28 janvier 2011

TUNISNEWS 10 ème année, N° 3902 du 28.01.2011 archives : www.tunisnews.net

CIDT-TUNISIE: La lutte contre la torture doit malheureusement se poursuivre, Mouvement Ettajdid: Pour que le gouvernement provisoire accomplisse entièrement sa mission sous le contrôle continu du peuple Ahmed BEN AMOR: LA FAUTE A BOURGUIBA Slim DALI: Les Tunisiens doivent restés unis pour l’avenir Mohamed Ali Mhalla: Quoi faire maintenant? Les prochaines étapes de notre révolution Monia Jaafar : Aujourd’hui j’ai pagaille, demain j’ai élection !!!


AFP: Tunisie: le Premier ministre prêt à rencontrer les manifestants AFP: Tunisie: la France souhaite au nouveau gouvernement de réussir AFP: Tunisie: heurts entre police et manfestants, au moins 5 blessés AFP: UE : le nouveau chef de la diplomatie tunisienne invité à Bruxelles AFP: Tunis : La police évacue les manifestants devant les bureaux du PM AFP: Affaire Belhassen Trabelsi: le Canada suivra la requête de Tunis AFP: Tunisie: l’esplanade de la Kasbah évacuée, heurts entre police et manifestants AFP: Affaire Belhassen Trabelsi: le Canada suivra la requête de Tunis

REVUE DE PRESSE


CENTRE  D’INFORMATION  ET  DE  DOCUMENTATION  SUR  LA  TORTURE             CIDT-TUNISIE Association de citoyens du monde pour le droit des Tunisiens à ne pas être torturés Membre du Réseau SOS-Torture de l’OMCT-Genève        Comité d’honneur :      Jacques  FRANÇOIS      Mgr. Jacques  GAILLOT                                     Besançon, le 28 janvier 2011      Hélène  JAFFÉ       Gilles PERRAULT      François DE  VARGAS 
Président :      Jean-Marc MÉTIN   

La lutte contre la torture doit malheureusement se poursuivre,   MENACES SUR LA REVOLUTION TUNISIENNE


 Les nouvelles de Tunis indiquent que le pire des scénarios demeure possible. Au soir du soir du 27 janvier, un gouvernement épuré des figures connues de l’ère Ben Ali a été annoncé. La majorité de ses membres sont cependant inconnus de l’opinion.  Kamel Morjane, ministre des affaires étrangères sortant, tortiocrate* bon teint et proche de Ben Ali par alliance, a reçu le Secrétaire d’Etat adjoint Jeffrey Feltman, en visite à Tunis mardi 25 janvier. Or, les deux personnages se connaissent très bien.  M. Feltman, ancien diplomate à Tunis entre1998 et 2000, y était encore en mars 2010 pour s’assurer de la coopération du gouvernement tunisien au sommet arabe de Syrte, en Libye. C’est justement de ce dernier pays que vient l’hostilité la plus irrationnelle à l’endroit de la révolution tunisienne. Si donc des manœuvres devaient être menées contre la Révolution, M. Morjane n’y sera pas étranger, Pour ce faire et au vu de la puissance du mouvement révolutionnaire, cette contre-révolution estime avoir besoin de six mois, ce délai étant lui-même contraire à la Constitution actuelle censée être en vigueur.         Les manifestants qui campent sous les fenêtres du Premier ministre depuis plusieurs jours l’ont bien compris. Ils ne sont pas là par confort intellectuel. C’est là qu’intervient l’armée directement sur la rue. Le chef d’Etat-major est allé prévenir la manifestants que s’ils ne libéraient pas la Place, « la Révolution va être perdue… » Mercredi, des contre-manifestations apparaissent, comme au temps des barbouzes de Ben Ali. Des locaux de l’UGTT, puissante centrale syndicale unique, sont attaqués et saccagés par des inconnus, comme aux pires moments de l’ère Ben Ali. Dans tout cela et plusieurs jours après la chute du général Ben Ali, les partis et associations non reconnus sont ignorés. Mais surtout, les prisonniers politiques, notamment les victimes de l’inique loi sur le terrorisme, n’ont pas été libérés. (Nourelhak Ben Cheikh et des centaines d’autres très jeunes gens, dont la détention sur la base d’une loi unanimement condamnée, sonne comme un lapsus de la part du gouvernement actuel.) Tous ces éléments ne sont pas loin de rappeler la révolution de Mossadegh en 1952. Le chah d’Iran avait été réinstallé sur le trône peu après avoir été chassé du pays. Le tout grâce à l’action inlassable de la CIA… Dans ces conditions, tout reste à jouer. Les six mois seront pour la révolution un tunnel obscur et ouvert sur toutes les éventualités. Non seulement nous renonçons à dissoudre notre association, les risques de torture étant loin d’être écartés, mais nous restons plus vigilants que jamais pour empêcher que la formidable et inespérée révolution du peuple tunisien ne soit détournée ou avortée. Nous appelons les amis du peuple tunisien à rester à l’écoute. RIEN N’EST ENCORE  JOUÉ !                                                                                    Khaled BEN M’BAREK, Coordinateur   * En tant qu’ambassadeur, MORJANE a soutenu le 2ème rapport périodique de la Tunisie au Comité contre la torture, où le CIDT était présent. Devant le constat accablant du Comité, il avait effrontément attaqué la « partialité » de l’instance onusienne. C’est  pour cette raison que nous avions mené contre lui une vive campagne lorsqu’il avait eu le culot de présenter sa candidature au poste de Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés.


 

Mouvement Ettajdid

Pour que le gouvernement provisoire accomplisse entièrement sa mission sous le contrôle continu du peuple


Après que les figures anciennes aient quitté les ministères de souveraineté, et qu’un nombre important de personnalités nationales connues pour leurs hautes compétences, leur intégrité et qui n’ont pas été compromises avec l’ancien régime, aient rejoint le gouvernement provisoire, Le mouvement Ettajdid – qui a milité et milite encore pour une rupture totale et définitive avec le régime corrompu et dictatorial et pour une transition pacifique vers un régime démocratique dans lequel le citoyen jouisse  de la liberté, de la dignité, du travail et de la justice sociale, et dans lequel le le dernier mot revienne  au peuple au moyen d’ élections libres, démocratiques et transparentes, sans falsifications ni trucages –  considère que la principale mission de ce gouvernement transitoire et provisoire consiste à : – sauver le pays, barrer la route à  toute tentative de régression et de retour en arrière, éradiquer la corruption et rompre définitivement avec les séquelles de l’ancien régime; – restituer au peuple l’argent de l’Etat que la mafia qui a régné sous Ben Ali a spolié; – poursuivre en justice ceux qui ont ravagé le pays, y compris le président destitué, sa famille et tous ceux qui ont contribué à la destruction et au chaos après leur fuite; – prendre rapidement  des mesures concrètes afin d’assainir le climat politique et d’élargir la concertation à tous les partis, organisations et associations indépendantes, sans exclusive, afin de rassurer le peuple ainsi que les investisseurs et de rétablir la confiance dans le processus de réforme politique, économique et sociale, et assurer le retour de l’activité économique, à un rythme soutenu afin de garantir la stabilité et la sécurité du pays; – prendre rapidement des initiatives  pour  accorder des dédommagements et des indemnités, procurer du travail et toutes autres mesures d’urgence afin d’alléger le poids de la pauvreté et des  privations qui pèsent sur nos concitoyens dans les régions que le régime précédent a privées des conditions minimales d’une vie décente.   Soyons vigilants et critiques afin que le gouvernement soit au niveau des attentes du peuple.   Le Mouvement Ettajdid vous invite à le rejoindre pour protéger ensemble les acquis de la Révolution et continuer la pression, de l’intérieur du gouvernement et de l’extérieur, jusqu’à la réalisation de l’ensemble des exigences pour lesquelles s’est sacrifiée la jeunesse tunisienne.   Vive la Tunisie! Vive le peuple tunisien et sa jeunesse!   Mouvement Ettajdid, 7,  Avenue de la Liberté, Tunis, le  28 Janvier 2011

LA FAUTE A BOURGUIBA


Le père de l’indépendance Ivoirienne  HOUPHOUET BOIGNY a déclaré qu’il n’aimait pas être traité d’ex-président.   La Côte d’Ivoire souffre à ce jour de sa présidence à vie.  De même  pour BOUMEDIENNE en Algérie, ABDENNACER en Egypte et la liste est longue. Ils  croyaient  investi d’une mission divine.  Dans un discours célèbre en 1974,  BOURGUIBA  disait  explicitement : « les gens me compare au prophète de l’islam ». Devenu  un vieux gâté, à son image tout était figé, un pouvoir par terre et  à ramasser . Malgré quelques espaces de liberté sous surveillance, la vie politique était  verrouillée.  Toute opposition était laminée. A la surprise générale, un général surgit de l’ombre de BOURGUIBA promettant monts et merveilles.  Lassé et épuisé le peuple a cru. L’élite a suivi par simplisme ou par opportunisme. Un changement à la tête de l’état sans changement de comportement. C’était en fait une opération de  sauvetage du régime  qu’une nouvelle  ère.  Le pouvoir a gardé les mêmes reflexes .  La première des fautes c’était de céder en 1989 sur les  élections. En passant la période d’euphorie , les parenthèses sont  fermées. Le pouvoir absolu est devenu d’une vulgarité criante. Contrairement à BOURGUIBA un pouvoir sans légitimité ni historique ni populaire. Il faut finir avec cette présidence pesante et au dessus de tout contrôle. Malgré que je suis pour un régime présidentiel  à l’américaine, avec un parlement qui joue le contre pouvoir. Dans l’état actuel des choses ,il est peut être judicieux d’opter pour un régime parlementaire. Un président qui symbolise la continuité de l’état, un gouvernement issu d’une majorité parlementaire. En tout cas il faut finir avec le clonage de BOURGUIBA c’est  à dire le sauveur  et le pouvoir d’un seul.      Ahmed BEN AMOR  Paris le 28/01/2011      abenamor94400@yahoo.fr

Les Tunisiens doivent restés unis pour l’avenir


 

La Tunisie, carrefour de la méditerranée, se trouve à un tournant de son Histoire après avoir accomplie ce qui paraissait encore impensable il y a deux mois à peine. Prouvant sa maturité et son caractère pacifique, façonné par sa riche Histoire, le peuple Tunisien a mené de front  une révolution engendrée par l’acte courageux du jeune Bouazizi, qui s’immola pour exprimer sa profonde désespérance. Cette irrésistible force du peuple, spontanée, unie et soutenue par l’armée nationale, a donc conduit à l’éviction de l’ancien Président Ben Ali, fuyant le pays avec une partie de sa famille le 14 janvier 2011. La « révolution du jasmin » avait aboutie, comme l’on nommé les commentateurs, en référence à l’emblématique fleur de la Tunisie, au parfum si doux et agréable. Un parfum si enivrant que les Tunisiens, détenteurs de la révolution, ont refusé le gouvernement d’union nationale qui leur était d’abord proposé, les postes clés étant attribués aux membres de l’ancien régime.

Union sacrée

L’extraordinaire union des Tunisiens, de toute génération, de tout âge et de toutes les régions, s’est poursuivie après la date historique du 14 janvier pour affronter les milices de l’ancienne garde présidentielle. L’armée nationale, très populaire depuis qu’elle a joué pleinement son rôle de garde-fou républicain en refusant de tirer sur les manifestants, reçoit le soutien de la population. Des comités de quartiers se sont organisés par des jeunes et moins jeunes, des contrôles de véhicules se sont opérés pour assurer la sécurité alors que la police nationale avait perdue toute forme de confiance. Et puis, le formidable élan de solidarité de la révolution de jasmin se traduisait par des actions civiques qui consistaient à nettoyer les rues de tout types de déchets, offrir du ravitaillement aux soldats et contacter l’armée dès qu’un véhicule ou un milicien étaient repérés. Cette union sacrée du peuple Tunisien et le sentiment patriotique, enfin restauré, n’a certainement jamais été aussi fort depuis la lutte pour l’indépendance du pays.

Les risques de la division

Désormais libérés de leur apathie politique forcée, les Tunisiens restent vigilants pour que l’on ne leur confisque par leur révolution, payée au prix du sang des nombreux martyrs tombés sous les balles de la police de Ben Ali, et veulent être des acteurs actifs de la construction d’une démocratie dans leur pays. Et un des préalables à cette noble édification, consiste à faire le ménage des membres influents du régime de Ben Ali ainsi que de ses proches. La chasse aux sorcières a donc été lancée dès le soir du 14 janvier, visant prioritairement les membres des anciennes familles régnantes, les Ben Ali et les Trabelsi, qui ont fuit le pays ou ont été arrêtés par l’armée. Cette traque vise également ceux qui ont pu constituer de près ou de loin, des rouages de l’appareil de l’Etat-Ben Ali, membres du RCD (l’ancien parti-Etat au pouvoir) et présents dans les différentes sphères de la société (entreprises, associations…). Plus généralement, c’est la structure même de parti-Etat qui est dans le collimateur, dont la fin de la logique clientéliste et corrompue ne serait rendue possible que par le démantèlement du RCD. Aussi, cette profonde aspiration à vouloir tourner la page de vingt trois années de benalisme, pousse un grand nombre de Tunisiens à souhaiter la purge de l’administration des membres de ce parti et à réclamer la fin de son existence.

C’est précisément sur ces points que des risques de division planent. La nature quasi-siamoise de parti-Etat doit effectivement être supprimée, par la séparation entre ces deux entités. Or réclamer « le nettoyage » de l’administration paraît invraisemblable. Tout d’abords parce que l’Etat Tunisien ne peut pour l’instant se passer de la force publique existante pour assurer les devoirs qui lui incombent. L’exemple au contexte certes bien différent, du général De Gaulle, Président du  Gouvernement provisoire en 1944, qui fut contraint de s’appuyer sur une administration qui avait collaboré pour reconstruire la France, prouve cela. Par ailleurs, l’administration Tunisienne disposent de fonctionnaires compétents qui par la contrainte de l’ancien régime, n’ont pu exercer pleinement et librement leurs prérogatives, comme l’illustre le cas des avocats et des juges. Le président de l’association des magistrats de Tunisie, Hammadi Rahmouni et le juge Mokthar Yahiaoui, tout les deux non membres du RCD, ont récemment expliqué que bien que les postes clés de leur administration sont tenues par ceux qui ont manifesté une capacité aigüe à s’incliner et à servir le régime de Ben       Ali, il serait injuste de souhaiter la proscription des autres membres du corps judiciaire. Un réaménagement des différentes institutions en prenant le soin d’écarter les « courbés » de l’ancien régime, serait plus sage.

Réclamer la fin du RCD peut être à l’origine de deux autres sources de division. Dans l’esprit de bâtir les bases solides d’une démocratie, il est capital de ne pas se poser en contradiction avec celui-là. En effet, refuser l’existence d’un parti, c’est ne pas accepter le jeu de la démocratie et c’est la porte ouverte à toutes les autres concessions. Aussi, bien que ce parti s’est pervertie, il est à l’origine le parti du Néo-Destour crée par Bourguiba et trois de ses camarades en 1934, œuvrant pour la libération des Tunisiens du protectorat Français. Bien des hommes de progrès ont ensuite intégré ce qui allait devenir le PSD (Parti Socialiste Destourien) et ont animé de riches débats sur les questions de sociétés et de développement, orientant la politique du Président Bourguiba.

Le RCD a certes hérité d’un parti unique, d’un parti-Etat ayant une histoire liée intimement à celle de la Nation mais s’est transformé en une structure servant les intérêts des clans. Car si la plupart des membres de ce parti ont ensuite servi Ben Ali, les membres les plus brillants et fidèles à leurs principes ont fait le choix de le quitter. Le parti de Ben Ali doit être dissous, les membres de son comité central, les cadres régionaux et les cadres locaux doivent être évincés. Cela peut être possible par un retour des figures authentiques du bourguibisme, capables de transformer le parti en profondeur, qui ne sera plus unique, ni lié à l’Etat et s’inscrivant dans le jeu de la démocratie.

Les yeux du monde sont tournés vers la Tunisie qui est montrée en exemple pour la maturité et la lucidité de son peuple. Son unité a permis de gagner de grandes batailles mais tant d’autres choses restent à accomplir. Désormais maîtres du destin de leur Nation, les Tunisiens doivent vivement exiger une réforme de la loi électorale et être attentifs au déroulement de celle là, dans un cadre institutionnel particulier où les deux chambres parlementaires sont acquises à plus de 90% aux membres du RCD. Pour que le jasmin puisse continuer à diffuser sa douce odeur de liberté, condition nécessaire à la démocratisation, ses pétales doivent restée unies, comme le peuple Tunisien.

Slim DALI

Slim.Dali.1@gmail.com  


 

Quoi faire maintenant? Les prochaines étapes de notre révolution


 Après le changement du gouvernement provisoire qui répond a 90% de nos revendications, a part la présence de ghannouchi (qui a comme même un appui d’un large groupe de la population) d’ailleurs je pense que dans la politique il faut faire des concessions pour arriver a un certain équilibre. Je pense comme même qu’on est sur la bonne voie de la stabilité et la démocratie. Mais notre travail se s’arrête pas la surtout que plusieurs de nos revendications ne sont pas encore réaliser et bien sûre sa prend de temps de changer tous et pour cela on doit être patients et vigilents.  D’après moi Les  prochaines étapes devront être:  1-  la reprise de la vie normale surtout au niveau économique, administratif, éducation.. j’appelé tous les tunisiens a doubler d’effort et démontrer leur amour pour leur pays  en travaillant fort  yezina mel les années du tkarkir et de elghacha. Et pourquoi ne pas faire des heures supplémentaires bénévolement afin de rattraper le temps perdu.  2-  Il faut continuer a promouvoir l’unité et la solidarité du peuple et détruire tout ce qui reste du régionalisme de ben ali. Ceci peut se faire par des échanges de visites entre les jeunes de différentes régions, par l’envoi de l’aide aux régions isolées et pauvres. Par le sport en démontrant notre union dans les stades par des chants et des messages.  3-  J’appelé les tunisiens a l’étranger a envoyer de l’argent en  Tunisie le plus rapidement possible afin de renflouer les caisses de devises et stimuler l’économie de plus je leurs demandes d’augmenter leur consommation de produits tunisiens qui sont disponibles partout au mondes. Et de penser a rentrer cet été pour donner un coup de pousse au tourisme et a l’économie tunisienne. Votre role peut etre determinant.  Au niveau politique j’espère que les nouveaux ministres font tous pour réussir les nouvelles reformes au niveau politique, liberté de presse, justice, éducation, économie, liberté et démocratie…. Mais notre role consisterait à :  4-  Maintenir la pression pour modifier le mandat d’arrêt contre ben ali et tous ces assistants pour inclure les crimes contre l’humanité, la torture des opposants, l’oppression des jeunes… .  5-  Demander la libération immédiate de tous les prisonniers politiques (déjà on sait bien pourquoi le gouvernent  a pris tout ce temps avant de les libérer).  6-   Une enquête judiciaire sur le rcd doit être ouverte dans le but de dissoudre ce parti et ceci en se basant sur les lois et les règlements des partis politique (corruption, utilisation des biens publique, détournement de fonds, manipulation et falsification des élections, abus de pouvoir  et menaces sur les électeurs.  7-  la poursuite des personnalités impliques avec ben ali et sa mafia dans la corruption, l’abus de pouvoir, détournement de fonds, la torture et le meurtre des civiles. Je compte beaucoup sur nos avocats et nos juristes pour s’occuper de cette tache  8-  toujours maintenir la pression sur le gouvernement pour bloquer toute manœuvre anti démocratique ou toute manipulation.  même si on revient a la vie normale on ne doit pas se relâcher, la révolution est en marche et elle est la pour des années jusqu’au la reconstruction et le nettoyage de notre pays de la corruption de l ‘injustice social. Jusqu’au rétablissement de notre économie, de notre éducation jusqu’a la guérison de notre société des maux et des virus qui ont été propagé par le système ben ali. Jusqu’à ce que notre société retrouve son unicité, ses vrais valeurs de fraternité, de confiance, de paix social, d’entraide et de solidarité.  je vous pris de s’accrocher a cette révolution et de continuer le combat de tout les jours pour une meilleure Tunisie.   je tiens a remercier mes frères et mes compatriotes qui se sont rassemblés a la kasbah dans la douleur et la souffrance ainsi que tous les tunisiens qui ont manifesté  partout en Tunisie et qui ne sont pas découragés par les menaces, la manipulation, les fausses informations, l’intimidation et qui ont réussi a renverser ce gouvernement. Je leur souhaite un bon retour chez eux mais je leurs demande de rester disponible au cas ou on aura besoin d’eux et de leur courage. Je vous remercie pour votre courage, pour votre rage de vaincre  pour votre  solidarité et  pour votre détermination.  Je suis confiant et  très fier de mon pays qui avec cette jeunesse exceptionnelle ne peut qu’avoir un avenir prometteur. Je vous demande de garder toujours votre sourire, votre sens  d’humour et de saluer chaque tunisien que vous rencontrerez par un salut des braves un salut des héros. Qu’allah vous bénisse Vive la Tunise  Vive La liberté Vive la révolution Mohamed Ali Mhalla – Mouvement des Jeunes Tunisiens


