Reuters: Quatre ministres vantent au Medef la Tunisie nouvelle
AFP: La Tunisie entend séduire les investisseurs français en dépit des incertitudes
AFP: Tunis veut être un partenaire pour Paris, pas une « source d’emplois bon marché »
Angop: Tunisie – Le Musée du Bardo, épargné par « Ben Ali Baba », fait sa mue
Quatre ministres vantent au Medef la Tunisie nouvelle
La Tunisie entend séduire les investisseurs français en dépit des incertitudes
Tunis veut être un partenaire pour Paris, pas une « source d’emplois bon marché »
La Tunisie doit prendre sa chance
Par Lofti Maktouf
Le succès de la révolution tunisienne se mesurera dans sa capacité collective à transformer la conquête des libertés en postes d’emploi, en pouvoir d’achat réel, en opportunités économiques, bref en croissance. Le danger est que ces libertés demeurent lettre morte déposée sur des rayons vides, des ateliers fermés, des hôtels désertés, des dispensaires sous-équipés et des files interminables de chômeurs.
Depuis sa prise de pouvoir en 1987, Ben Ali a gouverné la Tunisie sans programme ni vision. Entouré d’exécutants complices ou complaisants, il a navigué à vue avec pour seuls instruments pillage, propagande, corruption, torture et chantage. Il a bien failli condamner au néant une société pourtant porteuse des plus beaux espoirs.
1956. La Tunisie de Bourguiba est enfin indépendante. Ce « petit » pays sans pétrole, aux voisins que l’on sait, sur fond de guerre froide et de nationalisme panarabe, avait très vite conçu et enclenché une série de chantiers de développement couvrant tout le spectre de la vie économique et sociale de l’époque.
Grâce à la pertinence de son programme, Bourguiba a fait de la Tunisie une référence : un peuple éduqué, une stratégie de lutte contre la pauvreté, les ingrédients d’une mutation économique et sociale, le déploiement d’infrastructures mesuré et réaliste, un statut personnel moderne au coeur duquel se situe l’émancipation de la femme, une fonction publique fière et de qualité, une vraie classe moyenne, des entrepreneurs confortés dans leurs droits, une petite et moyenne entreprise dynamique, un secteur agricole valorisé (excepté le bref épisode collectiviste), une activité syndicale certes tenue en laisse mais réelle, et une politique et image internationales claires et intelligentes. Le pari de la réforme sociétale et économique est réussi mais un système démocratique au sens de corps de règles démocratiques garantissant liberté d’expression, représentativité, séparation et indépendance des pouvoirs n’a finalement pas vu le jour. Cela aurait pourtant permis un développement régional plus équilibré et aurait sauvé Bourguiba de lui-même au crépuscule de sa vie.
Il n’existe finalement pas de seuil de « maturité démocratique » à atteindre ou attendre. L’heure de la démocratie est toujours, toujours maintenant. Pour preuve, le refus de la rue tunisienne « d’attendre 2014 pour la démocratie », comme le balbutiait Ben Ali, un pied à Carthage et l’autre déjà sur le tarmac.
Quels constats aujourd’hui, trois mois après la révolution ?
1. Le chômage, déjà alarmant, s’accroît. En vingt-trois ans, personne n’a repensé le binôme système d’orientation/besoins du marché de travail, ni exploré par exemple les vertus de la formation professionnelle, clé de voûte du perpétuel miracle allemand.
2. La concentration de la richesse dans la zone côtière a relégué au rang de citoyens de seconde zone des populations entières. En privant les régions intérieures de toute attractivité économique, le régime a fini par creuser sa propre tombe.
3. Affirmer que les fondamentaux sont bons et qu’une fois la corruption et le népotisme écartés, et la situation stabilisée, une belle croissance de 6 à 7 % nous attend est un mauvais diagnostic. Les graves lésions subies par l’administration, le droit économique, le crédit ont atteint le système économique et juridique dans son intégrité. Le catalogue des réformes structurelles à entreprendre est volumineux et complexe.
4. Le citoyen s’interroge : pourquoi rien n’est-il entrepris sérieusement pour rapatrier la dizaine de milliards de dollars mal acquis sous l’ancien régime, sachant que dans ce domaine chaque minute compte ? Au-delà de ceux qui veulent tout, tout de suite, la perception est que les préoccupations des populations ne sont pas comprises. Au gouvernement censé expédier les affaires courantes plutôt que de concevoir et appliquer un programme, il est reproché de ne faire ni l’un ni l’autre.
5. La perplexité est exacerbée par l’absence d’information. Le pays attend un plan de relance cohérent et détaillé dans lequel les citoyens pourront se reconnaître et les investisseurs (nationaux et étrangers) s’insérer. Il ne suffit pas d’annoncer une « Conférence des donateurs » ou un « plan Marshall », du reste peu réalistes et contre-productifs, à un peuple habitué à compter sur lui-même.
6. Ce flottement explique sans doute en partie l’attentisme de la communauté internationale. Aux Tunisiens de sensibiliser les décideurs occidentaux à un plan de relance cohérent et mobilisateur. La Tunisie (dont le crédit demeure malgré tout substantiel) n’a pas le loisir d’attendre que l’Occident prenne enfin la mesure de l’enjeu stratégique que ce pays représente.
Source : « Les Echos » Le 27-04-2011
Lien : http://lecercle.lesechos.fr/node/34767
Tunisie – Le Musée du Bardo, épargné par « Ben Ali Baba », fait sa mue
Tunisie : les ex-cadres du RCD privés d’élection
Les Tunisiens qui ont exercé des responsabilités au sein du RCD, l’ancien parti de Ben Ali, au cours des dix dernières années, ne pourront se présenter aux élections de l’Assemblée constituante, le 24 juillet prochain, selon le Premier ministre Béji Caïd Essebsi.
Le Premier ministre tunisien coupe la poire en deux. Pressé par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution d’exclure de la prochaine élection de l’Assemblée constituante toutes les personnes qui ont exercé des responsabilités au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ancien parti de Ben Ali aujourd’hui dissous) depuis sa création en 1988, Béji Caïd Essebsi a demandé à ce que cette exclusion soit limitée aux dix dernières années.
« Nous avons estimé que vingt-trois ans n’était pas logique. Il y a des responsables du RCD qui ont été réprimés par l’ancien régime », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. L’article 15 du projet de Code électoral de la Constituante devrait donc être amendé en ce sens avant d’être entériné par le gouvernement.
