AFP, le 8 décembre 2008 à 16h29 Par Martin de MONTVALON ABLAIN-SAINT-NAZAIRE (France), 8 déc 2008 (AFP) – Près de 500 tombes musulmanes d’un cimetière militaire du nord de la France ont été profanées lundi, pour la troisième fois en deux ans, suscitant l’indignation de la classe politique et du président Nicolas Sarkozy face à un « racisme répugnant ». Sur plusieurs centaines de tombes du carré musulman du cimetière militaire Notre-Dame-de-Lorette, près d’Arras (nord), de grandes inscriptions tracées à la peinture noire insultent la religion musulmane et citent également la ministre de la Justice Rachida Dati, d’origine musulmane, a constaté un journaliste de l’AFP. Sur quelques sépultures, des croix gammées ont également été tracées, et au moins une affichette insultant l’islam a été collée sur une stèle. Entre une dizaine et une vingtaine de tombes israélites, situées dans le prolongement de celles du carré musulman, ont également été profanées, a ajouté la gendarmerie, précisant qu’il n’y avait pas d’inscriptions antisémites. Les dégradations ont été découvertes lundi matin, jour de la fête musulmane de l’Aïd el-Kebir, par un promeneur, a précisé le procureur de la République d’Arras Jean-Pierre Valensi. « A priori, cela semble ressembler à la précédente profanation », commise en avril 2008, a ajouté M. Valensi. Le cimetière militaire a déjà été profané à deux reprises depuis 2007: dans la nuit du 5 au 6 avril 2008, 148 tombes avaient été recouvertes d’inscriptions injurieuses visant directement l’islam, et dans la nuit du 18 au 19 avril 2007, 52 tombes musulmanes avaient également été profanées. Depuis la profanation d’avril 2008, « il y a eu un renforcement aléatoire et à certaines dates de la surveillance du cimetière, mais cette nuit (de dimanche à lundi) une patrouille est passée vers minuit, et n’a rien remarqué. Il n’y avait aucun véhicule suspect », selon le colonel Bruno Bresson, de la gendarmerie. « C’est un site complètement ouvert, extrêmement difficile à garder. Il y a une étude en cours pour renforcer la surveillance du site », a ajouté l’officier. Cette nouvelle profanation a immédiatement suscité une condamnation unanime par de nombreux responsables politiques. « Cet acte abject et révoltant, après celui d’avril dernier, est l’expression d’un racisme répugnant dirigé contre la communauté musulmane de France », a déclaré le président Nicolas Sarkozy. La dirigeante de l’opposition socialiste Martine Aubry, également maire de la ville de Lille toute proche, a évoqué une « blessure pour tous les Français ». Le Premier ministre François Fillon a condamné des faits qui « s’en prennent à l’Histoire de notre pays, à la mémoire d’hommes d’honneur, à la dignité des défunts ». Dans l’enquête sur la profanation d’avril, deux hommes âgés d’une vingtaine d’années, revendiquant des idées proches du néo-nazisme, mais niant les faits, ont été inculpés et écroués mi-septembre. Ils ont été récemment laissés libres sous contrôle judiciaire. L’un des deux avait déjà été condamné en mai 2007 à deux ans de prison, dont un ferme, pour la profanation des 52 tombes musulmanes du même cimetière en avril de la même année. Il avait bénéficié d’une libération anticipée. Inauguré en 1925 sur 13 hectares, le cimetière Notre-Dame-de-Lorette, situé sur une colline, commémore notamment les combats de 1915, à l’un des endroits les plus disputés du front occidental au début de la Première Guerre mondiale. Environ 40.000 combattants y reposent, dont la moitié dans des tombes individuelles. Le carré musulman compte 576 tombes orientées vers La Mecque. AFP
Reuters, le 8 décembre 2008 à 17h10 LILLE, 8 décembre (Reuters) -La quasi-totalité des 576 tombes musulmanes du cimetière militaire de Notre-Dame de Lorette, près d’Arras (Pas-de-Calais), ont été à nouveau profanées par des inscriptions nazies, dans la nuit de dimanche à lundi. Il s’agit de la troisième profanation en deux ans du carré musulman de ce cimetière de la Première Guerre mondiale, après celles survenues en avril 2007 et avril 2008. Elle intervient le jour de l’Aïd al Adha, importante fête de l’islam. « Des inscriptions à la peinture noire ont été retrouvées sur presque toutes les stèles. Il s’agit d’inscriptions germaniques à caractère néo-nazi », a déclaré Jacky Lefort, officier de la communication de la Gendarmerie nationale. Un