15 mars 2006

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TUNISNEWS
6 ème année, N° 2123 du 15.03.2006

 archives : www.tunisnews.net


CNLT: Campagnes abjectes contre les opposants – Harcèlement de la famille Jallali AISPP: Communiqué OMCT: Tunisie : Me Mohamed Abbou en grève de la faim et aggravation de ses conditions de détention Comité de Soutien contre l’Expulsion de M.Z.J: Canada / Alerte : Mohamed JAOUADI est menacé d’expulsion raciste et islamophobe AP: La Ligue tunisienne des droits de l’homme se désengage du procès qui lui est intenté AFP: L’argent des immigrés, manne méconnue pour l’aide au développement Le Crif en action: Incidents antisémites à l’université de Tunis Lusojornal: Omar Chlendi demande la nationalité portugaise pour venir en France lMSI: Un livre de Sadri Khiari: Pour une politique de la racaille Le Temps : Mars 1958: L’organisation judiciaire à l’aube de la République Familiaclick: Bruits de Conversation Jeune Afrique: Doyens de l’indépendance Jeune Afrique: Qui est Mohamed Ghannouchi ? Jeune Afrique: Hannibal TV sur la corde raide Al Ahram Hebdo: Portrait de Mohamed Driss Tribune de Genéve: La taupe devait remonter jusqu’à Al-Qaida

APPEL AU RASSEMBLEMENT DU 17 MARS 2006

Le « Comité du 18 Octobre pour les Droits et les Libertés des tunisiens et tunisiennes »

Demande à tous les tunisiens et tunisiennes d êtres présents au Rassemblement ce

vendredi 17 mars à 13 H à Bab Souika

. Pour revendiquer en la circonstance : – La fin de cinquante ans (50) d’un régime dictatorial; – Nos libertés de réunion, de manifestation et d’_expression; – Nos droits à la constitution de partis et d’associations ;   La défense de nos libertés et de nos droits est trop importante pour la laisser s’étouffer par une police aux ordres de la dictature et de la mafia. Les actions de défense de nos Libertés et de nos Droits doivent dépasser nos différences et nos contradictions.

Rassemblons nous pour nos Droits et nos Libertés. Rejoignez-nous à 13h ce vendredi 17 mars


CONSEIL NATIONAL POUR LES LIBERTES EN TUNISIE

 

Tunis le 15 mars 2006

 

Campagnes abjectes contre les opposants

Harcèlement de la famille Jallali

 

 

Le 13 mars courant, maître Jallali, ancien député opposant, célèbre par ses prises de position contre les lois scélérates et membre du CNLT, reçoit à son cabinet une enveloppe contenant une cassette vidéo d’un montage pornographique dont il est le sujet et qui avait fait l’objet d’un avertissement par courrier anonyme le 7 mars l’informant que cette vidéo va être largement diffusée. La source anonyme a bien pris soin de préciser qu’il ne s’agit pas de la police !

Maître Jallali ainsi que sa femme, Naziha Rjiba avaient reçu en décembre 2005, après le SMSI des informations selon lesquelles la famille Jallali est menacée et qu’elle va subir des mesures de rétorsion. Le cabinet de maître Jallali fait l’objet ces derniers jours d’une surveillance étroite de la police politique et ses lignes téléphoniques sont sur écoute.  Maître Jallali a déposé une plainte auprès du procureur de la république pour harcèlement et atteinte à son honneur.

La même semaine, de nombreux citoyens tunisiens ont reçu sur leurs boite e-mail des photos montrant un montage pornographique représentant la fille de Neila Cherchour Hachicha, fondatrice du parti libéral méditerranéen (PLM, non reconnu). Par ailleurs, une campagne indécente a été lancée contre Ahmed Kedidid, ancien responsable politique sous Bourguiba, par Al Hadeth, le journal spécialisé dans la diffamation dirigé et financé par les services spéciaux du ministère de l’Intérieur. 

Il semblerait que ces services spéciaux du MI soient aujourd’hui dirigés par des obsédés sexuels qui auraient intérêt à se faire soigner au lieu d’instrumentaliser une institution de la république et de la déshonorer par leurs fantasmes.

