19 juin 2006

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TUNISNEWS
7 ème année, N° 2219 du 19.06.2006

 archives : www.tunisnews.net


Vérité-Action:

Ouverture des travaux du Conseil des droits de l’homme à Genève- Communiqué

Anciens membres et militants de l’UGET et du mouvement étudiant : Communiqué de presse

AFP: Onu: première réunion « historique » du Conseil des droits de l’Homme AFP: Le Conseil des droits de l’homme: 47 pays membres AFP:Ouverture de la conférence internationale sur l’avenir des terres sèches

Le Soir: Droits de l’homme Le nouveau Conseil ouvre ses portes à Genève: Quelques élus controversés Réalités: Rencontre avec Abou Yaârub Al-Marzouki : Le Musulman au singulier pluriel Réalités: Hannibal & Qindil Bab Mnara AFP: Irak: les interprètes des Marines, en quête d’une revanche sur le passé

 

Vérité-Action

Ouverture des travaux du Conseil des droits

de l’homme à Genève

 

Communiqué

  

Le conseil des droits de l’homme de l’ONU entame ses travaux aujourd’hui lundi 19 juin. Ce conseil qui succède à la commission des droits de l’homme est critiqué par beaucoup d’observateurs pour la présence en son sein de pays  « modèles » en matière de violation des libertés

 

Le conseil est supposé être une chance pour l’avancée des droits de l’homme dans le monde mais la participation de quelques états violeurs de toutes les lois de protection des droits humains comme la Tunisie réduit cette chance.

 

Il est évident, que le gouvernement tunisien qui traque ses opposants, qui maltraite ses avocats, qui interdit les assemblées générales des associations professionnelles ou de défense des droits de l’homme, ne peut pas être garant de la bonne marche des dossiers des droits humains dans le monde. Preuve à l’appui, le parlement européen vient d’émettre une résolution qui considère que « la situation des droits et des libertés en Tunisie est devenue préoccupante et regrette la détérioration des libertés et des droits de l’homme en Tunisie et demande aux autorités tunisiennes de remplir ses engagements internationaux. » Il propose, en outre, une série de mesures restrictives pour limiter le champ du partenariat entre la Tunisie et l’UE. 

 

Vérité-Action, qui suit de près l’état des droits de l’homme en Tunisie, est préoccupée par la présence du gouvernement tunisien dans cette nouvelle instance.

 

Elle espère que le nouveau conseil fera en sorte que les pays non respectueux des droits humains et siégeant au conseil « rendent des comptes », comme l’a mentionnée M. Kofi Anan, le secrétaire général de l’ONU. Elle appelle, également, à une marge de participation plus grande de la société civile dans les travaux du conseil.

 

Fribourg, le 19 juin 2006

 

Safwa Aïssa

Présidente

www.verite-action.org

info@verite-action.org

 

Communiqué de presse (traduit de l’arabe)

  Tunis, le 17 juin 2006  

Suite à l’annonce des résultats du concours du CAPES, le mercredi 14 juin 2006, sur le site du ministère de l’éducation et de la formation ; nous soussignés déclarons ce qui suit :   Nous, anciens membres et militants de l’UGET et du mouvement étudiant, nous avons réussi les épreuves écrites du CAPES 2005/2006 ; nous avons suivi le stage de formation et passé brillamment les épreuves orales selon le témoignage des commissions qui ont supervisé ces épreuves. Nous avons été surpris de voir que nous avons été délibérément exclus des listes des admis, alors que nous devions y figurer parmi les premiers. Une fois de plus, le pouvoir a procédé à des éliminations de candidats sur des critères politiques, bafouant ainsi les principes élémentaires de citoyenneté. Face à cette situation, nous ne resterons pas silencieux, nous somme déterminés à dénoncer cette injustice quels que soient les sacrifices que cela nous coûtera. Nous comptons mettre en œuvre les formes de lutte qui s’imposent pour défendre notre droit au travail selon les qualifications attestées par nos diplômes.   Dans cette perspective,   –   nous appelons l’ensemble des forces politiques, syndicales et associatives à adopter notre cause et soutenir notre lutte pour rejeter cette politique d’exclusion et faire triompher les droits pour une citoyenneté libre. –   Nous appelons nos professeurs universitaires et les inspecteurs concernés par ce concours, et à travers eux tous les enseignants tunisiens, à assumer leur responsabilité et défendre leur honneur et leur crédibilité morale et scientifique en dénonçant cette mascarade et en refusant l’élimination de candidats sur des critères politiques et sécuritaires. Ce qui s’est passé remet fondamentalement en cause leur rôle et falsifie leurs décisions scientifiques et éducatives. –   Nous nous adressons à nos collègues diplômés chômeurs pour les appeler à organiser la lutte collective pour le droit au travail et à la dignité. –   Nous appelons les autorités à cesser cette politique de la faim et d’exclusion sur des critères politiques et sécuritaires, à respecter la transparence lors des concours, à lever l’injustice dont nous somme victime et nous permettre d’exercer en tant que professeurs d’enseignement secondaire.   Premiers signataires :   Ali Jallouli Mohamed Moumni Béchir Messaoudi Hafnaoui Ben Othmane Lotfi Farid   (Source : mailinglist « Al Badil », le 18 juin 2006)