                                                                                                                   Aujourd’hui j’ai pagaille, demain j’ai élection !!!


par Monia Jaafar
 
28 janvier 2011
Va falloir qu’on m’explique un certain nombre de choses, c’est la pagaille dans ma tête :  antimilitariste convaincue, me voilà à offrir des roses rouges aux soldats, un « taftaf » (pistolet en plastique) à mon fils de 3 ans qui admire les militaires car ils nous défendent contre les méchants. Mais les méchants c’est qui au juste ? La milice qui nous a terrorisés ? La police ? La flicaille en civil ? qui ?  Tunisie, terre des miracles : des morts qui ressuscitent (Ben Dhia, Imed Trabelsi, etc…), des évadés ayant un don d’ubiquité étonnant puisque signalés dans divers endroits en même temps, un Arbi Nasra, propriétaire de la chaîne Hannibal TV un jour la tête sur l’échafaud (pour haute trahison), le lendemain apparaissant à la télé les cheveux TEINTS gominés, lunettes à la Al Capone, entouré d’employés serviles qui clament, réflexe de Pavlov aidant, « bouna, bouna ! » (notre père, notre père) !  depuis le 14 janvier 2011, l’avion a décollé direction la démocratie. Nous traversons une zone de turbulences et d’incertitudes, qu’on excuse mon ignorance en la matière, mais je ne pense pas être la seule à n’y comprendre que dalle ! Retournons à l’école pour apprendre les fondamentaux de la démocratie et espérer pouvoir les mettre en pratique d’ici quelques mois. Initions nous à ce que Winston Churchill définissait comme étant : « […] un mauvais système, […] le moins mauvais de tous les systèmes. » Six mois c’est court…. C’est court pour choisir une équipe qui saura ME représenter. Si je fais le tour des candidats potentiels, voilà ce que je vois :  M.Moncef Marzouki, professeur de médecine, ancien Président de la Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme, emprisonné après avoir été candidat en 1994, exilé, dont les lunettes seventies et le relooking express, semblent la préoccupation majeure des gens à son égard ;  M.Hamma Hamami, responsable du parti Communiste Tunisien, dont la vie est un « James Bond » puissance mille, époux de la téméraire et admirable avocate Radhia Nasraoui fervente militante contre la torture des dizaines d’années durant ;  M.Tarak Mekki, fanfaron, homme d’affaires clownesque aux propos populistes de seconde zone ;  M.Ahmed Brahim, universitaire, Premier Secrétaire du Mouvement Ettajdid, actuel Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique du gouvernement de transition, face lunaire, bouille sympathique mais émettant des sons gutturaux incompréhensibles à chacune de ses apparitions ;  M.Nejib Chebbi, Chef de fil du Parti Démocrate Progressiste, actuel Ministre du Développement Régional de ce gouvernement de transition, voix apaisante d’hypnotiseur, qui passe ses journées dans les émissions de télé des diverses chaînes, à croire que les régions se développeront par télépathie à moins qu’il ne veuille SE développer régionalement parlant !!!!  M.Mustapha Ben Jaafar, Président du Forum Démocratique pour le Travail et la Liberté, Ministre de la Santé démissionnaire du gouvernement de transition, fortement appuyé par l’UGTT apparaissant sanglotant à la télé….  M.Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahda, qui, pour ne pas nous effaroucher, nous promet la consolidation de tous les acquis des droits de la Femme notamment, mouais, c’est ça…..  Des ex-RCDistes qui troqueront le mauve contre du jaune, le 7 contre le 0, et c’est reparti pour un tour….  Des outsiders… Aujourd’hui j’ai pagaille mais demain j’ai élection ! Je demande donc à tous de reprendre nos trousses et nos cartables d’écoliers et d’apprendre ce nouveau langage qu’est la démocratie. Quant à ceux qui se présenteront aux élections présidentielles, je leur dis très clairement : « Ne nous prenez pas pour des abrutis car si aujourd’hui j’ai pagaille, demain j’ai élection, mais après-demain j’aurai manifestations !!!!! »

Tunisie: le Premier ministre prêt à rencontrer les manifestants


TUNIS – Le Premier ministre tunisien de transition, Mohammed Ghannouchi, est prêt à rencontrer les manifestants qui font le siège du gouvernement pour discuter de leurs demandes, a indiqué vendredi à l’AFP Abdessalam Jrad, le patron de la puissante centrale syndicale UGTT. D’après M. Jrad, des concertations ont eu lieu dans la matinée entre des représentants syndicaux et les manifestants qui campent depuis dimanche sous les fenêtres du gouvernement à la Kasbah, siège du Premier ministère. Le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a ajouté avoir parlé avec M. Ghannouchi qui a accepté le principe d’une rencontre avec ces manifestants, sans préciser quand elle interviendra. L’UGTT tente de convaincre les manifestants de rentrer dans leurs provinces, après la formation jeudi soir d’un nouveau gouvernement de transition épuré des principaux caciques de l’ancien régime Ben Ali auquel la centrale a donné son aval tacite. (©AFP / 28 janvier 2011 12h41)

 

Tunisie: la France souhaite au nouveau gouvernement de réussir


 

PARIS – La France souhaite au nouveau gouvernement tunisien de réussir la période de transition, en espérant qu’il prépare « au mieux » les prochaines élections, a déclaré vendredi le ministère français des Affaires étrangères. « Nous formons des voeux pour le succès du nouveau gouvernement tunisien et nous espérons qu’il pourra préparer dans les meilleures conditions les élections », a déclaré lors d’un point-presse le porte-parole du ministère, Bernard Valero. « Dans cette période essentielle de son Histoire, la France se tient au côté de la Tunisie », a-t-il ajouté à propos de l’ancien protectorat français. Interrogé pour savoir si la France était satisfaite du maintien du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, dénoncé par une partie de la population, le porte-parole a répondu: « On salue le nouveau gouvernement, on est satisfait ou pas satisfait, c’est plutôt aux Tunisiens d’exprimer un degré de satisfaction ». « La France se réjouit de la décision de la Haut Commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies, Navanethem Pilay, d’envoyer une mission en Tunisie », a aussi déclaré Bernard Valero. « Nous apportons un soutien financier » à cette mission et « la France se félicite que cette initiative ait été prise en concertation avec les autorités tunisiennes de transition », a-t-il ajouté. « Cette mission doit déboucher sur des initiatives concrètes pour aider la Tunisie à avancer sur le chemin de la démocratie », a-t-il souligné. La concertation a pris le pas vendredi à Tunis sur la contestation, après la formation, avec onction syndicale, d’un gouvernement de transition bis épuré des principaux caciques de Ben Ali mais toujours dirigé par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi qui concentre les critiques. (©AFP / 28 janvier 2011 14h59)

Tunisie: heurts entre police et manfestants, au moins 5 blessés


TUNIS – Au moins cinq personnes ont été blessées vendredi après-midi lors d’affrontements entre policiers anti-émeutes et manifestants dans le centre de Tunis, autour de la place de la Kasbah, a indiqué à l’AFP un médecin urgentiste sur place. Ce sont les premiers affrontements depuis deux jours entre forces de l’ordre et manifestants qui réclament toujours le départ du premier ministre Mohammed Ghannouchi. Des policiers ont tiré des grenades lacrymogènes contre des manifestants rassemblés sous les fenêtres du bureau du premier ministre et qui leur lançaient des pierres, a constaté l’AFP. Les forces anti-émeutes positionnées sur une artère donnant sur la Kasbah ont fait mouvement vers l’esplanade en tirant un grand nombre de grenades lacrymogènes. Des militaires sur place ne sont pas intervenus. « J’ai vu au moins cinq blessés. Plusieurs saignaient », a affirmé le médecin du Samu de Tunis, Majdi Amami. Il a précisé que deux blessés ont été atteints par des pierres lancées par les manifestants et que la police rejetait ensuite vers eux. Un troisième a été atteint à la tête par une grenade lacrymogène tirée « presque à bout portant », a affirmé ce médecin. (©AFP / 28 janvier 2011 17h10)  


UE : le nouveau chef de la diplomatie tunisienne invité à Bruxelles


BRUXELLES – Le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a invité le tout nouveau ministre tunisien des Affaires étrangères Ahmed Abderraouf Ounaïs à se rendre à Bruxelles, une visite qui aura probablement lieu mardi, a annoncé un porte-parole de Mme Ashton. Dans un entretien téléphonique vendredi avec son homologue tunisien, la Haute représentante de l’UE aux Affaires étrangères l’a « invité à se rendre à Bruxelles la semaine prochaine, il a accepté » et la visite aura lieu « très probablement mardi », a indiqué ce porte-parole. Mme Ashton « l’a également informé qu’elle enverrait une mission d’experts en Tunisie la semaine prochaine pour aider à la préparation et à l’organisation d’élections », a-t-il ajouté. Le chef de la diplomatie européenne a réitéré son « soutien à la transition démocratique et au peuple tunisien », ainsi que la disposition de l’UE à « soutenir la Tunisie, en particulier la commission sur la réforme politique et l’organisation et la préparation d’élections ». Mme Ashton a en outre insisté sur la nécessité de « soutenir » et de « donner du pouvoir à la société civile, et mentionné le besoin d’encourager les entreprises européennes à rester et à continuer d’investir en Tunisie », selon son porte-parole. L’Union européenne avait entamé en mai 2010, avec le régime du président aujourd’hui déchu Zine El Abidine Ben Ali, des négociations en vue d’accorder à la Tunisie un statut avancé, ouvrant la voie à un traitement douanier préférentiel pour les échanges et à une libéralisation en matière de visas. Mais elles n’avaient pas fait de progrès sensibles depuis leur ouverture. En revanche, le Maroc en bénéficie déjà. Selon un haut responsable européen, parlant sous couvert de l’anonymat, les négociations sur le statut avancé devraient reprendre avec le nouveau gouvernement tunisien. Ahmed Abderraouf Ounaïs, un diplomate de carrière âgé de 75 ans, a été nommé jeudi ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement de transition tunisien. Il a assuré Mme Ashton que la situation en Tunisie « se stabilisait rapidement, que les rues étaient calmes et que le nouveau gouvernement avait été bien accueilli, en particulier par les syndicats », selon le porte-parole de la Haute représentante. Ahmed Abderraouf Ounaïs a par ailleurs déclaré que la Tunisie avait rédigé « une demande écrite » d’aide à la préparation d’élections, et assuré que son gouvernement était déterminé à faire des progrès rapides pour rejoindre le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la convention internationale contre la torture et le protocole sur la peine de mort. La concertation a pris le pas sur la contestation vendredi à Tunis, après la formation, avec onction syndicale, d’un gouvernement de transition bis épuré des principaux caciques de Ben Ali, mais dont le Premier ministre reconduit Mohammed Ghannouchi concentre les critiques. En milieu d’après-midi, cependant, les policiers anti-émeutes ont tiré des grenades lacrymogènes contre les manifestants rassemblés sous les fenêtres du Premier ministre à Tunis et qui leur lançaient des pierres, a constaté l’AFP. (©AFP / 28 janvier 2011 17h15)

 


Tunis : La police évacue les manifestants devant les bureaux du PM


TUNIS – La police a fait évacuer vendredi les manifestants qui campaient depuis des jours devant les bureaux du premier ministre au centre de Tunis, sur la place de la Kasbah, selon des journalistes de l’AFP. Les unités anti-émeutes ont tiré des grenades lacrymogènes contre les manifestants rassemblés sous les fenêtres du bureau du premier ministre et qui leur lançaient des pierres, a constaté l’AFP. Au moins cinq personnes ont été blessées au cours de ces affrontements, a indiqué à l’AFP un médecin urgentiste sur place. (©AFP / 28 janvier 2011 17h39)


Affaire Belhassen Trabelsi: le Canada suivra la requête de Tunis


28/01/2011 à 17h:52 | AFP Le Canada va répondre favorablement aux demandes de la Tunisie qui réclame Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ex-président tunisien Ben Ali, qui réside au Canada, a déclaré vendredi le chef de la diplomatie d’Ottawa Lawrence Cannon, cité par Radio-Canada. « On ne veut pas d’un criminel comme lui au Canada et on va obtempérer à la demande de la Tunisie », a dit M. Cannon à la presse, lors d’une visite à Val-d’Or, dans le nord-ouest du Québec, a précisé la chaîne publique sur son site internet. Ottawa « va déployer toutes les mesures possibles et nécessaires pour que Trabelsi quitte le Canada le plus rapidement possible », a ajouté le ministre, cité par la radio publique. Jeudi, la Tunisie a formellement demandé à Ottawa d’arrêter Belhassen Trabelsi, frère de l’épouse de Ben Ali, riche homme d’affaires, considéré comme le parrain d’un clan ayant détourné des fonds publics en Tunisie. Une demande d’extradition devrait suivre.

Tunisie: l’esplanade de la Kasbah évacuée, heurts entre police et manifestants


TUNIS – La police a fait évacuer vendredi les manifestants qui campaient depuis six jours devant les bureaux du premier ministre au centre de Tunis, sur la place de la Kasbah, selon des journalistes de l’AFP. Les unités anti-émeutes ont tiré des grenades lacrymogènes contre les manifestants rassemblés sous les fenêtres du bureau du premier ministre Mohammed Ghannouchi, et qui leur lançaient des pierres, a constaté l’AFP. Au moins cinq personnes ont été blessées au cours de ces affrontements, a indiqué à l’AFP un médecin urgentiste sur place. Des unités de la police anti-émeutes, comptant environ 200 hommes, ont fait mouvement vers la place de la Kasbah en tirant un grand nombre de grenades lacrymogènes. Sur l’esplanade, survolée par un hélicoptère, des militaires (bien des militaires) ont démonté les tentes utilisées par les manifestants, qui protestaient depuis le 23 janvier contre M. Ghannouchi, et son gouvernement de transition. Ils ont placé des barrières autour de la place pour empêcher les manifestants de revenir. Dans les rues adjacentes, de nombreuses personnes refluaient en désordre, les yeux rougis et en pleurs à causes des tirs de grenades. « J’ai vu au moins cinq blessés. Plusieurs saignaient », a affirmé le médecin du Samu de Tunis, Majdi Amami. Il a précisé que deux blessés ont été atteints par des pierres lancées par les manifestants et que la police rejetait ensuite vers eux. Un troisième a été atteint à la tête par une grenade lacrymogène tirée « presque à bout portant », a affirmé ce médecin. Par la suite, les manifestations ont repris sur l’avenue Habib Bourguiba, et, en fin d’aprés-midi, la principale artère de Tunis retentissait des tirs de lacrymogènes, et était remplie de fumée. Sur l’avenue, qui avait retrouvé son visage ordinaire vendredi matin pour la première fois depuis plusieurs jours, les magasins et cafés ont vite fermé. La zone était survolée en permanence par un hélicoptère de l’armée, et la police pourchassait des manifestants dans les rues adjacentes à l’avenue Bourguiba. Le président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Moktar Trifi, a indiqué à l’AFP avoir demandé au Premier ministre « de faire cesser les tirs de lacrymogènes, de relacher les personnes arrêtées ». « Il m’a dit que cela allait être fait », a-t-il ajouté. Après trois jours d’âpres tractations, M. Ghannouchi avait en grande partie cédé à la pression quotidienne de milliers de manifestants en formant jeudi soir une nouvelle équipe de transition profondément remaniée. Cinq des sept anciens ministres du dernier gouvernement de Ben Ali qui y figuraient ont été remerciés, notamment tous ceux qui occupaient les postes-clés: Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Finances. (©AFP / 28 janvier 2011 18h32)

Affaire Belhassen Trabelsi: le Canada suivra la requête de Tunis


MONTREAL – Le Canada va répondre favorablement aux demandes de la Tunisie concernant Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ex-président tunisien Ben Ali, qui réside au Canada, a déclaré vendredi le chef de la diplomatie d’Ottawa, Lawrence Cannon, cité par Radio-Canada. « On ne veut pas d’un criminel comme lui au Canada et on va obtempérer à la demande de la Tunisie », a dit M. Cannon à la presse, lors d’une visite dans le nord-ouest du Québec, a précisé la chaîne publique sur son site internet. Le ministère canadien des Affaires étrangères a précisé ensuite dans un communiqué que M. Cannon faisait uniquement référence à la demande de Tunis de geler les avoirs que la famille Ben Ali pourrait avoir au Canada, et non à une éventuelle arrestation de M. Trabelsi, également réclamée par la Tunisie. Cependant, Ottawa « va déployer toutes les mesures possibles et nécessaires pour que Trabelsi quitte le Canada le plus rapidement possible », a ajouté le ministre, cité par la radio publique. Jeudi, la Tunisie a formellement demandé à Ottawa d’arrêter Belhassen Trabelsi, frère de l’épouse de Ben Ali, riche homme d’affaires considéré comme le parrain d’un clan ayant détourné des fonds publics en Tunisie. De leur côté, les autorités canadiennes lui ont retiré le statut de résident permanent. Une demande d’extradition de la part de Tunis devrait suivre. (©AFP / 28 janvier 2011 21h32)
 

SOIR 28 JANVIER 2011

 

A Tunis, la Kasbah, qui défiait le gouvernement, a été évacuée


 BAUDOUIN LOOS

 

vendredi 28 janvier 2011, 19:16

 

TUNIS REPORTAGE

La première décision du nouveau gouvernement à peine intronisé jeudi soir aura été de faire place nette devant sa porte : le gros millier de manifestants qui campaient sur la place du Gouvernement, “ la Kasbah “, en protestation contre la présence de ministres du régime dictatorial déchu au sein du nouvel exécutif, a été évacué ce vendredi après-midi par la force. Plusieurs centaines de policiers ont en effet soudain pris la place de l’armée qui surveillait la zone, et, sans attendre, ils ont lancé des gaz lacrymogènes, massivement. La foule, prise par surprise, a reflué vers le centre ville à travers les souks de la médina. Une lourde atmosphère, irrespirable, régnait dans les souks. Plusieurs blessés étaient évacués vers des hôpitaux du voisinage.

Après une matinée de dures palabres, les milliers de manifestants réunis depuis dimanche avaient décidé de refuser le gouvernement pourtant largement remanié dont la composition a été rendue publique jeudi soir. Occupant toujours la place de la Kasbah, devant le palais du gouvernement, des milliers de Tunisiens en grande majorité venus des provinces du Sud-Ouest déshéritées avaient repris en fin de matinée leurs chants et slogans contre le Premier ministre Mohammed Ghannouchi.

