23 octobre 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2345 du 23.10.2006

 archives : www.tunisnews.net


AFP: Les autorités tunisiennes démentent l’existence d’un trafic de yachts AP: Tunisie: libération d’un présumé terroriste pour des « raisons humanitaires » Omar Khayyam: Leila et son fol art – A la recherche du foulard perdu Khémaïs Arfaoui: «La réfutation des accusations contenues dans La Tunisie Martyre » 2(2)

 

Cliquez ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP sur la catastrophe humanitaire des prisonniers politiques Tunisiens

Voir également les documents vidéo:

 

Le Cri De Détresse De La Famille Du Prisonnier Politique Fathi Issaoui  

Nouveau témoignage vidéo de l’AISPP sur les multiples condamnations pour les mêmes faits en Tunisie.

 (Source : www.nawaat.org )

 


Les autorités tunisiennes démentent l’existence d’un trafic de yachts

AFP 19.10.06 | 16h25
 Les autorités tunisiennes ont démenti jeudi l’existence d’un trafic de navires de luxe avec la France et indiqué qu’un yacht dérobé dans ce pays en mai avait été restitué à son propriétaire. « Les allégations faisant croire à l’existence d’un trafic clandestin de yachts en Tunisie sont totalement imaginaires et relèvent de la désinformation », a-t-on indiqué de source officielle.
La gendarmerie française avait indiqué mercredi que quatre personnes « proches du milieu du nautisme », dont l’une a depuis été mise hors de cause, avaient été interpellées lundi et mercredi dans le Sud-Est de la France et en Corse en liaison avec une enquête sur un trafic de navires de luxe vers la Tunisie. Les gendarmes enquêtaient dans le cadre d’une enquête ouverte après le vol du yacht d’un banquier français, le 5 mai dans le port corse de Bonifacio.
« Le bateau en question était entré dans les eaux tunisiennes le 9 mai dernier conduit par deux ressortissants français. Alertées par Interpol (…) les autorités tunisiennes avaient procédé à sa saisie, conformément aux procédures en vigueur », a-t-on ajouté de source officielle à Tunis, rappelant que « le navire avait ensuite été remis à son propriétaire ».
Selon une source proche de l’enquête en France, les personnes interpellées mettent en cause des proches du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali. « En Tunisie, a-t-on indiqué de source officielle, les enquêtes judiciaires obéissent à des procédures clairement codifiées et non pas à des affabulations grotesques, encore moins à des accusations diffamatoires répandues pour porter atteinte à la réputation d’autrui ». ——————

 


Tunisie: libération d’un présumé terroriste pour des « raisons humanitaires »

AP | 21.10.06 | 22:55
 
TUNIS (AP) — Condamné à 10 ans de prison, un présumé terroriste tunisien, Tarek Hajjem, a été libéré samedi pour des « raisons humanitaires et de santé », a-t-on appris auprès de son avocat, Me Samir Ben Amor. En 1999, le tribunal militaire de Tunis l’avait jugé par défaut et condamné pour « appartenance à une organisation terroriste (opérant) à l’étranger ».
Immigré en Italie en 1994, Tarek Hajjem, 38 ans, s’était rendu en Bosnie où il avait été atteint à la tête par des éclats d’obus qui lui avaient occasionné une hémiplégie partielle et des troubles mentaux, selon une association humanitaire. A son retour, il avait été soigné pendant trois ans dans des établissements hospitaliers à Bologne, avant d’être extradé en Tunisie en mars 2006, dans le cadre de la « coordination entre Tunis et Rome en matière de lutte contre le terrorisme ».
Lors de sa comparution en septembre dernier en état d’arrestation devant le tribunal militaire de Tunis, suite à une opposition de ses avocats, Me Ben Amor a présenté une demande de libération de son client eu égard à son état de santé. Sa libération intervient à la veille de l’Aïd El Fitr, marquant la fin du mois de ramadan musulman.
 
