16 janvier 2012

TUNISNEWS
11 ème année, N°4218 du 16.01.2012


An Nahdha: On the Anniversar​y of the Revolution

Communiqué d’Ettajdid à propos du projet de fusion entre le PDP, Afek et le PR

Le Temps: Mahdi Gharbi, Prix Luther King 2012 – Le rêve de démocratie, la fierté d’être Tunisien

Cyberresse: Les fous du Roi à l’heure du printemps arabe

Le Monde: Médias tunisiens : la mutation se fait toujours attendre

Le Figaro: Le désenchantement des jeunes de Kasserine

Atlas Info: Tunisie: Moncef Marzouki juge « suicidaire » une intervention étrangère en Syrie

Business News: Documentaire à propos de la fuite de Ben Ali sur Watanya 1

Business News: Sakher El Materi: «J’espère que la transition se passera bien en Tunisie »

Challenger: Tunisie: l’optimisme prudent des analystes


On the Anniversar​y of the Revolution


Today 14 January2012, the brave Tunisian people are commemorating the first anniversary of thevictory of their great revolution which compelled the dictator to flee, liberatedour country from authoritarianism, corruption and reinstated our people’ssovereignty and dignity.

On this occasion,Ennahdha Party:

1. Prays for thesouls of the revolution’s martyrs who paved Tunisia’s path to freedom andrevived the whole region.

2. Renews itsfaithfulness to the martyrs and its commitment to achieving the aims of therevolution- freedom, dignity, justice and equality.

3. Salutes thesacrifices of the wounded and of generations of women and men who struggled inprison and in exile and paid a dear price for freedom.

4. Highlights thatafter reinstating the legitimacy of democracy and re-building stateinstitutions, the priority will be given to the rights of martyrs and theirfamilies, the wounded of the revolution and the victims of the previous regime.

5. Pledges tospeedy action alongside the legitimate government in order to achieve adevelopment model that enables deprived regions and communities to access theirrightful share of national resources and guarantees all Tunisian women and menthe right to a dignified life without any discrimination and marginalisation.

6. Calls on allTunisians to constant vigilance to protect their revolution and preserve theirunion in order to build together a Tunisia of freedom, dignity and democracy.

Ennahdha Party Chairman

Rached Ghannouchi


Communiqué d’Ettajdid à propos du projet de fusion entre le PDP, Afek et le PR


Tunis, le 12 janvier 2012

A la suite de l’annonce, hier, du projet de fusion des partis PDP, Afek et Parti Républicain à l’occasion du prochain congrès du PDP, le Mouvement Ettajdid exprime sa satisfaction devant ce projet qui constitue un pas dans le sens du rassemblement des forces démocratiques en vue de limiter la dispersion, qui a constitué une des causes principales de leur échec électoral.

Fidèle à la stratégie constante d’ouverture, d’unification et de rassemblement des forces démocratiques qu’il n’a cessé de mettre en pratique, en particulier lors de son congrès fondateur en 1993 et de celui de 2007, puis avant et pendant les dernières élections, notre Mouvement est particulièrement sensible à la demande d’unité exprimée par le camp démocratique. Il a participé activement, depuis la publication des résultats, aux pourparlers réunissant notamment, en plus des partis cités, le Pôle Démocratique et Moderniste et le Parti tunisien du Travail afin de mettre au point les modalités de construction d’un grand parti unifié rassemblant les forces démocratiques et progressistes, un parti qui propose au peuple tunisien une alternative politique et sociale, qui réponde effectivement aux exigences de la révolution en termes de justice sociale et permette de rééquilibrer le rapport des forces apparu à l’issue des élections qui ne reflète pas la réalité politique et sociale de notre pays et ne favorise pas l’alternance indispensable au pouvoir, ce qui constitue un danger pour notre démocratie naissante.

Pour assurer à l’unité les meilleures chances de réussir et de durer, Ettajdid a, en particulier, exprimé sa totale disposition à s’engager, résolument et rapidement, dans toute opération d’unification et toute œuvre de construction commune d’un nouveau parti, menée sur un pied d’égalité et dans un total respect mutuel de toutes les composantes, et non dans une opération de fusion-absorption par l’un des partis concernés.

Cette approche a été partagée par certains de nos partenaires, mais pas par d’autres, qui ont préféré une approche différente en annonçant hier leur intention de réaliser leur fusion à l’occasion de la tenue du congrès du PDP en mars prochain.