 

Le CNLT

·         Dénonce avec la plus grande vigueur cette dérive mafio-délinquante et ces campagnes de caniveau, révélatrices d’une panne du politique et indignes d’un Etat de droit.

·         Il rappelle que ce n’est pas la première fois que le régime recourt à l’atteinte à l’honneur des opposants par des montages obscènes de scènes préfabriqués sorties d’une imagination malade et perverse; On avait cru que ces procédés utilisés pour salir les opposants, et que les citoyens ont découvert pour la première fois au début des années 90, ont fait leur temps et démontré leur contre productivité puisqu’ils salissent davantage ceux dont ils émanent que leurs victimes.

·         Il assure les victimes de ces campagnes abjectes et particulièrement la famille Jallali de son entière solidarité.

·          Il considère que ce genre de procédés de délinquants est révélateur de la déliquescence des mœurs politiques.

·         Il rappelle à l’Etat tunisien son devoir de veiller au respect des institutions et des lois et notamment celles qui sanctionnent l’atteinte à l’honneur des citoyens, le délit de diffamation et l’injure sur des particuliers  et protègent la vie privée des citoyens.

 

Pour le Conseil

La porte parole

Sihem Bensedrine


Sauvez la vie de Mohammed Abbou

Sauvez la vie de tous les prisonniers politiques

 

Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques

33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis

Tel : 71 340 860 fax : 71 351 831

 

 

Tunis, le 13 mars 2006

 

Communiqué

 

Les informations qui se succèdent en provenance des prisons tunisiennes font état de beaucoup prisonniers politiques atteints de maladies chroniques, non soignées comme il le faudrait, ajoutant au désarroi quant aux raisons de cette négligence.

 

Citons parmi ces prisonniers :

 

Le prisonnier Héchmi Mekki qui est atteint d’un cancer. Son épouse, madame Sabiha Tayyachi, nous a informés qu’il avait à nouveau été hospitalisé à l’Ariana, dont il venait de sortir.

 

Le prisonnier politique Fethi Ouerghi, actuellement incarcéré à la prison du Kef, et qui est atteint de multiples pathologies chroniques (cardiaque, rhumatismes, grave baisse de l’acuité visuelle, maux de tête violents qui l’empêchent de dormir, d’après le témoignage d’un prisonnier politique libéré récemment.)

 

Le prisonnier politique Aïssa Amri, qui souffre de douleurs dorsales et nombreuses maladies chroniques.

 

Le prisonnier politique Mohammed Mseddi, qui a des fractures au genou et à la colonne vertébrale, dues à la torture subie en 1993.

 

L’AISPP, qui n’a cessé d’alerter sur la gravité de l’état de ces prisonniers et d’autres encore, considère que leur maintien en prison ne contribue qu’à aggraver leur état, et que l’absence de soins au moment requis constitue une punition injustifiée. L’AISPP exige leur libération immédiate et que des examens approfondis soient pratiqués sur tous les prisonniers politiques.

 

Le Président de l’Association

Maître Mohammed Nouri

 

(Traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)


 

ORGANISATION MONDIALE CONTRE LA TORTURE (OMCT)   Communiqué de Presse  

Tunisie : Me Mohamed Abbou en grève de la faim et aggravation de ses conditions de détention

