3 mars 2007

Home – Accueil الرئيسية

TUNISNEWS
7 ème année, N° 2476 du 03.03.2007

 archives : www.tunisnews.net


Release Mohamed Abbou, Jailed Human Rights Lawyer in Tunisia Nouvel Observateur: Tunis carbure à l’optipessimisme Med Many: Lutte contre la corruption DEC: Tunisie- UE- Agriculture : Comment améliorer l’exportation des produits agricoles tunisiens sur les marchés européens? Le Temps: »Khamsoun », « Art » et « Nejmet Nhar » :Le printemps du théâtre Nadia Khouri-Dagher : Quand les médias français parlent arabe ou berbère


Release Mohamed Abbou, Jailed Human Rights Lawyer in Tunisia

 

On March 1, 2007, Tunisian human rights lawyer and activist Mohamed Abbou will complete his second year in prison. Abbou’s supporters around the world have declared an international day of protest to call for his release from prison.  He is held in harsh conditions and has suffered beatings by prison guards and other inmates. Abbou’s wife, Samia Abbou, is being persistently harassed by the security forces as a result of her struggle for the release of her husband. Last December, while on her way to visit her husband with other human rights defenders, she was brutally assaulted and beaten by a group of forty men right in front of several police officers, who looked on without intervening. Mohamed Abbou is serving a three-and-a-half year sentence for exposing torture in Tunisia in postings to a blog, and for comparing the treatment of prisoners in Tunisia to conditions in Abu Ghraib Prison in Iraq.   Please participate in the International Day for the Release of Mohamed Abbou by urging the Tunisian authorities to free him immediately and unconditionally.   http://action.humanrightsfirst.org/campaign/Abbou4?rk=bpMuozY1_RKqW


Tunis carbure à l’optipessimisme

C’EST SERRE. Le score incertain. Y a-t-il une vérité ici ? Une seule idée droite et claire ? Un seul sentiment qui tienne la route ? Sans doute pas. Plonger sur Tunis, courir de la place Pasteur à Gambetta, tourner au ralenti sur les routes entortillées de Gammarth, c’est s’enfoncer tout de suite dans un flou d’illusions, d’évidences à double-semblants. On aime sans doute Tunis pour ça : pour cette exaspération, ce grand atermoiement des âmes coincées depuis des millénaires dans la même névrose. Peut-on construire une certitude sur un mariage de loup, un arc-en-ciel ? Tunis n’en finit pas de mélanger les sept couleurs. Tunis cherche depuis un quart de siècle, peut-être un siècle, la route de son rêve alpin ou de ses chimères orientales. Choisira-t-elle un jour ? Ecoutez : chaque seconde ici vous parle deux fois et deux langages. Le double langage ; un sport national. Halte. Des rues du Passage aux allées de l’avenue de Carthage, il est interdit de simplifier. Pas une assurance. Une quête. Et un doute. Le flou se respire sur les trottoirs, dans le parc Le Belvédère, au marché central ou à celui de Bab El Khadra. Il compose cette extraordinaire toile de fond des tracas et pépins des Tunisois : la joie blessée de Tunis. Mais la joie quand même. Il y a ici un moteur diesel de la gaieté, un parti pris ludique, une disposition à la joie, qui font encore de chaque événement, un appel à la fiesta. Ces rires hilares, ces bourrades qui viennent déchirer la détresse. Il reste beaucoup de zizique dans l’air de Tunis. La plus âpre des réunions politiques est toujours sauvée du « sérieux », le Koubi, par quelques tirades vertes. Le langage lui-même rit : « khali adalni, wach alikoum fih… » Ici, la plage et les rivages ne sont jamais très loin des commissariats. L’ombre a des goûts de mandarine. Aller au festival de Carthage ou de Boukarnine c’est recevoir une grosse bouffée d’allégresse et de bruit. Déambuler sur l’avenue de Roosevelt à la Goulette, c’est collectionner à chaque pas un rire ou un commérage réjoui sur la maison Ben Ali. Ca laisse des saveurs d’orgeat dans la tête. De quoi se plaignent donc ces Tunisois si joyeux ? C’est odieux. Passés les premiers éblouissements, on découvre sans peine que la joie tunisoise est aussi une joie griffée. Peu de rires ici qui, à un moment ou un autre, ne grincent brusquement. Derrière la pétulance tunisoise subsistent quantité de vérités tues, tout un fond de crispations dissimulées. En quelques minutes, à la place Mohamed Ali, n’importe quel meeting syndical peut déboucher sur un défilé tendu, agressif. Une seule plaisanterie peut soudain faire bloquer les mâchoires et serrer les poings, à vifs, au-dedans de lui-même, quand elle bouscule le fragile édifice de conventions qui seul permet de vivre dans Tunis. Humiliations, omniprésence de la police, assujettissement politique, dépendance financière, angoisse du quotidien et du lendemain. Rien de tout cela n’est évacué. Malgré les apparences, chaque Tunisois garde dix mille colères disponibles dans son ventre. Il suffira d’un rien pour que l’aimable paysage de la place de la monnaie devienne un enclos exaspéré où gronde la foule. La tension jamais vraiment dissipée, la violence qui trame toujours dans les rues forment l’autre face de cette « joie ». Joie et drame collés l’un à l’autre, insouciance et colère indissociables. Un autre choc. Tunis est riche. Aux entrées, l’alignement des grands magasins illuminés suggère l’idée d’une abondance douillette. Tout comme les vêtements du trottoir, les écoles, les cliniques, les embouteillages du soir, les norias de 4×4. Oui, elle fait riche Tunis. Les chiffres que fournissent volontiers les argentiers de Bali et qui mesurent la « consommation » tunisoise confirment cette rassurante bombance. Entre l’aéroport et la ville, « les grandes surfaces » rutilantes ouvertes par la nichée reconvertie dans le commerce alternent avec des hangars fermés dont les murs s’écaillent au bord des routes. Consommation et pauvreté, misère dans l’abondance. On ne reviendra pas sur les chiffres qui recensent les chômeurs. La « richesse » de Tunis n’est qu’un leurre, « l’abondance » ici est concédée, artificielle, administrée comme un anesthésiant par un régime soucieux d’abord de prévenir les explosions politiques. Elle nourrit un malaise diffus dont elle empêche tant bien que mal l’expression violente. Les « poches de misère » restent d’ailleurs aux aguets de Tunis. Une virée du côté de Hay Lakrad, Hay Ettadhamen, El Poudrière fera le nécessaire. Les familles de chômeurs de Melassine, entassées dans une pièce, consolées par l’alcool ou la religion, souriaient amèrement d’entendre parler du « niveau de vie » global des Tunisois. La multiplication à Tunis des grands hôtels de luxe, qui fournit quelques emplois subalternes aux Tunisois, souligne par contraste la pauvreté qui campe tout autour de la ville. Mais même pour ceux des Tunisois qui goûtent, malgré tout, à cette « richesse », l’appétit de consommation n’est jamais délivré d’une sourde mauvaise conscience, d’une exaspération impuissante. Avec la « vie à crédit » Zembla a coincé les Tunisois. La vie à crédit est d’abord le salaire de la docilité politique. Le « niveau de vie » implique la renonciation à un quelconque destin. En dévalisant les supermarchés, quel Tunisois n’avait pas, confusément, le sentiment de consommer sa propre liberté. Les délices d’une colonie de truie. On retourne à Tunis à l’orée du jour. Sur les murs, des méga-posters de Bali partent en lambeaux. Un peu dérisoires. « Tous avec Ben Ali ». On retient au moins une certitude. Si à Tunis les gens ont le ventre plein, ils crèvent de faim. (Source : Nouvelobs.fr (Site du Nouvel Observateur – Magazine hebdomadaire – France), le 8 février 2007) Lien : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/tribunes/20070208.OBS1444/tunis_carbure_a_loptipessimisme.html
 


