6 février 2006

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TUNISNEWS
6 ème année, N° 2086 du 06.02.2006

 archives : www.tunisnews.net


AFP: TUNIS- Boycottage des produits danois en Tunisie au moyen de SMS

AFP: Le Danemark déconseille les voyages dans 14 pays musulmans AFP: L’affaire des caricatures de Mahomet (CHRONOLOGIE)   

Reuters: Lutte antiterroriste – Le chef du FBI au Maghreb cette semaine Reuters: FBI head visits Maghreb to cement anti-terror drive AFP: Visite au Maroc de Donald Rumsfeld à la mi-février AFP: « Héros de Tunisie », la geste des tirailleurs de l’armée française  Le Temps: La mosquée Ouelhi de Djerba, saccagée

Le Temps: Hamadi Redissi «Si le Hamas réussit, c’est une tragédie collective »

Le Monde: Le Danemark dépassé par une crise inédite

Le Temps (Suisse) : Tariq Ramadan «Les musulmans doivent apprendre à prendre une distance intellectuelle critique»

Robert Fisk  : Don’t be fooled, this isn’t an issue of Islam versus secularism

 

Boycottage des produits danois en Tunisie au moyen de SMS

 

 
TUNIS, 4 fév (AFP) – Une campagne de boycottage des produits danois en riposte à la publication de caricatures du prophète Mahomet a été lancée en Tunisie au moyen de messages écrits (SMS) sur les réseaux de téléphonie mobile, a constaté un journaliste de l’AFP. « Pour ceux qui aiment Mohamed (Mahomet) et qui veulent boycotter les produits danois. Passez le message », est-il indiqué dans un SMS envoyé sur les téléphones portables de particuliers. Précédé de l’indication du code barre des produits danois distribués en grandes surfaces, ce texte circule notamment dans les milieux étudiants et universitaires. Des campagnes officielles de boycottage des produits danois ont été lancées dans certains pays arabes depuis plusieurs jours après la publication en septembre 2005 de dessins satiriques de Mahomet, notamment un le représentant en terroriste coiffé d’un turban en forme de bombe. La seule réaction officielle directe en Tunisie a été la saisie de l’édition du 1er février du quotidien français France-Soir, qui avait reproduit ces caricatures, en raison, selon le ministère de l’Intérieur, de leur caractère « offensant pour les musulmans et outrageant pour la noble personne du prophète ». Lors de la grande prière hebdomadaire de vendredi, tous les imams tunisiens avaient dénoncé « toutes les formes d’expression émanant de certains journaux étrangers qui portent atteinte aux prophètes et aux symboles sacrés des religions ». Ils avaient simultanément appelé à la « modération et au juste milieu » et rejeté « l’extrémisme et la violence ». Les imams, qui sont des fonctionnaires du ministère du Culte qui définit les grandes lignes des prêches du vendredi, reprenaient des propos du président Zine El Abidine Ben Ali tenus jeudi lors de la cérémonie des voeux du Nouvel an du corps diplomatique.
 

 

 

Le Danemark déconseille les voyages dans 14 pays musulmans

   

AFP, le 06.02.2006 à 08h37 COPENHAGUE, 6 fév 2006 (AFP) – Le ministère danois des Affaires  étrangères a déconseillé lundi aux ressortissants du royaume de se  rendre dans 14 pays musulmans, après les attaques ce week-end des  représentations diplomatiques du Danemark en Syrie et au Liban.   « L’évolution montre que la crise peut s’étendre à d’autres  pays », estime le ministère dans un communiqué.   Ces pays sont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye,  l’Egypte, le Soudan, Oman, les Emirats Arabes Unis, Qatar, Bahrein,  la Jordanie, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan.   Samedi des manifestants protestant contre la publication de  caricatures du prophète Mahomet dans la presse européenne ont  attaqué à Damas un immeuble où sont installées les ambassades  danoise, suédoise, et chilienne. Dimanche une autre manifestation a  causé d’importants dégâts au consultat danois de Beyrouth.   « Le ministère des Affaires étrangères conseille aux Danois de ne  pas entamer de voyage qui ne soit absolument nécessaire », dans les  14 pays musulmans, a-t-il indiqué.   Le ministère estime cependant que la situation n’est pas telle  que les Danois effectuant actuellement un séjour dans l’un de ces  pays doivent l’écourter, mais conseille à ces derniers de faire  preuve de « la plus grande prudence ».   Après les attaques de ce week-end, le gouvernement avait  immédiatement appelé ses ressortissants à quitter la Syrie et le  Liban.   Après la mise à jour de lundi, « le secteur du tourisme (danois,  ndlr) est désormais sérieusement affecté par les développements  dramatiques de l’affaire des caricatures de Mahomet au  Moyen-Orient », écrit Take Off, une lettre d’information sur les  voyages, sur son site internet.   Selon Take Off, l’Egypte est « l’une des principales destination  des voyages des Danois cet hiver ».   La nouvelle liste de pays à éviter « signifie, probablement, que  la plupart des voyages prévus vont être annulés, et que les vols  charters décolleront vides pour aller chercher les groupes »  séjournant en Egypte, écrit Take Off.   Selon Stig Elling, directeur du tour-opérateur Star Tour cité  par l’agence de presse Ritzau, plus de 3.000 Danois ne pourront  effectuer les voyages qu’ils ont commandés en Egypte, en Tunisie et  au Maroc cet hiver.   Environ 2.500 Danois ont réservé des voyages auprès d’agences à  destination de l’Egypte, environ 200 du Maroc et entre 500 et 700 de  la Tunisie, précise M. Elling.  

L’affaire des caricatures de Mahomet (CHRONOLOGIE)

   