ancien combattant a découvert les stèles sinistrées, dont certaines étaient recouvertes de la mention « Heil Hitler », et a averti les forces de l’ordre. En outre, une quinzaine de tombes israélites situées dans le prolongement du carré musulman ont été la cible d’inscriptions identiques, ses auteurs ignorant probablement qu’il s’agissait d’un secteur différent, a-t-on appris auprès des gendarmes. Il y avait des insultes envers l’islam et certaines inscriptions visaient la ministre de la Justice, Rachida Dati, a-t-on appris de même source. Cette nouvelle profanation a suscité de vives condamnations de la classe politique et des associations, qui ont réclamé des sanctions exemplaires. Le président Nicolas Sarkozy a exprimé « sa profonde indignation » et sa « vive émotion », dénonçant dans un communiqué « un racisme répugnant dirigé contre la communauté musulmane de France. » Le Premier ministre, François Fillon, a expliqué que « le gouvernement (ferait) preuve à l’égard de ceux qui ont commis ces actes de la plus grande sévérité. » MANQUE DE COORDINATION ? Le président UMP de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, le premier secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, et le maire de Paris, Bertrand Delanoë, ont également condamné cet acte, ainsi que la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). SOS Racisme a rappelé avoir demandé depuis des années que « les groupuscules qui agissent dans la région soient dissous et condamnés », déplorant un manque de coordination entre les procureurs des régions concernées par de telles profanations. Pour l’association, les services de renseignements feraient mieux de s’occuper de ces groupes au lieu de « collecter des informations sur les militants syndicaux ou associatifs. » De même, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) estime que cette « lamentable succession » de profanations à caractère islamophobe met en évidence « la regrettable ineffectivité de la réponse des pouvoirs publics. » Les Verts ont mis en garde ceux qui « voudraient profiter de la situation préoccupante » que traverse la France pour « dresser ses habitants les uns contre les autres. » Steeve Briois, le responsable départemental du Front national, a dénoncé pour sa part une « odieuse provocation » et demande « la plus grande sévérité » dans la recherche et la condamnation de ses auteurs. Cette profanation ressemble aux deux premières, dit la gendarmerie. En avril 2007, 52 tombes avaient été profanées, un an plus tard, 148 tombes avaient été recouvertes d’inscriptions néo-nazies et racistes. Deux personnes avaient été condamnées à l’issue de l’enquête sur la première profanation. Une instruction est en cours dans l’enquête sur la deuxième profanation. Environ 40.000 combattants du conflit de 1914-18 reposent au cimetière Notre-Dame-de-Lorette. REUTERS
La Déclaration universelle des droits de l’Homme a soixante ans
AFP, le 8 décembre 2008 à 06h50 Par Cécile FEUILLATRE PARIS, 7 déc 2008 (AFP) – Il y a soixante ans, le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale de l’Onu adoptait à Paris la Déclaration universelle des droits de l’Homme, texte fondateur qui a inspiré le droit international d’après-guerre, mais dont l’idéal proclamé reste lointain et contesté. Plusieurs manifestations sont organisées à cette occasion, essentiellement en France, où aura lieu mercredi une cérémonie en présence de représentants de l’Onu, de la Commission européenne, et d’ONG au Palais de Chaillot, à Paris, où fut adopté le texte. Inspirée par la déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la déclaration d’indépendance américaine de 1776, la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) a pour première origine le traumatisme engendré par la seconde guerre mondiale et le génocide des juifs par les nazis. