16 septembre 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2308 du 16.09.2006

 archives : www.tunisnews.net


Bakchich: Ben Ali refuse le Bakchich et refoule sa journaliste AP : Le Conseil supérieur islamique de Tunisie s’indigne des propos du pape sur l’Islam  AFP: »Profonde indignation » du Conseil supérieur islamique de Tunisie Le Journal: Avant que ne survienne le pire ! Le Journal: Un appel a la raison et au dialogue Le Journal: La societe civile s’active pour desamorcer la crise Le Monde: Entretien avec Malek Chebel- La longue quête d’un islam des Lumières

 
 

Cliquez ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP sur la catastrophe humanitaire des prisonniers politiques Tunisiens 


 

Ben Ali refuse le Bakchich et refoule sa journaliste

 

Paris,le 16 septembre 2006

 

Né en mai 2006,de l ‘initiative de jeunes journalistes, Bakchich est un site d ‘information satirique sur la France,le Maghreb,l ‘Afrique et le Moyen-Orient, www.bakchich.info 

 

Depuis quatre mois, notre équipe tâche de donner une information pointue,exclusive et impertinente à propos des zones que nous couvrons.

 

Apparemment,notre travail a été remarqué,notamment en Tunisie.Embarquée ce samedi après midi dans le vol Paris Tunis AF 2584 d ‘Air France,départ à 12 h 35,notre envoyée spéciale en Tunisie Léa Labaye n ‘a pu poser le pied sur le sol tunisien.

 

Dès l’atterrissage de l ‘avion,à 15h30,ordre lui a été donné de ne pas quitter sa place et son passeport lui a été confisqué. Une demi-heure plus tard,ses documents lui ont été rendu avec un billet retour et une consigne « ne bougez pas de votre place,,vous repartez tout de suite ».

 

Trois heures plus tard, Léa Labaye était de retour à Paris. Seule consolation,les mots du personnel de bord et des quelques tunisiens croisés dans l ‘avion.« désolé pour vous,,nous aussi on subit ça ».

 

« Ça »,est entre autre la privation de libertés imposés à son peuple par le pouvoir tunisien,et le déni de liberté de la presse qui l ‘accompagne et dont Bakchich a été une nouvelle victime.

 

Car le motif du refoulement de Mademoiselle Labaye n ‘est autre que son statut de journaliste.

 

Elle,et Bakchich de même,paient sans doute leur liberté de ton,que Mademoiselle Labaye avait récemment utilisé dans l’article La Sfeir tunisienne. Léa y narrait les accointances entre le spécialiste du monde arabe Antoine Sfeir et le pouvoir tunisien du « président » Zine Ben Ali..

 

Ainsi, un article peu complaisant contre la Tunisie suffit désormais à se faire interdire l’entrée dans ce beau pays.

 

Contacts :

 

Xavier Monnier : 06 63 67 96 76

Léa Labaye : 06 61 20 14 02

 

http://www.bakchich.info/article220.html

 


 

Le Conseil supérieur islamique de Tunisie s’indigne des propos du pape sur l’Islam

 

 
AP | 16.09.06 | 15:26 TUNIS (AP) — Le Conseil supérieur islamique tunisien a exprimé samedi sa « vive indignation » des propos tenus récemment par le pape Benoît XVI considérés comme « préjudiciables à l’islam et au prophète Mahomet ». Les déclarations du souverain pontife établissaient un lien entre Islam et violence en se référant au jihad (la guerre sainte). Benoît avait cité des propos tenus au XIVe siècle par l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, lequel disait: « montrez-moi ce que Mahomet a apporté de nouveau, et vous ne trouverez que des choses mauvaises et inhumaines, tel son ordre de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait ». Dans un communiqué publié par l’agence tunisienne de presse TAP, cette institution consultative gouvernementale proclame son « rejet de tels propos qui dénotent une ignorance du sublime message de l’islam et portent atteinte aux convictions des musulmans ». Cette réaction officielle intervient au lendemain d’une entrevue entre le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali et le ministre des affaires religieuses Boubaker El Akhzouri. Après avoir rappelé que la Tunisie a constamment oeuvré dans le sens de la tolérance, du dialogue et du respect des symboles sacrés des peuples, le Conseil juge « nécessaire de redresser rapidement la situation avec sagesse et clairvoyance, de manière à servir les nobles objectifs d’entente et de dialogue entre les civilisations et les religions ». AP  