“ Ghannouchi dégage ! “, “ RCD dégage ! “ : les mots d’ordre concernant le Premier ministre et le parti hégémonique de la défunte dictature ne variaient pas depuis une semaine. La veille, jeudi , après trois jours d’intenses tractations et sous la pression de la foule (d’importantes manifestations ont eu lieu en provinces, dont une réunissant mercredi 70.000 personnes à Sfax, seconde ville du pays), le nouveau gouvernement avait été remanié en profondeur. Il y avait en effet “ de grossières erreurs de casting à redresser “, comme nous le disait entre autres l’intellectuel engagé Khémaïs Chammari.

Sept anciens ministres du dernier gouvernement de Ben Ali figuraient dans le premier gouvernement post-révolution du 14 janvier. Inacceptable pour beaucoup de Tunisiens. Cinq de ces ministres, dont ceux qui occupaient rien moins que la Défense, l’Intérieur, les Affaires étrangères et les Finances ont ainsi été remplacés jeudi par des technocrates ou des personnalités peu connues de l’opinion.

Mais les protestataires de la Kasbah, les déshérités qui n’ont rien à perdre, continuaient à exiger “ la tête “ de Mohammed Ghannouchi. Pour eux, ce dernier fait en effet figure de “ complice “ à temps plein du régime “ criminel “ de Ben Ali, qu’il a servi à ce poste pendant… onze ans. Et ce n’est pas l’aveu ahurissant, il y a quatre jours, de la part de Ghannouchi qu’il n’avait jamais osé démissionner car “ il avait peur “ pendant toutes ces années qui convaincra la foule. Celle-ci ne veut pas que sa révolution lui soit volée, comme le proclament nombre de manifestants.

Une inconnue parmi d’autres avait été levée ces dernières heures : l’attitude de la grande centrale syndicale l’UGTT. Celle-ci dispose d’un crédit populaire important, à l’exception sans doute de son sommet, compromis avec le régime de Ben Ali. Mais les cadres moyens et subalternes ont joué un rôle non négligeable dans la révolution qui a chassé le tyran. Or, donc, cette UGTT qui avait rejeté le premier gouvernement post-Ben Ali de Ghannouchi et appuyé de récentes grèves, a décidé d’endosser cette dernière mouture.

S’il est difficile de jauger l’opinion publique dans son ensemble, on entend beaucoup de citoyens dire, ailleurs dans la ville, leur aspiration à ce que la Tunisie retrouve l’apaisement et que la nouvelle ère puisse prendre son envol sans événements chaotiques. La brutale reprise en main de cette fin d’après-midi était-elle un passage obligé sur cette voie ?

 

 

 (Source: « Le Soir Belge » le 28 janvier 2011)

 


 

Tunisie

Un Belgo-Tunisien a pris une belle part dans la révolution contre Ben Ali


 

L’internaute qui a sapé le régime

REPORTAGE

TUNIS

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

Sofiene Bel Haj nous rejoint dans le centre-ville avec son amie Aïcha. Ils sont jeunes et arborent une mine un tantinet jubilatoire. C’est que Sofiene, Belgo-Tunisien, a pris sa part dans les événements. Et la « victoire » du 14 janvier est un peu la sienne aussi, lui l’internaute acharné qui a sévi pendant trois ans sous le pseudo « Hamadi Kaloutcha ».

De nombreux ingrédients entrent dans la composition de la révolution tunisienne. La corruption de la « famille » présidentielle, les disparités régionales, le chômage des diplômés, les libertés bafouées, le sacrifice de Bouazizi qui s’est immolé par le feu et l’effet tache d’huile qui s’ensuivit, etc. Mais, sans les réseaux sociaux, que ce serait-il passé ? L’histoire de Sofiene répond à la question. « En 2008, commence-t-il, j’ai constaté sur la Toile que les dénonciations se multipliaient sans que s’y greffent des propositions d’action. J’ai créé un groupe sur Facebook intitulé “I have a dream : a democratic Tunisia”. Je n’avais pas la volonté de venir cyberdissident, seulement d’être constructif. »

Un jeu dangereux, de toute façon, car le régime de Ben Ali choyait l’internet avec prudence : son développement était prioritaire… tout comme son contrôle par une armée de techniciens zélés. « Mon profil sur Facebook a été ‘hacké’(attaqué) et vidé de son contenu, j’ai dû me battre pour remettre le tout en ligne », se souvient Sofiene, qui est ensuite passé à la vitesse supérieure. « A l’été 2008, le régime a décidé de fermer Facebook en Tunisie. J’ai lancé un groupe qui avait pour cible la résiliation par le plus grand nombre possible d’internautes de leur abonnement internet puisque leur fournisseur d’accès, membre de la “famille régnante”, pratiquait la censure. J’avais réuni environ 4.000 personnes prêtes à le faire et nous avions fixé une date pour lancer l’action. Il y a eu un article dans un quotidien local et le lendemain la censure de Facebook était levée ! »

L’ATI, l’Agence tunisienne pour internet, engagea plus de personnel pour faire régner l’ordre virtuel. « Ils ont engagé 600 nouveaux informaticiens, car Facebook devenait ingérable pour eux et ils ont changé leur fusil d’épaule : ils ont commencé à s’attaquer à chaque utilisateur qui leur déplaisait, page par page. A la fin, cela a même déclenché un mouvement mondial de hackers contre eux, le mouvement “Anonymous” : environ 9.000 internautes ont attaqué les sites officiels du régime et on a réussi à les bloquer ! »

La « bombe WikiLeaks »

De son côté, Sofiene avait développé ses propres armes. « Sur ma page Facebook, je détournais la censure en travaillant en copié-collé à partir de Google-info, en arabe et en français. Mais mon meilleur coup c’est WikiLeaks : j’ai procédé à la traduction automatique – certes imparfaite – des câbles de l’ambassade américaine à Tunis vers Washington révélés par ce site et les ai copiés sur ma page. Les statistiques de lecture ont explosé : 170.000 visites la première semaine, sans doute plus du triple ensuite. La thèse du soutien extérieur indéfectible s’effondrait puisque les Américains évoquaient clairement un régime pourri. Mais moi, je me suis retrouvé en prison… »

Un mauvais souvenir, dont il sourit maintenant. Entre le 6 et le 9 janvier, Sofiene Bel Haj passa entre les mains des sbires du ministère de l’Intérieur. Sans trop de mal, finalement. « Ils étaient fébriles, presque aimables même, sauf un type qui m’a donné un coup mais que je n’ai plus vu. J’ai signé d’une fausse signature des papiers sous la menace sans pouvoir les lire. »

Sofiene Bel Haj et sa compagne ne cachent pas leur plaisir : le développement exponentiel des réseaux sociaux, Facebook et aussi Twitter, la circulation de l’info qu’ils ont permise, la diffusion de photos et de vidéos par téléphones portables, tout cela a échappé au régime. « On a pu se rendre compte, grâce à ces techniques nouvelles, de l’incroyable impopularité du pouvoir, et cette espèce de place publique virtuelle a galvanisé la mobilisation populaire. »

De quoi demain sera-t-il fait pour Sofiene, chômeur de son état ? « J’ai reçu des sollicitations, d’ONG, de partis politiques. Mais je préfère rester un électron libre. Il faut des garde-fous à la démocratie. Peut-être me laisserais-je tenter par le métier de journaliste “on line” ». Un choix qui serait peu surprenant.

BAUDOUIN LOOS

 

 (Source: « Le Soir Belge » le 27 janvier 2011)

 


 

 LE SOIR 27 JANVIER 2011

Tunisie

Le tyran a fui, mais « la rue » continue à se faire entendre


 

Tunis entre euphorie et anxiété

REPORTAGE

TUNIS

DE NOTRE ENVOYE SPECIAL

Une étrange atmosphère. Comme une hésitation persistante. Ou plutôt un immense point d’interrogation. Après la révolution inattendue du 14 janvier, la fuite sans gloire du tyran, les Tunisiens devraient se réjouir. Ils s’en proclament d’ailleurs (presque) tous soulagés et même heureux. Et pourtant, quelque chose les empêche de faire la fête. Une sourde inquiétude les taraude. Tous.

Les chauffeurs de taxi, dans les dictatures, sont souvent des « mouchards ». C’était le cas ici aussi jusqu’au 14. Eh bien ! à Tunis, s’ils avouent au client curieux leur satisfaction après le départ du président Ben Ali, c’est dans un murmure inaudible. Comme s’ils avaient peur d’être à leur tour victimes d’une dénonciation. Les réflexes conditionnés par 23 ans d’absolutisme ont la vie dure…

Pourtant, beaucoup de choses ont changé. Les portraits du « raïs » déchu ont disparu, déchirés, piétinés. L’armée reste dans les rues. Bon enfant et en nombre restreint, mais sérieuse. La police fait profil bas, une bonne idée, sans doute.

C’est le paysage médiatique qui prend l’observateur blasé par surprise. On est passé de la Corée du Nord, avec les louanges quotidiennes et imbéciles du régime et de son maître, à un déchaînement libertaire sans précédent. Les journalistes exultent, s’exaltent. Exécutent un régime qu’ils ont dû vanter servilement. Des retournements de veste instantanés qui laissent les lecteurs pantois.

Et puis cette information donne le vertige. Elle circule, elle bouscule. Elle manipule, aussi. « On désinforme, s’alarme Taoufik Ben Brik, ex-poil à gratter de l’ex-régime. On nous annonce que 33 membres de la famille Ben Ali-Trabelsi ont été arrêtés, mais qui, où, comment ? On nous avait dit qu’ils avaient donné l’ordre de faire exploser cent voitures bourrées d’explosifs, où sont-elles ? »

Tout de même, ces journaux qui se ruent soudain avec avidité sur les restes d’un pouvoir déchu, ça fait une drôle d’impression. Et les télévisions ! Deux chaînes par satellite détenues par des proches de Ben Ali, Nessma et Hannibal, sont devenues des forums permanents où d’interminables débats se succèdent. Dimanche, la seconde a été brutalement fermée pendant quatre heures. Son propriétaire, arrêté pour « haute trahison », a été ensuite libéré sans explication et la chaîne a repris, non sans qu’un ministre, Nejib Chebbi, de l’ex-opposition à Ben Ali, vienne y vitupérer contre la censure.

Mais « la rue » n’a cure de ces obscures manœuvres. Cette fameuse rue arabe qu’on croyait mythique, disons-le, elle existe. C’est à elle qu’on doit la chute de Ben Ali. Et cette rue continue à tonner, çà et là. Des groupes de jeunes qui se réunissent, marchent, crient. Ou ces gueux de la province laissée pour compte qui squattent par centaines la place de la Kasbah, empêchant le gouvernement de mener la transition à son aise. Même Moncef Marzouki, l’opposant de toujours, s’est fait jeter de la scène mardi. Pas de récupération politique, svp.

Ils disent tous la même chose. « RCD dégage ! » Du nom du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti hégémonique. Parce que la composition de ce gouvernement chargé d’amener sans heurts la Tunisie aux élections se révèle en effet assez ahurissante. On y trouve, à côté de quelques membres de l’opposition ou de la société civile, une flopée de figures du RCD. Ils n’ont pas « dégagé ».

« Voyez ce Ghannouchi, Premier ministre de Ben Ali, toujours en place !, s’indigne une manifestante. Ou ce Rouissi, ce Morjene, ce Griri, ce Friaa : tous des compagnons pourris de ce régime pourri ! » Des compagnons pour le reste pas très futés. Un Mohamed Ghannouchi qui annonce au lendemain de la révolution qu’il a appelé au téléphone le président dans son exil saoudien, ou un Ahmed Friaa, ministre de l’Intérieur, qui fait le compte des bâtiments détruits sans évoquer les martyrs : dans le genre communication mal pensée, c’est une belle réussite.

La rue gronde contre ce gouvernement. Hier soir, on annonçait un gros remaniement… qui se faisait attendre. Tout le monde pose la question et chacun a sa réponse : faut-il participer à ce gouvernement transitoire avec le RCD encore aux commandes ?

La grande centrale syndicale, l’UGTT, avait dit oui, envoyant trois représentants ; quelques heures plus tard, ils démissionnaient. La base, qui s’est mouillée, elle, pendant les événements, n’aurait pas compris. Mais, du coup, d’autres l’accusent de jouer le pourrissement.

Mais le chef de l’UGTT lui-même se voit contester. Abdessalam Jrad traînerait des casseroles. « Il faut juger les responsables », dit la vox populi. Des commissions seront mises en place sur la répression et sur la corruption, c’est décidé. Une certitude : si le travail est sérieux, elles auront du boulot. BAUDOUIN LOOS

 

 (Source: « Le Soir Belge » le 27 janvier 2011)


 

The long shadow of Tunisia’s corrupt regime


LES PERREAUX Montreal— From Friday’s Globe and Mail Published Friday, Jan. 28, 2011 2:58AM EST Last updated Friday, Jan. 28, 2011 8:34AM EST Long settled in Montreal, Hammadi Kammoun is a long way from the horror he suffered in Tunis, but he still can’t shake the family who inflicted it. Billionaire businessman Belhassen Trabelsi, the clan’s eldest brother, landed in Montreal with his own wife and children last week and is living in a posh lakeside hotel a few kilometres from Mr. Kammoun’s home. The extended Trabelsi clan has a $2.5-million home in Westmount, perched high above the office building where Mr. Kammoun, once a well-off Tunisian civil servant, now works as a security guard. At one time a senior bureaucrat in Tunisia’s post office and a member of the ruling party, Mr. Kammoun also had a family line that plied the Mediterranean for tuna and swordfish over centuries. He decided in 1994 to buy a tuna boat for $200,000, partly as a retirement investment, partly to keep up tradition. He named the fishing vessel the Radhouan, after his youngest son. Three years later, the vessel caught the eye of Tunisia’s tyrannical rulers and would sink his comfortable middle-class life. While the Trabesli who made Mr. Kammoun’s life miserable, Mourad, is in a Tunis jail awaiting a corruption trial, Mr. Kammoun says he will not feel safe as long as even one Trabelsi is free in Canada. Western diplomats have described Belhassen as a notorious figure running a mafia-like organization. Mr. Kammoun couldn’t agree more, and has asked the RCMP for protection. His wife, Leila, has stopped sleeping at night. “They tortured and robbed me, and they’re here overnight. It took me six years to convince Canada to let me stay as a refugee,” says Mr. Kammoun, who has been cheering nightly accounts of the Tunisian uprising. “We’re very happy here, but there isn’t a member of this family who doesn’t have scars, and it only begins with me.” Long before Tunisian dictator Zine El Abidine Ben Ali was driven from power earlier this month, Mr. Kammoun knew the wrath of the rapacious siblings of the president’s wife, Leila Trabelsi. Reports on members of Tunisia’s ruling clan are filled with descriptions of large-scale greed. They’ve become famous for living with caged lions, travelling with stacks of gold bars, and funnelling billions in state assets into their personal fortunes, while dominating entire economic sectors such as banking, telecommunications and concrete. Mr. Kammoun was on the wrong side of the kleptocracy, his odyssey captured in detail in a 64-page brief filed with the Immigration and Refugee board. The IRB accepted his refugee claim based on the evidence in 2006. The harassment, arrest and torture of the would-be fisherman started when Mourad Trabelsi, who held a small stake in the boat, decided he wanted it to himself. Unwittingly, Mr. Kammoun had stumbled into something the Tunisia’s ruling families valued more than a loyal public servant – the perfect small ship to add to a fleet used for smuggling drugs and other illicit goods along the Mediterranean coast. About three years after the purchase, Mr. Kammoun says he got a call from Mourad Trabelsi, one of 10 brothers of Tunisia’s then first lady, demanding he turn the boat over for use in the family smuggling operation. When Mr. Kammoun refused, he says Mr. Trabelsi then demanded the deed. A few weeks after Mr. Kammoun balked, he was arrested and spent 18 days in prison. For eight of those days, he was starved, deprived of water, beaten and left for hours hanging upside down. He eventually signed the slip handing over the boat. After Mr. Kammoun was released, he spent the late 1990s pleading with various contacts in the despotic family to get his investment back. In 1999, after he wrote two letters to the president’s wife, friends high in the government instead warned Mr. Kammoun his days were numbered. He cashed in a few favours to slip out of the country with his three children in 2000. Siblings who remained behind were constantly harassed throughout the decade, Mr. Kammoun says. His mother died of a heart attack in 2003, and he blames the torment for her stress and bad health. He now lives in Laval, a suburb north of Montreal, and works downtown sitting at a desk monitoring security cameras through the evening. It’s mind-numbing work, he says. Jamel Jani, a Tunisian community activist in Montreal who helped Mr. Kammoun with his immigration hearings, said few outside of Tunisia realize the scope of the ruling family’s reach. The president’s wife has 10 brothers who all have families to feed. “They started out poor, they were simple people before they married into the presidency, and they’ve been determined to pillage at all levels, from simple shopkeepers to entire industries,” Mr. Jami said. “Mr. Kammoun’s story is typical, and most people find it hard to believe. If the owner of a big company can’t resist, what chance does a small businessman have?” The smaller scale corrupt acts that have shattered people like Mr. Kammoun are less well-known. “They miss nothing, they leave nothing behind,” said Mr. Kammoun as he prepared for a shift sitting in front of those monitors, far from his beloved ship. “As they say in English, anything that moved was theirs.” Mr. Kammoun is living all the euphoria and fear of Tunisia’s revolution on his quiet crescent in Laval. He was uplifted by the uprising that drove the dictator out and was terrified earlier this week to learn the Trabelsi patriarch, Belhassen, had landed in Montreal. The family is now torn over the prospect of return. Mr. Kammoun would like to go back once things settle down. His wife and children are less certain. His eldest son, Rami Kammoun, has a good job, a wife, a new baby and a house in Montreal. Returning to Tunisia doesn’t interest him. “I guess I’ve moved on,” Rami says. But he acknowledges his father has not, and probably never will. “How do you get over something like that? I just don’t think it’s possible.” Over the years, Hammadi Kammoun has managed to keep track of his boat through family and the fishermen’s grapevine. Last he heard, the boat was working the waters off Libya. It is now owned by one of the sons of Libyan President Moammar Gadhafi.  


« La révolution en Tunisie lance la deuxième phase de la décolonisation »


jeudi 27.01.2011, 05:23 – PAR MARIE VANDEKERKHOVE | LES VISAGES DE L’ACTUALITÉ | Parce qu’elle place le développement économique et social au coeur de ses revendications, la révolution du Jasmin sonne comme une deuxième indépendance. Des membres du collectif pour les libertés et la démocratie en Tunisie, basé à la maison des droits de l’homme à Villeneuve-d’Ascq, organisent un rassemblement lundi en soutien au mouvement tunisien qui essaime dans le monde arabe et, selon eux, bientôt dans toute l’Afrique. C’est l’une des voix des Tunisiens dans l’Hexagone, et celle de l’association des Tunisiens du Nord de la France. Hafedh Affes est venu à Villeneuve-d’Ascq pour ses études, il n’en est jamais parti. Tout en continuant un infatigable travail de militant contre le régime tunisien. « Lors de ma première manifestation, j’étais en quatrième au lycée, à Sfax. Je me suis toujours battu pour les droits de l’Homme », se souvient ce professeur de 54 ans. Au début, il militait pour que l’État de Bourguiba reconnaisse son syndicat étudiant. C’est Ben Ali qui, arrivé au pouvoir en 1987, l’a légitimé, « une ouverture avant que la police ne reprenne le dessus. ». Depuis, Hafedh Affes se bat « pour que l’Europe cesse de soutenir la dictature de Ben Ali qui torture, emprisonne, affame le peuple.  » Plusieurs décennies de militantisme au sein de Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (de la Méditerranée), la FTCR, dont il est aujourd’hui le secrétaire général en France. « La FTCR est très impliquée dans le mouvement actuel », explique-t-il. « Il faut comprendre que la révolution populaire est issue de vingt ans de militantisme syndical et des progrès de la scolarisation », analyse Saïd Bouamama, sociologue et membre, comme Hafedh Affes, du collectif pour les libertés et la démocratie en Tunisie. Ce n’est pas une révolte du pain, mais une révolution, « avec la prise de conscience qu’on n’a pas seulement à faire à un dictateur, mais à une dictature », soutiennent-ils. Pour eux, le mouvement s’inscrit donc dans la durée et ne s’arrêtera qu’une fois tous les représentants du RCD, le parti de Ben Ali, retirés du pouvoir, et la promulgation d’une nouvelle constitution. Un mouvement qui a déjà commencé à s’étendre « à l’Algérie, à l’Égypte, et peut-être bientôt à toute l’Afrique, au Yemen, en Jordanie… », renchérit Roland Diagne, leader des Sans papiers et membre du collectif. Il participe dans quelques jours au Forum social mondial à Dakar, au Sénégal. Tous pressentent une mobilisation d’ampleur : « Beaucoup de blogs africains affichent déjà le drapeau tunisien et un slogan, « Nous sommes tous Tunisiens » », argue Saïd Bouamama. Des soulèvements historiques que veut accompagner le collectif dans la région. Lundi, il appelle à un rassemblement, à 18 h, place Allende à Villeneuve-d’Ascq, après la veille, une manifestation publique à Lille-Wazemmes, à 10 h. Association des Tunisiens du Nord de la France, 06 74 38 72 36.


