TUNISNEWS
7 ème année, N° 2478 du 05.03.2007
L’ édito de l´Audace: La Bande des Quatreet la liberté d’informer L’Audace: Corruption AFP: Assassinat d’un ex-ministre belge en 1991: ouverture du procès d’un complice AFP: Attentat de Djerba: jugement confirmé pour le complice du kamikaze tunisien AP: Tunisie: confirmation du jugement prononcé contre le complice dans l’attentat de Djerba AP: Tunisia court upholds 20-year prison term for accomplice in synagogue bombing AP: La sécurité dans le domaine des transports, une priorité des pays euro-méditerranéens AFP: Washington ne demande pas de base militaire en Algérie (ambassadeur) Reuters: Algérie – Sept policiers tués dans une embuscade AFP: Algérie: sept gendarmes tués dans une attaque islamiste en Kabylie (nouveau bilan) African Mananager : Tunisie : Arrêtez cette gabegie Monsieur le Président ! African Mananager : Ouvrir un débat sur les créances classées ! Le Temps: Présidentielle française (1/2) – Sarkozy et… nous Réalités: Sana Ben Achour : Pour une refondation de la gauche démocratique Réalités: Antoine Basbous « La démocratie, oui mais après une longue préparation » Réalités : Jean Duvignaud n’est plus : La sociologie en deuil AP: Dans le Rhône, le collège-lycée musulman Al-Kindi fait sa rentrée avec une classe de sixième Le Monde: Le général Aussaresses confirme que le chef du FLN à Alger, Larbi Ben M’Hidi, a été pendu The New York Times: Basra Raid Finds Dozens Detained by Iraq Spy Unit
L’ édito de l´Audace
par Slim Bagga
Beaucoup de bruit dans le landerneau politique et de rumeurs ont suivi les fusillades de fin décembre 2006 et début janvier 2007 en Tunisie. On a ainsi prétendu que tel ministre influent a été prié de rester chez lui, que tel autre intriguant a chuté et que des têtes allaient être sacrifiées au sein des services de sécurité (ministère de l’Intérieur et Sécurité présidentielle). Chacun y allait de son « information » à la source crédible et de son pronostic.
En vérité, rien n’a changé la Bande des Quatre tient plus que jamais d’une main de fer le pays sans tenir compte des conséquences incalculables qui découleront à court ou moyen terme de cet étouffement de la vie publique tunisienne.
La Bande des Quatre, comme chacun ne l’ignore plus désormais, se compose du Général-président Ben Ali, de son épouse Leïla et de leurs deux théoriciens fascistes: le ministre directeur du Cabinet présidentiel, Abdelaziz Ben Dhia, et du ministre des Affaires étrangères et néanmoins candidat à la succession, Abdelwaheb Abdallah. C’est ce quatuor qui a mené tout au lond de ces deux décennies le pays à la dérive, qui a imposé l’omerta sur les pratiques mafieuses des familles qui pillent la Tunisie, sur l’administration de la torture dont ont été -et sont toujours- victimes les dissidents et les opposants et sur le verrouillage de l’information.
« L’Audace », qui fête ce mois-ci ses 14 ans d’existence, et qui a été le premier à fissurer le mur du silence érigé par cette dictature, pose encore une fois la question cruciale de la liberté d’informer, du devoir d’informer et de la transparence de l’information. Car là où ceux-ci font défaut la rumeur germe et s’épanouit.
Or, peut-on demander à un Président menteur et manipulateur ainsi qu’à ses serviteurs zélés et intriguants de délivrer au peuple une information authentique et vraie? Il faut croire que non. Ces tyrans, comme tous les tyrans, ne traitent jamais la population en adultes et en citoyens. Ils dictent leurs loi par la force; ils manipulent l’information avec la complaisance sinon la complicité de « journaleux » sans scrupule et à leurs ordres; et ils se partagent en passant les richesses du pays par secteurs d’économie…
Il n’est donc pas surprenant que ce pouvoir mafieux taise encore une fois la vérité sur l’arrestation d’un Groupe salafiste introduit d’Algérie. Sans vergogne, il cache les corps des morts au cours des fusillades; les disparitions se comptent par dizaines; les familles sont désemparées; la torture reprend de plus belle et de manière plus féroce que jamais et les prisons se repeuplent comme dans les années 90 de triste mémoire. Pendant que, dans un monde où l’information est devenue instantanée, nos vaillants « journalistes » n’ont toujours pas le courage de quitter leurs niches pour accomplir leur devoir d’informer.
S’écartant de leurs responsabilités, ils feignent d’ignorer que seule la désobeïssance à un régime illégitime est de nature à sauver ce qui peut encore l’être sur ce champ de ruines laissé par la dictature.
Je n’arrive pas à comprendre comment la traduction d’un ancien diplomate tunisien devant les Assises de Strasbourg pour fait de torture et le risque de sa condamnation par défaut à 30 ans de prison ne soit relayée par aucun organe tunisien d’information. Khaled Ben Saïd, ancien vice-consul dans la capitale alsacienne, qui avait fui la France avant son arrestation et qui a été bombardé en tant que commissaire de police dans la ville de Sfax (car dans ce régime, les tortionnaires sont récompensés et décorés par le Général en personne) est poursuivi au titre de la Convention de 1984 qui confère une compétence universelle aux Etats.
Une telle information, qui a fait le tour du monde, ne semble être d’aucun intérêt pour le pâle « Réalités » par exemple qui s’intéresse plutôt aux relations de Bourguiba avec les Beys et rélègue l’actualité aux oubliettes.
Nous n’avons jamais vu un tel délabrement de l’information que sous Staline et la tristement célèbre « Pravda ».
Pauvre Tunisie…Pauvre Tunisiens qui, en plus d’une dictature implacable, subissent les vendeurs de papier qui pue le mensonge et la trahison…
(Source : L’Audace (Mensuel tunisien d’opposition – Paris), numéro 145, mars 2007, pages 3)
Corruption
La mafia des contrôleurs des impôts
Comme chacun sait, le manque à gagner du Trésor public (droits de douane, TVA, impôts etc) est essentiellement le fait des cercles mafieux directement rattachés aux familles Trabelsi et Ben Ali. Les spécialistes du ministère des Finances évaluent ce manque à gagner à la somme exorbitante de 3 milliards de dinars (1, 8 milliard d’euros).
A titre d’exemple, le souk de Moncef Bey, à lui seul, importe illégalement, selon des sources du ministère du Commerce, pour la somme de 950 millions de DT (600 millions d’euros environ) sans compter le marché de Sidi Bou Mendil, d’El Jem, et les souks dits de « Libya » exposés dans toutes les villes et villages du pays. Pour autant, cela ne semble pas gêner outre mesure Carthage qui donne sa bénédiction ni la Douane qui exécute les ordres pour satisfaire la mafia.
Cependant, conscient de ce trou immense dans les recettes douanières et fiscales, le pouvoir a donné l’ordre aux inspecteurs et aux contrôleurs des impôts d’exécuter des redressements et des taxations d’office suite à des contrôles approfondis, iniques et imaginaires auprès des PME, des artisans, des commerçants et des petites sociétés de services. Le tout en prenant soin de ne pas toucher aux proches du régime. Bien sûr!
Et c’est ainsi qu’une opération d’égorgement des PME a démarré et qu’une autre corruption a été instituée. Expliquons-nous: Un contrôleur fiscal commence par exemple à taxer une PME ou un commerçant à hauteur de 100 000DT (60 000 euros). Si le commerçant se montre généreux et offre 15% (c’est le minimum) de la valeur de la taxation à son bourreau de contrôleur soit 15 000DT payables cash, la taxation est réduite de facto à 2000DT seulement. Un simple calcul permet de constater que le contrôleur corrompu empoche plus de 7 fois ce qui reviendrait injustement d’ailleurs à l’Etat.
Exaspérés, les patrons de PME et autres commerçants ne savent plus où donner de la tête et plusieurs d’entre eux ont mis la clé sous le paillasson. Il faut savoir aussi que la loi protège miraculeusement ces contrôleurs des impôts véreux, car même si les patrons demandent une révision de la taxation par la direction générale des impôts, la réduction ne peut aller en deçà des 2000DT qui sont le seuil minimum lors d’un contrôle ou d’un redressement.