Lutte contre la corruption

 
Med Many
 
A propos de l’article paru dans Tunisnews intitulé  ‘’La corruption et la douane tunisienne sur Tunis7’’ ,  je voudrais vous signaler qu’en tant qu’expert auprès d’organisations internationales ayant travaillé sur cette question, que la lutte contre la corruption pour être réellement efficace necessite tout un ensemble de mesures.
  Il ne s’agit pas seulement en effet de punir un douanier, un policier, un juge, ou tout autre fonctionnaire une fois de temps en temps. Les mesures à prendre pour lutter contre la corruption sont d’ordre général. Il s’agit d’introduire de véritables reformes du fonctionnement de l’État, allant dans le sens de ce qu’il est convenu d’appeler la Bonne gouvernance.  
Les organisations internationales comme la Banque mondiale, l’OCDE, ou le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ont toutes élaboré dans le détail des programmes de lutte contre la corruption.  De nombreux pays en développement les ont adopté, guidé et assisté par le PNUD par exemple (voir son programme de lutte contre la corruption : http://www.undp.org/governance/docs/AC_PN_French.pdf ). De nombreux payses ont adopté, sauf la Tunisie, qui refuse même d’en parler au niveau des organisations internationales.
Après avoir constaté que « la corruption est essentiellement un problème de gouvernance, un constat d’échec des institutions et la marque d’un manque de capacités de gérer la société au moyen de systèmes équilibrés de freins et de contrepoids sociaux, judiciaires, politiques et économiques » ; que « Corruption = (Monopole + Discrétion) – (Redevabilité + Intégrité + Transparence -RTI), [indiquant] qu’en l’absence de RTI (provenant principalement de faiblesses de la gouvernance) la combinaison du monopole du contrôle et du pouvoir discrétionnaire aboutit à la corruption » ; et que « la corruption résulte donc essentiellement de carences de la gouvernance. » ; voici quelques mesures que recommande de prendre le PNUD pour lutter efficacement contre la corruption :
 Renforcement des institutions nationales compétentes
              -Renforcement des capacités des entités et institutions nationales compétentes en matière de redevabilité, transparence et intégrité (RTI)
            -Attention particulière au renforcement des mesures de RTI dans les situations de post-conflit
 Accroissement de la participation du public et formation de coalitions
           -Association des organisations de la société civile (OSC) à la programmation et l’élaboration des politiques de RTI
 Interventions avec la communauté internationale  
            -Coordination des initiatives anti-corruption aux niveaux nationaux et internationaux
 Mise en oeuvre et suivi de la Convention des Nations Unies contre la corruption
                             =Conception d’approches anti-corruption :
La lutte contre la corruption et l’amélioration de la RTI sont des efforts de longue haleine, mais qui doivent aussi être entrepris au moment voulu
        Une approche globale et intégrée visant à instaurer des réformes institutionnelles clés ainsi qu’un changement culturel est nécessaire.
        Les réformes anti-corruption doivent modifier les valeurs et les cadres éthiques par l’éducation et par une étroite participation des jeunes pour s’implanter dans la culture sociale. L’intégration généralisée de normes de professionnalisme et d’éthique dans la fonction
            Pour être efficaces, les institutions consacrées à la lutte contre la corruption doivent être investies d’un mandat et de pouvoirs clairement définis, disposer de ressources suffisantes et être indépendantes
            Les interventions visant à accroître la redevabilité au niveau local [décentralisation] peuvent s’avérer efficaces en tant que points de départ pour lancer la lutte anti-corruption
 
