Liberté et Equité:La garde à vue de Zyed Fakraoui se poursuit
COMMUNIQUE:Tunisie : FO rencontre l’UGTT à Tunis
BusinessNews.com.tn:Les chiens aboient, la caravane passe
FACE À LA DIRECTIVE DE LA HONTE, LE MUTISME COUPABLE DES DIRIGEANTS MAGHREBINS !
Oumma.com :Laïcités autoritaires en terres d’islam
AFP:Une majorité de Turcs s’opposent à l’interdiction du parti au pouvoir (sondage)
Reuters:Majority of Turks against AK Party closure – poll
Sauvez la vie du prisonnier politique et ingénieur Ridha Boukadi
Liberté pour Slim Boukhdhir, la plume libre
Liberté et Equité
Organisation de droits de l’homme indépendante
33 rue Mokhtar Atya, 1001 Tunis
Tel/fax: 71 340 860
Email : liberte.equite@gmail.com
Tunis, le 30 juin 2008
La garde à vue de Zyed Fakraoui se poursuit
Zyed Fakraoui est un ex prisonnier d’opinion qui avait subi des tortures au niveau de son appareil génital et avait porté une plainte contre son tortionnaire qui n’a pas encore été examinée. Son nom est cité dans l’introduction du rapport d’Amnesty International : « Au nom de la Sécurité, des atteintes aux droits de l’homme en Tunisie »
[…]
Pour le bureau exécutif de l’organisation
Le Président
Maître Mohammed Nouri
traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version originale, LT)
Tunisie : FO rencontre l’UGTT à Tunis
Cette coopération est matérialisée cette année par une action conjointe de défense des intérêts des travailleurs saisonniers tunisiens en France.
A cette occasion, la délégation FO a rencontré le secrétaire général et le comité exécutif de l’UGTT, ainsi que des structures syndicales locales et d’entreprises. Dans un contexte marqué par la hausse du coût de la vie et d’importantes difficultés en matière d’emploi, notamment des jeunes, la cgt FO a fait part de son soutien à l’UGTT engagée dans d’importantes négociations avec les employeurs, dans le privé comme dans le public, portant sur le droit syndical, les salaires et les conditions de travail.
Informée parallèlement de la situation sociale très tendue dans la région de Gafsa, la cgt FO soutient les démarches de l’UGTT en faveur de l’établissement rapide du dialogue et de la négociation, qui ne peuvent reposer que sur le respect des libertés démocratiques et des libertés syndicales, ce qui demande la libération des personnes emprisonnées, dont les responsables syndicalistes actuellement traduits devant des tribunaux.
Pour FO, le respect de la démocratie, des droits de l’Homme et des droits fondamentaux des travailleurs, conformément aux conventions de l’OIT et une coopération des Etats sur le plan économique et social en faveur de la croissance et de la création d’emplois contre le chômage, la précarité et la pauvreté doivent être à la base du processus européen EUROMED et de l’Union pour la Méditerranée, dont le 1er sommet devrait se tenir le 13 juillet.
Paris, le 29 juin 2008
Les chiens aboient, la caravane passe
La scène se passe en 2008. Nous sommes dans une assemblée générale d’une entreprise cotée sur la Bourse de Tunis. Sont présents des actionnaires. Contrairement à énormément d’autres, les journalistes et observateurs ne sont pas les bienvenus à cette assemblée. Il fallait forcer pour entrer et l’un des journalistes força. Il a tout simplement acheté une dizaine d’actions ce qui lui permet, légalement, d’entrer dans cette assemblée et constater, de visu, ce qui s’y passe. Y a-t-il quelque chose à cacher ? Forcément, serait-on tenté de dire quand on voit des portes fermées.
L’assemblée commence et le PDG entame son discours. Le journaliste boursicoteur s’attendait, comme ses pairs actionnaires, à des chiffres et il eut droit, à des lamentations. On frisait la paranoïa, mais on a rapidement atteint le ridicule. Le PDG ne se lamentait pas de la flambée des prix pour justifier ses chiffres calamiteux et ses promesses de résultats non tenues. Plutôt que cela, et dès l’entame de l’AG, il s’interrogeait sur ces articles de presse qui le critiquaient. « Ce journaliste a sûrement une dent contre moi », a-t-il dit sur l’un. Quand au second, celui présent dans la salle, il eut droit à cette remarque : « les chiens aboient, la caravane passe ». Aux yeux de Monsieur le PDG, observateurs et journalistes sont donc devenus des chiens.