 

Onu: première réunion « historique » du Conseil des droits de l’Homme

Par Patrick BAERT    AFP, le 19 juin 2006 à 12h01
GENEVE, 19 juin 2006 (AFP) – Les 47 pays membres du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies se sont réunis pour une première session « historique » lundi à Genève, avec l’espoir que ce nouvel organe fera mieux respecter les libertés fondamentales dans le monde.
Le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, qui est à l’origine de cette réforme, a ouvert solennellement les travaux en présence de ministres et de hauts représentants d’une centaine d’Etats, donnant le coup d’envoi d’une première session de deux semaines. « Une ère nouvelle a commencé pour l’action des Nations unies dans le domaine des droits de l’Homme », a proclamé M. Annan. Il a cependant appelé solennellement les pays membres à ne pas décevoir les attentes, avertissant qu' »il faudra que les travaux du Conseil se démarquent nettement de ceux de son prédécesseur », la défunte Commission des droits de l’Homme, dissoute en mars dernier après 60 ans d’existence.
« Ne permettez pas que cette occasion soit gâchée », a-t-il lancé aux délégués, les mettant en garde contre un retour aux « pugilats politiques » et « aux basses manoeuvres » qui ont marqué l’histoire de la Commission.
La défunte Commission avait été discréditée par la présence en son sein de plusieurs pays peu connus pour leur respect des droits de l’Homme, ainsi que par des marchandages politiques. Chaque année, sa session de six semaines donnait lieu notamment à un affrontement stérile entre les Etats-Unis et la Chine, qui parvenait systématiquement à échapper à une condamnation.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme ont déploré que la Chine et d’autres pays souvent critiqués pour leur attitude dans ce domaine aient été désignés pour siéger au sein du nouvel organe, comme l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Azerbaïdjan, le Bangladesh, Cuba, le Nigeria, le Pakistan, la Russie ou encore la Tunisie.
Les Etats-Unis ont décidé de ne pas participer au Conseil, au moins durant sa première année d’existence. Washington aurait souhaité la création d’un organe plus musclé pour dénoncer les violations des libertés.
En réponse à ces critiques, le Haut commissaire pour les droits de l’Homme, Louise Arbour, a souligné qu’avant de postuler à un siège au Conseil, les Etats membres s’étaient engagés à respecter les normes les plus strictes en la matière.
« Il est de la responsabilité de tous les membres du Conseil des droits de l’Homme de faire mentir ces critiques et de mériter la confiance mise dans cette nouvelle instance », a-t-elle plaidé.
Une des innovations majeures du Conseil est la revue systématique et régulière de la situation des droits de l’Homme dans chacun des pays membres de l’Onu, ce qui devrait permettre d’éviter l’accusation de sélectivité dont souffrait la Commission.
Cette première session du Conseil est prévue jusqu’au 30 juin et consistera essentiellement à mettre au point les méthodes de travail du nouvel organe. Voulant à tout prix éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain, Kofi Annan a plaidé pour la sauvegarde de certaines méthodes efficaces de l’ancienne Commission, particulièrement l’existence des « rapporteurs spéciaux ».
Ces experts indépendants sont chargés d’examiner la situation des droits de l’Homme dans certains pays, ou bien de dossiers thématiques comme la torture ou la liberté de culte.
Le président du Conseil, le Mexicain Luis Alfonso de Alba, a de son côté plaidé pour laisser « la porte ouverte » aux organisations non-gouvernementales, jugées les mieux placées pour dénoncer les violations des libertés. La session doit aussi adopter une résolution sur les disparitions forcées et une déclaration sur les droits des peuples autochtones.   AFP

Le Conseil des droits de l’homme: 47 pays membres

 