            Il est fondamental, pour que les programmes de réforme soient efficaces, que les dirigeants des instances gouvernementales et de la société civile, appuyés par une coalition de parties prenantes, comprenant notamment les institutions politiques, soient déterminés à agir en vue d’un accroissement de la redevabilité et de la transparence
 
            Limitation des possibilités de corruption par la simplification des procédures et des règlements ainsi que par l’emploi des TIC pour transformer les prestations de services publics.
        Réduction maximale des pouvoirs discrétionnaires des décideurs. Publier des directives claires sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire, des manuels à l’intention du personnel, des manuels de procédures, etc.
Démythification et dépersonnalisation du gouvernement.
             Promotion de la méritocratie. La rémunération des fonctionnaires à un niveau décent leur permettant de vivre est d’une importance critique pour prévenir la corruption. C’est ici que la réforme de la fonction publique et les initiatives anti-corruption convergent avec les politiques financières et économiques pour stimuler une croissance équitable. Parmi les autres mesures utiles figurent la gestion des performances, la publication des rôles et des attributions, la mise en place de mécanismes de recours efficaces en cas de décisions contestables et l’éducation des fonctionnaires pour leur faire apprécier l’importance de leurs fonctions et de leur mission. L’exécution d’une campagne visant à inspirer le respect pour l’État et ses fonctionnaires, ainsi qu’à bien faire comprendre la mission de l’administration aux administrés comme aux administrateurs et à inspirer chez ceux-ci la fierté résultant de l’accomplissement de cette mission peut contribuer à réduire la tolérance à l’égard de la corruption.
                            Amélioration de la gestion des finances publiques et renforcement des contrôles et de la supervision.
                        Établissement d’un contexte législatif favorable. Conçues avec la large participation de toutes les parties prenantes, les lois peuvent contribuer à l’instauration d’un système de valeurs propice à l’instauration d’une culture de tolérance zéro pour la corruption. Cela exige également des acteurs indépendants efficaces chargés de la supervision et de l’application des dispositions en vigueur.
 
                 Éducation de la jeune génération pour la préparer à la vie civique.
 
Application pratique de la redevabilité
Il faut faire preuve de vigilance dans l’application de la législation anti-corruption et dans la mise en oeuvre des mécanismes de redevabilité établis. C’est souvent un organisme indépendant de lutte contre la corruption qui est chargé d’y veiller. Quelles que soient les options retenues, la réforme des programmes et procédures publics ne saurait être menée isolément et différents types de réforme doivent être envisagé pour renforcer l’application des incitatifs anti-corruption. (La Note de pratique sur l’accès à la justice analyse ces mécanismes en détail.)
 
                        Établissement de postes d’enquêteurs, procureurs et d’arbitres qui veillent à l’application égalitaire des lois et règlements.
 
                       Renforcement des capacités et de l’intégrité de la police en tant qu’organisme responsable au premier chef des enquêtes sur les infractions.
 
                       Renforcement du système judiciaire et mesures conçues pour en assurer l’indépendance et la redevabilité.
 