Je rappelle, au passage, que comme les caravanes ne courent plus vraiment les rues de Tunis, les chiens ont changé d’activité. Ils sont essentiellement là pour surveiller les maisons et dissuader les intrus (usage domestique) ou démasquer les suspects (usage policier). Et quand un chien aboie, il est fort à craindre qu’il y a danger et qu’on s’apprête à démasquer quelqu’un qui veut cacher quelque chose.
C’est un autre PDG d’une autre entreprise. Cotée en bourse elle aussi. Un actionnaire l’interroge sur les résultats qu’il juge décevants (le terme calamiteux ne sied pas). Le PDG n’apprécie pas. Forcément. Il n’est pas habitué à rendre des comptes. S’est-il interrogé si l’actionnaire a une dent contre lui ? Peut-être. Il ne lui dira pas « les chiens aboient, la caravane passe ». Lui, il préfère passer sans même que les chiens n’aboient : « si vous n’êtes pas satisfait, vendez vos actions », a-t-il déclaré au beau milieu de l’AG devant des actionnaires médusés.
C’est une autre entreprise. Elle est cotée en bourse elle aussi. Les critiques la concernant ont fusé, en off, de toutes parts. Des aboiements, dit-on aujourd’hui. C’est qu’il y a beaucoup à dire sur cette entreprise. Ailleurs, elle aurait fait la une du 20-Heures. Chez nous, l’affaire est tue, à l’exception de quelques articles se comptant sur les doigts de la main.
Les dirigeants de cette entreprise sont polis. Ils ne veulent traiter personne de chien. Il semblerait qu’ils sont amoureux des animaux puisqu’on les voit continuellement jouer aux autruches.
Ils ont trouvé la parade : pas d’assemblée ! Pas de questions à poser ! Pas de compte à rendre ! Et ça fait deux ans ou presque que ça dure.
Une dernière pour la route. C’est une entreprise. Celle-ci n’est pas cotée en bourse et, en théorie, elle n’a pas de compte à rendre. En théorie seulement, mais la directrice de l’entreprise l’ignore. C’est qu’elle s’est mise sous la loi des entreprises en difficulté, ce qui devrait l’obliger à communiquer, un tant soit peu. Un confrère eut vent de l’affaire et l’a publiée après avoir soigneusement réuni les preuves nécessaires. Pour lui, il fallait informer le public, et en particulier les fournisseurs de l’entreprise, pour qu’ils ne soient pas désabusés. Cela déplut à la dame. Elle dépose plainte au Tribunal Tunis. Elle a été déboutée. Elle dépose une autre plainte à l’Ariana. Pour elle, les chiens n’ont même pas à aboyer à son passage
(Source : « BusinessNews.com.tn », le 29 juin 2008 à 18h57)
Lien : http://www.businessnews.com.tn/home/view_article_Business?=&a=1066811
Voici le numéro 112 d’ELKHADRA. Bonne lecture
http://elkhadra.over-blog.com elkhadra@hotmail.com
**************************
* Culture & Violence en Méditerranée
* L’arme du pauvre
* LA FAIM
* L’éloge de l’honneur
* A.HAROUNI malgré tout.
* Les misères du retour
* « Tunisie plus »
* L’agonie du sionisme (
* Le réveil de l’Iran
* Laïcités autoritaires en terres d’islam
* Notre homme ben ali
* A.HAROUNI, L’EXIL INTERIEUR
* Tunisie: les expulsés plus étrangers ici que là bas
* Etre captif, là n’est pas la question
* Noam Chomsky, Ilan Pappé : Quel futur pour Israël et la Palestine ?
* RENDEZ-VOUS EN TUNISIE
* The resistance speaks
* VIVE LA DICTATURE
* US GO HOME
* Censure sur Internet:
* BEN ALI CONTRE LE TUNISIEN
* The case of Antoine Sfeir
Selima Sfar en quarts de finale du double
Au prochain tour, Selima et Ekaterina seront opposées au duo américano-autrichien composé de Lisa Raymond et de Samantha Stosur. Ce match contre les têtes de série numéro 16 aura a priori lieu mercredi ou jeudi.