 AFP, le 19 juin 2006 à 13h01 GENEVE, 19 juin 2006 (AFP) –  Le Conseil des droits de l’homme (CDH), dont la première session s’est ouverte lundi à Genève, compte 47 pays qui se sont engagés avant leur élection à respecter les normes les plus strictes en la matière. Ses procédures visent à en faire un organe plus efficace que la Commission des droits de l’homme dissoute en mars dernier.   MANDAT Créé par la résolution 60/251 de l’Assemblée générale de l’Onu du 15 mars 2006, le CDH est chargé de promouvoir le respect universel des droits de l’homme. Il examine les violations partout où elles pourraient se produire et propose des solutions pour y remédier.   SESSIONS Le Conseil se réunit au moins trois fois par an pour un total d’au moins dix semaines, contre une seule session de six semaines pour l’ancienne Commission. Des sessions extraordinaires peuvent être organisées en cas d’urgence.   ELECTION Les 47 pays membres ont été élus en mai dernier par les 191 Etats de l’Assemblée générale de l’Onu, à la majorité absolue. Ils sont élus pour trois ans et ne sont pas rééligibles plus d’une fois (pour le premier Conseil, certains pays ne siégeront qu’un ou deux ans). La Commission comptait 53 membres élus sur une base régionale.   PAYS MEMBRES 13 pays d’Afrique: Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Djibouti, Gabon, Ghana, Mali, Maroc, Ile Maurice, Nigeria, Sénégal, Tunisie, Zambie. 13 pays d’Asie: Arabie saoudite, Bahrein, Bangladesh, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Japon, Jordanie, Malaisie, Pakistan, Philippines, Sri Lanka. 8 pays d’Amérique latine: Argentine, Brésil, Cuba, Equateur, Guatemala, Mexique, Pérou, Uruguay. 7 pays occidentaux: Allemagne, Canada, Finlande, France, Pays-Bas, Royaume-uni, Suisse. 6 pays d’Europe de l’Est: Azerbaïdjan, Pologne, République tchèque, Roumanie, Russie, Ukraine.   EXAMEN DES PAYS Chaque pays membre de l’Onu devra se soumettre régulièrement à un examen de la situation des droits de l’homme sur son sol, alors que dans l’ancien système une telle procédure ne pouvait être décidée qu’à la majorité des membres de la Commission.   SANCTIONS En cas de violations « graves et systématiques », un Etat membre pourra être suspendu du Conseil par une majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée générale.   AFP

  Droits de l’homme Le nouveau Conseil ouvre ses portes à Genève

Quelques élus controversés

La nomination de certains pays suscite la polémique. Le Conseil ne fait pas l’unanimité. Exemple : la Tunisie.