Belhassen Trabelsi a perdu son statut de résident permanent


Publié le 27 janvier 2011 Catherine Handfield et Joël-Denis Bellavance La Presse Le ministère de l’Immigration vient de révoquer le statut de résident permanent de Belhassen Trabelsi, le beau-frère de l’ex-président tunisien. Trabelsi, qui aurait quitté l’hôtel de Vaudreuil-Dorion, entendrait contester cette décision, selon des sources gouvernementales consultées par Cyberpresse. Le richissime homme d’affaires tunisien a rencontré l’Agence des services frontaliers du Canada après son arrivée à Montréal, le 20 janvier. Les autorités ont déterminé qu’il n’avait pas vécu suffisamment de jours au Canada au cours des cinq dernières années pour conserver son statut. Belhassen Trabelsi aurait signifié son intention de porter cette décision en appel. S’il perd, il aura toujours la possibilité de demander le statut de réfugié. À Ottawa, on s’attend à ce que ces démarches durent plusieurs années. Le gouvernement fédéral a réitéré jeudi que les proches de Ben Ali ne sont pas les bienvenus sur le territoire canadien. Depuis le Maroc, le premier ministre Stephen Harper a averti que son gouvernement «utilisera tous les outils à sa disposition pour gérer cette situation et pour coopérer avec la communauté internationale à l’égard de l’ancien régime». Des sources ont confirmé à Cyberpresse que Belhassen Trabelsi se terrait encore au Château Vaudreuil, jeudi matin, avec sa femme, ses quatre enfants et leur gardienne. Selon TVA, le groupe aurait quitté l’établissement en catimini pour se rendre dans un endroit tenu secret du public, mais connu des autorités. Tout au long de la journée, hier, des agents de sécurité ont monté la garde à bord de leurs Jeeps noires. Un patrouilleur de la Sûreté du Québec a surveillé la meute de photographes et caméramans qui guettaient attentivement les allées et venues des clients. Quelques membres de la communauté tunisienne ont tenu à se présenter devant le chic hôtel de l’ouest de Montréal jeudi pour signifier leur indignation envers la présence de Belhassen Trabelsi au Québec. Nabil Chattali, 47 ans, avait affaire dans la région dans le cadre de son travail de représentant. Un détour par le Château Vaudreuil s’imposait. «C’est une honte que cette famille ait trouvé refuge au Canada!» a-t-il laissé tomber. M. Chattali s’est présenté à la réception de l’hôtel pour demander à parler à Belhassen Trabelsi. Comme à tous les journalistes, l’employée lui a répondu qu’aucun client ne portait ce nom. «Ces gens se sont appropriés toutes les richesses du pays en volant le peuple et en instaurant un régime de terreur, a-t-il dit. Comment ont-ils pu obtenir le statut de résident permanent au Canada?» «C’est avec notre argent qu’il se paye une chambre dans un hôtel aussi chic!» a déploré un jeune membre de la communauté, venu de Montréal uniquement pour voir l’hôtel. Les suites de l’établissement coûtent entre 160 et 180 la nuitée, selon une réceptionniste. Tard mercredi soir, une cinquantaine de membres de la communauté ont manifesté devant le Château Vaudreuil. «Trabelsi, dégage!» ont-ils scandé en brandissant des drapeaux de la Tunisie. Les manifestants ont quitté les lieux vers deux heures du matin, frigorifiés, exténués, mais confiants d’avoir lancé un message au gouvernement canadien. «Nous voulons qu’Ottawa l’arrête et entreprenne des mesures pour l’extrader», a dit l’une des participantes, Meriem Benromdhane. Le groupe souhaitait également envoyer un message d’appui à ses compatriotes en Tunisie. Mercredi, le gouvernement tunisien a lancé un mandat d’arrêt international contre le président déchu et six de ses proches, dont son beau-frère Belhassen Trabelsi. Les sept fugitifs font face à des accusations relatives l’«acquisition illégale de biens mobiliers et de transferts illicites de devises à l’étranger», selon Interpol. Jeudi soir, les autorités canadiennes ne semblaient pas avoir encore arrêté Belhassen Trabelsi. La veille, la GRC a indiqué que le message diffusé par Interpol ne lui permettait pas d’agir dans cette affaire, puisqu’il ne constituait pas un mandat d’arrêt en vertu du droit canadien.
 
http://www.cyberpresse.ca/international/dossiers/fin-de-regne-en-tunisie/201101/27/01-4364384-belhassen-trabelsi-a-perdu-son-statut-de-resident-permanent.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS1  


De la Tunisie à l’Egypte, un air de liberté


 

La tension est à son comble en Egypte, où le président Hosni Moubarak a décrété vendredi soir le couvre-feu. Le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée, membre du Parti national démocrate (PND) au pouvoir, a appelé le président Hosni Moubarak à « des réformes sans précédent » pour éviter une « révolution ». M. Mostapha Al-Fekki, dans des déclarations faites à la chaîne Al-Jazira, le 28 janvier, a ajouté : « L’option sécuritaire seule n’est pas suffisante et le président est le seul à même de faire cesser ces événements. » Des informations font état de fraternisation entre des policiers et des manifestants. Ces premières fissures annoncent-elle des craquements plus importants ? Que fera l’armée, le pilier du pouvoir ?

Il est impossible de répondre alors que ce 28 janvier, pour le quatrième jour consécutif, des dizaines de milliers d’Egyptiens ont manifesté au Caire, à Alexandrie, à Suez et dans les grandes villes du pays. Ils ont affronté partout la police et le pouvoir a pris des mesures exceptionnelles pour couper ce pays de 80 millions d’habitants du reste du monde – la coupure d’Internet est « une première mondiale », titrait une dépêche de l’Agence France Presse (AFP). Pourtant, les images transmises par téléphone portable ou par les chaînes satellitaires empêchent la mise en quarantaine du pays.

Au même moment, en Jordanie et au Yémen, des milliers de personnes descendaient dans la rue et appelaient à suivre l’exemple tunisien. Dans chaque cas, le contexte est particulier : tensions entre le Nord et le Sud au Yémen ; frictions entre Jordaniens « de souche » et Palestiniens ; question copte en Egypte, etc. Mais, dans le même temps, l’explosion est née de la même accumulation de problèmes, de frustrations, d’aspirations communes à l’ensemble de la région.

D’abord, le maintien de régimes autoritaires qui ne rendent jamais de comptes à leurs citoyens. S’il existe (ou plutôt existait) une « exception arabe », c’était bien celle-ci : ces régimes ont connu une longévité sans précédent, et même la grande vague de démocratisation qui a emporté l’Europe de l’Est, l’Afrique, l’Amérique latine s’est brisée sur le mur des dictatures proche-orientales et maghrébines : M. Moubarak est président depuis 1982, M. Ali Abdallah Saleh dirige le Yémen depuis 1978 et, à Amman, Abdallah II a succédé en 1999 à son père, qui lui-même avait accédé au pouvoir en 1952. Pour ne pas parler de la Syrie où Bachar Al-Assad a remplacé son père qui avait pris le pouvoir en 1970, ou du Maroc où le roi Mohammed VI a remplacé son père en 1999, celui-ci ayant régné à partir de 1961, de la Libye où Kadhafi sévit depuis 1969 et prépare son fils à lui succéder. Quant à M. Ben Ali, il présidait sans partage depuis 1989.

De plus, dans des conditions différentes selon chaque pays, les droits individuels, politiques et d’expression du citoyen sont bafoués. Les moukhabarat, la police secrète, affirment leur toute-puissance et il n’est pas rare, en Egypte et ailleurs, que des personnes arrêtées soient maltraitées, torturées, tuées. La publication parWikiLeaks des télégrammes venus de l’ambassade des Etats-Unis au Caire confirment ce que tout le monde savait (y compris M. Nicolas Sarkozy) — mais qui n’empêchait pas les uns et les autres de saluer cet allié fidèle de l’Occident, tout en dénonçant vigoureusement des comportements similaires en Iran (« Egypte-Iran deux poids, deux mesures », Nouvelles d’Orient, 27 novembre 2010 »). Cet arbitraire total, qui se manifeste aussi dans la vie quotidienne et qui met les citoyens à la merci des forces de l’ordre, alimente une révolte exprimant partout une soif de dignité.

Tous ces régimes ont accaparé non seulement le pouvoir politique, mais se sont imposés dans le domaine économique, agissant souvent en vrais prédateurs des richesses nationales, comme en Tunisie. L’Etat né des indépendances, qui avait souvent assuré à ses citoyens un minimum de protection, une certaine couverture sociale, un accès à l’enseignement, s’est délité sous les coups de boutoir de la corruption et de la mondialisation. Même l’accès à l’université qui, naguère en Egypte ouvrait l’accès au fonctionnariat, n’offre plus de possibilités pour une jeunesse de plus en plus frustrée qui voit se pavaner les « nouveaux riches ».

Dans les années 1970, le boom pétrolier avait offert une porte de sortie à beaucoup, qui émigrèrent dans le Golfe ; cette région n’est plus capable d’absorber les flux grandissants de chômeurs. Les chiffres de croissance affichés par ces champions du libéralisme économique — l’Egypte, la Tunisie ou la Jordanie faisaient souvent l’objet de rapports élogieux des organisations financières internationales — masquaient mal la pauvreté grandissante. Depuis plusieurs années, des mouvements sociaux s’étaient affirmés en Egypte –grèves ouvrières,luttes paysannes, manifestations dans les quartiers périphériques des grandes villes, etc. – comme en Tunisie (Gafsa), en Jordanie ou auYémen. Mais jamais encore ne s’était exprimée ouvertement et massivement la volonté de changement politique. L’exemple tunisien a fait sauter un verrou.

On peut noter aussi que la lutte contre Israël, qui offrait souvent aux régimes du Proche-Orient un argument pour maintenir leur emprise – au nom de l’unité contre l’ennemi sioniste –, ne semble plus suffire. L’Egypte et la Jordanie ont signé des accords de paix avec Israël, et l’ensemble du monde arabe semble bien incapable de réagir au lent écrasement des Palestiniens. Que l’on ne s’y trompe pas : un éditorialiste américain, Robert Kaplan, faisait remarquer dans The New York Times (24 janvier) que « ce n’étaient pas les démocrates mais les autocrates comme Sadate ou le roi Hussein qui faisaient la paix avec Israël. Un autocrate solidement en place peut faire des concessions plus facilement qu’un dirigeant faible et élu (…)  » Et, dans un appel aux dirigeants américains à soutenir les « autocrates » arabes, il s’interrogeait : « Voulons-nous réellement que des dirigeants éclairés comme le roi Abdallah de Jordanie voient leur pouvoir miné par d’importantes manifestations de rue ? »

Et maintenant ? Tout pronostic sur l’Egypte est hasardeux, et personne ne peut prévoir la suite des événements. Que feront les Frères Musulmans, très réticents à entrer dans une confrontation avec le pourvoir et qui ont finalement décidé de se rallier au mouvement ? Mohammed El-Baradeï, l’ancien secrétaire général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sera-t-il capable de fédérer les oppositions ? Quoiqu’il en soit, la révolution tunisienne a ouvert une porte et fait souffler, comme le chantait Jean Ferrat, « un air de liberté au-delà des frontières, aux peuples étrangers qui donnait le vertige »…

Source : « Le Monde diplomatique » le 28-01-2011

                                                                                      La Tunisie prend acte du remaniement sans grand enthousiasme


 

En Tunisie, après deux jours de patience et de manifestations, depuis jeudi 27 janvier 2011, le pays a un nouveau gouvernement. Les principaux ministres de l’ancien régime Ben Ali ont été écartés des quatre postes clés qu’ils détenaient. Quant au Premier ministre de transition, Mohammed Ghannouchi, il a été reconduit dans ses fonctions. Les manifestants ont laissé éclater leur joie à l’annonce de cette nouvelle donne politique tout en demandant la démission du chef du gouvernement puisqu’il reste à son poste.

Mohammed Ghannouchi n’aura pas lâché sur un nom, le sien. L’homme de l’ombre de Ben Ali, Premier ministre depuis onze ans, cette figure de l’ancien régime reste en poste et ce, malgré la contestation de la rue qui, depuis dix jours, réclame son départ.

Par contre, sur le reste, Mohammed Ghannouchi a fait des concessions comme le demandait la rue : les quatre postes clés (l’Intérieur, les Affaires étrangères, la Défense et les Finances) changent de mains. Les caciques du parti au pouvoir depuis un quart de siècle disparaissent en grande partie, il n’en reste que trois.

Pour les remplacer, des hommes beaucoup moins connus, voire pas du tout. Résultat : bon nombre de Tunisiens constataient ce vendredi matin qu’ils ne connaissent aucun ministre, à part un ou deux, des hommes politiques de la fin des années 1980 qui avaient pris leur retraite depuis. Donc au total, douze nouvelles têtes font leur apparition, des technocrates pour la plupart.

« Ce gouvernement est un gouvernement de transition », a rappelé Mohammed Ghannouchi à la télévision jeudi soir, comme pour prendre de l’avance sur les critiques. « Il ne restera que jusqu’à la tenue d’élections libres », a-t-il promis.

La rue se concerte

La réussite de cette équipe gouvernementale remaniée va dépendre de la réaction de la rue : est-ce qu’elle va suivre ou non ? Ce vendredi 28 janvier, sur la place de la Casbah où des personnes de tout le pays font le siège du gouvernement depuis plusieurs jours, les gens s’interrogent, se concertent. Ils débattaient en petits groupes. Souvent des professeurs ou des juristes plus âgés tentaient de les convaincre de laisser une chance à ce gouvernement de transition.

Mais en face, les jeunes ont des réponses plus radicales, « Nous n’avons plus confiance en Ghannouchi », disaient-ils. « Tant qu’il est là, rien ne changera », disent la majorité d’entre eux.

Cela dit, le gouvernement a obtenu un soutien crucial hier soir, celui de l’UGTT, le principal syndicat du pays, qui a largement encadré la contestation de ces dernières semaines. L’UGTT a refusé de participer au gouvernement, mais le syndicat a donné son soutien à Mohammed Ghannouchi pour mener cette transition. Il a donc lâché la rue sur ce point. Est-ce que ce syndicat va être en mesure de ramener les manifestants à la maison et au travail ? C’est un peu la question que tout le monde se pose aujourd’hui.

Une presse prudente

Du côté de la presse on est bien prudent également au lendemain du remaniement. Comme tout le monde, elle s’interroge avec des titres comme « L’apaisement ? ». Ou encore ce titre très sobre du premier journal du pays, La Presse : « Un gouvernement provisoire pour réaliser la transition démocratique ».

On le voit bien, d’un côté comme de l’autre, personne ne s’avance trop pour le moment sur ce nouveau gouvernement.

Source : « rfi » le 28-01-2011

                                                                                    Tunisie : un universitaire et des chefs d’entreprise entrent au gouvernement


 

Elyes Jouini, nommé jeudi 27 janvier, ministre auprès du premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi, chargé des réformes économiques et sociales, est vice-président à l’université française de Paris-Dauphine depuis onze ans. Membre du conseil scientifique de l’université, cet agrégé de mathématiques, âgé de 46 ans, fait partie de l’Institut universitaire de France (IUF).

Il rejoint ainsi le nouveau gouvernement provisoire chargé de gérer les affaires de la nouvelle Tunisie, en attendant que soient organisées, d’ici à six mois, des élections présidentielle et législatives.

Parmi les douze ministres nouveaux entrants figure également Mehdi Houas. Nommé ministre du commerce et du tourisme, il est né à Marseille et a créé en 2002 une entreprise en informatique, Talan, spécialisée dans les nouvelles technologies de l’information.

Yacine Brahim, nouveau ministre des transports, est lui aussi un chef d’entreprise réputé dans le domaine de l’informatique.

Enfin, Jelloul Ayed, nouveau ministre des finances, est un banquier mélomane, grand amateur d’opéras, qui résidait au Maroc où il dirigeait l’une des principales banques, la BMCE.

Ces profils de professionnels rompent avec la première équipe de transition du gouvernement tunisien, mise en place après la chute de l’ancien chef de l’Etat ZineEl-Abidine Ben Ali, le 14 janvier.

SEPT EX-MEMBRES DU RCD REMERCIÉS

Sept ministres ex-membres du RCD, le parti au pouvoir du régime Ben Ali, sont partis. Douze autres ont fait leur entrée, essentiellement des universitaires de haut niveau. Parmi eux, Habiba Zehi, 60 ans, professeur de médecine, membre fondatrice de plusieurs sociétés médicales, de l’association des femmes tunisiennes démocrates et cofondatrice de la section tunisienne d’Amnesty International.

Nommée ministre de la santé, elle est aussi l’épouse de l’un des acteurs les plus importants de l’après Ben Ali, l’économiste Mahmoud Ben Romdhane, membre du parti de l’ancienne opposition Ettajdid (post-communiste) également représenté dans le gouvernement provisoire tunisien

Source : «  Le Monde.fr » le 28-01-2011

Le remaniement en Tunisie semble avoir un peu apaisé la rue


 

Les jeunes manifestants qui entretiennent depuis une semaine devant la Casbah de Tunis la flamme de la « révolution du jasmin » étaient partagés vendredi, au lendemain de l’exclusion du gouvernement de transition des caciques du régime bénaliste déchu.

Au pouvoir depuis 23 ans, Zine ben Ali a fui son pays pour l’Arabie saoudite le 14 janvier après quatre semaines d’une révolte populaire qui a fait des dizaines de morts, abandonnant ses pouvoirs au Premier ministre Mohamed Ghannouchi.

Celui-ci a libéré les prisonniers politiques et promis des élections présidentielle et législatives démocratiques. Mais, tout en ouvrant son équipe à des opposants, il avait conservé les titulaires bénalistes des ministères régaliens de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères.

Sous la pression de la foule massée autour de la Casbah, siège du gouvernement, il s’en est finalement séparé jeudi soir. Mais « la rue » n’était vendredi qu’a moitié satisfaite, à en croire les réactions partagées des manifestants.

Les plus raisonnables estimaient qu’il fallait désormais mettre fin à la paralysie du pays et laisser le gouvernement de Ghannouchi tenir ses promesses, mais les jusqu’au-boutistes, craignant que la révolution ne leur soit volée, juraient de tenir la rue jusqu’au départ du Premier ministre de Ben Ali.

« Je crois que c’est un progrès. De nombreuses portes fermées ont été ouvertes. Ceux qui font du bruit ont un frère ou un proche qui a été tué, alors ils sont encore bouleversés », explique Raëd Chaouichi, un jeune de 24 ans, devant la Casbah.

« IL FAUT ATTENDRE UN PEU »

La purge à laquelle Ghannouchi a procédé pourrait toutefois marquer un tournant dans la crise car la vie semblait revenir à la normale vendredi dans le centre de Tunis, qui a retrouvé ses embouteillages habituels et où magasins et bureaux ont rouvert.