Ils se retrouvent par conséquent entre le marteau et l’enclume: s’acquitter des 15% envers un fonctionnaire corrompu et 2000DT envers l’Etat ou débourser la totalité de la taxation.
De plus le pouvoir qui a plus que jamais besoin de recettes fiscales a donné ordre aux tribunaux de donner systématiquement raison aux contrôleurs.
Ce régime mafieux et ses fonctionnaires ne cessent d’inventer en matière de racket. Et peu importe si des entreprises disparaissent et si des familles entières vivent dans la précarité…
Les Trabelsi et le fil à coudre
Plusieurs entreprises de textiles sont en train de fermer; d’autres sont en grève. C’est que les patrons n’arrivent plus à joindre les deux bouts à cause de la corruption entre autres.
Un patron d’usine de textile nous a récemment expliqué que la famille Trabelsi a jeté son dévolu y compris sur le marché du fil à coudre. Selon cet homme d’affaires, le prix de revient du kilo de fil à coudre varie entre 2,300DT et 2,700DT. Or, au marché vMoncef Bey, le clan Trabelsi expose à la vente le kilo de fil à coudre à 2 DT. Ce fil est importé de Chine et, bien sûr non taxé par la Douane qui ferme les yeux sur les importations des clans mafieux.
Résultat: ou les patrons d’usines s’approvisionnent au noir chez les Trabelsi ou ils sont obligés de fermer leurs usines car la concurrence devient rude et insupportable…
La mafia s’intéresse à tous les produits
Un homme d’affaires français, de retour de Tunisie où il prospectait en vue de faire des affaires, a été surpris de voir quasiment déserte la zone industrielle de Ben Arous. Usines et autres ateliers fermés, absence de vie etc. Par contre, nous précisa-t-il, il a pu acquérir pour 35 DT (20 euros) l’unité des DVD coûtant 80 euros à Paris. Il n’en revenait pas. Idem pour les services en cristal. Revenant à 1500 euros environ en France, le même service était exposé à Moncef Bey à 135 DT (moins de 80 euros). Qui dit mieux?
(Source : L’Audace (Mensuel tunisien d’opposition – Paris), numéro 145, mars 2007, Rubrique corruption pages 4 et 5)
Assassinat d’un ex-ministre belge en 1991: ouverture du procès d’un complice
AFP, le 5 mars 2007 à 12h39 BRUXELLES, 5 mars 2007 (AFP) – La cour d’assises de Liège (est de la Belgique) a commencé lundi à juger Domenico Castellino, un truand déjà condamné en son absence à 20 ans de réclusion pour avoir participé à l’assassinat en 1991 de l’ancien ministre belge André Cools. Domenico « Mimo » Castellino, 51 ans, était en fuite lorsque le procès des autres auteurs du plus retentissant assassinat politique de l’histoire de Belgique s’est déroulé à Liège, fin 2003-début 2004. Interpellé en 2006 en Allemagne, il avait fait « opposition » de sa condamnation et obtenu le droit d’être rejugé. La cour d’assises va donc, durant en principe deux semaines, reprendre à zéro l’examen de l’assassinat, du moins en ce qui concerne le rôle de Domenico Castellino. Une centaine de témoins sont attendus, dont les cinq autres hommes condamnés en 2004. Lundi, la première audience a été consacrée à la constitution du jury populaire (8 femmes et 4 hommes) et à la lecture de l’acte d’accusation. Les médias belges ne s’attendent cependant pas à ce que ce « procès Cools-bis » apporte des éclairages inédits sur le fond du dossier, notamment parce que les complices de Domenico Castellino lui avaient fait croire qu’il s’agissait d’un règlement de compte dans le milieu des stupéfiants. D’origine italienne, Domenico Castellino a avoué dès 1996 avoir recruté les deux Tunisiens qui ont abattu l’ancien ministre socialiste, le 18 juillet 1991 à Liège. Les deux tueurs ont été condamné à 20 ans de prison en juin 1998 à Tunis.
Le premier procès avait établi la responsabilité de membres de l’entourage du socialiste liégeois Alain Van der Biest, un temps « fils spirituel » d’André Cools avant de devenir son rival. En l’absence d’Alain Van der Biest, qui s’est suicidé en 2002, ce procès avait laissé des zones d’ombre, notamment sur le rôle d’inspirateurs ou de commanditaires qu’auraient pu jouer d’autres rivaux socialistes d’André Cools. Celui-ci victime ne détenait plus de porte-feuille au moment de son assassinat mais était resté l’homme fort du PS à Liège. Si la « petite main » Castellino ne semble pas être en mesure d’apporter la lumière sur le climat de haine qui déchirait le PS liégeois, les hommes condamnés en 2004 pourraient profiter de leur passage à la barre des témoins pour faire quelques révélations, estiment les journaux belges. AFP
Tunisia court upholds 20-year prison term for accomplice in synagogue bombing
Associated Press, le 3 mars 2007 à 20h51 TUNIS, Tunisia (AP) _ Tunisia’s highest court upheld a 20-year prison term for an accomplice in a suicide attack on a synagogue that killed 21 people _ mostly German tourists, a defense lawyer said. Belgacem Nawar, 45, was convicted for helping his nephew Nizar Nawar strap a gas tank onto a truck before ramming it into the historic synagogue on the resort island of Djerba in April 2002. The Court of Cassation _ Tunisia’s highest court _ upheld an appeals verdict following the conviction last June. Tunisian investigators linked the attack to al-Qaida. Nawar was detained shortly after the attack, which killed 14 Germans, five Tunisians and two French citizens. Nawar, a welder from Djerba, acknowledged having helped his nephew buy the truck, but said he had no idea what he planned to do with it. The only other convictions in the Djerba case came last year in Spain, where the National Court sentenced a Spaniard and a Pakistani to five years in prison for helping finance the attack. Associated Press
Tunisie: confirmation du jugement prononcé contre le complice dans l’attentat de Djerba
Associated Press, le 3 mars 2007 à 20h29 TUNIS (AP) — La Cour de cassation tunisienne a confirmé samedi la condamnation à 20 ans de prison ferme prononcée en première instance et en appel à l’encontre de Belgacem Nawar, complice de l’auteur de l’attentat terroriste perpétré en 2002 contre une synagogue à Djerba, une île du sud tunisien, a-t-on appris auprès de son avocat, Me Samir Ben Amor. L’attentat, qui avait causé la mort de 21 personnes dont 14 touristes allemands, cinq Tunisiens et deux Français, avait été revendiqué par l’organisation Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden. Belgacem Nawar, 45 ans, est l’oncle du kamikaze, Nizar Nawar, mort carbonisé dans l’explosion du camion-citerne rempli de gaz devant le lieu de culte juif. Belgacem Nawar a été reconnu coupable notamment de « complicité d’assassinat avec préméditation » et « détention et fabrication de matières explosives ». Selon l’acte d’accusation, il aurait aidé le kamikaze à installer sur le camion la citerne qui devait servir à l’opération. Lors de son procès devant le tribunal de première instance puis la cour d’appel, il avait clamé son innocence, déclarant qu’il n’était pas au courant des desseins criminels de son neveu. L’affaire a eu des ramifications en France où plusieurs personnes ont été mises en examen par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, ainsi qu’en Allemagne et en Espagne. Associated Press
Tunisie – Peine confirmée pour l’oncle du kamikaze de Djerba
Reuters, le 3 mars 2007 à 20h15 TUNIS, 3 mars (Reuters) – La Cour suprême de Tunisie a confirmé samedi la peine de 20 ans de prison infligée à l’oncle de l’auteur de l’attentat-suicide qui fit 21 morts en 2002 devant la synagogue de la Ghriba, sur l’île touristique de Djerba, a-t-on appris de sources judiciaires. Quatorze Allemands, cinq Tunisiens et deux Français avaient été tués dans l’explosion, qui avait aussi fait 30 blessés, lors de l’explosion d’un camion-citerne devant la mosquée, qui datedu VIIe siècle, au moment de la visite de touristes étrangers. L’édifice, un lieu de pèlerinage très réputé pour tous les juifs du Maghreb, avait été presque entièrement dévasté lors de l’attentat, première attaque dans un pays arabe revendiquée par les islamistes d’Al Qaïda après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Le juge Fethi Ben Youssef a confirmé la peine infligée à Belgacem Nawar, 45 ans, reconnu coupable en juin d’avoir aidé l’auteur de l’attentat contre la synagogue à préparer et à commettre l’attaque. Reuters
Tunisia upholds sentence against bomber’s uncle