                       Octroi de pouvoirs suffisants pour les enquêtes et poursuites,  conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme.
                       Intégration de mécanismes transparents, qui éliminent les privilèges sans relations avec les besoins du public dont les hauts fonctionnaires bénéficient du fait de leurs fonctions, dans la réforme des mesures d’application des lois.
                        Établissement de mécanismes de plaintes et de procédures d’appel efficaces, soit au sein de l’administration pour les fonctionnaires, soit pour le public. La possibilité d’un système électronique permettant de porter plainte en ligne est à examiner de manière à accroître la portée de la rétro-information.
                Établissement de mécanismes protégeant les dénonciateurs; encouragement de l’élaboration d’institutions, de lois et de pratiques qui permettent aux citoyens conscients de leurs responsabilités de dénoncer la corruption sans crainte de représailles, et qui donnent aux médias les moyens de jouer le rôle crucial qui est le leur pour tenir les gens et les institutions responsables de leurs actes.
                Adoption de procédures permettant de sanctionner les actes de corruption commis dans le pays mais par des personnes qui échappent à la compétence de l’État, dans le cadre de la lutte contre la corruption.
            Adoption de mesures efficaces de dissuasion, telles que l’imposition de sanctions civiles, l’inscription sur une liste noire d’entreprises corrompues, les accords d’extradition et autres dispositions juridiques permettant la saisie et la confiscation des bénéfices résultant de la corruption, dans le pays et hors du pays.
     Renforcement de la participation du public et formation de coalitions
L’une des caractéristiques communes à tous les efforts efficaces de lutte contre la corruption, qu’il s’agisse de programmes de réformes de l’administration public, de la réorganisation du gouvernement ou du renforcement des mécanismes d’application des lois, est qu’ils bénéficient tous d’un large soutien du public et d’un appui résolu aux plus hauts niveaux des instances de direction politiques. Les campagnes anti-corruption ne peuvent réussir que si le public les soutient. La sensibilisation du public et la formation de coalitions sont des facteurs essentiels dans ce contexte. La base de départ de ces campagnes consiste en un examen public du cadre juridique et institutionnel et en une évaluation de la nature et de la portée de la corruption dans la société.
Les gens comprennent généralement la gravité du problème de la corruption; il faut seulement les convaincre de la possibilité de remédier au problème. Divers groupes de la société civile (dirigeants religieux, organisations d’affaires, associations professionnelles et groupements ad hoc) ont un rôle à jouer au niveau de l’évaluation, du suivi et de la sensibilisation du public et peuvent contribuer de la sorte à obtenir du public qu’il participe activement à la lutte contre la corruption et aux activités de supervision.
Plusieurs mesures peuvent être prises pour sensibiliser le public et mener des actions en faveur de la formation de coalitions :
                        Déterminer la perception du public concernant les niveaux de corruption et les points où se situe la corruption de manière à établir une situation de référence par rapport à laquelle on pourra mesurer les progrès obtenus par les réformes. (Voir aussi le UNDP Source Book on ATI, Module 4: Ways to Document Bad Practices [Guide de référence du PNUD sur la RTI, Module 4 : Façons de documenter les mauvaises pratiques].)
                        Établir un environnement propice à la liberté de la presse. Adopter des lois sur la liberté de l’information, abroger ou amender les lois contre la diffamation et les injures de manière à ce qu’elles ne puissent pas servir à menacer la presse, éliminer la censure de la presse et des médias, relever les normes professionnelles des journalistes, mettre un terme à la discrimination du gouvernement à l’encontre de certains médias, et faire en sorte que les employés de médias appartenant à l’État puissent se conformer aux normes professionnelles relatives à l’indépendance et à la responsabilité. (Voir aussi la Note de pratique sur l’accès à
                        Renforcer la capacité de la société civile à s’acquitter de fonctions de surveillance. Outre les mesures visant à assurer le bon fonctionnement des institutions gouvernementales, il faut également renforcer le rôle et les capacités de la société civile, y inclus des médias, à faire fonction d’organismes de surveillance qui doivent sensibiliser le public à la gravité du problème de la corruption. Dans les pays en développement, la lutte contre la corruption exige un public engagé et informé et un accroissement de la demande de bonne gouvernance.
                        Participation active du secteur privé. Étant donné le rôle croissant de ce secteur dans la fourniture de biens et de services essentiels, une amélioration de la gouvernance et de la transparence des entreprises constitue un instrument puissant de lutte contre la corruption. La bonne gouvernance au niveau des entreprises exige l’établissement d’un système dans lequel les pratiques des affaires sont définies non seulement par des règlements écrits mais aussi par des normes d’éthique des affaires et par des comportements responsables des entreprises. Le secteur bancaire peut jouer ici un rôle significatif, par des mesures instituées pour assurer une comptabilisation transparente des transactions, lutter contre le blanchiment des capitaux et faciliter la restitution aux pays en développement des fonds détournés par les dirigeants corrompus. Les codes de conduite des entreprises peuvent également avoir une influence positive, à condition de faire authentiquement partie d’une culture des entreprises et d’être appuyés par des activités de formation, de suivi et d’application.  institutions nationales garantes de l’intégrité
