En Tunisie, l’irrésistible ascension d’Ennahda
Par Isabelle Mandraud
SOUSSE, HAIDRA (TUNISIE) ENVOYÉE SPÉCIALE – L’épicier de la cité Ezzouhour est catégorique : « Ce sont les seuls à venir ici », affirme-t-il en désignant la maison des jeunes de ce quartier populaire de Sousse, ville côtière à 140 km de Tunis, où Ennahda s’apprête, samedi 15 octobre, à tenir une réunion publique. La deuxième en moins de trois heures pour Hamadi Jebali, le secrétaire général du parti islamiste, tête de liste dans la région, qui enchaîne celle-ci après une autre rencontre, dans un autre quartier populaire, cité Erriadh. Favori des premières élections libres de Tunisie, le 23 octobre, pour la future Assemblée constituante, Ennahda est sûr de sa victoire.
« On joue seul sur le terrain, ça me gêne », ironise le candidat. A Sousse, le rituel est le même. Rien d’ostentatoire : une cour en plein air, une petite animation musicale, une modeste estrade, dont s’empresse de descendre, micro en main, M. Jebali pour s’adresser de plain-pied à son auditoire. « Il faut qu’on soit tous au même niveau. » Un discours simple, ensuite, pour rassurer : « On n’obligera personne àporter le voile. » Un rappel du passé, enfin, pour Ennahda, victime de la répression féroce de l’ancien régime du président Zine El-Abidine Ben Ali, interdit encore il y a à peine quelques mois, et qui surfe aujourd’hui sur son martyrologe.
Hamadi Jebali a lui-même passé plus de seize ans en prison, dont dix à l’isolement. « Nous avons coupé la tête de la dictature, mais elle peut revenir, il fautchanger les mentalités, lance-t-il. La démocratie sera une construction sociale, politique et culturelle que nous allons bâtir graduellement. »
La notoriété d’Ennahda, parmi les 110 partis que compte aujourd’hui la Tunisie, est, de loin, la plus forte. Et, sur le terrain, ses militants disciplinés, qui se recrutent notamment dans le milieu enseignant, mènent un travail de fourmi. « Nous sommes le premier parti de Tunisie », a déjà annoncé son chef spirituel Rachid Ghannouchi, revenu, après la révolution tunisienne, de son exil londonien. Un mouvement, plutôt qu’un parti, préfèrent dire les militants.
Dans certaines régions, Ennahda espère dépasser les 50 % de voix. « 20 % à 25 %, ce sont les envies des autres pour nous », ironise Walid Bennani, revenu lui aussi d’un long exil en Belgique, aujourd’hui tête de liste dans le gouvernorat de Kasserine, au sud-ouest, et qui mise dans cette région sur un score supérieur à 60 %. Mais à l’approche du vote, Ennahda multiplie les mises en garde. « L’expérience nous ayant laissé un peu sceptiques, prévient son secrétaire général, nous n’accepterons plus les trucages. »
L’épisode Nessma TV, cible de violences d’extrémistes après la diffusion du film français Persepolis, de la réalisatrice d’origine iranienne Marjane Satrapi, est analysé comme une tentative de déstabilisation supplémentaire. « Nessma a vouluprovoquer les gens, pour dire ensuite que les islamistes sont des intégristes et ne respectent pas la liberté d’opinion », assure Naoufel Aouf, un assureur de Sousse, militant depuis 1989. « Nous en avons la preuve », ajoute-t-il, en montrant son téléphone portable : « Le 7 octobre, des employeurs d’hôtel, notamment, ont envoyé des SMS à leurs salariés pour leur dire : « Ce soir, sur Nessma, film à ne pasmanquer. » »
Tout en condamnant les violences, Ennahda ne prend pas pour autant ses distances avec les salafistes : « Ils ne nous gênent pas vraiment, commente M. Jebali. Nous partons du principe qu’il faut de la place pour tout le monde. La première solution, c’est celle de Ben Ali : remplir les prisons, une fois de plus ; ou bien, il faut jouer encore plus de démocratie, de liberté, et je suis sûr que la société tunisienne va converger vers le centre. »
Autre sujet de préoccupation d’Ennahda : déminer les craintes sur un éventuel retour en arrière pour les femmes tunisiennes, protégées depuis cinquante-cinq ans par un code du statut personnel – qui interdit notamment la polygamie et impose l’accord des deux époux pour le mariage – inégalé dans le monde arabe. Pour cela, Ennahda a accepté sans rechigner la parité des listes, une première dans le monde arabe, là encore, et même au-delà.
A Haidra, aux confins de la Tunisie, à quelques kilomètres seulement de la frontière algérienne, Khira Sghairi, 56 ans, tailleur tilleul et léger voile crème, s’agace de ce débat : « L’émancipation des femmes, c’est le dernier de mes soucis, nous avons tous nos droits, nous sommes libres, souligne cette institutrice, candidate en deuxième position sur la liste locale. Venez plutôt voir dans nos campagnes, vous allez découvrir beaucoup d’insuffisance, la pauvreté, la maladie, les enfants qui désertent l’école… »
Ici, bien peu d’autres partis peuvent se targuer d’attirer 300 personnes dans une salle. « Ennahda ne parle pas de religion, mais de lutte des classes », note Slim Mayerzi, pédiatre à Tunis, membre d’un parti concurrent, Ettakatol (socialistes). »Les gens votent pour eux parce qu’ils sont déçus : les riches sont toujours riches, et les pauvres encore plus pauvres », soupire-t-il, sans contester l’avance prise par le parti islamiste.
Conscient des difficultés économiques de la Tunisie, Ennahda ne veut cependant pas du pouvoir tout seul, et appelle à la formation d’un gouvernement d' »unité nationale ». S’il est bien acquis pour le parti que le chef du gouvernement transitoire, le temps de rédiger la nouvelle Constitution, devra revenir à celui arrivé en tête le jour du vote, le futur président, tout comme les ministères de la défense, l’intérieur, la justice et les affaires étrangères, reviendraient, selon le schéma préparé, à des techniciens ou à des personnalités « neutres, chargées de réaliser un programme commun ». Ennahda prépare déjà l’après-23 octobre.