Reuters, le 3 mars 2007 à 19h43 TUNIS, March 3 (Reuters) – Tunisia’s Supreme Court upheld on Saturday a 20-year jail sentence against the uncle of a suicide bomber for his role in the attack that killed 21 people, most of them German, court sources said. Fourteen Germans, five Tunisians and two French were killed when the suicide bomber rammed a tanker filled with cooking gas into a Jewish shrine in the North African country in 2002. The bombing on the southern island of Djerba, Tunisia’s main tourist destination, was the first attack claimed by al Qaeda in an Arab country after the Sept. 11 attacks in the United States. Judge Fethi Ben Youssef upheld the sentence against Belgacem Nawar, 45, for helping the bomber carry out the attack, his lawyer Samir ben Amor said. In June, a lower court convicted him for the same charges and condemned him to 20 years in prison. He pleaded not guilty before both courts. « We are sure that he is innocent but we hope for presidential pardon, » said Ben Amor. REUTERS
Attentat de Djerba: jugement confirmé pour le complice du kamikaze tunisien
AFP, le 3 mars 2007 à 19h20 TUNIS, 3 mars 2007 (AFP) – La cour de cassation de Tunis a confirmé la condamnation à vingt ans de prison du complice tunisien de l’auteur d’un attentat commis en 2002 contre une synagogue de Djerba (sud) qui avait fait 21 morts, a indiqué samedi son avocat à l’AFP. « Le pourvoi a été rejeté sur le fond et la peine confirmée » par la cour de cassation, qui a statué vendredi, a-t-on confirmé de source judiciaire. Belgacem Nawar, 45 ans, a été reconnu coupable de « complicité d’assassinat avec préméditation » avec son neveu Nizar Nawar, déclaré mort carbonisé dans un camion-citerne qu’il avait fait exploser le 11 avril 2002 devant la synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba. Quatorze touristes allemands, cinq Tunisiens et deux Français avaient trouvé la mort dans l’attentat revendiqué alors par le réseau terroriste Al-Qaïda d’Oussama ben Laden. Belgacem Nawar poursuivi aussi pour « participation à une association de malfaiteurs » et complicité pour « détention et fabrication de matières explosives » avait été condamné en juin 2006 par un tribunal de première, peine confirmée en appel en décembre. Arrêté au lendemain de l’attaque et incarcéré dans une prison de Tunis, il a nié les charges retenues contre lui, affirmant tout ignorer des plans terroristes de son neveu. Cet artisan carrossier était accusé d’avoir aidé son neveu, Nizar Nawar à installer une citerne de gaz domestique sur le camion qu’il avait fait exploser devant la synagogue visitée par de nombreux touristes. Belgacem Nawar est l’unique accusé à être jugé en Tunisie dans l’affaire qui a eu des ramifications en France, en Espagne et en Allemagne. Il a été interrogé par des magistrats allemands et entendu par le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière, selon son avocat Me Samir Ben Amor. AFP
La sécurité dans le domaine des transports, une priorité des pays euro-méditerranéens
Associated Press, le 3 mars 2007 à 22h02 TUNIS (AP) — Réunis pendant deux jours à Tunis, les ministres des Transports des pays de la Méditerranée Occidentale ont retenu la question de la sécurité comme une priorité dans leur action, a déclaré vendredi soir la ministre espagnole des Transports Magdalena Alvarez Arza. La réunion, qui regroupait les ministres de cinq pays européens ou leurs représentants (France, Italie, Espagne, Portugal et Malte) et des cinq pays maghrébins (Tunisie, Algérie, Maroc, Libye et Mauritanie), se tenait dans le cadre informel du forum euro-méditerranéen 5+5. La représentante de la commission européenne, Anna Panagopoulou, a appelé pour sa part les pays sud-méditerranéens à mettre en œuvre des réformes politiques qui, selon elle, constitueraient une plate-forme favorable pour le renforcement de la coopération euro-méditerranéenne dans les autres domaines. Cette session a été, par ailleurs, marquée par l’adoption « pour la première fois » d’un protocole fixant les objectifs et les priorités de coopération entre les pays membres pour les années à venir. Parmi les projets figurant dans le plan d’action du Groupe des ministres des transports de la Méditerranée Occidentale (GTMO), la ministre espagnole a cité le projet de tunnel sous-marin reliant le Maroc et l’Espagne. « C’est un projet extrêmement coûteux et nous avons besoin du financement de l’Europe », a-t-elle martelé. Associated Press
Washington ne demande pas de base militaire en Algérie (ambassadeur)
AFP, le 5 mars 2007 à 11h01 ALGER, 5 mars 2007 (AFP) – Les Etats-Unis ne demandent pas à établir une base militaire en Algérie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel et au Maghreb, a déclaré l’ambassadeur américain à Alger, cité lundi dans la presse. « A aucun moment nous n’avons demandé d’établir une base militaire en Algérie et nous ne le demandons pas », a déclaré l’ambassadeur, Robert S. Ford, soulignant qu’il n’avait « jamais entendu des officiels (américains) formuler une telle demande », dans un entretien publié par le quotidien algérien l’Expression. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohammed Bedjaoui, avait déclaré samedi que l’Algérie ne serait pas intégrée dans le commandement régional Maghreb-Sahel que les Etats-Unis veulent établir au sud du Sahara pour lutter contre le terrorisme. « Le territoire algérien n’est pas concerné par le commandement américain projeté. L’Algérie n’a jamais accepté l’installation de bases étrangères sur son sol, (qui seraient) incompatibles avec sa souveraineté et son indépendance », a déclaré le ministre algérien dans un entretien à la radio publique « Alger-Chaîne III ». M. Bedjaoui avait par ailleurs souligné que l’Algérie « mène avec les Etats-Unis une coopération féconde, jugée profitable » en matière de lutte contre le terrorisme. « Chaque fois que nous sollicitons les services de sécurité algériens, ils sont là et nous fournissent la meilleure aide possible », a confirmé M. Ford, en qualifiant de « très bon le travail fourni par les services de sécurité algériens ». Les Etats-Unis avaient annoncé le 6 février lors d’une conférence à Dakar, placée sous l’égide du Partenariat trans-saharien (TSCTP), leur projet de création d’un commandement chargé de l’Afrique au Pentagone, afin de prévenir l’implantation de groupes terroristes dans les zones transfrontalières au Sahara et au Maghreb. AFP
Algérie – Sept policiers tués dans une embuscade
Reuters, le 5 mars 2007 à 10h58 ALGER, 5 mars (Reuters) – Sept policiers ont été tués en Algérie dans une embuscade tendue par des islamistes présumés, rapportent lundi plusieurs journaux algériens. L’attaque s’est produite dimanche dans la province de Tizi Ouzou, à une centaine de kilomètres à l’est d’Alger. Les rebelles ont fait exploser des bombes artisanales au passage de deux véhicules de la police avant d’ouvrir le feu à la mitrailleuse sur le convoi, écrivent El Watan, Le Soir d’Algérie et Le Quotidien d’Oran. Cinq policiers ont été tués sur le coup; deux autres ont succombé à leurs blessures après avoir été hospitalisés. El Watan précise que deux assaillants ont été tués par les forces gouvernementales dans la fusillade qui a suivi. Le 13 février dernier, sept bombes avaient explosé quasi simultanément dans la même province, tuant six personnes. Ces attentats avaient été revendiqués par l’Organisation Al Qaïda au Maghreb islamique, nouvelle appellation du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). REUTERS
Algérie: sept gendarmes tués dans une attaque islamiste en Kabylie (nouveau bilan)
AFP, le 5 mars 2007 à 09h42 ALGER, 5 mars 2007 (AFP) – Deux gendarmes, blessés dans l’attaque de leur barrage dimanche en Kabylie (est d’Alger), ont succombé à leurs blessures portant le bilan à sept morts parmi les gendarmes, rapportent lundi des journaux algériens. L’attaque a eu lieu dimanche en fin d’après-midi à Takhoukht sur la route menant de Beni Yenni à Tizi Ouzou (Kabylie, 110 km à l’est d’Alger). Outre les sept morts, on compte un gendarme blessé, dont la gravité des blessures n’est pas indiquée, selon les mêmes sources. Un premier bilan faisait état, dimanche soir, de cinq morts et deux blessés. Les gendarmes ont été surpris pendant la relève d’un barrage routier par un groupe armé embusqué des deux côtés de la chaussée qui a les a pris sous un feu intense, selon ces sources. Leurs trois véhicules ont été incendiés à l’issue de l’attaque. Durant le week-end deux attaques islamistes séparées en Kabylie et une autre dans la région d’Aïn Defla (sud d’Alger) ont fait au total 11 morts dont un Russe selon le dernier bilan. AFP
Tunisie : Ouvrir un débat sur les créances classées !