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », proclame le premier article de la déclaration, qui en trente points énumère des droits humains, civils, économiques, sociaux et culturels, « inaliénables » et « indivisibles ». Le texte fut adopté par les 58 Etats alors membres de l’assemblée générale de l’Onu, à l’exception de l’URSS, des pays d’Europe orientale, de l’Arabie saoudite et de l’Afrique du Sud, qui s’abstinrent. Car la déclaration est le fruit de débats complexes, et a été élaborée dans un climat de début de Guerre froide. L’URSS et ses satellites insistaient notamment sur les « droits réels », économiques et sociaux, contre les « droits bourgeois » civils et culturels défendus par les démocraties occidentales. Ces dernières, de leur côté, résistaient à l’idée de traduire la déclaration en instrument juridique contraignant, craignant qu’il ne fût utilisé contre elles par les pays colonisés. De fait, ce n’est qu’en 1966 que furent adoptés par l’Onu deux pactes contraignants qui constituent, avec la DUDH, la charte des droits de l’Homme de l’Onu. Mais malgré ses ambiguités et les arrière-pensées qui ont présidé à sa création, le texte de 1948 reste, selon le mot du juriste français René Cassin, qui participa à son élaboration, « le premier manifeste que l’humanité organisée ait jamais adopté ». Sans valeur contraignante, la DUDH a inspiré tous les traités internationaux de l’après-guerre, et est généralement reconnue comme le fondement du droit international relatif aux droits de l’Homme. Les conventions internationales de 1979 contre la discrimination envers les femmes, de 1984 contre la torture, de 1990 sur les droits de l’enfant, la création de la Cour Pénale internationale (CPI) en 1998 découlent directement de la DUDH. Elle a également inspiré « le droit d’ingérence » et d’assistance humanitaire chers au chef de la diplomatie française Bernard Kouchner. Pour autant, elle n’a pas empêché un nouveau génocide, au Rwanda en 1994, ni la violation quotidienne des droits les plus élémentaires à travers le monde. En outre, les droits de l’homme restent une « idéologie », selon le terme de l’ancien ministre français de la Justice Robert Badinter, idéologie contestée par des Etats qui dénoncent une vision purement occidentale et qui remettent en cause son universalisme. « Il y a un courant souverainiste –chacun est maître chez soi–, représenté notamment par la Chine, le Venezuela, Cuba ou la Birmanie, et un courant islamiste, qui estime que les droits de l’Homme sont le produit d’une pensée religieuse révélée », estimait M. Badinter lors d’une récente conférence à Paris. Pour ce militant farouche de l’universalisme des droits de l’Homme, le monde est entré « en régression » dans ce domaine, depuis les attentats du 11 septembre et la politique « désastreuse » menée par les Etats-Unis puis par les démocraties européennes sous couvert de lutte contre le terrorisme. « Nous avons renié ce que nous prétendons défendre, et nous en supporterons longtemps les conséquences », prévoit-il. AFP
La déclaration des droits de l’Homme confrontée à de nouveaux défis
AFP, le 8 décembre 2008 à 06h51 Par Christophe de ROQUEFEUIL PARIS, 7 déc 2008 (AFP) – Soixante ans après son adoption, la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) est confrontée à des défis nouveaux comme la lutte antiterroriste, la montée de pays comme la Chine, l’affirmation du fait religieux ou la répression de la « cyber-dissidence ». La crise économique et les bouleversements climatiques, qui aggravent la pauvreté, les migrations massives et les risques de conflits, mettent aussi à l’épreuve les acquis précaires de la déclaration, soulignent des spécialistes. La DUDH et les 72 conventions ou chartes internationales qui en découlent « sont des outils juridiques de première importance. Mais en matière de droits de l’Homme, le bilan ne pourra jamais être satisfaisant », estime le juriste Mario Bettati, l’un des concepteurs du « droit d’ingérence humanitaire ». La montée en puissance de pays comme la Chine ou la Russie est montrée du doigt. « Les extraordinaires besoins énergétiques de la Chine la poussent à beaucoup d’indulgence avec ses fournisseurs », parmi lesquels des dictatures africaines et asiatiques, relève Mario Bettati. La nécessité de ménager Moscou pousse beaucoup à être compréhensifs. « Qui se préoccupe encore de la Tchétchénie? », s’inquiète Reed Brody, de l’organisation non-gouvernementale Human Rights Watch (HRW). Le retour en force des nationalismes et de la raison d’Etat met aussi à mal les avancées issues de la déclaration. Bernard Kouchner, ancien « French doctor » aujourd’hui à la tête de la diplomatie française, a déploré la « régression » du droit humanitaire au profit de la souveraineté des Etats. De la Birmanie au Darfour, on voit « glisser la responsabilité de protéger, le droit