En atteignant le quart de finale de double d’un Grand Chelem, Selima Sfar réalise la meilleure performance de sa carrière et s’offre ainsi, avec un peu d’avance, un beau cadeau d’anniversaire (elle aura 31 ans le 8 juillet).
Félicitations
Taïeb
tmoalla@yahoo.com
FACE À LA DIRECTIVE DE LA HONTE, LE MUTISME COUPABLE DES DIRIGEANTS MAGHREBINS
!Ni l’Algérie, ni la Tunisie, ni le Maroc, n’ont exprimé la moindre critique à l’égard de la directive « relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier », dite « directive retour », et qualifiée à très fort juste titre de directive de la honte, tant elle renie les droits fondamentaux de la personne humaine, en criminalisant les sans-papiers et en généralisant (à l’échelle européenne) une véritable politique d’internement à leur encontre.
Au moment où les dirigeants latino-américains, notamment Vénézuélien et Péruvien, menacent de bloquer les négociations économiques entre la CAN (Communauté Andine des Nations) et l’Union Européenne, d’exiger réciproquement des visas des ressortissants européens qui souhaitent se rendre dans leurs pays, et de ne plus livrer de pétrole aux 27 Etats européens qui ont voté cette directive infâme, les Etats maghrébins brillent de manière on ne peut plus pitoyable par leur désintérêt complice quant au sort de leurs compatriotes qui subissent (et subiront encore davantage à partir de 2010) les traitements les plus inhumains, en Europe.
Pis encore, ils se font les instruments dociles de « la politique européenne d’externalisation de l’immigration et de l’asile » et les suppôts de la répression barbare et esclavagiste des candidats à l’immigration qu’ils soient locaux ou transitaires… Ils signent des « accords commerciaux » avec la France qui ne s’encombre même plus de respecter les règles humanitaires minimums de « rétention » des sans-papiers (voir le cas du tunisien de 41 ans décédé de manière suspecte au CRA de Vincennes le 21/06/08)
Cette directive ignominieuse est doublement honteuse : elle l’est en regard tout d’abord de ceux qui l’ont votée en reniant les fondements mêmes de l’Europe d’après-guerre (l’humanisme, la paix, la générosité, la solidarité, la dignité, etc.) ; elle l’est en second lieu en regard du mutisme complice des dirigeants du sud de la méditerranée qui s’abstiennent lâchement de défendre leurs concitoyens contre la discrimination et les traitements inhumains et dégradants dont ils sont régulièrement victimes et qui, désormais, sont institutionnalisés à l’échelle européenne.
Nos associations s’insurgent contre cette dérive sécuritaire gravissime ;
· Elles dénoncent vigoureusement la criminalisation des sans-papiers et l’institutionnalisation européenne de la discrimination dont ils sont victimes ;
· Elles réaffirment leur attachement aux droits à la libre-circulation et installation des personnes ;
· Elles dénoncent l’atteinte gravissime aux droits de l’enfant tels que garantis par le Convention de l’ONU de 1989 ;
· Elles réitèrent, une fois de plus, leur condamnation de la double peine prévue par la directive de la honte quant à « l’éloignement » assorti systématiquement de cinq ans d’« interdiction du territoire » ;
· Elles exigent la ratification sans délais par la France et tous les pays membres de l’Union Européenne, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (résolution 45/158) du 18 décembre 1990.
· Elles somment les dirigeants maghrébins de prendre exemple sur leurs homologues latino-américains, en exprimant leur soutien à leurs concitoyens et en dénonçant la directive de la honte.
A.T.F (Association des Tunisiens en France) – A.M.F (Association des Marocains en France) – S.A.E (Solidarité Algérienne en Europe ) – A.T.M.F (Association des Travailleurs Marocains en France) -F.T.C.R (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives)
AFP, le 30 juin 2008 à 12h21
Algérie: le directeur d’El Watan et une journaliste acquittés en appel
ALGER, 30 juin 2008 (AFP) – Le directeur et une journaliste du quotidien El Watan (indépendant, francophone), condamnés pour « diffamation » en première instance sur plainte du préfet d’Oran, ont été acquittés en appel, a annoncé lundi le journal algérien.
