Tunisie: taux de participation proche de 7O% aux élections
Le Nouvel Observateur Publié le 23-10-11 à 07:35 Modifié à 17:55
Le taux de participation aux premières élections libres en Tunisie « s’approche de 70% », a déclaré dimanche le président de la Commission électorale Kamel Jendoubi deux heures et demi avant la clôture du scrutin prévue à 19H00 (18H00 GMT).
« La moyenne nationale s’approche de 70%. Le nombre des gens qui ont voté a dépassé 80% dans quelques circonscriptions », a déclaré M. Jendoubi lors d’une conférence de presse, précisant que le vote « continuait de manière constante ».
Premier scrutin du « printemps arabe », la Tunisie vote en masse
Publié le 23-10-11 à 09:45 Modifié à 17:30
par Andrew Hammond et Tarek Amara
TUNIS (Reuters) – Neuf mois après le renversement de Zine ben Ali, les Tunisiens, pionniers du « printemps arabe », ont afflué dimanche dans les bureaux de vote pour élire démocratiquement une assemblée constituante.
Les islamistes du parti Ennahda (Renaissance) sont les favoris de ce scrutin, dont le déroulement et les résultats seront observés avec attention dans le reste de la région emportée par les soubresauts du « printemps des peuples arabes ».
« C’est un jour historique », a dit Rachid Ghannouchi, chef de file islamiste rentré en Tunisie après 22 ans d’exil en Grande-Bretagne pour conduire Ennahda aux urnes. « La Tunisie naît aujourd’hui, le printemps arabe naît aujourd’hui », a-t-il ajouté après avoir voté, accompagné de sa femme et de leur fille, toutes deux voilées.
En sortant du bureau, il a été hué par des dizaines de personnes aux cris de « Dégage ! » et « Tu es un terroriste et un assassin ! Rentre à Londres ».
A travers le pays, des files d’attente de plusieurs centaines de mètres se sont formées devant les bureaux de vote dès le début de la matinée, avec un niveau d’intérêt des électeurs inégalé sous le règne de Zine ben Ali.
C’est notamment le cas à Sidi Bouzid, berceau de la « révolution du jasmin » dans le centre-ouest du pays.
Dans ces files, les électeurs immortalisent le moment avec leurs téléphones portables équipés d’appareils-photos.
« C’est la première fois que je vote », raconte Karima ben Salem, 45 ans, dans un bureau du quartier de Lafayette, dans le centre de la capitale. « J’ai demandé aux garçons de préparer eux-mêmes leurs repas. (…) Aujourd’hui, je ne suis pas de service. Ou plutôt, je suis au service pour mon pays ».
La communauté internationale suit aussi attentivement ces élections, qui pourraient fournir une indication des développements à attendre dans les bouleversements en cours dans le monde arabe.
Devant son bureau de vote, Najib Chebbi, fondateur du parti démocratique progressiste (PDP) en 1983 et l’un des rares opposants à être resté en Tunisie malgré les intimidations et le harcèlement du régime de Ben Ali, se dit prêt à attendre toute la journée si nécessaire pour accomplir son devoir électoral.
« C’est le jour le plus heureux de l’histoire de la Tunisie. C’est une célébration de la démocratie », s’enthousiasme-t-il. « C’est très émouvant de voir tous ces gens attendre pour voter. »
Le scrutin doit accoucher d’une assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution. Il va aussi entraîner la formation d’un gouvernement intérimaire dans l’attente d’élections législatives et présidentielle.
Les bureaux de vote, qui fermeront à 19h00 (18h00 GMT), ont vu affluer des foules importantes dès l’ouverture.
« C’est un instant que nous attendions depuis longtemps », témoigne Ahmed, 50 ans, rencontré dans la longue file d’attente qui s’est formée sur plusieurs centaines de mètres devant un bureau de vote de Tunis. « Comment aurais-je pu le manquer ? Dans quelques instants, nous allons entrer dans l’histoire », ajoute-t-il.