« Profonde indignation » du Conseil supérieur islamique de Tunisie

16/09/2006 15:22 TUNIS, 16 sept 2006 (AFP) – Le Conseil supérieur islamique de la République tunisienne a exprimé samedi sa « profonde indignation » face aux « propos préjudiciables » du pape Benoît XVI sur l’islam et souligné « la nécessité de redresser rapidement la situation ». Le Conseil « exprime sa profonde indignation et rejette de tels propos qui traduisent une ignorance du message sublime de l’islam et portent atteinte aux convictions des musulmans », a indiqué l’agence officielle Tunis Afrique Presse qui a publié une déclaration publique de l’instance religieuse suprême du pays. Le Conseil a déploré que Benoît XVI eût tenu ces propos sur l’islam et la violence « en cette conjoncture qui, pourtant, commande à tous de renforcer davantage le dialogue entre les différentes religions et civilisations ». Soulignant que « la Tunisie a toujours oeuvré en vue de consacrer l’esprit de tolérance, le dialogue et le respect des symboles sacrés des peuples », le Conseil islamique a souligné « la nécessité de redresser rapidement la situation avec sagesse et clairvoyance, de manière à servir les nobles objectifs d’entente et de dialogue entre les civilisations et les religions ». Cette première réaction officielle à Tunis a été diffusée au moment où le Saint Siège déclarait que le pape était « absolument désolé que certains passages de son discours aient pu paraître offensants pour la sensibilité des croyants musulmans ».

 


 

 

La Lettre du Journal

AVANT QUE NE SURVIENNE LE PIRE !

 Par Houcine BEN ACHOUR

  

La Tunisie a fait le choix de la libéralisation et du transfert au privé des activités marchandes dans le cadre du fameux principe de «redistribution des rôles entre le secteur public et le secteur privé».

 

Aujourd’hui, nul ne peut contester une telle orientation dont l’instrument principal est la privatisation avec ses différentes formes, cession totale ou cession partielle ou encore concession de service public.

 

D’autant que les garde-fous sont posés pour éviter tout dérapage ou laisser-aller. Ce sont les fameux cahiers des charges qui imposent un certain nombre d’obligations à l’acquéreur. Cependant, la réalité n’est pas tout à fait celle-là. Car, cette exigence juridique est parfois totalement occultée par l’opérateur. Et les exemples sont nombreux qui ont probablement amené les pouvoirs à procéder à un suivi des privatisations dont, par ailleurs, les conclusions tardent encore à être publiées.

 

Apparemment, cette situation concerne tous les secteurs d’activité : l’agriculture avec certaines SMVDA (Société de mise en valeur de domaine agricole), l’industrie avec les opérations d’assainissement dans certaines entreprises privatisées et les services avec les concessions de service public octroyées aux sociétés de transport en commun de voyageurs. Ce dernier cas d’ailleurs est un exemple symptomatique, au sens premier du terme, de la dérive que peut générer une privatisation d’activité. Celui du transport en milieu urbain est encore plus frappant et aux conséquences incalculables.

 

En effet, l’une des obligations auxquelles est soumis le transporteur privé, est de proposer uniquement des places assises lors des trajets.

 

Au départ, il s’y soumet de bonne grâce. Mais au fur et à mesure du temps, un certain laxisme s’installe allant jusqu’à l’incurie. Il devient nullement rare de voir ces fameux bus, TCV, TUT, City et que sais-je encore, remplis de monde. Le confort qu’ils étaient censés fournir à l’usager en contrepartie d’une tarification bien supérieure à celle affichée par le transporteur public, a malheureusement disparu. Pis encore. Imaginez qu’un accident survienne au cours du trajet, en pareille situation.

 

Compte tenu du fait que l’assurance contractée par le transporteur ne concerne que les personnes assises, l’usager n’a aucun droit ni recours en cas de blessure ou de lésions plus ou moins grave, sans compter que l’assurance peut carrément invoquer le non respect des clauses du contrat.

 

En clair, les conditions de transport sont à ses risques et périls. Qu’avait-il à emprunter un bus bondé, à accepter d’être debout alors que cette station est formellement interdite au cours du trajet, peut arguer le transporteur, pour couvrir le non respect de ses engagements.

 

Le fait que le conducteur du bus ait ouvert les portières à l’arrêt n’est pas un contre argument solide, l’ouverture des portières pouvant permettre à d’autres usagers de descendre. Réponse du berger à la bergère ou dialogue entre loup et agneaux ?

 

En tout cas, la perspective mérite, sinon exige, soit le rappel et l’application ferme des conditions de la concession, soit sa révision pour garantir à défaut de confort, une pleine assurance pour l’usager. Le processus doit être engagé rapidement, avant que ne survienne le pire.