AFP, le 05.02.2006 à 10h17             PARIS, 5 fév 2006 (AFP) – Quatre mois après leur première  publication dans un grand quotidien danois, des caricatures de  Mahomet ont déclenché une tempête de protestations et de boycottage  dans les pays musulmans.                          – 30 septembre 2005 : le quotidien conservateur Jyllands-Posten,  le plus gros tirage de la presse danoise, publie sous le titre « les  visages de Mahomet » 12 dessins de caricaturistes. L’un d’eux montre  notamment la tête du prophète surmontée d’un turban en forme de  bombe à la mèche allumée.             Les responsables musulmans au Danemark exigent le retrait des  dessins et demandent des excuses officielles.                          – 12 octobre 2005: le rédacteur en chef du Jyllands-Posten  annonce avoir reçu des menaces de mort. Le journal engage un garde  afin de protéger les journalistes de sa rédaction de Copenhague.                          – 14 octobre 2005: plusieurs milliers de personnes scandant  « Dieu est grand et Mahomet est son prophète », manifestent à  Copenhague.                          – 20 octobre 2005: onze ambassadeurs de pays musulmans en poste  à Copenhague protestent contre la publication des caricatures auprès  du Premier ministre libéral Anders Fogh Rasmussen, qui refuse de les  recevoir.                          – 29 décembre 2005: les ministres des Affaires étrangères arabes  réunis au siège de la Ligue arabe au Caire « rejettent et condamnent  cette atteinte qui va à l’encontre de la sainteté des religions et  des prophètes et des valeurs nobles de l’Islam ».                          – 5 janvier 2006: un accord est conclu entre le Danemark et le  secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, qui promet de  distribuer aux pays arabes une lettre du Premier ministre danois  qui, tout en défendant la liberté d’_expression, condamne « toute  action ou propos qui essaient de diaboliser certains groupes en  raison de leur religion ou appartenance ethnique ».                          – 10 janvier 2006: le magazine chrétien norvégien à tirage  confidentiel Magazinet publie à son tour les caricatures au nom de  « la liberté d’_expression » avec l’autorisation du Jyllands-Posten.  Son rédacteur en chef indique deux jours plus tard avoir reçu des  menaces de mort.                          – 21 janvier 2006: l’Union internationale des oulémas musulmans  menace au Caire d’appeler « des millions de musulmans de par le monde  à boycotter les produits et les activités danois et norvégiens ».                          – 26 janvier 2006: l’Arabie saoudite rappelle son ambassadeur à  Copenhague.             Le groupe laitier dano-suédois Arla Foods indique subir les  effets d’une campagne de boycottage en Arabie saoudite, qui s’étend  ensuite au Koweït, dans les émirats, en Jordanie et au Maghreb.                          – 29 janvier 2006: Anders Fogh Rasmussen réitère sa position:  « le gouvernement ne peut influer en aucun cas sur les médias, et il  ne peut, pas plus que le Danemark en tant que nation, être tenu pour  responsable de ce qu’écrivent des journaux indépendants ».                          – 30 janvier 2006: les pays scandinaves annoncent des mesures  pour protéger leurs ressortissants au Moyen-Orient.             Anders Fogh Rasmussen laisse entendre sur la chaîne nationale  TV2 qu’il condamne à titre personnel la publication des  caricatures.             Le Jyllands-Posten présente ses « excuses » aux musulmans offensés  par son geste, dans une lettre à l’agence jordanienne Petra.                          – 31 janvier 2006: Magazinet exprime ses « regrets » à ceux que  son initiative aurait offensés.             Les ministres de l’Intérieur des pays arabes réunis à Tunis  demandent au gouvernement danois de « sanctionner fermement » les  auteurs des caricatures.                          – 1er février 2006: plusieurs journaux européens, dont le  quotidien français France Soir, publient à leur tour, au nom de la  liberté de la presse, les caricatures. Le Maroc et la Tunisie  interdisent la vente de France Soir, dont le directeur de la  publication est limogé.                          – 2 février 2006: des militants du Fatah manifestent devant le  Centre culturel français à Gaza.                          – 3 février 2006: le Premier ministre danois Anders Fogh  Rasmussen repète qu’il ne peut présenter des excuses pour le journal  « libre et indépendant » qui a publié les caricatures controversées.                          – 4 février 2006: les ambassades du Danemark et de la Norvège à  Damas sont incendiées. Le quotidien français Le Monde publie deux  des douze caricatures.              

 

Lutte antiterroriste – Le chef du FBI au Maghreb cette semaine

 

Reuters, le 06.02.2006 à 15h14 RABAT, 6 février (Reuters) – Le chef du FBI, Robert Mueller, est attendu cette semaine au Maroc, en Algérie et en Tunisie, trois alliés des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme international qu’ils ont décrétée après les attentats du 11 septembre 2001, apprend-on lundi de source diplomatique.   Mueller devait être reçu mardi par le roi Mohamed VI du Maroc, un des plus proches alliés de Washington dans la région, où est attendu à son tour dimanche prochain, pour la première fois, le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld.   Ces visites coïncident avec la parution dans la presse marocaine de tentatives d’infiltration en Europe d’activistes d’Al Qaïda à partir de la région, l’une des plaques tournantes principales de l’émigration clandestine vers le Vieux Continent.   Le Maroc, dont la capitale économique, Casablanca, a été le théâtre en 2003 d’une série d’attentats suicide qui ont fait 45 morts, a depuis considérablement renforcé sa vigilance contre les islamistes radicaux. La popularité de ceux-ci a été renforcée par le soutien américain à Israël et l’invasion américaine de l’Irak.   REUTERS

FBI head visits Maghreb to cement anti-terror drive

Reuters, le 06.02.2006 à 14h01 RABAT, Feb 6 (Reuters) – A senior U.S. security official was scheduled to visit Morocco, Algeria and Tunisia this week to cement their cooperation in Washington’s fight against terror, diplomats said on Monday.   U.S. Federal Bureau of Investigation (FBI) head Robert Mueller’s visit coincides with Moroccan media reports that suspected al Qaeda members were attempting to sneak into Europe from the region. Quoting security officials, Moroccan media has suggested group members were infiltrating waves of illegal sub-Saharan migrants arriving in Morocco and Algeria.   North Africa is one of the main gateways of illegal immigration into the European Union.   Mueller was scheduled to meet Morocco’s King Mohammad on Tuesday.   His visit precedes that of U.S. Defence Secretary Donald Rumsfeld, due in the region on Sunday after a NATO summit in Sicily. It will be Rumsfeld’s first visit to the Maghreb.   Morocco, a strong U.S. ally in the region, has clamped down on suspected cells of Islamic radicals since 2003, when multiple bombings in the country’s financial capital Casablanca killed 45 people and shocked the normally peaceful country.   Morocco, Algeria and Tunisia are staunch backers of the U.S. anti-terror drive. They want more U.S. support to counter attempts by radical Islamists to recruit and train operatives of al Qaeda network in Europe.   While ties between Washington and the three states remain strong, the war in Iraq and U.S. support for Israel has bolstered popular support for radical Islamist groups.   REUTERS  

Visite au Maroc de Donald Rumsfeld à la mi-février

 AFP, le 06.02.2006 à 12h33 RABAT – Le secrétaire américain à la Défense  Donald Rumsfeld doit effectuer une visite au Maroc à la mi-février,  a-t-on appris lundi à Rabat de sources concordantes.   M. Rumsfeld devrait s’entretenir avec des responsables marocains  des questions de sécurité internationale.   Par ailleurs, le chef du FBI, la police fédérale américaine,  Robert S. Mueller était attendu lundi à Rabat pour une visite au  Maroc axée sur le développement de la coopération entre les services  de sécurité des deux pays.   Le Maroc figure parmi les principaux alliés des Etats-Unis dans  le monde arabe.