L’ÉMOTION DE LA MÈRE DE MOHAMED BOUAZIZI
Noureddine, un jeune électeur de 22 ans croisé à La Marsa, quartier huppé de la capitale, parle lui aussi d’une journée historique, d’un moment de fierté nationale. « Je suis très ému de voir la Tunisie vivre un jour comme aujourd’hui. Même dans mes rêves, je n’imaginais pas que le peuple se mobiliserait ainsi pour voter », dit-il.
Pour la mère de Mohamed Bouazizi, le jeune homme qui a déclenché la « révolution du jasmin » en s’immolant par le feu le 17 décembre à Sidi Bouzid, « ces élections sont une victoire pour mon fils qui est mort pour défendre la dignité et la liberté ».
« J’espère que les gens qui vont gouverner garderont ce message à l’esprit et témoigneront de la considération à l’égard de tous les Tunisiens, y compris les pauvres », a poursuivi Manoubia Bouazizi, dans une interview accordée à Reuters.
Interdit sous Ben Ali, Ennahda devrait arriver en tête. Le parti islamiste de Rachid Ghannouchi ne devrait toutefois pas obtenir de majorité au sein de la future assemblée, ce qui le contraindrait à chercher des partenaires de coalition.
Sa tâche ne devrait pas être aisée face au front uni que vont tenter de former ses multiples adversaires, tels le Parti démocratique progressiste (PDP), soucieux de préserver les valeurs laïques de la Tunisie.
Ennahda s’est employé durant la campagne à dissiper les craintes du camp laïque et des pays occidentaux. Il présente plusieurs candidates, dont l’une ne porte pas le voile islamique, et il s’est engagé à respecter les droits des femmes.
Durant la période post-coloniale, la Tunisie s’est distinguée par sa volonté de créer une société qui ne soit pas fondée sur des principes religieux. La polygamie a été interdite, les femmes ont obtenu le droit de vote et l’égalité en matière d’héritage, et le port du voile a été découragé.
40.000 SOLDATS ET POLICIERS MOBILISÉS
Le camp laïque s’inquiète désormais de voir Ennahda imposer des bouleversements sociétaux par le biais d’un succès politique.
Ennahda s’en défend et il a publiquement pris ses distances avec les salafistes qui ont récemment attaqué un cinéma et une chaîne de télévision après la diffusion du film d’animation « Persépolis », dans lequel Allah est incarné à l’écran, ce qui est contraire aux préceptes de l’islam.
Pour de nombreux observateurs, les positions d’Ennahda ne sont pas claires.
Lors d’un dernier meeting de campagne vendredi, Souad Abdel-Rahim, la candidate non voilée du parti, a répété que sa formation préserverait les acquis des femmes. Une grande partie des ouvrages vendus en marge de ce rassemblement étaient cependant l’oeuvre d’auteurs salafistes prônant une séparation entre les hommes et les femmes dans l’espace public et condamnant les élections comme contraires aux principes de l’islam.
Selon les autorités, 40.000 militaires et policiers seront déployés pour maintenir l’ordre. Des commerçants affirment que la population a constitué des stocks de lait et de bouteilles d’eau à titre de précaution.
Bertrand Boucey et Jean-Loup Fiévet pour le service français
TUNISIE. L’UE « apportera son soutien » aux nouvelles autorités
Publié le 23-10-11 à 17:26 Modifié à 18:08
Les Tunisiens ont commencé à voter dimanche 23 octobre dans l’émotion pour élire une assemblée constituante, premier scrutin libre de leur histoire dont les islamistes d’Ennahda sont les grands favoris, neuf mois après la révolution qui a chassé le président Zine El Abidine Ben Ali et donné le coup d’envoi du printemps arabe.
L’UE « se félicite » de la tenue de ses élections
Les dirigeants européens ont salué dimanche 23 octobre les premières élections libres de Tunisie et promis leur soutien aux nouvelles autorités dans leurs efforts en vue de démocratiser le pays.
L’Union européenne « se félicite de la tenue des premières élections libres en Tunisie aujourd’hui », est-il écrit dans un projet de déclaration finale, dont l’AFP a obtenu une copie, et qui doit être adopté à l’issue du sommet des dirigeants européens réunis à Bruxelles.