Omar Belhouchet et Salima Tlemçani avaient été condamnés en première instance en 2006 à une amende de 50.000 dinars chacun (500 EUR), après la publication d’une enquête sur le trafic de drogue à Oran (ouest) que le préfet d’alors, M. Mostefa Kouadri, avait jugé « diffamatoire ».
L’acquittement des deux journalistes, prononcé samedi après-midi, est une « première dans les annales juridiques algériennes », souligne El Watan. Le procès s’était tenu le 7 juin devant la Cour d’appel d’Oran.
« Il a sonné comme une reconnaissance (par la justice) de l’effort fourni par la journaliste qui a dévoilé les dessous d’un phénomène aussi grave que le trafic de drogue », se félicite El Watan.
Pour l’avocat d’El Watan, Me Khaled Bourayou, « c’est la première décision de justice (en Algérie) qui consacre la légitimité de la presse dans la dénonciation des fléaux sociaux tels que la drogue et la corruption ».
AFP
Laïcités autoritaires en terres d’islam
La parution d’un livre de Pierre-Jean Luizard est toujours un plaisir, l’annonce d’une lecture éclairante et intelligente. Son dernier ouvrage : Laïcités autoritaires en terres d’islam[1] qui vient de paraître, est – une fois de plus chez cet auteur – un exemple d’empathie pour son objet de recherche, de pertinence dans l’analyse, de justesse dans le raisonnement.
L’un des principaux mérites de ce livre est d’une part de préciser d’emblée l’un de ses objectifs, qui est celui d’éclairer les débats confus qui ont lieu chez nous à propos de l’actualité turque : « on ne sait plus qui est quoi, surtout en France » dit-il justement[2], d’autre part de poser dans l’introduction sa profession de foi à laquelle nous souscrivons pleinement : « la laïcité – ou une certaine forme de laïcité, même non revendiquée – est un préalable à toute démocratisation. »[3]
Pierre-Jean Luizard va à partir de là examiner différents modèles de laïcisation par le haut, en recherchant comment la laïcité, qui a été en France un facteur de démocratisation de la vie politique, n’a pas produit les mêmes effets en terres d’islam ; dès l’abord, en effet, le contexte est différent : la tendance générale y a été l’autoritarisme et « les idées laïques et laïcisantes ont été perçues comme le corollaire de régimes dictatoriaux et/ou de la domination occidentale. »[4]. Son étude porte sur trois grandes zones : la Turquie, l’Iran et le Monde arabe, dans lesquelles nous allons devoir faire des choix difficiles, tant toutes ses pages sont pertinentes.
Une première caractéristique commune se dégage rapidement : sur la longue durée, en dépit des ruptures apparentes, c’est la continuité qui prévaut, Mustafa Kemal, Reza Shah, Nasser ou Bourguiba n’ayant fait qu’accélérer un mouvement commencé bien avant eux.
En effet, l’Empire ottoman voit dès le XVI° siècle l’apparition d’une législation séculière autonome par rapport à la législation charaïque, le contrôle et la réforme de l’islam par l’Etat[5], la publication d’un Code de la Famille dans les dernières années de l’Empire anticipera les réformes de Mustafa Kemal[6] ; en Perse, si le droit d’interprétation de la charia appartient au souverain qadjar – et pas aux ulémas – [7] ce sont ces mêmes Qadjars qui vont introduire la justice civile, avant que Reza Shah ne promulgue, en 1935, un Code civil qui sera conservé par la République islamique ; en Egypte, la Maison de Mohamed-Ali ne va pas supprimer les institutions islamiques existantes mais en créer de parallèles[8], annonçant déjà ce que fera Nasser.
Second trait commun, les souverains musulmans sont placés, au XIX° siècle devant l’alternative suivante : perdre leur souveraineté ou disparaître à terme[9]. Une réponse va être trouvée par un changement ou une suppression de dynastie, l’adoption de l’idée que la laïcité est un instrument de la puissance et l’acclimatation du concept d’Etat-nation, que le monde musulman avait découvert à l’occasion de l’Expédition d’Egypte[10].
Dans la construction de cette idéologie et de ces identités nouvelles, des pages éclairantes, auxquelles nous vous renvoyons, sont consacrées à l’utilisation de l’archéologie[11] et à la substitution d’une mère patrie imaginaire aux patries réelles[12].
