a reçu les membres de l’opposition et les représentants de la société civile et n’a cessé de faire pression sur le gouvernement tunisien pour élargir l’espace des libertés.
La France a justifié son attitude en affirmant que Ben Ali était un rempart contre l’islamisme. Or, les Etats-Unis ont compris que l’oppression constituait un terreau pour l’obscurantisme et l’extrémisme, en faisant échec à la dynamique moderniste qui animait la Tunisie depuis la fin du 19e siècle. L’Islamisme était anecdotique il y a peu. C’est les erreurs de Ben Ali qui ont favorisé sa vive émergence au cours de la décennie précédente.
A propos d’islamisme, on disait que la chute de Ben Ali favoriserait la victoire des islamistes aux prochaines élections. Qu’en est-il ?
La menace islamiste, bien que réelle, est à relativiser. La Tunisie a une tradition libérale dans sa pratique de l’Islam, notamment en ce qui concerne les rapports entre la religion et l’Etat. Nombreux sont les Tunisiens qui y sont solidement attachés.
En outre, lors des manifestations qui ont mené à la Révolution, les islamistes étaient quasiment absents. Ce mouvement était en grande partie apolitique et déconnecté de toute considération religieuse. D’ailleurs, la plupart des grands acteurs de la société civile qui ont soutenu la révolution étaient laïcs. Il faut également rappeler que le parti islamiste Enahdha est davantage assimilable au conservatisme qu’à l’intégrisme. Ennahdha ressemble plus à l’AKP turc qu’aux talibans afghans. Or, les médias français ont surfé sur la vague de la peur en brandissant la menace de l’intégrisme au cours des semaines précédentes. Aujourd’hui, les islamistes pourront participer à la vie politique tunisienne. Ils auront sans doute un poids non négligeable, mais ce sera l’occasion pour les forces vives laïques de remporter la bataille contre l’islamisme sur le terrain des idées, et nous avons une école de pensée très riche en matière de réformisme musulman, marquée par son libéralisme théologique qui s’inscrit dans la tradition initiée par Salem Bouhageb dès le 19e siècle.
En tout cas, la menace islamiste n’était pas une raison pour mettre fin à la Révolution. Le maintien de Ben Ali au pouvoir aurait, bien au contraire, servi les islamistes car l’ancien régime étouffait la société civile laïque qui est le seul véritable rempart contre l’obscurantisme.
Avez-vous d’autres reproches en ce qui concerne le traitement de l’actualité tunisienne par les médias français ?
Les médias français ont, pour la plupart, présenté une vision erronée de la révolte tunisienne. Ils l’ont mise sur le même plan que la révolte algérienne, la « révolte du sucre » qui, elle, était d’ordre purement social. En Tunisie, les premières manifestations ont répondu à l’immolation d’un jeune homme qui réclamait la liberté d’entreprendre. Mohamed Bouazizi, qui s’était vu confisquer sa marchandise, revendiquait le droit d’entreprendre pour s’en sortir par ses propres moyens, étant donné que l’emploi ne lui était pas assuré. Cet homme n’a pas demandé un RMI, encore moins un emploi subventionné. Par la suite, si elles ont porté des revendications sociales légitimes, les manifestations ont essentiellement visé à la contestation de la dictature sous tous ses aspects. Les médias français parlaient de troubles sociaux…
Des troubles, il y en a encore… Malgré la chute de Ben Ali !
Dès le départ du dictateur, le chaos s’est vite répandu sur tout le territoire. Depuis des années, nombreux sont les Tunisiens qui craignaient ce chaos, assimilant la liberté à l’anarchie. Or, ce chaos n’était pas le fait de citoyens avides, mais bien l’œuvre des hommes de Ben Ali. Il avait, en effet, mis en place une milice composée de policiers et de membres du parti RCD. Dès le début des manifestations, le Président leur avait donné l’ordre de piller et de saccager des biens privés et publics en vue de faire porter le chapeau aux manifestants, d’alimenter la crainte du chaos et de désolidariser la population qui soutenait la révolte. Mais les Tunisiens n’étaient pas dupes. Sur les réseaux sociaux, des témoignages et des vidéos largement diffusés ont prouvé que les pillages étaient le fait de la police.
A la suite du départ de Ben Ali, ces milices ont continué à agir, commettant des viols, tirant sur les passants, saccageant des commerces, s’introduisant dans les foyers… Nous ne savons pas si elles agissent de manière autonome ou si elles sont encore sous les ordres de Ben Ali. Peut-être bénéficient-elles du soutien logistique de la Lybie, qui s’est montrée critique à l’égard des aspirations révolutionnaires des Tunisiens…
Le calme est-il revenu ?
L’armée s’est déployée et a mené tous les efforts pour neutraliser ces milices. Le calme revient peu à peu. Mais je tiens à saluer l’attitude de la population tunisienne face à ces milices.
Quelle attitude ?
Les effectifs de l’armée étaient insuffisants et les hommes de Ben Ali étaient nombreux à mener cette politique de la terre brûlée. La coopération de la population était cruciale.
Déjà, lors des manifestations, nous avons vu les habitants sortir dans la rue, munis de pelles, pour nettoyer les rues dévastées par les affrontements avec la police anti-émeute, car ces manifestants voulaient la chute de Ben Ali, pas le chaos. Des collectes de dons ont également été organisées par les jeunes dans les quartiers pour subvenir aux besoins des victimes de la police. Ce bénévolat qui a permis d’assurer l’ordre public et la solidarité en l’absence de l’Etat est le signe d’une grande maturité.
Lorsque Ben Ali est parti et que ses milices ont continué à attaquer la population, nous avons vu des « comités de quartier » se former dans tous les coins de la Tunisie. Des jeunes et des moins jeunes, tous milieux sociaux confondus, armés de bâtons, ont immédiatement organisé des patrouilles, mis en place des barrages et traqué les miliciens pour protéger leurs maisons, celles de leurs voisins, ainsi que les commerces. C’est un formidable exemple d’ordre spontané ! Non seulement ils n’ont pas profité du désordre pour piller à leur tour, mais ils ont fait preuve d’une solidarité remarquable en prenant en main leur destin et en assurant l’ordre et la sécurité à un moment où l’Etat n’en était pas capable. Oui, les Tunisiens semblent matures et dignes de la liberté dont ils se sont emparés.
Comment se passe maintenant la transition ?
Un gouvernement de transition a été mis en place, non sans quelques remous. Le Premier Ministère, ainsi que plusieurs portefeuilles-clés ont été conservés par les membres du RCD.
L’implication des partis d’opposition dans le gouvernement n’est pas une priorité. Ceux-là devront faire leurs preuves lors des prochaines échéances électorales. Le défi actuel est d’assurer la transition et de balayer les stigmates de l’ancien régime. Or, ce n’est pas la présence du RCD dans le gouvernement qui va permettre d’y parvenir. D’autant que la compétence de certains ministres RCD, tels que M. Friaa, mathématicien de formation, qui a conservé le Ministère de l’Intérieur, est très douteuse. Sans oublier le passif de certains en matière de corruption…
L’approche idoine semble être la nomination de personnalités indépendantes, apartisanes, dont la compétence est reconnue, et dont l’opposition à Ben Ali est notoire. Dans cette optique, on peut se féliciter de la nomination d’Ahmed Ounaïes (fin diplomate et penseur brillant) et d’Yadh Ben Achour (juriste remarquable). Nous avons suffisamment d’hommes et de femmes intègres et dotés d’une compétence redoutable pour ne pas être contraints à recourir encore aux services des valets de Ben Ali…
Comment la population a-t-elle réagi à la mise en place de ce gouvernement ?
A cela, de nombreux Tunisiens ont répondu en manifestant pour demander la dissolution du RCD et la démission des ministres RCD. Plusieurs ministres issus de l’opposition ont démissionné, se joignant à la critique populaire.
Certains tunisiens ont l’impression que le régime de Ben Ali survit encore. Le gouvernement ne se plie pas à la volonté de la population sur des questions essentielles. Il faut donner satisfaction aux Tunisiens à l’heure actuelle.
Le gouvernement s’obstine à maintenir en vie le RCD, tandis que les manifestants scandaient « Le parti de la Constitution succombera (RCD) ! Le bourreau du peuple succombera ! ». Pour ma part, je suis favorable au démantèlement du RCD, d’autant plus qu’au vu de ses activités criminelles et terroristes (les milices), nous avons les bases légales pour une dissolution judiciaire. Les anciens du RCD sont libres de participer à la vie politique tunisienne, en formant de nouveaux partis ou en rejoignant des partis existants, mais le RCD en tant que structure doit disparaitre.
Comment expliquer l’attitude du gouvernement ?
Si la population n’est pas habituée à la liberté et à la démocratie, les ministres RCD encore moins ! Certains parlent de la compétence des technocrates du parti de Ben Ali, mais ils semblent oublier que ces hommes ont gouverné pendant 23 ans sans jamais avoir à tenir compte de l’opinion publique. Ils n’ont ni l’expérience ni les compétences pour gouverner dans ce nouveau paradigme car leurs déclarations récentes démontrent qu’ils ne savent pas anticiper l’impact de leurs actions sur l’opinion publique. Des ministres comme Friaa ou Ghannouchi semblent mimer l’attitude adoptée par Ben Ali lors des dernières semaines, à savoir le jeu de la carotte et du bâton, sachant qu’aujourd’hui le bâton se trouve entre les mains du peuple.