Liste nominative
Les membres du cabinet du président déchu ainsi que ses conseillers et ceux qui y travaillaient seront aussi exclus des élections, puisque « partie prenante dans la prise de décision », a ajouté Béji Caïd Essebsi. Afin de lever toute ambigüité, une liste nominative de toutes les personnes qui restent concernées par cette exclusion sera publiée par le président de la République, Fouad Mebazaa.
Le Premier ministre ne souhaite en revanche pas revenir sur les dispositions, proposées par la Haute instance, sur la parité hommes-femmes sur les listes électorales. Il a par ailleurs réaffirmé l’intention des membres de son gouvernement provisoire de ne pas se présenter aux élections.
Réactions contrastées
Les réactions à la proposition gouvernementale concernant le RCD ont été immédiates et contrastées. Chokri Belaid du Mouvement des patriotes démocrates (MPD) et Abdellatif el-Mekki, membre du Bureau exécutif du parti islamiste Ennahdha, refusent tout net de composer avec des membres de l’ancien parti au pouvoir et laissent planer la menace d’une nouvelle vague de contestation dans la rue.
De son côté, Hamma Hammami, dirigeant du Parti ouvrier communiste tunisien (POCT) souhaite que seule la justice puisse se prononcer sur l’éligibilité des anciens dirigeants du RCD, quitte à reporter l’élection de la Constituante. Enfin, Kamel Morjane, Mohamed Jegham et Ahmed Friaa, d’anciens responsables du RCD qui ont fondé de nouveaux partis, préfèrent ne pas se prononcer sur une disposition qui les contraint à rester de simples opposants prendant les dix prochaines années.
Source : « Jeune Afrique » Le 27-04-2011
Tunisie: la situation sécuritaire encore préoccupante selon Béji Caid Essebsi
Le Premier Ministre par intérim, M. Béji Caid Essebsi a dressé, au cours d’une conférence de presse tenue mardi 26 avril, un tableau de la situation
sécuritaire en Tunisie pendant ces dernières semaines. Pour M. Caid Essebsi, la situation sécuritaire demeure encore préoccupante. En effet, des abus se font de plus en plus nombreux de la part de certaines franges de la population, qui, sous prétexte de la révolution et de la liberté d’expression, ne cessent de créer des entraves à la vie économique du pays par des sit-in et des grèves sauvages à répétition. Le premier ministre par intérim a évoque quelques cas symboliques de la situation en Tunisie. Par exemple, la société British Gas, qui alimente près de la moitié de la consommation nationale en gaz, nécessaire pour la production de l’électricité. Dans cette entreprise, les grèves se sont multipliées et il faut ajouter le blocage de l’usine par des habitants de la zone avoisinante qui veulent y travailler. Ce type d’actes ne peut que nuire à la Tunisie dans la mesure où la sécurité et la stabilité sont des éléments essentiels pour attirer des investissements étrangers dans le pays. Parmi les autres cas de troubles à l’ordre public, M. Caid Essebsi évoque le blocage du port de sfax par des marins empêchant la circulation du ferry qui lie l’archipel de Kerkennah à la ville de Sfax. Autre fait inquiétant, des émeutes ont eu lieu dans la région de Zarzis après l’arrestation des organisateurs d’un réseau d’immigration clandestine. Il a été enregistré également 110 faits de blocages d’autoroutes ou lignes de chemins de fer par des manifestants. A ce titre, M. Caid Essebsi n’a pas manqué de critiquer les partis politiques qui, selon lui, évitent de faire des commentaires sur la situation générale de la Tunisie. Pour finir et tout en chantant les louanges de la révolution tunisienne dont il s’est dressé en fervent défenseur, M ; Béji Caid Essebsi a conclu par un avertissement : « La révolution Tunisienne peut mener à la guerre civile comme elle peut mener à la Démocratie ».
Source : « Espace Manager » le 27-04-2011
La Tunisie va publier une liste noire avant les élections du 24 juillet 2011
Beji Caïd Essebsi, premier ministre tunisien de transition, a décidé d’exclure des listes électorales tous les anciens cadres du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), ex-parti fondé par Zine El-Abidine Ben Ali et dissout en mars 2011.
Parallèlement, une liste indiquant le nom des Tunisiens ne pouvant pas être candidat sera publiée prochainement à l’initiative de Foued Mebazza, président tunisien par intérim.
Elle comprendra tous les anciens cadres du RCD des dix dernières années et les responsables de l’ancien gouvernement ainsi que les membres du cabinet présidentiel et les conseillers personnels de l’ancien président déchu.
Les personnes inscrites sur cette liste ne pourront donc pas participer au futur scrutin prévu le 24 juillet 2011.
Cette élection permettra d’élire les membres du Conseil national constitutif qui auront pour lourde tâche de rédiger la nouvelle constitution du pays destinée à favoriser la transition démocratique.
Source : « econostrun » Le 27-04-2011
Aux origines de la révolution tunisienne, l’héritage de Bourguiba
La vague de révoltes inattendues qui secoue le monde arabe est un tournant dans l’histoire de cette région du monde, administrée depuis plusieurs décennies par des gouvernements autoritaires, répressifs et corrompus.
Ce mouvement de libération, initiée par les jeunes générations majoritaires dans ces pays et utilisant les réseaux sociaux à merveille, est né en Tunisie, petit pays de 10 millions d’habitants.
Comment ce peuple, soumis sans doute au régime policier le plus sophistiqué du Maghreb, a-t-il pu trouver la force et le courage de se battre pour sa liberté ?
Comment ce pays a-t-il pu devenir le symbole de la « révolution arabe », à tel point qu’il semble être le déclencheur d’un effet domino sur les autres pays arabes, dont les conséquences pourraient être aussi importantes que celles de la chute du mur de Berlin et son effet de contagion sur les pays satellites de l’URSS ?
Petit détour historique pour décrypter le mécanisme qui a conduit à ce mouvement aussi soudain qu’inattendu.
Les priorités du président Bourguiba : éducation et santé
En 1956, la France reconnait l’indépendance de la Tunisie et l’autorité de son président, Habib Bourguiba, affublé du titre de « combattant suprême » pour ses actions de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale et sa persévérance à obtenir à tout prix (il a été emprisonné plusieurs fois en France) l’indépendance de son pays.
Dès ses prises de fonctions, contrairement à ses voisins et homologues arabes, la priorité est donnée à l’éducation et à la santé, au détriment de l’armement. Ainsi, il décide de mener une politique volontariste et moderniste pour émanciper les femmes, combattre la pauvreté et élever le niveau d’éducation de la population.
Il accorde par exemple à la femme des droits sans équivalent dans le monde arabe. Il abolit notamment la polygamie et la répudiation, exige, pour le mariage, le consentement mutuel des futurs époux, autorise le divorce et légalise l’avortement.