Nous nous félicitons, naturellement, de cette initiative, comme de toute autre initiative – et elles sont nombreuses en ce moment – allant dans le sens de l’unification des forces de progrès.

Pour notre part, nous restons décidés, aujourd’hui plus que jamais, à apporter notre contribution à cette fondation, que nous souhaitons commune, sans aucune tentation d’hégémonie ou de leadership.

Nous lançons un appel solennel à nos amis, partis et militants indépendants, qui partagent les valeurs, le projet de société et les orientations auxquelles Ettajdid n’a jamais cessé d’être fidèle, pour qu’ensemble nous élaborions les modalités permettant de mener à bien une œuvre d’unification novatrice, qui puisse représenter un autre pas important sur la voie de la construction du grand parti démocratique unifié qu’attendent les démocrates et les progressistes tunisiens, un pas qui devra nécessairement converger avec celui que nos amis envisagent de réaliser.

Pour le Mouvement Ettajdid,

Ahmed Brahim


Mahdi Gharbi, Prix Luther King 2012

Le rêve de démocratie, la fierté d’être Tunisien


Quand les vrais guerriers d’antan ressurgissent de l’ombre, on ne peut que saluer leurs bravoure et vaillance alors que d’autres ont préféré s’incliner devant une dictature absolutiste. Lui, il n’aurait rien demandé, humble, croyant en sa cause : que sa Tunisie soit démocrate et que le peuple soit émancipé et y vive dignement. Fervent militant des Droits de l’Homme, exilé depuis voilà 20 ans et installé au Suède, Mehdi Gharbi, ingénieur de sa nature, aurait souhaité rester dans l’ombre mais voilà que le destin voulut le consacrer.

 

Lauréat du Prix Martin Luther King 2012, il sera demain, le premier Tunisien à obtenir une telle reconnaissance. Stockholm rendra donc hommage à notre compatriote Mahdi Gharbi, à son activisme et engagement patriotique, à son combat pour la liberté et l’instauration de la démocratie.

Et parce que toute œuvre humaine noble mérite de rester dans nos annales et marquer notre mémoire collective, nous l’avons contacté. Entrevue avec le «I have a dream» tunisien :

 

 

Le Temps : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

 

Mahdi Gharbi : Je suis un Tunisien originaire du village berbère de Takrouna, gouvernorat de Sousse. Après des études au lycée des garçons de Sousse, en 1981 j’étais parti en Russie pour poursuivre mes études supérieures en ingénierie, à l’Institut des Ponts et Chaussées de Moscou, spécialité Fissures thermiques du béton à jeune âge. Par la suite, je me suis installé en Suède en 1987, où je travaillais, c’est d’ailleurs toujours le cas, dans un bureau d’études dans le même secteur. Je suis marié et père de 4 enfants.

 

 

Quel était le déclic qui a métamorphosé un simple citoyen vivant à l’étranger en opposant au pouvoir et en cyber-activiste ?

 

Durant le début des années 90, j’entendais des échos, qui devenaient de plus en plus fréquents, de la part des Tunisiens qui vivaient à l’étranger, à commencer par mes amis, qui rentraient au pays pour quelques jours de vacances. Un traitement insolent et irrespectueux de la part des policiers de Ben Ali leur était réservé dès qu’ils mettent le pied dans l’aéroport Tunis-Carthage. Si au départ ça m’a choqué, le fait que se soit itératif m’a interpellé. Plusieurs de mes proches amis étaient même traînés au ministère de l’Intérieur, haut lieu de torture et d’abnégation du genre humain et de ses droits. La situation a atteint son paroxysme quand mon épouse a été encerclée par les vassaux de Ben Ali, à l’aéroport, convoquée au fameux ministère où elle a été traitée de tous les noms. Intimidation, menaces et insolence étaient au rendez-vous. En outre, un de mes amis qui était en visite en Tunisie m’a certifié qu’après avoir été interrogé par les forces de l’ordre, on lui a posé plein de questions sur ma personne tout en lui soufflant qu’ils possèdent un lourd dossier sur moi. Tout ceci a fait donc que je ne puisse plus rentrer chez moi ce qui a créé en moi cette rage de vouloir passer l’information quoiqu’il en soit le prix. Je ne voulais plus de ce gouvernement qui limogeait toute aspiration à la liberté et à la démocratie ! C’est là que la lutte a commencé. Le prix, je l’ai payé assez cher : j’ai été privé de voir les miens durant 20 ans. Mais le résultat est là.