A de fortes revendications populaires, on répond par de maigres concessions et une langue de bois maladroite. Or, les Tunisiens sont éveillés et n’ont plus peur de s’exprimer. Le gouvernement ne peut pas les duper, et doit faire face au redoublement de la contestation et à la perte de confiance. Au lieu de plier, le gouvernement continue de répondre par des concessions ridicules. Quand le peuple réclame la dislocation du RCD et la saisie de son patrimoine, ce n’est pas la dissolution de son Politburo qui va calmer le jeu. A force de répéter ce schéma (utilisé par Ben Ali lors de ses trois derniers discours en tant que président, et qui s’est soldé par un échec retentissant), le gouvernement va s’aliéner la confiance de la population, renforcer le mouvement de contestation et ainsi ralentir la reprise économique. Cette stratégie inutile ne tiendra pas et aboutira à l’inéluctable disparition du RCD, mais avec des pertes supplémentaires, car les Tunisiens sont déterminés à en découdre avec le RCD. Et il succombera au prix de manifestations répétées. En maintenant le RCD, le gouvernement divise la population et favorise le désordre, d’autant que les partis d’opposition impliqués dans le gouvernement transitoire laissent la rue aux islamistes qui, jusque-là silencieux, vont sans doute en profiter pour récupérer la contestation du RCD.
La confiance est le terreau sur lequel la transition doit se construire, pour que la page soit tournée et que la vie reprenne. Mais la dissolution du RCD est le symbole indispensable pour que les acteurs de la transition gagnent la confiance de la population. Ils doivent montrer patte blanche.
La communication avec le gouvernement est-elle si difficile ?
Il doit y avoir un dialogue incessant entre le gouvernement et la population. Les responsables, dont l’objectif affiché est « l’union nationale », doivent absolument tenir compte des messages que leur adresse la rue.
Les vecteurs des messages des Tunisiens reprennent vie à travers le développement de plateformes de débat en ligne (comme le site Nawaat.org), mais aussi la réappropriation des médias publics. Cependant, la Tunisie doit se doter des structures d’expression de l’opinion publique qu’une scène politique moderne doit posséder. J’appelle de mes vœux l’apparition d’instituts de sondage dignes de ce nom, car dans une société moderne les messages ne passent pas forcément pas la rue, qui doit rester un ultime recours. Qui sait ? Peut-être que la Tunisie développera dans ce domaine des compétences qu’elle pourra exporter chez ses voisins…
Que comptent faire les jeunes ?
Les jeunes tunisiens s’expriment abondamment sur la Toile, relaient l’information, diffusent leur opinion. Par ailleurs, de nombreuses initiatives ont été lancées, en vue d’œuvrer pour la concrétisation des espoirs de la Révolution et de préparer les prochaines élections. Je crois que la société civile tunisienne va se reconstruire très rapidement, car son émergence, portée par ces initiatives, répond à un besoin pressant.
Pour ma part, j’estime que les deux objectifs à atteindre au cours des prochains mois sont, d’une part, la diffusion des idéaux de liberté et la défense de la laïcité au sein de l’opinion publique tunisienne ; d’autre part, je souhaite l’émergence d’une force politique libérale et centriste, en vue d’offrir une alternative aux tunisiens qui ne se reconnaissent ni dans l’islamisme ni dans la vieille opposition soixante-huitarde. Propos recueillis par Jean Robin (Source: “Enquete & Debat” le 21 janvier 2011)
Nouvelles manifestations en Tunisie contre Mohammed Ghannouchi
Tunisie: un leader islamiste veut rentrer
Tunisie: fin de l’autorisation préalable pour importer livres, revues, films
Tunisie: le parti de l’opposant Marzouki réclame une nouvelle Constitution
Tunisie: des centaines d’habitants du centre-ouest marchent sur la capitale
Tunisie: grève illimitée dans l’enseignement primaire dès lundi
Tunisie: réouverture progressive des universités à partir du 25 janvier
TUNIS – Les grandes écoles et universités tunisiennes, fermées depuis le 10 janvier, vont rouvrir progressivement à partir du mardi 25 janvier, a annoncé samedi le ministre de l’Enseignement supérieur, Ahmed Ibrahim, au cours d’une conférence de presse.
Les cours reprendront le mardi 25 janvier dans les écoles d’ingénieurs et de formation des enseignants, le jeudi 27 janvier dans les universités dont les examens ont été interrompus en raison des manifestations de la “Révolution du jasmin”, et le vendredi 28 janvier pour tous les autres établissements de l’enseignement supérieur, a indiqué le ministre.
Les cours se dérouleront de 08H00 à 16H00 (07H00 à 15H00 GMT), en raison du couvre-feu, qui est en vigueur en Tunisie de 20H00 à 05H00 (19H00 à 04H00 GMT), a précisé Ahmed Ibrahim.
Une minute de silence sera observée au début de chaque cours le jour de la rentrée en mémoire des victimes du soulèvement populaire qui a provoqué la fuite en Arabie Saoudite le 14 janvier du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, après 23 ans de règne sans partage.
Dans un communiqué, le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé un ensemble de décisions telles que la récupération des locaux utilisés par l’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), au sein des établissements universitaires.
Il a décidé aussi de lever toutes les sanctions infligées aux étudiants pour leur activités politiques et syndicales, d’accélérer leur réintégration dans les établissements, et de nommer un étudiant comme conseiller auprès du ministre chargé des affaires estudiantines.
Il appliquera la décision du gouvernement de mettre fin à la police universitaire dans tous les établissements d’enseignement supérieur.
Vendredi, le ministère de l’Education avait annoncé que les cours reprendraient la semaine prochaine de manière graduée dans les écoles et lycées de Tunisie, à partir de lundi.
Les cours dans les écoles et les universités avaient été suspendus le 10 janvier “jusqu’à nouvel ordre par le régime de Ben Ali, alors confronté à une révolte populaire qui a conduit à sa chute quatre jours plus tard.
Le gouvernement d’union nationale formé lundi par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, avait annoncé jeudi la “suppression du corps de sécurité des universités en application du principe de l’inviolabilité des campus”, selon le communiqué du Conseil des ministres.
Cette police politique surveillait de près tout mouvement contestataire dans les facultés réparties à travers le pays. Elle en interdisait aussi parfois l’accès aux étudiantes portant le voile islamique.
Les campus universitaires ont été historiquement un foyer de fronde contre le régime, même à l’époque de l’ancien président Habib Bourguiba (1955-1987).
Le mouvement étudiant d’abord animé par les courants de la gauche a été au fil des années dominé par les islamistes, notamment depuis l’arrivée au pouvoir du président Ben Ali.
(©AFP / 22 janvier 2011 17h27)
Tunisie: les policiers veulent se distancier de l’ancien régime
Tunisie: des policiers “victimes” de l’ancien régime dans la rue
Une centaine de policiers tunisiens se proclamant “victimes” de l’ancien régime du président Ben Ali ont défilé samedi matin dans les rues de Sidi Bouzid. Cette dans cette ville que la “révolution du jasmin” a débuté il y a cinq semaines.
“Nous sommes aussi les victimes de la bande des Trabelsi”, scandaient les policiers, en civil et en uniforme, en référence à la famille honnie de la seconde épouse du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, Leïla Trabelsi, qui avait mis le pays en coupe réglée.
Depuis vendredi, des policiers portant des brassards rouges se joignent à Tunis et dans plusieurs autres villes aux manifestations quotidiennes qui dénoncent la mainmise de caciques de l’ancien régime sur le gouvernement d’union nationale, et ils demandent la création d’un syndicat pour défendre leurs droits.
La population tunisienne exprime désormais ouvertement son hostilité à l’égard de la police, instrument privilégié du pouvoir de Ben Ali, qui s’est illustrée dans la répression sanglante de la “révolution du jasmin”, qui a fait 100 morts en un mois selon les Nations unies.
Sidi Bouzid, petite ville rocailleuse au milieu d’une région d’oliviers et d’amandiers, dans le centre-ouest de la Tunisie, est l’un des principaux foyers du soulèvement qui a emporté le régime de Ben Ali. L’ex-président a fui le 14 janvier en Arabie saoudite, lors de la première révolution populaire du monde arabe.
C’est là que le 17 décembre un jeune vendeur de fruits, Mohammed Bouazizi, s’est immolé par le feu après une énième humiliation policière, marquant le déclenchement de la “révolution du jasmin”.
Tunisie: nouvelles manifestations, les policiers dans la rue
AFP le 22/01/2011
Des milliers de Tunisiens, dont de nombreux policiers, ont de nouveau manifesté samedi, mêlant revendications sociales et appels à débarrasser le nouveau gouvernement de transition des caciques de l’ancien régime, maintenus malgré les promesses de rupture.EnAlgérie voisine, la police a empêché dans le centre d’Alger une manifestation “pour la démocratie” appelée par l’opposition mais interdite. Le président du parti d’opposition organisateur,Saïd Sadi, a affirmé à l’AFP que 42 de ses partisans ont été blessés par la police.
Des membres de la famille de l’ancien président tunisienZine El Abidine Ben Ali sont arrivés vendredi àMontréal, selon une source gouvernementale àOttawa qui a confirmé à l’AFP, sans détails, une information du Journal de Québec sur son site internet.Selon ce dernier, un des frères de la femme de Ben Ali, son épouse, leurs deux enfants et leur gouvernante ont atterri à Montréal vendredi matin à bord d’un jet privé.Le leader du mouvement islamiste tunisien Ennahdha, en exil àLondres et concerné par une prochaine amnistie, a dit espéré retourner “très bientôt” enTunisie, dans un entretien à l’hebdomadaire allemandDer Spiegel à paraître lundi.
“Nous ne voulons pas d’un régime à parti unique, quel qu’il soit, ni instaurer la charia (loi islamique, ndlr). Ce dont la Tunisie a besoin aujourd’hui, c’est de liberté et (…) d’une véritable démocratie”, a-t-il déclaré.A Tunis, en ce deuxième et avant-dernier jour de deuil national, des milliers de personnes ont manifesté dans des cortèges éparpillés dans le centre ville, avenue Habib Bourguiba, devant le siège du gouvernement, ou celui de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), ont constaté des journalistes et photographes de l’AFP.