« L’Union européenne apportera son soutien aux nouvelles autorités dans leurs efforts en faveur de la démocratisation et du développement économique durable », ajoute le document.
« Une journée mémorable », pour Radhia Nasraoui
L’avocate tunisienne et « passionaria » des droits de l’homme Radhia Nasraoui s’est réjouie dimanche de l’affluence dans les bureaux de vote en Tunisie et a salué un scrutin historique, fruit « d’années de batailles ».
« C’est une première, c’est un début, en tout cas une journée mémorable, après de nombreuses années au cours desquelles nous avons bataillé pour pouvoir voter librement », a déclaré Radhia Nasraoui, qui conduit une liste baptisée « Alternative révolutionnaire », alliée du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT).
« Mon sentiment est celui de n’importe quel Tunisien de plus de 50 ans qui n’a jamais voté et ne s’est jamais présenté. Ce matin, j’ai vu un nombre incroyable d’électeurs », a déclaré la militante, âgée de 58 ans, qui a voté dans le quartier résidentiel d’El Manar (ouest de Tunis).
« C’était impossible sous le régime de Ben Ali. A l’époque, les gens ne votaient pas. Cette affluence est normale dans la mesure où les Tunisiens savent en principe que les élections sont démocratiques et transparentes », a-t-elle ajouté.
Radhia Nasraoui, opposante acharnée au régime du président déchu Zine el Abidine Ben Ali, a été de toutes les batailles pour la défense des libertés. Présidente de l’organisation tunisienne de lutte contre la torture, elle a acquis une notorité internationale après de nombreuses grèves de la faim.
Avocate, elle a défendu aussi bien des islamistes, durement réprimés sous l’ancien régime, que des opposants de gauche, dont son mari et chef du PCOT Hamma Hammami, autra grande figure de l’opposition.
La communauté juive de Tunisie est « confiante »
La communauté juive de Tunisie, une des plus importantes du monde arabe, est « confiante » dans la nature « tolérante » de son pays, et n’a donné aucune consigne de vote pour l’élection de l’assemblée constituante, a déclaré dimanche une de ses représentantes.
« Je suis confiante, je ne peux que souhaiter de bonnes choses pour la Tunisie que nous connaissons,notre Tunisie tolérante« , a déclaré Monique Hayoun, militante de gauche de la communauté juive tunisienne, qui compte un millier de personnes (contre 100.000 à l’indépendance du pays en 1956).
Aucune consigne de vote n’a été donnée. « J’ai voté à Paris pour le Pôle démocrate moderniste (PDM, alliance de gauche), et ce malgré la présence d’une liste indépendante menée en France par Elie Trabelsi, fils du chef de la communauté juive de Djerba (sud) », a souligné Mme Hayoun, qui s’exprimait par téléphone depuis Paris.
L’élection en Tunisieest « une fête collective, que nous avons si longtemps attendue », a-t-elle ajouté.
Monique Hayoun regrette cependant que les grandes formations se soient présentées en rangs dispersés et n’aient pas constitué de front face au parti islamiste Ennahda, favori du scrutin. Elle déplore aussi que le conflit israélo-palestinien se soit invité dans le message électoral de certains candidats.
« Dans tous les cas, le verdict des urnes doit être respecté par tous« , a-t-elle souligné.
« Là où j’ai voté, il y a avait grande affluence et un fort sentiment de patriotisme. C’était extraordinaire », a-t-elle lancé.
Le Nouvel Observateur
TUNISIE. Etat du vote à 18h
Par Benoît Delmas. Depuis Tunis.
TUNISIE. 23/10/2011. 18h. – Grand tour dans le grand Tunis. Partout le même constat. Devant chaque école, chaque bureau de vote, les files d’attente sont impressionnantes à deux heures de la clôture du scrutin. Il est vraisemblable que l’heure limite sera dépassée afin que tous les tunisiens qui patientent depuis des heures puissent voter. La démocratie a fait un tabac ce dimanche. Les gens sont fiers de leur doigt bleu, cet encre indélébile qui évite de voter plusieurs fois, un sport très couru sous Ben Ali.
