20 septembre 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2312 du 20.09.2006

 archives : www.tunisnews.net


Reporters sans frontieres: l’édition du 19 septembre 2006 du journal le Figaro interdite en Tunisie AFP: Le Figaro interdit en Tunisie pour offense à l’islam US Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor: Tunisia: International Religious Freedom Report 2006 Nouvelles d’Orient: Illustration et apologie de la dictature tunisienne Khemaïs Chammari:  Etonnant Maroc Le Figaro: La poussée inquiétante des islamistes marocains Tariq Ramadan: Le pape et l’islam: le vrai débat Soumaya Ghannoushi: Return to the dark ages

 
 

Cliquez ici pour accéder au reportage exceptionnel de l’AISPP sur la catastrophe humanitaire des prisonniers politiques Tunisiens 


 
TUNISIA

LE FIGARO ISSUE BANNED IN TUNISIA BECAUSE OF OP-ED PIECE DEEMED « OFFENSIVE TO ISLAM »

Reporters Without Borders today voiced regret at a government decision to ban distribution of the 19 September issue of the French daily Le Figaro in Tunisia on the grounds that it contained an op-ed piece that « offended Islam. » The ban was issued under a law for the protection of religion that was used in February to seize copies of the newspaper France Soir containing cartoons of Mohammed. « Without taking a position on the content of the op-ed piece, which was very aggressive towards Muslims, we point out that it is up to Tunisian readers to form their own opinion and not for the Tunisian authorities to filter information, » Reporters Without Borders said. Headlined « What should the free world do in the face of Islamist intimidation?, » the op-ed piece was by Robert Redecker. According to the Tunisian newspaper La Presse, the interior ministry ordered the Le Figaro’s confiscation on the grounds of « harmful content offensive to the Prophet, Islam and Muslims. »
TUNISIE

L’ÉDITION DU 19 SEPTEMBRE 2006 DU JOURNAL LE FIGARO INTERDITE EN TUNISIE

 
L’édition du 19 septembre 2006 du quotidien français Le Figaro a été interdite en Tunisie du fait d’une tribune considérée par les autorités tunisiennes comme « offensant l’islam ». Cette interdiction se base sur une loi relative à la protection de la religion qui avait déjà justifié, en février 2006, la saisie du journal France Soir reproduisant les caricatures de Mahomet. « Sans nous prononcer sur le contenu de cette tribune très agressive envers les musulmans, nous rappelons qu’il revient aux lecteurs tunisiens de se faire leur propre opinion et non aux autorités tunisiennes de filtrer l’information », a déclaré Reporters sans frontières. L’interdiction de publication est due à un texte publié dans la rubrique « Débats-Opinions » du Figaro, signé par Robert Redecker et intitulé « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre? ». Le ministère tunisien de l’Intérieur a ordonné la saisie du quotidien en raison « du contenu préjudiciable et offensant pour le Prophète, l’islam et les musulmans », selon le journal tunisien La Presse. — Maghreb & Middle-East Desk Lynn TEHINI Reporters Without Borders 5 rue Geoffroy-Marie F – 75009 Paris 33 1 44 83 84 78 33 1 45 23 11 51 (fax) middle-east@rsf.org www.rsf.org www.leblogmedias.com (en français)

 

Le Figaro interdit en Tunisie pour offense à l’islam

AFP, le 20 septembre 2006

 

TunisL’édition de mardi (19 septembre 2006, NDLR) du quotidien français de centre-droit Le Figaro a été interdite en Tunisie pour avoir publié une tribune considérée comme «offensant» l’islam, a-t-on appris mercredi de sources concordantes.

 

La saisie du Figaro daté du 19 septembre et publiant une tribune intitulée «Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre?» a été annoncée par des journaux tunisiens et confirmée de source officielle.

 

Plusieurs quotidiens arabophones et le journal francophone La Presse ont indiqué, dans un bref article au texte identique, que le ministère de l’Intérieur avait, «en application de la loi», ordonné cette saisie en raison «du contenu préjudiciable et offensant pour le prophète, l’islam et les musulmans».

 

Habituellement disponible à Tunis en début de soirée du jour de sa parution en France, Le Figaro était introuvable en kiosque mercredi.

 

Cette interdiction est intervenue quelques jours avant, à la fin de cette semaine, le début du mois du ramadan. Cette période de jeûne, qui constitue l’un des cinq piliers de la religion musulmane, est trés observée par une large majorité des dix millions de Tunisiens.

 

Dans sa tribune publiée au sein d’une séquence «Débats, opinions» du Figaro, le philosophe et enseignant Robert Redeker dénonce «la tentative menée par (l’)islam d’étouffer ce que l’occident de de plus précieux qui n’existe dans aucun pays musulman: la liberté de penser et de s’exprimer».

 

La réflexion de M. Redeker est intervenue après les vives réactions dans le monde arabo-musulman, notamment l’assassinat d’une religieuse italienne âgée de 70 ans en Somalie, à une déclaration, la semaine dernière en Allemagne, du pape Benoît XVI sur l’islam et la violence.

 

Le philosophe qualifie notamment le Coran de «livre d’inouïe violence» et le prophète Mahomet de «chef de guerre impitoyable».

 

Dressant un parallèle avec la guerre froide, il considère que, «comme jadis avec le communisme, l’Occident se trouve sous surveillance idéologique» et que «violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde».

 

Dans l’unique réaction enregistrée en Tunisie aux propos de Benoît XVI, le Conseil supérieur islamique de la République tunisienne avait exprimé samedi dernier sa «profonde indignation» face aux «propos préjudiciables» du pape sur l’islam et souligné «la nécessité de redresser rapidement la situation».

 

Ce Conseil, instance religieuse suprême du pays, avait souligné que «la Tunisie a toujours oeuvré en vue de consacrer l’esprit de tolérance, le dialogue et le respect des symboles sacrés des peuples».

 

Les autorités tunisiennes, qui entretiennent d’excellentes relations avec le Saint Siège, assurent ainsi une complète liberté des cultes et une stricte protection des édifices religieux chrétiens et juifs tout en luttant énergiquement contre le terrorisme islamiste et les mouvements politiques radicaux se revendiquant de l’islam.

 

Sur la base d’une loi sur la protection de la religion, elles avaient fait saisir en février dernier le journal France-Soir qui avait reproduit des caricatures de Mahomet dont la publication originale dans un journal danois avait provoqué une flambée de protestations dans le monde arabo-musulman.


Tunisia: International Religious Freedom Report 2006

 

Released by the US Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor

 

This report is submitted to the Congress by the Department of State in compliance with Section 102(b) of the International Religious Freedom Act (IRFA) of 1998. The law provides that the secretary of state, with the assistance of the ambassador at large for international religious freedom, shall transmit to Congress « an Annual Report on International Religious Freedom supplementing the most recent Human Rights Reports by providing additional detailed information with respect to matters involving international religious freedom. »

 

Tunisia: The constitution provides for freedom of religion and the freedom to practice the rites of one’s religion unless they disturb the public order; however, the Government imposes some restrictions on this right. The constitution declares the country’s determination to adhere to the teachings of Islam, stipulates that Islam is the official state religion, and that the president be Muslim. The Government does not permit the establishment of political parties on the basis of religion and prohibits proselytizing by non-Muslims. It restricts the wearing of Islamic headscarves (hijab) in government offices and it discourages women from wearing the hijab on public streets and at certain public gatherings.

 

 

There was no overall change in the status of respect for religious freedom during the reporting period, and government policy continued to contribute to the generally free practice of religion.

 

The generally amicable relationship among religious groups in society contributed to religious freedom.

 

The U.S. government discusses religious freedom issues with the Government as part of its overall policy to promote human rights.