Mohamed Ghannouchi a désigné aux portefeuilles occupés par douze caciques de l’ancien régime des ministres technocrates « choisis pour leurs compétences », qui, avec les opposants déjà nommés, confèrent une plus grande légitimité à son gouvernement de transition.

Il a promis que sa nouvelle équipe, composée en concertation avec tous les partis politiques et groupes de la société civile, dont la puissante centrale syndicale UGTT, conduirait le pays à ses premières élections libres sous l’égide d’un « conseil des sages » et en présence d’observateurs internationaux.

Vendredi, des centaines de protestataires campaient toujours devant le siège du gouvernement, mais le débat était vif, parmi eux, quant à l’opportunité de poursuivre le mouvement, alors que 80% de leurs exigences étaient désormais satisfaites.

« Nous avons des élections dans six mois. Nous avons le droit de voter, nous pouvons décider. Si le résultat ne nous plait pas, nous pouvons toujours continuer la révolution. Mais je crois qu’il faut maintenant que nous attendions un peu », estime Raëd Chaouichi.

Saïfeddine Missraoui, un étudiant qui a contribué à fournir nourriture et boissons aux manifestants assiégeant la Casbah livre un point de vue beaucoup plus radical. « Nous ne partirons pas d’ici avant que Ghannouchi s’en aille et qu’on obtienne un gouvernement entièrement neuf. »

Source : « Le point » Le 28-01-2011

Retour progressif au calme au lendemain de l’annonce du nouveau gouvernement


 

Au lendemain de la formation du nouveau gouvernement de transition, la tendance était plutôt à l’apaisement vendredi en Tunisie, même si certains manifestants continuaient de réclamer la démission du Premier ministre Mohamed Ghannouchi.

Selon M. Ghannouchi, la nouvelle équipe gouvernementale aura pour tache d’assurer « la transition démocratique » du pays et de s’atteler à la préparation d’élections « transparentes et honnêtes qui reflètent la volonté du peuple ». En attendant, le pays doit se remettre au travail, a-t-il recommandé.

« Enfin la délivrance », titrait en manchette le journal privé « Le Quotidien », tandis que son confrère « Le Temps » se demandait si c’était le signe de « L’apaisement? ».

Fruit manifestement d’un compromis et de concessions mutuelles avec la puissante centrale syndicale UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), la nouvelle équipe gouvernementale a vu le départ de la plupart des ministres du régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, et l’arrivée de 12 nouvelles figures, notamment des indépendants peu connus sur la scène politique.

Pointée du doigt pour sa position jugée maximaliste, l’UGTT, dont la direction était suspectée d’avoir été docile avec le président déchu Ben Ali, a fini par adopter une attitude conciliante en donnant son accord au maintien du Premier ministre et de deux ministres indépendants.

Pour Mongi Touati, un habitant de Tunis, « ce qui est important, c’est que les revendications du peuple ont été globalement satisfaites ». « La pression a donné ses fruits. On ne peut pas être plus exigeants. Il faut arrêter de réclamer la chute de tout le gouvernement », a renchéri un autre habitant de la capitale, Kamel Ben Hamida devant un kiosque du centre-ville où il achetait ses journaux.

Seul foyer de résistance, la place de la Kasbah où des centaines de manifestants venus de l’intérieur du pays continuaient de camper depuis plusieurs jours devant le siège du gouvernement pour exiger sa chute. Une douzaine d’entre eux ont dit observer une grève de la faim pour la deuxième journée consécutive. Un jeune est allé jusqu’à se coudre les lèvres et a été conduit à l’hôpital situé à quelques mètres.

« Nous ne sommes pas contents des décisions prises, qui ne vont pas dans le sens des intérêts du peuple », a lancé Mohamed Boukhris, un de ces manifestants. Son camarade Salem Mahjoub considère, lui, que « le nouveau gouvernement est comme un échiquier où le roi demeure encore en place », en allusion au Premier ministre Ghannouchi.

Vendredi après-midi, ils étaient près de 2.000, leurs rangs ayant été gonflés par des manifestants arrivés des zones alentours. Ils ont finalement été dispersés par les forces de l’ordre qui ont utilisé des gaz lacrymogènes, alors que l’armée qui cernait la place s’était retirée.

Coeur battant de la capitale, l’avenue Bourguiba, qui sert de baromètre pour tâter le pouls de la population, reprenait son animation coutumière. Pour la première fois depuis plus d’une semaine, aucune manifestation ne s’y est tenue de la journée. Circulation routière et piétonne dense, embouteillages, terrasses de cafés bondées et commerces actifs, la vie reprenait visiblement son cours normal.

Quelques attroupements se formaient, où jeunes et moins jeunes échangeaient, dans le calme, leurs points de vue parfois divergents sur la situation née des changements profonds annoncés la veille par M. Ghannouchi. « Nous ne voulons pas de l’anarchie, ni que l’activité économique (ralentisse), mais ce qui est certain c’est que la révolution va changer le cours de notre vie », estimait Néjib Makni, 59 ans.

En fin d’après-midi cependant, des escarmouches ont opposé forces de l’ordre et manifestants vite dispersés à coups de bombes lacrymogènes. Autant parmi les autorités qu’au sein de la population, nombreux estimaient qu’il fallait désormais en finir avec les manifestations, soulignant qu’elles tendaient vers le désordre et pénalisaient l’économie du pays. AP

Source : « le Nouvel Observateur » Le 28-01-2011

Radhouane El Meddeb: « Ben Ali a ridiculisé le projet culturel tunisien »


.Le chorégraphe, danseur et comédien Radhouane El Meddeb, 41 ans, travaille à Paris tout en conservant un regard vigilant et affectif sur son pays d’origine où il se rend régulièrement, où il a vécu pendant 26 ans et où se trouve sa famille. Entretien.

« Lors du départ de Ben Ali, j’étais chez moi, devant la télé et au téléphone, l’ordinateur sur mes genoux. Ma petite soeur m’a envoyé un SMS me demandant: « il est parti? ». J’ai mis un moment à réaliser que ce que j’avais pensé comme impossible depuis mon enfance était arrivé. Il était parti. J’étais à Tunis en novembre et je suis rentré le 4 décembre à Paris, avec la conviction que le poids, la tristesse, le mal-être des gens allaient enclencher une révolte. Ce n’était plus supportable.

Ce ne fut pas une manif mais un appel au secours des gens, pas des Tunisois mais des gens du centre du sud, de ceux qui ont toujours été méprisés, par le pouvoir mais aussi par ceux de la capitale. Ce n’est pas la révolution du jasmin mais celle du centre aride, de Sidi Bouzid, une révolution de sang. Lorsque je rentrais à Paris, après mes séjours réguliers à Tunis et cela depuis 10 ans, je réalisais que tout avait changé. Le pays était devenu fade et l’agressivité était à son comble, celle nourrie par le système.

Maintenant, il faut tout repenser, tout écrire de nouveau. Il faudra affronter les aigreurs, les règlements de compte, y compris dans le milieu culturel puisque Ben Ali a banalisé et ridiculisé le projet culturel des Tunisiens et des artistes. Il a organisé des grandes fêtes nationales supposées plaire, il n’a juré que par la culture de masse. C’était devenu un grand cabaret à deux sous. Créer a toujours été pour les artistes un acte militant, même si la danse est le seul art à n’avoir pas eu besoin de passer devant la commission de censure pour obtenir le visa d’exploitation. Il faut tout refonder, le ministère de la culture et le statut des artistes sous-payés, y compris par ceux qui étaient partis et avaient des salaires français.

On ne peut juger froidement ceux qui sont partis ou ceux qui ont continué à produire des spectacles pendant Ben Ali. A quel point ceux qui ont créé sous Ben Ali sont compromis? A chacun sa réponse avec les règlements de compte qui vont en découler. Et pourtant, on retrouve un sens civique, collectif alors que l’on nous inculqué l’inverse, l’individualisme forcené. Si tu travailles avec l’un, jamais tu ne travailleras avec l’autre.

Voilà, chacun a fait le vide autour de soi, comme l’ont fait Bourguiba et Ben Ali. Chacun, dès qu’il disposait du moindre pouvoir s’est comporté comme un monstre autoritaire, méprisant. Et la danse est restée une simple expression corporelle dans ce désastre des corps qui subissent, encaissent, baillonnés. Comment penser et laisser aller le corps quand on sait qu’un flic te surveille au coin de la rue et veut ta peau.

Ces événements sont les plus douloureux et joyeux de ma vie. Je ne sais pas ce que je vais en faire. Plusieurs fois, je suis rentré en France, en deuil, en me disant que la Tunisie, mon pays, était un « grand corps malade ». Beaucoup de larmes, de nuits blanches, une syncope, je ne dormais plus, je ne mangeais plus. La douleur est si profonde quand tu es loin et que tu sais qu’il vont te dire que tu n’étais pas là pour la révolution. Et pourtant j’ai oeuvré autant que tous, parce que l’appel à la liberté et à le dignité, c’est la définition même de la danse contemporaine. Est-ce que je peux m’approprier ce nouveau pays, est-ce qu’ils voudront de moi? Une boule dans le ventre. Et j’en veux à la France, à Michèle Alliot-Marie, Frédéric Mitterrand. »

Il pleure et rit. Le retour prévu pour dimanche 30 janvier de Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste tunisien (El Nadha) réfugié à Londres est attendu. Pas seulement par les barbus mais par la communauté Internet qui conseille d’aller l’accueillir en bikini.

Source : « liberation » Le 28-01-2011

Alexandre Adler à Nice: « La Tunisie n’était pas un pays monstrueux


 

Le chroniqueur et essayiste Alexandre Adler était mardi soir à Nice pour une « rencontre polémique » au Centre universitaire méditerranéen. Il livre dans cet entretien sa vision de la chute de Ben Ali et des relations de la France avec la Tunisie… Qu’avez-vous pensé du mea culpa présidentiel ?

Nous en sommes trop souvent au vieux principe de l’ancienne France selon lequel le roi ne peut mal faire. Never complain, never explain… En l’occurrence, la France n’ayant pas commis de faute gravissime, il était naturel et intelligent de dire que nous n’avions pas compris que le régime de Ben Ali était si fragile.

Regrettez-vous d’avoir évoqué en 2009 les « acquis démocratiques » de ce pays ?

C’était peut-être excessif. A la fin de son règne, Ben Ali n’était sympathique à personne. Mais je maintiens que la Tunisie qu’il incarnait bon an mal an était – et demeure – une expérience encourageante au Maghreb. Si cette société n’était pas une démocratie, elle n’était pas non plus son contraire. Je pense à l’émancipation des femmes, à l’instauration d’un Code civil, à la priorité donnée à l’éducation avec la création d’une élite cultivée et l’alphabétisation totale de la population.

La captation des richesses par le clan Trabelsi ? L’emprisonnement des opposants ?

On savait effectivement que le clan mettait en coupe réglée l’État et qu’il pratiquait l’intimidation. Mais j’ignorais à quel point ces canailles se comportaient comme des doryphores. Cela étant dit, même quand on déplace trois tonnes d’or dans une camionnette, même quand on vole de façon éhontée ici un yacht ou une grosse voiture, là une entreprise florissante, cela coûte toujours moins cher que le préjudice causé aux Algériens par leurs technocrates formés à l’énarchie française, incapables de gérer correctement la manne représentée par les hydrocarbures. Nous assistons d’ailleurs en Tunisie à une Révolution de la prospérité mal répartie et non à une Révolution de la misère.

Avez-vous de l’indulgence ?

Même dans la pire période de Bel Ali, les Tunisiens ont toujours été plus libres que leurs voisins algériens ou marocains. Le fait qu’une armée de contingent ait refusé de tirer sur la population, c’est un trait que l’on ne trouverait nulle part ailleurs dans le monde arabe. La Tunisie n’était pas un pays monstrueux. Cela explique la sous-estimation de la gravité des agissements du clan.

Que doit-il advenir des biens détenus en France par ce clan ?

Très franchement, on s’en fout. C’est de nature à satisfaire l’opinion. Y compris l’opinion tunisienne qui pense que nous avons été complices de Ben Ali. Si l’on peut faire rendre gorge à ce dernier sur deux ou trois choses, très bien. Mais la vérité, c’est que Ben Ali n’a presque rien en France. A l’exception sans doute de quelques villas, peut-être même ici, dans les Alpes-Maritimes. Le gros de l’argent se trouve en Suisse et à Dubaï. Pour un voleur, c’est plus sûr !

Source : « nicematin.com » le 28-01-2011

Tunisie : Ben Ali taclé par le football


 

Le football a été marqué par les vingt-quatre ans du régime de Zine el-Abidine Ben Ali. L’ancien président de la Tunisie parti, le ballon rond, qui a pourtant connu quelques bons moments, raconte son malheur et ses errements.

Le corps du régime Ben Ali est encore chaud mais déjà, les langues se délient. Ainsi, le football tunisien commence à parler, à évoquer les problèmes, révélateurs d’un climat vicié, délétère même, dans les arcanes du foot tunisien, intimement lié à Ben Ali, l’ancien homme fort du pays.

Ainsi Ali Boumnijel, l’ancien gardien des Aigles de Carthage, a fustigé la mainmise du régime dictatorial sur le football tunisien. Comme l’a fait récemment le sélectionneur Faouzi Benzarti, l’ancien gardien de but international a pointé du doigt les dysfonctionnements d’une Fédération sous influence. « A une certaine période, en tant que Tunisien de l’étranger, je n’étais pas le bienvenu. Le gendre de Ben Ali, Slim Chiboub, qui était alors président de l’Espérance de Tunis, régnait sans partage. C’était impossible alors pour le Club Africain de gagner le derby par exemple ! Il était impensable qu’un autre club gagne le titre. Seul l’Etoile du Sahel de M. Jennayeh s’est opposé. Henri Kasperczak, quand il était sélectionneur (1994-1998) avait « cassé » la suprématie des joueurs de l’Espérance, qui avaient l’impression de posséder la sélection », a ainsi regretté le champion d’Afrique 2004 dans les colonnes de France Football.

Népotisme et petits arrangements

Même son de cloche pour Zied Tlemçani, ancien grand avant-centre de l’Espérance de Tunis. « J’appartiens à la Tunisie, mon pays, j’ai toujours cherché à le servir à travers mes connaissances et mon expérience en football notamment, assure-t-il au Temps. Il m’est arrivé de présenter au ministère de la Jeunesse et des Sports un projet de refonte du football tunisien. Ce projet a été remis au directeur des sports d’alors en l’occurrence Mohamed Zribi. Aucune réponse n’est venue justifier son rejet. Il doit sûrement se trouver à l’heure qu’il est dans un tiroir du département à moins qu’il n’ait été jeté dans une poubelle.[…] Mon franc parler dérangeait plus d’une personne. »

Les internationaux actuels, eux, étaient de tout coeur avec les compatriotes restés au pays. « J’aurais aimé être là-bas, au milieu de la foule. Et puis ma mère est à Kairouan. Mais il était impossible de rentrer. J’ai passé des heures et des heures devant les informations et sur le net, a notamment confié Hamdi Kasraoui, le gardien de but du RC Lens, dans les colonnes de la Voix du Nord. J’ai une très grande pensée pour les frères martyrs. Le 14 janvier 2011 restera dans nos mémoires. C’est une nouvelle indépendance pour le peuple tunisien. Maintenant, laissons de côté ce qu’il s’est passé et débutons une nouvelle vie. Nous avons maintenant le droit de dire les choses, de critiquer, mais toujours dans la limite du respect de l’autre. Et bâtissons notre pays dans le respect de ceux qui sont morts pour lui.[…] Je pense à l’hymne national. J’attends ça pour pleurer. Un petit pays de dix millions d’habitants a viré un dictateur. On le voit déjà, la révolution tunisienne peut avoir des conséquences pour d’autres pays qui, comme le nôtre, se diront que c’est possible. »

Source : « Afrik » le 28-01-2011

Tunisie, Algérie, Egypte: laisser les peuples choisir


 

Face aux révoltes qui secouent une partie du monde arabe, le blogueur associé Laurent Pinsolle en appelle à respecter la souveraineté de ces pays dont les régimes autocratiques s’essoufflent.

L’ actualité internationale est très ambivalente en ce moment. D’une part, de multiples dérapages violents montrent la triste actualité des violences religieuses. De l’autre, un vent de démocratie et de liberté semble souffler sur certains régimes autocratiques, en Tunisie, en Algérie ou en Egypte.

Du désespoir à l’espoir Fin 2010, l’actualité est uniformément noire avec de nombreux cas de violences religieuses meurtrières. En Irak, les violences contre les chrétiens montrent bien que l’invasion du pays par les Etats-Unis semble avoir accentué les querelles religieuses. En Egypte, Al Qaida poursuit les assassinats contre la communauté copte.Au Nigéria, les violences religieuses ont également fait une centaine de victimes. Bref, les violences religieuses, souvent tournées contre les chrétiens, continuent. Cependant, une lueur d’espoir est apparue en Tunisie avec la révolte populaire qui a poussé le dictateur Ben Ali à quitter précipitamment le pays, contre toute attente. L’aspiration à la liberté est non seulement forte mais se répand puissamment en Algérie ou en Egypte. Dans un monde arabe aujourd’hui peu familier avec la démocratie, un grand espoir s’est levé et, s’il est beaucoup trop tôt pour crier victoire, on peut espérer un effet de contagion semblable au printemps d’Europe de l’Est.

Le rôle de l’Occident Le rôle des pays occidentaux et de la France en particulier (en Egypte, les manifestants demandent à Moubarak de « dégager » ) sera important, non pas comme lors de l’invasion de l’Irak. Cette intervention était surtout un nouvel exemple de la loi du plus fort qui protégeait son pétrole. Non, nous devrons respecter la souveraineté des pays, cesser de préférer les autocrates à des islamistes issus des urnes, leur conférant une aura d’émancipation démocratique qui les renforcent. Bien sûr, la France doit continuer à défendre les droits de l’homme. Notre vision laïque de l’Etat est d’autant plus importante que dans ces pays, les conflits religieux sont légion et qu’ils ont provoqué de multiples massacres. Il faut espérer que les voies choisies par les peuples arabes les éloigneront de l’islamisme radical mais nous ne devons pas ignorer qu’il existe un Islam modéré et démocratique que nous devons encourager sans jamais remettre en cause sa souveraineté. L’Occident en général et les Etats-Unis en particulier ont fait beaucoup d’erreurs dans le passé, en préférant les autocrates aux islamistes démocrates, en envahissant sans raison valable l’Irak et en ne parvenant pas à contribuer à une résolution du conflit Palestinien. Le monde arabe trouvera son salut en lui-même.

Source: ”marianne2” le 28-01-2011

Monde arabe : la démocratie à l’épreuve des « barbus »…


 

La « révolution des jasmins » en Tunisie peut-elle entraîner, par effet domino, la chute des pouvoirs autoritaires dans le monde arabe, notamment aux portes de l’Europe et en Egypte, ce dernier pays étant en proie à son tour  depuis plusieurs jours à de violentes manifestations ? Une crainte de déstabilisation qui a été certainement évoquée dans leurs conversations par  les leaders politiques et économiques réunis dans  cadre du « traditionnel » forum de Davos à forte coloration mondialiste. Une trentaine de pays seulement, sur les 192 siégeant à l’ONU,  peuvent se targuer d’être des démocraties selon les critères occidentaux, et pas une seule  nation  du Maghreb.    La « libération  de la parole » dans le monde arabo-musulman, souhaitée et défendue officiellement par les faiseurs d’opinions, se heurte à de sérieuses  inquiétudes.

 La première de toute étant un basculement des pays concernés sous mainmise politique islamiste. En Tunisie les « barbus » demandent à être réintégrés dans le jeu politique,  alors qu’en Egypte apprend-t-on aujourd’hui,   Les Frères musulmans, principale force de l’opposition, ont annoncé qu’ils participeront aux manifestations de la colère  contre Hosni Moubarak, lequel a truqué délibérément toutes les élections pour les écarter du pouvoir.