par : K. Boumiza
En Tunisie, les ressources du système bancaire sont généralement évaluées à quelque 20 milliards DT. Ces ressources proviennent à 80 % des dépôts, à vue et à terme de la clientèle et de l’épargne. Ceci représente quelque 16,7 milliards DT. C’est cet argent, celui des déposants et des épargnants, qui fait travailler les banques. C’est cet argent qui est donné en crédits, aux particuliers et aux entreprises et c’est lui aussi qui génère les intérêts qui font vivre les banques. On souligne, encore une fois, que les banques ne créent pas leur propre argent, elles recyclent celui de «Monsieur Tout le Monde», dans les différents rouages de l’économie !
En face, il y a des entreprises et des hommes d’affaires. Ceux-ci prennent crédit et investissent. Il y en a bien sûr ceux qui remboursent et il y en a aussi, malheureusement, ceux qui ne remboursent pas. Ils utilisent pour cela les différentes failles d’un système financier qui n’a trouvé que la parade du provisionnement pour ne pas trop avoir à revendiquer l’argent des déposants et des épargnants. Résultat des courses, certes au bout d’un grand nombre d’années, un chiffre jamais officialisé de quelque 5 milliards DT de dettes classe 4 et 5, des dettes carbonisées ! Cela n’est plus un secret pour personne. Un chiffre dont on connait pourtant peu de détails et une liste d’endettés qui est gardée comme un secret d’Etat.
Qui sont-ils ? Qui rembourse et qui ne veut pas rembourser ? Qui a arrêté et pourquoi de rembourser ? Qui n’a que des engagements bancaires et qui n’a que des dettes et n’a plus d’engagements productifs ? C’est pourtant de l’argent des déposants et des épargnants qu’il s’agit et non de l’argent des banques, ni de l’étranger ! Il y a quelques années, cette fameuse liste des «engagés » et des endettés, avait par mégarde circulé. La levée de bouclier avait été tellement «gronde» que cette liste était devenue une référence, mais que personne n’a jamais pu mettre à jour !
Elle avait pourtant donné un certain éclaircissement (directement et indirectement) sur le paysage des affaires en Tunisie, sur les grands groupes, les bons investissements et les moins bons, certes en comparaison avec tout ce qu’on entend dire en dehors de la sphère financières, de ceux qui font de bonnes ou de mauvaises affaires et de l’issue (heureuse ou malheureuse) de leurs affaires. Ce qu’on dit là peut sembler inapproprié et même du domaine du blasphème pour un banquier, que divulguer ou même de parler simplement de la liste de ses débiteurs ! Mais cela n’est pas tout aussi déraisonnable qu’il y paraît.
Nous somme en effet dans une économie émergente et dans un système financier dont presque le un cinquième est fait de créances classées. Un système financier qui cicatrise peu à peu cette plaie des créances accrochées. Et pour ne pas qu’il soit obligé de recourir, pour se soigner, à des médicaments étrangers, ce système financier doit être transparent et savoir mettre en confiance les déposants, les épargnants, les investisseurs en bourse et cet actionnaire qui ne voit pas encore la fin de la consigne de non paiement de dividende. Cette mise en confiance passe immanquablement par la communication, car c’est cette dernière qui rendra certaines prises de décisions, judiciaires surtout, nécessaires et moins difficiles pour toutes les parties.
C’est parce qu’on ne parle pas encore publiquement de cette maladie des impayés et des créances accrochées, qu’on n’arrivera pas à lui trouver les remèdes idoines ! C’est parce qu’on n’en parle pas publiquement, que les solutions se font toujours en cachette et ne donnent jamais de bons résultats ! C’est aussi parce que cette question de dettes accrochées n’a jamais fait l’objet ni d’un débat public, ni parlementaire ou encore moins d’une enquête publiée de la Cour des Comptes ou des structures apparentées, que chaque cas traité (et obligatoirement divulgué, car il faut bien en parler aux derniers concernés), est un cas qui finit dans la douleur, un cas qui est mal vécu, mal compris et mal interprété par tous !
La Banque Centrale de Tunisie pourrait ouvrir la voie en consacrant au moins un chapitre, fusse-t-il petit, de son rapport annuel à cette question. Elle doit certes à tout le monde cette fameuse liste des mauvais créanciers. Mais elle ne le fera pas. Elle pourrait au moins commencer par en parler dans son rapport et ouvrir la porte à un débat sur cette question qui concerne l’argent des déposants et des épargnants ! Qui d’autre peut le faire, si ce n’est cette vénérable institution qu’on appelle aussi l’autorité de contrôle !
(Source : African Mananager (portail – Tunis), le 5 mars 2007) Lien: http://www.africanmanager.com/articles/113080.html
Tunisie : Arrêtez cette gabegie Monsieur le Président !
par : A.M. Cela ne va pas plaire à beaucoup de monde, mais cela devient une vitale nécessité ! Il y a quelques temps, une décision présidentielle mettait fin au travail (il est vrai fait d’une manière trop excessive et beaucoup d’excès de zèle) d’un privé chargé de faire respecter les stationnements dans la zone bleue du centre de la ville de Tunis. Fini donc, au bonheur des automobilistes, les contraventions et les voitures traînées ou tractées pour 29 DT la voiture !
Depuis, trop malheureusement cependant, les excès du citoyen automobiliste et des entreprises commerciales, ont pris le dessus et dépassé de loin les excès de l’entreprise en charge de la zone bleue. C’est ainsi que la zone de La Fayette à Tunis, devient exécrablement circulable, abandonnée, par les agents de l’ordre et des municipalités, aux automobilistes qui se garent désormais des deux côtés d’avenues (Palestine et Liberté) déjà étroites pour une circulation fluide et plus économique dans la capitale, sur les trottoirs, devant les abris bus et stationnement des bus. On ne parlera pas des camions de livraison pour le super Champion qui n’en font (avec la complicité de la grande surface bien sûr) qu’à leur tête et livrent à tout moment de la journée, sans aucun respect des horaires fixés par la municipalité (d’ailleurs complètement absente à ce sujet et qui semble avoir jeté l’éponge). Cette démission de toutes les autorités dans une zone névralgique comme La Fayette est-elle volontaire ? Quel sens lui donner alors ? Voudrait-elle pousser à demander le retour des engins ?
D’ailleurs cette gabegie n’est propre à La Fayette. Allez voir du côté de l’avenue de la liberté et sur les parterres centraux de différents autres endroits de la capitale, comme Ennasser, Ariana et ailleurs à Tunis, qui sont devenus des endroits d’exposition de voitures à vendre (les plaques qui y sont accrochées font foi) ! Cette démission des municipalités et des agents de la circulation nous pousse donc à demander une …intervention présidentielle pour mettre fin à cette gabegie et à remettre de l’ordre dans la circulation de la capitale !
Le Temps du Monde
Présidentielle française (1/2):
Sarkozy et… nous
Imed Bahri
Pour nous autres Sud-Méditerranéens, c’est-à-dire Tunisiens, Maghrébins, Arabes, Africains, Musulmans ou, plus largement encore, habitants des pays en développement, le changement annoncé à la tête de l’exécutif français ne saurait nous laisser indifférents. Pour plusieurs raisons. Un: le président en France a de larges prérogatives en politique étrangère et un rôle important sur la scène internationale. Deux: la France est pour la plupart de nos pays un partenaire incontournable. Trois: nous considérons le pays de Charles de Gaule, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, comme une puissance qui compte dans le monde d’aujourd’hui, d’autant qu’elle est adossée à une Union européenne dont on espère qu’elle sera capable de constituer bientôt un contrepoids à l’hyper-puissance américaine. Quatrième raison, et pas des moindres: une importante communauté d’Arabo-africains et de Musulmans vit en France, qui compte plusieurs millions binationaux, de travailleurs immigrés et d’étudiants.