d’ingérence et l’intervention humanitaire », a-t-il constaté. Mais l’évolution des pays occidentaux est aussi souvent préoccupante, avec notamment l’invocation croissante de la sécurité au détriment des libertés. « Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la place des droits de l’Homme est trop souvent reléguée au second plan au profit de considérations sécuritaires », en particulier par les Etats-Unis, déplore Reed Brody. « Dans la guerre menée contre le terrorisme, la notion d’intimité a été altérée (.) La surveillance générale suscite des problèmes sérieux concernant la démocratie », s’alarme le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil l’Europe, Thomas Hammarberg. L’affirmation croissante du fait religieux dans les relations internationales constitue un défi supplémentaire. Un projet de déclaration visant à empêcher le dénigrement des religions fait l’objet d’un vif affrontement à l’ONU entre pays musulmans qui le soutiennent au nom de la lutte contre « l’islamophobie », et les occidentaux qui y voient un moyen de limiter la liberté d’expression. Après les « samizdat » des dissidents soviétiques, c’est aujourd’hui internet qui sert de vecteur à une liberté de parole menacée par les régimes autoritaires. Signe des temps, près de la moitié (56 sur 125) des journalistes emprisonnés dans le monde travaillent sur la toile, selon le Comité de protection des journalistes (CPJ), basé à New York. Les bouleversements économiques et climatiques et leurs conséquences -montée du chômage et de la précarité, émeutes de la faim, migrations massives de populations, catastrophes écologiques etc.- vont aussi mettre sous tension croissante la politique des droits de l’Homme. « Pour des milliards de gens, les droits fondamentaux, c’est manger, trouver de l’eau, avoir un abri. Les problèmes économiques et écologiques vont rendre cela de plus en plus aigu. On n’en mesure peut-être pas assez l’ampleur », souligne Reed Brody. AFP
Stéphane Hessel: les droits de l’Homme sont « toujours pertinents »
AFP, le 8 décembre 2008 à 06h51 Par Cécile FEUILLATRE PARIS, 7 déc 2008 (AFP) – « Obama, un Noir à la tête des Etats-Unis, excusez du peu. Le combat pour les droits de l’homme est un travail de très longue haleine ». Le Français Stéphane Hessel, qui assista à la genèse de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, croit au progrès des libertés. Soixante ans après son adoption, le texte est toujours « parfaitement pertinent », estime dans un entretien avec l’AFP celui qui reste, à 90 ans, un de ses défenseurs les plus ardents. Résistant, déporté à Buchenwald, Stéphane Hessel est recruté après la guerre par le secrétaire général adjoint des Nations unies, Henri Laugier. Pendant trois ans, il sera témoin des travaux de la commission de 18 juristes chargée par l’Onu de mettre au point la déclaration. « Jeune diplomate de trente ans, j’assiste avec passion aux séances, à New York ou à Genève. Il y avait l’Américaine Eleanor Roosevelt, le Français René Cassin, le Libanais Charles Malik… tous s’efforçaient de rédiger un texte qui convienne au plus de nations possible », se remémore-t-il. « Il n’y a pas eu de conflit mais beaucoup de débats. Presque chaque phrase a fait l’objet de discussions », raconte Hessel, se souvenant notamment comment René Cassin a réussi à faire accepter le mot « universel », celui qui, soixante ans après, est toujours contesté par les tenants du relativisme des droits de l’homme. « Beaucoup se seraient contentés d’une « déclaration internationale ». Cassin a dit: +nous sommes à un moment dramatique de l’histoire, il y a eu Auschwitz, Hiroshima. Il faut que ce soit un texte universel, court, mais fort+ ». Le 10 décembre 1948, la déclaration est proclamée par l’Assemblée générale des Nations unies à Paris. « Pour tous ceux qui y avaient participé, l’émotion était très forte », dit M. Hessel. Mais l’impact est moindre dans la presse et l’opinion, car « 1948 est déjà une période difficile. On vient de créer l’Etat d’Israël, on est au bord de la rupture entre l’Est et l’Ouest », rappelle-t-il. Soixante ans plus tard, la déclaration est toujours un objet de fierté pour Stéphane Hessel: « un beau préambule, trente articles dont aucun n’est médiocre. C’est un texte qui vaut la lecture, dont on peut dire en toute conscience aujourd’hui encore qu’il est