Le Canard enchaîné, 1er février 2006, p.8

 
Glissées, dans une page du « Nouvel Economiste » (26/1) pas trop défavorable à « la Tunisie, si proche, si solitaire », ces quelques sentences, bien alambiquées : « L’héritage de Bourquiba, cinquante ans après ? (…). Quoi qu’on en dise, et sans omettre une certaine réalité (sic), un régime politique plus démocratique (re-sic) et une administration moins corrompue que dans la plupart des autres pays de la région. »
 
Sans oublier la « certaine réalité » d’une police politique tout à fait compétitive.

 

Karthago chez les Pharaons

par ABDELAZIZ BARROUHI   Karthago Airlines, la compagnie aérienne privée tunisienne, étend ses activités charter à l’Égypte. Son patron, Belhassen Trabelsi, s’est associé à Samih Sawiris, membre de la famille qui contrôle le groupe égyptien Orascom, pour créer Koral Blue.   Cette compagnie charter va exploiter les liaisons entre l’Europe et les stations balnéaires égyptiennes sur la mer Rouge, principales destinations du pays des Pharaons. Karthago dispose de six Boeing 737-300 utilisés dans le transport charter entre la Tunisie et une quarantaine d’aéroports européens.   Cette flotte est sous-employée pendant la saison creuse, qui s’étend de novembre à avril. C’est pourquoi Karthago cherchait depuis plus d’un an à étendre ses activités dans des pays touristiques où la saison haute correspond à la saison basse tunisienne.   Tel est le cas de l’Égypte où le groupe Sawiris est un important opérateur touristique dans les stations de Charm el-Cheikh et de Hurgada, très fréquentées en hiver. Le capital de Koral Blue, fixé à 10 millions de dollars, est détenu à hauteur de 65 % par Belhassen Trabelsi, de 10 % par Karthago et de 25 % par Sawiris.    (Source : JA/L’Intelligent N°2351 du 29 janvier au 4 février 2006)

 

Quand le Maghreb vieillira

par SAMIR GHARBI   L’évolution de la pyramide des âges dans les pays maghrébins est rarement analysée. Pourtant, elle est révélatrice de l’évolution globale des sociétés et de ses contraintes économiques, sociales et financières, avec ses incidences sur la population active (en âge de travailler), la productivité économique, la sécurité sociale (santé, retraite…), l’éducation, les loisirs, les transports, la sécurité…   Ces statistiques ne sont malheureusement pas faciles d’accès. Nous avons eu recours aux prévisions du Bureau démographique américain qui scrute la population de tous les pays de la planète…   Pour les trois pays du Maghreb central – Algérie, Maroc et Tunisie -, la population totale devrait évoluer de 75 millions d’habitants en 2005 à 95 millions en 2025. Le nombre des personnes âgées de 60 ans et plus devrait passer de 5,4 à 11,8 millions. En pourcentage, le poids de cette catégorie augmentera de cinq points, de 7,2 % à 12,5 %. La progression la plus importante sera enregistrée en Tunisie : + 7 points ?(de 9 % à 16 %).   Les moins de 20 ans constituent aujourd’hui 40 % de la population tunisienne et 46 % de celles du Maroc et de l’Algérie. Ils seront moins nombreux demain, mais il faut s’en préoccuper dès aujourd’hui pour préparer leur insertion professionnelle, sociale et familiale… et éviter les conflits de générations sinon les conflits politiques.   (Source : JA/L’Intelligent N°2351 du 29 janvier au 4 février 2006)

« Héros de Tunisie », la geste des tirailleurs de l’armée française

 

Par Pierre LANFRANCHI  AFP, le 31.01.2006 à 05h13 TUNIS, 31 jan 2006 (AFP) – Deux auteurs français rendent hommage  aux 100.000 Tunisiens qui servirent dans l’armée française de la fin  du 19e siècle à l’indépendance de leur pays en 1956, pour réparer un  certain oubli de leur participation en première ligne aux deux  guerres mondiales et à la libération de l’Europe.   Ouvrage richement illustré de photographies, cartes, fac-similés  de documents d’identité et autres journaux de marche, « Héros de  Tunisie » raconte la geste peu connue des spahis, tirailleurs et  zouaves venus du plus petit des pays du Maghreb.   De la guerre de Crimée (1854-55) à celle d’Indochine (1948-54),  ils partagèrent leur destin avec celui de la France, comme le  racontent le documentaliste Eric Deroo, chercheur associé au Centre  national de la recherche scientifique et un historien spécialiste de  géopolitique, Pascal Le Pautremat.   Certains ont écrit des pages de légende, comme le commandant  Ahmed El Abed, premier militaire de l’armée française à pénétrer en  Allemagne, en 1945.   Alors adjudant-chef dans l’une des plus prestigieuses unités de  l’Armée d’Afrique, le 4ème Régiment de tirailleurs tunisiens (RTT),  il franchit à gué les eaux glacées de la rivière Lauter, en Alsace,  pour bousculer à la tête de quelques dizaines de combattants une  unité de la redoutable S.S. et s’emparer, le 14 mars, du village de  Scheinbenhard. La première tête de pont française sur le territoire  du IIIe Reich était installée.   Faisant partie des rares officiers dans l’armée française  originaires du Maghreb, le commandant El Abed servit ensuite dans  l’armée tunisienne.   Aux côtés de troupes algériennes et marocaines encadrées par les  Français libres de la 1ère Armée, le « 4è Tunisien » avait notamment  livré, en 1943, les héroïques combats de Monte Cassino, en Italie. L’année suivante, il débarquait en Provence avec d’autres  régiments de Tunisiens pour participer aux libérations de Marseille,  puis de Paris et à « toutes les campagnes décisives contre les forces  allemandes » jusqu’à la victoire finale, soulignent les auteurs.   Ils relatent les sacrifices consentis durant la « Grande guerre »  (1914-18) dans laquelle, selon le ministère de la Guerre, 16.509 des  62.461 Tunisiens engagés sont « morts pour la France ».   Mettant en exergue la qualité de ces « solides combattants »,  « remarqués par leur excellence dans le métier des armes » dès le 16e  siècle, sous l’empire ottoman, Deroo et Le Pautremat soulignent que  les Tunisiens ont, dans des conditions souvent inhumaines, toujours  « témoigné des meilleures vertus militaires: rusticité, endurance,  courage, discipline, fidélité aux chefs et à leurs engagements ».   Ils insistent aussi sur les différences de traitement observées  au sein des troupes coloniales. Une photographie de la soixantaine de cadres du 8ème RTT en 1920  « illustre bien l’absence de promotion aux grades d’officiers  supérieurs des officiers tunisiens ». Arborant souvent les mêmes  décorations que leurs camarades français, généralement gagnées sur  les champs de bataille de 1914-18, « aucun d’entre eux n’a dépassé le  grade de lieutenant ».   Publié alors que les Français débattent de la « mémoire  coloniale », le livre veut « rappeler aux jeunes issus de  l’immigration qu’il y a une histoire commune ancienne et que leurs  grand-pères étaient les héros de Verdun (ce qui) est tout de même  plus valorisant que de leur dire qu’ils étaient les exclus de la  société française », a déclaré Deroo au magazine tunisien Réalités.   « A l’heure où de chaque côté de la Méditerranée les jeunes  générations exigent d’accéder à cette mémoire, le passé militaire  des tirailleurs tunisiens est riche de grandeur, de sacrifice,  d’enseignements pour l’avenir », écrivent les auteurs en conclusion.   (« Héros de Tunisie – Eric Deroo et Pascal Le Pautremat –  Editions Cérès, 176 pages)