Les pays qui prennent au sérieux la lutte contre la corruption doivent se doter d’institutions ou renforcer les institutions existantes ayant pour mandat de lutter contre la corruption et chargées de fonction spécifiques dans ce domaine et veiller à ce qu’elles disposent de ressources humaines et financières à la hauteur de leur tâche. Parmi les options à envisager figure la mise en place des organismes suivants :
                        Une commission indépendante de lutte contre la corruption, possédant de larges pouvoirs en matière d’enquêtes et de poursuites (et coopérant étroitement avec le système judiciaire) et investie d’un mandat d’éducation du public. Cette commission doit être véritablement indépendante des autorités au pouvoir mais régie par les règles de droit faute de quoi elle risque elle-même d’exercer une influence répressive. Pour fonctionner de manière efficace, tout organisme indépendant chargé d’enquêter sur les cas de corruption et d’engager des poursuites doit : avoir l’appui des autorités aux plus hauts niveaux du gouvernement, jouir d’une indépendance politique et opérationnelle pour pouvoir enquêter même aux plus hauts niveaux de l’État, posséder une capacité organisationnelle1 suffisante et une stratégie cohérente, disposer de ressources humaines, techniques et financières significatives et de pouvoirs adéquats pour accéder aux documents et interroger les témoins, et être dirigé par des gens capables et de la plus haute intégrité.
                    Comme il a déjà été noté, la création d’une commission indépendante de lutte contre la corruption n’est pas un remède infaillible qui met fin une fois pour toutes au problème de la corruption. On peut s’inquiéter de constater que la plupart des pays qui ont entrepris récemment des campagnes anti- corruption ont axé leurs efforts exclusivement sur la création ou sur le renforcement de ce type d’institution, qui fait figure de cure instantanée. Il y a en fait très peu d’exemples de commissions anti-corruption indépendantes efficaces. On cite souvent en exemple la Commission indépendante anti-corruption de Hong Kong (ICAC), le Bureau d’enquêtes sur les pratiques corrompues de Singapour (CIPB) et la Direction du Botswana sur le crime économique et la corruption (DCEC), mais ces modèles ne sont que rarement reproductibles étant donné la spécificité du contexte dans lequel ces organismes opèrent, l’histoire particulière de leur création et leur évolution.
                        Un vérificateur général, un médiateur et un comptable général. Les titulaires de ces fonctions doivent être nommés d’une façon qui assure l’indépendance de chaque charge et le professionnalisme de leurs prestations; les rapports émanant de ces bureaux doivent être largement publiés et le gouvernement doit agir pour appliquer leurs recommandations. Le vérificateur général et le médiateur jouent un rôle clé pour assurer la supervision de l’administration publique, ce dernier permettant à la population d’émettre des doléances et de déposer des plaintes en cas de mauvaise gestion. Le comptable général, en particulier dans les pays où cette charge jouit d’une certaine autonomie au sein du ministère des Finances, peut jouer un rôle très important au niveau de la prévention en veillant à ce que les dépenses autorisées soient pleinement justifiées et transparentes. (Voir aussi CONTACT, chapitres 3, 7 et 8 à http://www.undp.org/governance/contact_2001.htm)
                        Un organisme chargé de la passation des marchés publics, opérant de manière transparente, qui assure une supervision indépendante des activités de passation de marchés et de contrats de l’État et de leur exécution. (Voir aussi CONTACT, chapitre 12.)
                        Une commission d’administration électorale qui assure un examen indépendant et impartial des activités relatives aux élections, ne favorisant pas de parti politique ou de groupe particulier. Les pays doivent être en mesure de s’opposer à l’effet corrupteur de l’argent sur leurs processus démocratiques. La participation du public au processus de surveillance est nécessaire pour renforcer la confiance de celui-ci, tout comme est nécessaire une formation des responsables des partis politiques pour les familiariser avec le système et pour leur permettre d’exercer une surveillance professionnelle. (Pour plus de détails, se reporter à la Note de pratique sur les systèmes électoraux.)
                        Des mécanismes législatifs solides assurant la redevabilité des instances gouvernementales et parlementaires tels qu’un comité des comptes publics sont nécessaires pour que le public ait accès aux procédures de supervision, lesquelles doivent porter sur les entreprises d’État, les processus financiers et budgétaires, et les dépenses et les recettes publiques. (Se reporter à la Note d’orientation du PNUD sur le développement parlementaire)
                        Un système judiciaire qui assure la primauté du droit et qui est de ce fait un rôle puissant à jouer dans la lutte contre la corruption. (Se reporter pour plus de détails à la Note de pratique sur l’accès à la justice.)
 