Ces mesures étaient non seulement exceptionnelles pour un pays arabe, mais aussi exceptionnelles par rapport à l’époque où les discriminations contre les femmes étaient encore très ancrées même dans les pays développés.
Dès lors, les Tunisiennes accèdent à un statut inédit dans le monde arabe, dépassant même celui des françaises dans certains domaines (L’avortement ne sera légalisé qu’en 1975 en France) ou de celui des Européennes (les Tunisiennes ont obtenu le droit de vote en 1966, avant les Suisses en 1971 ou les Portugaises en 1975).
Le coup d’état médical de Ben Ali et les espoirs déçus
Poursuivant la construction d’un Etat moderne, Bourguiba fait de la Tunisie un pays avec de nombreux atouts au début des années 80 : une société à majorité urbaine, une démographie maitrisée, des droits pour les femmes, un taux d’alphabétisation élevé, une classe intellectuelle de haut niveau, une classe moyenne non négligeable, une économie en forte croissance, et une forte culture patriotique.
Cependant, sa fin de règne fut loin d’être à la hauteur du charismatique et visionnaire chef d’Etat qu’il fut dans les 20 premières années.
Obnubilé par la place qu’il laissera dans l’histoire, marqué par son âge et une santé déclinante, incapable d’empêcher la société tunisienne de glisser vers l’islamisme et le clientélisme, celui qui s’était autoproclamé « Président a vie » se fait destituer « en douceur » en 1987 par son Premier Ministre, Zine El Abidine Ben Ali.
Ce coup d’Etat « médical » donnera une nouvelle impulsion a la Tunisie, convaincue que le président Ben Ali sera l’homme du changement tant attendu, capable de moderniser le pays et de faire la transition vers la démocratie en mettant notamment fin à 30 ans de parti unique.
S’appuyant sur des technocrates de haut niveau, le nouveau régime entreprend des reformes économiques en libéralisant l’économie tunisienne et en accélérant son insertion dans les échanges mondiaux.
Ces politiques économiques portent ses fruits, puisque la Tunisie est régulièrement citée dans les années 2000 comme un exemple de développement réussi par les agences de notations et les institutions internationales à l’instar du FMI ou de la Banque mondiale.
Une réussite économique menacée par les dérives du régime
Alors qu’elle dispose de peu de ressources naturelles comparée à ses voisins, la Tunisie parvient, en diversifiant son économie (tourisme, agriculture, industries agroalimentaires, mécaniques, électriques, électroniques, nouvelles technologies de la communication…) à atteindre un des niveaux de développement et un des revenus par habitant les plus élevés d’Afrique.
Cette réussite économique et l’attrait des investisseurs étrangers en Tunisie s’expliquent par la qualité de sa main d’œuvre, qualifiée et relativement bon marché.
Mais la gouvernance sécuritaire, les passe-droits, le népotisme et la corruption de ce régime finissent par entraver la croissance. Les années 2000 ont aussi vu le clan de la famille du Président profiter progressivement des fruits de la propsérité tunisienne en s’accaparant des entreprises florissantes, en monopolisant toutes les négociations avec les investisseurs étrangers et en spoliant les grands propriétaires immobiliers.
En conséquence, alors que la Tunisie disposaient d’hommes et de femmes d’affaires dynamiques, entreprenants et innovants, leur volonté de développer leurs activités se trouvait entravée soit parce que leur activisme économique pouvait menacer l’ordre économique institué, soit par ces individus eux-mêmes qui ne souhaitaient pas que leur entreprise prospère au-delà d’un certain seuil qui attirerait forcement l’attention du clan familial du Président.
En outre, une autre partie de ces hommes et femmes talentueux s’évertuaient à gagner les faveurs du palais présidentiel, convaincus qu’il s’agissait du moyen le plus sur d’accéder au prestige, à la richesse et au pouvoir au lieu de mettre leurs compétences au service de réalisations économiquement et socialement utiles.
Ce mode de gouvernance, en limitant et contraignant les aspirations des Tunisiens, commençait à nuire gravement au développement économique du pays, comme en témoignaient les signes suivants :
- des multinationales qui refusaient de s’installer en Tunisie au vu de l’appétit de « la famille »,
- une propriété pas toujours bien protégée qui sape la confiance des investisseurs et des épargnants,
- des inégalités croissantes,
- un chômage galopant notamment chez les jeunes diplômés (plus touchés par ce fléau que les non-diplômés ! ).
Tous ces éléments expliquent en partie en quoi la gouvernance tunisienne était gangrénée et opprimait son peuple mais ne rendent cependant pas compte pourquoi et comment la société tunisienne en a pris conscience et a agi pour s’en affranchir.
Autant d’étudiants qu’au Maroc, trois fois plus peuplé
Evidemment, nul ne remet en cause que l’effet déclencheur a été le malheureux suicide du jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi, de même que l’on s’accorde à dire que les fuites de l’ambassade américaine à Tunis sur le régime de Ben Ali via Wikileaks ont contribué au réveil de l’opinion publique tunisienne.
En revanche, ce qui est plus difficile à cerner réside sur le fait que ce soit en Tunisie que ces mouvements d’émancipation des régimes autoritaires ont pris leur essor. Beaucoup d’autres pays arabes concentrent les mêmes maux : majorité de jeunes au sein de la population, chômage endémique, concentration des richesses aux mains de quelques uns, liberté d’expression bâillonnée…
La spécificité de la Tunisie tient justement à sa population qui est composée d’une large classe moyenne éduquée, résultat sans aucun doute de la politique d’éducation publique généralisée initiée par le président Bourguiba.
Aujourd’hui, la Tunisie compte autant d’étudiants que le Maroc dont la population est trois fois supérieure. De plus, les femmes étaient plus présentes dans la révolution « de jasmin » que lors des soulèvements populaires en Egypte, en Lybie ou au Yémen.
C’est très certainement aussi l’héritage de la politique d’émancipation des femmes voulue par le père de l’indépendance tunisienne. Toutes les conditions étaient réunies pour que les tunisiens écrivent une nouvelle page de leur histoire, déjà riche depuis l’Antiquité et la civilisation carthaginoise.
Ces caractéristiques tunisiennes ont certainement contribué à la prise de conscience de ce peuple qu’il lui appartenait de mettre fin à des décennies de dictature et de corruption.