 Comme Bruno Gollnisch  le souligne  de nouveau dans son dernier ouvrage, Marine Le Pen   rappelait justement  aujourd’hui sur la chaîne LCP, que  «les pays musulmans qui sont laïcs l’ont été en général par la force», comme  l’Irak et la Tunisie, ou «par l’armée comme en Turquie». «La laïcité n’est pas absolument compatible… pas naturelle, avec l’islam, puisque l’islam confond le spirituel et le temporel».

 Et c’est avec l’appui des pays européens  et des Etats-Unis que les pays arabes ont été invités à museler les islamistes… pays auxquels nous reprochons aujourd’hui l’autoritarisme de leurs dirigeants ! En Algérie, quand, en décembre 1991, les islamistes du FIS (front islamique du salut) sont arrivés en tête au premier tour des élections législatives, le gouvernement algérien a été soutenu unanimement par les occidentaux lorsqu’il a  décidé  de stopper le processus démocratique,  au mépris du   principe du suffrage universel.

 Le problème en effet, c’est qu’à chaque fois que l’on laisse à la rue arabe la possibilité de s’exprimer librement  dans les urnes, elle  vote majoritairement pour des formations religieuses « radicales ».

  Dernièrement encore,   en Palestine, lors des élections de 2006, ce sont les islamistes du   Hamas qui ont  gagné les élections face aux « laïcs » de l’OLP. OLP  que  les israéliens tentèrent d’affaiblir  en soutenant à l’origine  en sous-main l’émergence du  Hezbollah… Bien sûr, les chancelleries occidentales approuvèrent alors la décision des   leaders palestiniens  d’annuler le scrutin, utilisant l’argument que  le Hamas n’acceptait pas l’existence d’Israël, ce qui figurait pourtant clairement dans son programme pour lequel les électeurs palestiniens avaient majoritairement voté.

 A la lumière de ces deux exemples, les injonctions démocratiques,  au nom des « droits de l’homme,   des occidentaux apparaissent bien hypocrites aux masses arabes.   Dirigeants occidentaux  qui  ne trouvent rien à redire quand l’autocrate « laïc »  au pouvoir qu’ils soutiennent  s’assoit sur les « libertés fondamentales »,  souvent il est vrai difficilement transposables, pour peu qu’il fasse allégeance ou ne contrarie pas les plans du Nouvel ordre mondial. Dans le cas contraire, on sait ce qu’il en coûta à l’Irak laïc de Saddam Hussein.

Source : « gollnish » Le 28-01-2011

En Tunisie, les entreprises libérées d’un environnement mafieux


Le cliquetis des machines à coudre couvre la moindre parole. Dans cette fabrique de textile de La Marsa, ville industrielle située en banlieue de la capitale tunisienne, environ 200 ouvrières confectionnent des tee-shirts Hugo Boss, des pulls Morgan ou encore des gilets Promod. Six millions de vêtements « made in Tunisia », destinés, à près de 80%, aux boutiques françaises de l’autre côté de la Méditerranée

Loin de l’agitation qui exaltait hier encore les manifestants du centre-ville de Tunis, les couturières de la Marsa travaillent. « Il faut bien que l’on gagne de l’argent et que la vie reprenne son cours », lâche Sorat, 41 ans, une petite main payée aux alentours de 350 dinars par mois (180 €) pour quarante-huit heures de travail par semaine. « Mais on respire un air plus neuf », sourit la mère de deux enfants. « Et commercialement, ça va énormément changer les choses », espère Khaled, l’un des gérants de la société C et N Fashion. Jolie formule pudique pour évoquer les anciennes pratiques malhonnêtes. Celles de concurrents, proches de l’entourage de l’ancien président Zine Ben Ali, qui bénéficiaient de passe-droits scandaleux. « Les camions sortaient des entrepôts la nuit, pour éviter de payer les droits de douane, contrairement à nous, raconte Nafaa, un autre gérant. Résultat, en boutique, on vendait près de 80% plus cher que ceux qui passaient par ce réseau informel », souligne-t-il. Et pas question d’aller s’en émouvoir trop vivement. « On laissait entendre aux autorités commerciales qu’on avait des soucis de concurrence déloyale, mais on ne pouvait pas évoquer précisément nos griefs », affirme-t-il. « Il y avait des situations anormales », confirme son patron, Chekib Nouira. A 60 ans, l’homme d’affaires est également président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises, un centre de réflexion qui regroupe environ 400 entreprises du monde arabe. « Là où il fallait demander quelque chose à l’Etat, il y avait de la corruption. Quant aux activités d’exportation, qui constituent l’essentiel de notre économie, on a assisté à beaucoup de pratiques déloyales, poursuit-il. L’économie est basée sur la confiance. Sans elle, les investisseurs ne viennent pas. » Ils se sont même montrés très frileux dans ce pays où un appel téléphonique suffisait à sceller le destin d’une entreprise. Des pans entiers de l’économie étaient gangrenés par le clan de l’ancien régime. Un empire tentaculaire, que la justice tunisienne compte désormais mettre au jour. Le cas de Sakhr el-Materi, gendre de Ben Ali sans doute réfugié au Canada, devrait notamment l’intéresser. Quelques jours avant la chute du régime, l’homme d’affaires avait acquis 25% de Tunisiana, l’un des plus importants opérateurs de téléphonie mobile du pays. « On ne sait pas si ces parts vont être nationalisées ou revendues », soupire un membre de la direction, embarrassé. Une situation que devront affronter des centaines d’entreprises où des proches du pouvoir s’étaient invités.

Source : « le Parisien.fr » le 28-01-2011

Tunisie : non aux apprentis sorciers !


Deux possibilités : soit vous êtes islamiste et vous voulez que ces pays basculent dans le fanatisme religieux, soit vous êtes anarchiste et vous voulez qu’il…

Putain ! mais c’est pas vrai ? Je pars en vacances et quand je reviens, c’est le bordel ! Qu’est-ce que j’apprends ? Les Tunisiens ont viré Ben Ali et se sont libérés ? On ne peut vraiment pas vous confier quoi que ce soit, hein ! Je ne vous donnerai jamais mes enfants à garder, tiens !

Alors maintenant c’est le foutoir de partout : en Algérie, en Egypte… Bravo ! Vous devriez bien savoir comment sont les peuples opprimés, pourtant : comme les enfants, justement. Vous leur donnez une miette, ils vous réclament le gâteau. Qu’est-ce qu’on va devenir si tout le monde commence à réclamer de la liberté ? Vous y avez songé, un peu ? 

Deux possibilités : soit vous êtes islamiste et vous voulez que ces pays basculent dans le fanatisme religieux, soit vous êtes anarchiste et vous voulez qu’ils basculent dans la démocratie.

A la limite, je préfère la première solution, les islamistes, au moins, c’est pas avec leurs idées du moyen-âge qu’ils vont nous tailler des croupières – comme les Chinois (s’ils étaient devenus islamistes, ceux-là, on n’en serait pas là). Franchement, les islamistes, hein, quel danger ? Combien de divisions ? Deux HLM à New-York et trois attentats ! En 10 ans ? Franchement, en 14-18, il s’en mourait dix fois plus en trois minutes.

Mais, l’anarchie, ça, non ! C’est mauvais pour le business. Les gens réclament des droits, ça piaille, ils veulent partager l’argent (et puis quoi, encore ?!), ils donnent leur avis et, immanquablement, c’est le bordel. Les Chinois l’ont bien compris. Alors pourquoi est-ce que tout le monde a critiqué Alliot-Marie, hein ? Vous êtes fous ou quoi ? Bien sûr qu’il fallait rétablir l’ordre. Et comment ! C’est pour ça qu’on n’a pas moufté, au gouvernement. On avait même autoriséla livraison de matériel à la police tunisienne.

Parce qu’avec Ben Ali, on savait à qui on avait à faire. Comme en Algérie, au Maroc, en Egypte et dans les autres colonies, là. Tandis qu’en démocratie, accroche-toi : les dirigeants changent tout le temps, il faut être discret en truquant les élections, la corruption coûte beaucoup plus cher bref, c’est la chienlit et c’est extrêmement désagréable. Et puis qui c’est qui va protéger nos frontières des hordes de pauvres qui vivent encore plus au sud ?

 Mais surtout, imaginez-vous si les gens commençaient à suivre l’exemple tunisien ici, en France. S’ils se mettaient à vouloir changer de régime, hein, vous y avez pensé ? Bon, c’est vrai, l’avantage c’est qu’ici, ils croient qu’ils sont déjà en démocratie : ils n’ont pas encore remarqué que c’était toujours nos candidats qui étaient élus mais enfin, on ne sait jamais.

Et s’ils se mettaient à réfléchir tous seuls, hein ? Sans notre télé ? Et sans nos médias ? On tiendrait combien de temps, selon vous ? Vous ne voudriez pas partager avec eux aussi, non, tant que vous y êtes ?! Apprentis sorciers !

Source : « agoravox.fr » Le 28-01-2011

Tunisie : l’épuisement d’un « modèle » économique


Croissance en berne, chômage des jeunes…, la révolution a mis en évidence les insuffisances du modèle économique tunisien.

La révolution qui a eu raison de vingt-trois ans de dictature policière en janvier dernier a révélé les limites du modèle de développement tunisien.

Le pays dispose pourtant incontestablement d’atouts. La société tunisienne est l’une des plus avancées du monde arabe. La transition démographique est derrière elle avec un taux de fécondité qui se situe un peu au-­dessus de 2 enfants par femme et une très large alphabétisation de la population. Les femmes y jouissent d’une égalité de statut juridique avec les hommes. Une classe moyenne importante s’y est développée comme nulle part ailleurs dans le Maghreb. Et si la jeunesse y est aussi nombreuse que dans les autres pays de la région (50 % de la population a moins de 30 ans), la proportion de diplômés y est nettement plus élevée : c’est la moitié des 140 000 personnes qui entrent chaque année sur le marché du travail.

Une jeunesse déclassée

Mais une grande partie de ces jeunes ne trouvent pas d’emploi. Le chômage se situait officiellement entre 14 % et 15 % de la population active en 2010 et il frappe d’abord la jeunesse : 70 % des chômeurs ont moins de 30 ans. Or, la croissance a nettement ralenti avec la crise. Elle a mis à nu les faiblesses d’un modèle de développement fondé sur des secteurs nécessitant peu de main-d’œuvre qualifiée, comme le tourisme low cost, les activités de sous-traitance dans le textile ou les centres d’appels. Avec un écart de plus en plus marqué entre les zones côtières et l’intérieur du pays d’où est partie la révolte. Le tout accentué par une forte dépendance à l’égard de l’économie européenne, qui représente 75 % des exportations. Du coup, la Tunisie a subi de plein fouet la crise qui frappe le Vieux Continent depuis 2008 et a vu croître encore le sentiment de déclassement de sa jeunesse.

Privé de rente pétrolière, contrairement à l’Algérie ou à la Libye, le régime n’a plus eu les moyens d’acheter la paix sociale. D’autant plus qu’il faisait peser sur les Tunisiens le poids d’un appareil policier pléthorique (120 000 policiers dans un pays de 10 millions d’habitants), et sur la vie économique un vaste système de corruption, les proches du pouvoir prélevant des commissions sur de nombreuses affaires et contrôlant directement ou indirectement de multiples entreprises. Des pratiques qui n’étaient pas de nature à créer des conditions de confiance et à attirer les investissements privés. Si la construction d’une démocratie et d’un Etat de droit est d’abord un impératif éthique et politique, elle est aussi, dans ce contexte, une urgence économique.

Source : « Alternatives economiques » Le 27-01-2011

Quelles perspectives de changement dans le monde arabe ?


Par Mohammed Tahar ben Saada. Chercheur

La révolution du jasmin en Tunisie n’a sans doute pas encore livré tous ses secrets ni accouché de toutes ses promesses. Mais d’ores et déjà, tous les analystes sont unanimes pour s’accorder à prévoir une onde de choc de cette révolution dans le monde arabe. La sur-médiatisation d’un évènement de cette ampleur ne saurait laisser indifférents les peuples de la région qui sont confrontés aux abus quotidiens d’un régime politique quasi-identique par-delà les différences de forme et de degré.

Si l’aspiration populaire au changement démocratique dans le monde arabe est légitime et indiscutable comme l’illustrent les nombreuses réactions de l’opinion publique arabe au lendemain de la chute du dictateur tunisien, de nombreuses questions demeurent posées et nécessitent des réflexions sérieuses si on veut que le changement politique qu’appelle tôt ou tard l’histoire soit à la hauteur des attentes populaires.

Le scénario tunisien est-il exportable ?

Dans une région où les énormes sacrifices des populations déjà éprouvées par la misère et la terreur n’ont suffi ni à endiguer l’invasion et l’occupation étrangères ni à empêcher la reconduction de régimes autoritaires et corrompus, la révolution du jasmin a de quoi séduire. Si les dizaines de victimes de la répression sont à déplorer, il n’en demeure pas moins que le changement en Tunisie –qui n’a pas encore livré tous ses fruits- a été relativement pacifique et c’est peut-être une de ses plus belles leçons. Cependant, cet aspect, si important, ne doit pas occulter les particularités historiques du processus de changement à l’œuvre en Tunisie.

Pour comprendre ce qui s’est passé en Tunisie et évaluer les similitudes et les différences avec la situation qui prévaut dans d’autres pays arabes, il est important de rappeler quelques éléments structurels :

1. Le régime maffieux du clan Ben Ali et de sa belle-famille, s’il a constitué la partie la plus visible et la plus hideuse du système n’en a pas moins contribué à l’affaiblissement de la base sociale de ce dernier y compris au sein de la bourgeoisie et de la bureaucratie tunisienne comme l’illustre la facilité avec laquelle le dictateur a perdu la confiance de ses généraux

2. Bien avant le soulèvement populaire, et comme l’ont si bien illustré les fuites de Wikileaks, les Américains ont montré qu’ils étaient excédés par les pratiques maffieuses du clan Ben Ali qui ont fini par constituer un facteur de mécontentement au sein des élites et donc un facteur d’instabilité politique et c’est ce qui explique la facilité avec laquelle les Américains ont lâché le régime de Ben Ali dès qu’ils se sont convaincus de la détermination du peuple tunisien ;

3. Mais les Américains ne sont pas fous. S’il est clair aujourd’hui que leur attitude, discrète mais efficace, a pesé lourdement dans la neutralité des chefs de l’armée, ce n’est certainement pas pour des raisons idéologiques ni pour les beaux yeux du peuple tunisien. La diplomatie américaine a pu, sans grand risque, jouer la carte du changement démocratique parce que ses contacts sur place ont fini par la convaincre qu’il existe des élites bourgeoises capables de négocier ce tournant au mieux de leurs intérêts communs. Il faut ajouter à cela le fait que la Tunisie, par sa pauvreté en matières premières et énergétiques et par son éloignement géographique de l’Etat d’Israël, ne bénéficie pas d’un statut stratégique dans l’architecture régionale de la diplomatie américaine ;

4. Le rappel du rôle actif joué par la diplomatie américaine dans le changement en Tunisie ne doit pas servir de caution à la fameuse théorie du complot ni à minimiser le rôle joué par l’insurrection du peuple tunisien. Si le changement a été possible et rapide, c’est aussi parce que la société tunisienne renferme des ingrédients sociaux et politiques favorables au changement démocratique mais aussi des élites capables, par delà leur diversité, de porter ce changement. Ce n’est pas un hasard si dès le début du soulèvement populaire, les robes noires et les blouses blanches ont été aux côtés de leur peuple et ont courageusement accompagné son mouvement insurrectionnel.

La maturité politique des élites tunisiennes et leur capacité à s’opposer au pouvoir n’est pas le fruit du hasard mais relève de facteurs sociologiques et historiques autrement plus puissants. Le modèle de développement tunisien, malgré les limites dues à son caractère de classes et sa dépendance, a été basé sur l’exploitation maximale des ressources du pays, à commencer par la ressource-travail. Cet élément capital ne peut que conforter le travail et le sérieux dans la reconfiguration du rapport social à la richesse et à l’autorité. Le fait de compter sur le tourisme, l’agriculture d’exportation et l’industrie de la sous-traitance, s’il ne manque pas d’engendrer des méfaits sociaux connus et dénoncés à juste titre, a permis de mettre au premier plan les valeurs du travail, de la discipline et de l’ouverture d’esprit, lesquelles ont contribué à façonner des élites et des mentalités aptes à concevoir un changement démocratique. Ce dernier ne résoudra sans doute pas tous les problèmes de société d’un pays comme la Tunisie. Le développement durable et solidaire qu’appelle de tous ses vœux le peuple tunisien n’est peut-être pas encore à l’ordre du jour mais si les élites tunisiennes arrivent à instaurer un Etat de droit démocratique, ce serait déjà une révolution dans ce pays, la première révolution vraiment démocratique dans le monde arabe. Il reste à savoir si tous ces éléments sociopolitiques se retrouvent dans les autres pays arabes pour pouvoir répondre à la question : le scénario tunisien est-il exportable

Egypte et Jordanie

L’onde de choc de la révolution tunisienne dans les autres pays reste le principal sujet de préoccupation des chancelleries occidentales. La réaction israélienne, rapide et épidermique, nous renseigne sur la dimension géopolitique du changement démocratique dans le monde arabe. Comme leurs porte-parole dans l’hexagone, les diplomates israéliens n’ont pas hésité à regretter la chute du régime de Ben Ali et à pointer du doigt la « menace islamiste ». Inutile de dire que ce qui les inquiète en Tunisie ne peut que les empêcher de dormir quand il s’agit de pays géographiquement plus proches comme l’Egypte et la Jordanie.

Ces deux pays ne partagent pas seulement la proximité géographique avec l’Etat d’Israël. Tous les deux ont fait une « paix séparée » avec l’Etat hébreu. Tous les deux sont dirigés par des régimes autoritaires et répressifs qui se perpétuent grâce au soutien actif, financier, politique et militaire des USA. Tous les deux mènent une politique économique et sociale libérale dictée par les institutions financières internationales et qui sert surtout les intérêts étroits d’une bourgeoisie compradore incapable d’assurer un minimum de vie digne aux populations.

Dans les deux pays, la doctrine de la « sécurité nationale » sert de prétexte pour museler les libertés de la société civile et l’opposition politique même s’il y a des différences notables entre les deux pays. En Jordanie, il y a une vie parlementaire limitée et une relative liberté de presse. L’opposition nationaliste et islamiste est représentée au parlement. Le Front d’action islamique (vitrine politique des Frères musulmans) participe aux élections et est représenté au parlement mais tous ces aspects ne peuvent cacher le fait qu’il s’agit d’une démocratie sous contrôle. La spécificité démographique du pays qui compte une majorité de la population d’origine palestinienne (60% environ) ne saurait laisser indifférent ni le régime ni le voisin israélien ni l’Administration américaine.

En Egypte, le caractère autocratique du régime Moubarak ressemble à celui du dictateur tunisien déchu. Les notes diplomatiques publiées par Wikileaks ne s’y trompent pas. Les commentaires concernant les deux pays se ressemblent fort. Dans les deux cas, il s’agit d’une famille qui rançonne le pays par des pratiques maffieuses et qui a des ramifications au sein d’une bourgeoisie affairiste sans scrupules. Les chefs de l’armée et des services de renseignement ne semblent pas enchantés par la perspective d’une reproduction familiale du pouvoir au moyen d’une « élection » arrangée de Jamal Moubarak et ce fait ne saurait échapper à l’attention vigilante des Américains.