Pour toutes ces raisons, la campagne pour l’élection présidentielle qui bat actuellement son plein dans l’Hexagone nous interpelle. Et tout ce que disent les deux principaux favoris, à savoir Nicolas Sarkozy, candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP, droite libérale), et Ségolène Royal (candidate du Parti socialiste, gauche), sur l’immigration, les musulmans, le conflit israélo-palestinien, la coopération avec les pays du sud et l’aide au développement, entre autres ne nos sujets de préoccupation, retient notre attention, parce qu’il nous informe sur les changements qui pourraient intervenir dans la politique étrangère française, ses orientations futures et la place que nous – et nos intérêts vitaux – pourrions y occuper.
Pour aider les lecteurs à se faire une idée sur les programmes politiques des deux principaux candidats, dont on suppose qu’ils seront au second tour de l’élection présidentielle et que l’un d’eux sera le prochain président de la France, nous allons passer au peigne fin leurs positions respectives sur les sujets qui nous préoccupent, qu’elles aient été exprimées ouvertement – et les candidats à la présidence sont rarement avares en promesses et annonces – ou seulement trahies par leurs faits et gestes, passés ou actuels. A tout seigneur tout honneur, nous commencerons, dans ce premier article, par celui que la plupart des sondages donnent comme le favori: Sarkozy.
Une «garde maghrébine»… pour la parade
Qu’elles s’inscrivent dans le cadre des relations bilatérales ou dans celui d’un approfondissement du processus de Barcelone (Partenariat EuroMed), les relations de la France avec les pays du Maghreb sont l’un des thèmes majeurs de la présidentielle française. Elles sont autant importantes pour les Maghrébins que pour les Français, car c’est au Maghreb que la France signe ses meilleures performances en Afrique. Plus de 25 000 de ses entreprises commercent et exportent vers les pays de l’UMA. Le Maroc, second partenaire africain de la France, après l’Afrique du Sud, compte 1200 filiales d’entreprises françaises implantées sur son territoire, qui dégagent plus de 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Troisième partenaire africain de la France, notre pays accueille 1 100 entreprises françaises ou à participation française, qui emploient plus de 100 000 personnes, avec une forte concentration dans le secteur industriel. En 2006, les échanges bilatéraux tuniso-français se sont élevés à 6,1 milliards d’euros. En Algérie, 180 filiales françaises opèrent, et l’ancienne puissance coloniale reste le premier fournisseur pour un montant d’investissement direct étranger (IDE) évalué à 34 millions d’euros en 2005. Bien qu’ils soient encore peu organisés politiquement, les Français d’origine maghrébine, constituent, par ailleurs, une minorité qui aura un poids électoral non négligeable dans une consultation que l’on annonce serrée.
C’est ce qui a poussé Sarkozy à s’entourer de nombreux conseillers d’origine maghrébine. Comme Rachida Dati, Abderahmane Dahmane ou Ahmed Guénad, qui constituent une caution aux Beurs et aux Français d’origine étrangère que le ministre de l’Intérieur avait insulté, lors des émeutes des banlieues en 2005, en les qualifiant de «racaille», à nettoyer «au karcher» et qu’il cherche aujourd’hui à séduire.
Les membres du «Pool-Maghreb» sont aussi chargés de faire revivre, au bénéfice de Sarkozy, les réseaux France-Maghreb en Algérie, au Maroc et, à un degré moindre, en Tunisie. Ce sont eux qui ont organisé les deux récentes visites du ministre de l’Intérieur, au Maroc et en Algérie, où il a été reçu par le roi Hassan II, en juillet, et le président Abdelaziz Bouteflika, en novembre.
A Alger, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’allégement de la procédure pour l’obtention de visas. En fait, il a présenté une simple mesure de réajustement – la mise en conformité des procédures de délivrance des visas avec le Maroc et la Tunisie, sans plus – comme étant une grosse concession française. Il a aussi annoncé le renforcement de la coopération franco-maghrébine dans la lutte antiterroriste. Le Français compte beaucoup sur cette coopération pour éviter une crise sécuritaire grave en pleine campagne présidentielle.
En effet, avec les menaces récurrentes du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) contre la France, Sarkozy a de bonnes raisons de craindre un passage à l’acte sous forme d’attentats antifrançais au Maghreb ou en France qui risqueraient de remettre l’enjeu antiterroriste au cœur de la campagne présidentielle, avec des conséquences imprévisibles. En fait, le candidat de la droite craint une répétition du scénario qui a permis au socialiste Zapatero de se faire élire en Espagne au lendemain de l’attentat de Madrid.
Le grand ami d’Israël
Malgré les apports précieux de sa «garde maghrébine», Sarkozy ne parvient pas à faire tomber les réserves qu’il inspire aux Beurs et aux Maghrébins, ainsi qu’à leurs proches au sud de la Méditerranée. Et pour cause: Sarkozy pâtit de la perte de crédibilité de la droite française au Maghreb, surtout des prises de position du président Jacques Chirac et du Quai d’Orsay sur certaines questions sensibles. Il pâtit aussi de certaines de ses positions personnelles, notamment son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), dont il espère qu’elle lui rallie une partie de l’extrême droite lepéniste, qui rejette toute concession à la Turquie, aux pays du Maghreb ou aux pays musulmans en général.
Les incessantes concessions de Sarkozy au lobby juif sur la question palestinienne produisent le même effet auprès de l’électorat Beurs ou originaire du monde arabo-musulman. Alors qu’il a effectué plusieurs voyages en Israël, le chef de l’UMP ne s’est jamais rendu dans les territoires palestiniens : un oubli lourd de sens. En apportant son soutien à Israël en pleine guerre contre le Liban, l’été dernier, Sarkozy n’a pas manqué de mécontenter les 50 000 Franco-Libanais que compte l’Hexagone et dont beaucoup ont déclaré qu’ils ne voteront pas pour lui.
On sait aussi que Pierre Lellouche, le député UMP de Paris et Président de l’Association d’amitié France-Israël, est son principal conseiller des affaires étrangères. L’avocat Arno Klarsfeld, un Franco-israélien qui a servi une année entière dans l’armée de l’Etat hébreu, compte aussi parmi les éléments les plus influents de son entourage. De nombreux intellectuels réputés pour leurs positions pro-israéliennes – ou anti-arabes et anti-musulmanes –, comme Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, André Glucksmann et autres Pascal Bruckner roulent ouvertement pour lui.
Last but not least, L’Union des patrons et professionnels juifs de France (UPJF), une association communautaire française plus connue pour son lobbying pour Israël que pour son activisme en faveur de la libre entreprise, lui a décerné, le 30 mars 2006, le prix de l’homme politique de l’année 2005 lors de son dîner de gala annuel. La cérémonie avait été marquée par le discours véritablement apocalyptique du président de l’UPJF, Claude Barouch, qui a évoqué pour les Français de confession juive la nécessité d’«un combat vital pour empêcher, une fois de plus, d’être relégué au rang de ‘‘dhimmi’’» (sic !) en France, c’est-à-dire de minorité religieuse dans un pays islamique. Lors de la même cérémonie, le ministre de l’Intérieur a été salué comme celui qui «saura sans doute redonner une nouvelle dynamique aux relations d’amitiés solides qui lient Paris, Washington et Jérusalem». On l’a compris, Sarkozy est le grand favori des Israéliens et il a le soutien de nombreux responsables institutionnels de la communauté juive française.