Source: « Le Monde.fr » Le 17-10-2011
Lien:http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2011/10/17/en-tunisie-l-irresistible-ascension-d-ennahda_1588975_1466522.html
Tunisie: redoutés, les islamistes d’Ennahda veulent être jugés sur pièce
TUNIS (AFP) – Favori du scrutin de dimanche en Tunisie, le parti islamiste Ennahda veut être jugé sur ses actes. Il tente de rassurer en invoquant le modèle turc et cherche à se démarquer des salafistes dont l’activisme heurte la pratique tunisienne d’un islam tolérant.
La fin de campagne a été dominée par un débat sur l’identité arabo-musulmane, exacerbé par des salafistes très minoritaires selon des chercheurs, mais qui ont multiplié les coups de boutoir contre la laïcité.
Après une attaque contre un cinéma, une intrusion brutale sur un campus universitaire, des extrémistes ont saccagé le domicile du PDG de Nessma TV, une chaîne privée qui a cristallisé leur colère en diffusant le 7 octobre un film jugé blasphématoire car représentant Dieu — ce que l’islam proscrit.
Pour l’historien Alaya Allani, « Ennahda reste le favori du scrutin. Il est le premier bénéficiaire du débat imposé sur l’identité religieuse, même si la violence extrémiste suscite la crainte et la méfiance ».
Les derniers sondages autorisés, réalisés fin septembre, plaçaient Ennahda en tête des intentions de vote, avec entre 20 et 30% des suffrages.
« Cela fait 40 ans que nous luttons pour la liberté et la justice. Nous avons été jetés en prison, torturés, exilés de force. Nous n’avons jamais pactisé avec l’ancien régime. Nous avons bonne réputation », explique Ali Larayedh, membre du bureau exécutif d’Ennahda qui a passé 14 ans dans les geôles de Ben Ali.
Quand le fondateur du parti Rached Ghannouchi rentre au pays fin janvier après 20 ans d’exil à Londres, il veut d’abord rassurer.
Auteur de prêches enflammés dans les années 1970, il affirme aujourd’hui diriger « un parti islamiste et démocratique proche de l’AKP turc ». « Nous ne voulons pas imposer la charia, nous ne toucherons pas au statut de la femme » tunisienne, le plus avancé du monde arabe, répète-t-il.
Le vieux leader de 70 ans s’est ensuite attaché à restructurer son mouvement, fondé en 1981. Combattu par le président Habib Bourguiba, Ennahda est d’abord toléré par son successeur Zine El-Abidine Ben Ali. Perçu comme une menace par le pouvoir aux législatives de 1989, le mouvement est laminé au cours des années suivantes, avec 30.000 militants ou sympathisants emprisonnés.
Dès la chute de Ben Ali, en janvier, les partisans de « la renaissance » (Ennahda) ont remis leur machine en marche. Ils ont multiplié les meetings, rouvert des locaux partout et réactivé leurs associations de bienfaisance. Le parti a présenté des listes dans toutes les circonscriptions du pays.
Très vite, plusieurs incidents inquiètent les défenseurs des droits de l’homme: femmes tête nue invectivées dans la rue, occupation d’une mosquée habituellement ouverte aux touristes en août à Djerba, puis poussée salafiste qui a culminé en octobre avec l’affaire Nessma.
Gauche laïque, artistes et syndicalistes ont dénoncé le « double discours » d’un parti qui « prétend jouer le jeu démocratique » mais qui a entamé selon eux un travail de sape souterrain pour « imposer son idéologie » et qui entretient une relation « ambiguë » avec les salafistes.
Ali Larayedh reconnaît « un dialogue académique » avec les « jeunes salafistes » mais nie tout accord formel et condamne « tout acte de violence ».
« Il faut cesser de nous faire des procès d’intention. Il faut nous juger sur nos actes », dit-il.
Pour l’historien Alaya Allani, Ennahda « n’a aucun intérêt à ce que la situation dégénère », mais est tiraillé « entre une direction qui affiche un discours politique ouvert et une base souvent plus radicale ».
Pour l’islamologue Amel Grami, Ennahda n’offre pas réellement d’alternative politique mais « attire une jeunesse en mal de repères, abreuvée depuis des années par les chaînes satellitaires du Golfe qui ont préparé les consciences au discours religieux ».
« Ennahda est le plus grand parti du pays et sa popularité est en hausse », a clamé dimanche Rached Ghannouchi.
Son parti assure que chacun aura sa place dans la nouvelle Tunisie et promet de « former un gouvernement de coalition », même s’il arrive « très largement en tête » aux élections de la Constituante.
Source: « Liberation » Le 17-10-2011
Lien: http://www.liberation.fr/depeches/01012366132-tunisie-redoutes-les-islamistes-d-ennahda-veulent-etre-juges-sur-piece
Tunisie – Du poulet grillé dans la campagne électorale
La politique est un sport de combat où tous les coups sont permis. A une semaine des élections du 23 octobre pour l’Assemblée constituante tunisienne, le désespoir semble avoir gagné plusieurs listes et candidats. Sans doute dubitatifs face à certaines promesses fantaisistes, les Tunisiens ne sont pas toujours convaincus par les candidats qui prétendent à un siège de parlementaires. En quête de popularité auprès des électeurs, les politiciens tunisiens ont eu recours à des démarches publicitaires les plus burlesques qu’ils soient, commente Tuniscope, le portail d’informations tunisien. L’exemple le plus révélateur est le lancement d’une irrésistible campagne à base de poulet grillé.
Lors des réunions et conférences tenues du côté du gouvernorat de Siliana, dans le centre de la Tunisie, les membres de plusieurs listes électorales ont fourni aux habitants de cette région de la nourriture pour les appâter. Un quart de poulet grillé et une carte de recharge téléphonique de cinq dinars (soit 2,5 euros) ont été gracieusement offerts aux personnes présentes sur les lieux. Une manière pour ces politiciens de convaincre les habitants de la localité à assister aux meetings organisés, rapporte le site.