 

Patrimoine

La mosquée Ouelhi de Djerba, saccagée

Fatah THABET   Quel commentaire faire ? Comment se fait-il qu’un lieu de cette importance historique, restauré en grande partie, soit ainsi laissé à l’abandon , sans protection d’aucune sorte, même pas une porte dissuasive ?   Signes de profanation: Une mosquée abandonnée sur le plan du culte; elle devient une sorte de « décharge » publique: ordures abandonnées par les « campeurs », traces de braseros nocturnes et, sur les murs, des dessins au charbon de bois, d’une grossièreté et d’une obscénité peu communes.   En allant d’Houmt-Souk vers Ajim, juste à la sortie d’El Groô  à gauche, une  nouvelle route goudronnée mène à Oued Z’Bib. On est accueilli au premier virage, au bout d’une centaine de mètres de piste, par  une petite mosquée, d’une beauté  rarissime, d’une  blancheur aveuglante, la mosquée  El Jadria. Un peu plus  loin, à l’angle de la vieille  huilerie, une piste bien  cahotique, semée de pierrailles, nous mène à la mosquée Ouelhi.   Un haut lieu de l’histoire et de la culture ibadhites. Située sur la colline la plus haute du coin, d’où on voit nettement la cuvette d’El Khénannsa, verte d’herbe cet hiver, un  observatoire idéal pour voir la mer et  ceux qui accostent de ce côté de l’île. Un lieu  stratégique sans équivoque. Les documents  en possession  de l’Association de Sauvegarde de Djerba, indiquent que le monument fut érigé au 13°  siècle, du temps du  Cheïkh Yaïch Ben Moussa et sous  l’autorité  de Mohamed Ben Ahmed Essédghyani. Un lieu d’études théologiques et d’érudition, au moment  même où l’île  devait faire face  aux coups de force  des envahisseurs  dirigés par De Noria pour le compte des  rois de Sicile. Trois bâtisses rapprochées entourant un espace central. La mosquée elle-même, surélevée par rapport à la salle des prières extérieure, les dépendances avec une salle d’ablutions. Des restes d’immenses impluviums  nécessaires  pour récupérer chaque goutte de pluie pour  avoir des réserves d’eau suffisantes en cas de siège. Les souterrains encore là, démontrent la nature défensive du bâtiment, confirmée par  l’absence totale d’ouvertures  sur l’extérieur, une constante dans toutes  les mosquées ibadhites.  De la  même façon, aucun minaret ne vient indiquer l’existence d’un lieu de culte. En  regardant vers la mer, une autre mosquée, un peu plus  visible  de loin, plus haute aussi, comme une tour de guet, Sidi  Aïch.   Citée plutôt  comme étant la mosquée de Oued Z’Bib, La mosquée Ouelhi a évidemment  subi les blessures de  l’histoire, conséquences de toutes les  luttes pour la conquête de Djerba, site considéré, par toutes les puissances maritimes, comme stratégique pour le contrôle de la Méditerranée sud. Les différentes voûtes des salles  de prière extérieures  portent encore aujourd’hui sur  le plâtre des enduits, malgré l’usure du temps et les multiples détériorations, des  inscriptions, une calligraphique en relief indiquant qu’au 16° siècle, une importante restauration, ou extension, eut lieu. On peut y lire très clairement, après les remerciements à Dieu et  une bénédiction au Prophète, les noms des artisans Ahmed Ben Yahia, surnommé « El Jazzar », et les frères  Saïd et Salem Ben Abderrahman El Kallel. Depuis, son histoire tombe dans l’oubli et l’anonymat, elle devient juste un lieu de culte  comme tous les autres, à la disposition des habitants de Oued Z’Bib.   Dans son  action de recensement des monuments du patrimoine culturel et historique, L’ASSIDJE se rend compte de l’état d’abandon et de décrépitude dans lesquels se trouve  l’ensemble du site. En  1999, une restauration est entreprise grâce au concours de l’Institut National du  Patrimoine. L’essentiel du bâti est sauvé, les enduits en partie refaits, les toitures et les voûtes consolidées,  les citernes, « les majels »,  désensablés, les environs nettoyés, le petit muret d’enceinte, limite du territoire, remis en état.  Mais par l’insuffisance des subventions allouées, le peu de moyens matériels et humains mis  à disposition, l’action de restauration s’est arrêtée là, en attendant des jours meilleurs.   Les  « trois satans »!!!   Depuis cette date, la mosquée étant inactive au niveau du culte, l’Association ne rate pas une occasion pour organiser des visites à  l’intention des élèves , des étudiants, des chercheurs tunisiens et étrangers, pour faire connaître des lieux si importants et hors circuits touristiques classiques. Et lentement, les premiers signes de profanation se firent jour : ordures de  toutes sortes abandonnées dans les recoins  par des « campeurs »  occasionnels,  traces de braseros nocturnes, utilisation des  locaux couverts comme bergerie  par des pâtres de  passage ou par le voisinage indélicat.                 Pire, des dessins, au charbon de bois, représentant des  scènes d’une grossièreté peu commune, accompagnées de commentaires  d’une  obscénité indescriptible couvrent encore, à ce jour, les murs des dépendances, de la midha, le lieu réservé aux ablutions.  Ces profanateurs  n’hésitent pas à signer ces représentations horribles : « les trois satans », ainsi s’auto-surnomment-ils !!! Inutile de parler des cadavres de cannettes de bière,  dans quelques recoins. Plus encore l’Association de Sauvegarde a appris que les colonnes de pierres taillées qui soutiennent les voûtes des bâtiments extérieurs ont été descellées et volées.  