AP

Fiction
 

Leila et son fol art

A la recherche du foulard perdu

 
 
La Turquie d’Atatürk a connu la «  guerre du fez », la Tunisie de Haj Zaba est en train de vivre la guerre du foulard. Malgré la résistance de quelques « têtes dures » attachés à leurs chéchias jusqu’à la mort, les Turcs ont fini par enlever leur couvre-chef, pour éviter les sévères sanctions du Chef. Mais, apparemment, la guerre anti-hijab de Haj Zaba ne sera pas gagnée aussi facilement que celle menée, il y a 80 ans, par le « Père des Turcs ».
 
Qui aurait pensé que la guerre anti-voile finirait par se retourner contre son instigateur et toucher la tête de l’Etat, au sens littéral des mots « toucher » et « tête » ? La douce moitié de Zaba, Hajja Leila, serait-elle, après l’incident d’aujourd’hui, la dernière victime de cette guerre absurde contre un bout de tissu ?
 
En descendant de l’avion présidentiel qui la ramenait de la Mecque, où le couple présidentiel venait d’effectuer le rite du pèlerinage, Hajja Leila, impatiente de retrouver sa famille qui l’attendait dans le hall de l’aéroport, prend congé de Haj Zaba et se faufile parmi les passagers ordinaires. Elle passe sans encombre le contrôle de la police des frontières et des douanes et quitte la salle de débarquement presque en courant. Elle se jette, sans tarder, dans les bras de sa mère, connue sous le pseudo Hajja Nana. La tribu Trabelsi est là pour accueillir la sainte pèlerine. Après les émouvantes retrouvailles, la caravane des « Tripolitains » se dirige lentement vers le cortège de voitures qui les attend dehors.
 
A peine quelques minutes après, se produira un incident qui fera jaser tout Tunis. Dès que la porte coulissante s’ouvre devant Hajja Leila, elle se trouve nez à nez avec deux policiers de la brigade anti-voile. Le visage béat de la pieuse pèlerine s’est tellement métamorphosé après le pèlerinage que les flics n’ont pas reconnu la « patronne ». Ils l’interpellent sur-le-champ et lui intiment l’ordre d’enlever son foulard. Leila croit rêver. Comment deux simples flics peuvent-ils s’attaquer à la numéro deux du régime ? Elle est tellement en colère qu’elle ne peut plus parler. Elle tente de gifler un des flics, mais son collègue lui retient le bras avec sa main de boxeur. Un agent l’immobilise et l’autre lui enlève son foulard. La « présidente » malmenée commence à crier et demande de l’aide. Les frères et les neveux de Hajja Leila, qui ont mis du temps pour réaliser ce qui était en train de se passer, se jettent sur les deux flics. Les deux agents réussissent à lancer un SOS, avant d’être neutralisés par une vingtaine de Trabelsi mâles enragés. Les policiers de la circulation présents devant l’aéroport courent au secours de leurs collègues. Les renforts ne tardent pas à arriver pour rétablir l’ordre. Aux voitures et fourgons de la Garde nationale de l’Aouina, se joignent des dizaines de voitures de police de l’Ariana, d’el-Menzah, d’el-Manar, de Cité la Gazelle et de Cité el-Khadhra. Alerté par la salle des opérations du Ministère de l‘Intérieur, le commissaire de l’aéroport, accompagné de ses hommes, intervient pour calmer les esprits et finit par faire dégager les deux policiers anti-voile, gravement blessés. Il présente ses excuses à Hajja Leila et essaye de calmer les esprits encore agités. La police éloigne les curieux et interdit la circulation automobile jusqu’au départ de toute la tribu de Hajja Leila.
 
Les deux policiers blessés, soignés d’urgence par les médecins de l’hôpital du ministère de l’Intérieur à la Marsa, conscients de la gaffe qu’ils viennent de commettre, s’attendaient au pire. Ils croyaient leur carrière brisée à jamais. Pourtant, c’est le contraire qui s’est passé. Que ne fut leur surprise lorsque Haj Zaba en personne les appela avant leur sortie de l’hôpital pour s’enquérir de leur santé et les remercier pour leur zèle et leur fidélité absolue à ses instructions.
 