Que ce soit à La Soukra, le Kram, l’Ariana, Menzah 5,6,7, cité du 5 décembre… les gens patientent. Il est 16h30, 17h, 17h30 et les files ne diminuent. Nombreux sont ceux qui travaillent le dimanche qui attendent 18h30 pour se rendre au bureau de vote, dans l’espoir de ne pas trop attendre. C’est le cas des taxis, des pharmaciens des gardes, des commerçants. Les militaires et les policiers ne votent pas, c’est dans la Constitution.
Le taux de participation dépassera, selon l’Instance chargée des élections, les 70% voire plus.
Partout, le calme. La discipline. A El Ouina, des chaises ont été disposées afin que les femmes puissent se reposer. Si ce matin, les hommes ont voté en masse, les femmes ont
A passer de bureaux en bureaux, de quartiers riches en quartiers pauvres, la mobilisation est la même. Massive. Les choix ne seront sans doute pas les mêmes mais le vote libre est devenu une évidence, une source de fierté et d’émotion ce dimanche 23 octobre. Sur la route de la Soukra, on croise toutes les somptueuses villas des corrompus du régime Ben Ali. Cette ville qui compte désormais 200.000 habitants était avant Zine une zone très fertile pour les oranges. Tous les agriculteurs ont cédé, sous la force souvent, leurs cultures afin que la classe mafieuse se fasse construire des palais sans âme. L’armée est présente avec la force que donne la discrétion. La nuit tombe sur le Grand Tunis et tout est calme. Juste des files de voitures garées devant les écoles. Tout le monde veut voter, veut avoir participé à la nouvelle Tunisie.
Les résultats officiels ne devraient être connus que mardi. Espérons qu’aucun sondage bidon ne soit balancé sur les médias ce soir, meilleur moyen pour provoquer des violences. A l’issue de cette journée, tout un peuple a relevé la tête, balayé 23 ans de benalisme et de trabelsisme. Plus rien ne pourra ce faire sans eux. Ce qu’ont fait les Tunisiens aujourd’hui peut donner espoir aux démocrates des pays arabes. D’Alger à Ryad, on doit peu goûter cette démonstration démocratique.
Maintenant, à moins d’une heure de la fermeture officielle des bureaux de vote, les Tunisiens retiennent leur souffle. Qu’ont-ils choisit? Quelle couleur politique dominera l’Assemblée constituante? Républicaine ou religieuse? A suivre. Vers 22h.
(Source: “Courrier International” le 23 octobre à 18h)
Les Tunisiens répondent massivement à l’appel des urnes
Par Fabrice Aubert ,le 23 octobre 2011 à 20h59
Neuf mois après la chute de Ben Ali, les Tunisiens ont voté en masse dimanche pour élire leur Assemblée constituante. Selon les premières estimations, la participation atteind les 70%. Les islamistes d’Ennahda sont favoris de ce scrutin. Les résultats seront annoncés mardi.
Neuf mois après la révolution qui a chassé Ben Ali et donné le coup d’envoi du printemps arabe, les Tunisiens se sont massivement mobilisés dimanche pour la première élection libre de l’histoire de leur pays, votant avec calme et émotion pour élire une assemblée constituante.
Deux heures avant la fermeture des bureaux de vote (20 heures, heure de Paris), le taux de participation était de 70%, a indiqué le président de la Commission électorale indépendante. Les résultats définitifs, qui devaient initialement être connus lundi, seront annoncés officiellement « mardi après-midi« , a-t-il précisé. « On fera de notre mieux. Les gens se sont déplacés massivement. C’est un énorme travail qui nous attend encore », a déclaré la vice-présidente de l’Isie.
Plus de 7 millions d’électeurs étaient appelés à élire les 217 membres d’une assemblée constituante qui devra rédiger une nouvelle constitution et désigner un exécutif, lequel gouvernera jusqu’aux prochaines élections générales. Les électeurs doivent départager 11.686 candidats, répartis sur 1517 listes, présentées par 80 partis et des « indépendants » (40%). Alors que la parité est obligatoire, les femmes ne sont que 7% à mener des listes. Le scrutin était sécurisé par quelque 42.000 militaires et policiers, et scruté par plus de 13.500 observateurs locaux et internationaux. Ouverts à partir de 8 heures, les bureaux n’ont pas désempli. Dès le matin, de longues queues s’étaient constituées devant les centres de vote. Appelés pour la première fois de leur histoire à un scrutin libre et pluraliste, les Tunisiens se sont acquittés de leur devoir électoral dans le calme, et avec une grande fierté dans la capitale comme dans les villes de province. En fin d’après-midi, ni l’Isie ni les observateurs internationaux n’avaient constaté de dysfonctionnement majeur.