L’aspect le plus utile de ce livre n’est cependant pas là : il est à nos yeux dans l’analyse de la nature des régimes mis alors en place et dans l’étude parallèle de la perception que nous en avons en Europe et particulièrement en France. Il semble qu’au vu du seul mot de « laïcité » la seule lecture de cette étiquette supplée à tout et qu’il ne soit pas nécessaire – voire inconvenant – d’aller rechercher la réalité de la pratique politique des régimes qui s’en réclament. Il faut du courage à Pierre-Jean Luizard pour passer outre cette doxa[13].
Quelques exemples. En Turquie, les « six flèches d’Atatürk », intégrées à la constitution de 1937 – républicanisme, nationalisme, populisme, étatisme, laïcité, révolutionnarisme, allaient trouver une application concrète dans les destructions massives des campagnes kurdes et la déportation vers d’autres régions de 20.000 d’entre eux[14], la répression des Alevis, les villages rayés de la carte et une répression faisant plus de 15.000 morts après la révolte de cheikh Saïd[15], la répression impitoyable des confréries et des « Nurcu » allaient émouvoir peu de monde : Pierre-Jean Luizard cite ainsi « Le Temps »[16] en 1938 : L’épée au fourreau, le Ghazi, avec une énergie farouche et parfois une brutalité nécessaire[17]s’est attaqué à la modernisation de son pays. »
De la même manière, « on n’insistera jamais assez sur l’ampleur et la férocité de la persécution endurée par les Frères musulmans sous le régime nassérien » écrit P.-J. Luizard[18], dans ce cas comme dans le précédent, « il a paru normal, ou du moins acceptable, que les “intégristes musulmans”, “l’extrême droite” pour reprendre les expressions de Jacques Berque, les “terroristes d’inspiration fasciste et nazie” comme les grands médias français présentaient les islamistes, subissent ce qu’ils ont dû subir. »[19]
Le sort fait aux minorités est à cet égard particulièrement éclairant de l’aveuglement de nombreux commentateurs. En Turquie, la laïcité kémaliste fut à l’opposé du pluralisme religieux et politique[20] – et c’est là une vraie rupture par rapport à l’Empire ottoman dans lequel les minorités non musulmanes bénéficiaient d’un statut : dès les négociations pour le traité de Lausanne, la délégation turque, conduite par Ismet Inönü, s’opposa farouchement à l’octroi du statut de minorité aux groupes musulmans non sunnites[21] ; en 1930, le ministre de la justice, Bozkurt, déclara : ceux qui ne sont pas de purs Turcs n’ont qu’un seul droit dans la patrie turque : c’est le droit d’être le serviteur, c’est le droit à l’esclavage ! »[22], en 1942, un « impôt sur la fortune », destiné en réalité à spolier les Arméniens, les Grecs et les Juifs furent suivis de pogroms[23], les minorités chrétiennes se voient appliquer une législation restrictive[24] …
En Iraq, les shi’îtes, majoritaires dans la population mais en situation de minorité juridique, subirent une législation discriminatoire, furent souvent déchus de leur nationalité et férocement massacrés[25]
En Iran, shi’îsme et iranité ont joué le même rôle que sunnisme et turcité en Turquie : alors que juifs, chrétiens et zoroastriens (1 % de la population ensemble) comptaient des représentants au Parlement, les sunnites (12 %) n’en avaient aucun…
Iran et Turquie vont voir leurs chemins diverger plus récemment : si l’étatisme ne sera pas remis en cause en Iran avec le changement de régime, la Turquie va connaître ces dernières années, outre une transition réussie du dirigisme à l’économie de marché[26], une évolution progressive vers le pluralisme politique et une démilitarisation de ses institutions. Le chapitre intitulé « La Turquie entre “laïques” et AKP » est un modèle d’analyse intelligente et de décryptage de la vie politique turque la plus récente d’un pays à la croisée des chemins.
De nombreux autres passages mériteraient que l’on s’y attarde plus longuement : ceux sur le rôle de la Franc-maçonnerie et de l’Armée dans les pays étudiés notamment.
Une critique cependant : rappelant les circonstances de l’abolition du Califat, Pierre-Jean Luizard écrit : « Adbülmecid s’enfuit, le même jour. » Ce raccourci est regrettable : Abdülmecid ne s’est pas enfui : il a été chassé – comme du reste toute la Famille Impériale, dont les membres n’ont eu que quelques heures pour prendre une valise et quitter la Turquie.