 

 

 

Exilé depuis une vingtaine d’années en Suède, comment luttiez-vous à distance au désamorçage de la dictature de Ben Ali sachant que les médias en Tunisie étaient cadenassés à l’époque ?

Effectivement, le propre des médias est d’informer et de lever le voile sur ce qui se passe. Malheureusement, au temps de la dictature, la presse tunisienne était verrouillée et ne devait que «louer» les rouages et les manigances maquillées de l’ancien régime. J’ai décidé avec un ami de créer un journal électronique anonyme appelé «www.tunisnews.net» et à travers lequel nous informions tout ce qui se tramait en Tunisie. On a consacré, pendant dix ans, toutes nos soirées, au détriment même de nos vies familiales, à travailler sans relâche chacun à partir de chez lui. Notre but était de passer l’information et de rester anonymes. Notre peuple avait le droit à l’information. Vivant en Suède, un pays qui sacre la démocratie et la liberté d’expression, j’ai toujours rêvé que mon pays fasse partie de ces patries qui intronisent les droits de l’Homme et la dignité citoyenne. J’ai lutté avec les moyens du bord avec le peu que j’avais. Aujourd’hui, un an après la Révolution, je suis plus que fier d’être Tunisien !

 

 

 

Comme Martin Luther King, vous avez participé à un combat pacifiste et revendicateur des droits de l’Homme, comme lui aussi, votre combat a accouché d’une nouvelle patrie qui œuvre à l’instauration de la démocratie. Vous valez bien le grand Prix que vous recevrez demain. Comment vivez-vous ces instants ?

 

Pour commencer, je tiens à dire qu’il était hors de question pour moi d’être connu ou que mon nom soit colporté. J’ai toujours préféré travailler dans la discrétion. Je n’aime pas me vanter car ce que je faisais était humain et vient du cœur. Mon objectif était que mon peuple puisse vivre dignement un de ces jours et avoir surtout le droit d’une vie correcte et juste. Maintenant que c’est en devenir, je ne peux qu’en être fier. La liberté tunisienne citoyenne et l’avènement de la démocratie sont les plus précieux des Prix. Quant au fait d’être nommé Prix Martin Luther King, ce n’est qu’un détail dans ma vie et je remercie le comité de Stockholm pour m’avoir choisi. J’ai réalisé mon rêve quand ma Tunisie est sortie du joug de l’obscurantisme !

 

 

Justement ! Quel avenir est réservé aujourd’hui à votre journal électronique ? Maintenant que les plumes s’émancipent et que les langues se délient.

A un certain moment, on allait fermer le journal se disant que notre missive est arrivée à bon port et que le droit à l’information est désormais un acquis maintenant en Tunisie. Comme nous sommes partis du principe que «Ceux qui savent (doivent) agir et que ceux qui ignoraient ne doivent plus subir», maintenant que l’équilibre auquel aspirait notre journal est maintenu établi, on s’est dit à quoi bon continuer ? Sauf qu’à l’annonce de l’éventuelle fermeture du journal, nous avons reçu une multitude de réactions de la part de nos lecteurs nous sollicitant de continuer l’aventure. L’ennemi n’est jamais loin, un dictateur peut ressurgir à tout moment. On a donc préféré être à l’écoute de notre lectorat, nous continuerons donc d’écrire et d’informer mais sous forme de site d’information.

 

 

 

Demain est un grand jour et pour vous et pour la Tunisie, sachant que vous serez le premier Tunisien à recevoir un tel honneur. Une revanche contre la dictature. Les opposants reviennent de loin et sont même consacrés. On entre par la grande porte dans l’Histoire universelle. Peut-on rêver mieux !

 

Le jour où j’ai pu enfin revoir mes parents, enlacer le sol tunisien et respirer librement, c’est là la vraie victoire. Le peuple tunisien est intelligent et a le droit à tous les honneurs. On a remarqué que toutes les vraies métamorphoses sont celles qui ont été faites pacifiquement et surtout par la volonté d’un peuple. Alors que celles qui sont nées de la violence n’ont engendré que le chaos et ont préparé indirectement de nouvelles dictatures. Rappelons-nous Khaled El Islambouli et Anouar Sadet en Egypte, les confrontations entre les Frères Musulmans et Hafedh El Assad en Syrie, l’intervention militaire en Algérie lors des élections en 1992, ou encore le coup d’Etat médical fait par Ben Ali qui était aidé par le Général italien Fulvio Martini… On s’est donc dit qu’une lutte pacifiste aiderait mieux à orienter les intellectuels vers la voie libératrice qu’une lutte armée qui ne finirait que par un réel bain de sang. Comme Martin Luther King, le combat intelligent peut concrétiser les rêves de tout peuple assujetti.