Le résultat est surprenant. Les habitants de la région ont fait le tour de tous les meetings et ont accompagné les différentes listes. Comme quoi «ventre affamé n’a point d’oreilles»!
Les Tunisiens votent le 23 octobre prochain. Et en quelques semaines, une véritable administration a été mise en place afin d’assurer la transparence et la sécurité du processus. La Tunisie s’apprête à vivre sa première élection «Constituante», une étape cruciale pour l’avenir du pays. Après vingt-trois années d’oppression sous le régime du dictateur Zine El-Abidine Ben Ali, les électeurs pourront choisir leurs propres représentants qui auront la lourde tâche de rédiger la première Constitution indépendante de la Tunisie.
Après la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011, un gouvernement a été mis sur pied pour assurer la transition. Marqué par l’instabilité, le gouvernement tombe finalement aux mains de technocrates, qui aujourd’hui, n’ont pas le droit de se présenter à ces élections.
Source: « Slate Afrique » Le 17-10-2011
Lien:http://www.slateafrique.com/53893/tunisie-un-quart-de-poulet-un-vote-campagne-election
Kamel Jendoubi : « Je suis raisonnablement optimiste »
A 59 ans, Kamel Jendoubi participe à la première expérience démocratique de la Tunisie. Tant d’années passées entre espérances, attentes et dix-sept ans d’exil forcé, pour voir ce rêve se réaliser. Aujourd’hui, ce rêve est en cours de concrétisation, et il revient à Kamel Jendoubi, en tant que président de l’Instance supérieure indépendante des élections, d’œuvrer de tout son possible pour la réussite de ce délicat processus. «Je ne pense qu’à ça !», nous dit-il, lorsqu’on l’a rencontré jeudi dernier pour un entretien qui durera près d’une heure. Mais il n’est pas le seul à «ne penser qu’à ça.»
A moins d’une semaine du rendez-vous électoral, il nous présente sa vision de l’ISIE, de la campagne électorale, et de l’avenir de la Tunisie après la date fatidique du 23 octobre.
L’ISIE peut-elle contrôler tout le processus électoral ? N’avez-vous pas constaté, dans votre travail, des angles morts, des vides juridiques ?
Bien sûr. C’est encore tôt pour tirer les enseignements de l’expérience qu’on vit. Mais il faut comprendre qu’il y’a d’abord des problèmes dans la loi elle-même, notamment les articles 4 et 6. Normalement, une loi électorale doit être très claire et lisible pour ne pas laisser place à des interprétations différentes. On peut comprendre les attendus qui ont amené à une telle rédaction, comme le fait que l’ISIE ne disposait pas de listes électorales ou le fait aussi qu’on a pensé, croyant aux avantages de la solution informatique, que l’utilisation de la base de données informatisée permettait d’inscrire les électeurs d’une manière passive.
Les auteurs sont partis d’un bon sentiment pour essayer de trouver la solution la plus adéquate aux problèmes auxquels on faisait face. Mais on a découvert par la suite que ce n’était pas évident de traiter les bases de données de la carte d’identité puisqu’il y a des problèmes techniques qui ont des conséquences politiques, notamment les cartes d’identité fausses, celles des personnes décédées, etc.
Pour une première loi, pour une première élection, ça ne peut être la loi idéale. Déjà, il y a un corps important qui nous rassure et nous assure l’essentiel. Il y a des angles morts, et c’est normal. D’ailleurs, on les a constatés après coup.
Il y a aussi des choses qui sont liées à l’ISIE elle-même, à l’instar de sa composition. Normalement, une instance comme l’ISIE est une instance à la fois administrative, réglementaire et surtout opérationnelle. Or, je dis ça sans en vouloir à personne, on a voulu créer une instance un peu à l’image du consensus qui prévalait en Tunisie. On essayait de trouver, non un rassemblement des sensibilités politiques, car l’ISIE est indépendante, mais une représentation socioprofessionnelle.
L’ISIE se présente comme un Conseil économique et social, où il y a des avocats, des juges, des huissiers, des universitaires, des informaticiens, etc. Ça peut marcher, mais en même temps, pour une première expérience, ça peut sous-entendre des visions différentes de sa mission.
Ce n’est pas une instance délibérative sur des positions ou autres. Elle doit délibérer sur l’interprétation opérationnelle de la loi, en procédures, en supports, en programmes, etc. Cet aspect a évidemment un impact politique, mais qui est encadré par l’environnement politico-juridique.
Troisième source de vide juridique, c’est que pour un processus électoral démocratique on doit au moins avoir trois éléments : Premièrement, un code électoral, ce que nous avons. Deuxièmement, un cadre juridique pour les partis et les acteurs politiques, mais celui qu’on a est ancien et défaillant. Et troisième élément, un cadre juridique pour les médias, que nous n’avons pas. Ainsi, on boîte, d’où les angles morts qui sont en pagaille. Tout ceci peut expliquer le décalage ou la faible présence, parfois même des erreurs que nous avons certainement commises.
En fait, c’est une aventure qui comme toute autre aventure peut avoir son aspect passionnant, motivant. L’adrénaline est à son summum. Cependant, elle a aussi ses manquements, ses défaillances sur des différents plans tels que l’organisation ou la communication. En gros, c’est une véritable mécanique mais pas dans le sens d’une mécanique précise.
L’ISIE c’est aussi une expérience humaine qui a drainé cinq mille personnes au moment où je vous parle. Mais elle n’est pas seule. Il y aussi des énergies qui ont été mobilisées dans l’Administration, l’Education nationale, l’Armée, le ministère de la Défense, la Poste, le tourisme, le ministère de l’Intérieur même, ce même ministère qui était honni, banni presque. Tous les compartiments de l’Etat. C’est ça qui fait qu’on a créé une expérience humaine novatrice et nouvelle même si il y a eu beaucoup de failles, mais on avait la volonté.