De nombreux policiers en civil ou en uniforme, se disant “Tunisiens comme les autres”, ont défilé pour réclamer un syndicat de police et de meilleures conditions de travail, mais aussi se faire pardonner par la population la sanglante répression de la “révolution du jasmin”.Les manifestations, qui ont duré toute la journée dans un joyeux désordre, ont pris souvent un tour social: employés de mairie qui exigent une amélioration de leurs conditions de travail, employés de ménage dans les entreprises qui réclament des augmentations de salaires. Des chauffeurs de taxis et des pompiers se sont joints aux manifestants.
“Y’en a marre de recevoir les ordres et pour une fois on veut crier notre colère”, tempêtait un policier devant le siège de l’UGTT, la puissante centrale syndicale qui a joué un rôle crucial dans la chute de Ben Ali le 14 janvier, en canalisant et politisant une révolte à l’origine sociale.Des policiers manifestant devant le siège du gouvernement en ont bloqué un moment l’accès au président de transition, Foued Mebazaa, avant d’être écartés en douceur par des collègues en service.ASidi Bouzid (centre-ouest), la ville déshéritée d’où est partie la contestation après l’immolation d’un marchand de fruits, une centaine de policiers se proclamant “victimes” de l’ancien régime ont également manifesté, a constaté un correspondant de l’AFP.
Tentant d’apaiser la rue qui craint de se faire confisquer sa révolte par un gouvernement dominé par les ministres de l’ancienne équipe Ben Ali, le Premier ministre de transition Mohammed Ghannouchi, a promis vendredi soir qu’il s’effacera de la scène politique.Dans une interview télévisée, il a aussi annoncé que “toutes les lois antidémocratiques seront abrogées”: les loi électorales et antiterroriste, ainsi que le code de la presse. Il s’est engagé à préserver le statut de la femme qui interdit la polygamie, la gratuité de l’enseignement et l’accès à la santé.”Il y a une volonté de sortie de crise, mais toujours dans la même incompréhension de l’ampleur du rejet exprimé par la population de tous les symboles de l’ancien régime”, a réagi samedi l’opposant Mustapha Ben Jaafar, dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés, démissionnaire du gouvernement de transition.
Le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé que les grandes écoles et universités tunisiennes, fermées depuis le 10 janvier, vont rouvrir progressivement à partir du mardi 25 janvier.AuMaroc, deux hommes ont tenté de s’immoler par le feu, portant le total à trois depuis les événements de Tunisie, a rapporté samedi le quotidien arabophone Assabah. Des actes similaires ont aussi eu lieu en Egypte et en Algérie.Enfin, un homme qui avait tenté de s’immoler en début de semaine àNouakchott est mort de ses brûlures samedi au Maroc où il avait été transféré, a déclaré sa famille
Des proches de Ben Ali réfugiés au Canada
Par FTV (avec AFP)
M. Ben Ali s’est réfugié en Arabie Saoudite. Plusieurs pays européens ont gelé ses avoirs et ceux de sa famille, qui s’était fortement enrichie sous sa présidence. Imed Trabelsi, maire de la Goulette, est vivant et aux mains de la police Donné pour mort la semaine dernière, le neveu de l’épouse de Ben Ali est bien vivant et aux mains de la police, a annoncé vendredi le ministre de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Samedi 15 janvier, un membre du personnel de l’hôpital militaire de Tunis avait indiqué qu’Imed Trabelsi avait succombé la veille à une blessure par arme blanche. “Le chouchou de Leïla a été poignardé ces derniers jours et admis aux urgences. Il est décédé vendredi”, avait-il affirmé. Mais depuis plusieurs jours, des rumeurs le donnaient encore en vie, après la diffusion sur internet d’une vidéo le représentant aux mains de la police. Imed Trabelsi avait été “élu” en mai 2010 maire de La Goulette, une commune au nord de Tunis, sur laquelle il régnait bien avant les élections. Il avait été poursuivi sans succès en France pour “vols en bande organisée” pour s’être approprié le prestigieux yacht de Bruno Roger, l’un des dirigeants de la Banque Lazard et proche de l’ex-président Jacques Chirac et de l’actuel chef de l’Etat Nicolas Sarkozy. En mai 2007,la justice française avait émis un mandat d’arrêt à son encontre, mais la justice de son pays avait refusé de l’extrader. 33 proches de Ben Ali arrêtés, enquête ouverte Une source officielle a indiqué jeudi qu’une enquête serait être ouverte pour que les membres du clan de l’ancien président soient traduits en justice. La télévision tunisienne a diffusé des images d’un véritable trésor de guerre constitué de bijoux, montres et cartes bancaires saisis lors des arrestations jeudi de 33 proches de l’ancien président Ben Ali. Le Comité tunisien des musées a lancé un appel aux autorités pour ordonner “la saisie des pièces archéologiques dont regorgent les palais et maisons appartenant aux membres les plus en vue de l’entourage de l’ancien président”. Une enquête judiciaire pour “acquisition illégale de biens”, “placements financiers illicites à l’étranger” et “exportation illégale de devises” a été ouverte mercredi par la justice tunisienne contre le président déchu et sa famille. Elle vise nommément l’ancien chef d’Etat, sa femme Leila Trabelsi, ainsi que “les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères, et toute personne dont l’enquête prouvera l’implication dans ces crimes”. Gel des avoirs de Ben Ali en France, Suisse, et bientôt dans l’UE Quelques heures après l’annonce de la fuite de Ben Ali,la France avait annoncé avoir pris “les dispositions nécessaires” pour bloquer d’éventuels “mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France”. La Suisse lui a emboîté le pas mercredi en décidant de bloquer d’éventuels fonds de l’ex-président tunisien et de son entourage dans la Confédération helvétique. Jeudi, les pays européens sont tombés d’accord lors d’une réunion d’experts sur le principe d’un gel des avoirs du président déchu et de ses proches. “On a un consensus”, a souligné une source diplomatique européenne à l’AFP. Mais des détails restent encore à préciser. L’UE attend à présent que les nouvelles autorités tunisiennes au pouvoir lui transmettent une liste précise des personnes à cibler pour ces sanctions, selon le diplomate. De son côté, l’Etat tunisien a fait savoir qu’il récupèrerait tous les avoirs appartenant à la famille de Ben Ali, a indiqué jeudi le ministre de l’Industrie et de la Technologie. L’Etat récupèrera tous les avoirs, que ce soit des actions de sociétés ou des biens immobiliers et assurera, sous une forme ou une autre, la direction de ces entreprises, a-t-il ajouté. Plainte de trois ONG pour corruption contre Ben Ali Trois ONG ont annoncé mercredi avoir déposé plainte à Paris, notamment pour corruption, contre l’ex-président tunisien et son entourage. Outre la corruption, la plainte déposée par Sherpa, Transparency International et la Commission arabe des droits humains vise le délit de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, abus de confiance et blanchiment aggravé commis en bande organisée. “La fortune personnelle de l’ancien président tunisien, M. Zine el-Abidine Ben Ali, et de son épouse, Mme Leïla Ben Ali née Trabelsi, serait estimée à près de 5 milliards de dollars”, affirment les plaignants qui reprennent des informations parues dans la presse. Sherpa affirme en outre que l’ex-président tunisien “possède au moins une propriété dans Paris évaluée à elle seule à 37 millions d’euros”.
(Source: France2.fr le 22 janvier 2011)
Dans les villas pillées de Ben Ali
Le pays observait hier un premier jour de deuil national en mémoire des victimes, une semaine après la chute de Ben Ali. Les luxueuses propriétés de ce dernier, symboles du régime déchu, ont été mises à sac. PASCALE ÉGRÉ | Publié le 22.01.2011, 07h00 hammamet (tunisie), hier. Les habitants de cette station balnéaire viennent récupérer les débris d’une villa luxueuse qui appartenait à une famille proche de Ben Ali, le président déchu. | (lp/philippe de poulpiquet.) Haner sourit derrière ses lunettes de soleil. « Tout cela est revenu au peuple ! » se réjouit la jeune femme en désignant la villa blanche qui se dresse en front de mer, derrière de hauts murs couverts de graffitis vengeurs. L’enceinte de ce qui était encore il y a peu l’inviolable et luxueuse propriété d’un frère du président déchu Ben Ali, dans ce quartier qu’une armée de vigiles interdisait à la population locale, se franchit par le côté. Les habitants d’Hammamet, station balnéaire touristique que la révolution tunisienne a mise au chômage technique, viennent désormais visiter et s’approprier ce qui reste du saccage des lieux, pillés et en partie brûlés par des émeutiers le 14 janvier. « Nous sommes venus voir ce que le clan Ben Ali-Trabelsi (NDLR : du nom de son épouse Leïla) avait fait de l’argent qu’il nous a volé ! » justifie-t-on en emportant quelques débris. A Hammamet comme à Sidi Bou Saïd ou Grammath, banlieue huppée proche du palais de Carthage, au nord de Tunis, ces villas symboles de la corruption de l’ancien pouvoir avaient été attaquées dès l’annonce du départ en Arabie saoudite de l’ancien chef d’Etat. Une semaine après sa chute, ces singuliers mausolées désossés se sont mus en lieux de promenade, symboles de l’opération mains propres lancée depuis en France, en Suisse et en Tunisie contre les biens mal acquis du régime déchu. L’enquête ouverte mercredi par la justice tunisienne pour acquisition illégale de biens, placements financiers illicites à l’étranger et exportation illégale de devises aurait d’ores et déjà conduit à l’arrestation de trente-trois proches de la famille de l’ex-président et de son épouse. Commentées avec enthousiasme, les saisies sont listées dans les journaux ou exhibées à la télévision nationale — comme ces bijoux, cartes bancaires et fusils filmés jeudi après une nouvelle perquisition. « Musée Trabelsi des voleurs », annonce un tag sur l’ancienne villa d’un des frères de Leïla. « Famille Gabsi », clame un autre slogan sur celle d’Hammamet. « Gabsi est le nom des vrais propriétaires du terrain », explique l’une de leurs proches, qui raconte comment ces derniers en avaient été peu à peu spoliés et chassés. « Voilà un exemple de ce système Ben Ali-Trabelsi fondé sur les menaces, les mensonges et les pots-de-vin », résume-t-elle révoltée. Agent de la municipalité, Anouar, 53 ans, a pénétré dans ce palais avec les premiers émeutiers : « Je n’avais jamais vu un tel luxe ! Vingt-sept chambres, chacune sa télévision géante ! Et de la porcelaine partout dans la cuisine… » Alors qu’un petit garçon repart, concentré sur l’énorme pan de marbre gris qu’il serre dans ses bras, Majda, coiffeuse, se prend à rêver : « On pourrait en faire une maison de retraite pour tous les petits vieux qui n’ont rien. » Le Parisien
Parler la dictature de Ben Ali
Depuis trois semaines, une effervescence médiatique sans précédent rattrape deux décennies de mutisme, de mensonges et d’ignorance sur la nature du régime tunisien. La révolution de janvier oppose un démenti cinglant à tous les discours de complaisance ou de complicité qu’il est inutile de recenser ici : un wall of shame se construit actuellement sur Facebook pour archiver la succession des déclarations honteuses des responsables français depuis la prise du pouvoir par Ben Ali en 1987.