Vigilance des partis de gauche Le vent de liberté a profité à Ennahda, parti islamiste durement réprimé sous l’ancien régime, qui a rapidement reconstitué ses réseaux et cherché à rassurer. Son chef s’est réclamé d’un islam modéré proche du parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie AKP, a promis de ne pas toucher au statut de la femme, le plus avancé du monde arabe, et prôné un gouvernement de large union. Incapables de s’entendre pour créer un front anti-islamiste, les grands partis de gauche ont promis une vigilance de tous les instants pour défendre les libertés et le statut de la femme. Crucial pour les Tunisiens, l’enjeu l’est aussi pour leprintemps arabe: sa réussite ou son échec enverront un signal déterminant aux peuples qui se sont soulevés dans la foulée de la révolution tunisienne. Londres et Bruxelles ont salué la tenue de ces élections. Coïncidence du calendrier: la Tunisie se rend aux urnes le jour même où son voisin libyen a proclamé sa « libération totale », trois jours après la mort de Mouammar Kadhafi. L’acte de voter avait perdu tout son sens sous la présidence autoritaire de Habib Bourguiba, le père de l’indépendance (1956) qui s’en est vite dispensé. Il n’était qu’une formalité sous le règne de son successeur Zine El-Abidine Ben Ali, constamment réélu avec des scores défiant l’imagination (99,91% en 1994).
(Source: TF1News lle 23 octobre 2011 à 20:59)
Obama loue les électeurs tunisiens
Le président américain Barack Obama a félicité les « millions de Tunisiens » qui se sont mobilisés aujourd’hui pour la première élection libre en Tunisie, le pays « qui a changé le cours de l’Histoire et lancé le printemps arabe ».
« Aujourd’hui, moins d’un an après avoir inspiré le monde, le peuple tunisien a effectué un important pas en avant. Je félicite les millions de Tunisiens qui ont voté pour la première élection démocratique du pays qui a changé le cours de l’Histoire et lancé le printemps arabe », a déclaré Barack Obama dans un communiqué.
Le président américain a réaffirmé « l’engagement des Etats-Unis auprès du peuple tunisien alors qu’il s’achemine vers un avenir démocratique qui procure dignité, justice, liberté d’expression et de meilleures opportunités économiques pour tous ». « Les citoyens tunisiens qui ont protesté pacifiquement dans les rues et sur les places pour revendiquer leurs droits étaient nombreux, ils ont été tout aussi nombreux aujourd’hui à attendre pour voter afin de déterminer leur propre avenir », s’est félicité le président américain.
« La Tunisie commence le difficile travail qui consiste à former un gouvernement intérimaire, rédiger une nouvelle Constitution et tracer une trajectoire démocratique qui réponde aux aspirations de tous les Tunisiens », a-t-il ajouté. Les Tunisiens ont massivement répondu à l’appel des urnes dimanche, votant avec calme et émotion pour élire une assemblée constituante, neuf mois après la révolution qui a chassé Ben Ali et donné le coup d’envoi du printemps arabe.
(Source: lefigaro.fr le 23/10/2011 à 22:02)
Les hommes qui devraient compter en Tunisie
Les Tunisiens se sont déplacés en masse dimanche 23 octobre pour élire une assemblée constituante.
La vieille garde des opposants historiques devrait prendre en main l’avenir politique du pays.