parfaitement pertinent. Il l’est d’autant plus qu’il n’a pas été respecté, et il demande qu’on se batte pour ça ». Stéphane Hessel n’est pas pour autant un optimiste béat, ni un « naïf »: « on vit dans un monde qui n’est pas respectueux des droits de l’homme, il y a beaucoup de choses qu’on n’a pas pu empêcher, la faiblesse des Nations unies est une réalité », admet-il, énumérant la Palestine, le Darfour, la République démocratique du Congo, Guantanamo… « Les pessimistes disent que ça va plus mal, que le monde est affreux. Les autres comme moi disent: non, vous ne savez pas regarder l’Histoire. Il n’y a jamais eu autant de progrès en 60 ans. Nous avons fait une Europe unie –rien que ces deux mots mis ensemble, ça ferait frémir nos ancêtres–, nous avons supprimé l’apartheid, nous avons supprimé l’empire soviétique et ses goulags, nous avons mis sur pied un tribunal pénal international qui peut juger les chefs d’Etat criminels », sourit-il. La remise en cause de l’universalisme des droits de l’homme ? « ceux qui prétendent que ça ne s’applique pas à eux sont des gouvernements, jamais des peuples », répond-il. Pour M. Hessel, les droits de l’homme participent d’une histoire en mouvement, avec ses phases de progrès et de régression. « Je pense que la liberté progresse (…) Ne nous lamentons pas trop ». AFP
Droits de l’Homme: Sarkozy appelle à ne pas se « cacher derrière la culture »
Associated Press, le 8 décembre 2008 à 14h31 par Christine Ollivier PARIS (AP) — « Nous n’avons pas le droit de nous cacher derrière la culture, derrière le respect des traditions », a estimé lundi Nicolas Sarkozy en défendant l’universalité des droits de l’Homme lors d’un discours à l’Elysée. Le président français s’en est en particulier pris au président du Zimbabwe Robert Mugabe, un « dictateur » qui « doit partir », ou encore au président soudanais Omar el-Béchir. Il s’exprimait à l’occasion du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris. « Une femme violée est bafouée quel que soit le continent où on la viole », a rappelé Nicolas Sarkozy. « Une femme excisée est meurtrie dans sa chair quelles que soient les traditions du pays ». « Un homme ou une femme condamné(e) pour ses opinions, c’est un homme ou une femme à qui on conteste le droit à l’humanité », a ajouté le président français. « Quelle que soit la partie du monde où on se trouve (…), on est un être humain qui a des droits humains, qui sont universels » et « nous n’avons pas le droit de nous cacher derrière la culture, derrière le respect des traditions (…) pour contester aux uns ce qu’on reconnaîtrait aux autres ». De même, « au nom de la foi, on n’a pas le droit de bafouer des convictions laïques », a estimé le président français. Nicolas Sarkozy s’en est pris en particulier au président du Zimbabwe, Robert Mugabe, qui « doit partir », a-t-il lancé. « Vous avez assez pris en otage votre peuple (…) Le Zimbabwe a suffisamment souffert ». « Quand un dictateur ne veut pas entendre, ne veut pas comprendre, alors (…) les chefs d’Etat et de gouvernement doivent cesser de discuter », a estimé le président en exercice de l’Union européenne. Quant au président soudanais Omar el-Béchir, s’il « ne change pas d’attitude » vis-à-vis de la situation au Darfour, « alors il sera face à ses responsabilités, notamment devant la Cour pénale internationale », a averti Nicolas Sarkozy. C’est « un choix qu’il doit faire non pas dans les semaines qui viennent, mais dans les jours qui viennent ». Paris demande le déploiement de la force internationale « hybride » au Darfour, la fin des violences au Soudan et du conflit entre le Tchad voisin et le Soudan, ainsi que la remise à la CPI de Ahmed Haroun et Ali Kushayb, respectivement ministre soudanais des Affaires humanitaires, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, et chef supposé des milices Janjawid. Le président français a opté pour un ton plus mesuré s’agissant de la Chine, furieuse après son entrevue avec le dalaï lama samedi en Pologne. « La Chine est un des grands du monde » et « j’ai toujours pensé qu’il n’y avait qu’une seule Chine », mais « le devoir d’un président français, c’est de rencontrer tous les prix Nobel de la paix qui souhaitent le rencontrer, quelle que soit leur origine, quelles que soient leurs convictions et quelle que soit la cause qu’ils défendent », a-t-il