Le «Che Guevara» de la Tunisie
Ne cherchez pas la ville de Sidi Bouzid dans un guide touristique de la Tunisie, vous ne la trouverez pas. Jusqu’à tout récemment, cette ville du centre du pays n’avait rien à offrir aux touristes, qui viennent dans le pays du Maghreb pour ses plages. Mais c’était avant qu’elle ne devienne le foyer de la première révolution démocratique du monde arabe. Visite d’un tout nouveau lieu de pèlerinage et rencontre avec la famille de Mohamed Bouazizi, héros tragique de cette révolution.
Il est facile de repérer la maison des Bouazizi à Sidi Bouzid. Il s’agit de demander à l’un des jeunes hommes qui font le pied de grue par centaines sur la place principale de cette petite ville de quelque 50 000 habitants. À les entendre, ils sont tous le voisin ou le cousin de la famille. On peut aussi suivre les rutilants 4×4 qui s’enfoncent dans le quartier poussiéreux.
Il y en a justement trois garés devant la petite maison blanche cachée derrière un mur tout aussi blanc. Al-Jazira est déjà sur place. Une chaîne de télévision française s’impatiente.
Depuis un mois, les voisins regardent, les yeux écarquillés, les ministres tunisiens, les figures de proue de l’opposition et les journalistes étrangers débarquer devant la modeste demeure des Bouazizi. La famille se compose d’une maman aux traits tirés, de trois jeunes femmes qui portent le hidjab et de trois garçons.
L’histoire de Mohamed
Jusqu’à tout récemment, ils étaient huit. Le chef du clan s’appelait Mohamed. Orphelin de père à 3 ans, le jeune Tunisien aux cheveux frisés a dû très tôt devenir l’homme de la maison. «Il avait 10 ans quand il a commencé à vendre des fruits et légumes. Il allait à l’école en même temps», raconte sa soeur Samira, étudiante de 19 ans aux yeux tristes.
À 26 ans, même s’il avait terminé ses études au lycée, Mohamed vendait encore des fruits et des légumes. Des carottes, des tomates, des oignons. Grâce à son travail, il rapportait 50 dinars à la maison chaque semaine. L’équivalent de 30$. À peine assez pour nourrir tout le monde. «Il nous disait: «Moi, je travaille; vous, vous finissez vos études»», relate Samira.
Le 17 décembre dernier, il a été interpellé par une agente municipale. Rien de bien neuf. Il en avait l’habitude. Les autorités de la ville le taxaient sans cesse, raconte sa famille. L’agente voulait confisquer sa marchandise sous prétexte qu’il n’avait pas de permis. Quand Mohamed a rouspété, elle l’a giflé. Sans le savoir, elle venait de mettre en marche une révolution.
Sans le dire à personne, Mohamed a acheté un bidon d’essence comme on en trouve partout sur le bord des routes à Sidi Bouzid. Il se l’est versé sur la tête. Et il a craqué une allumette. Du coup, il a été l’étincelle dans un baril de poudre.
S’acheter un boulot
Le jour même, les manifestations ont commencé. Tous les jeunes chômeurs qui, comme aujourd’hui, flânaient dans la rue principale de cette bourgade située à plus de 250 km de la capitale ont laissé éclater leur colère.
Dans cette région du centre de la Tunisie, l’économie est basée sur la culture des olives, des figues de Barbarie et des légumes, sur l’élevage de bétail et sur le commerce au détail. On estime que 40% des jeunes y sont au chômage, et ce, même si une bonne partie d’entre eux ont des diplômes. La situation est particulièrement précaire depuis l’an dernier, alors que la sécheresse s’est abattue sur la province déjà mal en point.
Désespérés, la plupart des jeunes sont prêts à n’importe quoi pour décrocher un boulot. Ils racontent que les autorités corrompues avaient pris l’habitude de vendre les emplois. Le prix pouvait varier entre 5000 et 20 000 dinars tunisiens, soit de 3500$ à 14 000$. Une fortune dans un pays où le salaire minimum est de 150$ par mois.
Lorsqu’ils se sont mis en marche, les manifestants de Sidi Bouzid dénonçaient non seulement le manque d’emploi, mais aussi le sous-développement de leur région, la corruption et le mépris dont ils se sentaient quotidiennement victimes sous le régime du président Zine el-Abidine Ben Ali.
»Encore une gifle»
Leur ras-le-bol a vite eu des échos dans le reste du pays. Les villes voisines, Kasserine et Tala, ont été parmi les premières à s’embraser. À la fin du mois de décembre, la capitale s’est jointe au mouvement.
Désemparé devant cette vague de contestation, le président, qui menait le pays d’une main de fer depuis 23 ans, a essayé de calmer le jeu. Il a visité les Bouazizi et invité la mère du jeune immolé à le visiter.
Mais quand, dans un deuxième discours diffusé à la télé, Ben Ali a annoncé qu’il sévirait contre les manifestants, il a perdu les rênes de son pays, estiment les jeunes de Sidi Bouzid qui ont été au coeur de la révolte. «Encore une gifle, et on en a trop reçu», lance Nasser, un jeune chômeur.
Mohamed Bouazizi n’est pas le seul à avoir laissé sa vie dans la vague de contestation. Un nouveau rapport de l’ONU estime qu’au moins 100 personnes sont mortes dans les événements qui ont secoué la Tunisie. La plupart ont été tuées par les forces policières. Le pays observe actuellement trois jours de deuil en leur mémoire.
Les habitants de Sidi Bouzid ont laissé éclater leur joie lorsque, le 14 janvier, ils ont appris que Ben Ali avait quitté le pays avec sa femme.Leur David, Mohamed Bouazizi, mort de ses blessures le 4 janvier, venait de gagner contre Goliath. «Mohamed est le symbole de la révolution, c’est notre Che Guevara», lance avec enthousiasme Sofian Dhouibi, qui a été de presque toutes les manifestations depuis un mois.
Depuis ce que les jeunes de Sidi Bouzid appellent «leur révolution», Sofian et ses compagnons se sont emparés d’un monument à la gloire de l’ancien régime. Ils ont remplacé la photo de Ben Ali par celle de Mohamed Bouazizi. À longueur de journée, ils scandent son nom.
Discrète, la soeur du défunt ne cache pas que l’attention que reçoit sa famille depuis la mort de son frère est difficile à vivre, bien que nécessaire. Elle espère que la région de Sidi Bouzid deviendra une priorité pour le nouveau gouvernement et que ce dernier combattra, dans la «nouvelle Tunisie», le système corrompu qui a plongé son frère dans le désespoir.
«Je veux que la mémoire de mon frère soit reconnue, dit-elle, alors que des larmes lui montent aux yeux. Je ne veux pas que son sang ait coulé pour rien. Si on essaie encore de nous priver de nos droits, je suis capable de m’immoler demain.»
Source: ”cyberpresse.ca” Le 22-01-2011
A Sidi Bouzid, malgré la révolution du jasmin, “on meurt de pauvreté”
Le président honni Ben Ali a fui la Tunisie, mais la colère à l’origine de la “révolution du jasmin” brûle toujours dans les coeurs des habitants de Sidi Bouzid, ville marquée par la pauvreté où le soulèvement populaire a débuté il y a plus d’un mois.
“Le régime nous a tout pris et laissé dans la misère. Nous n’avons pas le droit de vivre comme tout le monde”, accuse Yusfi, 42 ans, maçon, défilant dans Sidi Bouzid, au milieu de plusieurs centaines de personnes.
“Nous voulons l’égalité”, scande un manifestant, tandis qu’un passant, portant la tenue traditionnelle, confie: “Nous mourons de pauvreté ici”.
Sidi Bouzid, petite ville rocailleuse au milieu d’une région d’oliviers et d’amandiers, dans le centre de la Tunisie, est un des principaux foyers du soulèvement qui a emporté le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Après 23 ans de pouvoir, le président a fui le 14 janvier en Arabie saoudite, lors de la première révolution populaire du monde arabe.