Mais le dossier du voile de Hajja Leila est loin d’être clos. Dans la limousine qui la ramène au Palais présidentiel, elle se rend compte de la perte de son voile. Au cours de la rixe qui a opposé la horde des Trabelsi aux flics anti-voile, le foulard de la présidente gisait par terre et aucun n’a eu l’idée de le ramasser après la fin de la « bataille ». Elle prend son cellulaire et appelle tous le membres de sa famille. Aucun d’eux n’a vu le foulard en question. Elle appelle alors le commissaire de l’aéroport afin qu’il déclare le lieu de l’incident zone interdite, en attendant l’arrivée des gorilles du Secret Service de Carthage. Une cinquantaine d’agents de la Sécurité Présidentielle part en trombe à la recherche du foulard perdu. En réalité, ce n’est pas la perte du foulard lui-même qui fait peur à Hajja Leila. Elle craint que quelqu’un puisse tomber sur l’un de ses cheveux collés au foulard et lui jette un mauvais sort. Cette recherche effrénée qui dure maintenant depuis des heures et qui continuera vraisemblablement toute la nuit, ajoute de la crédibilité à une rumeur qui circule depuis des mois à Tunis. Les mauvaises langues disent que le couple présidentiel, obsédé par sa survie et préoccupé par la mystérieuse maladie de Haj Zaba, non seulement croit à la magie mais loue depuis des années les services de voyants, magiciens, cartomanciens et autres chamans.
 
A entendre toutes ces histoires abracadabrantes, on dirait que le royaume de Haj Zaba ne tient plus qu’à un cheveu !
 

(Source : le blog de Omar Khayyam, le October 23, 2006 12:50 am)

Lien : http://omarkhayyam.blogsome.com/


 

«La réfutation des accusations contenues dans La Tunisie Martyre »

Essai sur l’idéologie colonialiste

(DEUXIEME PARTIE)
 