 « Khamsoun », « Art » et « Nejmet Nhar » : Le printemps du théâtre

  Par Ridha KEFI  Il faut lire le titre de cet article au premier degré. Car il s’agit bien, ici, de printemps, c’est-à-dire d’une phase de régénérescence et de renouveau, qui intervient après une longue hibernation. Il s’agit aussi de théâtre, c’est-à-dire d’un art multidimensionnel où paroles, gestes, mouvements, formes, sons et lumières composent un spectacle total qui excite l’esprit, ravit les sens et ravive la joie de vivre. A condition, bien sûr, qu’il soit bien fait. Ce qui arrive parfois, même chez nous… Ce titre optimiste nous a été inspiré, vous l’avez sans doute deviné, par la présentation, successivement, à quelques semaines d’intervalle, de trois pièces de théâtre comme on n’en a pas vu depuis un certain temps. Trois pièces signées par de vieux briscards de la scène, qui nous ont, tour à tour, surpris, choqués, émus ou simplement ravis, nous réconciliant avec le  bon vieux théâtre, avec ses rituels immuables et ses codes désuets, qui n’interdisent cependant pas quelques audaces modernistes. Ai-je bien écrit « audaces » ? Je pensais sans doute à la dernière pièce de Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar, « Khamsoun » (Cinquantenaire), dont on n’a pas fini de saluer le courage intellectuel et politique. Ce n’est pas tous les jours, en effet, que l’on peut voir sur nos scènes une pièce où les personnages parlent, et avec une telle liberté de ton, d’islamisme radical, de terrorisme, de répression politique voire de… torture. C’est à se demander si de telles  » audaces  » nous sont permises, à nous autres journalistes. Permises ? Mais par qui ? Par quelle instance de censure ? Notre propre conscience ? Notre souci de ne pas faire des vagues ? Notre volonté de ne pas trop nous écarter du  » politiquement correct  » dont les lignes, on le sait, ont tendance à s’élargir indéfiniment ?   Censure ou coup de pub ?   En créant « Khamsoun » au Théâtre de l’Odéon, à Paris, en juin dernier, Fadhel et Jalila ne s’étaient sans doute pas encombrés de pareilles considérations. Pouvaient-ils, d’ailleurs, céder à la tentation de l’autocensure, alors qu’ils travaillaient au pays de Voltaire, de Hugo et de Zola ? Le couple était donc animé d’une seule motivation: s’exprimer, le plus sincèrement possible, et par les moyens spécifiques du théâtre, sur l’évolution de leur pays au cours des cinquante dernières années. Et, surtout, répondre à ces questions, qui torturent certains d’entre nous: pourquoi, cinquante ans après l’indépendance, l’Homo Tunisianus, expression chère à Fadhel Jaïbi, n’est-il pas encore vraiment libéré de ses vieux réflexes conformistes et conservateurs ? Pourquoi est-il plus « ouvert à la modernité » que réellement « moderne », tant il se montre frileux dès qu’il s’agit de s’aventurer hors des sentiers battus ? Pourquoi craint-il d’assumer pleinement ses pensées et ses actes et de se réaliser dans une affirmation – positive et joyeuse – de soi ? Pourquoi est-il encore enclin à se soumettre à la loi du groupe, qu’il s’agisse de la famille, du clan régional, du « Parti » (avec un grand « P », « al-hizb » comme on dit chez nous, par allusion au parti au pouvoir) ou encore de la  »oumma » musulmane, qui est en train de devenir son dernier refuge en cette ère de mondialisation ? L’adhésion de nombre de nos jeunes, souvent diplômés du supérieur, aux mouvements islamistes radicaux, dont « Khamsoun » a essayé de nous expliquer les motivations politiques, ne s’explique-t-elle pas par ce repli frileux sur la religion, devenue le dernier sanctuaire de l’identité, après la perte de tous les autres: l’individualité, l’histoire, la culture, le nationalisme  arabe…? Cet Homo Tunisianus, si ennuyeusement lisse et policé, ne se rend-t-il pas compte qu’en acceptant d’être  totalement pris en charge, logé, nourri, blanchi, mais aussi encadré, encarté, rattaché, attaché…, il finit par perdre toute autonomie et se trouve presque déresponsabilisé, infantilisé, déprécié…? Déprécié et consentant : le comble de l’aliénation. Ne fut-ce que pour avoir suscité en nous ces quelques interrogations, « Khamsoun » a honoré son contrat intellectuel, même si, sur un plan strictement artistique, la dernière œuvre de Jaïbi et Baccar nous a paru assez quelconque, péchant par schématisme et tirant en longueur. Une autre remarque s’impose à propos de cette pièce : en empêchant sa représentation pendant plusieurs mois, la Commission d’orientation théâtrale – une curiosité archéologique inspirée des vieilles pratiques jdanoviennes aujourd’hui abandonnées par les héritiers mêmes des Soviets -, rattachée au ministère de la Culture et du Patrimoine, n’a pas manqué d’alimenter une campagne de protestation à l’intérieur et à l’extérieur, qui a abouti à la « libération » de la pièce, ainsi d’ailleurs qu’à son succès. Comme quoi, la censure est tellement bête qu’elle participe, « à l’insu de son plein gré », à la promotion de ce qu’elle croit interdire, en lui faisant notamment une publicité inespérée.     Alors censurons, censurons : il en restera toujours quelque chose…   Les illusions perdues   Seconde pièce vue et appréciée ces dernières semaines: « Art » de Yasmina Reza, mise en scène par Mohamed Kouka et interprétée, dans la langue de Molière, par Mohamed Kouka – qui aurait dû se contenter de signer la mise en scène, tant son jeu est stéréotypé et son élocution torturée – et ses deux compères: Hichem Rostom, égal à lui-même, c’est-à-dire droit et adroit, presque parfait mais sans épaisseur, et Raouf Yaghlane, le meilleur des trois, étonnant dans un rôle de farfadet souffre-douleur auquel il a su donner une densité presque tragique qui m’a ému personnellement. Dans « Art », Yasmina Reza présente trois hommes sur le retour, blessés et blessants, qui s’entredéchirent à propos d’un tableau complètement blanc acheté par l’un d’eux. Il s’agit plutôt d’une croûte, une « merde blanche » selon l’un des protagonistes, mais qui déclenche un ouragan de ressentiments, déshabille les trois compères, combattants d’une guerre inutile, avant de les renvoyer à leurs misères intellectuelle et affective. Dans ce huis clos émouvant à force d’être risible, pitoyable de nullité, trois solitudes se croisent, s’entrechoquent et se brisent sur le roc des illusions perdues.   « Othello » ou la solitude du pouvoir   Troisième grand moment de théâtre : une grande pièce de Shakespeare, « Othello », revue – mais non corrigée – par Mohamed Driss, assisté par l’excellent Hassan Mouadhen, dont la première a été donnée mercredi dernier à la salle du Quatrième Art. « Nejmet Nhar » (Etoile du jour) – c’est son titre en arabe tunisien – restera dans notre  mémoire comme l’une des meilleures créations de Driss. Elle est, en tout cas, la plus accomplie sur le plan littéraire. L’auteur a réussi à transposer toute la densité poétique et l’intensité dramatique du texte shakespearien dans un dialecte tunisois châtié mais assez juste. Il fallait le faire. Pour m’y être essayé moi-même il y a quelques années, sans succès, je ne peux que m’incliner devant la verve « drissienne » et ses prouesses linguistiques. Mais Driss, on le sait, n’est pas seulement un grand spécialiste de l’arabe tunisois, il est aussi un orfèvre de la langue tout court. Bref un écrivain. Sur le plan artistique aussi, Driss nous a offert un spectacle de grande qualité. Avec une scénographie alliant fonctionnalité, dynamisme et esthétique. Les costumes sont délicieusement surannés, alternant les tons vifs et pastel, comme pour accompagner les changements de rythme ou les accentuer. De coupes tantôt classiques tantôt contemporaines, ils donnent à la pièce une dimension de modernité, qui est la marque de toutes les œuvres de Shakespeare. Les accessoires, quant à eux, présentent cette caractéristique d’être de leur lieu (la république vénitienne) et de leur temps (la renaissance italienne) et de renvoyer, en même temps, à un cosmopolitisme vaguement contemporain. Les scènes de guerre, bien que souvent chorégraphiées, semblent directement sorties des documentaires diffusés par Al-Jazira ou CNN, avec tenues de camouflage, kalachnikovs, pistolets et sirènes d’ambulances transportant les blessés vers les hôpitaux les plus proches…). La touche orientalisante, qui est la marque du style de Driss, se justifie elle aussi. Car Venise était, à sa manière, une république orientale, une autre Andalousie, passerelle entre Orient et Occident, bien qu’elle n’ait jamais cessé de faire la guerre aux Maures et aux Ottomans. Portés par des comédiens confirmés (Jamel Sassi, en Othello pathétique, Béchir Ghariani, excellent dans le rôle de l’intriguant Iago, Slah Mosaddek et Mustapha Koudhai) et de jeunes talents en herbe (Nedra Toumi, plus Desdémone que nature, Mohamed Anouar Achour, Samia Ayari, Abdelkader Ben Saïd…), « Othello » ou « Nejmat Nhar » est certes un drame sur l’amour et la jalousie. Elle parle aussi, comme la plupart des pièces de Shakespeare, des mirages du pouvoir et de la solitude des puissants, lorsqu’ils deviennent des marionnettes manipulées par leurs propres « créatures », les Iago et Raspoutine, généraux de l’ombre que la lumière effraie… (Source : « Le Temps » (Quotidien – Tunis), le 3 mars 2007)