C’est là que le 17 décembre un jeune vendeur de fruits, Mohammed Bouazizi, s’est immolé par le feu après une énième humiliation policière, marquant le déclenchement de la “révolution du jasmin”.
“On en a assez. On n’est pas des terroristes, mais des pacifistes, qui demandons seulement l’égalité. On va continuer la révolution”, promet Mohammed Dali, 58 ans, travailleur saisonnier, alors que des dizaines de soldats patrouillent le secteur à bord de véhicules blindés.
“Nous sommes tous prêts à nous sacrifier et devenir des martyrs”, proclame une banderole, tandis qu’une autre dit “Non au terrorisme d’Etat, Oui à la libération des prisonniers politiques”.
“RCD dégage”, scandent les manifestants, en référence au Rassemblement constitutionnel démocratique, l’ancien parti au pouvoir, dont sont issus les ministres qui occupent, provoquant la colère de la rue tunisienne, les postes clés du gouvernement de transition formé lundi.
Mais au-delà des mots d’ordre politique, dans cette ville misérable de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, ce sont bien les questions sociales et économiques qui préoccupent les esprits.
“La plupart des gens ici sont au chômage”, témoigne Zyad Al Gharbi, 27 ans, qui se souvient avec émotion de son “ami” Mohammed Bouazizi.
“La police nous rackette pour nous laisser vendre nos produits. Pourquoi ? Pourquoi ne nous laisse-t-on pas tranquille pour gagner notre vie ?”, interroge un jeune vendeur de fruits.
Pour lui comme pour ses nombreux collègues, il ne fait aucun doute que Mohammed Bouazizi a été victime d’un système de corruption généralisée.
“C’est une tragédie, il a été victime des puissants qui nous exploitent. Et c’est toujours les pauvres qui payent”, regrette près de la mosquée un vendeur d’oranges ambulant.
Les autorités locales ont rebaptisé la place du 7 Novembre (date du coup d’Etat qui a porté en 1987 Ben Ali au pouvoir) place Mohammed Bouazizi, en l’honneur de qui un mémorial a été dressé, orné d’une immense photo du nouveau héros national.
Il sert de lieu de rassemblement quotidien pour tous les mécontents.
“Nous avons été détruits par la pauvreté. Ce dont ont besoin les jeunes ici, c’est d’abord de travail. Nous voulons la vraie démocratie, un pays qui soit européen, pas nord-africain”, demande Abassi Toufik, 47 ans, devant des dizaines de jeunes portant blousons de cuir et casquettes.
Source : « La Depeche » Le 22-01.2011
Tunisie. Quelle place pour le parti islamiste Ennahdha?
Quel est le poids réel du parti islamiste tunisien et quel pourraient être sa place et son rôle dans l’échiquier politique de la Tunisie démocratique de demain?
A peine deux semaines après la chute du président déchu Zine-el-Abidine Ben Ali, les yeux et les esprits se tournent vers l’avenir et les Tunisiens se posent des questions sur la relève. Qui se hissera au pouvoir? Ou plus exactement qui «mérite» de s’asseoir sur le trône? Dans ce contexte, vous n’avez sans doute pas pu échapper à des mots tels qu’Ennahdha, Rached el Ghannouchi, islamisme… Mais quels sont les islamistes, et est-ce qu’ils représentent une menace sur la Tunisie?
La société entre islam et islamisme Le parti islamiste tunisien, Ennahdha a participé aux élections présidentielles en 1989 avec des listes dites indépendantes et a même réuni 15% des voix, un mini-succès, qui a valu à 30.000 de ses partisans l’emprisonnement et à son leader, Rached El Ghannouchi, l’exil en Angleterre depuis maintenant 20 ans. Un leader, rappelons-le, qui projette de rentrer au pays très prochainement Les islamistes restent rationnels et ne cessent d’affirmer que leur mouvement ne véhicule en aucun cas l’intention d’organiser «un retour à la Khomeiny». Rappelons que Rouhollah Khomeiny est un dignitaire religieux chiite iranien. Ennahdha se définit plutôt comme proche du parti turc au pouvoir l’Akp qui est très modéré, malgré ses relations étroites avec la religion musulmane. Le parti de Ghannouchi (Rached) proclame la reconnaissance du multipartisme et son droit de participer aux prochaines élections. Ennahdha devra, pour cela, se faire «légaliser» sachant que la Constitution tunisienne interdit les partis à caractère religieux. Cette obligation semble avoir été levée puisque le gouvernement d’union nationale a annoncé, par la voix de son porte-parole, Taïeb Baccouche, également ministre de l’Education, la légalisation de tous les partis politiques actifs dans le pays.
Ce qu’en pensent les tunisiens? «Les tunisiens, affirme le chercheur Pierre Vermeren, ont une très forte sensibilité islamiste. En effet, le discours religieux se nourrit de la dénonciation de la corruption et des comportements économiques mafieux». La société tunisienne est donc très favorable à l’implantation d’un parti islamiste. De plus, les Tunisiens dénoncent une jeunesse très influencée par l’Occident et qu’il faudrait ‘‘remettre sur les rails’. D’autres affirment que le peuple tunisien n’est pas «dupe» et qu’il n’acceptera pas de mettre sa liberté en jeu pour quelque prix que ce soit. D’autant qu’après ce qui passé en Algérie, en Irak, en Afghanistan, et dans d’autres pays où les mouvements islamistes ont pu investir la vie politique, les libertés ont subi de graves restrictions. Les Tunisiens, qui ont arraché leur liberté au prix d’aussi importants sacrifices, ne s’en laisseront pas priver facilement. Ennahdha arrivera-t-il à s’imposer dans un paysage politique éclaté d’où Ben Ali a réussi d’éloigner les islamistes? C’est une question qui restera sans réponse jusqu’aux prochaines élections, mais ce qu’on peut dire avec certitude c’est que la prudence est de mise.
Source : « Kapitalis » Le 22-01-2011
Un groupe féministe français met en garde contre les islamistes en Tunisie
La présidente du mouvement féministe français “Ni putes ni soumises”, Sihem Habchi, a mis en garde vendredi à Montréal contre les islamistes en Tunisie.
Venue au Québec pour renforcer les contacts de son organisation avec les féministes canadiennes, Mme Habchi, d’origine algérienne, a dénoncé lors d’une rencontre avec l’AFP ce qu’elle appelle la “tentation obscurantiste” en Tunisie.
“Je suis stupéfaite de voir qu’à l’extérieur de la Tunisie, et notamment en France, le leader d’un mouvement islamiste tunisien (Rached Ghannouchi, du parti Ennahda, longtemps exilé à Londres) se présente comme un modéré (…) et comme une possible alternative, à l’image de la Turquie”, a-t-elle déclaré.
“Je m’inquiète pour les femmes tunisiennes, parce qu’elles avaient acquis des droits et que ces droits ont été maintenus”, a poursuivi Mme Habchi, citant notamment la laïcité et l’avortement. “Il faut les soutenir et faire attention à toute tentation obscurantiste (tolérée) pour des raisons de facilité, raisons de jeu politique et de jeu géopolitique international”, a-t-elle encore affirmé. “Ce parti islamiste modéré n’a pour l’instant pas beaucoup de bases en Tunisie. Mais l’argent peut beaucoup quand il faut s’organiser, se structurer, nous l’avons déjà vu, et je ne souhaite pas voir ce que j’ai vécu en Algérie se reproduire.
Source: “ Angolapress” Le 14-01-2011
Les nouveaux monstres
Je me morfonds. Terrible le sérieux des intégristes…
Ben Ali, s’en est allé, sur qui et quoi je vais écrire ? Après Ben Ali, qui vais-je faire sortir de ses gonds ? Sous Ben Ali, je n’ai pas arrêté de le narguer en lançant ma candidature virtuelle. Il s’avère que ça marche aussi sous M’bazâa et Ghannouchi.
Je croyais qu’on peut rêver… je croyais possible de désirer platoniquement posséder la bombe atomique. Non, c’est réservé aux puissants et aux gérants. Qui sont ces cerbères, ces nouveaux monstres qui veulent encager ma poésie ? Sous Ben Ali, j’ai arraché l’EXPRESSION…et je m’en foutais de la liberté. Personne ne peut arrêter mon alphabet. Je m’exprimerais même devant dieu s’il le faut. Est-ce un blasphème ?
Ma candidature s’impose d’abord à moi et je la garderai face aux candidatures colportées par le tank El Jazira.
Je serai le candidat, peut-être, minoritaire face aux candidats qui mangent dans tous les râteliers et toutes les télés. Ces télés réunissaient un mélange assez réussi de technocrates arrivés, de demoiselles cultivées, de jeunes intellectuels parlant l’arabe classique, d’avocats fortunés, d’industriels prospères, d’actrices sur le retour. S’y mêlaient quelques pieds tendres, fils de famille de l’ancien régime, ralliés à Ben Ali, dont les parents avaient eu l’habilité de renier RCD. Pour couronner le tout, un paquet de profiteurs que la révolution avait fait débarquer en Tunisie : flambeurs, députés, filous, experts dans le jonglage financier et autres escroqueries. Sans compter quelques journalistes de la Presse de Tunisie et d’Essabah, écrivains du dimanche et fils de commissaire de police. Une société trop mélangée pour se sentir sûre d’elle-même.
A la fois trop cynique et trop frustre. En voyant ces gens franchir le Rubicon, je me suis dit, qu’à cette société, il manque pour se sentir à l’aise, des femmes de taulards, des syndicalistes gauchistes, des vendeurs à la sauvette et moi, le troubadour basané, pour président.