Mustapha Ben Jaâfar
Quelques jours avant la fuite de Zine El Abidine Ben Ali, Moustapha Ben Jaâfar qualifiait encore son parti d’opposition de centre gauche, le forum démocratique pour le travail et les libertés (qui a pris depuis le nom arabe de forum « Ettakatol »), de groupuscule de résistants. Neuf mois plus tard, à 71 ans, Moustapha Ben Jaâfar fait pour beaucoup figure de sage. Il ne cache pas ses ambitions de président rassembleur et reste flou sur l’idée d’une éventuelle coopération avec le parti islamiste Ennahda.
Mustapha Ben Jaâfar est un dissident de la première heure qui a toujours œuvré sur le sol tunisien. L’ancien chef du service de radiologie du CHU de Tunis est l’un des piliers fondateurs de la ligue des droits de l’homme, du mouvement des démocrates socialistes en 1987, parti qu’il quittera lorsque celui-ci tentera des rapprochements avec le régime Ben Ali. Il fonde alors son propre parti en 1994 qui restera huit ans clandestin avant d’être légalisé en 2002 mais dont l’existence restera périlleuse.
Hamadi Jebali
La figure charismatique du parti islamiste Ennahda (« renaissance ») est Rached Ghannouchi. Mais à 70 ans, de retour après vingt ans d’exil, Rached Ghannouchi a décliné toute responsabilité et a cédé sa place à son cadet Hamadi Jebali, 63 ans. L’ingénieur spécialisé dans les énergies renouvelables est un des fondateurs du mouvement et incarne tout autant la figure du militant persécuté par l’ancien régime. Il a passé quinze ans en prison, de 1991 à 2006, comme nombre de cadres dirigeants du parti. S’il est sorti plus déterminé que jamais des geôles de l’ancien régime, le secrétaire général du parti incarne malgré tout la vision de l’islam modéré.
Il se défend d’être dogmatique, dit s’être éloigné de l’esprit des Frères musulmans pour prôner aujourd’hui un modèle comme celui de la Turquie. Ainsi au magazine tunisien Réalités, il déclarait, en février, vouloir renforcer le tourisme et ne pas s’arrêter aux détails tels que la consommation d’alcool ou le port du bikini.
Le parti rapidement reconstitué fait des démonstrations de force dans le pays. Il fait les yeux doux à d’autres partis, tel le Congrès pour la République de Moncef Marzouki, opposant et militant des droits de l’homme longtemps exilé en France, pour participer à un gouvernement d’union. Mais il montre les dents à ceux qui voudraient l’exclure et menace alors de descendre dans les rues.
Ahmed Nejib Chebbi
L’avocat Ahmed Nejib Chebbi, 67 ans, est précisément de ceux qui ont fait d’Ennahda leur bête noire. Même s’il a cédé la direction de son parti, le parti démocrate progressiste (PDP) à Maya Jribi en 2006, il en reste la figure emblématique. Militant d’extrême gauche dans sa jeunesse, condamné à plusieurs reprises, contraint à l’exil dans les années 1970, Ahmed Nejib Chebbi est aussi un opposant historique. Et même s’il faisait partie de l’opposition légale, le PDP est resté marginalisé et a été malmené.
Ahmed Nejib Chebbi a été également éconduit comme candidat à la présidentielle de 2009. Aux lendemains de la révolution, il persiste à participer au gouvernement transitoire alors que d’autres opposants claquent rapidement la porte pour protester contre le maintien au pouvoir des anciens ministres. Beaucoup lui reprochèrent ce mauvais départ.
Depuis, le PDP s’est relevé. Il se positionne clairement au centre, revendique d’avoir ouvert ses portes à d’anciens adhérents du RCD, l’ancien parti au pouvoir aujourd’hui dissous, qui n’avaient rien à se reprocher et de nombreux hommes d’affaires ont rejoint ses rangs. Il prône haut et fort la nécessité d’une alliance des partis progressistes modernistes pour écarter Ennahda du pouvoir.
MARIE VERDIE
(Source: La Croix le 23/10/11 – 20 H 13 mis à jour le 23/10/11 – 20 H 23)
TUNIS – Sages, solennels et soucieux du secret du vote: les Tunisiens aux urnes
Créé le 23/10/2011 à 19h59 — Mis à jour le 23/10/2011 à 20h00
TUNIS – « Vous dire pour qui j’ai voté ? Vous plaisantez, j’espère. Le vote est secret! » Ils sortent des bureaux de vote, l’index bleu, le sourire aux lèvres, fiers et solennels à la fois. Depuis 07H00 du matin dimanche, les Tunisiens votaient, en masse.