Une transition démocratique difficile mais pleine d’espoirs
Elles lui ont donné la force de ne plus avoir peur et de dénoncer collectivement un régime qui les faisait suffoquer. Elles lui ont enfin rappelé que la démocratie n’était pas une valeur occidentale mais universelle et que la liberté d’expression était un trésor mérité par tous les peuples du monde qu’il lui fallait conquérir et préserver.
Galvanisées par la Tunisie, les populations arabes ont à leur tour eu le courage de combattre l’injustice et l’arbitraire dans leur pays. Nul ne sait ce que donneront exactement ces mouvements mais le changement est inéluctable et augure d’un horizon meilleur pour ces jeunes générations.
Il reste à la Tunisie à réussir sa transition démocratique pour continuer à être un exemple à suivre pour les autres pays arabes. Le chemin sera sans doute long et difficile.
Mais si l’on accélère l’intégration des femmes dans la vie politique et économique du pays et si l’on exploite mieux la qualité de son capital humain notamment des jeunes, nul doute que l’avenir de la Tunisie s’avère ensoleillé…
Source : « rue 89 » Le27-04 2011-04-27
De Facebook à la galerie d’art, les images qui ont fait la révolution
Jusqu’à la chute du dictateur, écrire « Dégage Ben Ali ! » sur un mur, sur une toile ou sur la Toile était passible d’emprisonnement en Tunisie. Certains artistes, tels que Zed, un graphiste maroco-tunisien ou encore Z, un blogueur-caricaturiste, prenaient pourtant le risque d’exprimer leur révolte contre le régime liberticide.
Zed raconte son quotidien, quand il étudiait les beaux-arts à Nabeul, sous le régime de Ben Ali :
« Pour acheter une bombe de peinture, il fallait donner une pièce d’identité. La photo, la vidéo étaient extrêmement surveillées. Il fallait aller au poste de police pour obtenir une autorisation et c’était les humiliations et les insultes…
Dès que l’on sortait un appareil photo, la police venait, je me souviens d’une anecdote où la police a détruit les appareils de l’Institut supérieur des Beaux-Arts, ils voulaient récupérer des pellicules sur des réflexes numériques !
On se sentait oppressés. La culture était surveillée par Ben Ali, il n’y avait pas de scène culturelle alternative. »
Cette scène culturelle alternative, quasi-invisible il y a quelques mois, est à découvrir à la galérie Itinérrance jusqu’au 30 avril. L’exposition s’intitule « Dégage ! » – en référence au terme scandé par les Tunisiens rassemblés le 14 janvier, sur l’avenue Bourguiba à Tunis, à l’attention du dictateur Ben Ali qui, le soir même, prit la fuite.
« Des artistes enfin libres de s’exprimer et de circuler »
L’idée de rendre hommage à ces artistes, ayant pris le risque de s’engager contre le régime du dictateur tunisien, s’est imposée comme une évidence à Mehdi Ben Cheikh, directeur de la galerie :
« J’ai vécu vingt ans en Tunisie. Le 12 janvier, je me suis rendu là-bas pour participer aux manifestations. Deux jours plus tard Ben Ali quittait la Tunisie et je suis resté quinze jours. Je suis revenu avec l’idée de monter quelque chose […] avec ces artistes enfin libres de s’exprimer et de circuler. »
Le concept de Mehdi Ben Cheikh séduit la mairie du XIIIe. Cette dernière accepte que le « pochoiriste » Rero appose, le 13 avril, sur la façade d’un immeuble, prochainement démoli, situé au 81-83, rue du Chevaleret. Une œuvre éphémère représentant en lettres géantes l’emblématique verbe à l’impératif
« Bikolli hazm » est une autre œuvre emblématique de la révolution tunisienne. Zed l’a publiée le 8 janvier, une semaine avant la chute du dictateur, sur son compte Facebook :
« J’ai créé cette œuvre le 7 janvier, le soir du second discours de Ben Ali en réaction à ces propos où il insistait sur le fait qu’il allait être ferme. C’est pourquoi ce tableau s’intitule “Bikolli hazm”, “Avec fermeté” en français.
J’ai posté le soir-même. Ma famille m’a demandé de l’enlever, mes proches trouvaient cela trop dangereux … ce que j’ai fait. La nuit suivante, je l’ai finalement remise, il y avait eu trop de morts, je ne pouvais pas faire autrement. »
Quelques heures plus tard, des milliers de tunisiens l’utilisent comme image de profil Facebook. Comme un cri de ralliement contre le pouvoir en place :
Il évoque avec passion sa réalisation :
« J’ai utilisé une sculpture soviétique, “L’Ouvrier et la Kolkhozienne”, parce que j’adore ce style et j’ai remplacé le marteau et la faucille, par un drapeau tunisien et un fusil. Je me suis inspiré également de “La liberté guidant le peuple”.
Je ne pensais pas qu’elle aurait un tel impact… Je n’aurai pas pu la réaliser sur place, j’ai pu le faire, parce qu’en France, j’avais le recul nécessaire face aux événements.
Je suis rentré en Tunisie le 16 janvier, tout était sous le contrôle de l’armée et j’ai pris des photographies pour faire les autres tableaux. »
Mehdi Ben Cheikh précise :
« Cette œuvre est devenue l’image symbole de la révolution tunisienne, toute cette génération de jeunes “geek” communiquant via Internet et lesréseaux sociaux. »
En outre, tout au long de la révolution de Jasmin, Zed a permis à de nombreux tunisiens de visionner des vidéos censurées par les autorités. Il témoigne :
« Heureusement, nous avions Facebook, c’était impressionnant de voir comment des groupes de plusieurs milliers de personnes se créaient en quinze minutes : tout circulait, les vidéos, les photos…
Avec un ami, nous nous sommes relayés jour et nuit pour poster des vidéos, il fallait que le peuple tunisien soit informé. »
« Je me suis senti investi d’une mission »
Z, quant à lui, crée en 2007 le blog satirique DébatTunisie où il dénonce les dérives et abus de l’ancien régime :
« Petit à petit, la forme qui s’est imposée a été celle de la caricature accompagnée d’un texte. (…) La caricature existait en Tunisie, mais elle n’était pas du tout politique, j’ai donc profité de la brèche. Internet était très contrôlé.