 

Section I. Religious Demography

 

The country has an area of 63,170 square miles, and a population of ten million. Approximately 99 percent of the population was Muslim. There was no reliable data on the number of practicing Muslims. There was a small indigenous « Maraboutic » Muslim community that belongs to spiritual brotherhoods known as « turuq; » however, there were no statistics regarding its size. Reliable sources reported that many members of these brotherhoods left the country shortly after independence when the Government appropriated their religious buildings and land (and those of Islamic foundations). During annual Ramadan festivals, members of these brotherhoods provided public cultural entertainment by performing religious dances. There were also approximately 150 members of the Baha’i Faith.

 

The Christian community, composed of foreign residents and a small group of native-born citizens of European or Arab descent, numbered approximately twenty-five thousand and was dispersed throughout the country. According to church leaders, the practicing Christian population was approximately two thousand and included a few hundred native-born citizens who have converted to Christianity. The Roman Catholic Church operated twelve churches, nine schools, several libraries, and two clinics. There were approximately 500 practicing Catholics. In addition to holding religious services, the Catholic Church also freely organized cultural activities and performed charitable work throughout the country. In 2005 the Government permitted the reopening of a Catholic church in Djerba following requests from European nations with substantial tourist travel to the country. The Russian Orthodox Church had approximately one hundred practicing members and operated a church in Tunis and another in Bizerte. The French Reform Church maintained a church in Tunis, with a congregation of approximately 140 primarily foreign members. The Anglican Church had a church in Tunis with several hundred predominantly foreign members. There was a small Seventh-day Adventist community with approximately fifty members. The thirty-member Greek Orthodox Church maintained three churches (in Tunis, Sousse, and Djerba). On an occasional basis, Catholic and Protestant religious services were also held in several other locations, such as private residences. There were also approximately fifty Jehovah’s Witnesses, of whom approximately half were foreign residents and half are native-born citizens. The Government allowed a small number of foreign religious charitable nongovernmental organizations (NGOs) to operate and provide social services.

 

Judaism was the country’s third largest religion with approximately 1,500 members. One-third lived in and around the capital and is descended predominantly from Italian and Spanish immigrants. The remainder lived on the island of Djerba where the Jewish community dates back 2,500 years.

 

Foreign Christian missionary organizations and groups were present in the country; however, they were not permitted to proselytize.

 

Section II. Status of Religious Freedom

 

Legal/Policy Framework

 

The constitution provides for freedom of religion and the freedom to practice the rites of one’s religion unless they disturb the public order; however, the Government imposes some restrictions on this right. The constitution declares the country’s determination to adhere to the teachings of Islam, stipulates that Islam is the official state religion, and that the president be Muslim. The Government does not permit the establishment of political parties on the basis of religion and prohibits proselytizing by non-Muslims. It restricts the wearing of the hijab in government offices and it discourages women from wearing it on public streets and at certain public gatherings.

 

No statutory prohibitions against conversion from Islam to another faith exist, and the Government does not require registration of conversion; however, government officials occasionally discriminate against converts from Islam to another religion, using bureaucratic means to discourage conversion.

 

The Government controls and subsidizes mosques and pays the salaries of imams (clerics). The president appoints the Grand Mufti of the Republic. The 1988 Law on Mosques provides that only personnel appointed by the Government may lead activities in mosques and stipulates that mosques must remain closed except during prayer times and authorized religious ceremonies, such as marriages or funerals. However, several historically significant mosques are partially open to tourists and other visitors for a few hours per day, several days a week. New mosques may be built in accordance with national urban planning regulations; however, upon completion, they become the property of the Government. The Government also partially subsidizes the Jewish community.

 

The following Islamic holidays are considered national holidays: Eid el-Kebir, the Islamic New Year, the birth of the Prophet Muhammad, and Eid Es-Sighir.

 

The Government recognizes all Christian and Jewish religious organizations that were established before independence in 1956. Although the Government permits Christian churches to operate freely, it has recognized formally only the Catholic Church, via a 1964 concordat with the Holy See. In addition to authorizing fourteen churches « serving all sects » of the country, the Government recognizes land grants signed by the Bey of Tunis in the eighteenth and nineteenth centuries that allow other churches to operate. By the end of the reporting period the Government had not acted on a request for registration of a Jewish religious organization in Djerba; however, the group continued to operate and perform religious activities and charitable work unobstructed.

 

The Government allows the Jewish community freedom of worship and pays the salary of the Grand Rabbi. It also provides security for all synagogues and partially subsidizes restoration and maintenance costs for some. In 1999 the president of the Provisional Committee of the Jewish community and his board of governors submitted registration papers to the Ministry of Interior for permanent registration as the Association of the Jewish Community of Tunisia. Although the Government has not registered the association by the end of the reporting period, the president and board of governors continued to meet weekly. During the reporting period, the Government permitted the association to operate and perform religious activities and charity work unhindered. According to the law, an NGO that has filed an application to register may operate freely while the Government processes its application. If the Government does not reject the application within ninety days, the NGO is automatically registered.

 

The Government permits the Jewish community to operate private religious schools and allows Jewish children on the island of Djerba to split their academic day between secular public schools and private religious schools. The Government also encourages Jewish emigres and other Jewish pilgrims to return for the annual Jewish pilgrimage to the historic El-Ghriba Synagogue on Djerba. There also was a small private Jewish school in Tunis.

 

The Government promoted interfaith understanding by sponsoring regular conferences and seminars on religious tolerance and facilitating and promoting the annual Jewish pilgrimage to the El-Ghriba Synagogue in Djerba, celebrated on the Jewish holiday of Lag B’Omar. In October 2005, the religious affairs minister gave a lecture at ruling Democratic Constitutional Rally party headquarters on « Tunisia’s efforts in support for the dialogue between religions. » In January 2006, the country hosted an international conference on « Human Civilizations and Cultures: from Dialogue to Alliance, » organized by the Arab League Educational, Cultural, and Scientific Organization, which included discussions on religious tolerance. In April 2006, the Ministry of Religious Affairs introduced a university program on intercivilizational dialogue between all major world religious groups.

 

In September 2005, the minister of foreign affairs participated in a conference promoting Islamic-Jewish dialogue with the World Jewish Congress and the European Jewish Congress. In February, the European Jewish Congress voted to make the country a member of its organization. The European Jewish Congress is affiliated with the World Jewish Congress and is made up of leaders of forty-one European and North African communities.

 

In 2005, the Government announced it would help clean up the rundown Jewish cemetery of Tunis, a former Hebraic school would be restored and made into an arts training center for the handicapped, and that travel restrictions on Israelis would be eliminated. In the past, passport restrictions, as well as concerns about possible retribution, discouraged Israelis from visiting, despite the fact that the Government has encouraged foreign Jewish visitors to participate in the Ghriba pilgrimage. The number of Jewish pilgrims to Ghriba in May represented a dramatic increase over previous years; in 2006 estimates ranged between three thousand and four thousand. According to local Jewish leaders, approximately 500 of these pilgrims were Israeli citizens traveling under the recently relaxed travel policies.

 

Restrictions on Religious Freedom

 

The Government regards the Baha’i Faith as a heretical sect of Islam and permits its adherents to practice their faith only in private. The Government permits Baha’is to hold meetings of their national council in private homes, and three Local Spiritual Assemblies, the local governing body, have been elected since 2004. Baha’is presence in the country dates back a century and their number was estimated at 200.

 

The Government does not permit the establishment of political parties on the basis of religion, and it refused to register the Islamist party An-Nahdha. In the past, it prosecuted suspected party members on these grounds. The Government maintained tight surveillance over Islamists. The Government refused to issue passports to a number of alleged Islamists. The Government maintained that only the courts possess the power to revoke passports; however, reports indicated that it rarely observed this separation of powers in politically sensitive cases.