  Genève, le 15 mars 2006. Le Secrétariat international de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a été informé par le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), membre du réseau SOS-Torture, de la grève de la faim que vient d’entamer Me. Mohamed Abbou, ancien dirigeant de l’Association des jeunes avocats (AJA), membre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et de l’Association internationale pour le soutien des prisonniers politiques (AISSP).   En effet, selon les informations reçues, depuis le 11 mars 2006, Me Mohamed Abbou, incarcéré depuis le 1er mars 2005 pour avoir publié une tribune sur Internet en août 2004, dans laquelle il dénonçait les conditions de détention en Tunisie, est en grève de la faim. Il entend ainsi protester contre ses conditions de détention qui se sont  aggravées depuis le 2 mars 2006, date à laquelle de nombreuses personnes se sont rassemblées devant la prison de Kef où il est détenu, malgré l’interdiction de la police et la garde nationale.   Depuis lors, Me Mohamed Abbou a été réveillé à plusieurs reprises en pleine nuit par les gardiens qui ont procédé à des fouilles par mesure de rétorsion. L’administration carcérale aurait également incité certains co-détenus de droit commun à le harceler et colporter des rumeurs touchant à son honneur et celui de sa famille. De même, les gardiens ont interrompu la visite hebdomadaire après trois minutes, malgré l’insistance de sa mère, qui ne l’avait pas vu depuis trois mois. Sa femme, Mme Samia Abbou, a décidé depuis le 2 mars 2006 de ne plus rencontrer son mari derrière les barreaux durant la visite hebdomadaire, et de se contenter d’un sit-in devant la prison chaque jeudi, jour de visite, en signe de protestation contre le sort injuste que subit son mari. Un impressionnant dispositif policier l’a alors entourée durant son sit-in. De nombreuses voitures de la sûreté de l’Etat et de la garde nationale l’ont également « escortée » durant tout le trajet qui mène de Tunis à Kef (170 Km) et la voiture de Me Idoudi, qui l’avait accompagnée, a été « contrôlée » une dizaine de fois durant ce trajet, les documents de sa voiture ont été saisis et un procès-verbal a été dressé à son encontre.   Le Secrétariat international de l’OMCT exprime sa vive inquiétude au sujet des conditions de détention de Me Abbou et quant à son intégrité physique et psychologique, et demande la libération immédiate de Me Abbou. L’OMCT demande également aux autorités tunisiennes de mettre un terme aux actes de harcèlement à l’encontre de la famille de Me Abbou.   Contact presse : Eric Sottas : +41 22 809 49 39


Canada / Alerte : Mohamed JAOUADI est menacé d’expulsion raciste et islamophobe

 

Le « Tribunal de l’Immigration » du Canada vient de statuer le 1 mars 2006 sur le cas du tunisien résident au Canada depuis plus de 5 ans  Mohamed Ziar JAOUADI,  dossier no. SSOBL : 4229-8637.

 

Le « Tribunal de l’Immigration » du Canada a paraphé une  ordonnance d’expulsion sans envoyer le rapport officiel de sa décision à l’intimé, ni à son avocate, à part une simple lettre qui l’informer de ce qui suit :

 

« Demande d’ERAR a été rejetée le 1 mars 2006. Il a été établi que vous ne risquez pas d’être torturé ou de subir un traitement ou une peine cruels ou de voir votre vie menacée advenant un renvoi vers votre pays de nationalité ou de résidence habituelle « la Tunisie« .

 

Signée Madame Martine Beaulac, Agente d’Examen des Risques Avant Renvoi (ERAR). 

 

La « Tribunal de l’Immigration » du Canada lui a alloué un délai de quatre (4) semaines pour quitter le Canada.

 

Mohamed Ziar Jaouadi réside au Canada depuis presque six (6) ans, il dirige une PME de formation en transport, il a été félicité à maintes reprises pour sa contribution économique et sociale par les autorités de sa ville d’accueil « Sherbrooke », au Québec et au Canada,  

 

Tout le monde y inclus le barreau du Québec et les avocats de l’immigration dénoncent à haute voix les pratiques malsaines du Ministère de la Citoyenneté & l’Immigration Canada. Ce foutu ministère est devenu un micro-État fasciste dans un gouvernement canadien de tradition et de culture démocratique. Le Canada  a toujours prôné, défendu depuis longtemps sur les tribunes internationales « Le respect des droits de l’Homme« . Même l’ONU  a dénoncé à maintes reprises le Ministère de la Citoyenneté & de l’Immigration  Canada pour ses pratiques floues, contradictoires et incompatibles avec le droit international. En plus combien de  procès que nous avons tenté entant que partie civile auprès  de la Cour Suprême du Canada contre Immigration Canada ?

 

La décision de ce crétin de juge de l’unique tribunal raciste et fasciste sur le sol canadien  est une décision incompréhensible et injuste basée sur  l’ignorance des juges des enjeux de la politique internationale, leur racisme et leur islamophobie envers notre communauté arabo-canadienne et spécifiquement envers les musulmans.