Après une affluence record dans la matinée, le flux s’est ralenti, mais à une heure de la fermeture des bureaux, des dizaines d’électeurs patientaient encore, carte d’identité en main.
Un quart d’heure avant l’ouverture, ils étaient des centaines à attendre dans certains quartiers. Sagement, tranquillement. Pas de débordement de joie, mais une fierté évidente. A Mutuelleville, un quartier chic de la capitale, un jeune homme s’est enroulé dans le drapeau tunisien pour venir accomplir son devoir électoral.
A Ettadhamen, une cité populaire, hommes et femmes attendaient séparément. Les voiles multicolores tranchaient sur les costumes noirs. Militaires et policiers étaient discrets, mais très présents.
La majorité des électeurs votent pour la première fois.
« Avant, je ne faisais aucun effort pour venir voter, c’était une mascarade », dit Salma Cherif, un médecin de 48 ans, à Mutuelleville.
« Je suis très content, je me sens bien », sourit Ahmed Radali, en s’enroulant dans une grande cape d’un geste théâtral et en agitant son index couvert d’encre bleue — marque indélébile 48 heures que portent tous les votants — à la sortie d’un bureau d’Ettadhamen.
« Non, je ne vous dirai pas pour qui j’ai voté. Aujourd’hui, il n’y a plus personne pour vous mettre un pistolet sur la tempe, pour vous étrangler ou vous donner des coups dans les côtes les jours d’élection! », dit-il dans un grand éclat de rire.
Les gens attendent patiemment, sans bousculade. Les observateurs tunisiens, de jeunes gens identifiables à leur badge, dirigent gentiment, appellent le service téléphonique dédié pour aider les électeurs perdus à retrouver leur bureau.
Dans le bureau d’Ettadhamen, un homme reste longtemps dans l’isoloir aux couleurs de la commission électorale indépendante (Isie) qui a organisé cette élection historique. L’énorme bulletin de vote, de format A3, suscite sa perplexité, il avouera avoir hésité jusqu’au dernier moment. Il sort finalement, le bulletin plié en quatre, et le dépose dans l’urne transparente. « C’est beau », murmure l’agent de l’Isie debout à côté de la boîte en plastique déjà bien remplie.
Dans la cour de l’école, des vieux se sont assis derrière les pupitres d’écolier, en attendant leur tour.
Hassen et Latifa, accrochés l’un à l’autre, sont venus en couple. Ils ont coché la liste d’Ennahda, le parti islamiste favori du scrutin. « C’est une décision réfléchie, j’ai bien lu leur programme », dit Hassen. « C’est la première fois qu’on pratique la démocratie en Tunisie, il faut faire ça bien », ajoute-t-il solennellement.
En fin d’après-midi, dans un bureau de vote de la Cité Olympique de Tunis, des dizaines d’électeurs attendent encore, une majorité d’hommes. Là aussi, hommes et hommes en files séparées. « Apparemment par galanterie », glisse Souad, une étudiante de 21 ans, avec ironie. Elle, votera « à gauche ».
Dans ce bureau « d’habitués », « seule une dizaine de personnes sur des centaines » d’électeurs a été refoulée, affirme Maha Gattoufi, jeune volontaire de l’Isie. A 17H00, « 70% des électeurs » avaient voté, estime-t-elle, montrant des listes d’émargement bien remplies.
Abdallah Zidi, 66 ans et belle barbe blanche taillée en trapèze à la Karl Marx, tient à montrer sa carte d’identité: « Je suis né le 1er avril 1945. Toute ma vie a été un poisson d’avril, mais là, cette fois, je suis venu pour faire valoir mon droit », dit-il.
Malgré un mal de jambe tenace, il a tenu à faire la queue: « on m’a proposé de m’asseoir, mais je ne voulais pas. Je voulais voter comme tout le monde, debout ».
(Source: 20minutes le 23octobre 2011)