 

Notwithstanding the reopening of the church in Djerba mentioned above, the Government did not permit other Christian groups to establish new churches, and proselytizing by non-Muslims was viewed as disturbing the public order, and thus illegal. Foreign Christian missionary organizations and groups were present, but were not permitted to proselytize. Whereas authorities previously deported non-Muslim foreigners suspected of proselytizing and did not permit them to return, more recent reports indicated that the Government preferred to deny suspected missionaries visa renewal or to pressure their employers not to extend their contracts. However, during the reporting period there were no reported cases of official action against persons suspected of proselytizing.

 

While there are no legal restrictions against conversion from Islam to other religions, some local officials occasionally harassed converts to discourage conversion. There were reports of Christian citizens being detained by police and government security officials and questioned about their conversion to Christianity. There was one report that a Christian citizen was told by a local security official that it was illegal to be a Christian, and threatened with imprisonment. There were reports that on occasion when seeking renewal of passports, the process was inexplicably delayed for some Christians, although passports were subsequently issued.

 

Both religious and secular NGOs are governed by the same legal and administrative regulations that impose some restrictions on freedom of assembly. For example, all NGOs are required to notify the Government of meetings to be held in public spaces at least three days in advance and to submit lists of all meeting participants to the Ministry of Interior.

 

Religious groups are subjected to the same restrictions on freedom of speech and the press as secular groups. In January, the president signed a law lifting « dépôt légal, » which had been a requirement that the Government approve all locally-produced printed material prior to publication or distribution. For publications printed abroad, distributors must deposit copies with the chief prosecutor and other ministries prior to their public release. Although Christian groups reported that they were able to distribute previously approved religious publications in European languages without difficulty, they said the Government generally did not grant permission to publish and distribute Arabic-language Christian texts. Moreover, the Government allowed only established churches to distribute religious publications to parishioners. It considered other groups’ distribution of religious documents to be a « threat to public order, » and thus illegal.

 

The Government restricts the wearing of the hijab in government offices, and there were reports of police requiring women to remove their hijabs in offices, on the street, at universities, and at some public gatherings; however, it was nonetheless common to see women wearing the hijab in a variety of public settings. The Government characterized the hijab as a « garment of foreign origin having a partisan connotation » and restricted its use in public institutions to « observe impartiality required of officials in their professional relations with others. » There also were frequent reports that police sometimes harassed or detained men with beards whom the Government suspected because of their « Islamic » appearance.

 

According to human rights lawyers, the Government regularly questioned some Muslims who were observed praying frequently in mosques. The authorities instructed imams to espouse government social and economic programs during prayer times in mosques. In December, 2005 the religious affairs minister told members of the Chamber of Advisors that mosques were open only for prayers and that those who used mosques to « spread ideologies » would be prosecuted.

 

Islamic religious education is mandatory in public schools, but the religious curriculum for secondary school students also includes the history of Judaism and Christianity. The Zeitouna Qur’anic School is part of the Government’s national university system, which is otherwise secular.

 

Customary law based on Shari’a forbids Muslim women from marrying outside their religion although marriages of Muslim women to non-Muslim men performed abroad are generally recognized by the Government. However, on occasion the Government did not recognize such marriages as legal, forcing the couple to seek a court ruling. While judges generally ruled that marriages performed abroad were legal, on rare occasions judges declared them void in the country. The Government does not permit the marriage of Muslim women to non-Muslim men inside the country; however, if a man converts to Islam, he may marry a Muslim woman. Muslim men and non-Muslim women who are married cannot inherit from each other, and children from those marriages, all of whom the Government considers to be Muslim, cannot inherit from their mothers.

 

Civil law is codified; however, judges were known to override codified family or inheritance laws if their interpretation of Shari’a contradicted it. For example, codified laws provided women with custody over their minor children; however, when a case was contested by the father, judges generally refused to grant women permission to leave the country with their children, holding that Shari’a appoints the father as the head of the family, and he must grant permission for the children to travel.

 

Generally, Shari’a-based interpretation of civil law was applied only in some family cases. Some families avoid the strictures of Shari’a on inheritance by executing sales contracts between parents and children to ensure that sons and daughters receive equal shares of property.

 

The Government assisted in cleaning up the rundown Jewish cemetery in Tunis; government employees were responsible for lawn upkeep of the cemetery, although the Jewish community had responsibility for the restoration of tombs and monuments and large structural rehabilitation.

 

Abuses of Religious Freedom

 

In 2006, credible sources estimated that approximately 200 persons were serving prison sentences because of their suspected membership in the illegal Islamist political party An-Nahdha or for their alleged Islamist sympathies; however, there were no reports of cases in which the Government arrested or detained persons based solely on their religious beliefs.

 

Forced Religious Conversion

 

There were no reports of forced religious conversion, including of minor U.S. citizens who had been abducted or illegally removed from the United States, or of the refusal to allow such citizens to be returned to the United States.

 

Anti-Semitism

 

Privately owned newspapers on occasion published cartoons and articles critical of Israel. Some cartoons used derogatory caricatures of Jews to portray the state of Israel and Israeli interests. These cartoons were all drawn by cartoonists outside of the country and reprinted locally.

 

According to press reports and eyewitnesses, approximately one hundred students shouted anti-Israel and anti-Semitic slogans during a demonstration in March 2006 at Manouba University near Tunis at a ceremony marking the donation of books from the library of the late Jewish Tunisian historian Paul Sebag. After the incident, the Manouba Student Union, mainstream citizen journalists, and the Tunisian Human Rights League strongly denounced the demonstration’s anti-Jewish character.

 

Section III. Societal Abuses and Discrimination

 

The generally amicable relationship among religious groups in society contributed to religious freedom.

 

The public university system established a department of comparative religion designed to promote broader understanding of diverse religions.

 

Although legal, there was great societal pressure against Muslim conversion to other religions. Muslims who converted faced social ostracism. There was one report of expulsion of a convert from home and beating by family members.

 

Despite a history of social pressure by middle and upper class secularists to discourage women from wearing the hijab, anecdotal evidence suggested that, for a variety of social and religious reasons, the number of young middle class urban women choosing to wear the hijab continued to rise during the reporting period.

 

Section IV. U.S. Government Policy

 

The U.S. government discusses religious freedom issues with the Government as part of its overall policy to promote human rights.

 

The U.S. Embassy maintains good relations with leaders of majority and minority religious groups throughout the country, and the ambassador and other eEmbassy officials met regularly with government officials and Muslim, Christian, and Jewish religious leaders throughout the reporting period. The embassy fostered regular exchanges that included components designed to highlight U.S. traditions of religious tolerance and pluralism and disseminated the publication « Muslim Life in America. »

 

Released on September 15, 2006

 

(Source: le site du Département d’Etat US)

Lien : http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2006/71433.htm

 


 