J’avais tout de même des visiteurs grâce à Facebook et aux proxys utilisés pour surfer anonymement sur le Web. Au fur et à mesure, je recevais des mails de soutien des lecteurs et petit à petit, je me suis senti investi d’une mission. »
Sous cette caricature, Z écrit, sur le blog DébatTunisie, le 8 janvier :
« Notre seul mot d’ordre ne peut être aujourd’hui que : “Dehors Ben Ali ! ”. Si à l’unisson, de Tataouine à Bizerte, nous scandions ce slogan (qui commence d’ailleurs à s’exprimer ici et là) il est à espérer que ceux qui tiennent les armes, police et militaires, se rangeront aussi du côté de la population… »
Il devient rapidement un des caricaturistes les plus célèbres de Tunisie et commence à déranger le pouvoir en place, qui le classe parmi les « cyberdissidents » :
« J’ai été censuré en 2008, fort heureusement, j’avais veillé dès le départ à être anonyme. Je me connectais de manière sécurisée. Cela m’a permis pouvoir exprimer les véritables problèmes de la Tunisie, à savoir la mainmise du clan Ben Ali sur toutes les richesses et projets du pays. »
« On se sentait oppressé. La culture était surveillée par Ben Ali »
L’année 2009 sera particulièrement difficile pour Z, une blogueuse, avec qui il communique régulièrement, est arrêtée et placée en garde à vue pendant cinq jours.
« C’était une tentative pour me faire sortir de mon trou et envoyer un signal fort à tous ceux qui commençaient à vouloir “faire chier le système”. J’ai redoublé de précautions car je ne savais pas s’ils m’avaient identifié ou pas.
J’ai passé un an à Paris sans voir mes proches afin de ne pas les mettre en danger. Voyant que mes parents n’étaient pas embêtés, j’ai compris qu’ils n’avaient pas réussi à m’identifier. J’ai pris mon courage à deux mains et je suis rentré. »
Même si les maisons d’édition et les télévisions le courtisent, le caricaturiste Z tient, quant à lui, plus que jamais à son anonymat. Vingt années de dictature l’ont rendu prudent, même s’il estime que la « principale révolution s’est faite dans les têtes : nous n’avons plus peur. Mais l’anonymat me garantit une totale liberté ».
L’exposition présente également les œuvres des Iraniens ICY & SOT, qui continuent la lutte en taguant les murs de Téhéran.
Source : « Rue 89 » Le 27-04-2011
Tunisie : Kallel, Trabelsi et Abdallah, prix de la Paix ?
Des lettres ouvertes angéliques sont adressées par d’ex-responsables politiques aux Tunisiens. C’est à se demander si les membres du jury du prix Nobel de la paix, peuvent trouver mieux qu’Abdelwaheb Abdallah, Abdallah Kallel et Imed Trabelsi ! A moins que Zaba, encore une fois, ne les coiffe au poteau.
Depuis l’arrestation des figures emblématiques du gouvernement de Ben Ali ainsi que certains membres de sa famille, on assiste à une nouvelle tendance, à savoir, les lettres ouvertes écrites par les détenus ou par leurs enfants. De vraies performances littéraires. Le plus étrange dans ce phénomène, c’est, qu’à la lecture des lettres, on commence à se demander pourquoi ne pas attribuer un prix Nobel aux anciens serviteurs de Ben Ali. Après tout, ni Dalai Lama ni Nelson Mandela ni même Mère Teresa ne semblent avoir été, aussi pacifistes que les valets de l’ancien régime. C’est en tout cas ce qui transparait à la lecture des œuvres du cercle rapproché de Zaba.
Peu après l’arrestation de leur père, les fils d’Abdelwaheb Abdallah ont adressé une lettre «au peuple tunisien» publié sur Kapitalis, où ils ont présenté le parcours de leur père et les injustices qu’il a subi de Zaba. Selon eux, Abdelwaheb Abdallah jouait un rôle de paratonnerre pour Ben Ali. Ce dernier l’a limogé à plusieurs reprises faisant de lui son bouc-émissaire.
Après cette lettre, on a eu droit à la réponse des fils d’Abdallah Kallel, l’ex-ministre de l’intérieur sous le règne de Ben Ali. Leur lettre à été publiée sur un blog créé à cet effet mais également dans le premier numéro du journal «Al Joraa». Objectif affiché : dévoiler certaines «réalités» à travers des «preuves» et des «témoignages» qui sont censés démontrer l’innocence et l’intégrité de Kallel. Ce dernier, aurait ainsi même été victime de la tyrannie de l’ancien régime.
Et la cerise sur le gâteau, c’est la touchante lettre d’Imed Trabelsi parue sur le quotidien Al Chourouk. En effet, le gendre mafieux de Ben Ali a osé adresser une lettre aux Tunisiens suite à la haine de ses «compatriotes» constatée lors de sa comparution devant le tribunal. Dans sa lettre, le tendre Imed Trabelsi a nié en masse tout ce que la société et la justice lui reproche. Il affirme même qu’il est un citoyen exemplaire et que seule l’éthique guide ses actions. Et c’est à cause de cette attitude angélique qu’il a été rejeté par le palais.
C’est à se demander si les membres du jury du prix Nobel de la paix, peuvent trouver mieux qu’Abdelwaheb Abdallah, Abdallah Kallel et Imed Trabelsi ! A moins que ces candidats visiblement nobélisables craignent la rivalité de Zaba lui-même. Ben Ali n’a-t-il pas commencé à rédiger son autobiographie ?
Source : « Tekiano » Le 27-04-2011
Lien : http://www.tekiano.com/ness/20-n-c/3669-tunisie-kallel-trabelsi-et-abdallah-prix-de-la-paix-.html
Tunisie/Sihem Bensedrine : “Nous nous battrons jusqu’au bout”
Tenace opposante de Ben Ali , née le 28 octobre 1950 à la Marsa, dans la banlieue de Tunis, Sihem Bensedrine est une journaliste et défenseur des droits de l’Homme. Elle a étudiée en France,à l’université de Toulouse, où elle a obtienu un diplôme en philosophie avant de faire ces débuts professionnels pour le journal indépendant “Le Phare” en 1980.
Elle grimpe les échelons jusqu’à devenir rédactrice en chef du service politique pour Maghreb jusqu’en 1983. Les “émeutes du pains” et la crise qui en résultera en Tunisie auront raison de la survie du journal. Elle se tourne alors vers l’édition en 1988 et fonde sa propre maison, “Arcs” qui déposera le bilan suite à la crise des droits de l’Homme qui secouera le pays. La jeune femme persiste pourtant dans sa voie et devient directrice de la maison d’édition “Noir sur Blanc” en 1998.
Son combat pour les droits de l’Homme et la liberté en Tunisie prend un tournant quand elle fonde la même année le Conseil National Pour Les Libertés en Tunisie dont elle assume aussi le rôle de porte parole, lui conférant par la même occasion un statut d’énnemie du gouvernement en place.