Khémaïs Arfaoui
 
L’accusateur accusé
 
Abstraction faite du complot contre la sûreté de l’Etat, objet de l’instruction ordonnée par le tribunal militaire à Tunis qui d’ailleurs a renoncé à poursuivre les auteurs faute de preuves[1], les auteurs du rapport s’ingénient à chercher les raisons de la campagne des nationalistes tunisiens pour appuyer leurs revendications, non pas dans la politique coloniale, mais dans ce terme vague et culpabilisant: le complot. Le complot, d’envergure mondiale, qui se trame contre la France, est ourdi par trois protagonistes que paradoxalement rien n’unit en dehors de cette prétendue machination: l’Allemagne, le communisme et l’islam.
D’après le rapport, l’Allemagne «la puissance la plus formidable qui ait jamais menacé la liberté du monde»[2] est au centre de ce complot. Vaincue, lors de la Grande Guerre mais encore debout, elle prépare sa revanche. Conservant encore ses armées, elle pourrait se redresser en fabriquant des armes pour remplacer ceux qu’elle a été obligée de livrer, en divisant le camp opposé et en contractant, enfin, d’autres alliances.
Quel est le rôle de la Russie soviétique dans le plan allemand ? Cette Russie est soumise selon les auteurs du rapport à un régime de dictature militaire qu’ils accusent l’Allemagne d’avoir contribué à établir[3]. Si l’Allemagne n’a pas profité de ce «renversement inouï» sur le front russe pour remporter la guerre, elle va s’en servir pour essayer de rétablir la partie après sa défaite. Tout d’abord, la menace soviétique, attestent les auteurs du rapport, a déterminé les puissances de l’Entente à permettre à l’Allemagne de maintenir une importante armée[4]. Ils assurent aussi que la Russie soviétique, foyer d’une intense propagande communiste, servirait également l’Allemagne, en provoquant dans tous les pays de l’Entente des mouvements révolutionnaires. 
D’après les auteurs du rapport, la France et l’Occident sont menacés par trois ennemis conjugués: les mouvements sociaux, les légions germaniques et les armées rouges. A cette conjuration contre la sûreté de l’Etat français et de ses alliés occidentaux, s’ajoute la menace panislamique qui pèse sur certaines de leurs possessions coloniales.
Cette machination n’est que la reprise d’un plan suivi dès avant la guerre, que certains contemporains qualifient de «provocation allemande aux colonies»[5]. «On s’expliquerait mal en effet, affirme les auteurs du rapport, les progrès de l’agitation nationaliste en Egypte, en Tunisie et jusqu’en Algérie, si on ne voulait y voir que le développement d’un mouvement spontané résultant de l’évolution économique et intellectuelle des populations de ces différents pays. Du jour où l’Allemagne avait constaté le rapprochement de la France et de l’Angleterre[6], conscientes de la menace qui pèse sur le monde, elle avait envisagé comme l’un des plus sûrs moyens de les atteindre dans leurs forces vitales la création d’un état d’insécurité dans leurs domaines d’outre-mer»[7].
Pour concrétiser ce plan, l’Allemagne a gagné à sa cause les dirigeants du «Parti jeune turc» qui par sa propagande a réussi, soutiennent les auteurs du rapport, à «réveiller et stimuler le parti nationaliste qui sommeillait à peu prés en Egypte et susciter en Tunisie, où il existait à peine à l’état latent, un courant d’idées hostile à notre domination»[8]. C’est cette propagande qui explique les progrès de l’agitation nationaliste en Egypte, ainsi que la formation et le développement du «parti jeune tunisien» dans la Régence. Ce plan ayant échoué, par manque de soutien, fut repris après la guerre. Mustapha Kamel, chef du mouvement national turc, prépare activement en liaison étroite avec Berlin et Moscou, la résistance aux conditions qui seraient dictées par les Alliés et appelle à la guerre sainte. Ce prétendu appel[9] explique, selon les même auteurs, qu’en Syrie la France rencontre de graves difficultés, qu’en Mésopotamie le soulèvement est proche et que «l’Egypte en pleine crise de violente agitation nationaliste se voit sur le point d’obtenir sinon l’indépendance, du moins d’importantes concessions»[10].
D’après les auteurs du rapport, le contexte mondial durant le dernier trimestre de 1919, caractérisé par l’accroissement des difficultés pour les Alliés, est des plus favorables pour la réalisation du plan allemand. Les auteurs du rapport établissent un rapprochement entre ces difficultés et la publication de «La Tunisie Martyre» qui par sa campagne contre la France sert le dessein de l’Allemagne. Cet ouvrage constitue, assurent-ils, «un instrument merveilleux pour combattre en Asie Mineure notre pratique et notre influence renaissante, pour fortifier les résistances qui se préparaient en Syrie, il contenait, enfin le programme de toute une campagne capable de nous susciter en Tunisie voire en Algérie, les difficultés que l’Angleterre connaissait en Egypte»[11].