Le Calife Abdulmecid (dont on peut toujours voir la bibliothèque au palais de Dolma Bahçe) était en train de lire les « Essais » de Montaigne lorsqu’il lui fut annoncé à 10 heures du soir, le 3 mars 1924, que le gouverneur de Constantinople souhaitait le voir : il lui apportait l’ordre de quitter les lieux ; après avoir tenté de résister, tout opposition étant vaine, le Calife fut embarqué dans l’Orient Express depuis la gare de Chatalja, hors de la capitale, par crainte de manifestations en sa faveur si l’embarquement se faisait de Constantinople même. Nous sommes loin d’une « fuite » mais bien plutôt d’un exil décrété honteusement…
C’est somme toute une critique bien mince pour l’ensemble de cet excellent ouvrage.
Quelles conclusions tirer de ces expériences ? La laïcisation a été imposée en terre d’islam par le haut, de façon autoritaire, sans autre relais que l’armée[27], par des régimes incapables – sauf en Turquie – de se démocratiser et elle a été insuffisante, à elle seule, à enclencher un processus de démocratisation.
En outre, et l’Europe l’oublie souvent, les régimes qui s’en réclament ont été parallèlement les premiers agents de la réislamisation contemporaine du monde musulman : « l’identité religieuse est devenue l’arme privilégiée de sociétés qui n’ont pas d’autres moyens pour affirmer leur souveraineté » écrit l’auteur[28] avant de conclure par une question juste et pertinente que nous vous laissons découvrir.
Si vous êtes las du manichéisme et du sens commun de la vulgate médiatique, lisez Pierre-Jean Luizard : c’est un régal de clarté et de modestie intellectuelle qui font de lui un modèle d’adab – un véritable honnête homme.
[1] Ed. Fayard, 2008-05-08, 285 pp.
[2] Cf. p. 11
[3] Cf. p. 12
[4] Cf. p. 10
[5] Cf. p. 197
[6] Cf. p. 66
[7] Cf. p. 31
[8] Cf. p. 87
[9] Cf. p. 30
[10] Cf. p. 86
[11] Cf. pp. 87 et 95
[12] Cf. p. 92
[13] Comme l’a fait aussi Jean Baubérot in L’intégrisme républicain contre la laïcité, éd. de l’Aube, 2006, 302 pp.
[14] Cf. pp. 129 et 131
[15] Cf. p. 131
[16] Cf. p. 132
[17] C’est nous qui soulignons
[18] Cf. p. 150
[19] Cf. p. 150-151
[20] Cf. p. 192 et 212
[21] Cf. p. 198
[22] Cf. p. 91
[23] Idem. On peut en lire une version romancée dans le livre de Moris Fahri : Jeunes Turcs, éd. Buchet – Chastel, 2006, 406 pp
[24] Cf. notamment p. 180
[25] Cf. notamment p. 159
[26] Cf. p. 162
[27] Cf. p. 272
[28] Cf. p. 273
(Source : « Oumma.com » (France), le 27 juin 2008)
AFP, le 30 juin 2008 à 12h47
Union pour la Méditerranée: position identique de Berlin et Paris (Kouchner)
S’exprimant dans le quotidien Handelsblatt à la veille du démarrage de la présidence française, M. Kouchner rappelle que, lors du sommet franco-allemand de Hanovre (nord de l’Allemagne) en mars, le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel avaient rapproché leurs positions. Le projet français avait suscité initialement de fortes réticences allemandes. « Je voudrais souligner en tous cas qu’après l’accord de Hanovre, nos deux pays ont adopté exactement la même position sur l’Union pour la Méditerranée. L’Allemagne est un partenaire très actif aux côtés de la France pour ce projet européen. La signification de
l’Union pour la Méditerranée pour toute l’Europe est reconnue par nos deux pays », affirme le chef de la diplomatie française. Le projet promu par la France doit donner un nouvel élan au processus dit de Barcelone, lancé par l’Union européenne en 1995, et qui vise à établir un partenariat avec ses voisins du sud de la Méditerranée, du Maroc à la Turquie. Il doit être lancé lors d’un sommet à Paris le 13 juillet, mais se heurte à des réactions critiques ou hostiles de pays du sud de la Méditerranée comme la Libye.