Sa parole courageuse, lui servira à défendre la liberté de la presse ainsi qu’a condamner la corruption et les privilèges que s’octroient le gouvernement Ben Ali. Elle devient alors victime d’une campagne de diffamation, dans les journaux proches du gouvernement, décrite entre autre comme une prostituée, en raison de ses activités en faveur des droits de l’homme .
Un an plus tard, elle co-fonde avec Naziha Rjiba, une autre journaliste tunisienne, le magazine en ligne Kalima. Elle sera arrêté en 2001 à l’aéroport international de Tunis-Carthage, en représailles à une interview télévisée dans laquelle elle dénonce les abus contre les droits de l’Homme et la corruption de la justice tunisienne. Elle est libérée un mois plus tard grâce à une campagne de soutien à la fois en Tunisie et à l’étranger (plus particulièrement en France). En 2004, Bensedrine est honorée par l’organisation Canadian Journalists for Free Expression qui lui remet un International Press Freedom Award en reconnaissance de son courage dans la défense et la promotion de la liberté de la presse.
Quelques semaines après la fuite du président Ben Ali, Sihem Bensedrine revient sur son combat et la situation toujours compliquée pour la liberté de la presse tunisienne.
Lesinfos.com : Vous avez été l’une des premières journalistes à dénoncer la corruption au pouvoir. Cette révolution et le départ de Ben Ali, c’est un peu l’aboutissement de votre combat ?
Sihem Bensedrine : C’est un peu prétentieux, je pense vraiment que c’est « notre « combat, celui des blogueurs, des manifestants, et celui de tout les Tunisiens qui ont vécus cette révolution, et qui ce sont battus contre les censeurs. C’est grâce à leur courage et à leur détermination, si Ben Ali a quitté la présidence de la Tunisie.
Quelle a été la part d’implication des femmes en Tunisie lors des révoltes ?
Les femmes se sont beaucoup impliquées, il suffit de regarder les images des manifestations à la télévision, elles étaient de partout. Cette révolution a aussi un visage féminin, les tunisiennes encourageaient même leurs enfants à descendre dans les rues. Elles ont vraiment participé à cette révolution. C’est aussi la preuve tangible que la révolte concernait tout le monde.
La situation actuelle du pays permet-elle la liberté d’expression ?
Non rien n’a changé : la liberté d’expression, fut l’une des premières revendications du peuple tunisien, avec la liberté des médias, et la liberté de ton dans la rue aussi. Aujourd’hui encore, les personnes qui manifestent sur l’avenue Bourguiba à Tunis, se font arrêter. La voix de la rue, c’est ce qui les dérange. On a coupé la tête, mais les anciens du pouvoir sont toujours la, ils sont dans la police, la justice, la société civile. Il faut impérativement leur enlever le pouvoir et que les jeunes continuent de se mobiliser. Qu’ils « dégagent » comme on dit chez nous. Qu’ils arrêtent avec la censure et la désinformation. Pour vous donner un exemple concret, un de nos journalistes avait interviewé une vieille dame dans le nord de la Tunisie, elle lui expliquait les injustices qu’elle subissait depuis longtemps, la force de son témoignage est très importante, mais comme nous ne sommes que sur internet, cette dame ne se verra jamais, et c’est encore plus frustrant pour notre journaliste, car l’impact du net sur les Tunisiens est indéniablement moins important que celui de la radio, ou de la télé.
Justement pour Radio Kalima (la parole en tunisien ndlr) que vous avez co-fondé en 2000 avec Naziha Réjiba que va t’il se passer ?
Nous avons pris rendez vous avec le directeur de la communication en Tunisie, nous n’avons toujours pas le droit de diffuser, comme je vous l’ai déjà dit, la nouvelle institution est la même que la précédente. Nous demandons la levée de la censure, car au même moment, les radios de Ben Ali continuent d’émettre, et elles ont toutes les libertés qu’elles veulent. Le gouvernement nous demande de justifier de tonnes de critères et de moyens financiers énormes, mais ils sont dans l’illégalité la plus totale, puisque il n’existe pas d’autorité de régularisation dans notre pays. Les gens de l’ancien régime ne veulent pas de nous dans le système médiatique. L’enjeu est clair : il y a des élections le 24 juillet en Tunisie, encore une fois, la peur de nous laisser nous exprimer est flagrante. Mais nous nous battrons jusque au bout .
Qu’avez vous pensé de l’attitude de la France envers la Tunisie et des décisions prises ces derniers jours concernant les migrants Tunisiens ?
Je suis très déçue par le gouvernement français. Il a clairement cherché à maintenir Ben Ali au pouvoir et maintenant il nous considère comme des dangers publics. Il ne fait même pas un geste envers ces jeunes, un geste qui ne lui couterait rien. C’est l’avenir d’un pays qui est en jeu. La France doit se racheter, c’est lamentable.
Source : « Lesinfos » Le 27-04-2011
Tunisie. Mourou candidat de Ghannouchi à la présidence
Par Ridha Kéfi
Les deux hommes, qui s’adressaient à une foule tout acquise, ont commencé par des échanges d’amabilités, presque des déclarations d’amour réciproques. Oubliés donc les divergences du passé. Enterrées les vieilles rancœurs. Finies les rivalités entre le leader historique et son éternel numéro 2. De leur long compagnonnage, les deux dirigeants du parti islamiste tunisien ne retiennent plus qu’une amitié de 42 ans, quelques moments difficiles vécus ensemble, une cellule de prison partagée et des échanges qui n’ont jamais cessé, même au plus fort de la répression de Ben Ali, lorsque le mouvement a été presque démantelé, Ghannouchi exilé à Londres et Mourou complètement isolé à Tunis.
«Cheikh Abdelfattah est mon unique candidat!» Après avoir entendu les louanges appuyées que lui a adressées son ami de quarante ans, déclamées dans un arabe littéraire châtié dont le Tunisois a le secret, Ghannouchi a cru devoir lancer, dans un élan d’affectueuse reconnaissance, en réponse à une question sur ses dispositions à se présenter à la présidence de la république: «Je ne suis candidat à aucun rôle dans l’Etat tunisien. La seule personnalité nationale qui me semble préparée à tenir un tel rôle, et à laquelle cette question aurait dû être posée, est le cheikh Abdelfattah, lequel est mon unique candidat!»