Les déclarations tonitruantes de Sarkozy sur l’immigration et, surtout, sur les immigrés de confession musulmane, n’ont pas aidé à redorer l’image vaguement négative de Sarkozy parmi les électeurs d’origine étrangère. Au contraire…
Ainsi, le 21 octobre dernier, le ministre de l’Intérieur a commis une énième bévue – qui n’en est peut-être pas une, tant ses sorties sont souvent politiquement calculées – à l’égard des musulmans. Evoquant l’affaire des bagagistes musulmans de Roissy qui se seraient vus retirer leur badge d’accès du fait de leur religion, il n’a pas hésité à justifier ces mesures vexatoires: «Il y a 43 personnes à qui nous avons retiré l’habilitation. Il n’y avait là aucun délit de sale gueule. Il y avait des éléments précis qui nous amenaient à leur interdire l’entrée sur la surface d’un aéroport», a-t-il dit. Sarkozy, qui s’exprimait lors d’un débat, dans le cadre de la 15ème édition de la Cité de la Réussite à la Sorbonne, a souligné qu’il était de son «devoir» de veiller à ce que les personnes qui ont accès aux pistes de décollage et d’atterrissage «n’aient ni de près ni de loin de liens avec des groupes extrémistes».
«La France, on l’aime ou on la quitte»
Cette position, qui illustre toute l’ambiguïté du personnage, a laissé perplexe beaucoup de Beurs et même des Français de souche. Car, dans un Etat de droit, les institutions ne fonctionnent pas habituellement sur le mode de la présomption de culpabilité. La position de Sarkozy n’a pas manqué de donner crédit à la thèse défendue par ses critiques les plus virulents selon laquelle ce dernier cultiverait le «racisme ordinaire» des Français pour arriver à ses fins électorales.
Avec son parler franc, qui choque et suscite la polémique, le candidat de l’UMP cherche, en effet, à distiller des messages constants auprès de ses électeurs cibles: ici ceux de l’extrême droite xénophobe ou ceux de la communauté juive pro-israélienne, paradoxalement unis par une même haine pour les Arabes, les Musulmans et les immigrés en général.
Lors de l’émission de TF, «100 questions à Sarkozy», le 5 février dernier, Sarkozy a eu ce vif échange avec un interlocuteur, Jérôme Monod, qui l’a accusé de se servir «des idées racistes pour arriver à (ses) fins» avec son slogan «La France, on l’aime ou on la quitte». «Je n’ai jamais été raciste», s’est-il défendu, tout en réaffirmant sa volonté de parler aux électeurs du Front national. «Je suis le premier homme politique de droite à dire qu’il faut une immigration choisie. Mais je dis aussi une chose avec la plus grande force: personne n’est obligée d’habiter en France. Et quand on aime la France, on la respecte», a-t-il ajouté. Et d’insister: «On respecte ses règles, c’est-à-dire qu’on n’est pas polygame, on ne pratique pas l’excision sur ses filles, on n’égorge pas le mouton dans son appartement et respecte les règles républicaines».
Ces phrases n’ont pas manqué de choquer une jeune Franco-algérienne de Lille, Hayate Adjadj, et, à travers elle, des millions de téléspectateurs au nord et au sud de la Méditerranée. La jeune Lilloise a lancé au ministre de l’Intérieur: «Les propos que vous venez de tenir sur les moutons ce sont des propos racistes. Il y a des réglementations, il y a des abattoirs, on est civilisés». Avant d’ajouter: «C’est honteux, je suis d’origine algérienne et je suis musulmane et je me sens insultée, complètement». Réponse du ministre-candidat: «Vous avez tort. D’abord pour moi, les Musulmans sont des Français (…) Nous avons le droit, nous les Français, de dire pour notre pays, comme les Américains le disent pour le leur, comme les Espagnols le disent pour le leur, qui est le bienvenu sur notre territoire, qui n’est pas le bienvenu».
Pendant quelques instants, les téléspectateurs ont cru entendre Jean-Marie Le Pen, le leader du Front national, ou l’autre islamophobe attitré et candidat à la présidence Philippe de Villiers…
Un homme «qui n’aime pas beaucoup les musulmans»
Dans un discours à Toulon, deux jours plus tard, Sarkozy est revenu à la charge, comme pour bien enfoncer le clou. «Ça ne peut plus durer la France qu’on regarde se défaire en proclamant que l’on n’y peut rien», s’est-il exclamé. Avant de distiller ses messages empoisonnés sur les immigrés qui «ne sont pas les bienvenus sur le territoire de la République» s’ils n’en respectent pas toutes les règles. Et de stigmatiser de nouveau ceux qui pratiquent l’excision, le mariage forcé ou acceptent «la loi des grands frères»… Confondant ainsi, volontairement ou non, une infime minorité avec tous les Français d’origine étrangère ou les immigrés.
Après ses élans exaltant la tolérance et encourageant «l’islam de France», à travers la création, en 2002, du Conseil français du culte musulman (CFCM), les propos musclés de Sarkozy sur l’immigration ne cessent de lui aliéner la sympathie des Beurs et des Musulmans français. Ainsi, le 20 janvier, sur les 1 000 personnes musulmanes conviées au ministère de l’Intérieur pour le «rassemblement des musulmans de France», à l’occasion de la célébration du nouvel an de l’hégire, seules 250 ont fait le déplacement, dont les ambassadeurs de quatre pays arabes Maroc, Tunisie, Algérie et Egypte. C’est ce qui a fait dire à Fayçal Ménia, responsable UMP d’Aubervilliers, cité par ‘‘Libération’’ du 26 février, que Sarkozy a aujourd’hui «l’image d’un homme qui n’aime pas beaucoup les musulmans».
En disant cela, Ménia a sans doute à l’esprit une autre position du candidat UMP qui a beaucoup froissé les Musulmans. Dans sa recherche effrénée des voix de l’extrême droite, Sarkozy, avait pris position, le 8 février, pour ‘‘Charlie Hebdo’’ contre la Mosquée de Paris et l’UOIF, qui poursuivent le magazine devant les tribunaux pour avoir publié les caricatures du Prophète de l’islam. Conclusion de Fouad Alaoui, secrétaire général de l’UOIF, cité par le même quotidien français: «L’électorat musulman ne compte pas de manière significative dans sa campagne». Conséquence : «Un récent sondage IFOP montre que la population musulmane se sent plus proche du PS (55 % des intentions de vote) que de l’UMP (23,4 %)», ajoute ‘‘Libération’’.
Sarko dans le texte
Vers une immigration choisie:
«Il n’existe pas de remède miracle mais des solutions pragmatiques. Les transferts de fonds des immigrés africains à leurs pays d’origine atteignent des montants considérables : 8,1 milliards de dollars en 2005 selon certaines estimations. L’un des grands enjeux du dialogue entre l’Europe et l’Afrique devrait porter sur les moyens de transformer cette épargne pour en faire un outil du développement économique. Nous venons ainsi de créer en France, dans le cadre de la loi relative à l’immigration et à l’intégration votée le 30 juin dernier, un produit d’épargne destiné à favoriser l’investissement des migrants dans leur pays d’origine». (Interview au ‘‘Matin du Sahara et du Maghreb’’, le 8 juillet 2006.)