 


 
Tunisie- UE- Agriculture : Comment améliorer l’exportation des produits agricoles tunisiens sur les marchés européens?
Sous le patronage de Messieurs, le Ministre du Commerce & de l’Artisanat, le Ministre de l’Agriculture & des Ressources Hydrauliques, le Ministre de l’Industrie, de l’énergie & des Petites & Moyennes Entreprises. Le CEPEX, en collaboration avec le Ministère de l’Agriculture & des Ressources Hydrauliques, a organisé ce matin une journée d’information sur les résultats de l’étude sur les concessions tarifaires accordées par l’Union Européenne aux produits agricoles tunisiens. Selon l’étude, les  exportations agricoles et agro-alimentaires représentent près de 10 % du total des exportations tunisiennes. La Tunisie exporte essentiellement l’huile d’olive, les dattes, de multiples produits de pêche, produits animaux, concentré de tomates, harissa, agrumes, vins et autres produits agricoles. Le marché européen qui compte 450 millions de consommateur offre de grandes opportunités aux produits tunisiens. Bien que l’agriculture ne soit pas intégrée dans la zone de libre échange (ZLE), l’accord d’association de 1995 et l’accord de 2000 spécifique à l’agriculture accordent aux produits agricoles et agro-alimentaires tunisiens un accès plus facile au marché de l’Union européenne. Cependant, et malgré ces mesures incitatives, le taux d’exportation des produits tunisiens demeure toujours faible. En effet, parmi les handicaps qui entravent l’exportation des produits contingentés dans le cadre de l’accord 2000, on cite : – L’accroissement de la consommation locale qui renforce l’effet limitatif de l’exportation. – Le morcellement des structures d’exploitation et l’accroissement des coûts de production (coûts  de la main d’œuvre, coûts de la mécanisation). – Le caractère extrêmement concurrentiel du marché européen. D’autres freins ont été détectés par l’étude à savoir : la compétitivité prix et hors prix et l’organisation des filières.  Recommandations : Le secteur agricole tunisien est appelé d’abord à surmonter plusieurs contraintes d’ordre institutionnel, technique, logistique et financier qui pèsent lourdement sur la production et l’exportation. L’agriculture tunisienne nécessite selon l’étude des actions rapides d’organisation de la filière. L’étude recommande en outre, des plans d’actions pour définir les marchés cibles. Elle retient à titre d’exemple, le marché allemand pour les pommes de terre, le marché français pour les maltaises et les tomates fraîches et les marchés belges et Irlandais pour les autres agrumes. Des études sur le comportement des consommateurs sont également recommandées. A titre d’exemple,  la Tunisie peut promouvoir ses quotas en produits bios, perçus comme étant plus sains et bénéfiques pour la santé pour des consommateurs avertis et de plus en plus préoccupés par leur santé et leur bien-être.  

(Source: Dev-export.com le 1er mars 2007)

 


 