On ne peut être plus clair… Cette annonce ne doit rien à l’émotion des retrouvailles. Elle n’a rien non plus de spontanée. On peut même dire qu’elle a été bien pensée, mûrie et sans doute aussi négociée. Souvenons-nous: cheikh Mourou avait, il y a quelques semaines, fait peser une vraie fausse «menace» de créer son propre parti et de fausser ainsi la compagnie à ses compagnons de combat. Ce n’était, on l’a vite compris, qu’une fausse alerte et une manœuvre tactique. En vérité, les deux hommes se livraient à un jeu de rôle. Ce qui nous a poussé à nous demander, dans un précédent article, si l’avocat tunisois, qui a senti le vent tourner, ne cherchait pas aujourd’hui «à recentrer le mouvement islamiste et à le réorienter vers des positions plus consensuelles, de manière à brasser plus large et à cibler un électorat échaudé par les errements salafistes et qui a tendance mettre tous les ‘‘barbus’’ dans un même sac?» Me Mourou, écrivions-nous dans le même article, semble avoir «retrouvé ses anciennes ambitions politiques, un temps contrariées par le système despotique de l’ex-président». Autant dire donc que notre hypothèse s’est finalement vérifiée…
Une figure plus centriste et plus ouverte Ghannouchi, dont l’image est souvent associée, dans l’esprit des Tunisiens, au soufre de l’extrémisme et du salafisme, a finalement compris, qu’Ennahdha gagnerait beaucoup à s’attacher les services de Mourou, une figure plus centriste et plus ouverte, et dont les derniers passages à la télévision lui ont valu une certaine popularité, même en dehors du cercle de l’électorat islamiste traditionnel. En mettant en avant Mourou, Ghannouchi cherche aussi à lisser l’image du parti Ennahdha auprès des électeurs issus des classes moyennes supérieures et surtout des femmes qui redoutent la montée des intégristes ennemis de l’émancipation féminine. Au passage, il dame aussi le pion à ses alliés d’hier, Néjib Chebbi, leader du Parti démocratique progressiste (Pdp), et Moncef Marzouki, leader du Congrès pour la république (Cpr), qui ont beaucoup soutenu les militants Ennahdha au cours des dernières années du règne de Ben Ali, en espérant peut-être gagner la sympathie de leur base. Le blogueur Sami Ben Abdallah va plus loin en affirmant que, par cette annonce de bon sens, Ghannouchi vient d’«infliger une grande leçon de realpolitik à ses deux ex-alliés (…) qui ont cru durant des années [le] bluffer et miser sur sa clientèle islamiste». Quoi qu’il en soit, il n’est pas dit qu’en mettant en avant l’une de leurs figures les plus rassurantes, les islamistes vont pouvoir vraiment rassurer les Tunisiens sur leurs ambitions à moyen et long termes. Le débat sur la place des islamistes dans la scène politique tunisienne post-révolution est donc loin d’être clos. Il vient juste d’être relancé…
Source: ”Kapitalis” Le 27-04-2011
Le gouvernement relance les grands projets en Tunisie
Quatre grands projets sont actuellement en cours d’étude par une commission technique, créé au sein du ministère de la Planification et de la Coopération internationale. Cette commission spéciale est composée de représentants de différents ministères (Equipement, Justice et Finances).
Ces quatre projets sont considérés comme prioritaires, parmi les 12 grands projets qui ont été annoncés sous l’ancien régime.
Au cours de la conférence de presse tenue ce mercredi 27 avril 2011, Abdelhamid Triki, ministre de la Planification et de la Coopération internationale du gouvernement provisoire, a précisé que les quatre projets en cours d’étude sont Sama Dubaï,Tunis Sport City (Boukhater), le Port financier de Tunis et le projet de plantation forestière dans le gouvernorat de Tataouine, géré par le groupe suisse Global Wood Holding. Il a affirmé que des contacts ont été entamés avec les investisseurs concernés pour s’assurer de la continuité des projets. Une fois étudiés par la commission technique, ils seront prochainement transmis au conseil ministériel.
Le ministre a indiqué, d’un autre côté, qu’il y avait un manque de transparence dans les transactions qui ont concerné les grands projets, pressentis même par les investisseurs eux-mêmes. Le fait est que ces projets ont été gérés par la Commission des grands projets, créée par le président déchu et présidée par son conseiller Foued Daghfous, et qui a été, d’ailleurs, dissoute après la révolution du 14 janvier 2011.
Ce manque de transparence a été dévoilé par, notamment, le retard enregistré dans la réalisation de ces projets, alors que les espoirs tablaient sur la création de milliers d’emploi, à l’instar du projet Sama Dubaï, qui est resté jusqu’à maintenant dans le flou le plus total.
Des affaires de corruption ont été, également, révélées comme celle de la raffinerie de pétrole de Skhira.
Source : »wmc » Le 27-04-2011
Tunisie. Sihem Ben Sedrine organise la chasse à Borhane Bsaïes
Malgré le démenti d’Hannibal TV, Sihem Ben Sedrine et radio Kalima persistent et signent: la chaine privée aurait confié à Salwa Bsaies Nômane l’animation d’une émission d’information.
Mme Bsaies Nômane n’est autre que l’épouse de Borhane Bsaies, le célèbre propagandiste de Ben Ali, des Trabelsi et des autres membres du clan ayant pillé la Tunisie. Dire que M. Bsaies a profité des largesses du régime déchu, via la tristement célèbre Agence tunisienne de communication extérieure (Atce), est un euphémisme. Les enquêtes en cours démontreront sans doute l’importance des bénéfices tirés par l’intéressé de ses relations quasi«intimes» avec le système Ben Ali. Le pseudo-journaliste – et instituteur de son état – s’était illustré par ses attaques en règle contre les opposants à Ben Ali, y compris Mme Ben Sedrine, sur les chaînes nationales et internationales, notamment Al-Jazira. Reste à savoir si la chasse de Mme Ben Sedrine aux symboles du système d’information de Ben Ali va s’arrêter à M. Bsaies et son épouse ou si elle va cibler d’autres ex-propagandistes. Et Dieu sait qu’il en a beaucoup qui mérite de figurer sur le tableau de chasse de la directrice de radio Kalima et présidente du Conseil national pour les libertés en Tunisie
Source : « Kapitalis » Le 27-04-2011
Les dernières publications de Beït Al Hikma
Le Cheikh Uléma Mohamed Chadli Enneifer
Il s’agit des actes de la journée d’étude organisée à Beït Al- Hikma le 12 mai 2008 sur le thème : « Pensée réformiste ».
L’intérêt porté au Cheikh Enneifer (1911 – 1997) exprime le sentiment de fidélité envers des savants qui se sont élevés au niveau du savoir et de l’action comme le souligne l’intervention inaugurale de cette journée, mais en fait, les autres interventions ont traité des différents aspects de la vie du défunt, de ses activités, de sa pensée et de ses écrits.