Le processus électoral révèle aussi beaucoup de dysfonctionnements dans l’Etat, ainsi que dans le traitement de l’information. Par exemple, concernant les bases de données, il y avait une volonté politique de ne pas rationaliser, de ne pas organiser scientifiquement l’information parce que l’information c’est le pouvoir. Il y avait aussi une volonté politique de rendre tout ça opaque. Donc, la transparence n’était pas un principe de gouvernance.
Le processus électoral nous a révélé beaucoup d’idées de réformes dans l’Etat d’où l’intérêt d’une instance indépendante car autrement on ne serait pas arrivé à ces enseignements-là. L’ISIE a ainsi également fonctionné comme un révélateur de certains dysfonctionnements. Et ce révélateur là n’a pas provoqué de crise majeure. Des gens ont même imaginé des scénarios catastrophes. Ce pays a la baraka !
Lors de votre intervention pour l’interdiction de la publicité politique, les partis concernés ont nié toute compétence réglementaire à l’ISIE.
La décision du Tribunal Administratif est sans appel. En soi, elle est positivement une sanction contre les partis qui ont dénié à l’ISIE la compétence réglementaire au sujet de la campagne électorale.
Pour les sanctions, on agit sur trois niveaux. Le premier est préventif : on avertit et on essaie d’amener les acteurs à se conformer au cadre juridique et administratif. En matière électorale, il y a un cadre général, qui définit les principes, mais l’approche au cas par cas reste indispensable. Les situations peuvent en effet être différentes. D’ailleurs, quand on voit la jurisprudence, le même cas qui se présente dans deux élections différentes a deux réponses différentes. Le côté préventif a aussi une dimension d’éducation civique qui est importante pour nous puisqu’on est au début de quelque chose. Nous n’avons pas de références. Nous commençons à bâtir un certain nombre de choses ce qui rend important cet aspect éducatif, pas uniquement pour les acteurs mais surtout pour l’opinion. Les élections sont faites pour les électeurs et les électrices, il est donc très fondamental qu’ils soient informés sur les règles et sur la manière avec laquelle on traite les cas d’infraction.
Le deuxième niveau est celui administratif classique : nous demandons à l’Administration d’user de ses pouvoirs contre certains agissements. Mais c’est toujours dans un souci d’expliquer, de dialoguer.
Le troisième niveau est judiciaire : si l’infraction se multiplie et si les listes persistent dans leurs pratiques antiréglementaires, on passe alors à la justice.
En matière de publicité politique, la justice a tranché, à l’initiative des plaignants. A partir de cet instant là, il n’y a plus d’infractions mais surtout ça a donné une validation de l’approche de l’ISIE. C’est très important. En prenant l’opinion à témoin, nous avons gagné, pas contre des partis, mais contre une conception des élections qui nous semblait erronée parce qu’elle risquait de les fausser. Nous pensons que la publicité doit être prohibée durant la phase électorale et même avant. Personnellement, je pense qu’il faut l’interdire totalement de la vie politique parce qu’elle déséquilibre, fausse les règles et par conséquent trompe l’électeur. Les gens peuvent penser autrement, ils ont le droit de penser que la publicité peut-être un élément structurant du champ politique, mais à notre avis ce n’est pas le moment.
Quel est votre jugement sur le déroulement de la campagne électorale ?
Tout d’abord, c’est une campagne qui concerne une multitude d’acteurs. Il y a plus de 1600 listes. Ensuite, c’est une campagne qui implique des nouveaux acteurs, où l’envie politique a primé sur d’autres considérations. Troisièmement, elle a lieu dans un pays qui n’a jamais vécu une situation semblable. Mais aussi, c’est une campagne qui vient suite à la Révolution avec tout ce que cela suppose comme enjeux qui pèsent sur les différents acteurs. Je crois qu’il y a encore des niches de résistance dans lesquelles les contre-révolutionnaires se sont adaptés. Si on prend en compte tous ces ingrédients, il est presque logique que la campagne soit faible au début, très inégale, assez éclatée, avec plus de dix mille candidats, et parfois elle ne traite même pas le sujet pour lequel elle a été organisée, c’est-à-dire la Constitution, peut être pour des raisons tactiques et de positionnement. Mais je crois que la troisième semaine va être plus intense que les précédentes. C’est un peu à la tunisienne : à l’arraché. C’est une campagne électorale qui va laisser des traces, plus ou moins colorées, plus ou moins affirmées, parfois même timides… Je reste raisonnablement optimiste.
Quels sont les types d’irrégularités qui peuvent donner lieu à la réformation et à l’annulation d’un résultat ?
Ça relève des crimes, notamment le dépassement du plafond des dépenses ou l’existence d’un financement étranger ou privé. Il y aussi tous les cas de corruption que l’on constate durant la campagne, comme l’achat de voix si on a des preuves là-dessus, et le non respect des autres séries d’interdictions qui ont été posés par la loi comme l’interdiction de mener la campagne dans le lieu de travail, dans les lieux de cultes ou dans l’administration et les lieux d’éducation. On peut également constater que tel ou tel fonctionnaire s’est servi des biens publics au profit d’une liste.
En avez-vous constaté de tels ?
On entend parfois qu’il y a des cadeaux, moutons ou portables, délivrés par ci et par là. Et apparemment, Facebook contient beaucoup de témoignages et de vidéos. Mais pour moi cela ne constitue pas des preuves. Ce sont des faisceaux de soupçons. Si une liste quelconque est soupçonnée, nous on a nos contrôleurs et ont va rassembler les éléments qui nous amènent à dire que les candidats ont largement dépassé le plafond. Et ben là,…
Dans une interview accordée à Assabah, Bechir Essid a accusé, sans les citer, quatre ou cinq partis d’acheter des voix des électeurs. Êtes-vous au courant de tels agissements ? Mèneriez-vous une enquête ?
Je ne l’ai pas lue, faute de temps. Mais qu’il assume ses responsabilités.