Si le fils Moubarak semble bénéficier du soutien de quelques grandes familles du business comme Sawiris (le patron du groupe ORASCOM) et Al Izz (le premier magnat de la sidérurgie au Moyen Orient) en vue de réaliser ses ambitions présidentielles, il n’est pas dit que l’ensemble de la bourgeoisie égyptienne soit du même avis surtout les fractions lésées par les pratiques monopolistiques et maffieuses des magnats qui ont fait main basse sur l’Egypte. Si une partie de la bourgeoisie égyptienne ne peut que se sentir à l’étroit dans le régime étouffant des Moubarak, les choses sont encore plus nettes au sein des élites de la société civile dont les frustrations accumulées tout au long de ces trente dernières années constituent le meilleur argument pour un changement démocratique.

Les manifestations qui ont eu lieu le 25 janvier dans une dizaine de villes et qui ont rassemblé une centaine de milliers de personnes à l’appel de réseaux sociaux de la société civile illustrent parfaitement cette tendance avec laquelle il faut désormais compter. Le mouvement spontané de contestation sociale du régime Moubarak et qui a sur faire le lien entre les questions sociales et la question du changement démocratique saura-t-il durer dans le temps et saura-t-il accoucher d’une révolution démocratique comme en Tunisie ?

Si en Tunisie le soulèvement populaire a pu constituer l’étincelle de l’ébranlement des élites tunisiennes et du retournement opportuniste de la diplomatie américaine, toutes deux prêtes pour un changement démocratique – du moins un changement contrôlé- il n’en va de même en Egypte qui reste un des piliers de l’ordre régional made in USA. Les Américains regarderont par deux fois avant de donner leur aval au changement. Les enjeux géopolitiques priment ici sur les enjeux sociopolitiques internes. Contrairement aux idées reçues, la diplomatie américaine est loin d’être un adepte de l’immobilisme à tout prix. Un régime aussi caricatural peut même constituer un danger à long terme pour ses intérêts stratégiques. C’est pourquoi elle pourrait s’adapter à un changement démocratique pour autant que ce dernier ne vienne pas à mettre par terre son projet de pax americana dans la région.

Dans ces conditions, que reste-t-il comme perspectives de changement en Egypte et en Jordanie ? Les Israéliens

l’ont dit explicitement. Si un triomphe peu probable des islamistes en Tunisie les dérange, imaginons ce qu’il en serait en Egypte ou en Jordanie. Les dernières déclarations de dirigeants israéliens nous renseignent sur la ligne rouge que le changement démocratique dans ces pays ne saurait franchir. Pour le premier ministre israélien, le triomphe des islamistes en Egypte signifierait la fin du traité de paix de Camp David, pas moins ! En langage diplomatique, c’est une déclaration de guerre qui n’ose pas dire son nom !

Si le changement démocratique et social qui correspond aux aspirations profondes des peuples égyptien et jordanien ne saurait être déconnecté des enjeux géopolitiques régionaux au premier rang desquels il faut mettre l’existence de l’Etat colonial d’Israël, ce qui demeure une perspective lointaine, cela signifie-t-il que ces sociétés sont condamnées à l’immobilisme et à l’arbitraire des régimes en place ? Non, de nombreux indices militent en faveur d’un changement, peut-être plus modeste que celui nous souhaitons, mais un changement quand même ! La révolution tunisienne ne pourra que favoriser les perspectives d’un changement plus que probable.

En Egypte, la perspective de voir le régime se perpétuer par l’entremise d’une « élection » arrangée de Jamal Moubarak ne va pas de soi surtout qu’elle ne rencontre les faveurs ni des chefs de l’armée ni des élites égyptiennes. Si la diplomatie américaine sera ici plus prudente que dans le cas tunisien où les enjeux étaient moins cruciaux, cela ne veut pas dire qu’elle bloquera tout changement si le peuple égyptien descendait dans la rue avec le soutien des élites de la société civile (médecins, avocats, ingénieurs, enseignants et étudiants). L’inconnue majeure reste la capacité des forces du changement en Egypte à négocier ce délicat tournant en faisant la synthèse des aspirations populaires minimales à la liberté et à la dignité et les assurances diplomatiques que les contraintes stratégiques devraient leur dicter dans leurs rapports avec la puissance américaine.

Il n’y va pas seulement des perspectives de changement. Il y va aussi de la sécurité et de la paix civile en Egypte. Si le peuple égyptien n’est pas assez fort pour imposer la solution nationale qui sied à ses aspirations historiques profondes laquelle demande un contexte national, régional et international autrement plus favorable mais si en même temps il se laisse entraîner par des aventuriers verbeux et inefficaces, le risque serait grand de voir des puissances hostiles manipuler la poudrière sociale et les différences confessionnelles pour semer le chaos et briser l’élan de redressement salvateur que tous les peuples arabes souhaitent au peuple égyptien.

Des indices politiques apparus ces derniers mois sur la scène égyptienne permettent de cultiver un optimisme mesuré. Après de longs mois de tergiversations, au demeurant compréhensibles, les Frères Musulmans égyptiens ont compris l’intérêt de se ranger derrière Mohamed Al Baradei qui représente sans aucun doute le candidat potentiel le plus crédible face au clan des Moubarak. Bénéficiant d’un crédit à l’intérieur dans les rangs de la bourgeoisie nationale, des élites et des chefs de l’armée, Al Baradei a aussi pour lui le fait de ne pas effrayer les Américains, ce qui n’est pas rien par les temps qui courent.

Les Frères musulmans égyptiens qui demandaient auparavant à Al Baradei de leur promettre un changement constitutionnel permettant la légalisation de leur mouvement sitôt arrivé au pouvoir ne font plus ce préalable et ont montré une grande maturité politique qui dénote aussi un sentiment patriotique élevé. La manifestation populaire du 25 janvier, qui augure de l’entrée fracassante de la société civile égyptienne, constituera-t-elle le catalyseur de ces tendances du changement démocratique qui travaillent en profondeur la société égyptienne ?

Malgré la similitude des situations égyptienne et tunisienne, le changement qui pourrait s’esquisser en Egypte ne pourra pas dépasser certaines limites imposées par le statut géopolitique de ce grand pays dans l’architecture impériale du grand Moyen Orient mais les perspectives en termes de développement et de démocratisation pourraient favoriser à long terme la renaissance tant attendue de l’Egypte et dont dépend pour une large part la réalisation de l’aspiration de tous les peuples de la région à une paix juste et durable qui passe par le rétablissement du peuple palestinien dans ses droits nationaux inaliénables.

C’est cette même prudence que dictent aussi bien la complexité géopolitique régionale que la maturité politique des élites qui explique les positions de l’opposition nationale et islamiste jordanienne qui sait que le fait de brusquer les choses peut parfois se retourner contre le changement souhaité

Soudan

Dans le Soudan voisin, les agendas internationaux à caractère géopolitique ont pris de vitesse l’aspiration au changement démocratique du peuple soudanais. La manipulation israélo-occidentale de l’aspiration du su à l’autodétermination, à la liberté et au développement, a réussi, aidée en cela par l’irresponsabilité criminelle d’un pouvoir nordiste, sourd aux appels à la liberté, à la justice et à l’égalité des populations d’un sud marginalisé et méprisé. L’entêtement de tous les régimes soudanais qui se sont succédés depuis l’indépendance dans une politique anti-nationale et anti-démocratique a donné du grain à moudre à une opposition politico-militaire sudiste ouvertement soutenue par Israël dans le but géopolitique évident de renforcer la ceinture de sécurité des Etats africains hostiles à l’Egypte et capables le moment venu de jouer le rôle qui leur est dévolu : boucher les sources du Nil en vue d’assoiffer le peuple égyptien et contrarier son développement.

La perspective de la sécession du sud du Soudan est porteuse de tous les extrêmes. Elle peut accélérer la chute du régime du général Al Bachir comme elle pourrait renforcer la solidarité du nord autour du régime. Mais dans tous les cas de figure, outre les enseignements utiles pour d’autres pays arabes promis à des scénarios similaires par des officines actives, la question du changement démocratique restera à l’ordre du jour tant elle conditionne la capacité des sociétés à relever les défis d’une véritable indépendance nationale et d’un véritable développement durable et solidaire. Malgré l’autoritarisme du régime et la pauvreté du pays, le Soudan possède des élites civiles et politiques remarquables. Libérées du chantage au séparatisme du sud qui était utilisé par le régime pour les réprimer, elles constitueront désormais un catalyseur certain pour le changement souhaité.

Syrie

Dans la configuration géopolitique régionale, l’autre pays qui compte énormément pour Les USA et leur allié israélien reste bien entendu la Syrie. Le refus d’entrer dans une paix séparée, à l’instar de ses voisins égyptien et jordanien, et son entêtement à servir de refuge pour les organisations de la résistance palestinienne qui refusent de suivre l’Autorité de Mahmoud Abbas dans sa capitulation devant l’occupant, suffisent à mettre La Syrie sur la liste noire des régimes indésirables. Certes, en matière d’autoritarisme et de clientélisme, le régime baathiste syrien n’a rien à envier à ses pairs arabes. Comme la plupart des régimes de la région qui jouent la carte de la division ethnique et/ou confessionnelle, le régime syrien sait marier rhétorique nationaliste panarabe et politique clanique fondée notamment sur une alliance des minorités confessionnelles alaouite et chrétienne

Les réformes économiques libérales initiées depuis plus d’une décennie ont réussi à amadouer une partie de la bourgeoisie commerciale des villes issue dans sa majorité de musulmans sunnites. Malgré leur hostilité affichée au régime, Américains et Israéliens n’ont pas dépassé, jusqu’ici, une certaine ligne rouge. Humilié au Liban lorsqu’il a été obligé de se retirer de ce pays dans le sillage d’une « révolution orange » soutenue ouvertement par la France et les USA, le régime syrien n’a pas été néanmoins déstabilisé outre mesure. Et pour cause. Les Américains n’ignorent pas que la principale force d’opposition organisée au régime baathiste est constituée par les Frères musulmans.

Si certains dirigeants des Frères ont leurs entrées au Congrès dans la perspective d’un compromis rendu inéluctable par des développements futurs, la diplomatie américaine ne peut parier sur un mouvement qui reste intraitable sur la question de la libération inconditionnelle du Golan et qui aurait du mal à convaincre sa base d’une paix séparée avec l’Etat d’Israël avant la résolution définitive de la question palestinienne. Reste l’autre perspective qui consiste à voir émerger un compromis historique entre le régime baathiste syrien et l’opposition islamiste sur la base d’un programme national-démocratique qui réponde à la fois aux aspirations populaires et aux exigences de la défense nationale contre les menaces israéliennes.

Cette perspective qui était impensable il y a quelques années est en train de gagner en réalisme à la faveur de la guerre d’invasion, d’occupation et de dislocation dont a été l’objet le voisin irakien qui a fait comprendre aux Syriens les dangers que font peser sur l’intégrité et l’unité nationales les différends internes qui tardent à trouver une solution démocratique.

Yémen

L’onde de choc de la révolution tunisienne est arrivée jusqu’au lointain Yémen où la population est sortie manifester son soutien à ses frères tunisien et réclamer des réformes démocratiques. Mais la particularité de ce pays marquée par un développement sociopolitique inégal entre le nord et le sud du pays et son statut de maillon faible dans l’architecture géopolitique régionale qui le met sous haute surveillance américaine, ne permettent pas d’entrevoir un changement radical dans l’immédiat. Le pouvoir concentré au nord du pays ne s’appuie pas seulement sur une alliance entre une oligarchie militaire corrompue et des confédérations tribales mais aussi sur l’appui direct des Américains dans la guerre contre le terrorisme comme l’a illustré la répression sanglante de la révolte « houthite ».

Cette dernière, soutenue par l’Iran, a été matée dans le sang par l’intervention conjuguée de l’armée yéménite et de l’armée saoudienne avec la participation d’un contingent marocain, le tout sous l’œil approbateur du protecteur américain. Si au sud du pays, la contestation sociale contient tous les ingrédients susceptibles de hâter un changement national-démocratique, il est difficile, dans les conditions actuelles, d’espérer une perspective qui ne replonge pas le pays dans une guerre de sécession que le peuple ne souhaite pas.

Pétromonarchies du Golfe

Dans les monarchies du Golfe, le mécontentement de larges secteurs d’une société conservatrice contre les excès d’une classe dominante dont l’attachement superficiel et hypocrite aux préceptes religieux n’a d’égal que la décadence morale et la servilité à l’égard de l’occupant américain se fait de plus en plus visible et commence à donner une assise à une opposition nationale et islamiste jusqu’ici isolée. Mais la manne pétrolière continuera à jouer un rôle d’amortisseur de ce mécontentement et la surveillance étroite des services de sécurité bénéficiant de l’encadrement américain constituera pour longtemps encore un solide rempart contre le changement qui ne saurait malheureusement venir de cette région.

Source : « mediapart » le 28-01-2011

Contribution : Le sens d’une Révolution


 

Il y aura un avant et un après révolution démocratique tunisienne. Un vent de révolte souffle dans le monde arabe, une lame de fond insurrectionnelle ébranle les pouvoirs arabes et déstabilise les élites dirigeantes occidentales. Une sorte de contagion affective et morale gagne progressivement les esprits et les cœurs.

Reste à la convertir en une contagion politique démocratique et sociale. Mais on peut déjà se risquer à affirmer que le mouvement irrépressible vers la liberté, le droit et la justice ne saurait être contenu par des petites mesures sociales de baisse des produits de première nécessité comme annoncées, dans l’affolement, par des régimes illégitimes. On ne peut séparer la revendication sociale de  l’exigence démocratique.

Incontestablement, nous vivons un moment politique important qui va nécessairement bouleverser des sociétés écrasées par l’autoritarisme et la corruption.  En brisant le mur de la peur, en la faisant changer de camp, le peuple tunisien a ouvert la voie à de grands changements politiques dans des pays jusqu’alors condamnés à reproduire des impasses historiques. Une leçon de maturité et de courage politiques est administrée aux élites politiques et intellectuelles, sommées aujourd’hui de sortir d’une profonde léthargie pour penser l’avenir démocratique.

Attention aux leurres !

Une lourde responsabilité pèse sur les représentants de l’opposition réelle en Tunisie. De sa détermination à mener le processus révolutionnaire à ton terme dépendront, en grande partie, les ruptures politiques dans les pays soumis à la dictature. Et de sa capacité, surtout, à ne pas se laisser enfermée dans le slogan réducteur « Ben Ali dégage ! » et de ne pas se laisser piégée en précipitant des échéances électorales qui accoucheront au mieux d’une démocratie de façade.

Oui, il faut bien rendre justice aux victimes de la dictature policière et poursuivre en justice les responsables. Oui, il faut exiger la restitution des biens du peuple, spoliés et détournés par le  clan qui a gangrené et fait main basse sur l’économie. Mais l’accomplissement de la révolution démocratique exige une rupture radicale avec les bases mêmes du système Ben Ali. C’est ce que propose l’opposant historique Moncef Marzouki, ainsi que d’autres, en exigeant, notamment, l’élection d’une Assemblée constituante.

Une revendication qui, curieusement, n’est pas reprise en Algérie par les partis, les collectifs et autres coordinations. Ces derniers se limitent à revendiquer, légitimement au demeurant, la levée de l’Etat d’urgence sans proposer une démarche politique de rupture avec le système. Faut-il souligner, une fois encore, que pour des raisons politico-historiques, spécifiques à l’Algérie, l’Armée est au cœur du système. Comment imaginer un changement radical sans indiquer la nature et le contenu de la transition démocratique qui imposerait une séparation nette entre le politique et  le militaire ?

Les coalisés de l’intérieur et de l’extérieur

La révolution n’est pas un long fleuve tranquille. Les forces de la restauration autoritaire, extérieures et intérieures qui agissent de concert pour la dévoyer ne vont pas désarmer. Le pouvoir impérial oligarchique, ce réseau mondial de dirigeants politique, économique, financiers et médiatiques, ne supporte pas l’idée de l’avènement des peuples en tant qu’acteur politiques et historiques, agissant pour la reconquête de leurs droits politiques, sociaux et culturels. Il trouvera toujours des prolongements internes, de nouveaux gardes-champêtres du néocolonialisme, pour conserver ses intérêts. Une vigilance accrue permettra de déjouer les stratégies du chaos et les fausses alternatives, à l’instar de l’hypothèse El Baradei, suggérée probablement par les Américains aux égyptiens.

Face aux doutes et aux hésitations qui ne manqueront pas de surgir, il est une certitude : La  révolution démocratique en Tunisie va libérer un processus historique, à la fois politique et intellectuel. Le peuple Tunisien, et en cela il en est le précurseur, n’a pas simplement chassé un dictateur, il a ouvert la voie à une déconstruction du système de pensée en vogue ces dernières décennies.

Ouvrez-vous sur la société, mais pas trop !

Le « danger islamiste » qui sert de prétexte au soutien inconditionnel accordé aux dictateurs ne vise en définitive qu’à dessaisir les peuples de leur souveraineté politique et économique et du droit fondamental de s’ingérer dans ses propres affaires !

Bien sûr, il y aura toujours des médias, des analystes et autres spécialistes autoproclamés du monde musulman qui exploiteront le moindre fait divers ou encore telle déclaration d’un chef islamiste pour laisser planer dans les esprits la « menace intégriste ». En d’autres termes, ces mauvais conseilleurs nous diront : d’accord,  ouvrez-vous sur la société, mais pas trop !

Au mépris de leur propre principes et valeurs, dont ils font un usage à géométrie variable, ils feignent d’ignorer que les hommes et les femmes, quelques que soient les contingences liées à l’histoire, la culture ou la religion, aspirent avant tout à la liberté, au respect de leurs droits fondamentaux et aux pluralismes. La pseudo « soumission volontaire » à l’autoritarisme des peuples arabes, berbères ou africains n’est pas inscrite dans les gènes de leurs cultures ou de leur religion ! Prétendre le contraire relève ni plus ni moins que du racisme.

Ces adeptes du relativisme politique, inspirés par les « théologiens » de la postmodernité, agissent en réalité en missionnaire de l’ordre mondial trans-étatique pour pérenniser l’hégémonie et la domination occidentale. Confessionnaliser et ethniciser les conflits sociaux et politiques, dans le monde, est pour ces stratèges du désordre et du chaos le moyen le plus efficace pour enrayer l’émergence d’un mouvement social et démocratique planétaire.

L’idéologie européocentrisme, dominante chez les élites de droite comme de gauche, participe de la même finalité. Pour elle, la philosophie des lumières et le rationalisme qui ont accouché du progrès social et de la démocratie sont inscrits dans une soi-disant tradition judéo-chrétienne, – une construction politico-idéologique sans pertinence historique -, dans le but de minimiser  voire de nier carrément l’apport décisive de la pensée islamique dans l’avènement de la modernité en occident. Une autre façon d’interdire aux masses musulmanes tout accès vers la modernité politique

Les Lumières brilleront au Sud

La révolution démocratique, en tant que rupture historique, doit absolument s’accompagner d’une véritable révolution intellectuelle. Il s’agit pour nos élites de se réapproprier cette part d’héritage historique. Les Lumières et l’Humanisme ne sont pas l’apanage des européens et des américains ! Il est grand temps de se saisir de la réflexion sur l’Islam et de ne plus l’abandonner aux « théologiens » officiels, ces fonctionnaires de la religion, grassement rémunérés par les régimes autoritaires et corrompus, ou encore aux millénaristes et autres charlatans.

Aussi paradoxale que cela puisse paraître, c’est au moment ou ces principes sont piétinés et bafoués en Occident même, sous l’action dévastatrice du néolibéralisme, qu’ils resurgissent et en Tunisie et, nous l’espérons, dans tout le Maghreb et partout ailleurs dans le monde ou sévissent des dictatures moyenâgeuse et des régimes néolibéraux symbolisés par l’alliance de la finance et de la guerre.

* Samir Bouakouir : Démocrate de gauche algérien, ancien dirigeant du FFS.