La multiplication des aspects d’étude de cette personnalité démontre sa richesse, étant le dernier maghrébin qui s’est intéressé au « Sahih » de l’Imam Muslim, c’est aussi le « faqih » mélékite, spécialiste en hadith, s’intéressant à la littérature et l’histoire, et de même l’activiste qui a participé à la lutte nationale.
L’aspect scientifique du Cheikh (son « fikh », ses « Fetwas », ses études du Hadith, ses manuscrits, ses interventions aux rencontres de la pensée.
Islamique en Algérie, ses « Khotbas » du vendredi, sa participation dans la pensée réformiste tunisienne » quoique présent dans la plupart des interventions n’a pas fait oublier le cheikh poète, journaliste et politicien nationaliste. De même, plusieurs témoignages ont présenté le cheikh père, parent, enseignant et imam.
La personnalité du cheikh apparaît au lecteur, à travers les interventions et les témoignages ; savante, encyclopédique, productive et influente.
L’œuvre du cheikh (ses écrits en « Fiqh », « Oussouls », « Hadith », histoire, littérature, ainsi que ses nombreux établissements de textes de manuscrits) trouve son couronnement dans l’institution de sa fameuse bibliothèque en 1992.
Ainsi, les actes de cette journée ne sont pas seulement une biographie exhaustive (ou presque), une étude étendue d’une étape de l’histoire culturelle en Tunisie, mais aussi, un débat sur des questions comme celle du « Tajdid » dans la pensée réformiste, ou le rôle du patrimoine islamique, notamment du « Fiqh » aujourd’hui.
• « Le Cheikh Uléma Mohamed Chadli Enneifer » (en arabe) : date de parution 2011 ; nombre de pages : 220 , prix 11D000
Anthologie de la littérature contemporaine d’expression espagnole (2 tomes)
Cette anthologie fort intéressante, retrace l’histoire de la littérature espagnole de 1898 à nos jours, en mettant l’accent sur les auteurs incontournables et sur leurs œuvres – clés. Madame Bahri et son équipe reproduisent soigneusement, à travers les textes, les différentes étapes connues par cette littérature, donnent un aperçu général sur les générations représentant la littérature espagnole contemporaine, (générations de 1898, de 1914 et de 1927), en définissant les genres dans lesquels les poètes, les romanciers et les essayistes excellent. Une importance particulière est donnée à la littérature des quatre dernières décennies et à ses spécificités hispaniques.
Cette vie littéraire florissante a montré à quel point la vitalité de l’Espagne était une des plus fortes dans la diversité de ses expressions castillane, basque, catalane ou galicienne.
Coordination et présentation : Raja Yassine Bahri
Traduction : Maymouna Khabou, Abdel Hédi Saâdoun (poésie), Mohamed Aouini (théâtre et essai)
Révision : Mohamed Mokhtar Labidi
Langue : arabe ; nombre de pages : 385 (T1) + 422 (T2)
Date de parution : 2011 ; Prix de vente : 42.000 D
Source : « Le Temps » Le 17-04-2011
Monde arabe: les révoltes pourraient « stimuler l’économie » à long terme
Les évolutions politiques dans le monde arabe dues au mouvement de révoltes « pourraient stimuler l’économie » de ces pays à long terme, mais devraient peser à court terme sur les pays importateurs de pétrole, selon un rapport du Fonds monétaire international publié mercredi. « Les changements actuels dans la région pourraient stimuler les économies » à long terme, affirme le FMI dans son rapport prospectif sur la région du Moyen-Orient et de l’Asie centrale.
Les révoltes dans le monde arabe ont conduit au départ des présidents égyptienHosni Moubarak et tunisien Zine El Abidine Ben Ali, tandis que des mouvements de protestation, dont certains violemment réprimés, ont eu lieu notamment en Libye, au Yémen, et en Syrie et au Bahrein. « Un programme de réforme plus complet qui prend en compte les demandes de la population et lui donne un meilleur accès aux opportunités et à la concurrence pourrait dynamiser les économies et renforcer les atouts de la région », ajoute le FMI. Parmi ces atouts figurent « une population active jeune et une situation géographique privilégiée à la croisée des chemins entre les grands marchés en Europe et les économies émergentes en Asie et Afrique sub-saharienne en pleine croissance ». A court terme, la vague de révoltes comporte des risques pour les économies importatrices de pétrole dans le monde arabe, dont « une forte hausse des prix du pétrole et une augmentation des déficits ». Le FMI souligne également qu' »une nouvelle détérioration de la confiance des investisseurs et une fuite des capitaux pourraient conduire à des difficultés de financement pour les gouvernements ». La croissance en 2011 des pays exportateurs de pétrole devrait atteindre 4,9%, hors Libye, « largement due à l’augmentation des prix du pétrole et de la production », estime le FMI. Parmi ces pays figurent l’Algérie, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Soudan, les Emirats arabes unis ainsi que le Yemen et le Bahreïn, en proie à de graves violences. Les performances des pays du Golfe resteront bonnes en 2011 en raison de la hausse des prix du pétrole, « à l’exception du Bahreïn où l’incertitude prévaut », souligne le FMI. Le Qatar, riche en gaz, devrait connaître une croissance de 20% en 2011 après 16,3% en 2010. Celle d’Arabie saoudite, plus grande économie de la région, a également été revue à la hausse et devrait atteindre 7,5% cette année contre 4,5% prévu en octobre. En revanche, les pays importateurs de pétrole — comme l’Egypte et la Tunisie — pâtissent de l’envolée des prix du brut et des perturbations de l’activité économique et la croissance ne devrait pas y dépasser 2,3% en moyenne en 2011, note le FMI. La croissance de l’Egypte devrait ainsi plafonner à 1% cette année contre 5,1% en 2010. L’Egypte n’est pas un producteur de pétrole mais le pays arabe contrôle des voies de transport du brut stratégiques vers l’Europe: le canal de Suez et l’oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed). L’Afghanistan, Djibouti, la Jordanie, le Liban, la Mauritanie, le Maroc, le Pakistan, la Syrie et la Tunisie sont également des pays importateurs de pétrole. L’Egypte et la Tunisie devraient en outre être affectés par les conséquences du conflit libyen et le retour de plus de 100.000 migrants dans ce pays. Ces deux pays pâtissent déjà d’un « coup d’arrêt dans le tourisme et des investissements directs étrangers » avec des déficits budgétaires qui devraient atteindre 9,7% du PIB en Egypte et 4,3% en Tunisie, selon le FMI.
Source : « Le Parisien » Le 27-04-2011