par BAUDOUIN LOOS
ENTRETIEN
Journée hautement symbolique, ce lundi à Genève : le Conseil des droits de l’homme, nouvel organe des Nations unies, prend officiellement le relais de la défunte Commission du même nom. Sur fond, toutefois, de controverses et de polémiques : parmi les quarante-sept membres du nouvel organe, beaucoup continuent de fouler aux pieds les droits humains (lire l’encadré). Parmi eux : la Tunisie. Au moment où le président Ben Ali s’enorgueillit de figurer parmi les « élus », nous avons demandé l’avis de Mokhtar Trifi, l’avocat qui est président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme.
Comment interprétez-vous la présence de votre pays dans ce conseil ?
Quand j’ai vu les noms d’une série de pays inclus dans le nouveau Conseil des droits de l’homme, je n’ai pas manqué d’être déçu, pour la bonne raison que ces États, dont la Tunisie, ne respectent tout simplement pas eux-mêmes les droits humains. Et ils sont maintenant tenus de faire respecter ces droits chez les autres ! Quand on pense que ce Conseil a été créé à la lumière des carences de l’organe précédent, la Commission des droits de l’homme, on peut se demander s’il aura une plus grande efficacité. On le saura assez rapidement…
Les Nations unies se défendent en disant que même les États membres du conseil risquent des sanctions – et d’abord la suspension – en cas de violations patentes des droits de l’homme…
C’est prévu comme cela. Mais chaque État candidat au Conseil a dû présenter son dossier en matière de droits de l’homme et, si vous prenez la Tunisie, ce pays refuse d’accepter les visites de plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU, comme dans les domaines de la torture, de la justice et autres, malgré des demandes répétées. Voilà un comportement formellement prohibé dans les statuts du Conseil… Alors, comment comprendre l’inclusion de la Tunisie ? Cela dit, je vois dans les statuts des avancées, comme le fait que, comme les États, des organisations non gouvernementales nationales ou internationales peuvent saisir le Conseil des droits de l’homme ; voilà un créneau à creuser.
Comment résumeriez-vous la situation des droits humains dans votre pays ?
Il y aurait tant de choses à dénoncer ! Notre propre ligue est empêchée de tenir son congrès depuis des années. Notre dernière tentative, ce 27 mai à Tunis, a été annihilée par la force sous les yeux des représentants de la communauté internationale.
Tant de domaines sont concernés : l’Ordre des avocats qui se bat, grève de la faim du bâtonnier à l’appui, contre la création d’un institut de formation des avocats sous la tutelle du ministère de la justice, l’Association des magistrats dont le bureau élu démocratiquement a été destitué illégalement et remplacé par un autre comité, le syndicat des journalistes harcelé… La presse, sous la mainmise totale de l’État, entre dans la catégorie des presses les plus catastrophiques au monde. Nos prisons recèlent encore des centaines de prisonniers politiques et la torture n’a pas disparu.
Et l’indépendance de la justice ?
Le cas de notre ligue, encore une fois, est parlant : nous perdons tous nos procès, ce qui n’étonne pas de la part d’une justice complètement aux ordres. L’État a d’ailleurs changé sa méthode : avant, il procédait lui-même aux violations, désormais tout est drapé dans des décisions de justice, ce qui permet au régime de dire à la face du monde qu’« il ne peut intervenir dans des cas que la justice a tranchés ».
Ainsi en est-il pour notre confrère Mohammed Abbou, condamné en 2005 à trois ans et demi de prison ferme soi-disant « pour avoir agressé une consoeur », alors qu’il paie en fait pour un article écrit sur internet, où il comparait les prisons tunisiennes à celle d’Abou Ghraib, en Irak. Il est détenu à 170 kilomètres de Tunis, ce qui punit aussi ses proches.
Comment jugez-vous les pressions extérieures sur le régime ?
Elles se révèlent bien insuffisantes puisque rien ne bouge.
Or nos amis européens peuvent faire changer les choses, en brandissant l’accord d’association Union européenne – Tunisie, qui exige le respect des droits de l’homme. Hélas, certains États européens laissent même faire le régime à sa guise.
Parfois, certaines libérations nous font croire que l’espoir renaît, mais, chaque fois, la société civile subit un nouveau tour de vis. Bref, nous vivons dans l’attente.
(Source : Le Soir (Belgique), lundi 19 juin 2006, p. 14)

 

Ouverture de la conférence internationale sur l’avenir des terres sèches

 AFP, le 19 juin 2006 à 11h52
TUNIS, 19 juin 2006 (AFP) – Une conférence internationale sur l' »avenir des terres sèches » a débuté lundi à Tunis avec la participation de plus de trois cents experts, qui examineront les conséquences de l’avancée des déserts sur la planète et les moyens de préserver les zones arides.
Cette conférence a été inaugurée par le ministre tunisien de l’Environnement et du Développement durable, Nadhir Hamada, en présence notamment de la célèbre actrice Claudia Cardinale, en sa qualité d’ambassadrice de bonne volonté de l’Unesco.
La conférence, organisée par cette agence des Nations Unies, « est la principale manifestation » de l’Année internationale des déserts et de la désertification de l’Onu, a déclaré M. Walter Erdelen, sous-directeur général de l’Unesco pour les sciences. « Les zones arides ont été au coeur des efforts de l’Unesco en matière de coopération internationale sur les ressources naturelles », a-t-il ajouté insistant sur le « besoin de faire connaître les problèmes de la dégradation des terres sèches, notamment à travers l’éducation ».
Les travaux, qui dureront trois jours, devraient permettre de faire le point des connaissances sur l’avenir des terres arides et semi-arides afin d’élaborer des propositions pour préserver ces écosystèmes particulièrement vulnérables. La désertification menace plus de 1,2 milliard de personnes dans 110 pays parmi les plus pauvres et deux milliards, soit un tiers de la population mondiale, vivent en zones arides et semi arides (41% de la planète).
Outre la « conservation de la biodiversité » et la « dynamique des écosystèmes de terres sèches », la conférence débattra des moyens d’existence « viables », d’éducation et de partage des connaissances.
La rareté de l’eau et sa gestion figurent au programme, ainsi que la gestion des catastrophes naturelles et des risques spécifiques aux régions arides. Le Maghreb, qui fait partie des régions les plus exposées au phénomène de la désertification, est notamment représentée à la conférence par Habib Ben Yahia, secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe (UMA), comprenant Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie. Un sommet de chefs d’Etat et de gouvernement est prévue sur ce thème en octobre 2006 en Algérie, ce pays ayant été désigné pour piloter l’année internationale des déserts et de la désertification.   AFP  