Oui, volées !!! Vu leurs poids et leurs tailles, ce ne  peut être qu’une action commando, étudiée, préparée et organisée, avec  outils, matériels  et moyens de transport   adéquats. Juste pour « casser » ?? Non, il faut tomber de la dernière pluie pour ne  pas voir  derrière cet acte, une« commande » : maintenant qu’il est à la mode d’avoir, dans les maisons , des « antiquités », des  « vieilles pierres », il serait étonnant qu’on vienne, de nuit, avec les risques encourus, voler ces pierres, juste pour le plaisir de démolir une mosquée, si ce n’est pour les vendre à bon prix.   Ainsi, après la razzia faite sur les bijoux traditionnels en argent, sur les vieux coffres, sur les tapis, sur les bakhnougs, maintenant ce sont les vielles portes, les ferronneries, les grilles en fer forgé à l’ancienne, les vieux carrelages des demeures en ruines ou vouées à la démolition, les colonnes,  les pierres, les arcs de voûtes, qui sont « récupérés » des menzels abandonnés, et proposés à la vente, parce qu’il y a acheteur !!! Tous ceux qui croient qu’il est de bon ton  «d’intégrer » une vieille pierre dans la structure moderne de leurs luxueuses villas sont preneurs. Acheter même dans l’ignorance de la provenance de ces objets est du recel et sanctionné par la loi. Il suffit de prendre la route de Guellala pour voir sur les hauteurs, fleurir d’affreuses constructions,  en forme de cercles, faites de ces pierres et colonnes « récupérées » des anciens fours détruits ou abandonnés : un vrai décor de carton-pâte pour touriste  ordinaire. Comment laisser faire ce saccage au nom de l’activité économique ? Le vol des pierres de soutien de la mosquée Ouelhi s’inscrit dans cette nouvelle donne: vendre ce qu’on peut vendre. Même le patrimoine ou ce qui en reste ?   A qui le tour ?   Evidemment l’ASSIDJE a  informé les autorités locales et régionales de ces saccages, de ces vols, de ces déprédations, de ces profanations. L’Institut National du Patrimoine et l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de la Promotion Culturelle ont été mis au courant.   Tout cela fait suite à la série de profanations de quelques mosquées  de Djerba, il y a quelques temps.. Encouragés par la non réaction devant tous les actes de vandalisme répertoriés, recherche de trésor à Ghar Mejmej, au cimetière Bou N’Khil à Oualegh, Sidi Yati, Faahmine, à Ouelhi même au vu des fouilles sauvages faites dans la salle souterraine, des vols déjà effectués ailleurs, ces bandes, parce que cela ne peut-être le fait d’un individu isolé, iront plus loin et s’attaqueront à d’autres parties de notre patrimoine. Où est le respect du sacré ? Comment protester contre d’odieuses caricatures publiées dans ce journal danois lorsque des crimes de cette nature sont commis dans nos propres mosquées ? Que d’aussi horribles faits soient commis dans ces enceintes disent long sur la vision que certains ont de notre identité. Que dire, quelles explications donner à tous ces visiteurs qui découvrent ces horreurs sur les murs de ces lieux faits pour la prière, le recueillement ?   Quel commentaire faire ? Comment se fait-il qu’un lieu de cette importance historique,  restauré en grande partie, soit ainsi laissé à l’abandon , sans protection d’aucune sorte, même pas une porte dissuasive ? Il n’est pas des prérogatives de l’Association d’assumer le gardiennage des lieux qu’elle essaie de sauver de l’oubli ou de la ruine. Il appartient à tous, associations, citoyens,  autorités tous services confondus, de veiller à ce patrimoine,  chacun selon ses compétences. Faire prendre conscience de cet état de fait est d’une urgence absolue. Les habitants des lieux d’abord, qui doivent être les premiers à se soucier de la protection de ce qui est leurs racines. L’école ensuite,  dont le rôle n’est pas de se  contenter de quelques sermons , mais surtout d’organiser, de façon régulière, des visites à tous ces lieux délabrés, vandalisés, visites commentées par des spécialistes de la chose. Les médias enfin, et surtout la télévision qui doit sensibiliser et dénoncer ces faits par des émissions hebdomadaires, montrer ces profanations, ces vols. Il faudrait également qu’elle soit  relayée, de façon  quotidienne, par les journaux qui consacreraient une rubrique quotidienne, ouverte à tous, réservée à l’information sur les atteintes au patrimoine dans tout le pays.   Bien sûr on ne va pas mettre un policier derrière chaque vieille pierre, mais on peut augmenter  quelques budgets de restauration, desserrer un peu plus les cordons de certaines bourses pour re-ventiler les priorités. Il ne suffit pas de « reconstruire »  des murs, et de remettre de l’enduit. Restaurer, c’est aussi redonner vie à des monuments, à des sites, c’est les intégrer dans la vie culturelle. Il  est temps de jeter un regard sur ces lieux d’une valeur historique inestimable, situés  en retrait des grands axes de circulation. On sait que d’autres pans de ce patrimoine, aussi importants que la mosquée Ouelhi, subissent, aujourd’hui, encore,  les mêmes outrages. A bon entendeur, salut.   (Source : « Le Temps » du 6 février 2006)