A cette conception manichéenne qui divise le monde en forces du bien (les Alliés) et en forces du mal (l’Allemagne et les mouvements anticolonialistes) s’ajoute une personnification simpliste et superficielle des mouvements de libération nationale et en l’occurrence le mouvement national tunisien. Dans le rapport il n’y a point de trace des doléances du peuple tunisien, de ses aspirations et des courants qui le traversent il n’y est question que de quelques individualités présentées comme des comploteurs. Les individus représentent tout dans l’historiographie coloniale, alors que le peuple est quantité négligeable.
C’est dans ce sens que le rapport impute les difficultés que les autorités françaises ont rencontrées en Tunisie, aux chefs jeunes tunisiens qui se sont compromis avec l’Allemagne bien avant les mesures répressives qu’elles ont prises contre eux en 1912[12]. Pendant la guerre Mohammed Bach Hamba[13] continue les «intrigues» contre la France. Il entreprend dans la Revue du Maghreb  une campagne de dénigrement intégral contre l’action française en Afrique du Nord, publie un ouvrage qui trahit, selon les auteurs du rapport, l’ascendant allemand[14] et adresse en mars 1919 une lettre au Président Wilson dans laquelle il dénonce le régime auquel sont soumis les Tunisiens et revendique l’indépendance de la Tunisie[15].
Thaâlbi, moins compromis avec l’Allemagne, selon le rapport, prend la relève de Hamba cadet. Il est présenté comme un agent de renseignement et de propagande du Sultan ottoman, depuis son retour d’Orient au début du XX° siècle[16]. La preuve est donnée par le fait qu’il vit au-dessus de ses moyens. Il est aussi présenté comme quelqu’un qui est intéressé par l’argent. En témoigne son voyage en 1913 aux Indes où «il passait pour avoir recueilli des dons importants en argent et en nature»[17]. Pour accréditer l’idée de complot, le rapport parle d’un plan d’action combiné entre Mohammed Bach Hamba et Thaâlbi, mis au point probablement à Genève où ils se sont rencontrés pendant l’été 1919. Ce plan d’action est manifestement d’inspiration allemande. En effet, le rapport évoque pour appuyer cette assertion le départ de Bach Hamba pour Berlin où il s’est fixé, avant de mourir en octobre 1920. La jonction entre les deux alliés de l’Allemagne à savoir le communisme et le panislamisme s’opère à Paris où Thaâlbi s’est rendu au mois de septembre 1919 et où il va «réunir les fils du complot dont la trame doit se tisser à Tunis»[18]. L’ouvrage La Tunisie Martyre, qui fait partie de ce complot triparti, est considéré comme un «véritable cri de guerre», une «œuvre de propagande antifrançaise, œuvre de haine et d’excitation à la révolte»[19], il est également appréhendé comme un prélude à la guerre sainte. 
Quel usage a été fait de La Tunisie Martyre  par les comploteurs? Cet usage est, pour le rapport, une preuve supplémentaire du caractère conspirateur du factum. Ses auteurs soutiennent que «dans le Proche Orient, en Syrie, en Cilicie, en Arménie, au Caucase, partout où s’étaient répandues la langue et l’influence française La Tunisie Martyre a été distribuée à profusion. Elle a été un instrument efficace pour éveiller toutes les méfiances parmi des populations dont les regards étaient tournés vers nous, pour organiser ou accroître des résistances que nous avons dû briser»[20]. En Tunisie la «semence de haine», expression utilisée par les auteurs du rapport, va être répandue par la presse arabe qui s’est épanouie en 1920 et par la propagande orale faite par des émissaires du Parti libéral tunisien[21]. Une campagne qui puise ses thèmes dans La Tunisie Martyre est conjointement menée avec les journaux communistes et en l’occurrence l’Humanité, comme nous l’avons déjà signalé. Le rapport accuse ces journaux de prêcher le communisme international et d’appeler à la révolution la masse prolétarienne sans distinction de nationalités ou de races[22].
Le résultat de cette campagne est la formation d’un état d’esprit jugé «dangereux» et rendant nécessaire une mesure énergique: l’arrestation de Thaâlbi et son transfèrement à Tunis pour le faire juger par le Tribunal militaire de Tunis. Cette action répressive est un élément important de la politique française qui a permis en 1920 et au début de 1921 de faire échouer, selon les propres termes du rapport, tous les plans des ennemis de la France. En effet des événements importants quoique momentanés confortent la position française sur le plan international : le traité de Sèvres (10 août 1920) consacre le démembrement de l’Empire ottoman et de la Turquie elle-même, l’Armée rouge est arrêtée devant Varsovie en août 1920 puis repoussée alors que l’Allemagne subit la politique de «la main au collet» prônée par Aristide Briand et vit sous la menace d’une occupation de la Rhur[23]. Pour les auteurs du rapport, le dénouement du complot en Tunisie a permis de calmer peu à peu l’agitation et de faire revenir les journaux à un ton moins acerbe et moins arrogant. Tout au moins l’action énergique des autorités françaises a contrebalancé la campagne en faveur du destour en favorisant des manifestations de déférence et de loyalisme à l’égard de la puissance protectrice.
 