– «Il faut écarter une fois pour toutes les deux dogmes qui n’en finissent pas de polluer le débat sur l’immigration. L’immigration zéro est un mythe dangereux. Une Europe sans immigration est inconcevable pour des raisons économiques et démographiques. Mais je n’accepte pas non plus le discours extrémiste des partisans de l’immigration sans limite ! L’Europe ne peut pas recevoir tous ceux qui voient en elle un Eldorado. L’ouverture générale des frontières de l’Europe provoquerait, à terme, une déstabilisation politique majeure du continent et le risque d’une arrivée au pouvoir de partis extrémistes et xénophobes. L’Afrique en serait la première victime.» (Même source)
– «Je ne suis pas favorable à des opérations de régularisations globales d’étrangers sans papiers, comme les gouvernements socialistes français les ont pratiquées en 1981, 1990 et 1997. Ces opérations sont dangereuses car elles exercent un puissant effet d’appel d’air. Le migrant régularisé fait venir sa famille. Il indique à ses amis, dans son village, que l’émigration vers l’Europe est possible. Des filières se créent. Et, dans les pays d’origine, le signal est bien reçu : la frontière est ouverte ! En revanche, je suis favorable à des régularisations au cas par cas, fondée sur des motifs humanitaires comme le prévoit la loi sur l’immigration et l’intégration.» (Même source)
– «L’expression immigration choisie a été parfois mal comprise ou caricaturée. Il n’a jamais été question pour moi d’organiser une sélection unilatérale des migrants sur la base de leurs diplômes. L’immigration, dans mon esprit, doit être choisie par le pays de destination comme par le pays d’origine. La nouvelle loi s’inspire de cette logique. A l’avenir, il nous faut préparer les fondements d’une immigration organisée, régulée, maîtrisée dans le cadre d’une concertation d’Etat à Etat. L’avenir est aux migrations de mobilité, qui permettront aux migrants d’acquérir en Europe une formation, une expérience professionnelle, et de la mettre ensuite au service du développement de leur pays d’origine. La création d’une carte de séjour (‘compétences et talents’’ dans la nouvelle loi française est emblématique de cette volonté de faire des migrations une source d’enrichissement mutuel. (Même source)
Union de la Méditerranée
Dans son discours de Toulon, le 7 février, Sarkozy a défendu son projet «d’Union de la Méditerranée», sorte de G8 régional incluant le Maghreb et plaidé pour une «politique de civilisation» où nos «sociétés ouvertes retrouveront leur capacité d’intégration et inventeront de nouvelles manières de vivre ensemble». «C’est à la France de prendre l’initiative d’une Union méditerranéenne, comme elle prit jadis l’initiative de construire l’Union européenne», a-t-il déclaré. «Cette Union méditerranéenne aura vocation à travailler étroitement avec l’Union européenne et aura vocation à avoir avec elle des institutions communes. Elle pourrait s’organiser autour de rencontres périodiques de ses chefs d’Etats et de gouvernement (…) et aurait un Conseil de la Méditerranée.» C’est la Turquie, qui n’a pas vocation à intégrer l’Union européenne, qui doit être «le pivot» de ce nouveau «machin».
Cette union, qui serait l’un de ses objectifs prioritaires devrait «prendre en charge des questions de lutte contre le terrorisme, la gestion concertée des migrations, le développement économique et commercial et la promotion de l’Etat de droit dans la région.»
Proche-Orient :
Le candidat de l’UMP, qui n’a jamais cachée son amitié pour le peuple israélien, a déclaré, lors d’une conférence de presse le 28 février à Paris, que l’attaque israélienne contre le Liban, l’été dernier, avait été «disproportionnée». Ceci, a-t-il précisé ne doit toutefois pas remettre en cause l’indubitabilité d’un renforcement de la sécurité d’Israël, préalable à la création d’un Etat palestinien souverain, renvoyant ainsi dos-à-dos l’occupant et l’occupé, le bourreau et la victime…
Afrique : tourner la page des complaisances
Lors d’un voyage à Cotonou (Bénin) en mai 2006, le candidat UMP Nicolas Sarkozy avait prôné la rupture dans la politique africaine de la France, plaidant pour «une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et de ses obsolescences». Il avait souhaité «tourner la page des complaisances, des officines, des secrets et des ambiguïtés».
Prenant ses distances avec la «personnalisation» des relations franco-africaines, il avait prôné un «dialogue franc et objectif» et «sur un pied d’égalité, entre partenaires responsables». Une critique implicite des relations personnelles nouées par Jacques Chirac avec plusieurs présidents africains. Il avait également prévenu qu’il refuserait de «transiger» sur les valeurs démocratiques: «il n’y a pas d’exception africaine, pas de prétendue spécificité culturelle qui justifierait je ne sais quelle incompatibilité entre l’Afrique et la démocratie».
Le 28 février, devant quelque 250 journalistes de médias français et étrangers réunis dans un hôtel parisien, le candidat de l’UMP est revenu sur le même sujet.
Après avoir exprimé son souhait d’en finir avec la tradition du «domaine réservé», il a ajouté:
«Il nous faut les débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autres mandats que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé. Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés, notamment avec nos partenaires africains et arabes». Ainsi, «le président de la République doit s’expliquer devant le Parlement et devant la Nation sur les choix qu’il prend» (conférence de presse du 28 février).
Les pays du Sud ont le droit d’accéder au nucléaire civil
Le candidat UMP a plaidé aussi pour une «approche plus doctrinale». «Notre politique étrangère doit être guidée par des valeurs réaffirmées, et par des objectifs clairs et hiérarchisés», a-t-il dit. Critiquant la position «irresponsable» de son adversaire socialiste Ségolène Royal, qui souhaite interdire à l’Iran le nucléaire civil, il a souhaité que les pays du Sud, et notamment l’Algérie, accèdent à cette énergie. Il a proposé la création d’une «banque mondiale du combustible nucléaire» pour «garantir aux pays émergents l’accès aux bienfaits de l’énergie atomique sans risque de détournement militaire». Il a exprimé son souhait de proposer à l’Algérie «avant d’autres Etats, de l’aider à développer une capacité nucléaire civile en échange d’un partenariat sur l’exploitation des champs gaziers» (conférence de presse du 28 février).
Promouvoir les libertés et les droits de l’homme
Sarkozy a défendu l’idée que la défense des libertés et des droits de l’homme, qui ont «une vocation universelle», seraient le fondement sur lequel il appuierait sa politique internationale. La France ne peut pas «se taire» face à une évolution «préoccupante» de la situation des droits de l’homme en Russie ou aux violations de ces droits en Chine et ailleurs dans le monde. «Ceux qui sont adeptes de la realpolitik ne sont pas si réalistes que cela. Ils cantonnent l’action diplomatique à un effort pour ne rien changer à la réalité du monde. La stabilité est leur mot d’ordre, l’immobilisme leur obsession», a-t-il dit. Evoquant ensuite les pays d’Afrique du nord et plus largement du monde arabe, il a affirmé que «le grand débat du monde arabo-musulman est désormais la confrontation entre les régimes démocratiques et modérés et les forces obscurantistes. Nous devons tout faire pour conforter les régimes modérés» (conférence de presse du 28 février).
L’aide au développement au service de la bonne gouvernance Sarkozy a précisé qu’il veillerait à ce que les critères de l’attribution de l’aide au développement soient plus stricts. «Nous ne devons plus accepter que l’aide au développement puisse devenir une prime à la mauvaise gouvernance et aux régimes prédateurs, a-t-il déclaré. De même la corruption doit cesser d’être regardée avec complaisance comme un mal inévitable. La France devra donner la priorité à ceux des pays d’Afrique, et pas seulement des pays francophones, qui respectent ces principes» (conférence de presse du 28 février).
(Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 5 mars 2007)
Sana Ben Achour :
Pour une refondation de la gauche démocratique
Depuis plus d’un an une nouvelle alliance est en train de se dessiner entre le Mouvement Ettajdid et des militants indépendants issus de la gauche tunisienne. Au moment où ce processus commence à prendre de l’ampleur, nous avons voulu faire le point avec Sana Ben Achour, universitaire et figure de proue du mouvement associatif tunisien et l’une des principales initiatrices de cette nouvelle expérience unitaire de la gauche tunisienne. Quel bilan faites-vous de cette démarche commune entre le Mouvement Ettajdid et les indépendants de gauche ?
Il est trop tôt pour faire un bilan. Nous comptons le faire collectivement dans les semaines qui suivent. Je peux vous livrer cependant mes premières impressions. A l’occasion des élections présidentielle et législatives de 2004, il y a eu une alliance autour du Mouvement Ettajdid avec un certain nombre de personnalités indépendantes. L’objectif était de présenter un véritable candidat de l’opposition à la présidentielle, en l’occurrence Mohamed Ali Halouani.
On a pensé, à l’époque, qu’il fallait marquer notre distance avec le pouvoir tout en mettant à profit l’opportunité offerte par le système constitutionnel. Cela a donné l’expérience de l’Initiative démocratique. Les indépendants, dont je suis, ont pratiqué Ettajdid. Je peux dire aujourd’hui, en toute honnêteté, que cela était positif. On a pu, ensemble, recréer l’espoir. Ce processus a induit un rapport de confiance entre ce parti politique et les indépendants. Mais après les élections de 2004 on a pris conscience de l’aspect circonstanciel de ce partenariat. Les indépendants ne pouvaient plus investir le monde associatif en le surdéterminant par des objectifs politiques. Nous voulions engager une action politique organisée. D’où l’idée de ce partenariat politique avec le parti Ettajdid. Mais un certain nombre de ces indépendants, dont vous-même, se sont investis dans ce que l’on a appelé le Mouvement du 18 octobre 2005 (la grève de la faim initiée par un certain nombre de personnalités politiques et associatives).