Rencontre avec Abou Yaârub Al-Marzouki :

Le Musulman au singulier pluriel

 

Pour sortir de la crise d’identité qui l’écartèle depuis deux siècles, le Monde arabo-musulman doit réhabiliter la dimension universelle de l’Islam. Donc se méfier des nationalismes, éviter les pièges des conflits ethniques et confessionnels, se doter d’institutions légitimes, réhabiliter l’éducation, la science et la liberté de pensée.   Abou Yaârub Al-Marzouki est un philosophe touche-à-tout. Et ce n’est pas là un reproche. Au contraire : l’universitaire aime passer allègrement de l’épistémologie à la philosophie de l’histoire et de la morale à l’esthétique, mettant les concepts les plus abstraits à l’épreuve de la réalité la plus concrète. Avec lui, la philosophie redevient ce qu’elle n’a jamais cessé d’être, depuis Platon et Al-Farabi, à savoir une méthode de compréhension des réalités du monde.   La guerre des identités   Complexe et structurée, sinueuse mais systémique, la pensée d’Al-Marzouki possède cette sorte de clarté qui frise le schématisme. Aussi, quand il essaie d’appréhender l’actualité, d’interroger le cours des évènements et de comprendre les phénomènes sociaux et politiques, ses affirmations sont-elles parfois déroutantes, paradoxales voire franchement choquantes. Elles ont cependant le mérite de “provoquer” – et c’est le mot qui convient – la réflexion. Et c’est ce qu’on demande généralement à’un philosophe: un “métier” aujourd’hui en voie de disparition et dont Al-Marzouki représente, pour notre bonheur, l’un des derniers survivants.   Ce philosophe, dont l’audience ne cesse de grandir dans le Monde arabe et islamique, apparaît rarement en public en Tunisie. Au point que l’on a presque fini par oublier qu’il est Tunisien. On ne peut donc que remercier notre confrère Slaheddine El-Jourchi, animateur de Nadi Al-Jahedh, club culturel sis à la cité Fattouma Bourguiba, près du Bardo, de l’avoir invité à donner une conférence, samedi 3 juin, sur “La crise de l’identité à l’ère de la mondialisation”.   La crise de l’identité, thème récurrent dans le monde actuel, est souvent vécue sur le mode de la peur aussi bien dans le Monde arabe et/ou musulman qu’en Occident.   Les Arabes, les Musulmans et les populations du monde en développement en général s’attachent à défendre leur identité culturelle de peur de la perdre sous la pression d’un modèle culturel actuellement dominant, qui est celui de l’Occident judéo-chrétien.   L’identité arabo-musulmane est souvent conjuguée au passé, concède Al-Marzouki. Et pour cause : ceux qui s’en réclament aujourd’hui ne l’ont pas créée eux-mêmes, mais simplement héritée de leurs lointains ancêtres. “Or, les héritiers, on le sait, sont souvent prodigues et ne font pas toujours bon usage de ce qu’on leur transmet”, explique-t-il, non sans humour.   Identités et démographie   Dans le Monde occidental, qui ne manque pas de moyens de puissance économique, technologique et militaire, l’identité a été forgée et nourrie par ceux-là mêmes qui s’en réclament. Elle est donc leur bien le plus précieux, qui leur permet de dominer le monde. Cette identité conquérante, qui se prétend universelle et globale, les Occidentaux s’y identifient naturellement. Tant et si bien qu’ils ont peur de la perdre sous la poussée démographique des peuples du Sud.   