Illustration et apologie de la dictature tunisienne

 

mercredi 20 septembre 2006, par Alain Gresh   Sondage
Un sondage réalisé entre le 14 et le 16 septembre par le Palestinian Center for Policy and Survey Research in the West Bank and the Gaza Strip, publié dans la presse, mais qui n’est pas encore en ligne sur le site donne les résultats suivants. 54% des personnes se déclarent insatisfaites du bilan du gouvernment du Hamas, une insatisfaction qui culmine à 69% sur les questions économiques.   Pourtant, en dépit de ce mécontentement, le rapport de force entre les différentes factions a peu évolué en trois mois : les intentions de vote en faveur du Hamas sont passés de 38% à 39%, tandis que celles pour le Fatah sont passées de 39% à 41%. Le point culminant de la popularité du Hamas avait été atteint en mars 2006, avec 47% d’intentions de vote. D’autre part, une majorité des deux tiers (66%) estime que le Hamas ne devrait pas accepter les conditions posées par les bailleurs de fonds pour reprendre leur aide.   Un conseiller de Sarkozy persiste et signe  Les déclarations de Nicolas Sarkozy aux Etats-Unis (lire mon blog continuent de susciter quelques remous. Le quotidien Libération du 18 septembre, publie un article intitulé « Jacques Chirac juge « lamentable » l’atlantisme de Sarkozy ».   Dans la même livraison, Pierre Lellouche, conseiller politique de Nicolas Sarkozy persiste et signe. Dans un texte intitulé « L’antiaméricanisme, religion des imbéciles », il écrit : « La dictature du politiquement correct à la française est telle que dire que nous sommes les amis et les alliés des Etats-Unis, que l’on peut pis ! être l’ami d’Israël, serait devenu une sorte de « faute » politique. Celui qui s’en rend coupable serait, en effet, au mieux un inconscient, au pire un supplétif de l’impérialisme américain, mais de toute façon condamné par l’électorat national. Comme Nicolas Sarkozy, je suis convaincu que le refrain de la haine antiaméricaine, ce mauvais nationalisme des imbéciles, n’est que l’apanage d’une certaine élite, au demeurant en perte de vitesse, à gauche comme à droite. » (…)   « Et puis il y a notre intérêt national, en ce début de XXIe siècle particulièrement chaotique et dangereux. Globalisation de la menace terroriste de l’islam radical, qui frappe à New York, Washington, Londres, Madrid et peut, à tout moment, frapper Paris, comme l’a menacé ces derniers jours Ayman al-Zawahiri, le numéro 2 d’Al-Qaeda. Prolifération des armes nucléaires à portée des villes européennes, désintégration d’un certain nombre de pays à la périphérie de l’Europe, multiplication des conflits au Proche-Orient, tous ces sujets exigent plus que jamais l’union des grandes démocraties, que les décisions soient prises en commun, que les stratégies soient communes en matière de renseignement, de lutte antiterroriste, mais aussi de développement et de promotion de la démocratie. »   Et Pierre Lellouche de conclure : « La crise de 2003 a été grave, car émotionnelle, la plus grave sans doute depuis 1966, comme l’a très justement analysé Nicolas Sarkozy. Et, oui, il est temps de tourner la page, de refonder une alliance entre égaux, en confiance, c’est-à-dire sans récriminations inutiles. Il est dans l’intérêt de la France de bâtir une Europe forte dans une alliance équilibrée avec les Etats-Unis. »   Une insulte à la mémoire de Maxime Rodinson. Dans Le Figaro du 19 septembre, Robert Redeker signe une tribune intitulée, « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? ». Ce texte suinte la haine et l’islamophobie, mais ce qui est particulièrement inacceptable c’est la tentative d’enrôler le grand orientaliste français Maxime Rodinson sous sa bannière. Utilisant des bouts de citations tirées de l’article écrit par Rodinson dans l’Encyclopédie Universalis sur Mahomet, Redeker prétend réusmer ainsi la vision développée par Rodinson : « Exaltation de la violence : chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran. » Quiconque connaît un peu l’oeuvre de Rodinson, sait à quel point ce résumé ne reflète absolument pas sa pensée. Rodinson, juif et agnostique, a écrit un livre sur le prophète de l’islam, Mahomet (Points, Le Seuil), dans lequel il tente d’expliquer l’action de Mahomet à travers une grille d’analyse matérialiste. Cet ouvrage, souvent censuré dans le monde musulman, n’en présente pas moins une vision respectueuse de l’homme que fut Mahomet, de son action. Rien à voir avec les raccourcis haineux de Robert Redeker…   Illustration et apologie de la dictature tunisienne.   Le régime tunisien dispose, depuis de longues années, de nombreux thuriféraires en France. Le premier est sans aucun doute le président de la République Jacques Chirac – ainsi déclarait-il au cours de sa visite officielle en Tunisie, début décembre 2003 que « le premier des droits de l’homme c’est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat, ajoutant que de ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays » (Lire la réaction de la Ligue des droits de l’homme à ces propos). Jacques Chirac n’a pas le monopole de cette complaisance et des responsables politiques, de gauche comme de droite, n’hésitent pas à chanter les louanges du régime de Zine Abidin Ben Ali.   C’est le cas aussi de certains « intellectuels », comme le prouve un des derniers ouvrages d’Antoine Sfeir, intitulé Tunisie, terre des paradoxes, qui vient de paraître aux éditions de l’Archipel. Le degré de flagornerie à l’égard du chef de l’Etat tunisien y est assez exceptionnel. Ben Ali est ainsi décrit comme réunissant « en sa personne toutes ces compétences. D’une part, elles lui permettent de se montrer plus efficaces, et les résultats obtenus plaident en sa faveur ; d’autre part, la réunion de ces compétences en un seul homme évite de les voir entrer en conflit. » (p. 213)   Le régime est-il policier ? Citant un rapport du département d’Etat, l’auteur affirme que la Tunisie compterait entre 450 et 1000 prisonniers, dont très peu ont été condamnés pour des actes de violence. « On peut le déplorer, certes », précise-t-il. « Mais que penser du Patriot Act ? Faudrait-il accepter que les Etats-Unis se protègent contre l’islamisme et non la Tunisie, où le danger est pourtant bien plus réel et pressant : tentatives de coup d’Etat, assassinats, attentats – dont celui de la synagogue de Djerba – et volonté affichée de renverser le régime pour y instaurer, par la force et la terreur, un Etat dépourvu de toute liberte ? » Etrange raisonnement, puisque l’auteur lui-même affirme que les prisonniers ne sont pas inculpés pour des actes de violence… D’autre part, qui approuve le Patriot Act ? (lire p. 13)   « Autre accusation, poursuit Sfeir : le régime tunisien est un régime policier. Actuellement, il ne l’est pas plus que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, ou même la France » Il suffit de lire n’importe quel rapport d’Amnesty International, de Human Rights Watch, ou de savoir que, depuis l’arrivée de Ben Ali au pouvoir le nombre de policiers a quadruplé, pour mesurer le sérieux de cette affirmation.   L’auteur célèbre la tenue du sommet mondial sur la société de l’information, dont la seconde partie a eu lieu en novembre 2005. « Le succès de ce Sommet de Tunis, organisé de façon irréprochable, et qui a rassemblé plus de 21 000 participants (…) a été reconnu par tous. » (p. 217). Par tous ? Dans un communiqué distribué à la presse, la délégation américaine s’est déclarée « déçue de voir que le gouvernement tunisien n’a pas tiré profit de cette importante manifestation pour démontrer son engagement en faveur de la liberté d’expression et d’association en Tunisie ». Le président de l’association Reporters sans frontières, Robert Ménard, a été refoulé par les autorités tunisiennes alors qu’il souhaitait assister au sommet. Ceux qui veulent vraiment savoir quelle est la situation de l’information dans un pays où naviguer sur l’Internet peut conduire en prison, peuvent lire un rapport de diverses organisations des droits humains sur la Tunisie et l’information.   En conclusion de son livre, Sfeir aligne une série de déclarations de responsables internationaux saluant le régime de Ben Ali, qui s’ouvre sur le président de l’Union des écrivains russes qui « adhère (…) à la politique d’ouverture et de dialogue initiée » (p. 226) par Ben Ali. « Une question, écrit Sfeir, pourquoi toutes ces déclarations positives pour la Tunisie de Ben Ali ? » Effectivement, on peut s’interroger sur les raisons qui poussent Chirac, le roi Juan Carlos, le ministre allemand de l’intérieur ou le président Bouteflika à faire l’éloge d’un tel régime. Cela demanderait effectivement une étude sérieuse, comme celle de savoir pourquoi certains intellectuels et journalistes se font les défenseurs de Ben Ali…   Blog Nouvelles d’Orient http://blog.mondediplo.net/-Nouvelles-d-Orient-     Alain Gresh Le Monde diplomatique 3, avenue Stephen Pichon, 75013 Paris Tél. : 01 53 94 96 08 Alain.Gresh@Monde-diplomatique.fr