Conclusion
 
En dépit de la tendance des auteurs du rapport à justifier le colonialisme par des arguments fallacieux, il ne demeure pas moins que la corruption du régime beylical et sa politique d’oppression lui font assumer une grande part de responsabilité dans l’annexion de la Tunisie. La nature du régime beylical est un élément majeur  qui constitue, en plus de l’état d’arriération et de dégradation de la population, ce que certains chercheurs tunisiens tiennent pour l’explication ultime de la «colonialisabilité» de la Tunisie[24]. D’ailleurs n’est-ce pas toujours la même politique menée par les pouvoirs locaux qui crée les mêmes effets partout dans les pays anciennement colonisés? Pourtant là où se dressent des hommes comme les initiateurs de La Tunisie Martyre pour changer cet état de choses, ils sont discrédités et accusés de monter un complot et de servir les desseins des puissances rivales. En tout cas il est opportun de se demander si les auteurs du rapport sur La réfutation des accusations contenues dans cet ouvrage nationaliste, ne professent pas le chauvinisme et n’éludent pas une question brûlante à l’époque: la question nationale.
 
[1]- Voir : Le Rapport du Colonel Baron Tunis 1921, conservé au Centre de Documentation Nationale, dossier A-5-16 et publié dans : RHM, n°27 et 28, Décembre 1982. Thaâlbi (A), La Tunisie Martyre: Le Rapport du Colonel Baron Tunis 1921 (Annexe), 2è- éditions, Dar El Gharb al islami, Beyrouth, 1985.  [2]- A. N, Idem, d. 3. [3]- Les auteurs du rapport visent sans doute le fait que l’Etat allemand a permis aux chefs révolutionnaires de passer par les terres allemandes pour rentrer en Russie et préparer la Révolution. [4]- Il convient de rappeler que l’armée allemande fut réduite par le Traité de Versailles à 100.000 hommes seulement. [5]- Pierre- Alype, préface de Albert Sarraut, La provocation allemande aux colonies, Librairie militaire Berger-Levrault, Paris/Nancy, 1915. [6]- Ce rapprochement date du début du XX° siècle, lorsqu’en 1904 les deux pays signent plusieurs traités diplomatiques rétablissant l’Entente cordiale des années 1830. [7]- A. N, Idem, d. 3. [8]- Idem. [9]- Nous ne connaissons qu’un seul appel à la guerre sainte proclamé en 1914 au nom du Sultan ottoman. [10]- Idem. [11]- Idem. [12]- La plus importante de ces mesures a été l’expulsion hors du territoire tunisien de Ali Bach Hamba, Abdelaziz Taalbi, Hassen Guellaty et Mohamed Noômane. [13]- Mohammed Bach Hamba (1881- 1920), interprète aux services judiciaires puis juge suppléant au tribunal de la Driba à Tunis. Il a continué à l’étranger la lutte qu’a commencé son frére Ali Bach Hamba à la tête du groupement des «Jeunes Tunisiens». [14]- A. N, Idem, d. 3, L’ouvrage en question est Le peuple algéro – tunisien et la France,  publié en 1918 à Genève. Une réédition est publiée par la Fondation Nationale de Carthage- «Beit al-hikma» en 1991. [15]- Idem, D’après ce document la lettre de Mohammed Bach Hamba a été publiée par la revue allemande Der Neue Orient Band  21/22 avril 1919. Il s’agit en fait d’un mémoire adressé par un « Comité algéro- tunisien » au Congrès de Versailles. Voir : Goldstein, Daniel, Libération ou annexion. Aux chemins croisés de l’histoire tunisienne 1914-1922, M.T.E., 1978. [16]- Concernant la vie de Taalbi, voir :                                                                                                                                                                   بن ميلاد (أحمد) وإدريس (محمد مسعود)، الشيخ عبد العزيز الثعالبي والحركة الوطنية 1892-1940، الجزء الأول، بيت الحكمة، قرطاج، 1991.   Ben Miled (A) et Idriss (MM), Cheikh Abdelaziz Thaâlbi et le mouvement national tunisien (1892-1940),  t.1, Fondation Nationale – Carthage, 1991. [17]-  A. N, Idem, d. 3. [18]- Idem. [19]- Idem. [20]- Idem. [21]- Le Parti libéral tunisien ou le parti du destour est fondée par les Jeunes Tunisiens au début de 1920. [22]- Idem. [23] – Voir par exemple : Oudin (B), Aristide Briand, Robert Laffont, Paris, 1987. [24]- Marzouki (I), «Où sont les générations intellectuelles tunisiennes?», Correspondances, n° 66, 2001.
 
(Source: LA REVUE D’HISTOIRE MAGHREBINE, n° 124, juin 2006, pp 59-70.)


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