 

Melek LAKDAR

 

(Source: “Le Temps” (Quotidien – Tunisie) le 15 janvier 2012)

Lien: http://www.letemps.com.tn/article.php?ID_art=62587

 


Médias tunisiens : la mutation se fait toujours attendre


Un an après la révolution de jasmin et le départ précipité du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011, les acteurs des anciens et nouveaux médias se sont réunis les 12 et 13 janvier à Tunis pour un colloque intitulé « Tunisie : révolution, transition et mutation » organisé par Canal France International (CFI), l’Association tunisienne des libertés numériques (ATLN), l’Association du multimédia et de l’audiovisuel et Tunisie Live, premier site tunisien d’information en langue anglaise.

Pendant deux jours, entre conférences et ateliers pratiques, quelques cinq cents blogueurs, journalistes, juristes, universitaires, étudiants, hackers ou simplement« citoyens curieux » venus de plusieurs pays de la Méditerranée (dont la France), ont débattu sur la mutation des médias tunisiens malmenés entre la révolution politique et la révolution numérique, qui, avec des armes comme Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux, ne veut pas se contenter d’une période de transition. « Ils sont très impatients », reconnaît Riadh Medhi Lamloum, chercheur en sciences de l’information à l’université de Manouba de Tunis.

Une impatience exprimée par de nombreux intervenants qui ont regretté que le paysage médiatique tunisien soit quasiment resté en état malgré la révolution. Tous, s’inquiétent de la main mise politique du nouveau pouvoir sur les principaux médias publics dont les nouveaux dirigeants ont été nommés en début d’année. Le 9 janvier, à l’appel du Syndicat national des journalistes Tunisiens (SNJT) un rassemblement a été organisé pour protester « contre les pratiques du nouveau gouvernement » qui « rappellent celles du régime déchu ». Les nominations contestées concernent principalement l’Agence Tunis-Afrique Presse (TAP), les journaux La Presse et Essahafa ainsi que la direction de la télévision publique tunisienne.

« DÉCLOISONNER LES UNIVERS, SORTIR DU GHETTO »

Manque de reportages, absence de recul, mauvaise hiérarchie de l’information, vieux réflexes idéologiques : durant ces deux jours, le journalisme « traditionnel » a été sérieusement remis en cause par les acteurs du journalisme « citoyen ». Même si certains souhaitent « décloisonner les univers, sortir du ghetto » et apporter leur nouveau savoir-faire technologique, ils s’affirment, aujourd’hui, comme l’avant-garde de la transformation de la société tunisienne et veulent « la transparence ».

Leur bataille est d’imposer, petit à petit, le logiciel libre, l’accès aux sources pour tous et « l’opengov » (initiée par Barack Obama aux Etats-Unis) qui permet aux citoyens d’intervenir directement sur la préparation des lois ou de lancer des initiatives politiques. Selon eux, ce « mouvement de libération des données »changerait radicalement le traitement de l’information et offrirait, de plus, un champ nouveau pour les entreprises de presse anciennes et nouvelles.

« IL NE FAUT PAS ACCABLER TOUT LE MONDE »

Pour autant, il est difficile en une année de passer d’une dictature féroce à une liberté totale, quasi autogestionnaire. « Il ne faut pas accabler tout le monde », nuance ainsi Emna Menif qui vient de créer Koulouna Tounes, un nouveau mouvement centriste démocratique et qui n’a pas été tendre avec les médias après la révolution. « Tout le monde a été pris de court et nous devons avoir de la compréhension vis-à-vis des rédactions. La libération de la parole est très difficile àgérer et les médias sont en phase de déculpabilisation », dit-elle.