Vous n’enquêteriez pas ?
Il est avocat à ce que je sache. Qu’il nous donne des preuves et on va dégager le truc. Il y a trois acteurs qui peuvent intervenir en matière de financement: l’ISIE, en matière de dépassement du plafond des dépenses et du financement étranger et privé, le ministère des Finances, qui distribue la contribution financière, et la Cour des Comptes en matière d’utilisation des fonds publics. Il y aussi les juridictions pénales s’il y a des crimes. Si M. Béchir Essid dispose d’éléments factuels qui peuvent attester de ce qu’il avance comme accusations graves, qu’il les communique à l’ISIE !
L’ISIE ne peut-elle pas se saisir d’office suite à de telles déclarations ?
Il faut des éléments, des faisceaux. M. Bechir Essid connaît la procédure mieux que quiconque. On ne peut pas s’appuyer sur des déclarations faites aux médias ou sur Facebook. Il y en a des milliers. Qu’il vienne déposer les éléments sur lesquels il a bâti ses accusations. On assumera alors notre responsabilité. On ne peut pas enquêter en se basant uniquement sur des déclarations.
J’ajoute que les tâches sont partagées entre l’ISIE, l’autorité centrale, et les Irie, les autorités régionales. Nous, on se charge du contrôle des dépenses en matière d’élections. On n’est pas chargé du contrôle du financement dit politique. Nous sommes une instance créée pour les élections. Tout ce qui est financement des partis concerne d’autres institutions. Dans ce domaine des élections, nous avons des compétences et nous pouvons les exercer.
Concernant la couverture médiatique, comment le contrôle des médias tunisiens et étrangers s’opère-t-il ?
Allez faire un tour au service monitoring à la rue de Rome. On a plus d’une trentaine de personnes qui travaillent jour et nuit pour couvrir à la fois les médias audiovisuels tunisiens et un échantillon représentatif des médias étrangers, ainsi que la presse écrite ou électronique. Il y a toute une méthodologie qui a été mise en place.
Et quels sont les moyens d’action immédiate de l’ISIE en cas d’infraction ?
Si on constate un certain nombre d’infractions, on passe à notre service juridique qui instruit et évalue la nature de l’action à mener. On déclenche toujours notre action selon les trois niveaux préventif, administratif et judiciaire tout en sachant que l’on n’est pas encore bien équipé dans ce domaine, comme dans le domaine du financement à nos débuts.
Y’en a-t-il qui essaient de perturber ces élections, et qui sont-ils exactement selon vous ?
Il y’en a sûrement, mais je ne les connais pas
Mais vous-avez certainement un avis sur cette question ?
J’ai un avis. Sincèrement, ce que j’ai comme éléments c’est que la situation est vraiment calme. Un peu trop calme. Ce n’est pas le calme qui annonce la tempête. C’est un calme conscient. J’ai l’intime conviction que la majorité des Tunisiens, du Nord au Sud, se sont dit : «On fait un break, une espèce de trêve, parce qu’on veut réussir ces élections. On va régler un problème de fond qui est celui de la légitimité des élections pour mettre notre pays sur la voie du changement démocratique.»
C’est très important. Ça montre que les Tunisiens ont repris confiance dans le processus électoral et dans le résultat qui va sortir des urnes. Ce qui neutralise énormément les tensions qui dans un autre cas de figure auraient pu être sources de perturbation du processus électoral.
Il faut quand même noter qu’on n’a jamais constaté la moindre hostilité à l’égard de l’ISIE. D’ailleurs, nos locaux ne sont pas sécurisés, sauf dans certaines régions mais pas à cause du processus électoral mais à cause de la situation régionale qui prévaut. Moi, je circule librement. Je n’ai pas de gardes du corps. Ce sont des signes. On agit dans un climat serein. Cet état d’esprit général des Tunisiens a contraint probablement les forces qui souhaitent perturber les élections à être sur la défensive et à être beaucoup plus discrètes. Ces forces-là peuvent encore agir mais je ne pense pas qu’elles peuvent modifier radicalement le choix qui a été fait. Si elles vont faire des choses ça va être probablement des tentatives désespérées, plutôt localisées donc maîtrisables. Nous avons mis en place, notamment sur le plan sécuritaire, une stratégie qui vise à prévenir des éventuels dérapages. Pour ma part, je ne suis pas vraiment inquiet sur ce plan là.
Qu’adviendra-t-il de l’ISIE après les résultats définitifs ? Deviendra-t-elle une institution permanente ?
Nous recommandons la permanence de l’institution. Nous allons certainement recommander aussi qu’elle soit constitutionnalisée en indiquant que toutes les prochaines élections soient engagées par une instance indépendante qui doit avoir tous les moyens pour qu’elle assume sa mission. C’est une garantie de crédibilité et de confiance essentielle pour l’avenir.
Ceci nécessite entre autres qu’on mette en place une vraie administration électorale indépendante qui soit moderne, efficace et compétente, et bien entendu elle doit disposer notamment des moyens financiers mais surtout des moyens qui se rapportent au registre électoral, à l’organisation des différents éléments et compartiments des élections qui vont venir et qui vont de l’inscription sur les listes électorales jusqu’au résultat et l’affichage du résultat, en passant par la formation permanente des acteurs.
La logistique doit également être régulièrement mise à jour et renouvelée. Ça doit toucher aussi les aspects de communication qui doit être programmée, car la communication est un élément important en matière électorale, ainsi que l’aspect de sensibilisation qui doit être permanent à travers notamment l’éducation des anciennes et nouvelles générations. Et évidemment, ça va également toucher la production juridique et réglementaire. Il y a également une jurisprudence qu’il faut continuer à alimenter. Il y a des chantiers énormes.
Et Kamel Jendoubi restera-t-il indépendant ?
Moi, c’est moi. Je suis indépendant et je veux rester indépendant.
Avez-vous des ambitions politiques ?