  3 questions à : Hamadi Redissi Universitaire

«Si le Hamas réussit, c’est une tragédie collective »

 

Inclassable, avec des idées difficiles à mettre dans un moule idéologique, fervent critique des trois expériences connues par les intellectuels arabes : le Stalinisme, l’Arabisme et l’Intégrisme, Hamadi Redissi, universitaire repense la question de l’Islam Politique au Moyen – Orient et ailleurs avec une vision multidisciplinaire. C’est déjà une originalité et une réponse à la position américaine par un intellectuel tunisien.   Le Temps : Comment expliquez-vous le succès de Hamas dans les dernières législatives palestiniennes ?   Hamadi Rédissi : « Il me semble que la raison commande d’abord d’exclure l’argument avancé un peu rapidement qui consiste à imputer à « la corruption » du Fatah la responsabilité de l’échec. Bien au contraire, jamais dans l’histoire des mouvements de libération direction n’a eu autant de légitimité. Or, tout se passe, avec cette dernière élection, comme si le leadership historique a été rattrapé par les problèmes de la postindépendance, c’est-à-dire en l’espèce la montée de l’islam radical. Ceci m’amène à penser que même si la légitimité de cette direction s’est érodée, il n’est pas exclu qu’elle reprenne  le pouvoir, plus rapidement qu’on ne le pense, d’ailleurs, parce que l’islam radical est imbattable dans la protestation, mais incapable de gérer en général l’Etat et encore moins la complexité de la question palestinienne. Je ne tiens pas non plus l’entêtement israélien pour une explication de la victoire du Hamas car le refus israélien des concessions est une constante et non une variable. Et je ne vois pas comment le Hamas qui a trop promis sera à même d’infléchir la politique israélienne, sauf par des bombes ! Mais alors nous reviendrions à la case départ. On n’a pas été assez vigilant sur les opérations kamikazes. Et regardez ce qui se passe maintenant ! Tous se rappellent que le Hamas est extrémiste ! Il n’y pas longtemps, celui qui avait des réserves sur les opérations kamikazes passait pour un suppôt de « l’impérialisme ». Le peuple palestinien, à juste titre, excédé, a opté pour le pire, mais le scénario a lieu ailleurs, où la situation n’était pas si catastrophique, en Iran, en 1979, et en Egypte récemment etc.   * La région du Proche Orient, foyer de toutes les religions monothéistes, connaît une avancée de l’islam politique. Votre sentiment à ce propos surtout sommes-nous menacés   au Maghreb?   – Grande question ! Partons de ce qui vient de se passer en Palestine : voici un mouvement qui ne reconnaît pas Israël, et qui se propose dans son programme électoral d’appliquer la Charia (point 19 de la plate forme électorale)  et qui emploie des moyens illégitimes en surfant sur le malheur du peuple palestinien. Et puis, après la victoire, d’excellents experts et de politiciens respectables tablent sur son « réalisme » ! Cela veut dire quoi ! Cela veut dire que la fin du politique et les moyens de la politique sont à jamais dissociés. Désormais, n’importe quel groupe démagogique peut surenchérir sur la justice immanente du ciel et puis après, une fois il est plébiscité par une plèbe en rage, il met les pieds sur terre et négocie. Il y aura des experts pour faire le décompte des dommages collatéraux.  Dans ces conditions, si le Hamas réussit, c’est une tragédie collective, car il aura montré le chemin : vendez l’islam le plus extrémiste et puis le principe de réalité finira par l’emporter sur le principe du plaisir. Alors faites pareil : plus on est fou, plus on s’amuse.  Mais si le Hamas échoue, ce qui est plus probable, la situation des palestiniens va empirer.  Ceci est une grande allégorie de ce qui se passe dans le monde arabe, voire islamique : la lame de fond islamiste (même si les islamismes ne sont pas identiques), a sûrement des causes sont aussi bien structurelles et culturelles. Néanmoins, elle exprime aussi la déficience du politique, l’irresponsabilité des élites et l’indigence de l’opinion publique. On nous dit qu’il faut intégrer les islamistes au jeu politique. Soit. Mais alors pas pour qu’il y ait une seule élection transparente et loyale et c’est tout ! L’élection n’est pas la révolution et la démocratie n’est pas qu’un simple jeu de procédures. Sur ce point un grand travail pédagogique est nécessaire pour tous les acteurs.       Quant au Maghreb, le Maroc et l’Algérie ont coopté des mouvements islamiques modérés dans le jeu parlementaire et ont exclu les extrémistes (Al adl wal Ihsen au Maroc et le FIS en Algérie). Afin qu’on s’adresse à armes égales à l’électorat, la cooptation suppose que les islamistes révisent leurs prétentions à la baisse avant d’accéder au pouvoir (et non l’inverse) et qu’ils acceptent de jouer un rôle subalterne dans un jeu politique pour un temps déréglé, accordant « une rente viagère » aux élites historiques. En somme, éviter l’erreur Hamas : être surpris par la  victoire. La Tunisie a choisi provisoirement la voie de l’exclusion, qu’il est difficile de défendre. Mais le partenaire d’en face est aussi obstiné : rien dans la littérature islamiste on line ne montre que le mouvement ait fait un quelconque progrès par rapport au noyau radical des années de plomb.  L’intégration des islamistes ne se pose pas dans les mêmes conditions dans les trois pays maghrébins du fait que seule la Tunisie doit résoudre une équation à trois termes : la démocratisation, la stabilité et la sécularité. Aussi loin qu’il puisse aller dans la sécularité, le Maroc demeure solidement tributaire d’une   légitimité traditionnelle, tandis que l’Algérie, grâce à sa rente pétrolière, ne peut pas craindre le chaos.   * On parle beaucoup de troisième voie : où en sont ses éventuels acteurs ?   – Je vous surprendrai peut-être en vous disant qu’ils sont partout et nulle part. Ils sont dans toutes les formations politiques, y compris dans une partie des élites au pouvoir qu’on appelle les « soft-liners » (les partisans de la ligne modérée par opposition aux hard-liners, les partisans de la ligne dure et éradicatrice). Partout, dans toutes les couches sociales, existent des gens qui croient aux valeurs de la démocratie et des droits de l’homme parce que ces valeurs ont une grande attraction, un potentiel de vérité philosophique, une légitimité sociale et une viabilité économique. Nulle part, car eu égard à la polarisation de la vie politique, « la troisième force » est faible et ses représentants, très peu nombreux. Cas typique : le mouvement Kifaya en Egypte. Pis, le libéralisme politique (à ne pas confondre avec le libéralisme économique) tend vers zéro dans le monde islamique. Cas typique : la question de la liberté religieuse. Enfin, nul ne sait comment, dans des conditions de transparence démocratique, les forces sociales réagissent et les forces politiques se repositionnent. Je ne suis pas sûr que le Hamas soit un bon observatoire, mais il est un exemple à méditer pour tout islam qui ne veut pas miser sur le pire.   Propos recuillis par Hassine BOUAZRA   (Source : « Le Temps » du 6 février 2006)

 

 

Le Danemark dépassé par une crise inédite

Olivier Truc

 

COPENHAGUE ENVOYÉ SPÉCIAL

 

Après les incendies des représentations diplomatiques danoises à Damas puis à Beyrouth, le ministre des affaires étrangères danois Per Stig Moeller a déclaré, dimanche 5 février dans l’après-midi, que la situation était « critique ». Le Danemark se retrouve confronté à une crise d’une ampleur sans précédent et qui le dépasse complètement. Dimanche, l’ambassadeur d’Iran à Copenhague a été rappelé. Il est le quatrième ambassadeur à quitter le pays. « C’est une crise qui est bien plus grande que le Danemark, a déclaré M. Moeller. Cette crise est une attaque contre la coopération entre les mondes occidentaux et musulmans. »

 

Tandis que les patrouilles de police sont très présentes dans les rues de la capitale danoise, les manifestations organisées samedi dans la région de Copenhague sont un signe de cette nervosité ambiante. Leur ampleur a été très limitée, une quarantaine de néo-nazis appelant le Danemark « à tenir bon ». Mais les fausses nouvelles qui les accompagnent peuvent avoir un effet dévastateur. Comme lorsque, mercredi 1er février, des rumeurs ont circulé que des Coran devaient être brûlés. Samedi, la police a formellement démenti que le moindre Coran ait été brûlé et, dimanche, Per Stig Moeller l’a encore répété, à l’adresse du monde musulman, tandis que 700 personnes manifestaient à Copenhague « pour la paix » devant les locaux du journal Jyllands-Posten, qui a publié les douze caricatures de Mahomet le 30 septembre 2005. De nombreux musulmans danois ont également condamné les incendies.