A Hanovre, Nicolas Sarkozy, soucieux de désamorcer un désaccord
inquiétant entre Paris et Berlin, avait fait des concessions à Angela Merkel. Les Allemands jugeaient inacceptable un projet excluant les Européens non riverains de la Méditerranée, qui, selon eux, comportait un risque élevé de division pour l’Europe, la seule possibilité étant à leurs yeux un projet ouvert aux 27 pays de l’UE.
AFP
AFP, le 30 juin 2008 à 08h46
Une majorité de Turcs s’opposent à l’interdiction du parti au pouvoir (sondage)
Selon ce sondage réalisé par la société A&G et publié par le journal Milliyet, 53,3% des sondés se disent opposés à une interdiction du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) tandis que 34,3% y sont favorables.
Le sondage d’opinion fait ressortir par ailleurs que l’AKP est toujours le premier parti du pays en dépit de la procédure de dissolution à laquelle il est confronté. Selon l’enquête, 43,4% des sondés assurent qu’ils voteraient pour l’AKP si des élections législatives étaient organisées aujourd’hui, contre 18,1% pour la principale force pro-laïque au Parlement, le Parti républicain du peuple (CHP). L’AKP a remporté les dernières législatives de juillet 2007 avec 47% des suffrages et le prochain scrutin est normalement prévu pour 2011. L’enquête a été réalisée les 14 et 15 juin sur un échantillon représentatif de 1.195 personnes.
Outre l’interdiction de l’AKP, le procureur de la cour de cassation, qui a engagé la procédure en mars, cherche à interdire d’activités politiques pour cinq ans quelque 71 personnalités, dont le président turc Abdullah Gül, un ancien cadre de l’AKP, et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
L’AKP a rejeté ces accusations en déclarant être la cible d’une procédure à motivation politique et a réaffirmé son engagement en faveur de la laïcité.
AFP
Une majorité de Turcs opposés à la dissolution de l’AKP/sondage
Selon cette étude, 53,3% des personnes interrogées se prononcent contre l’interdiction du Parti pour la justice et le développement, dont le sort doit être décidé par la Cour constitutionnelle, alors que 37,7% disent s’attendre à une grave crise économique et sociale si l’AKP venait à disparaître. Le sondage conduit par A&G Research montre par ailleurs que 43,3% de personnes qui ont exprimé un choix soutiendraient à
nouveau l’AKP en cas de scrutin, soit un léger recul par rapport au score réalisé lors des élections générales l’année dernière (47%). Le Parti républicain du peuple et le Parti du mouvement nationaliste, principales formations d’opposition, restent loin derrière l’AKP. Près d’un tiers des personnes interrogées ne se sont pas prononcées en faveur d’un parti. La procédure lancée devant la Cour constitutionnelle
pourrait entraîner la dissolution de l’AKP et l’interdiction de figurer dans un parti pour 71 personnalités de cette formation, dont le président turc Abdullah Gül et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Les membres du parti pourraient alors créer une nouvelle formation, et les personnalités sanctionnées conserveraient la possibilité de briguer des mandats électifs en qualité d’indépendants si leur candidature était acceptée par le Bureau des élections. Les premières auditions devant la Cour constitutionnelle sont prévues mardi.Le sondage a été réalisé les 14 et 15 juin auprès de 2.403 personnes.
REUTERS
Majority of Turks against AK Party closure – poll
The party, which faces a closure case in the Constitutional Court, has the support of 43.3 percent after the distribution of uncommitted voters, down from 47 percent in its election win last year.
The poll, conducted by A&G Research with 2,403 respondents on June 14-15, showed that 53.3 percent are against closing the AK Party and 37.7 percent believe economic and political chaos will follow if the party is closed.The poll showed the main opposition parties, Republican People’s Party’s (CHP) and the Nationalist Movement Party (MHP), come far behind the AK Party. Nearly one third of respondents said they were undecided on their choice of party.
The case at the Constitutional Court — which is being closely watched by investors who fear months of political uncertainty — seeks to close down the party and ban 71 political figures, including Prime Minister Tayyip Erdogan and President Abdullah Gul, from party politics for five years. If closed down, AK Party members are expected to form a new party, while banned members could run for office as independents if the High Election Board approves their candidacy. The first hearings in the case begin on Tuesday.
REUTERS