 

Depuis plus de cinq (5) ans que Mohamed Ziar Jaouadi  s’est bien intégré et adapté.  Depuis son arrivée, il n’a pas cessé de contribuer positivement à la société canadienne. Ayant toujours occuper un emploi autonome (jeune entrepreneur) pour gagner sa vie. Jeune, dynamique et en bonne santé, il n’a jamais constitué un fardeau ou une menace ou un obstacle à quiconque et encore moins à l’État canadien.

 

Jaouadi Mohamed est un militant actif du Droit de l’Homme comme des milliers d’autres tunisiens de la diaspora, rejetant la pensée unique, la culture de la corruption, il est opposant à la répression, à la torture, à l’injustice et au système politique actuel en Tunisie. Parce qu’il a exprimé des idées différentes sur son pays, la machine étatique tunisienne « sous la couverture sécuritaire et des faux ordres venant de la Présidence« , le prive de ses droits les plus élémentaires qui sont d’avoir des documents d’identité nationale et un simple passeport. Il est devenu un tunisien de sang (ADN), de couleur, il est devenu membre du Club des Tunisiens « No Man Land » qui comptent des milliers d’adhérents  au Canada, en France, en Italie, en Hollande, etc… Ils ont aucun statut. À part un document temporaire  «Réfugié» qui lui permet d’avoir temporairement la paix. Comment voulez vous que ces gens ne deviennent pas des opposants virulents au gouvernement tunisien ?

 

Les soi-disant diplomates et représentants de la Tunisie nos classes en trois catégories :

          Les Amis « les détenteurs de la carte de privilège RCD, c’est à dire,  les corrompus, les serviles, les opportunistes, les arrivistes, les inconditionnels, les méprisants, des porteurs de valises, etc. » ;

           les Gagne-pains  (les apolitiques) et

          les Ennemis (Les Opposants, ceux qui rejettent l’ordre tracé).

 

Nous ne sommes pas nés adversaires, nous sommes faits  antagonistes. Ils ne prennent même pas la peine de savoir pourquoi nous sommes changés OPPOSANTS ? Pour eux, nous sommes devenus une caste d’intouchables «comme ceux en Inde» au lieu de nos comprendre, de nos assister, de nos aider, malheureusement, ils ne se soucient même pas de notre sort ou celui de nos familles au contraire nos Ambassades et Consulats tunisiens à l’étranger sont devenus des  menaces, ils nous  méprisent et souvent ils nous surveillent même si on est chez nous à l’étranger, ils nous harcèlent, ils nous tabassent jusqu’au tentative de kidnapping et  de meurtre en pleine rue. Ils sont devenus des professionnels du chantage, j’ai rencontré dernièrement à Paris des gens que le temps a vieilli que notre Ambassade tunisienne à Paris a refusé de leur donner des documents depuis presque 30 ans !!! Voilà, ce que ces salauds de faux diplomates cachent à leur Président Ben Ali !!! 

 

Alerte au gouvernement tunisien :

 

Je lance une alerte au  gouvernement tunisien qui doit ouvrir les yeux, il y a plus de mille deux (1200) jeunes tunisiens au Canada qui se trouvent dans la même situation que Mohamed Ziar Jaouadi, ils sont condamnés à la déportation, ils sont rentrés dans la clandestinité, ils n’ont aucun papier, aucune assurance, ils acceptent le travail au noir, ils se font exploiter, ils sont désespérés, il y a même qui sont devenus psychologiquement déséquilibrer. La grande majorité sont des maîtrisards que le peuple tunisien a énormément investi.

 

Le gouvernement américain est entrain de passer  une annonce à la TV en arabe et en anglais pour recruter des jeunes des USA et du Canada (il s’en foutre des papiers !) qui parlent arabes, anglais ou autres langues pour travailler en Irak à 60,000 $ US par année, en plus, ils seront  pris en charge sur place (logement, assurances, primes, etc.).