D’où les politiques actuelles de lutte contre l’émigration, tous ces murs juridiques et physiques que l’on élève entre le Nord et le Sud, ces programmes de planning familial mis en route dans le Sud rajeunissant avec des financements du Nord vieillissant, ces guerres fratricides que l’on alimente un peu partout dans le monde, ou encore cette reprise des guerres impériales et coloniales à l’ancienne, dont on a aujourd’hui une belle illustration en Irak…   “En Israël, par exemple, on évoque la ‘‘bombe démographique’’ palestinienne comme une catastrophe imminente et on élabore des politiques pour faire face à cette invasion biologique dont on cherche à effrayer les populations”, explique le philosophe.   L’identité est donc partout en crise. Mais cette crise est, paradoxalement, moins lancinante chez nous qu’en Occident, parce qu’on peut assimiler la culture de l’Autre et en adopter la quintessence même, sans perdre pour autant sa propre culture.   “Les phénomènes symboliques et culturels résistent mieux que les phénomènes biologiques. Les seconds étant plus vulnérables que les premiers, l’identité biologique se perd plus facilement que l’identité culturelle”, explique Al-Marzouki. Qui ajoute, contre toute attente, que le monde sous-développé, malgré la pauvreté de ses moyens technologiques, est mieux armé que le monde développé, malgré ses grandes avancées dans ce domaine, pour résister à toute domination et préserver son identité biologique et/ou culturelle.   Conclusion du philosophe : “L’Occident vit sa crise d’identité de manière plus dramatique que partout ailleurs. Car il est menacé dans son existence même sur les deux plans biologique (ou organique) et culturel”.   L’identité comme un mensonge   Dans les temps modernes, l’invention de l’identité a provoqué, dans le Monde arabo-musulman, des fractures profondes et des guerres entre les peuples qui composaient jadis Dar al-Islam (la maison de l’Islam) : entre les Arabes d’un côté et, de l’autre, les Turcs, les Iraniens, les Kurdes et les Berbères.   Le nationalisme arabe, qui a inventé, à partir du milieu du vingtième siècle, la fiction de “l’homme arabe nouveau”, a joué un rôle aussi important que celui de la colonisation européenne dans l’éclatement du Monde musulman et, par conséquent, l’avènement de l’idéologie islamiste comme une nouvelle fiction identitaire fédératrice des peuples musulmans.   Cette idéologie réduit la portée universelle et émancipatrice de l’Islam en le posant comme la matrice d’une identité ayant existé dans un passé lointain, considéré comme un âge d’or absolu, et qu’il conviendrait aujourd’hui d’œuvrer pour faire revenir de nouveau.   Contre cette fable (ou ce roman) de l’identité – laquelle n’est pas donnée une fois pour toute, mais reste à construire –, Al-Marzouki souligne l’universalité du message et du devenir islamique. L’Islam est en effet une religion universelle. Et en tant que telle, elle reconnaît toutes les autres religions, surtout les deux religions monothéistes qui l’ont précédée (Judaïsme et Christianisme).   En pays d’Islam, le statut de dhimmi concédé aux personnes se réclamant d’autres religions accorde à ces derniers la liberté de croyance et de culte. C’est en cela que l’Islam est incompatible avec le nationalisme, qu’il bannit les conflits à caractères ethnique ou confessionnel et valorise l’éducation, la science et la liberté de pensée.   Cela, malheureusement, beaucoup de Musulmans semblent l’ignorer, ou vouloir l’oublier.    Yûsra Diba   (Source : « Réalités » N° 1068 du 15 juin 2006)