plaidé. « La France serait infidèle à son histoire si la France ne faisait pas toujours une place spécifique à ceux et celles qui ont obtenu cette distinction ». Auparavant, Nicolas Sarkozy avait reçu sept membres des « Elders », un groupe lancé par Nelson Mandela lors de son 89e anniversaire en 2007 à l’initiative de Richard Branson et Peter Gabriel. Il réunit douze personnalités d’influence qui contribuent à la réflexion sur les grands défis mondiaux. Parmi ceux-ci, étaient présents lundi à l’Elysée l’ancien président américain Jimmy Carter, l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, l’ex-présidente irlandaise Mary Robinson, l’ancien Premier ministre norvégien Gro Brundtland, l’ancien président brésilien Fernando Henrique Cardoso, la fondatrice du syndicat de femmes indiennes Self Employed Women Association Ela Bhatt et l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères Lakhdar Brahimi, ainsi que le milliardaire Richard Branson et le musicien Peter Gabriel. AP
L’UE va intensifier ses relations avec Israël
BRUXELLES – Les Européens ont décidé lundi d’intensifier leurs relations avec Israël, en insistant sur le renforcement en parallèle du dialogue de l’Etat hébreu avec les Palestiniens et les pays arabes, pour ne pas nuire à l' »équilibre » du processus de paix au Proche-Orient. Les chefs de la diplomatie de l’UE ont décidé de multiplier les contacts de haut niveau avec Israël dans le cadre d’un accord UE-Israël, qui devrait être adopté en avril 2009, selon une déclaration adoptée lundi à Bruxelles. Un premier sommet UE-Israël pourrait avoir lieu dans les prochains mois, peut-être dès le premier semestre 2009 sous présidence tchèque de l’UE, a déclaré à des journalistes le ministre tchèque, Karel Schwarzenberg. Cette coopération renforcée, dont l’accord de principe a été approuvé dès juin par les membres de l’UE, doit se traduire par trois réunions annuelles UE-Israël au niveau des chefs de la diplomatie et la possibilité pour chaque présidence tournante de l’UE d’inviter un responsable israélien à une réunion des ambassadeurs de l’UE chargés des questions de sécurité. L’UE se dit prête aussi à envisager « la possibilité d’inviter Israël à participer aux missions civiles » menées dans le cadre de sa politique de défense et de sécurité, « au cas par cas et lorsque l’intérêt commun s’y prêtera », et à avoir avec Israël, « au moins une fois par an », un dialogue informel sur les questions stratégiques. A Jérusalem, la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni a parlé d’un « succès significatif pour la diplomatie israélienne, qui ouvre une nouvelle page » dans les relations avec l’UE. Mais alors que certains Etats membres sont « plus critiques envers Israël » que d’autres, selon M. Schwarzenberg, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a souligné qu’il ne fallait voir « aucune signification politique » dans ce renforcement. « Nous avons dit également dans le document (adopté lundi) que le +réhaussement+ des relations avec la Palestine allait suivre », a-t-il déclaré à des journalistes. « Seulement, c’est un peu plus difficile avec les Palestiniens, il n’y a pas d’Etat, ce sera plus compliqué », a-t-il ajouté. « Il faut forcément tenir compte d’un certain équilibre » dans les relations entre l’UE et Israël d’une part, et l’UE et les pays arabes d’autre part, a expliqué une porte-parole française. Témoin de ce souci d’équilibre, les pays de l’UE ont salué lundi le renforcement récent de leurs relations avec le Maroc, « les perspectives de renforcement » des relations avec la Tunisie et la Jordanie, le lancement de négociations avec la Libye sur un accord cadre, ou la demande de l’Egypte de renforcer ses relations avec l’UE. L’UE a aussi « condamné » les tirs de roquettes depuis Gaza contre le territoire israélien et appelé à la libération du soldat israélien Gilad Shalit, tout en appelant Israël à « mettre fin à la poursuite de la colonisation », à « lever les entraves à la circulation vers les Territoires palestiniens » en rouvrant notamment les points de passage entre Gaza et Israël. M. Kouchner a néanmoins reconnu que le processus de paix resterait vraisemblablement « bloqué au moins jusqu’à la fin du mois de janvier » et la prise de fonctions de la nouvelle administration américaine de Barack Obama. (©AFP / 08 décembre 2008 20h32)