 

(Source : « Le Journal », N° 40 du Samedi 16 Septembre 2006)

Lien : http://www.gplcom.com/journal/fr/


Déclaration solennelle de Georges Adda

UN APPEL A LA RAISON ET AU DIALOGUE

Par M’hamed JAIBI

 

En décidant de publier «à la une» la déclaration solennelle de Georges Adda, en français puis en arabe, notre hebdomadaire électronique «Le Journal» a voulu faire connaître au maximum de Tunisiens et de citoyens du monde, de toutes les nationalités, religions et obédiences, cette théorie sur les origines de ce qu’il est convenue d’appeler : la «diaspora» juive, théorie à laquelle s’attachent de nombreuses personnalités de confession judaïque ou de culture juive, qu’elles soient croyantes ou non.

Le texte de M. Georges Adda présente l’avantage de s’appuyer sur des références nombreuses dont certaines sont difficiles à démentir. Ces références historiques et ethnologiques sont pour la plupart ignorées des Arabes comme des Juifs, ou encore des décideurs des grandes puissances de ce monde, souvent de confession chrétienne.

L’apport historique de M. Adda consiste en la clarté et en la concision de la thèse qu’il rapporte, et en la qualité de celui qui s’en réclame de la manière la plus solennelle : un Tunisien de culture juive aux références incontestables.

C’est vrai que pris sous l’angle du registre politicien, le titre de la déclaration a pris la forme d’un appel de principe ouvrant la porte au maximalisme. Mais il s’agit de bien lire le texte et d’en saisir les retombées politiques possibles. Si tant est que les puissances de ce monde et les protagonistes du conflit israélo-arabe puissent prendre la peine de réviser leur entendement et corriger leur vision.

Georges Adda est revenu loin dans l’histoire pour montrer que la grande majorité des «enfants d’Israël» n’ont pas de filiation ethnique avec l’Israël ou la Palestine historique, mais uniquement une communauté de conviction religieuse et de patrimoine culturel. Que ceux qui ont occupé la Palestine ne sont pas sémites et donc pas originaires de cette terre. Et que ces étrangers pourraient bien rentrer chez eux et laisser les autochtones, juifs, musulmans et chrétiens, reprendre possession de leurs terres.

Cela veut-il dire qu’il faille jeter les juifs à la mer ou rayer l’actuel Israël de la carte du monde ? Ce serait aller vite en besogne et mal connaître M. Georges Adda.

Non, il s’agit de bien comprendre que le sionisme a trompé et manipulé les populations juives du monde entier qui, en définitive, sont elles-mêmes des victimes de cette imposture majeure du vingtième siècle. Et d’agir pour que tous les peuples du monde prennent conscience de ce complot planétaire et agissent à terme pour rétablir la justice et la légitimité. L’exode inverse des juifs allemands, rapporté par M. Adda, montre la voie à suivre : une vaste alliance stratégique entre les arabo-musulmans et les juifs non sionistes pour rétablir la vérité.

 

(Source : « Le Journal », N° 40 du Samedi 16 Septembre 2006)

Lien : http://www.gplcom.com/journal/fr/article.php?article=693

 


 

 

Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme

LA SOCIETE CIVILE S’ACTIVE POUR DESAMORCER LA CRISE

Par Elyès BEN SAAD

 

Les initiatives visant à trouver une solution consensuelle à la crise de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme (LTDH) se multiplient sans pour autant parvenir à rapprocher les points de vue entre le comité directeur et ses détracteurs.

 

Le 5 septembre 2005, le tribunal de première instance de Tunis a décidé, en procédure d’urgence, à la suite d’un recours en référé contre le comité directeur de la LTDH introduit par sept présidents de section de la ligue, d’interdire le sixième congrès de l’organisation prévu les 9, 10et 11 septembre. Menés par Me Chedly Ben Younès, les plaignants ont accusé le comité directeur d’avoir procédé à des dissolutions-fusions de certaines sections « afin d’en exclure les militants ne partageant pas ses points de vue sur la mission de la ligue» et ce «en violation du règlement intérieur de la l’organisation».

 

Sept mois plus tard, le conseil national de la ligue a décidé de tenir le congrès en mai 2006.

Mais ce congrès n’a pas eu lieu puisque le tribunal n’avait pas rendu son verdict sur le fond de l’affaire.