 

Nous savons pourquoi les américains ont besoin d’eux pour aller travailler en Irak ? Nous savons aussi les promesses qu’ils vont respecter  suite au devoir «sale boulot » accompli, les rares survivants se feront octroyer la «Green Card», par la suite la Citoyenneté américaine.

 

Chers compatriotes tunisiens : Combien de jeunes tunisiens illégaux au Canada vont se présenter à la frontière américaine ? Personnellement, j’ai rencontré plus de 50 jeunes qui sont entrain de s’organiser pour participer, y inclus des jeunes de ma famille !!! 

 

C’est un drame que les autorités tunisiennes au Canada et spécifiquement à Montréal, Canada (Ambassade et Consulat) s’en foutent éperdument et refusent tout dialogue sur le sujet à part envoyer des faux rapports falsifiés pour nous  dénoncer chaque fois que nous organisons un séminaire ou un meeting ou autres activités non bénies par leur stupidité. Aucun tunisien sain d’esprit n’accepte leur manière de nous assister, de nous conseiller ou de nous aider,  ils sont la cause première de l’écœurement des tunisiens de la diaspora et indirectement de la politique tunisienne.

 

Quoi faire ? Il faut continuer de les dénoncer, il faut se mobiliser, il faut rester solidaire à chaque fois qu’un des membres de notre communauté tunisienne au Canada  est menacé : à l’école, à l’Université, au travail, dans la rue, dans la ville, «Where ever» ! dans le respect de  nos différences idéologiques ou socio-économiques.

 

Notre destin n’est il pas le même ? Notre fierté n’est-elle pas nos traditions tunisiennes de solidarité, notre  but n’est-il pas la justice en Tunisie ?

 

Nous avons crée un Comité de soutien contre l’expulsion de Mohamed Ziar JAOUADI, dont les coordonnées sont les suivants :

 

Comité de Soutien contre l’Expulsion de M.Z.J.

Montréal, Québec, Canada, H2K 3T8

Tél. : 1-514-526-0938

Fax : 1-514-526-5157

e.Mail : maalaoui@yahoo.com

Coordinateur : Abdo Maalaoui

 


 

Syndicat de base de la Faculté des Lettres Manouba

 

A la suite de la tentative avortée  d’un petit groupe d’étudiants pour empêcher par tous les moyens la tenue d’un colloque en hommage à Paul Sebag et des agressions verbales et physiques perpétrées à cette occasion contre certains collègues

 

Assemblée générale syndicale

ouverte à tous les universitaires

 

Jeudi 16 mars 2006 12h30

Faculté des Lettres Manouba

Salle Hassan Hosni Abdelwahab


La Ligue tunisienne des droits de l’homme se désengage du procès qui lui est intenté

 

Associated Press, le 14.03.2006 à 20h21

TUNIS (AP) — Nouveau rebondissement dans la crise qui secoue depuis plusieurs mois la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH): son président Mokhtar Trifi a annoncé mardi que le comité directeur avait décidé de se retirer du processus judiciaire engagé à son encontre par des plaignants proches du parti au

pouvoir et de tenir son congrès fin mai au plus tard.

 

Les auteurs de cette action en justice accusent les dirigeants actuels de la ligue de « violation du règlement intérieur et du statut » de cette organisation dans le but de les en exclure.

Déposée par 22 adhérents, cette plainte avait été à l’origine de l’annulation du congrès national de la LTDH prévu en septembre dernier sur décision du tribunal de première instance de Tunis qui statuait en référé.

 

Examinée au fond depuis, l’affaire a été reportée à cinq reprises, le procès ayant été fixé au 6 mai après le dernier renvoi en date.

 

Lors d’une conférence de presse, Me Trifi a justifié la décision de désengagement par « les atermoiements du pouvoir visant à prolonger indéfiniment le procès dans le but d’empêcher la LTDH de tenir son congrès », en déplorant le refus opposé par le tribunal à une demande visant à avancer la date de la prochaine audience.

 

Selon lui, « les conditions d’un procès équitable sont inexistantes », en citant notamment les mesures de sécurité draconiennes prises régulièrement autour du palais de justice de Tunis et l’interdiction faite à des membres du comité directeur d’assister aux audiences.