« Il est vrai que nous avons tous gagné en maturité », concède le « militant de l’info »Malek Khadhraoui, 35 ans, un des quatre fondateurs administrateurs du site Nawaat, blog collectif indépendant, qui fut le premier à dénoncer la propagande de Ben Ali. « Les rédactions ont certes franchi des pas importants en se structurant et en affichant une ligne éditoriale plus claire mais, le nouveau gouvernement ne montre pas une volonté démocratique. La meilleure parade à ces ingérences reste la mobilisation de la société civile », poursuit-il.

Est-ce un signe que le temps se couvre dans la nouvelle Tunisie démocratique ? Dans un message solennel, l’association Reporters sans frontières (RSF) qui a ouvert un bureau à Tunis en octobre 2011, a tenu à dénoncer la menace de filtrage d’Internet par le nouveau gouvernement.

Source: “Le Monde.fr” Le15-01-2012

Lien: http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2012/01/15/medias-tunisiens-la-mutation-se-fait-toujours-attendre_1629913_1466522.html


Le désenchantement des jeunes de Kasserine


Tandis que Tunis connaissait samedi une mobilisation populaire sans précédent et que des milliers de manifestants étaient descendus sur l’avenue Habib-Bourguiba pour célébrer, dans la capitale, le premier anniversaire de la révolution, à Kasserine, une petite ville de 100.000 habitants au sud-est du pays, le manque de perspectives est criant, un an après la chute du régime de Ben Ali.

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Sur la route de Kasserine, les contrebandiers ont pignon sur rue. Les vendeurs de bidons d’essence y sont devenus plus nombreux que les méchouias, ces troquets où des carcasses de mouton font office d’enseigne. Le carburant vient d’Algérie. La frontière n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres, juste derrière le mont Chaambi, le pic le plus élevé du pays (1 545 mètres). La police ne bronche pas. En Tunisie, l’économie grise représenterait 30 % du PIB. Ici, elle frôlerait plutôt les 50 %. Une soupape de sécurité. Car la région est l’une des plus déshéritées du pays. Des terres arides où même les oliviers peinent à se plaire.

Kasserine compte environ 100 000 habitants. Peu ou prou d’activités industrielles à l’exception d’une usine de cellulose qui ne cesse de péricliter (1 200 employés il y a dix ans, 400 aujourd’hui), d’une cimenterie et d’une entreprise de sous-traitance pour Benetton (environ 150 ouvriers).

Le taux de chômage avoisine les 40 %, soit le double de la moyenne nationale. Et ici comme ailleurs, il frappe surtout les jeunes diplômés. Kasserine exhibe fièrement deux instituts d’enseignement supérieur tout en reconnaissant que ce sont des «fabriques à chômeurs». La ville dispose aussi d’un hôpital. Il est déliquescent. Pour se faire soigner, raconte Samir Rabhi, un enseignant militant des droits de l’homme, «il faut aller à Sfax», la ville la plus proche, à quelque 200 km.

Kasserine se flatte pourtant d’un passé glorieux. Le gouvernorat représenterait le plus gros réservoir de ruines romaines du pays. Mais personne ou presque ne vient les visiter. En 1943, elle fut aussi le théâtre d’une fameuse bataille entre le maréchal nazi Rommel et les forces américaines. Kasserine s’enorgueillit surtout d’avoir été à l’avant-garde de la révolution du jasmin. À l’entrée de la ville, des graffitis en arabe et en anglais s’arrogent des droits d’auteur sur le printemps arabe, proclamant fièrement «We are the révolution».

Vingt et un morts en trois jours

Après l’immolation de Mohammed Bouazizi dans la cité voisine de Sidi Bouzid le 17 décembre, le soulèvement de Kasserine a été «un catalyseur de la révolte», confirme Sadok Mahmoudi, membre du bureau régional du puissant syndicat UGTT. «L’incendie s’est répandu à Tala puis Kasserine. Le 8 janvier, la ville s’est embrasée. La répression a été féroce: vingt et un morts en trois jours, tous âgés d’une vingtaine d’années. Ben Ali avait mesuré le danger. Deux jours avant de fuir, il avait ordonné de bombarder la ville.»

Kasserine s’est toujours affiché comme une ville frondeuse. «En 1984 déjà, la révolte du pain avait commencé ici», rappelle Samir Rabhi. La chute du régime Ben Ali n’a pas mis fin à la contestation. Le 8 janvier dernier, quelques centaines de jeunes ont conspué le président Moncef Marzouki et le premier ministre islamiste Hamadi Jebali venus rendre hommage aux «martyrs» de la révolution. «Ils réclamaient du travail et criaient: dégage!», raconte Haithem, au chômage depuis dix-huit ans, c’est-à-dire depuis toujours. «Marzouki n’a même pas pu commencer son discours. La colère des manifestants était telle qu’il a été aussitôt exfiltré par son service d’ordre.»