 

Depuis, les initiatives privilégiant la voie du dialogue franc et approfondi pour résoudre la crise se succèdent. La dernière en date a été annoncée en début septembre courant par 31 personnalités de la société civile dont des pésidents de certaines ONG tels Chawki T’bib, Bouchra Belhaj Hamida et Abderrazak kilani, d’anciens présidents de la ligue comme Sâadeddine Z’merli et Taoufik Bouderbala ainsi que Mustapha Ben Jaâfar, sécretaire général du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL), un parti d’opposition.Cette nouvelle initiative appelle à résoudre la crise loin des salles d’audiences des tribunaux, c’est-à-dire à l’intérieur des structures de l’organisation.

 

Trois initiatives entrant dans ce même cadre ont été annoncées auparavant. La première, connue sous l’appelation de la commission des bons offices, a émané de certains anciens dirigeants de la ligue à l’instar de Khémaîs Chemmari et Sâadeddine Z’merli ainsi qu’un ex-ambassadeur, en l’occurrence Ahmed Ounaîes.

 

Une autre initiative a été annoncée en juillet dernier par 150 adhérents de la ligue qui ont appelé le comité directeur à opter pour une solution consensuelle en se référant uniquement au règlement intérieur de l’organisation et à son legs remarquable en matière de fonctionnement démocratique. Le troisième appel au dialogue interne a été le fait de certaines personnalités politiques dont notamment l’ancien ministre Hammouda Ben Slama et l’ex-bâtonnier du conseil de l’Ordre des avocats, Abdelwaheb Béhi.

 

Ces initiatives n’ont pas, en somme, permis de venir à bout des divergences profondes entre les protagonistes de la crise. Elles ont cependant contribué à arracher quelques «concessions» du comité directeur de la ligue qui aurait annoncé sa prédisposition au dialogue avec les militants mécontents et à la réorganisation des congrès contestés de certaines sections. 

 

(Source : « Le Journal », N° 40 du Samedi 16 Septembre 2006)

Lien : http://www.gplcom.com/journal/fr/article.php?article=690&gpl=40


 

 

Entretien avec Malek Chebel, spécialiste du monde arabe

La longue quête d’un islam des Lumières

 
Benoît XVI estime que la pensée islamique n’a pas su intégrer les catégories de la raison et s’est ainsi montrée plus vulnérable au fondamentalisme…
 
 
 
 
 
Au contraire, l’islam a toujours voulu frayer avec la raison, la domestiquer par la philosophie, les mathématiques, l’histoire et autres disciplines rationnelles. Faut-il rappeler que les grands penseurs chrétiens, comme Thomas d’Aquin, ou juifs, comme Maïmonide, et toute la pensée médiévale ont eu accès à la philosophie grecque – Aristote, mais aussi Hippocrate, Euclide, Ptolémée – grâce aux Arabes, aux institutions de traduction financées par les califes de Bagdad ou d’Andalousie ?
 
Mais la remarque du pape est, en partie, fondée. A la différence de l’Occident, la raison est restée cantonnée aux sphères intellectuelles de l’islam. Elle n’a pas pénétré les veines d’une orthodoxie rigide et méfiante face à tout apport extérieur. Dès le VIIIe siècle, un mouvement de libres-penseurs, les mutazilites, a essayé de conceptualiser ce rapport de la foi à la raison, avant d’être écarté. Mais si le dogme musulman a pu se codifier (fiqr), c’est bien grâce aux instruments de la raison. Même chose pour les « encyclopédistes » musulmans qui, au Xe siècle, ont fait progresser les sciences naturelles, la chimie, la mathématique, la physique. Puis, au siècle suivant, les savants et médecins comme Averroès, Ibn Tufayl et autres. C’est l’âge d’or de l’islam, avant qu’il ne tombe dans l’abîme.
 
 
Vous voulez parler de la chute de Grenade ?
 
Le déclin de l’islam a commencé, en effet, avec la Reconquista catholique de l’Espagne en 1492. Jusque-là, sa vitalité intellectuelle était sans comparaison. 1492 est une date à marquer au fer rouge. Elle signe la fin de la maîtrise musulmane sur le monde physique, l’exploration de la nature, la curiosité philosophique et scientifique. C’est l’échec du projet musulman fondé sur la rationalité. 1492 : les musulmans sortent de l’Histoire. 1492 : les chrétiens rentrent dans l’Histoire avec la découverte de l’Amérique.
 