 

Hannibal & Qindil Bab Mnara

Khémaïs Khayati   Il y a des Hommes dans l’Histoire de l’Humanité (avec trois grands H) qui ont été objet d’une dualité mortelle haine/amour, admiration/répulsion, fidélité/traîtrise etc. pour finir par incarner l’essence du drame comme on en voit dans les grands mythes. Hannibal est de ceux là. Les données et les ficelles de ce drame ont été merveilleusement reconstituées il y a quelques temps par France2 (Hotbird. Fr 11623 Mhz) dans la docu-fiction “ Hannibal, le pire ennemi de Rome ” réalisée par Edward Bazalgette et rapportés par Histoire (Hotbird. Fr 10911 Mhz) qui a rediffusé quelques jours après deux programmes : Hannibal et Qart Hadasht. La docu-fiction – comme son nom l’indique – est une forme bâtarde et mutante qui tente de marier rigueur scientifique et liberté de l’imaginaire. Va savoir par quel miracle la mayonnaise prend ici et coule ailleurs ? Et depuis quelques années, cette forme de narration anglo-saxonne trouve des adeptes chez les Latins en attentant de s’installer chez les Sémites de la rive sud de la Méditerranée, là où exactement Carthage avait vu le jour. Le premier est une production de la BBC, tournée en Europe, quand les seconds ont été tournés chez nous. Réaliser une oeuvre là où son modèle avait vu le jour il y a de cela plus de deux mille ans, ça pourrait être grisant. L’exaltation fait perdre le Nord et on entendra alors des Carthaginois parler arabe tunisien. Ça alors ! Un Hicham Roustom patron du Sénat comme sorti d’un bouge d’un feuilleton de Abdelkader Jerbi… Un Ben Jomaa dans un Scipion de carton pâte d’une maison de jeunes du plat pays… On est dans le prêt-à-porter fripé, un peu “ Goor ” quand avec la BBC on joue avec la haute couture et dans la “ beldi ”… De l’élégance et de la tenue face à la Robba veccia. Les effets spéciaux et les images de synthèse, les plans des batailles et la restitution des moments cardinaux, tout est fait pour nous impliquer dans cette volonté d’exister qu’avait Hannibal Barca (247/183 av JC) face à la puissance montante de Rome. Cette docu-fiction comportait aussi des scènes de péplum imbriquées dans une leçon de géo-stratégie avec plans animés, flèches et tutti quanti. Nous apprenons de façon pédagogique la lutte d’influence entre les deux puissances de la Méditerranée en l’an 218 av J.C. Si Carthage avait perdu la Sicile (que son héritière l’Ifriqia sous les Hafçides allait reconquérir plusieurs siècles après), elle refusait à Rome la volonté de s’installer dans la presqu’île ibérique (que les Arabes, aidés fortement par les Berbères il va sans dire, vont conquérir plus tard). Avec une armée de 50.000 hommes et ses fameux éléphants, il fit le premier exploit militaro-écologique (traverser les Pyrénées puis encore plus, les Alpes) et installa péril en la demeure. Il montra une finesse stratégique digne des temps modernes mais accompagnée d’une naïveté politique et d’un sentiment “ national ” dignes des grands guides. La victoire inachevée de Cannes (216) et son retour pour défendre Carthage furent deux erreurs, disons ce mot à la mode, stratégiques. Il détestait Rome pour ne pas la détruire et aimait Carthage pour ne pas la laisser être détruite. Entre Scipion devenu l’Africain pour avoir installé Rome en face de chez elle et Hannon qui était déjà Grand mais décidément petit par la traîtrise, Hannibal n’avait pas de place. Existe-t-il une place pour la défense du pays entre la haine d’un colonisateur et la traîtrise du pouvoir en place ? Hannibal est un drame qui se termine mal pour avoir bien commencé… Il était un Arabe avant l’heure parce qu’il croyait aux grands rêves qui flaupent… C’est quelque chose que nous connaissons bien… J’ai lu, il y a de cela un bail, dans la revue Hérodote et sous la plume du géographe Yves Lacoste je crois, que notre pays, ce lopin de terre qui mord sur la mer blanche et médiane, possède trois spécificités que ne possède nul autre pays méditerranéen à savoir que ses frontières ont toujours été sensiblement les mêmes, que ses frontières culturelles sont plus grandes que ses frontières naturelles et qu’on peut y pénétrer comme dans un moulin, mais difficile d’en sortir, tout comme le hammam… A bien y voir clair, ce sont des vérités auxquelles il faudrait ajouter une quatrième relative au réverbère de Bab Mnara… Notre chère Elyssa (la Reine Didon), raconte-t-on dans l’Enéide, s’était suicidée d’amour pour le Romain Enée qui refusait de s’installer avec elle sur sa peau de bœuf… Saint Augustin, déçu par ses étudiants africains, décida de s’exiler à Rome… Omar Ibn al-Khattab a tancé Omar Ibn al-Aaç lui disant “ Ne conquiert pas l’Ifriquia, c’est une discorde entre les cœurs de ses enfants ”… La Kahéna, pleine d’amertume de s’être fait avoir par les Musulmans, s’est donnée la mort après avoir légué ses enfants à l’occupant… Les Fatimides, s’étant assurés que l’Egypte est bel et bien la leur, ont plié bagages et emporté même leurs morts… Ibn Khaldoun, voulant s’installer chez lui après sa virée andalouse, fut âprement pourchassé par Ibn Arafa et ses acolytes. Il plia bagages et prit la poudre d’escampette etc etc etc jusqu’à Tahar Haddad, Chebbi et d’autres qui bavèrent de l’amour des leurs : nous. Hannibal est l’exemple même du drame de celui qui “ aime le pays comme personne ne l’aime. Matin, soir et le dimanche de même ”. Mais, naïf et romantique comme il devait l’être, il a oublié que d’autres n’ont pas comme lui sept jours dans la semaine… Ils en ont huit, peut-être bien dix, qui sait ? Et c’est grâce à ce chouia que Hannon le Grand, son concitoyen qui lui ressemble comme un frère, vit augmenter la cote de Scipion dans la Bourse d’Afrique et fit son choix… Entre l’Enfant du pays et l’Etranger – qui va sûrement devenir un enfant du terroir lui aussi – le Réverbère de Bab Mnara n’a pas d’état d’âme et ne peut décevoir le dicton populaire. Et c’est ainsi, par trois fois comme avec les coups du destin, qu’Hannibal s’est fait damer le pion. Pourquoi ? Va savoir… (Source : « Réalités » N° 1068 du 15 juin 2006)