Dans la cité Ezzouhour (cité des Fleurs), un des quartiers les plus pauvres de Kasserine, la tension est toujours palpable. «Rien n’a changé», constate Jamel, 27 ans, diplômé d’anglais et bien sûr sans emploi. Comme tout le monde, Jamel passe son temps dans un des cafés bondés de la ville à jouer aux cartes et à fumer des cigarettes ou des joints venus d’Algérie. «On attend», dit-il.

Pour son ami Nizar, 24 ans, «la situation a même empiré. Les braquages se sont multipliés et même si la police connaît le voleur, elle n’agit pas. L’État est faible. Comment voulez vous attirer des investisseurs dans un tel climat d’insécurité?» À en croire Haithem, la corruption demeure elle aussi endémique. «Le seul moyen de trouver du boulot, ce sont les chantiers» (un système d’emplois à durée déterminée dans la fonction publique hérité de l’ère Ben Ali). Mais pour en bénéficier, «il faut avoir des relations ou payer un bakchich». Pour Jamel, «les nadhaouistes n’ont pas tenu leurs promesses. Nous les avons élus, mais nous pouvons aussi les destituer».

À Kasserine, un an après la chute du régime Ben Ali, l’heure est au désenchantement. Le gouvernement en est conscient, mais semble jusqu’ici impuissant. «Les attentes sont énormes et les nerfs sont à vif», a reconnu il y a quelques jours le ministre des Affaires sociales Khalil Zaouia. La situation économique «s’est notablement aggravée», confirme l’économiste Mahmoud Ben Romdhane et les régions les plus pauvres sont les premières à en subir les conséquences. «Le nouveau pouvoir a hérité de l’ancien régime une déconnexion dramatique entre des structures de production fondées sur des emplois moyennement qualifiés et un système éducatif qui génère près de 70.000 diplômés chaque année.»

Le nombre de chômeurs est passé de 500.000 à 800.000

Un peu partout dans le pays, les grèves – plus de 500 depuis la chute de Ben Ali – ont déjà entraîné la fermeture de plus d’une centaine d’entreprises. Le secteur touristique est en berne et les exportations de produits manufacturés pâtissent déjà de la crise en Europe.

En à peine un an, le nombre de chômeurs est passé de 500.000 à 800.000. Plus d’un tiers des jeunes diplômés sont aujourd’hui sans emploi. «Le pire, poursuit Ben Romdhane, est qu’après avoir passé deux mois à discuter sur la répartition des portefeuilles ministériels, le gouvernement de coalition n’a envisagé aucune mesure d’urgence. Il n’essaie même pas d’envoyer un signal susceptible de redonner un peu d’espoir.»

Une absence de perspectives qui n’en finit pas d’inquiéter la plupart des observateurs. «Les islamistes ont connu la prison, la torture. C’est un CV qui mérite la compassion, mais qui ne les habilite pas à diriger le pays, estime un éminent représentant de la société civile. Distinguer les grèves légitimes des débrayages arbitraires comme vient de le faire le porte-parole du gouvernement, c’est de la foutaise! La vérité est que ces dirigeants n’ont aucune vision économique, qu’ils brillent par leur incompétence. Vous connaissez un pays où l’on adopte un projet de budget en quarante-huit heures? Qui plus est, un texte préparé par le précédent gouvernement avant le début de la crise en Europe et qui prévoit une croissance de 4,5 % cette année. C’est surréaliste!»

Samedi, à Kasserine, Jamel, Nizar, Haithem et les autres ont passé comme d’habitude la journée au café. À fumer encore et toujours en rêvant tout haut d’«une révolution non stop».