 
La tradition critique ne s’est donc pas perpétuée dans l’islam comme dans le christianisme…
 
Pour l’islam, la tradition critique – et de l’autocritique – n’a jamais été une discipline significative. L’islam a toujours fonctionné sur le trépied suivant : les « guerriers » qui se réclament du djihad, les « théologiens » qui leur fournissent une légitimation sacrée, et les « marchands » qui financent. Au-dessus : le calife ; mais, à la marge, toujours, les intellectuels, les libres-penseurs, les philosophes…
Ce triangle redoutable fonctionne encore aujourd’hui, mais de manière plus masquée : le souverain gouverne ; l’autorité religieuse (les oulémas) approuve, émet des fatwas destinées à faciliter l’action du politique ; le financement par le « marchand » toujours prêt à assister les deux autres dans l’espoir d’y faire des bénéfices. Dans ce rôle aujourd’hui, on aura reconnu l’Arabie saoudite.
Ce trépied est le béton armé de l’islam. Il a toujours fonctionné à l’époque du califat et il fonctionne encore aujourd’hui sous les régimes militaires ou semi-civils, toujours autoritaires. Et à l’extérieur du cercle, toujours : l’intellectuel, l’Autre, l’étranger, le juif, le chrétien, etc.
 
 
Est-ce que vous reconnaissez au pape le droit de vous interpeller sur la violence qui serait intrinsèque à l’islam ?
 
Je reconnais à chacun le droit de nous interpeller sur nos failles et nos déficiences. Nous avons besoin du regard de l’autre pour progresser dans la voie des réformes. Je reconnais donc le droit à toute autorité d’une autre religion de nous alerter. Pour autant, je suis dubitatif devant l’argument selon lequel l’islam serait intrinsèquement violent. Cette idée ne favorise en rien le dialogue.
La vérité, c’est que le christianisme a pu être très violent à certaines périodes de son histoire et très lumineux à d’autres. Même chose pour l’islam. En sept siècles de présence musulmane en Andalousie, l’islam n’a pas été violent. Il a su accueillir l’Autre, n’a fait de pogroms ni contre les chrétiens ni contre les juifs, a pu prospérer au niveau intellectuel et économique. Des souverains andalous avaient des médecins juifs à leur chevet !
L’islam peut donc être une religion de tolérance et de paix. C’est quand il est en situation de repli qu’il devient dangereux pour les autres et pour lui-même. Il devient alors autiste, ne sait plus établir les hiérarchies, mélange le niveau émotionnel et méthodologique.
Il nous faut donc séparer radicalement islam et islamisme. Ne jamais lier les deux. L’islam peut être capable de beauté, de charité, comme de violence et de guerre. Tout dépend de celui qui l’interprète. Un théologien, un grammairien, un juriste va puiser dans le Coran les versets qui prêchent la paix et la convivialité. Mais au même moment, un autre théologien va faire dire l’inverse au texte.
Le Coran ne dit ni plus ni moins que ce que l’interprète lui fait dire. Ce qui est important, c’est l’interprétation qu’on en fait. Au nom du même texte sacré, on a fait les plus grandes réalisations du monde et on a commis les plus grands crimes.
 
 
L’avenir est donc dans une herméneutique libre…
 
Oui, et je réclame le droit pour tous les intellectuels musulmans de se livrer à ce travail d’herméneutique, d’explicitation, d’interrogation des textes. Afin de pouvoir récuser la légitimation religieuse de la « guerre sainte », l’héritage inégal pour l’homme et la femme, la répudiation, la polygamie.
 
 
Le dialogue entre chrétiens, juifs et musulmans ne doit-il pas repartir sur des bases plus réalistes ?
 
Nous avons d’abord fait un travail d’approche, cherché une façon de nous parler, trouver un vocabulaire commun. Il a aussi fallu pacifier le lourd passé que nous portons dans nos histoires personnelles. Mais à chaque fois qu’un vrai dialogue a commencé, ont éclaté des crises, les attentats de Madrid, de Londres, l’affaire des caricatures de Mahomet. Les belles constructions échafaudées depuis des années ont volé en éclats.
Là est le problème : on met trois semaines pour fabriquer un terroriste, trente ans pour fabriquer un intellectuel critique. Tant qu’on est dans ce rapport pervers au temps, on sera la proie de cette violence à bas prix qui éclabousse l’ensemble de la communauté. Tant qu’on n’a pas pris le parti de former des esprits critiques, capables d’interpréter le texte, de dialoguer avec l’autre, on sera toujours à la recherche d’un islam de paix perdu, d’un islam des Lumières.
 
Malek Chebel vient de publier L’Islam et la raison, Tempus, août 2006, 7,5 euros.

 

Propos recueillis par Henri Tincq
 

(Source: « Le Monde » du 17 septembre 2006)

 

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