 


 

 Etonnant Maroc

MAROC – 17 septembre 2006 –
par PAR KHEMAÏS CHAMMARI TEXTE RECUEILLI PAR RIDHA KÉFI Figure de la gauche tunisienne, Khemaïs Chammari a récemment effectué plusieurs séjours dans le royaume chérifien. Il a découvert un pays qui bouge. Militant de gauche depuis le début des années 1960, cofondateur du Groupe d’études et d’action socialiste (Geast), plus connu sous le nom de Perspectives tunisiennes (1963-1968), et leader du mouvement estudiantin (1961-1967), Khemaïs Chammari a fait plusieurs séjours en prison sous Bourguiba et sous Ben Ali. Ancien vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), il a été élu député en 1994 sous les couleurs du Mouvement des démocrates socialistes (MDS, opposition). Arrêté en mai 1996 dans le cadre de l’« affaire Moada », il a été condamné à cinq ans de prison et déchu de son mandat de député. Libéré le 30 décembre de la même année, il s’est exilé en France de 1997 à 2003. En 1997, il a obtenu le Prix international des droits de l’homme de la ville de Nuremberg (Allemagne). Il est aujourd’hui consultant auprès de nombreuses institutions internationales (Nations unies, Union européenne, Pnud, FIDH). Ses deux domaines d’expertise sont le développement et les droits de l’homme. C’est à ce titre qu’il a effectué six séjours au Maroc en 2005 et 2006. Il nous livre, ici, ses impressions sur un pays qui bouge. Et étonne. Je connaissais le Maroc à travers l’idée que je m’en faisais du temps où j’étais jeune militant de gauche, et, par la suite, à travers les Comités de lutte contre la répression au Maroc, très actifs en Europe dans les années 1970-1980, et les relations avec la gauche marocaine, particulièrement l’USFP (Union socialiste des forces populaires). Son local, rue Serpente, à Paris, était, dans les années 1960, le port d’attache des militants de gauche tunisiens qui formeront le groupe Perspectives. C’est donc à travers les amitiés que j’avais nouées avec les militants marocains, ainsi que les luttes que nous avions menées ensemble à l’Aemna (Association des étudiants musulmans nord-africains), que je voyais le Maroc. Pour le jeune républicain que j’étais, le régime monarchique était une incarnation de la féodalité. J’avais gardé cette vision lorsque j’ai visité ce pays pour la première fois au milieu des années 1990. Au cours des deux dernières années, j’y ai effectué plusieurs séjours. Ce fut une découverte. Car beaucoup de choses ont changé entre-temps. En bien, s’entend. Des avancées dans le domaine des droits de l’homme. En 1991-1992, j’ai lu le premier document du Conseil consultatif marocain des droits de l’homme (CCDH). J’étais ahuri par la tonalité du texte, écrit dans la pure tradition makhzénienne. En quelques années, cette institution a cependant évolué vers une plus grande autonomie. Il suffit de voir la qualité des débats en son sein ou encore les mécanismes d’autosaisine qu’elle a développés pour s’en rendre compte. Surtout en comparaison avec des institutions similaires dans la région, comme en Tunisie le Comité supérieur des droits de l’homme. Cela dit, le CCDH a encore du chemin à faire. Par exemple, au lendemain des attentats de Casablanca, en 2003, la riposte du gouvernement a été vigoureusement sécuritaire. Elle a été marquée par les dérapages que l’on sait. Et la réaction du CCDH a été en deçà de ce qu’il aurait fallu qu’elle soit. Je voudrais cependant revenir au premier constat qui m’a frappé. Comparé aux pays de la région, notamment la Tunisie, le Maroc souffre d’une fracture sociale très préoccupante. Il y a une petite minorité très riche et une grande majorité pauvre, parfois très pauvre, et, entre les deux, une classe moyenne qui ne se développe pas au même rythme. Le terreau de l’islamisme radical. Dans ce contexte marqué par une importante fracture sociale, les programmes de lutte contre la précarité revêtent un caractère d’urgence. La marge de manœuvre du régime reste cependant très limitée. Les intérêts des privilégiés du système étant très importants, notamment dans les domaines foncier et fiscal. Troisième phénomène inquiétant : la corruption. Au Maroc, on en parle. L’Association de lutte contre la corruption, section locale de Transparency International, mène des campagnes de sensibilisation. Les journaux traitent le sujet et le gouvernement est interpellé à son propos au Parlement. Ces trois éléments conjugués sont un ferment pour le développement des extrémismes, paradoxalement moins perceptibles en milieux rural que dans les bidonvilles de Casablanca. Sans œillères ni tabous. La situation générale dans le pays est donc fragile et instable. Mais le processus de libéralisation politique mis en route depuis quinze ans est un élément positif à mettre au crédit du régime. Comparée à ce qui prévaut ailleurs au Maghreb et dans le monde arabe, cette évolution est remarquable. Certains articles publiés dans les journaux marocains vaudraient à leurs auteurs, dans des pays voisins, le harcèlement judiciaire, voire la prison. Un militant tunisien est d’abord frappé par l’existence sur tous les sujets d’un débat contradictoire, qui n’est pas, comme dans d’autres pays, l’apanage de l’élite, puisqu’il est largement relayé par les médias. Pour illustrer mon propos, je prendrai trois exemples. Le premier concerne la Moudawana. Malgré ses limites (la polygamie n’a pas été formellement supprimée ni l’autorité exclusive de l’homme comme chef de famille), cette nouvelle loi, adoptée au printemps 2003, constitue une avancée indéniable, surtout qu’elle a été promulguée à un moment où le mouvement islamiste était très présent et l’a montré au cours d’une grande manifestation à Casablanca, en 2002, contre cette réforme. La Moudawana a fait l’objet d’un débat auquel toutes les composantes de la société ont participé. Ce qui a contraint le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) à la voter. Je dis cela en pensant au CSP (Code du statut personnel) tunisien, adopté il y a cinquante ans. Sa promulgation et ses améliorations successives n’ont jamais donné lieu à un débat aussi large. On remarquera, à ce propos, que la récente campagne de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) pour l’égalité successorale a été en grande partie ignorée par les médias. Deux autres documents sont eux aussi significatifs de la vigueur du débat au Maroc. Le premier est un rapport réalisé par une cinquantaine de chercheurs de toutes obédiences, avec le concours de la Fondation Friedrich-Ebert : « Le Maroc : scénario 2025. » Fait remarquable : les quatre rapporteurs sont des femmes. Le second, rapport du cinquantenaire intitulé « Le Maroc possible », a été élaboré par un collectif d’experts dirigé par Abdelaziz Meziane Belfkih, conseiller du roi, mais sans complaisance à l’égard du régime, soulignant les carences et les faiblesses du développement au cours des dernières décennies. Je rêve qu’un chantier mettant côte à côte des gens d’obédiences diverses soit envisageable un jour en Tunisie, en Algérie ou en Libye, où existe parfois un mur d’incompréhension entre le régime et la société civile. Un autre sujet fait débat aujourd’hui au Maroc : l’Initiative nationale de développement humain (INDH), l’équivalent du Fonds national de solidarité (FNS) tunisien. Lancée par le roi en mai 2005, l’INDH est un instrument de lutte contre la pauvreté. La société civile ne se soucie pas seulement de la transparence des opérations. Elle veille à ce qu’elle ne devienne pas un simple instrument de récupération politique. En Tunisie, le FNS reste une initiative régalienne. Grande vitalité des médias. Le Tunisien qui débarque au Maroc est frappé par la vitalité des médias et, surtout, de la presse écrite. Des tensions épisodiques persistent certes entre le pouvoir et certains journaux. Il n’en demeure pas moins que le lecteur marocain a l’embarras du choix devant la richesse de l’offre éditoriale. Les deux ou trois meilleurs journaux du continent paraissent aujourd’hui au Maroc. Ils conjuguent métier, compétence et audace, en abordant les sujets tabous, et pas seulement politiques. J’ai lu, durant mes séjours au royaume, des enquêtes sur des thèmes aussi délicats que la fortune du roi, la pédophilie, mais aussi des témoignages des protagonistes des attentats de Casablanca en 2003 et les confessions d’un ancien tortionnaire. Cela me fait penser, non sans quelque nostalgie, à l’amorce d’un âge d’or de la presse tunisienne dans les années 1980, avec des journaux comme Erraï, Le Phare, Démocratie, Le Maghreb, El-Mustaqbal, Le Mensuel, 15-21, et j’en oublie. Parallèlement, le Maroc a connu, au cours des douze dernières années, une dynamique associative qui n’existe pas dans les autres pays de la région. Ainsi, pour 30 millions d’habitants, le pays compte au minimum 70 000 associations, dont plus de la moitié sont indépendantes. Elles ont un large éventail d’activités allant des microcrédits à la préservation de l’environnement, l’entraide scolaire, la santé… Sans oublier les associations féminines et celles de défense des droits de l’homme. On organise au Maroc autant de festivals culturels qu’en Tunisie, à la seule différence que ces manifestations sont aux trois quarts le fait d’associations indépendantes du gouvernement. Je ne peux m’empêcher de faire une comparaison avec ce qui se passe dans mon pays où, sur les 9 000 associations enregistrées auprès des autorités, douze tout au plus échappent à l’emprise du gouvernement. Qu’il s’agisse de la solidarité avec la Palestine, d’aide aux victimes du tremblement de terre d’Al-Hoceima, de la lutte contre la peine de mort ou de la ratification du traité de Rome sur la Cour pénale internationale, le mouvement associatif marocain est le moteur de toutes ces actions. Qui sont, par ailleurs, largement médiatisées et trouvent un écho au Parlement. Équité et réconciliation. Ce sont aussi des associations qui ont joué un rôle pionnier sur des questions aussi sensibles que le processus « Vérité et Justice », la lutte contre l’impunité et la réparation des préjudices subis par les victimes de la répression depuis l’indépendance. C’est à l’initiative de l’OMDH, de l’AMDH, des Comités des familles des victimes, du Comité Justice pour les victimes de Tazmamart que le Forum pour la Vérité et la Justice a été créé en 1999, présidé à l’époque par Driss Benzekri (il a fait lui-même dix-sept ans de prison), qui prendra la tête de l’Instance Équité et Réconciliation. L’IER, mise en place le 7 janvier 2004, formée de dix-sept membres dont dix anciens prisonniers politiques, a été dotée de moyens non négligeables et d’un mandat large. Son travail a débouché sur 700 pages de recommandations qui portent sur les réparations individuelles, la recherche de la vérité, le travail de mémoire, les réformes pour que les atteintes ne se reproduisent plus et, enfin, les réparations collectives pour les régions les plus touchées par ces atteintes. C’est une première dans le monde arabe et musulman où l’impunité demeure la règle. Même s’il ne s’agit parfois que d’une catharsis collective, que les noms des tortionnaires ne sont pas cités publiquement, que les perspectives de poursuites judiciaires sont loin d’être évidentes, l’impact des audiences publiques a été considérable, d’autant que celles-ci ont été retransmises en direct à la radio et à la télévision. Transition démocratique et endiguement de l’islamisme. On ne peut parler du présent et de l’avenir du Maroc sans évoquer la place que pourraient y occuper les islamistes. La question islamiste est complètement éludée en Tunisie ou traitée exclusivement sous l’angle sécuritaire ou de la prévention sociale sous la tutelle de l’État. Au Maroc, dont la situation est potentiellement plus porteuse de menaces, elle est au cœur du débat politique. Mais le débat ne se déroule pas dans les coulisses. Il est public. Qu’il s’agisse de la nébuleuse qualifiée de salafiya jihadiya ou du bras de fer engagé entre le pouvoir et le vaste mouvement El-Adl wal-Ihsane (Justice et Bienfaisance) du cheikh Abdessalam Yassine, tout cela fait l’objet d’un débat dans les colonnes des journaux, au sein des partis et des associations. Dans ce débat, les islamistes ne se privent pas de faire entendre leur différence. Face à l’islamisme, l’élite marocaine essaie de constituer un pôle progressiste, moderniste et séculariste. Car, pour faire face efficacement aux menaces de l’islamisme radical, rien ne peut remplacer la participation citoyenne, loin de toute tutelle étatique. L’enjeu principal des législatives de 2007 se résume dans la question suivante : quelle place pourrait occuper le PJD dans la configuration institutionnelle qui sortira de ces élections, dont on dit qu’elles se dérouleront dans la transparence ? Avec un PJD majoritaire, les risques d’une dérive vers la théocratie ne devraient pas être négligés, même si les partisans de ce parti aiment mettre en avant l’exemplarité, à leurs yeux, du modèle turc. En revanche, un PJD non majoritaire ne saurait empêcher une accélération de la transition démocratique dans un cadre moderniste et séculier. En somme – et par-delà les hypothèques de la question du Sahara occidental qui pèsent lourd dans les donnes intérieures maghrébines -, 2007 devrait être un moment de vérité pour la jeune démocratie marocaine.
 