Toute de suite ma réponse est non. Ma manière de voir n’est pas comme ça. Je suis très heureux d’avoir vécu de mon vivant ce retour à mon cher pays, d’avoir vécu des moments formidables, et d’avoir contribué très modestement à ce processus. C’est du bonheur pour moi, même si parfois je souffre.
C’est tout un travail de groupe ; il y a les membres des Irie, les jeunes chômeurs diplômés que nous avons engagés comme agents d’enregistrement et qui travaillent actuellement avec nous. Ils ont tous effectué un travail fabuleux, passionnant, formidable. Tout cela fait que je suis heureux. Mon regret est que je n’ai pas pu aller à l’intérieur du pays. Je suis resté un peu pris à la gorge par différentes missions. J’aurais bien aimé aller davantage sur le terrain.
Maintenant, les élections doivent réussir, c’est-à-dire qu’il y aura des résultats qui ne seront pas contestés, c’est le critère qui prime à mes yeux. Et après, c’est une nouvelle page qui va s’ouvrir parce qu’on va avoir un paysage politique qui va être plus structuré, même si certains craignent le désordre. On va certainement tendre vers une stabilisation qui va nécessiter un certain temps, qui ne sera pas à mon avis très long. Il y aura un gouvernement, des institutions, certes de transition, mais qui auront à remettre le pays sur la voie de son avenir pour que la Tunisie soit celle que nous voulons. Il faut, par ailleurs, toujours être vigilant et lutter pour le respect des points de vue différents, des minorités. Les libertés individuelles doivent être garanties et défendues, y compris, s’il le faut, par des sacrifices. La question n’est pas de savoir quel sera l’avenir de telle ou telle personne.
Ce qu’on vit est une nouvelle page, et cette nouveauté peut faire peur pour certains, mais pour moi elle est positive parce que si on veut construire du nouveau il y a toujours une marge de risque, d’incertitudes, mais ce qui est important c’est de savoir si la volonté populaire va dans le sens de la réalisation des objectifs de la Révolution ou pas. Le plus grave sera qu’elle soit déviée de son chemin. Dans ce mouvement que la Tunisie connaît, moi je penche plus, par nature, vers la société civile, le travail de terrain. Je suis plus intéressé par ce genre d’activités et d’enjeux. Et puis on verra. Qui vivra verra. Et, sans chauvinisme, je suis vraiment fier d’être Tunisien. Vive la Tunisie…»
Source: « Webdo » Le 17-10-2011
Lien:http://www.webdo.tn/2011/10/17/kamel-jendoubi-je-suis-raisonnablement-optimiste/
Constituante tunisienne : comment composer avec l’islam politique ?
Alors que de nombreux Tunisiens ne savent pas encore pour qui voter à la Constituante du 23 octobre, les intégristes islamistes font irruption dans le débat politique. Obligeant les partis à se positionner sur les « valeurs » du modèle de société qu’ils entendent proposer.
À une semaine de l’élection de l’Assemblée constituante, la tension est palpable en Tunisie. L’interdiction du port du niqab à l’université de Sousse et le « persépolisgate », suscité par la projection du film de Marjane Satrapi sur Nessma TV, ont été l’occasion pour les « ultra-religieux » de faire entendre leur voix. Les manifestations des intégristes à la sortie de la prière du vendredi, baptisé « jour de la colère », ont frappé les esprits par leur extrême violence.
La présence en première ligne de salafistes prônant une république islamiste et les représailles à l’encontre de Nabil Karoui, directeur de Nessma TV, dont le domicile a été attaqué, ont plongé une grande partie du pays dans une profonde perplexité. « C’est une alerte sérieuse, le danger islamiste est réel. En Algérie aussi, les barbus avaient commencé en s’en prenant à la création artistique ; on sait où cela a mené. Nous devons aller voter en masse si nous croyons à un projet démocratique », explique Hager, une femme au foyer qui défilait pacifiquement ce dimanche à Tunis « contre l’obscurantisme », avec 3 000 défenseurs des libertés.
Réactions tardives
L’OPA islamiste sur la Tunisie est-elle en cours ? La société civile s’interroge et remarque que le gouvernement de transition tarde à réagir, notamment face aux extrémistes du parti salafiste « Hiz Ettahrir », pourtant interdit. En pleine bataille électorale, les partis politiques se sont prononcés sur la liberté d’expression et de création, battue en brèche par les islamistes. Le Pôle démocratique s’est insurgé dès le début contre les violences visant Nessma TV, mais le Parti démocrate progressiste (PDP), Ettakatol et Afek Tounes ont d’abord essayé de ménager un électorat dont ils découvrent le conservatisme. Et n’ont condamné les violences qu’après les débordements de vendredi.
En revanche, lors des dernières réunions, tous les partis ont oublié les programmes politiques pour évoquer leurs valeurs et les projets de société globaux. L’affaire Nessma n’est a priori pas profitable au parti islamiste d’Ennahda, donné comme favori pour la Constituante. L’opinion publique, modérée par nature, opère rapidement un amalgame entre les salafistes qui appellent au djihad et les islamistes à tendance plus modérée. « Il n’y a que peu de différence, ils ont les mêmes objectifs ; ceux d’Ennahdha veulent y arriver par étapes, les salafistes, tout de suite. C’est deux visages du même islam politique », assure Khaled, un garçon de café qui comme beaucoup, ne sait pour qui voter.
Depuis vendredi, Ennahdha multiplie les déclarations affirmant la nécessité du respect des libertés et de la démocratie – alors même que ses réunions politiques prennent des allures de prêches virulents comme à Sfax. Quelle que soit l’issue du scrutin, les Tunisiens doivent apprendre à composer avec l’ingérence de la religion dans la société.
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Source: »Jeune Afrique » Le 17-10-2011
Tunisie : Qui pour rédiger une constitution ?
L’élection d’une Assemblée constituante en Tunisie aura lieu le 23 octobre prochain. Il s’agit du premier scrutin organisé dans le sillage du « printemps arabe ». Ces élections ont été précédées de vifs débats entre les islamistes et les organisations laïques, qui ont dégénéré cette semaine en violences. Zoom sur les principaux partis en lice.