Irak: les interprètes des Marines, en quête d’une revanche sur le passé

Par Thibauld MALTERRE  AFP, le 19 juin 2006 à 06h51 HABANIYAH (Irak), 19 juin 2006 (AFP) – Fanfaron attachant, vieux sage, ancien culturiste ou théologien, les interprètes irakiens travaillant avec l’armée américaine à Habaniyah ont en commun le sentiment d’accomplir une mission ou de prendre une revanche sur leur passé.   Tous le reconnaissent aisément, la rémunération très confortable pour l’Irak qu’ils touchent, 1.050$ par mois, constitue leur principale motivation pour revêtir l’uniforme des Marines et les accompagner en patrouille.   Mais le poids de leur histoire personnelle permet aussi d’expliquer leur choix de servir aux côtés des troupes américaines: chiites ou chrétiens, ils représentent une partie de la population pour qui la chute de Saddam Hussein a été ressentie comme une vraie bénédiction.   A 22 ans, « Jaguar », qui comme tous les interprètes irakiens a choisi un pseudonyme pour garantir sa sécurité, vit le rêve de sa vie en patrouillant dans la province rebelle d’Al-Anbar, dans l’ouest du pays.   « Je suis fier de porter l’uniforme des Marines, les +chiens du démon+ comme les ont surnommés les Allemands. Je sais tout d’eux, j’ai appris dans les films et sur internet leur histoire. Un jour, je partirai aux Etats-Unis et je deviendrai l’un d’eux », assure le jeune homme, blessé légèrement dans l’explosion d’une bombe artisanale il y a deux mois.   Jaguar, qui se félicite d’être un « homme riche, alors qu’avant, je marchais faute d’argent pour prendre le bus », dissimule un passé tragique.   « Je remercie Dieu et George W. Bush d’avoir renversé Saddam Hussein, qui a fait exécuter mon père et mon oncle et emprisonner ma mère », dit-il en maudissant l’ancien président irakien.   A 66 ans, portant cheveux blancs et lunettes, le bavard « Jaf » semble aux antipodes de son collègue. Mais ce distingué professeur, diplômé en littérature anglaise et kurde, a également souffert de la répression de l’ancien régime.   « J’ai été renvoyé car je refusais d’adhérer au parti Baas et plus tard, j’ai été emprisonné en raison de mes activités politiques en faveur de la culture kurde », explique-t-il posément, en désignant son oreille gauche devenue sourde à force de mauvais traitements.   « En 2004, comme ma retraite ne suffisait pas à faire vivre ma famille, je suis devenu interprète. J’aime travailler aux côtés de ceux qui ont libéré l’Irak », poursuit-il.   Il n’est cependant pas question de vengeance dans le discours de ces hommes, qui n’hésitent pas à évoquer la fibre patriotique. « Nous sommes un pont entre les civils, les soldats irakiens et l’armée américaine », remarque « Farid », 36 ans, qui gagnait l’équivalent de 4$ par mois comme enseignant avant l’invasion. « Travailler avec les militaires, c’est aussi un moyen de servir mon pays ».   Militaires irakiens et Marines américains n’ont pas la meilleure des réputations en pays sunnite, comme à Habaniyah, située entre les villes symboles de l’insurrection de Falloujah et Ramadi.   « C’est vrai que certains civils ici nous haïssent. Ils ne comprennent pas notre travail, alors je prends le temps de leur expliquer », affirme « Ronny », âgé de 27 ans, qui a quitté l’armée après deux ans et demi pour un salaire deux fois supérieur en tant qu’interprète. « En plus ici, on a l’électricité et l’eau courante », souligne cet ancien culturiste.   Ce confort a un prix: tous les interprètes peuvent citer les noms d’amis tués lors de patrouilles ou à la suite d’un enlèvement, mais ils refusent de céder à la peur.   « Je me sens plus en sécurité ici, dans le camp, que chez moi à Bagdad. Le danger est partout mais Dieu me protège », assure « Peter », 32 ans, un chrétien qui pour ne pas effrayer ses parents, leur a dit qu’il travaillait dans une entreprise au Kurdistan.   Cet ancien étudiant en théologie, qui allait quatre fois par semaine à la messe, espère bénéficier d’une bourse pour étudier au Liban ou aux Etats-Unis. « La situation ne va pas s’améliorer ici avant des décennies », dit-il.   AFP

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