(Source: « Jeune Afrique » du 17 septembre 2006)


 

 

 La poussée inquiétante des islamistes marocains

Thierry Oberlé .

 

Farouche opposant au régime, le guide spirituel Cheikh Yacine (ici devant son domicile à Salé en mai) connaît un grand succès dans les milieux populaires. Reuters

 

DANS LE SOUK de la médina, des marchands en djellaba à l’épaisse barbe noire tiennent depuis peu des magasins de souvenirs. Capitale d’un paisible royaume dédié au tourisme, Rabat n’échappe pas à la vague islamiste qui se propage à travers le monde arabo-musulman. Tournées vers l’Occident, les élites ont longtemps cru le pays immunisé grâce à son ouverture sur le monde et son islam prêchant la tolérance. Elles ont déchanté le 13 mai 2003 lorsque des kamikazes ont semé la mort dans les rues de Casablanca.

 

Phénomène marginal, la violence djihadiste est depuis trois ans cadenassée par les services de sécurité. Le démantèlement régulier de cellules soupçonnées de se préparer à l’action témoigne néanmoins de la persistance de la menace. Devenue une sorte de feuilleton, la traque aux terroristes masque un phénomène plus profond, celui de l’islamisation rampante de la société.

 

Confiné par le passé à la mosquée, l’endoctrinement emprunte aujourd’hui des voies cathodiques. Avec la parabole, la télévision devient le principal vecteur de prosélytisme. L’une des chaînes les plus regardées au Maroc est Iqra qui signifie «Lis !», le premier mot du Coran. Iqra diffuse les prêches de l’Égyptien Amr Khaled et d’autres prédicateurs à la mode. Financée par des capitaux saoudiens, d’obédience wahhabite, elle s’est distinguée par des dérapages antisémites. Iqra dépasse en audience al-Jezira et ses émissions religieuses animées par des frères musulmans. Pour tenter de contrecarrer son influence, les autorités marocaines ont lancé leur propre chaîne thématique, Mohammed VI du Saint Coran.