Note de la rédaction : Les contributions publiées par DNA reflètent les points de vue de leurs auteurs

Source : « DNA » Le 28-01-2011

« Moubarak sera plus difficile à déloger du pouvoir que Ben Ali »

Interview de Jean-Noël Ferrié, chercheur au CNRS spécialiste de l’Egypte


 

L’Egypte est toujours en colère. Vendredi, pour la quatrième journée consécutive, des milliers de manifestants inspirés par la révolte tunisienne sont descendus dans la rue pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Après la Tunisie, le régime égyptien va-t-il s’effondrer à son tour ? Jean-Noël Ferrié, chercheur au CNRS spécialiste de l’Egypte, nous livre son analyse.

L’Egypte est toujours en colère. Vendredi, pour la quatrième journée consécutive, des milliers de manifestants inspirés par la révolte tunisienne sont descendus dans la rue pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Après la Tunisie, le régime égyptien va-t-il s’effondrer à son tour ? Jean-Noël Ferrié, chercheur au CNRS spécialiste de l’Egypte, nous livre son analyse.

Les violentes manifestations qui secouent l’Egypte depuis mardi ont fait au moins 8 morts et un millier d’arrestations. Elles ont été particulièrement massives dans les villes du Caire et de Suez. Les Egyptiens ont répondu à l’appel lancé via Facebook par le groupe de lutte pour la démocratie, Mouvement du 6 avril, malgré l’interdiction de manifester promulguée par le gouvernement. Ce vendredi, ils ont à nouveau défié le pouvoir. Après la chute du régime de Ben Ali, chassé du pouvoir par le peuple tunisien le 14 janvier, les Egyptiens réclament à leur tour le départ du président Hosni Moubarak. Mais pour Jean-Noël Ferrié, chercheur au CNRS spécialiste de l’Egypte interviewé jeudi, la situation entre les deux pays n’est pas comparable. Les troubles en Egypte, selon lui, n’ont pas une portée suffisante pour renverser le pouvoir.

Afrik.com : Les manifestations en Egypte peuvent-t-elles, comme en Tunisie, aboutir à la chute du régime du président ? Jean-Noel Ferrié : Certainement pas. La Tunisie et l’Egypte sont deux pays complètement différents. Moubarak sera plus difficile à déloger du pouvoir que Ben Ali. Pour plusieurs raisons. En Tunisie, l’armée à fait défaut au chef de l’Etat. L’armée égyptienne est très fidèle au régime qui a les moyens de faire face à ce type de situation. Deuxièmement, le mouvement social en Egypte n’a pas la même importance que celle de la Tunisie. N’oublions pas que l’Egypte est un très grand pays, il en faudrait beaucoup plus pour faire tomber le régime. Quelquefois, on peut penser que la place de Moubarak à la tête du pays est illégitime. Mais il est différent de Ben Ali qui a donné l’apparence d’un prédateur pour profiter de l’argent en Tunisie. Le régime de Hosni Moubarak est très institutionnalisé, il est de ce fait beaucoup plus solide. Troisièmement, la Tunisie ne pose pas les mêmes problèmes que l’Egypte, dont la stabilité joue un rôle important dans les relations entre les occidentaux et les pays arabes. Si le régime égyptien est ébranlé, c’est l’ensemble du Proche-Orient qui sera affecté. Les conséquences d’une telle situation seraient très graves.

Afrik.com : A part la répression, le pouvoir a-t-il d’autres moyens de calmer la rue ? Jean-Noel Ferrié : La répression lors des manifestations semble avoir été forte. Mais pour un pays comme l’Egypte, qui a une armée importante et des services de sécurité non négligeables, elle a été plutôt moyenne. Le gouvernement reste pour le moment plutôt mesuré dans la riposte pour éviter de se retrouver en mauvaise posture. Mais il est évident que si les manifestations prennent plus d’ampleur, les autorités n’hésiteront pas à être plus fermes pour maintenir l’ordre. Si le régime cédait face aux manifestants, c’est comme s’il acceptait sa défaite. Actuellement il veut éviter que d’autres groupes rallient la cause des manifestants. Mais ces troubles sociaux sont moindres, comparées à celles que le pays a connus en 1977 avant l’arrivée d’Hosni Moubarak au pouvoir en 1981, où le pouvoir a dû faire face à des dizaines de milliers de manifestants.

Afrik.com : Vous semblez minimiser ces manifestations contrairement aux médias qui leur accordent beaucoup d’ampleur. Pourquoi ? Jean-Noel Ferrié : Les médias occidentaux en parlent, car ce qui s’est passé en Tunisie suscite beaucoup d’intérêt. Mais la réalité est tout autre. Ils évoquent les évènements en Egypte de façon excessive. Je minimise cette manifestation car 15000 à 20 000 manifestants sur une population de 80 millions d’habitants, c’est très peu. Pour l’instant on ne peut pas encore parler d’un mouvement social. Il faut attendre de voir comment la situation évoluera dans les jours à venir. Le jour où les ouvriers, les fonctionnaires, toute la population sans exception descends dans la rue, là on pourra parler d’une véritable crise. Pour le moment ce n’est pas le cas. Les personnes qui ont manifesté ne supportent plus le pouvoir en place pour des raisons philosophiques. La situation de la population est extrêmement précaire. Depuis des années le régime est incapable de régler la situation. Mais il faut être prudent sur cette question. Il serait faux d’expliquer ces évènements uniquement par des raisons économiques. Si c’était le cas là, le peuple qui connait la misère sociale depuis plusieurs années aurait pu se révolter bien avant. Les manifestants ont été entraînés par la révolution tunisienne qui a suscité beaucoup d’espoir chez eux pour se débarrasser d’un régime autoritaire qui dure depuis 30 ans.

Afrik.com : La révolte populaire est-elle une aubaine pour les Frères musulmans ? Jean-Noel Ferrié : Les troubles sociaux ne favorisent en aucun cas les frères musulmans. Ils sont certes opposés au gouvernement mais il y a une réelle hétérogénéité entre eux et les manifestants. Les Frères musulmans pensent que cette mobilisation ne va pas aboutir. Comme ils tiennent à préserver leur mouvement, ils restent extrêmement prudents pour éviter la répression. Ils pensent que la violence ne leur est pas favorable. Ce groupe utilisait des méthodes violentes jusqu’à l’arrivée de Nasser au pouvoir, mais la force du régime l’a incité à être plus modéré, car la violence ne lui était pas favorable. Les membres de ce groupe sont issus en général de la classe moyenne. On peut même y trouver des ingénieurs où des personnes de profession libérale.

Afrik.com : Selon vous, l’absence de liberté d’expression en Egypte est-t-elle aussi importante que celle que la Tunisie a connu sous Ben Ali ? Jean-Noel Ferrié : Certes les élections sont truquées, on n’empêche certains d’aller voter, mais il n’y a pas une véritable carence de la liberté d’expression en Egypte. Le régime ne la réprime pas, contrairement à ce que l’on peut croire. Bien évidemment elle n’est pas équivalente à celle des pays occidentaux, mais la situation en Egypte n’est pas du tout comparable à la Tunisie. Dès son arrivée au pouvoir, Hosni Moubarak a permis à l’ensemble des partis d’opposition et aux journaux d’exprimer librement leurs opinions. C’est d’ailleurs une des raisons qui explique la longévité de son régime, qui est autoritaire mais pas extrêmement intrusif. Contrairement au régime tunisien qui surveillait constamment les moindres faits et gestes du peuple. D’ailleurs, Facebook et Twitter ont été bloqués pour empêcher les manifestants de se coordonner. C’était une tactique sécuritaire pour éviter que le mouvement prenne de l’ampleur. Mais le but n’était pas de faire entrave à la liberté d’expression, comme les médias l’ont analysé.

Source : « Afrik.com » le 28-01-2011

Egypte : « l’armée ne lâchera pas Moubarak »


 

Mohamed Anouar Moghira, auteur de « L’Egypte, clé des stratégies au Moyen-Orient », souligne sur TF1 News que la contestation égyptienne est « une révolte, pas une révolution » et que le soutien indéfectible des militaires au président Hosni Moubarak exclut tout scénario à la tunisienne.

TF1 News : Des manifestations sont courantes en Egypte. La révolution du Jasmin en Tunisie explique-t-elle cette fois le vif intérêt des médias occidentaux ? Mohamed Anouar Moghira : En effet, il y a de temps en temps des manifestations plus ou moins similaires dans le pays. Mais, cette fois, elles sont néanmoins plus importantes que par le passé, aussi bien par leur longueur que par le nombre de participants.   TF1 News : Auraient-elles eu lieu sans la révolution tunisienne ? M.A.M. : Non. C’est une suite et une réaction aux événements tunisiens, comme dans les autres pays arabes où se déroulent des manifestations. Les participants profitent de la situation, c’est l’occasion pour eux d’exposer leur colère. Mais il y a une exception par rapport à laTunisie : c’est une révolte, pas une révolution. TF1 News : Pourquoi cette révolte ? M.A.M. : Le malaise couve depuis longtemps. Le principal problème, c’est la succession deHosni Moubarak. Elle n’est pas encore réglée alors qu’il quittera théoriquement le pouvoir en septembre prochain lors de la présidentielle.   TF1 News : Les manifestants se plaignent également de leurs conditions de vie. M.A.M. : Certes, il y  a un malaise économique et social. Mais il remonte à plus de trente ans et existait déjà sousAnouar el-Sadate. Ce n’est donc pas le problème principal. C’est d’ailleurs pour cela que les manifestants sont surtout des jeunes, qui ne trouvent pas travail, pas de logement et dont l’installation dans la vie sociale est difficile, et des intellectuels, comme les syndicats de journalistes. En revanche, les classes populaires et rurales, les plus touchées par les difficultés économiques, ne défilent pas.   TF1 News : Pourquoi ? M.A.M. : Même si elles veulent aussi voir partir Hosni Moubarak, ce sont elles qui ont le plus à perdre d’une révolution qui ne réglerait pas leur situation économique et sociale à long terme puisque la succession d’Hosni Moubarak n’est pas décidée. Et, comme il n’y a pas d’opposition encore crédible, son renversement aboutirait probablement au chaos. 

TF1 News : Pourquoi cette succession n’est-elle pas encore réglée ? M.A.M. : Dans un premier temps, Hosni Moubarak n’a pas voulu la régler. A son arrivée au pouvoir, en 1981, il a supprimé le poste de vice-président, successeur attitré du président. Il avait ensuite prévu de faire de son fils Gamal son successeur. Sans en avoir le titre, il était considéré comme vice-président. Comme l’opposition n’existait pas, elle n’a pas pu faire contrepoids. MaisGamal Moubarak n’a pas été accepté par l’armée.   TF1 News : Pourquoi ? M.A.M. : Ce n’est pas un militaire, mais un économiste. Le chef d’Etat-major, le maréchalMohammed Tantawi, en poste depuis de nombreuses années et soutien indéfectible d’Hosni Moubarak, lui a fait comprendre que l’armée ne soutiendrait en revanche jamais Gamal. Et que ce dernier risquait d’être renversé s’il accédait au pouvoir. Résultat : Hosni Moubarak réfléchit depuis environ un an à une autre solution, en l’occurrenceOmar Suleiman, le chef des services-secrets.   TF1 News :Si les manifestations perdurent, l’armée pourrait-elle lâcher Hosni Moubarak comme l’a fait l’armée tunisienne aux dépens de Zine El Ebedine Ben Ali ? M.A.M. : Non. C’est strictement impossible. Ancien militaire, Hosni Moubarak a le soutien de l’armée. Cette dernière est depuis toujours le pilier du régime égyptien, contrairement à la Tunisie où ce rôle était joué par la police. Si l’armée reçoit l’ordre de réprimer les manifestations, elle le fera. D’ailleurs, il faut noter qu’elle n’a eu aucune réaction depuis le début de la semaine. Mohammed Tantawi ne sera pasRachid Ammar (ndlr : le chef d’Etat-Major de l’armée de terre tunisienne, qui s’est opposé à Ben Ali).  Et c’est aussi le cas de la police, qui apprécie également Moubarak.

TF1 News :Quoi qu’il en soit, les manifestations semblent durer. A quoi peut-on s’attendre dans les heures et les jours qui viennent ? M.A.M. : Il est quasi-certain qu’il y aura encore des heurts violents lors des défilés. Mais l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981, fait réfléchir les éventuels manifestants. En cas d’arrestation, ils sont jugés illico par un tribunal militaire. Pour l’instant, on peut dire que la situation est gênante -ce n’est pas un feu de paille- pour le régime, mais pas critique.Hosni Moubarak n’est d’ailleurs pas encore intervenu sur le sujet, notamment à la télévision. Il estime probablement que la tension va se dégonfler d’elle-même comme les autres fois. Si ce n’est pas le cas, il lui restera la possibilité de changer le gouvernement et d’annoncer des mesures économiques et sociales pour les jeunes. *   TF1 News : Sur le plan politique, y a-t-il une alternative crédible ? M.A.M. : Non. L’opposition est morcelée. LeWarf, parti laïc équivalent du centre, est faible et était d’ailleurs en recul aux législatives de 2010. La gauche est totalement morcelée et n’a pas de figure charismatique. Aiman Nour (ndlr : arrivé en deuxième position à la présidentielle de 2005) est quant à lui discrédité après avoir été accusé par le pouvoir.   TF1 News : Quid de Mohamed ElBaradei, qui se pose en recours ? M.A.M. : Il ne représente que son mouvement, créé il y a  un an. Il s’était déjà posé en successeur à cette occasion. Mais la population lui reproche d’avoir fait une grande partie de sa carrière politique à l’étranger et d’être rapidement reparti àVienne après son retour quand il a quitté la tête de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA). Pour ne rien arranger, personne ne sait ce qu’il pourrait faire ni ce qu’il vaut sur le plan local.

TF1 News : Les Frères musulmans peuvent-ils tirer profit de la situation ? M.A.M. : Officiellement, ils n’avaient pas manifesté les trois premiers jours. Mais, plusieurs de leurs hauts dirigeants ont discrètement fait partie des cortèges. Ils savent que si la révolte dégénère, ils ont des leaders charismatiques. La rue, aussi bien au Caire et en province, leur est en effet favorable grâce à toutes leurs actions sociales et économiques en faveur des plus nécessiteux.

TF1 News : Les Occidentaux peuvent-ils lâcher Moubarak comme ils l’ont fait avec Ben Ali ? M.A.M. : Non. La position géostratégique de l’Egypte est totalement différente : le pays est frontalier d’Israël, il a un rôle de médiation dans les affaires de la région, notamment le conflit israélo-palestinien -c’est d’ailleurs là un de ses réels succès- et contrôle lecanal de Suez, où passe notamment la 5e flotte américaine à volonté. LesEtats-Unis n’ont donc pas intérêt à ce que l’Egypte tombe dans le chaos -l’Europe, les pays arabes s’en fichent désormais. Ils demanderont à Moubarak de lâcher du lest pour calmer la colère. Mais ils n’iront pas plus loin.    TF1 News : Sans faire de politique-fiction, que pourrait-il se passer si Moubarak tombait néanmoins ? M.A.M. : C’est très peu probable. Mais si c’était le cas, il y aurait deux optiques. Tout d’abord, si Moubarak part de lui-même. Dans ce cas, l’armée pourrait accepter de prendre la transition avant la présidentielle de septembre prochain. Cela serait le moins pire des scénario. Le pire, c’est bien sûr si Moubarak subissait le même sort que Ben Ali. Là, ce serait le chaos et surtout l’inconnu. Et je ne me risquerais pas à faire des pronostics sur la suite.

Source : « TF1 » Le 28-01-2011

Les jours de Moubarak au pouvoir sont-ils comptés ?


Après la Tunisie et l’Algérie, c’est désormais l’Égypte qui depuis quatre jours connaît un soulèvement populaire contre son gouvernement. Le mouvement a très rapidement gagné en importance, à tel point que les États-Unis ont qualifié la situation de « très préoccupante ». Les manifestations ont désormais lieu dans toutes les grandes villes du pays, et réunissent plusieurs dizaines de milliers de participants. 80 000 personnes seraient descendues vendredi dans les rues de Port Saïd et, au Caire, le siège du PND, parti au pouvoir, aurait été incendié selon la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera.

On retrouve de grandes similitudes avec la situation de la Tunisie au moment de la chute du régime de Ben Ali : une population jeune et diplômée pourtant fortement touchée par le chômage, un manque de liberté critique. Mais contrairement à Ben Ali, Hosni Moubarak dispose encore du soutien de son armée, qu’il vient d’appeler en renfort pour contenir les manifestants. Le dictateur tunisien avait du faire face au refus exprimé par ses généraux de tirer sur la foule, puis avait été contraint de quitter le pays du fait de la pression exercée sur lui par l’armée. Surtout, le gouvernement de Moubarak est un des principaux alliés des États-Unis dans la région, qui ne pourraient pas se permettre de laisser le pouvoir aux mains d’un courant anti-américain, tel que celui des Frères musulmans. Par ailleurs, l’Égypte contrôle le détroit de Suez, joue un rôle majeur dans le dossier israélo-palestinien, et constitue un rempart fort à l’islamisation de la région.

Surtout, ce sont les États-Unis qui furent à l’initiative du départ de Ben Ali. Ils craignaient qu’une insurrection trop longtemps réprimée ne profite que trop aux mouvements islamistes tunisiens. La diplomatie américaine a donc exigé de l’armée le départ du dictateur tunisien dans le souci de ne pas laisser l’islamisme se répandre dans la région. À l’inverse, demander le départ de Moubarak serait laisser le champ libre aux Frères musulmans, qui avaient gagné en 2005 88 sièges au parlement égyptien.

Malgré la violence des manifestations et des heurts avec les forces de l’ordre (on décompte déjà neuf morts depuis mardi), et l’importance croissante des mobilisations populaires, on ne peut donc rien affirmer de certain sur l’avenir du gouvernement d’Hosni Moubarak. Mais rappelons nous que peu de gens avaient parié sur la chute de Ben Ali. Et pourtant …

Source : « les yeux du monde » le 28-01-2011

Egypt needs reform, not revolution


We must learn the lessons of history: Egypt’s political system needs to be modified rather than replaced outright, argue George Grant and Alexandros Petersen.

The mounting pro-democracy protests inEgypt against the 30-year tyranny of Hosni Mubarak are an encouraging development in the wake of Tunisia’s ousting of its own long-time autocrat, Zine El Abidine Ben Ali, earlier this month. It is tempting, indeed altogether proper, to hope for “people power” changes of governance across the autocratic Arab world. But we must proceed with caution: by encouraging genuine and lasting reform, as opposed to what could end up as fleeting revolution and a possible return to tyranny in a different guise. History, distant and recent, can serve as a guide.

As Edmund Burke cautioned more than three centuries ago, reform is a much more effective way to bring about positive change than revolution. This doesn’t mean the ruling powers cannot be replaced, but it does mean that the system as a whole, unless it is shown to be utterly ineffectual and rotten, needs to be modified rather than replaced outright. Think the Glorious Revolution of 1688 rather than the inglorious French Revolution of 1789.

We learned this lesson the hard way in Iraq in 2003, when almost every vestige of the Ba’ath administration was replaced wholesale, with the resultant dearth of knowledge and expertise proving catastrophic for the country’s subsequent development. Enthusiasts for wholesale revolution across the Middle East need to bear this in mind. Though the citizens of Tunisia and Egypt may be better off with a change of leadership, this principle does not necessarily hold in the case of all those who work under them, even if they are tarnished by past association.

We must also remember that free elections alone do not a democracy make. They require a population sufficiently well-informed to cast their votes for responsible leaders genuinely committed to the public good, and not to demagogues who promise the earth but deliver hell. This, in fact is one of the more ironic reasons why Tunisia’s uprising has a better chance of succeeding in the long-term than might some others in the region: under the leadership of Ben Ali, Tunisia successfully developed one of the most well-educated populations in the Arab world.

Despotisms past and present target intellectuals and seek to limit the education of their populations for a very good reason, namely that educated populations are not only more aware of the freedoms potentially available to them; they are also much better at getting and retaining them.

Source: The guardian” Le 28-09-2011

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