 

 

OFFENSIVE DIPLOMATIQUE

 

Alors que des ressortissants danois sont revenus de Syrie, d’autres ont choisi de rester sur place ou au Liban. Le gouvernement danois leur a conseillé de rester enfermés chez eux. Des milliers de touristes danois ont par ailleurs annulé leur voyage en Egypte, au Maroc et en Tunisie.

 

Parallèlement, le Danemark a lancé une vaste offensive diplomatique. L’Organisation de la conférence islamique vient d’accepter la proposition de M. Moeller d’organiser une rencontre en Arabie saoudite afin d’essayer d’apaiser la situation. Le chef de la diplomatie danoise a également contacté le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, ainsi que ses homologues égyptien, américain et britannique.

 

Mais la condamnation par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne des incendies ne suffira sans doute pas à masquer l’amertume des Danois après les critiques extrêmement fermes par les mêmes responsables américains et britanniques de la publication des dessins. Pour le Danemark, qui a fondé sa politique étrangère sur une ligne atlantiste au point d’être parfois surnommé « la voix de l’Amérique », cela marque, note le quotidien Information, « la ruine » de sa politique étrangère, au moment où il aurait pu espérer récolter les fruits de sa fidélité.

 

(Source : Article paru dans l’édition du journal « Le Monde » (France) datée le 07.02.06)


 

L’intellectuel musulman Tariq Ramadan livre son analyse critique au «Temps»

«Les musulmans doivent apprendre à prendre une distance intellectuelle critique»

 

Propos recueillis par Stéphane Bussard

  

Le Genevois Tariq Ramadan, en déplacement au Maroc, s’exprime sur la vive controverse qui secoue aussi bien l’Occident que le monde arabo-musulman.

 

Le Temps: Que révèle cette affaire, qui a désormais une résonance mondiale?

 

Tariq Ramadan: Il faut d’abord savoir deux choses: l’islam interdit la représentation de Dieu et des prophètes par respect autant que pour éviter la tentation d’idolâtrer l’image. Il s’agit d’un fondement de la foi. Par ailleurs, le fait de rire ou de se moquer du fait religieux est étranger à l’univers des musulmans, et ce quelle que soit la religion.

 

– Les réactions musulmanes semblent néanmoins disproportionnées.

 

– Ces caricatures ont été perçues comme une transgression ajoutée à une insulte et une provocation. La réaction des musulmans est néanmoins excessive et disproportionnée. Ces dessins datent de trois mois et des Etats musulmans, en mal de légitimité islamique, ont voulu se présenter en champions de la cause islamique et ont attisé la flamme. Des musulmans, pratiquants ou non, excédés par l’image que l’on donne de l’islam dans les médias occidentaux, se sont laissé emporter par l’émotion. Ce n’est pas sage et cela ne fera qu’accentuer les malentendus.

 

– En Occident, et en Europe en particulier, ces réactions butent néanmoins sur une totale incompréhension. Comment l’expliquez-vous?

 

– C’est vrai, et il faut donc éviter les explications simplistes: il ne s’agit pas d’un conflit entre la liberté d’expression et le dogme religieux. Ce que certains musulmans demandent, ce n’est pas plus de censure, mais un usage plus sage de la liberté d’expression. De leur côté, ils doivent comprendre qu’il existe une tradition, de Voltaire à Hugo jusqu’aux littératures contemporaines à travers l’Occident, de se moquer du fait religieux. Ils doivent apprendre à prendre une distance intellectuelle critique et passer outre calmement tout en expliquant leur point de vue.

 

– Les musulmans qui ont réagi aux caricatures évoquent un manque de respect de leur foi. Qu’en est-il de leur respect à l’égard de la liberté d’expression ou des autres religions dans les pays arabo-musulmans?

 

– Il faut que les uns et les autres nous apprenions l’autocritique. Il est vrai qu’il existe des traitements injustes et discriminatoires dans les sociétés majoritairement musulmanes que les musulmans ne dénoncent pas assez. Ils doivent s’exprimer. Cela étant, le respect de l’autre n’est pas une affaire de réciprocité mais une question de principe: ce n’est pas parce que des dictatures ne respectent pas des minorités religieuses que les démocraties, en miroir, devraient pouvoir faire de même. Les acquis de l’Etat de droit permettent aux musulmans d’exprimer leurs sentiments en Occident, ils doivent le reconnaître et, de là où ils se trouvent, ils ont l’obligation éthique de dénoncer toutes les dérives discriminatoires qui ont cours en leur nom dans le monde musulman.

 

– Le droit à la liberté d’expression telle que pratiquée en Occident est donc relatif…

 

– Le droit à la liberté d’expression n’a jamais été absolu. Il y a des lois qui interdisent les propos racistes, par exemple. De plus, chaque société a des règles qui lui sont propres vis-à-vis du respect du religieux ou des appartenances culturelles. A l’intérieur du cadre légal, il est demandé à chacun de faire un usage raisonnable de son droit à l’expression en gardant à l’esprit les sensibilités qui composent sa société. Les sociétés européennes ont changé, la sensibilité musulmane y est présente: il ne s’agit pas d’imposer des lois, mais simplement de s’ouvrir sagement à une nouvelle sensibilité. Transformer cette affaire en un bras de fer entre les tenants du droit à tout dire et «les religieux» est stupide et dangereux.

 

– Quels sont vos remèdes pour prévenir ce type de crise «culturelle»?

 

– Que les uns et les autres prennent de la distance. Que nous comprenions que nous avons plus de choses en commun que des différences irréconciliables. La majorité d’entre nous chérit la liberté d’expression, la diversité et le dialogue: établissons ces principes en n’oubliant jamais d’être en toutes circonstances raisonnable dans l’affirmation de ce que nous sommes et de ce que nous croyons.

 

– Il n’en demeure pas moins que le mur d’incompréhension qui s’est érigé entre Occidentaux et musulmans semble alimenter la thèse de Huntington selon laquelle on assiste à un choc des civilisations…

 

– Dire et répéter cela nous conduit à donner corps à cette prophétie du malheur. Non, il ne s’agit pas de cela. Ce n’est pas la fracture entre deux univers mais deux fractures dans chacun des univers entre ceux qui cherchent à se décentrer, à écouter le point de vue de l’autre et à entrer dans un dialogue critique et constructif et ceux qui ont une approche exclusive de la vérité, qui se définissent contre l’autre et ont une vision binaire du monde.