Alors que les violences ont eu lieu en fin de semaine dernière, la campagne électorale bat toujours son plein en Tunisie. Qui remportera ce scrutin ? Les sondages sont fluctuants. Les islamistes parraissent en tout cas bien placé pour faire un bon score. Mais ils ne sont pas seuls. Une petite dizaine de formations sur plus de cent partis agréés est en lice pour l’élection d’une assemblée constituante dimanche. Une nouveauté après plus de cinquante ans de parti unique.
Principal parti islamiste, en tête des sondages, Ennahda, a été fondé en 1981 par Rached Ghannouchi, avec une poignée d’intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens. Réprimé par le père de l’indépendance Habib Bourguiba, Ennahda est d’abord toléré par le président Zine El-Abidine Ben Ali, puis impitoyablement combattu dans les années 1990. Légalisé après la révolution, Ennahda déploie de grands moyens et gagne rapidement du terrain. Présent dans toutes les circonscriptions, ce parti est crédité des meilleurs scores. Ses détracteurs l’accusent de « double langage », l’un rassurant en public et l’autre radical dans les mosquées. Son programme dépouillé de références explicites à une application de la charia entretient le flou sur des questions clés comme la polygamie, interdite en Tunisie. Ennahda se dit proche de l’AKP turc.
Autre grande force, le Parti démocrate progressiste (PDP) fondé en 1983 par Ahmed Néjib Chebbi, un avocat de centre-gauche aux orientations économiques libérales. Son parti, légalisé sous Ben Ali mais toujours resté dans l’opposition, est le seul à être dirigé par une femme, Maya Jribi, tête de liste dans la région de la capitale. Après un éphémère passage dans le premier gouvernement post-Ben Ali, Chebbi a cultivé une posture présidentielle refusant de s’engager lui-même sur un liste. Ses adversaires l’accusent d’avoir ratissé très large dans les milieux d’affaires jusque dans les rangs de l’ancien parti-Etat du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Il présente son parti comme la principale alternative à Ennahda.
Ettakatol (forum en arabe), légalisé en 2002, est perçu comme un parti d’élites du centre-gauche, membre de l’Internationale socialiste. La formation est portée par Mustapha Ben Jafaar, un médecin opposant de longue date à Ben Ali, appelant à une « vraie rupture ». Il a gagné en popularité en claquant la porte du premier gouvernement post-révolutionnaire et en menant une vraie campagne de proximité.
Ettajdid (ex-communiste) de l’universitaire Ahmed Brahim, a pris en 1993 une orientation sociale-démocrate et a bataillé pour former la coalition du Pôle démocrate moderniste (PDM). Composé en mai, fort de cinq partis et d’indépendants, le PDM veut « faire barrage » à Ennahda.
Le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki a été créé en 2001 et aussitôt interdit. Ses dirigeants ont vécu en exil en France jusqu’en 2011. Médecin marqué à gauche et défenseur de l’identité arabo-islamique, Moncef Marzouki s’est rapproché des islamistes d’Ennahda.
Le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), dont le chef Hamma Hammami a longtemps vécu dans la clandestinité, jouit d’une importante notoriété, acquise en 25 ans de lutte pour les libertés. Partisan d’un régime parlementaire, Hamma Hammami défend la liberté d’action et d’expression, y compris pour Ennahda.
Avatars ou proches du RCD, une quarantaine de formations se disputent l’héritage électoral du parti dissous. Les plus en vue sont Al-Watan de Mohamed Jegham et Al-Moubadara de Kamel Morjane, tous deux anciens ministres de Ben Ali. La capacité de mobilisation de ces formations est difficile à évaluer, mais nombre de Tunisiens n’excluent pas d’accorder leurs suffrages à des listes parrainées par des personnalités extérieures au premier cercle de Ben Ali.
Source: « France Soir » Le 17-10-2011
Lien:http://www.francesoir.fr/actualite/international/tunisie-qui-pour-rediger-une-constitution-147940.html
Quel avenir pour Nesma TV
Quel avenir pour la chaîne tunisienne privée «Nessma TV»? C’est la question que se posent les observateurs après les manifestations hostiles à la chaîne et surtout après l’attaque du domicile de son P-DG Nabil Karoui. Un groupe de personnes ont en effet exécuté leurs menaces, après avoir diffusé via les réseaux sociaux des appels incitant au meurtre de quiconque appartenait à la chaîne «Nessma TV», et ce en s’introduisant par la force dans le domicile du PDG de la chaîne, munis de cocktails Molotov, de gourdins et d’armes blanches, dans le dessein «de le tuer ainsi que tous les membres de sa famille.»
Ce qui ne devait être qu’une simple diffusion d’un film s’est transformé en véritable appel aux troubles de l’ordre public. Voulant prévenir contre le danger de la montée de l’islamisme en Tunisie, Nessma TV a involontairement réveillé les vieux démons de l’intégrisme religieux dans le Maghreb. Un intégrisme radical qui s’est transformé en Algérie en terrorisme violent frappant de plein fouet des milliers d’Algériens et en premier lieu les journalistes. Une situation incontrôlable qui a conduit le patron de la chaîne à libérer son effectif maghrébin (Marocain, Algérien et Tunisien) et ne garder seulement que la Rédaction du journal de la chaîne, qui travaille avec une équipe réduite pour parer à toute éventualité. A cet effet, les responsables de la Chaîne Nessma ont appelé les autorités tunisiennes à garantir la protection nécessaire à son personnel (journalistes, techniciens et agents), afin qu’il puisse accomplir sa mission médiatique dans les meilleures conditions.