 

Discours anti-occidental

 

Toutes les études sociologiques réalisées récemment convergent pour constater la poussée du conservatisme et de la pratique religieuse chez les jeunes. Dans le même temps se développe un discours antiaméricain et anti-occidental. Dans les universités, l’Union nationale des étudiants du Maroc fait la loi et impose son ordre moral. «Dans mon cours, je comptais il y a une quinzaine d’années le nombre de jeunes filles portant le foulard, cette année, j’en suis à dénombrer sur les doigts d’une main les filles à la tête nue», note un professeur de sciences politiques de Casablanca.

 

Beaucoup d’étudiants se définissent d’abord comme musulmans. «On s’approprie le religieux, car il est un moyen de faire irruption dans un champ politique monopolisé par des gens qui ne représentent qu’une partie de la population», analyse le politologue Mohamed Darif. «Paradoxalement, les islamistes sont les bénéficiaires des attaques du 16 mai 2003, puisque les attentats ont conduit la monarchie à prendre conscience de l’importance du phénomène islamiste», ajoute-t-il. «Il y a une volonté de les intégrer dans le jeu. La monarchie table sur eux pour faire face aux extrémistes».

 

Selon un sondage réalisé pour le compte de l’IRI, un institut lié au parti républicain américain, les élections législatives de septembre 2007 qui s’annoncent libres et transparentes devraient se solder par un raz-de-marée islamiste. En prévision d’une percée «verte», le roi, qui est aussi l’Amir al-Mouminine (le commandeur des croyants), multiplie les signes démontrant la compatibilité entre monarchisme et islamisme. Il n’a ainsi pas hésité samedi à rappeler son ambassadeur au Vatican avant d’écrire une lettre de protestation au Pape.

 

Une stratégie d’endiguement

 

Deux figures émergent de la mouvance islamiste incarnée par du Parti de la justice et du développement (PJD). Lisse comme un galet, Saad-Eddine el-Othmani, le secrétaire général du PJD, se veut un homme de consensus. Psychiatre de formation, ce Berbère originaire de la région d’Agadir, a longtemps prodigué des conseils psychologiques aux lecteurs du journal de son Parti al-Tajdid, un organe de presse qui a décrit le tsunami de décembre 2004 comme une «punition divine» contre le tourisme sexuel et un «avertissement» au Maroc. Cofondateur du parti, Abdelilah Benkirane joue sur un registre plus populiste. En flèche dans la dénonciation du Pape, il affirme pourtant au Figaro ne pas croire au «choc des civilisations» et fait profil bas. «Notre objectif n’est pas de porter préjudice au palais royal mais de s’entendre avec lui. Le roi a tous les pouvoirs et, si nous voulons réussir, nous devons travailler avec lui». Et si le PJD devient le premier parti à l’issue des élections législatives de septembre de 2007 ? «On est prêt à entrer au gouvernement, mais c’est au roi de décider».

 

Les contestataires, représentés par le cheikh Abdelssalam Yacine, le guide spirituel d’al-Adl Wal Ihsân (Justice et Bienfaisance), sont en embuscade. Vieux rebelle mystique, Yacine, 78 ans, est sorti de l’anonymat en adressant en 1974 une épître à Hassan II. Le cheikh se présentait au roi comme le véritable commandeur des croyants et lui expliquait qu’il était un usurpateur. Hassan II répliqua en enfermant pendant trois ans et demi le provocateur dans un hôpital psychiatrique. Placé en résidence surveillée, le cheikh est libre de ses mouvements depuis l’avénement de Mohammed VI.

 

Figure emblématique, le guide de Justice et Bienfaisance est soutenu par des dizaines de milliers de disciples prêts à descendre dans la rue au moindre claquement de doigt. Sa fille Nadia est le porte-parole d’un mouvement sectaire fortement implanté dans les milieux populaires. Vindicative, tenant des propos souvent décousus, la pourfendeuse du Makhzen – l’establishment royal qui tient les rênes du pays – est poursuivie par la justice pour avoir réclamé l’instauration d’une République. «Le mouvement de Yacine est ambigu dans son rapport avec la violence. Il est tenté par des affrontements, mais de là à imaginer une volonté de conquête par la violence il a un fossé difficile à franchir», affirme Malika Zeghal (1).

 

Engagé dans une complexe stratégie d’endiguement, le pouvoir manie la carotte et le bâton, tout en cherchant à fragmenter cette mouvance. La méthode s’est révélée pour l’instant payante. Mais la machinerie royale destinée à assimiler les islamistes plutôt qu’à la réprimer peut sous la pression des événements s’enrayer.

 

(1)     Les Islamistes marocains, Malika Zeghal, éditions La Découverte.

 

(Source : « Le Figaro » du 19 septembre 2006)

Lien : http://www.lefigaro.fr/international/20060919.FIG000000113_la_poussee_inquietante_des_islamistes_marocains.html


 

Le pape et l’islam: le vrai débat

Tariq Ramadan

 

Tariq Ramadan souhaiterait davantage de sérieux de la part de ceux qui commentent les propos du pape. Il explique quant à lui comment il les comprend et leur donne la réplique. 

  

 Il aura fallu quelques phrases du pape Benoît XVI pour déclencher une série de réactions d’une intensité surprenante. A travers le monde musulman, des leaders religieux, des présidents, des politiciens, des intellectuels ont accompagné de leur verbe les mouvements de foules qui protestaient face à «l’insulte». La plupart n’avaient pas lu le texte, beaucoup se suffisaient d’un compte rendu très approximatif qui stipulait que le pape avait associé l’islam à la violence, mais tous dénonçaient «l’inadmissible injure».

 

Quel que soit le jugement des savants ou des intellectuels sur les propos du pape, on eût aimé que ceux-ci s’en tiennent à une attitude raisonnable quant à l’exposition de leurs critiques et ce pour deux raisons. On sait que certains gouvernements instrumentalisent ce type de crise pour laisser s’exprimer les frustrations populaires. Quand on a privé le peuple de ses droits fondamentaux et de sa liberté d’expression, il ne coûte rien de laisser ce dernier exprimer sa colère contre les caricatures danoises ou les propos du pontife. Dans les faits, on assiste à des mouvements populaires de protestation dont la caractéristique première est un débordement émotionnel absolument incontrôlé. Ces masses en ébullition donnent l’impression qu’on ne débat pas chez les musulmans et que le verbe agressif et la violence sont davantage la règle que l’exception. Il est de la responsabilité des intellectuels musulmans de ne pas jouer à ce jeu dangereux et tout à fait contre-productif.

 

D’aucuns ont réclamé des excuses personnelles car le pape aurait offensé les musulmans. Ce dernier s’est dit désolé mais la polémique n’a pas cessé pour autant. On peut s’étonner certes de cette obscure citation du XIVe siècle attribuée à l’empereur Manuel II Paléologue et qui critique «l’œuvre malfaisante» du Prophète de l’islam. On peut effectivement s’interroger sur le raccourci de la réflexion sur la relation de l’islam et de la violence. On peut être surpris de cette référence au savant zahirite Ibn Hazm (respecté mais néanmoins marginal) pour questionner la relation de l’islam avec la rationalité. Tout cela est elliptique, peu clair, trop rapide et un peu maladroit sans doute mais s’agit-il d’une insulte dont il faille s’excuser? Est-il sage, et juste, que les musulmans s’offusquent du contenu de cette citation – parce qu’elle aurait été choisie par le pape – et qu’ils fassent mine d’oublier que depuis cinq ans, ils sont quotidiennement questionnés sur le sens du «jihâd» et de l’usage de la violence. Le pape Benoît XVI est à l’image de son temps et il pose aux musulmans les questions de son temps: c’est avec de la clarté et de solides arguments qu’il faut répondre en commençant, par exemple, par refuser que l’on traduise «jihâd» par «guerre sainte». Exposer les principes de la résistance légitime et de l’éthique islamique en situation de conflit devrait être une priorité plutôt que d’encourager les peuples à protester violemment contre l’accusation d’être les fidèles d’une religion violente.