Source: “Le Figaro” Le 15-01-2012

Lien: http://www.lefigaro.fr/international/2012/01/15/01003-20120115ARTFIG00146-tunisie-le-desenchantement-des-jeunes-de-kasserine.php


Tunisie: Moncef Marzouki juge « suicidaire » une intervention étrangère en Syrie


Le président tunisien Moncef Marzouki s’est opposé dans une interview diffusée dimanche à une intervention étrangère en Syrie, jugeant qu’elle serait « un suicide » et conduirait à une « explosion » de tout le Moyen-Orient. Interrogé par le quotidien algérien El-Khabar, il évoque « un spectre irréalisable » qui serait un « suicide » en parlant de l’éventualité d’une intervention étrangère pour mettre fin à la répression de la contestation du régime du président Bachar al-Assad, qui a déjà fait plus de 5.000 morts selon l’ONU. « Une telle intervention signifierait que la guerre va s’étendre à toute la région, ce qui ouvre la voie à toutes les puissances, à l’instar de la Turquie, d’Israël, de l’Iran et du Hezbollah. Cela voudrait dire toute la région va exploser », a ajouté le président tunisien. L’émir du Qatar s’est dit samedi favorable à l’envoi de troupes arabes en Syrie afin de « mettre fin à la tuerie » dans le pays, secoué depuis dix mois par une révolte populaire réprimée dans le sang, la première prise de position de ce type d’un dirigeant arabe. M. Marzouki est lui-même un ancien opposant au régime du président Zine El Abidine Ben Ali renversé il y a un an par la première révolution du « printemps arabe ». Evoquant la Libye du colonel Mouammar Kadhafi, dont le régime est également tombé l’an dernier, le président tunisien dit que « nous n’avons accepté l’intervention étrangère que quand la situation a atteint des proportions alarmantes. Nous l’avons acceptée mais sans conviction », a-t-il souligné. Le dirigeant tunisien s’est aussi inquièté de l’évolution de la situation en Syrie vers un conflit entre courants religieux. « La situation en Syrie m’inquiète énormément, du fait que la révolution commence à prendre un caractère confessionnel, d’où le gra

Source: “Atlas Info” Le 15-01-2012

Lien: http://www.atlasinfo.fr/Tunisie-Moncef-Marzouki-juge-suicidaire-une-intervention-etrangere-en-Syrie_a24734.html


Documentaire à propos de la fuite de Ben Ali sur Watanya 1


Un documentaire, sur les événements les plus importants concernant la fuite de Zine El Abidine Ben Ali, sera diffusé, dans la soirée du dimanche 15 janvier 2012, vers 21h sur la chaîne Watanya 1 Le reportage proposera des témoignages de plusieurs intervenants qui ont participé aux événements du 14 janvier 2011. Il reviendra sur l’arrestation des Trabelsi à l’aéroport, sur ce qui s’est passé au palais de Carthage, les derniers instants avant la fuite de Ben Ali et ceux décisifs de la transition du pouvoir. Ainsi, au menu de cet enregistrement de 60 minutes préparés par Arem Rejaïbi, plusieurs témoignages dont notamment celui de Foued Mebazaâ, Mohamed Ghannouchi, Samir Tarhouni ainsi que certains gardes présidentiels et employés de la salle des opérations du palais présidentiel.

Source: “Business News” Le 15-01-2012

Lien: http://www.businessnews.com.tn/Tunisie—Documentaire-%C3%83%C2%A0-propos-de-la-fuite-de-Ben-Ali-sur-Watanya-1,520,28772,3


Sakher El Materi: «J’espère que la transition se passera bien en Tunisie »


Dans une interview d’une quinzaine de minutes accordée au journaliste Georges Malbrunot du journal français Le Figaro, Sakher El Materi a déclaré : « J’espère que la transition se passera bien, on verra ». Concernant Ennahdha, s’interrogeant sur sa victoire mais sans se lancer dans de virulentes critiques conte ce parti, il a indiqué qu’«au contraire, jure-t-il, j’avais cherché à convaincre ma belle famille qu’il fallait accorder un espace aux islamistes ». Sakher El Materi a dit être en contact avec Zine El Abidine Ben Ali. Mais il a refusé d’en dire plus sur sa santé ou sur son moral. Il a, également, évoqué la France, les autres révolutions arabes, puis a avoué ne pas savoir de quoi sera fait son avenir avec sa femme Nesrine. Concernant son look, le journaliste a précisé que le gendre de Ben Ali est arrivé au rendez-vous fixé dans un restaurant d’un hôtel de Doha en jean et blouson de cuir, un fin collier de barbe autour du visage. Et qu’il est reparti «incognito». Rappelons que Sakher El Materi s’est engagé à ne pas parler à la presse auprès de ses hôtes qataries, qui lui ont accordé le titre de résident permanent, malgré le mandat d’arrêt lancé contre lui.