La Tunisie, qui était dans le passé la destinée des journalistes et des artistes algériens menacées, est devenue une contrée indésirable. Cette situation, qui a placé la chaîne dans le collimateur des intégristes et qui a définitivement identifié la chaîne comme étant une télévision laïque, se passe sous le silence de ses principaux associés et propriétaires de la chaîne: Tarek Ben Ammar et Silvio Berlusconi, mais c’est surtout le grand silence des Américains et du département d’État d’Hillary Clinton qui inquiète les responsables de la télévision, laquelle ne s’est pas encore prononcée sur cette agression. Elle connaît pourtant bien Nessma TV, elle, qui avait participé au Talk-Show sur le plateau de la télévision tunisienne. Son soutien aurait pu apporter quelque chose pour la chaîne et Nabil Karoui, lequel s’est senti lâché par les hauts responsables sous la pression des islamistes. Cela dit, le personnel de la chaîne «Nessma TV» salue les positions de soutien témoignées par les téléspectateurs de la chaîne, les partis politiques, les organisations, les associations et les indépendants ainsi que toutes les personnalités nationales qui n’ont cessé de réitérer leur appui à la chaîne et à la liberté d’opinion et d’expression. Devant cette situation, l’avenir de Nessma est plus qu’incertain. Selon le programme envoyé par le service de communication de la chaîne, 80% du programme de Nessma TV c’est de la rediffusion, les programmes phares de la chaîne comme Ness Nessma, Djak el marssoul et autres ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre et son personnel est en congé forcé.
Source: « L’expression » Le 17-10-2011
Lien:http://www.lexpressiondz.com/culture/lecran_libre/141185-quel-avenir-pour-%C2%ABnessma-tv%C2%BB.html
Tunisie – Ben Salah met de l’huile sur le feu et accuse BCE d’avoir tenté de l’assassiner
Dans une longue interview accordée à l’hebdomadaire en langue arabe « Ourabia » dans sa livraison du dimanche 16 octobre 2011, l’ancien super-ministre sous Bourguiba et actuel leader du Mouvement de l’Unité populaire, Ahmed Ben Salah n’hésite pas à mettre de l’huile sur le feu en ce moment bien délicat de pré-scrutin.
Il estime, ainsi, que « la Tunisie n’est pas en train de vivre une révolution, mais plutôt un prolongement du régime de Ben Ali avec des règlements de comptes entre deux clans ». Et tout en mettant en cause les éloges faits par Obama pour notre pays, il déclare que la Tunisie se trouve au bord d’un volcan car « la politique du mensonge entamée avec Bourguiba s’est prolongée avec l’ère novembriste et se poursuit avec le duo Mebazzaâ-Caïd Essebsi ».
Parvenu à ce point de l’interview, M. Ben Salah lance sa « bombe » en accusant nommément « Béji Caïd Essebsi d’être, dans les années 70, le principal architecte, en compagnie de son directeur de sûreté à l’époque, d’une tentative de son assassinat parce qu’il représentait un second Salah Ben Youssef aux yeux du Combattant suprême ».
D’autre part et tout en faisant l’éloge de Rached Ghannouchi en tant « qu’homme politique modéré et responsable », Ahmed Ben Salah s’est attaqué au gouvernement provisoire et à l’Instance de Ben Achour.
M. Ben Salah énumère, aussi, certains dépassements commis du temps de l’ère Bourguiba dont notamment le pillage des biens et du patrimoine des Beys, notamment par Wassila Bourguiba.
Bon à souligner que le superpuissant ministre de Bourguiba, cumulant 3 ou 4 portefeuilles à la fois, était l’un des rares à faire l’unanimité populaire contre lui, ce qui avait poussé Bourguiba à se débarrasser de lui et à faire appel à feu Hédi Nouira pour sauver la Tunisie qui se trouvait, effectivement, au bord du gouffre.
Source: « Business News » Le 16-10-2011
Lien:http://www.businessnews.com.tn/details_article.php?a=27136&temp=3&lang=fr&t=520
Tunisie : lorsque la bourgeoisie manifeste…
La marche « A3ta9ni », organisée depuis à peine quelques jours et dont les invitations circulaient sur facebook, a démarré dimanche 16 octobre 2011, à 13h30, à partir de la Place Pasteur.
Près de deux mille personnes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, se sont rassemblés pour prendre la route vers la Place des Droits de l’Homme, passant par l’avenue Mohamed V où siège la chaîne télévisée privée Nessma.
On pouvait voir aussi, parmi les manifestants, des personnes portant des t-shirts avec les logos de Afek Tounes et du Pôle démocratique, mais également des indépendants, comme Dostourna.
Contrairement à ce qu’on a dit sur certains réseaux sociaux, cette manifestation n’était pas organisée pour soutenir la chaîne, mais elle était beaucoup plus générale. Les manifestants appelaient à la liberté d’expression dénonçant l’extrémisme et le salafisme.
Pourtant, lorsqu’une femme voilée est intervenue en première ligne, portant une pancarte où on peut lire « A bas l’impérialisme… à bas le régime qui a enrichi une minorité bourgeoise », elle a été rapidement isolée, elle et les quelques jeunes hommes l’accompagnant.
Une marche pacifique si on ose le dire, de bout en bout, contrôlée par les forces de police, sans lacrymogène ni matraques. Une manifestation bien moins peuplée que celle du vendredi dernier mais plus pacifique. Des arrestations ont été opérée vendredi !
D’ailleurs, une scène a bien attiré l’attention de certains journalistes ce dimanche. Celle d’un policier serrant dans ses bras un manifestant, lui disant avec un sourire qu’on s’abstient de décrire : « Ces salafistes vont vous piqué le buzz ! » C’était juste après l’arrestation d’un jeune garçon, la vingtaine, qui s’est introduit dans la foule pour crier « Allahou Akbar », portant entre les mains une banderole du parti Ennahdha.
A 5 jours des élections, plusieurs questions se posent… Est-ce que le ministère de l’Intérieur a déjà choisi son camp ? Est-ce qu’il existe réellement en Tunisie une population islamophobe ? Est-ce qu’il y a une raison d’avoir peur et de craindre la menace salafiste en Tunisie ?
Dans l’attente de trouver rapidement des réponses à ces interrogations…
Source: « Investir en Tunisie » Le 17-10-2011
Lien:http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=11743