Quand les médias français parlent arabe ou berbère…

Nadia Khouri-Dagher Ils seraient quelque 450 en France. Environ 240 radios, 160 titres de presse écrite, et pour le reste: des télévisions, et surtout, de nombreux sites internet, ce média qui monte. Ce sont les médias pluriculturels en France, qui donnent la parole aux Français venus d’ailleurs, et mettent en valeur leurs cultures. Dans un « Répertoire des médias de la diversité », à paraître en mars, l’institut PANOS les a recensés. Etant donné l’importance des populations d’origine arabe et maghrébine en France, les médias qui s’adressent à cette fraction de la population comptent parmi les plus importants d’entre eux. Aujourd’hui, chaque Français a entendu parler de Beur FM, connaît Berbère TV qui lui est proposée en choix dans le menu des programmes satellitaires offerts par sa télévision; les publicités pour Respect magazine, qui cible les jeunes des banlieues, s’étalent sur les kiosques, à côté de celles pour Gazelle, le nouveau magazine féminin maghrébin, lancé il y a deux ans. Et un nouveau venu vient de faire son apparition, Le Courrier de l’Atlas, qui cible les Maghrébins de France. Le Maghreb et le monde arabe sont désormais installés dans le paysage médiatique français, et représentent en audience les médias « de la diversité » les plus importants, loin devant les médias africains (AMINA, Cité Black,…), latino-américains (Radio latina, America Latina al dia,…), ou asiatiques. Mais ce qu’on voit moins, et que la récente enquête de PANOS a permis de dévoiler, c’est la multitude de petits médias, radios et aujourd’hui sites internet, qui quadrillent le territoire français, et qui, bien que fonctionnant avec de petits moyens, et souvent à structure associative, et sans publicité, parviennent à faire émerger la parole de ceux que l’on n’entend pas, ou fort peu, dans les médias nationaux; permettent aussi à des millions de personnes d’écouter la musique et les chansons de leur pays; et mettent à l’antenne ou en mots écrits des débats et des points de vue alternatifs aux grands médias. Pour le comprendre, il faut remonter à 1981, date de deux lois décisives: celle qui autorise les étrangers à créer des associations; et celle qui permet la création de radios sur la bande FM. Beaucoup de radios vont alors se créer, à structure associative. Et ces radios vont parfois relayer… les actions et le travail des associations, sur le terrain! C’est en 1981 par exemple que se crée Radio Beur, devenue aujourd’hui Beur FM. La petite radio associative des débuts est devenue aujourd’hui une radio écoutée dans 15 villes de France et cumule 1.6 points d’audience en région parisienne, soit presque autant que France culture. C’est alors que se crée Radio Aligre, qui diffuse à partir du 12° arrondissement, et se donne d’abord un objectif modeste – une communication de quartier, être la voix des populations du quartier, qui compte beaucoup d’immigrés italiens alors – et qui diffuse aujourd’hui dans un rayon de 70 km autour de Paris, ayant accru son audience au fil du temps sans publicité, par la qualité de ses programmes… Car les médias pluriculturels en France ne sont pas tous des médias communautaires – ceux-ci sont même en minorité. Si en presse écrite les titres ciblent souvent des catégories particulières, à cause de la langue par exemple, espagnole ou chinoise pour ces populations, en radio le résultat le plus étonnant de l’enquête réalisée par Panos est la mise au jour d’un grand nombre de radios qui, partout en France, offrent leur antenne à diverses communautés d’origine étrangère. Sur Radio Rencontre, à Dunkerque, on entend ainsi parler arabe, italien, malien, berbère, ou polonais… selon les heures, et les animateurs. Radio Galère, à Marseille, se présente comme « fière d’accueillir les communautés croate, grecque, arménienne, corse, algérienne, berbère, arabo-andalouse, comorienne, capverdienne, caraïbe, antillaise, africaine, italienne, provençale, réunionnaise, latine… ». Sur La clé des ondes, à Bordeaux, on a des émissions en portugais et en espagnol, étant donné l’importance de familles originaires de la péninsule ibérique dans la région. Sur Alternantes FM, à Nantes, à côté des émissions de contes pour enfants en breton, on trouve des émissions en portugais, et un magazine, « Domaine Palestine », diffusé deux fois par semaine. Toutes ces radios citées sont associatives. Le pluriculturalisme des radios associatives s’explique… par leur vocation même: faisant de la communication de proximité, relayant l’action des associations de quartiers – à qui elles offrent souvent l’antenne, et travaillant en milieu urbain, ces radios locales, à vocation quasi-militante, sont forcément amenées à s’intéresser… aux populations qui vivent autour d’elles. Radio Galère a ainsi une émission consacrée aux Sans papiers; une autre intitulée « Algérie: lutter pour espérer » –identités que l’on cultive au même titre que dans l’émission « La Terre d’Oc ». L’autre surprise de l’enquête, c’est la montée en puissance des médias pluriculturels, et notamment arabes et maghrébins, sur le net. Oumma.com; saphirnews.com; afrik.com,etc… (et babelmed en fait bien évidemment partie!): le plus souvent consacrés à une région du monde, les médias sur le net tirent avantage de leur fonctionnalité de « pont » entre ici et là-bas: sur les forums, s’échangent les opinions de ceux qui vivent ici et ceux de là-bas; l’information sur un événement important dans le pays où l’on est né est accessible immédiatement, et sans censure… Et la presse écrite se met aussi à ce média, tel le magazine Gazelle, qui avoue attirer nombre de lectrices du média papier… grâce à son site internet! Et, s’ils ne sont pas toujours connus du grand public, ces médias sont souvent des médias de référence pour les populations concernées. Afrik.com par exemple est devenu le premier site d’informations sur l’Afrique et le Maghreb, recueillant 1,1 million de visites par mois, et ses articles sont repris par de nombreux titres de la presse écrite sur le continent. « Le boom de ces médias de la diversité correspond à un besoin », explique Abderrezak Larbi Cherif, présentateur-vedette de Berbère TV. « Les gens sont heureux d’entendre leur langue, et de faire connaître leur culture à leurs enfants ». L’anonymat de la radio et du net permet aussi à ces populations de débattre de problèmes délicats, par exemple dans les émissions interactives à la radio, qui parlent de violence conjugale, des sans papiers, ou de droits d’héritage au pays. Preuve du besoin de s’exprimer: sur Beur FM, l’émission la plus écoutée est Forum Débats, animée par Ahmed Elkaey. « Nous traitons l’information différemment, explique celui-ci. Nous abordons des sujets que les autres médias n’abordent pas. Et les auditeurs nous appellent de toute la France ». Le problème auquel sont confrontés ces médias est celui de leur structure et de leurs moyens. Fonctionnant avec des armées de bénévoles – exemple, pour Radio Aligre, 80 journalistes-animateurs bénévoles, 7 administratifs-techniciens permanents; une foule de bénévoles et de stagiaire chez Berbère TV, … – ne disposant pas de budgets importants, ces médias peinent parfois à se développer et à se faire connaître au-delà de cercles restreints. Ce que l’enquête de Panos aura permis de révéler, en tout cas, c’est que, parmi les journalistes et animateurs de ces médias, se cachent de véritables passionnés, et des talents qui n’ont rien à envier à ceux des gros médias. Et au total, on se dit que les audiences cumulées de ces 450 médias alternatifs, cela constitue une énorme part d’audience, qui recherche et trouve là des informations que les grands médias nationaux ne lui fournissent pas… (Source : le portail Babelmed (France), le 28 février 2007) Lien : http://www.babelmed.net/index.php?menu=31&cont=2526&lingua=fr


Home – Accueil الرئيسية

أعداد أخرى مُتاحة