Source : « Le nouvel observateur » Le 22-01-2011
Taoufik Ben Brik avenir de la Tunisie ?
Journaliste et écrivain tunisien, opposant de toujours à Ben Ali, Ben Brik brigue la présidence de la république tunisienne dans le cadre des prochaines élections dans ce pays. “Prochaines” n’est d’ailleurs pas le qualificatif le plus approprié car les élections précédentes auxquelles Ben Brik s’est présenté (entre deux persécutions) étaient des simulacres. Cet homme a-t-il ses chances aujourd’hui ? Et est-ce l’intérêt de son pays ? Qu’en pensent les Tunisiens ?
Une belle image en France
Taoufik est connu chez nous (du moins d’un public averti) pour ses articles dans divers hebdos et surtout pour ses deux ouvrages majeurs :“Le rire de la baleine” (Seuil 2000) où parallèlement au récit de sa grève de la faim, il décortique sans complaisance les tares de la société tunisienne et s’interroge sur les vraies motivations des humanitaires faussement naïfs et les arrière pensées des prétendus démocrates qui le soutiennent.
L’année suivante, dans “une si douce dictature” dont le titre est suffisamment explicite (publié chez La découverte – RSF) il récidive en dénonçant sous forme de chroniques bien enlevées un système violent, corrompu et mafieux. Mais aussi les difficultés du peuple à s’organiser pour résister. Et les trahisons intéressées.
Bref, depuis 10 ans, on ne pouvait plus dire : “Je ne savais pas…”
En outre, il faut saluer son courage. Alors que la France lui avait offert l’asile politique, il a tenu à retourner dans son pays pour y continuer son combat en faveur de la démocratie et de la liberté. Et même si sa notoriété le protégeait du pire (encore qu’une disparition “inexpliquée” n’aurait pas empêché le dictateur de dormir) elle ne le mettait pas à l’abri des brimades et des tabassages.
Un écrivain président ?
On a le précédent de l’auteur Václav Havel, dissident puis opposant au régime communiste, devenu président de la Tchécoslovaquie en 1989 après l’effondrement du bloc soviétique. Ben Brik peut-il faire de même après la faillite du système et la fuite pitoyable du “parrain” de la mafia tunisienne ?
Il s’est déjà présenté en 2004, une tentative sans espoir mais parce qu’il fallait bien témoigner que tout le monde n’était pas d’accord… Et il a été empêché par le pouvoir d’être candidat en 2009. En usant d’une crapulerie juridictionnelle (qui semble avoir inspiré les ennemis de Julian Assange) : une accusation de violences sexuelles et d’atteinte aux bonnes moeurs survenant juste avant le scrutin truqué.
Enfermé 6 mois en prison, juste après le simulacre d’élection pour l’empêcher de protester, sans jugement ni avocat, il sera finalement condamné à 6 mois fermes… Un jugement couvrant la préventive, histoire de complaire au pouvoir, mais lui permettant de recouvrer la liberté sans amplifier le scandale déclenché par son principal soutien : Reporters sans frontières.
Quel impact en Tunisie ?
Dans une interview donnée le 21 janvier au Nouvel Obs’, Ben Brik affirme bénéficier d’une grande considération de la part de ses concitoyens. Installé dans la notoriété grâce au web, malgré la censure qui l’ignorait entre deux accusations fantaisistes, il est reconnu dans la rue et acclamé par les “gens d’en bas” dont il est lui même issu (un père mineur et un frère meneur de la revendication ouvrière)
Par ailleurs il pense avoir le soutien des syndicalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des intellectuels qui, dit-il, sont ses amis et alliés de toujours et ont soutenu son action. Sans écarter pour autant l’éventualité d’une candidature issue directement de ces structures. En tout cas, il a décidé de se présenter quoi qu’il advienne.
Un projet politique cohérent
Bien sûr, c’est aux Tunisiens premiers concernés de se prononcer, mais vues de France, les idées de Taoufik Ben Brik semblent à la fois réalistes et porteuses d’espoir.
D’après son entourage, il ne prétend pas faire table rase du passé, mais au contraire récupérer parmi les épaves de l’ancien régime ceux qui n’ont pas de sang sur les mains et n’ont été que des complices passifs de la corruption. C’est-à-dire pas mal de monde, tant les soutiens fictifs de Ben Ali étaient nombreux et obligatoires pour avoir un emploi, passer un marché, ou obtenir une autorisation administrative.
Son premier objectif politique serait la création d’une assemblée constituante pour voter une nouvelle constitution offrant toutes garanties à la liberté d’expression, d’organisation et de vote. Après quoi, il projette d’organiser une convention nationale des responsables politiques, syndicaux et associatifs représentant toutes les sensibilités de la société afin de définir une découpage de circonscriptions et des lois électorales acceptées par tous.
Dans sa vision de la réorganisation de l’état, priorité serait donnée aux services publics. Jusque là, rien à dire.
Questions sur l’économie
Seule son approche d’une “économie de collectivité” peut poser problème, tant il est vrai que partout où le collectivisme a été tenté, au sens dirigiste, ce fut un fiasco. Y compris en Tunisie dans les sixties sous l’inspiration d’Ahmed Ben Salah et l’action de Mansour Moalla. Et cela peut-il être compatible avec un pays qui, au plan économique, est très avancé et devance tous les autres pays du continent africain en termes de compétences et de productivité ?
Mais bon, reste à savoir ce que Ben Brik place sous ce vocable inquiétant ? Un capitalisme populaire ? Des oligopoles incitatifs ? Un état providence ? Une juxtaposition de structures coordonnées mais peu hiérarchisées ? Des supervisions techniques pour adapter le marché aux besoins ? Un système d’autogestion de petites et moyennes structures ?
Je suppose que, dans le cadre d’une véritable campagne électorale, l’intéressé aura l’occasion de préciser sa pensée. Alors, qui vivra, verra… Inch’allah !
Source : « Agoravox » Le 22-01-2011
Le Moyen-Orient analyse la révolution tunisienne
andis que les Tunisiens sont toujours baux prises avec les événements accélérés de ces derniers jours, la chute de Zine El Abidine Ben Ali et sa fuite, les blogueurs arabes poursuivent et partagent leurs réflexions sur la révolution tunisienne et sa signification pour le reste de la région.
Tandis que les Tunisiens sont toujours aux prises avec les événements accélérés de ces derniers jours, la chute de Zine El Abidine Ben Ali et sa fuite, les blogueurs arabes poursuivent et partagent leurs réflexions sur la révolution tunisienne et sa signification pour le reste de la région.
Le Syrien Abou Kareem, de Levantive Dreamhouse, explique ce qu’il y a de ‘stimulant’ dans la révolution tunisienne pour ses voisins arabes. Voilà ce qu’il écrit:
C’est peut-être sa spontanéité, son absence de chefs désignés qui lui donnent l’air d’une authentique révolution populaire et non d’un coup d’état à motif idéologique destiné à servir les désirs d’un électorat étroit. Il est facile en tant qu’Arabe de se résigner au fait que les systèmes politiques stagnants et sclérosés sont immuables. C’est exactement cet état de désespérance et d’inertie que la plupart des dirigeants de la région s’efforcent d’instiller dans leurs peuples. ll tue l’espoir, empêche le progrès et maintient les dirigeants au pouvoir. J’espère donc que les dirigeants de toute la région vont prendre note et qu’un frisson glacé leur court l’échine pendant qu’ils observent la suite des évenements à Tunis ; cela leur fera peut-être reconsidérer leurs méthodes.
Le Bahraini Emoodz a rompu son silence de blogueur pour crier VIVE LA TUNISIE !
Il note :
J’ai suivi avec beaucoup d’excitation le déroulement des événements en Tunisie ; en toute honnêteté j’avais très peu d’espoir que les choses évoluent et en arrivent au point d’aujurd’hui. Je peux chercher autant que je veux, je n’arrive toujours pas à comprendre comment les Tunisiens ont pu renverser un régime en un mois.
Emoodz d’ajouter:
Il y a toute cette impression d’excitation qui fait le tour du monde arabe sur ce qui s’est passé, soudain les agences d’information et les politologues expliquent que la Tunisie n’est que le début de ce qu’on annonce comme un effet domino appelé à s’étendre aux autres gouvernements arabes dans la région, ce que je crois hautement improbable…
Dans un billetintitulé Tunisie, dis que nous nous trompons, Saudi Hala_In_USA pose ces questions :
Par la suite, tous les yeux du monde arabe se tournent vers la Tunisie, est-ce que ce serait un nouveau commencement d’une démocratie sans précédent pour le Moyen-Orient ? attirant d’autres pays à suivre l’exemple ? ou tomberait-elle sous la coupe des islamistes ou des hommes du même vieux Ben Ali sous d’autres noms ?