 

– La polémique des caricatures va-t-elle avoir de graves conséquences sur les relations entre musulmans et Occidentaux?

 

– Oui, bien sûr, et tout le monde le sent. La situation nous échappe et on a l’impression que nous sommes emportés par une folie aveugle qui, à terme, fera le jeu des extrêmes. A droite, avec les discours qui présentent les musulmans comme «inintégrables» et jouent sur les peurs. De l’autre, les musulmans radicaux qui ne manqueront pas de vouloir prouver que l’Occident en a contre l’islam quand on défend le droit à présenter leur prophète avec un turban en forme de bombe. Nous n’avons donc ni le droit de nous taire en face de ces excès ni d’en rajouter en terme de provocations aussi stupides que méchantes.

 

– Les Etats européens semblent tous désemparés par rapport à la manière dont ils doivent appréhender l’islam. Doivent-ils se concerter davantage?

 

– Il est très difficile pour eux de trouver une attitude commune, les mentalités et les approches diffèrent entre la Suisse, l’Angleterre, le Danemark ou la France. On sent un malaise partout, mais on ne réglera pas cette affaire en continuant à insister sur deux entités monolithiques. Beaucoup d’Occidentaux sont mal à l’aise et sentent qu’on va inutilement trop loin. Le même sentiment traverse les musulmans: il faut que ces esprits se rencontrent.

 

– Le problème n’est pas qu’européen. Vous qui êtes un «passeur» entre l’islam modéré ou fondamentaliste et l’Occident, ne jugez-vous pas nécessaire un vrai débat interne à l’islam. Les catholiques, les protestants ont ce débat. Pourquoi pas l’islam?

 

– J’essaie de faire communiquer rationnellement et raisonnablement deux univers qui deviennent de plus en plus sourds l’un à l’autre. Par ailleurs, oui, le monde musulman doit se questionner sur ses principes et les nécessaires réformes, mais cela doit se faire de l’intérieur, de façon libre et autonome et non sous l’imposition de l’Occident, qui aimerait façonner un islam qui lui conviendrait. Il faut une réforme qui se marie à la liberté et à l’autonomie.

 

– Pour conclure, une caricature satirique de Jésus vous choquerait-elle?

 

– Choquer? Non, je m’y suis habitué mais cela ne me plaît pas. Je l’exprimerais, puis je passerais mon chemin. J’aime rire et sourire, mais pas de n’importe quoi.

 

(Source : « Le Temps » (Suisse), le 6 février 2006)

URL: http://www.letemps.ch/template/international.asp?page=4&article=173581

 


 

Don’t be fooled, this isn’t an issue of Islam versus secularism

By: Robert Fisk    So now it’s cartoons of the Prophet Mohamed with a bomb-shaped turban. Ambassadors are withdrawn from Denmark, Gulf nations clear their shelves of Danish produce, Gaza gunmen threaten the European Union. In Denmark, Fleming Rose, the « culture » editor of the pip-squeak newspaper which published these silly cartoons – last September, for heaven’s sake – announces that we are witnessing a « clash of civilisations » between secular Western democracies and Islamic societies. This does prove, I suppose, that Danish journalists follow in the tradition of Hans Christian Anderson. Oh lordy, lordy. What we’re witnessing is the childishness of civilisations.   So let’s start off with the Department of Home Truths. This is not an issue of secularism versus Islam. For Muslims, the Prophet is the man who received divine words directly from God. We see our prophets as faintly historical figures, at odds with our high-tech human rights, almost caricatures of themselves. The fact is that Muslims live their religion. We do not. They have kept their faith through innumerable historical vicissitudes. We have lost our faith ever since Matthew Arnold wrote about the sea’s « long, withdrawing roar ». That’s why we talk about « the West versus Islam » rather than « Christians versus Islam » – because there aren’t an awful lot of Christians left in Europe. There is no way we can get round this by setting up all the other world religions and asking why we are not allowed to make fun of Mohamed   Besides we can exercise our own hypocrisy over religious feelings. I happen to remember how, more than a decade ago a film called The Last Temptation of Christ showed Jesus making love to a woman. In Paris someone set fire to the cinema showing the movies, killing a young man. I also happen to remember a US university which invited me to give a lecture three years ago. I did it was entitled « September 11 2001: ask who did it but for God’s sake don’t ask why ». When I arrived I found the university had deleted the phrase « for God’s sake » because we didn’t want to offend sensibilities.   Had that cartoon of the Prophet shown instead a chief rabbi with a bomb shaped hat, we would have had ‘anti-Semitism, » screamed into our ears – just as we often hear the Israelis complain about anti-Semitic cartoon in Egyptian newspapers.   Furthermore in some European nations – France is one, Germany and Austria are among the other it is forbidden by law to deny acts of genocide. In France for example it is illegal to say that the Jewish Holocaust or the Armenian Holocaust did not happen. So it is in fact impermissible to make certain statements in European Nations. I am still uncertain whether these laws attain their objectives, however much you may prescribe Holocaust denial, anti-Semites will always try to find a way round. We can hardly exercise out political restraints to prevent Holocaust deniers and then start screaming about Secularism when we find that Muslims object to our provocative and insulting image of the Prophet.   For many Muslims the « Islamic » reaction to this is an embarrassment. There is good reason to believe that Muslims would like to see some element of reform introduced to their religion. If this cartoon had advanced the cause of those who want to debate this issue, no-one would have minded. But it was clearly intended to be provocative. It was so outrageous that it only cause reaction.   And this is not a great time to heat up the old Samuel Huntingdon garbage about « clash of Civilisation ». Iran has now a clerical government again. So to all intents, and purposes, does Iraq (which was not supposed to end up with a democratically elected clerical administration, but that’s what happens when you topped dictators). In Egypt, the Muslim Brotherhood won 20 per cent of the seats in the recent parliamentary elections. How we have Hamas in charge of « Palestine ». There’s a message here, isn’t there? That American’s policies – regime change in the Middle East – are not achieving their ends. These millions of voters preferring Islam to the corrupt regimes which we imposed on them.   For the Danish cartoon to be dumped on top of this fire is dangerous indeed.   In any event it is not about whether the Prophet should be pictured. The Quran does not forbid images of the Prophet even though millions of Muslims do. The problem is that these cartoon portrayed Mohamed as a bin Laden-type image of violence. They portrayed Islam as a violent religion. It is not. Or do we want to make it so?   (Source: The Independant (Grande Bretagne), le 4 février 2006)  


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