Source: “Business News” Le 15-01-2012

Lien: http://www.businessnews.com.tn/Sakher-El-Materi-%C3%82%C2%ABJ%C3%82%E2%80%99esp%C3%83%C2%A8re-que-la-transition-se-passera-bien-en-Tunisie-%C3%82%C2%BB,520,28770,3


Tunisie: l’optimisme prudent des analystes


Un an après le départ en exil du président Zine el Abidine ben Ali, qui régna d’une main de fer sur la Tunisie pendant 23 ans, la révolution tunisienne est perçue avec « un optimisme prudent » par les analystes.

Malgré des élections jugées « réussies » par les observateurs, suivies par la mise en place d’institutions dirigeantes appelées à remettre le pays sur les rails, un sentiment d’inquiétude continue de prévaloir chez nombre de Tunisiens, en particulier les plus de 800.000 chômeurs et les couches sociales démunies.

« Les étapes franchies pour la construction des assises d’une démocratie réelle sont très importantes », juge l’analyste politique Heykel Mahfoudh dans un entretien avec l’Associated Press.

Il relève cependant que « l’apprentissage de la démocratie se fait dans la douleur et l’hésitation », ce qu’il attribue entre autres à « l’inexpérience, l’improvisation et le flou » qui empreint l’action des nouveaux gouvernants.

En somme, « c’est une phase de turbulence paradoxalement nécessaire » après des changements de cet ordre, estime-t-il, en restant « quand même positif dans la mesure où le tissu social est réactif, répond au débat et qu’il y a des correctifs qui sont apportés ».

Professeur de droit public et conseiller principal du Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées, l’analyste se dit néanmoins « inquiet » face à la situation économique et sociale, avec « une montée du chômage, une croissance nulle et des sit-ins à n’en plus finir ».

Selon lui, « les orientations que prend le gouvernement actuel n’envoient pas de signaux forts dans le sens d’une conscience profonde des problèmes que vit la société tunisienne ».

Il considère que la coalition « objectivement contre-nature » de l’équipe dirigeante, entre le mouvement islamiste Ennahdha et deux formation de centre-gauche, le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), « ne donne pas la possibilité d’entrevoir à terme une réponse aux besoins de la société ainsi qu’une garantie de la continuité de l’Etat et du respect des droits ».

A ses yeux, « la véritable révolution pour mettre la société tunisienne sur l’orbite de la démocratie doit avoir lieu au niveau culturel dans son acception la plus large, artistique et autres, c’est-à-dire la culture démocratique ». « C’est en investissant ces espaces, qu’on pourrait garantir l’aboutissement des changements que connaît la Tunisie », martèle-t-il en faisant montre d’un « optimisme prudent » pour la période à venir.

Le même sentiment se dégage chez un expert économique de la Banque africaine de développement (BAD), l’un des principaux bailleurs de fonds de la Tunisie.

« En 12 mois, la situation économique s’est détériorée avec l’arrêt des investissements, la chute du tourisme (un des piliers de l’économie tunisienne) et la paralysie du secteur des phosphates », dont la Tunisie est le cinquième producteur mondial, constate Jakob Kolster, responsable du département Afrique du Nord à la BAD.

Le chômage est passé de 13 à 18%, voire 20% de la population active, soit plus de 800.000 sans emploi, la croissance est nulle sinon négative, et les pertes sont évaluées à 2 milliards de dollars. Pour améliorer la situation, il suggère des « signaux forts et clairs » du gouvernement en matière de politique économique afin d’encourager les opérateurs à investir et à faire revenir les touristes.

« Il faut qu’il (le gouvernement) montre qu’il est prêt à respecter les règles de la bonne gouvernance, de la transparence et de la comptabilité », plaide Jakob Kolster.

Il qualifie de « très positive » la volonté affichée par les nouveaux dirigeants de lutter contre la corruption et de placer parmi ses priorités l’atténuation du chômage et du déséquilibre entre les régions, en mettant en avant le secteur privé. « Maintenant, il s’agit de traduire les bonnes intentions par des actes et nous allons lui prêter main forte pour cela », a-t-il promis.

Source: ”Challenger” Le 15-01-2012

Lien: http://www.challenges.fr/economie/20120113.FAP9693/tunisie-l-optimisme-prudent-des-analystes.html

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