 

Ce qui est le plus troublant au cœur de cette crise c’est que les commentateurs en général, et les musulmans en particulier, semblent passer à côté du vrai débat qu’a engagé le pape Benoît XVI. Dans sa leçon académique, il expose une double thèse accompagnée de deux messages. Aux rationalistes laïques, qui voudraient débarrasser les Lumières de la référence chrétienne, il rappelle que cette dernière participe de l’identité européenne et qu’il leur sera impossible de dialoguer avec les autres religions s’ils nient le socle chrétien de leur identité (qu’ils soient croyants ou non). Puis, en parlant du lien entre la foi et la raison et en insistant sur la relation privilégiée de la tradition rationaliste grecque et de la religion chrétienne, le pape tente de définir l’identité européenne qui serait d’abord chrétienne par la foi et grecque par la raison philosophique. L’islam, qui ne connaîtrait pas cette relation à la raison, serait en somme étranger à l’identité européenne qui s’est construite à travers cet héritage. C’est au nom de cette compréhension que le cardinal Ratzinger avait exposé il y a quelques années son refus de l’intégration de la Turquie à l’Europe: la Turquie, musulmane, ne fut jamais et ne saurait être authentiquement de culture européenne. Elle est autre, elle est l’autre.

 

De façon bien plus essentielle que le propos sur le jihâd, ce sont ces messages qu’il faut entendre et auxquels il faut répondre. Le pape Benoît XVI est un brillant théologien qui cherche à poser les principes et le cadre du débat concernant l’identité passée, présente et future de l’Europe. Il s’agit d’un pape très européen qui appelle les peuples du continent à prendre conscience du caractère central et incontournable du christianisme s’ils tiennent à ne pas perdre leur identité. Ce message est peut-être légitime en ces temps de crise identitaire mais il est surtout troublant et potentiellement dangereux puisqu’il opère une double réduction dans l’approche historique et dans la définition de l’identité européenne.

 

C’est à cela que les musulmans doivent répondre, d’abord en contestant cette lecture de l’histoire de la pensée européenne où le rationalisme musulman n’aurait joué aucun rôle et où on réduirait la contribution arabo-musulmane à la seule traduction des grandes œuvres grecques et romaines. La mémoire sélective qui tend à «oublier» les apports décisifs de penseurs musulmans «rationalistes» tels que al-Farâbî (Xe) Avicenne (XIe), Averroès (XIIe), al-Ghazâlî (XIIe), Ash-Shatibî (XIIIe), Ibn Khaldun (XIVe), etc. reconstruit une Europe qui trompe et se trompe sur son passé. A la lumière de cette nécessaire réappropriation, les musulmans devraient montrer, raisonnablement et loin de toute réaction émotive, qu’ils partagent l’essence des valeurs sur lesquelles se fondent l’Europe et l’Occident et que leur tradition a contribué à leur émergence.

 

L’Europe ne saurait survivre, ni l’Occident, si l’on s’évertue à vouloir se définir exclusivement et à distance de l’autre – de l’islam ou du musulman – qui nous fait peur. Peut-être que ce dont l’Europe a le plus besoin aujourd’hui n’est point un dialogue avec les autres civilisations mais un vrai dialogue avec elle-même, avec les facettes d’elle-même qu’elle s’est trop longtemps refusée à voir et qui l’empêche encore de mettre en valeur la richesse des traditions religieuses et philosophiques qui la constituent. L’Europe doit se réconcilier avec la diversité de son passé afin de maîtriser le pluralisme impératif de son avenir. L’approche réductrice du pape n’aide pas à la réalisation de cette réappropriation: une approche critique ne devrait point attendre de lui des excuses mais simplement, raisonnablement, lui prouver qu’il se trompe historiquement, scientifiquement et, au fond, spirituellement. Ce serait également un moyen pour les musulmans d’aujourd’hui de se réconcilier avec l’édifiante créativité des penseurs musulmans européens du passé qui non seulement étaient intégrés mais qui ont profondément contribué, nourri et enrichi de leurs réflexions critiques l’Europe comme l’Occident. 

 

(Source : « Le Temps » (Suisse), le 20 septembre 2006)

Lien : http://www.letemps.ch/template/opinions.asp?page=6&article=189699


Return to the dark ages

By drawing on medieval poison about Islam, the Pope has boosted Muslim fears of a new crusade  

 
Soumaya Ghannoushi Tuesday September 19, 2006 The Guardian The Pope’s response to the anger his statements sparked in the Muslim world was more offensive than the statements themselves. He apologised not for what he said, but for Muslims’ failure to grasp the intended meaning. That the Pope should have quoted from a Byzantine text on Islam is hardly surprising. The line of continuity between Emanuel Paleologos’s conception of Islam – quoted in the papal speech – and Benedict’s has never been severed. The massive body of terms, images and narratives on Islam which the church inherited from the middle ages survives intact. There, Islam is depicted as a false creed propagated through violence and promiscuity, with Muhammad as scoundrel, magician, heresiarch, and precursor of the anti-Christ. Though Constantinople’s Latin enemies shed few tears over the loss of two-thirds of its territories to Muslims in the seventh century, they did much to ensure the survival of its literature on Islam. Between the 11th and 14th centuries, this was used by the church’s propaganda machine as it strove to arouse crusading fervour across Christendom. The Reformation further developed this literary corpus and ensured its transmission into modern Europe. In a 17th-century Christian text, Muslims are described in the most chilling of terms. They are « poison, scabies, venomous snakes … the dogs in the church ». Even if this metaphorical language has retreated in favour of the profane language of reason and subjectivity, its structural foundations remain. Islam is still perceived as the other, the embodiment of evil. Only in this context can we make full sense of the Pope’s statements, and indeed of much of what is said today on the subject of Islam. We must defend freedom of expression, but freedom of expression should not be used as a disguise for the incitement of hatred of other races and religions. It is ironic that the Pope, who stresses the unity of reason and faith, which he uses as proof of Christianity’s superiority over Islam, has inherited this formula from Ibn Rushd, or Averroes, the Andalusian Muslim philosopher. It was on the basis of this Rushdian equation that the medieval church could reconcile itself with Benedict’s beloved logos. The Pope speaks much of religious tolerance in his lecture. Unfortunately for him, the church’s historical treatment of its religious others has been marked by violence and aggression, against pagans, Jews, heretics and infidels alike. Not a day goes by without calls to reform Islam being raised-a mission which Pope Benedict XVI has declared impossible. Perhaps it is time to make the same demand of Catholicism and its infallible head. It certainly needs to introduce dramatic reforms to its terrifying conception of Islam, its prophet and followers. Rather than apologising for the church’s bloody legacy against Muslims in the dark years of the Crusades and Reconquista, the Pope has chosen to twist the knife in the old wound. He has driven the gulf between the two faiths even wider. He has again pitted the cross against the crescent. The Pope’s statements have done much to convince Muslims from Tangier to Jakarta that an open war is being waged against them on three fronts: political, military and religious. The pontiff should not be surprised that his words generated such strong responses in a Muslim world seething with rage at being dragged back to the age of colonialism and civilising missions. Who is to convince Muslims now that the west is not waging a crusade against them, in an alliance between Bush and Benedict, between the powers of the temporal and the sacred?
Soumaya Ghannoushi is a researcher at the School of Oriental and African Studies, University of London, specialising in medieval Christian literature on Islam soumayak@hotmail.com
 
(Source : « The Guardian »Tuesday September 19, 2006 )

 

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