Et elle exprime son anxiété :
J’ai des sentiments mêlés à cet égard, et partage les craintes de Robert Fisk de l’affreuse vérité, que les pays de la région tout comme en Occident ne soutiendront probablement jamais une démocratie véritable en Tunisie, de peur qu’il en sorte des effets défavorables, que les gens au pouvoirs n’acceptent que des Etats arabes soutenant les intérêts occidentaux, la haine pour l’Iran et un contrôle resserré de leur peuple… Je n’en crois pas moins que les Tunisiens ont bien retenu les leçons de l’oppression et des corruptions, qu’ils n’oublieront pas facilement le corps en flammes de Bouazizi, ils se souviendront toujours des jours d’oppression, de pauvreté et de pénurie amenés par le régime totalitaire, mon espoir est que la Tunisie ouvre la voie à une nouvelle ère, pour voir la justice et vivre pour la première fois un gouvernement du peuple, pour montrer que nous nous trompons, et prouver que les gens ont bien le choix, qu’ils peuvent avoir le choix et se construire un meilleur avenir…
L’Américain-Algérien Kal, qui écrit sur The Moor Next Door, partage ces appréhensions, et note :
Le cas tunisien, avec toutes ses particularités (l’héritage de Bourguiba, la laïcité, le niveau élevé d’éducation et de droits des femmes) représente une nouveauté dans la politique arabe à laquelle les observateurs doivent continuer de prêter attention. Au départ les événements de Sidi Bouzid étaient minimisés comme des émeutes du pain et non pas appréciés pour la tournure qu’ils allaient prendre. Ce blogueur était prudent, essentiellement pour la même raison que les autres : des choses pareilles n’étaient pas supposées se produire dans des pays comme la Tunisie. Ce qui a été écrit ici pendant le soulèvement ne l’a été que parce que cela arrivait au Maghreb (et parce que cela paraissait . . . étrange). Ce serait vraiment triste, si toute la peine que les Tunisiens ont mise dans leur intifada était confisquée par les vieux du parti et de l’armée pour se remettre en selle avec des comités ou des hommes forts, comme cela a été le cas tant de fois auparavant. La question demeure : qu’est-ce qui sera fait ?
D’Israël, Yael, sur Life in Israel, prédit que l’Egypte pourrait être la prochaine :
Il y a peu de chances, du moins dans l’avenir immédiat, que les événements de Tunisie –la première chute d’un régime autocratique dans le monde arabe à la suite d’un soulèvement populaire à avoir des implications pour toute la région – enclenchent un effet domino de révolutions et de renversements de régimes dans les autres pays du voisinage. Mais la quasi-totalité des spécialistes conseillent de suivre de très près l’Egypte parce qu’il est tout à fait que celle-ci soit la prochaine à suivre.
Elle poursuit :
Les masses arabes (pas seulement en Afrique du Nord, aussi au Levant et dans la péninsule arabique) ont suivi la chute du régime tunisien coup après coup, créant la possibilité que l’opinion dans de nombreux pays trouve une inspiration dans l’expérience tunisienne. Il est trop tôt pour dire comment les choses vont se dérouler au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, chaque pays ayant son contexte unique qui déterminera sa trajectoire. Mais ce qui est certain, c’est qu’un glissement régional est à l’oeuvre, au moins dans cette mesure que les gouvernements ne peuvent plus continuer comme si de rien n’était.”
Le Syrien Qunfuz examine de plus près la possibilité d’un tel “effet domino” dans la région. Il écrit :
Si effet domino il y a, il ne sera pas immédiat et n’avancera pas sans à-coups. Les conditions actuelles en Irak ne permettront pas, à l’évidence, une révolution nationale unifiée contre le pouvoir. Un tel langage n’a même aucun sens. En Syrie le président est raisonnablement populaire, même si le régime autour de lui ne l’est pas. Et si le président devait brutalement perdre la grâce populaire, les Syriens craignent que la révolution ne conduise à la guerre de religions et à l’intervention israélienne – deux éventualités réelles. L’Arabie saoudite est trop divisée entre tribus, et de nombreuses fractions de la société sont trop aisées pour des désordres révolutionnaires. La population la plus en colère dans le royaume est la communauté chiite opprimée, mais tout ce qu’elle pourrait entreprendre se heurterait à l’opposition féroce du wahhabisme profond. Bahrain, avec une majorité chiite politisée et intelligente face une famille régnante sunnite oppressive, est un candidat plus probable au changement. L’Egypte est l’inconnue. D’un côté, l’échec du régime mafieux de Moubarak est devenu retentissant. De l’autre, la plupart des Egyptiens n’ont pas le loisir de penser à autre chose que leur prochain repas. Ils ne suivent pas les événements sur Facebook ni même al-Jazeera.Et c’est une quasi-certitude que toute tentative sérieuse de révolution populaire se traduirait par des milliers de morts. (Mais cela peut jouer dans les deux sens – rien de tel pour engendrer une révolution qu’une série de funérailles. Voir la photo d’Ali Farzat ci-dessus.)
Peut-être que dans six mois les commentateurs non arabes jugeront que la révolution tunisienne était une simple anomalie dans un monde arabe voué à une stagnation éternelle. Mais ils se tromperont. La révolution exercera une contagion à long terme à travers toute la culture arabe, comme l’a fait avant elle la révolution iranienne. Elle changera l’air que respirent les Arabes et leurs rêves.
Entre temps, retour à Bahrain, où Mahmood Al Yousif s’inquiète que la Tunisie puisse maintenant passer d’un extrême à l’autre. Ilécrit :
Je suis prêt à parier que le pendule va maintenant passer d’un extrême – dépouiller les Tunisiens d’un élément important de leur identité, la religion – à l’autre, et nous allons assister à la montée de l’islamisme et des sentiments islamistes.
Alors, qui et quoi va être sacrifié sur l’autel de l’extrémisme ? Le bon sens et la modération.
Al Yousif ajoute :
Nous avons énormément à apprendre de l’ “expérience tunisienne”, et les sages en bénéficieront le plus s’ils prennent le temps de comprendre ce qui a transpiré et essaient d’appliquer ces leçons dans leurs propres sociétés en inculquant le respect des droits humains et leurs liberté de foi, d’association, de pensée et de parole, et non en forçant les gens à avaler telle ou telle doctrine.
Source: ”LeuroMag” Le 22-01-2011
Tunisie : Ben Ali et le culte du chiffre 7
Saviez-vous que Ben Ali porte une attention toute particulière au chiffre 7 ? En effet, c’est un véritable culte que l’ex-président tunisien voue à ce chiffre ! En Tunisie, rien n’est épargné : Places, marché, aéroports, billets de banque… Dès l’arrivée au pouvoir de Ben Ali, en 1987,ce chiffre a pris une place prépondérante dans le pays.
Lorsque l’on s’y penche de plus près, on s’aperçoit qu’en Tunisie bon nombre d’endroits portent le chiffre 7, comme par exemple : la place du 7 novembre, la rue du 7 novembre, l’université du 7 novembre, l’aéroport international de Tabarka-7 novembre… Et parmi tant d’exemples nous retrouvons également ce chiffre imprimé au revers de certains billets de banque !
Un groupe Facebook a même été créé avec pour thème : “Contre le ridicule culte du chiffre 7 en Tunisie”. Hamadi Kaloutcha, cybermilitant et créateur de ce groupe facebook, déclare sur sa page : “avons-nous si peu de personnages historiques, avons-nous si peu de références culturelles, pour ne pas trouver de quoi appeler nos rues ?” Ironiquement, il va même jusqu’à dire que Ben Ali a tellement surenchéri dans les références à ce chiffre qu’au final on pourrait se demander ce que la Tunisie possède d’original, à part le chiffre 7.
7 novembre 1987 : Cette date marque l’arrivée au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali à la suite du coup d’Etat qui lui a permis d’écarter son prédécesseur, Bourguiba. Depuis, il marque, en quelque sorte, l’ensemble du territoire avec le chiffre 7. Mais alors pourquoi un tel dévouement pour ce chiffre ? Vincent Geisser, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAN) explique sur Libération que Ben Ali serait superstitieux. Et c’est ainsi que le 7 novembre 1987 deviendra jour férié dans le pays.
Même l’ancienne chaîne de télévision nationale portait le chiffre 7 : TV7. Le logo était tout en mauve, couleur favorite de Ben Ali. D’ailleurs, à chaque rassemblement politique en faveur de l’ancien président, les militants « pro Ben Ali » portaient des écharpes mauves. Notons que la chute du régime Ben Ali a provoqué, depuis le week-end dernier, le changement du nom de la chaîne, que rien ne justifiait à part cette marotte présidentielle. TV7 devient donc logiquement “Télévision tunisienne nationale”. La couleur de l’ancien logo change aussi au profit du rouge et du blanc, qui rappellent celles du drapeau national.
Les tunisiens mettent un terme à ce culte
Dans sa chute, l’ancien régime entraîne avec lui le culte du chiffre 7. Les Tunisiens sont décidés à mettre un terme à tout ce qui fait allusion à ce chiffre. Une vidéo publiée sur Youtube montre un homme arrachant le portrait de Ben Ali sur un chiffre 7 pour le remplacer par le drapeau tunisien.
Source: “Afrik.com” Le 22-01-2011
Tunisie : quelques observations
Je termine à l’instant une émission de radio à Europe 1 avec Dominique Souchier qui me conduit à quelques observations.
D’abord son invitation est la première des médias français, ce qui a suscité quelques surprises un peu partout, je vais donc remercier M. Souchier et son équipe. Mais j’ai été amené à réfuter des questions qui pour moi n’ont aucun sens.
Pourquoi, m’a-t-on demandé, avais-je conservé des relations avec le président Ben Ali ?
Comme je n’ai jamais eu de relation avec ce président, je ne vois pas comment j’aurais pu les conserver. J’étais au contraire parmi les tous premiers français à publier des enquêtes contre son régime policier, et en particulier à défendre nos confrères tunisiens.
D’autre part, je n’ai jamais pensé que les autorités françaises avaient bien fait de garder un silence embarrassé après la fuite du président Ben Ali.
J’ai dit en revanche et je veux répéter ici que Mme Alliot-Marie, quand elle offre ses services pour mater les patriotes tunisiens en rébellion, fait une gaffe dont elle ne guérira jamais. Mais elle exprime les sentiments du gouvernement tout entier, comme ceux de Sarkozy. Pour ce dernier, la chute de Ben Ali ne pouvait être provoquée que par des ennemis de la France et de l’Occident et par des idées virtuelles de l’islamisme. C’est-à-dire que contrairement aux Américains, des responsables français ont sous-estimé gravement, très gravement, des révoltes que suscitaient les comportements désastreux, et digne du grand banditisme, de la famille de Ben Ali.