Absolument. Pour moi il y a eu une accumulation qui a commencé avec la présidentielle de 2004. On peut même remonter plus loin avec l’expérience des « 150 » en 1989. On a été nombreux à soutenir la grève de la faim du 18 octobre, sauf que cela était une action ponctuelle. Après il y a eu une décantation politique. Certains ont préféré continuer dans une sorte d’alliance avec des sensibilités islamisantes. D’autres, dont moi-même, ont soutenu la grève de la faim mais pas l’idée de ce type d’alliance. Je pense qu’il est nécessaire d’inscrire l’action politique de l’opposition dans la diversité et la pluralité. Il faut qu’on sorte définitivement de cette idée de l’un et de l’unique.
Les discussions et les contacts entre les militants et dirigeants d’Ettajdid et les indépendants ne se sont jamais interrompus. On a convenu ensemble, depuis près d’un an, qu’Ettajdid retardera son congrès afin qu’on élabore ensemble un véritable élargissement de ce parti, d’où l’idée de faire un congrès sous le mot d’ordre : un parti ouvert, pluraliste, progressiste et démocratique.
Est-ce que cela a débouché sur un programme politique ?
Pas pour l’instant. Ce qui nous a intéressé dans cette démarche, nous les indépendants, avec nos partenaires d’Ettajdid, c’est que l’on change la manière de faire…
Cela veut dire quoi exactement ?
On ne peut pas aller directement à la tenue du congrès, à la mise en place d’une plate-forme et à l’élaboration d’un programme. Il faut au préalable informer les gens de cette idée et les écouter. On veut rassembler et non embrigader. Pour nous il est fondamental que ce parti ait un ancrage social sérieux. Les coquilles vides ne nous intéressent pas. Beaucoup de militants démocrates ont connu des expériences malheureuses et décevantes. Résultat : ils ont abandonné le champ politique. Notre démarche tend à leur redonner espoir.
Quel est le nombre des indépendants qui se sont intéressés à votre démarche ?
Quelques centaines. Mais on ne s’est pas contenté de Tunis. On a étendu cette dynamique à l’intérieur du pays. On a alterné entre rencontres publiques et privées, selon la disponibilité des espaces publics. L’encourageant, dans tout cela, est que les personnes, sceptiques au départ, se sont rapprochées de nous, même si elles n’ont pas encore envie de s’impliquer immédiatement dans cette action. Comment le prochain congrès d’Ettajdid va-t-il intégrer concrètement ce partenariat ?
On a mis en place une commission, au mois de septembre 2006, pour préparer le contenu intellectuel et politique de la grande conférence qu’on a organisée les 17 et 18 février 2007. Cette commission est une étape intermédiaire entre les premières discussions d’il y a un an et le congrès.
Cette commission a produit trois textes :
—les fondements intellectuels et politiques du projet, —l’aspect organisationnel du parti, —le partenariat avec Ettajdid pour la préparation du congrès. Ces textes sont proposés à la discussion afin qu’on puisse dégager une synthèse.
Qui vous fait croire que ce qui a échoué hier va réussir aujourd’hui ?
Je suis optimiste tout en étant lucide. On a pu rassembler un nombre relativement important de militants indépendants qui fondent leurs espoirs sur ce projet. Nous avons tous l’ambition de créer un véritable pôle politique moderne. Je pensais qu’on pouvait rassembler des milliers de militants pour la conférence du 17 février, or je me rends compte qu’il y a encore beaucoup de sceptiques. Ce que nous faisons aujourd’hui est important, mais le plus important et le plus difficile reste à venir.
Comment allez-vous préparer ce congrès ?
Dans un partenariat total entre le Mouvement Ettajdid et les militants indépendants. Il faut savoir que le congrès sera ouvert à tous ceux qui se sentent concernés par ce projet. Il y aura une commission large et mixte de préparation du congrès. Ettajdid désignera, selon ses structures, ses représentants dans cette commission. Quant aux indépendants, il y a aura encore deux réunions de discussions sur le projet et les manières de le concrétiser, ensuite nous désignerons nos représentants soit par consensus, ce qui serait la meilleure solution pour garantir la représentation de toutes les sensibilités, soit en passant par voie élective.
Cette commission mixte comprend quarante membres. Elle sera l’organe délibérant qui jouit de toutes les attributions pour l’organisation du congrès. Il est prévu aussi qu’un comité exécutif, toujours paritaire, émane de cette commission afin d’assumer le suivi des travaux préparatoires pour la tenue du congrès.
Est-ce que la date du congrès a été fixée ?
Pas encore. Mais il semble qu’il y a un large consensus sur la date du 25 juillet 2007, qui marquera le cinquantième anniversaire de la proclamation de la République.
Quelle est l’identité de ce parti en gestation ?
On se veut un mouvement progressiste et démocratique. Le progressisme se veut économique, social et culturel…
C’est-à-dire que vous êtes contre l’économie de marché ?
Je pense qu’on est tous pour l’économie de marché, probablement pas de la même manière. Personne ne croit plus au communisme ou au socialisme des années 1950. Par contre, nous croyons au service public et à la solidarité sociale.
Vous vous sentez proche de la social-démocratie ?
Absolument. Si la mondialisation et l’économie de marché peuvent apporter à un pays de la richesse et du confort matériel, elles aggravent aussi les inégalités sociales. C’est pourquoi il faut que l’Etat puisse jouer son rôle de régulateur. A côté de cela nous sommes pour le progressisme social, c’est-à-dire l’égalité entre les sexes, l’égalité des chances… Le principe d’égalité est affirmé dans toutes ses déclinaisons. Enfin le progressisme culturel.
C’est-à-dire…
Nous sommes pour une vision non religieuse du politique.
Laïque ?
Oui. Seulement ce mot dérange un peu dans notre pays. Les gens ont l’impression que la laïcité veut dire déracinement culturel. Pour nous la laïcité ne concerne que le domaine politique. On ne peut pas faire rentrer dans le politique des considérations d’ordre religieux. La démocratie est une affaire de délibération terrestre.
Est-ce que vous allez afficher clairement le choix de la laïcité ?
C’est à voir. On utilisera peut-être les concepts tels que la séparation entre le religieux et le politique, le droit positif, le rationalisme… On est dans le monde de la communication et on n’a pas le droit de faire peur aux gens. On est en train de construire une troisième voie. Comment afficher notre opposition au pouvoir tout en affirmant notre différence avec le Mouvement du 18 octobre. On est, en quelque sorte, entre le 7 Novembre et le 18 octobre.
En d’autres termes ce n’est pas parce qu’on a peur des islamistes qu’on va se jeter dans les bras du pouvoir ou parce qu’on veut s’opposer au pouvoir qu’on va se jeter dans les bras des islamistes. La Tunisie a une histoire riche. Nous sommes les enfants du Code du Statut Personnel et cela n’est pas peu. Nous ne participons pas à cette nouvelle initiative seulement pour témoigner. Nous avons l’ambition de transformer les rapports de forces dans notre société.
Justement, on vous reproche de réunir les quinquagénaires et plus, alors que la jeunesse est absente de vos débats…
Je constate cela avec beaucoup d’amertume. Comment voulez-vous que la jeunesse nous connaisse, alors que j’ai milité toute ma vie dans mon pays et personne ne m’a jamais vue à la télévision nationale. Et ce n’est pas uniquement mon cas. Mais je suis optimiste. Il y a des petits groupes de jeunes qui commencent à s’intéresser à ce que nous faisons.
Je voudrais insister ici sur le fait qu’il est faux de prétendre que la jeunesse tunisienne se désintéresse de la chose publique. La jeunesse est partout : dans la création artistique, dans les associations culturelles… Peut-être que nous ne savons pas lui parler. Notre objectif premier, après le congrès de l’été, est d’aller à sa rencontre, de l’écouter et de changer, pourquoi pas, notre manière de lui parler.
Est-ce que le Mouvement Ettajdid changera de nom pour exprimer ce renouveau !
Cela se discute. L’essentiel est que nous changions nos modes d’actions et que nous devenions un véritable rassemblement démocratique qui pèse sur les choix fondamentaux de la société tunisienne. Zyed Krichen (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N° 1105 du 1er mars 2007)