En même temps on ne peut jamais savoir ce que devient une rébellion. Un ministre a le droit de se demander s’il peut encourager les insurgés sans être au fait que l’insurrection va réussir. Avant la fuite de Ben Ali et l’écroulement du régime, il fallait que des témoignages discrets puissent être donnés aux insurgés mais il ne fallait surtout pas donner l’impression qu’on était complice de Ben Ali.
Source : « Le nouvel obsevateur » Le 22-01-2011
Pamiers. Ils vivent la révolution tunisienne à distance
Regards de deux Appaméens d’origine tunisienne sur la situation de leur pays aujourd’hui. Attendaient-ils cette révolution ? Sont-ils inquiets pour leurs proches?
Ils sont nés en Tunisie et ils habitent Pamiers depuis des décennies. Cette révolution qui s’opère aujourd’hui dans leur pays d’origine, ils la vivent de loin. Par téléphone, avec leurs proches restés au pays, ou encore à la télévision. Tous ont des tas de choses à raconter, la plupart s’y attendaient et sont « heureux », même s’ils restent prudents face à ce changement « si radical ». Tous ont peur en tout cas puisque ici, à Pamiers, à plus de 1 000 km de la capitale, deux Appaméens nés en Tunisie, tous deux professionnels de santé, ont accepté de s’exprimer. A une seule condition : que leurs témoignages restent anonymes.
« En France, les gens ne se rendent pas compte, lance R.J. Je retourne tous les deux mois en Tunisie, je ne veux pas que mon nom apparaisse dans le journal, j’ai peur de ne pas pouvoir revenir à Pamiers et j’ai peur pour ma famille qui vit là-bas. »
Professionnel de santé, R.J. est arrivé en France pendant ses études et il comprend la révolte de ces jeunes diplômés qui restent désespérément sans emploi. À l’image du jeune Sidi Bouzid, aujourd’hui érigé en martyr, qui avait fini par devenir marchand ambulant pour survivre. « Mon neveu est ingénieur, témoigne-t-il, il gagne 400 euros par mois ; pour la Tunisie, ce n’est pas trop mal, mais il a eu vraiment beaucoup de chance de trouver un emploi. »
Les autres ? Ils survivent, avec des petits boulots, ou tentent de partir ailleurs : l’Europe, le Canada. « Faire des études n’a jamais été une garantie de réussite, obtenir un visa pour l’étranger, c’était ça le passeport pour avoir une vie normale. Mais c’est devenu de plus en plus dur, alors les jeunes ont craqué, et je les comprends. »
Indulgents envers l’ancien gouvernement
Bizarrement, R.J. et A.R., lui aussi installé à Pamiers, ne condamnent pas l’ancien Président Ben Ali aussi fermement que leurs compatriotes sur place. « Le chef de l’État s’en est mis plein les poches, c’est sûr, mais est-ce vraiment différent en France ou ailleurs ? Il y a du favoritisme partout dans les hautes sphères ». L’autre tempère : « Peut-être plus chez nous qu’ailleurs ». Pour sa défense, R.J. dresse un constat de la Tunisie d’aujourd’hui : « Jl y a 70 % de jeunes, il y a beaucoup trop de demandeurs d’emploi pour trop peu de places ; la crise était inévitable, n’importe quel gouvernement n’aurait pu y échapper ».
Tous sont en tout cas unanimes pour qualifier ce mouvement de véritable « révolution » et se disent « heureux » de voir leur pays « libéré ». « C’est la fin d’un État policier, il faut imaginer le nombre d’agents qu’il y a dans les rues ; les Tunisiens ont besoin de s’exprimer, de travailler, de vivre ! » déclare R.J.
Quant à parler de lendemains qui chantent, notre Appaméen Tunisien reste frileux, voire sceptique : « Il ne faut pas s’emballer, moi j’attends de voir ; je ne peux pas analyser la situation à chaud, il faut attendre, confie-t-il. Je ne veux pas être négatif mais je reste prudent ».
Source : « La Depeche » Le 22-01-2011
Tunisie : tous victimes de Ben Ali
Les policiers tentent de rallier la révolution du Jasmin en Tunisie. Ils manifestaient ce matin devant le siège du gouvernement, réclamant la création d’un syndicat pour défendre leurs droits. Ils ont bloqué un moment l’accès du bâtiment à la voiture du président tunisien, Foued Mebazaa.
En première ligne dans la répression sanglante qui a fait une centaine de morts, ils redoutent des représailles.
Une peur partagée par les anciens caciques du régime recyclés dans le gouvernement de transition, Premier ministre en tête. Ce dernier a tenté d’apaiser les esprits hier soir. “Ce à quoi je m’engage en tant que responsable de ce gouvernement provisoire, c’est à me retirer de la vie politique après cette période de transition,” a déclaré Mohamed Ghannouchi.
Mohamed Ghannouchi a décrété trois jours de deuil national en hommage aux victimes du soulèvement et a promis des compensations à leurs familles.
Alors que l’armée assure la sécurité, les policiers se sentent abandonnés. “On n’a rien nous pour nous protéger et en plus on est attaqué par tout le monde ! On veut la liberté, mais on n’est pas encore libre !” se plaignait un manifestant.
Le gouvernement de transition a libéré les prisonniers politiques et s’est engagé à organiser des élections sous six mois. Mais la population tunisienne maintient la pression, de peur qu’on ne lui confisque sa révolution.
Source : « euronews » Le 22-01-2011
Tunisia’s future hangs on electoral reform
All eyes are now on the composition of Tunisia’s new transitional government. Its primary purpose is to prepare for democratic elections so that Tunisians can decide who should represent them in the long term. The makeup of the government is crucial: people must have confidence that it is preparing the elections in good faith.
Without such confidence there could be turmoil and unrest at every stage in the coming months. The preparation of genuinely democratic elections requires nothing less than a systematic overhaul of the country’s electoral laws and practices, which are deeply flawed after decades of dictatorship.
First, efforts must be made to create a level playing field for political contestants. The announcement onreleasing political prisoners and lifting restrictions on press freedoms, human rights groups and political party registration is an important step forward. This must be effectively and speedily implemented. Freedom of speech and assembly must be fully respected so that people can freely express their opinions and organise political campaigns.
Discussions on electoral reforms must include a wide range of stakeholders to agree an improved framework to regulate the conduct of the elections. Given the urgency of the situation, the transitional government may be tempted to use the old electoral law or to proceed without consultation. But either of these steps is likely to undermine public and international trust in the integrity of the elections.
The opposition has already demanded the creation of an impartial body to supervise elections. It is right. Past elections were organised by the interior ministry which, although technically competent, was not impartial. A new election body must have wide powers, be broad-based, and command the confidence of political stakeholders and the wider public.
Given current time constraints, a new election body will not be able to develop the capacity to organise the elections. However, it can make all the major decisions and supervise implementation by the public administration, which has the necessary technical means to run elections. The 2007transition elections in Mauritania were successfully conducted within such a framework.
An election body would need to look at the voter registers. While Tunisia has the capacity to establish a reliable register, there have been allegations that some groups of potential opposition supporters, such as young urban voters, were deliberately excluded from the lists. The accuracy of the existing lists should be carefully reviewed and the new register publicly displayed.
Candidates and parties should be given proper access to the media, in particular public channels, which should be committed to fair coverage. Generous free airtime should be provided so that new parties and candidates can present their platforms. Public campaign finance should be available to offset the likely financial advantages of those who were allied to the Ben Ali regime. Both campaign expenditure and media coverage should be carefully regulated, with the latter independently monitored.
Transparency is required in all aspects of the process and must be open to scrutiny by media, civil society and Tunisian and international election observers, as well as party representatives and candidates. Most important, the election body should conduct elections in an open and consultative manner. Election results should be immediately published in polling stations and posted on the internet.
Finally, a fair, accessible and timely process for adjudicating electoral disputes should be established. Again, this must command confidence among those participating in the elections and the wider public. Recently contested elections in Kenya, Haiti and Ivory Coast have demonstrated the price of getting this part of the electoral process wrong.
The key issue now is how fast all these things can be achieved. According to the constitution, the presidential election needs to take place by 15 March at the latest. This would leave precious little time to truly reform the electoral framework and provide parties and candidates with a chance to become known to the electorate. The alternative is to ignore the constitution and set a later election day. For the stability of the country, it will be important to have a degree of consensus on whatever decision is made.
In addition to the general framework, a specific provision requiring a presidential candidate to have the support of 30 members of the lower house of parliament or municipal mayors, which would give representatives of the old regime a say in determining who can stand, must be abolished before the presidential election is held.
As far as parliamentary elections are concerned, there is no deadline to be met. When deciding on the timing, competing considerations come into play. On the one hand, the momentum for change can get lost if elections are not held soon. On the other, they should not be held before the flaws in the electoral framework have been fixed.
The complicating factor with parliamentary elections is that, beyond arrangements to encourage a level playing field, the electoral system must be changed. Currently it ensures that one party will gain hegemonic control of parliament. In the past, parties of the legal opposition were merely allowed quotas of seats to create a democratic facade.
Given decades of repression, a real political-party spectrum has yet to emerge. A new election system should allow independent candidates to compete. It should also be designed to produce relatively proportional results so that all new political groupings have a chance of winning representation.
The elections will bring Tunisia to a crossroads. If they are open and credible, they will create the confidence and legitimacy required for genuine long-term stability. But if Tunisians view the elections as no more than political window-dressing, the country is bound to see more trouble and a “once in a generation” opportunity to establish a democracy will be wasted.
Source: “The Guardian” Le 22-01-2011