 

Parlant en présence de diplomates occidentaux, représentant l’Union européenne, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, il a annoncé par la même occasion que le comité directeur avait également décidé sur recommandation du conseil national d’organiser ces assises dans un délai ne dépassant pas la fin mai, une date qui coïncide avec le

29e anniversaire de cette organisation, la plus ancienne dans le monde arabe et en Afrique.

 

Dans un communiqué remis aux journalistes, le conseil national « ne considère plus la ligue comme tenue par l’issue de la procédure judiciaire engagée », faisant valoir que la date du 6e congrès, son lieu et son déroulement sont désormais « du ressort exclusif des structures internes de la ligue en dehors de toute interférence étrangère« .

 

Ces décisions interviennent au moment où la tendance semblait s’orienter vers l’apaisement après que 20 plaignants ont demandé en novembre dernier la radiation de l’affaire en justice et que d’anciens dirigeants de la LTDH s’employaient à rechercher une sortie à la crise, notamment un compromis entre le comité directeur et les deux plaignants restants.

 

Alors que les autorités ne cessent pas d’affirmer « n’avoir interféré en aucune manière dans les affaires de la LTDH« , en avançant que la crise est née d’un « différend interne entre ses membres », M. Trifi considère, en revanche, qu’il s’agit d’une « affaire politique sous habillage judiciaire ». Il a déploré le rejet par le pouvoir des appels au dialogue lancés par la LTDH, dénonçant « l’option sécuritaire » adoptée par les autorités.

 

« Nous sommes prêts à toute solution politique, mais jusqu’à ce jour nous ne savons pas ce que veut le pouvoir », a martelé le président de la ligue qui a lancé un appel à la société civile, aux partis politiques et « aux amis de la LTDH à l’intérieur et à l’extérieur » pour lui apporter leur soutien.

 


 

L’argent des immigrés, manne méconnue pour l’aide au développement

Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS

AFP, le 14.03.2006 à 16h05

BRUXELLES, 14 mars 2006 (AFP) – Les immigrés d’Afrique du Nord  et du Proche-Orient présents dans l’UE contribueraient plus au  développement de leur pays d’origine si les milliards d’euros qu’ils  transfèrent annuellement passaient par le système bancaire, selon  une nouvelle étude.

 

Les plus de cinq millions d’immigrés de huit Etats (Maroc,  Algérie, Tunisie, Turquie, Egypte, Liban, Syrie et Jordanie)  installés dans l’Union européenne envoient chaque année  officiellement quelque 7,1 milliards d’euros dans ces pays.

 

En ajoutant les sommes transférées de façon « informelle » (argent  liquide emporté lors des voyages, transferts par le biais  d’organismes non autorisés), le total atteint entre 12,4 et 13,6  milliards par an, selon l’étude de la Facilité euro-méditerranéenne  d’investissement et de partenariat (Femip), qui regroupe les  activités de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans les  pays de la zone Méditerranée.

 

Mais seule une « minuscule partie » (9,7%) de ces « sommes  considérables » est destinée aux investissements productifs, conclut  la Femip. Ces fonds, qui  représentent au minimum 1% du PIB de  chaque Etat concerné, pourraient, selon elle, « être une importante  source de financement pour le développement de ces pays ».

 

« Les méthodes de transfert utilisées ne permettent pas à cet  argent d’être suffisamment bien utilisé pour permettre  l’investissement productif », souligne Philippe de Fontaine Vive  Curtaz, vice-président de la BEI.

 

Les 7 milliards d’euros officiels arrivent en effet  principalement par le biais des sociétés de transfert d’argent, en  particulier Money Gram et Western Union. Ces transferts, qui coûtent  très chers à leurs utilisateurs (jusqu’à 16% du montant transféré),  servent ensuite principalement à la consommation (51%), à  l’éducation et à la santé (18,2%) et au logement (14%).

 

Si ces fonds passaient par l’intermédiaire des banques, ils  seraient susceptibles de rester sur des comptes bancaires et donc de  pouvoir être prêtés et financer des investissements. Au lieu d’être  immédiatement dépensés ou  conservés hors système bancaire.

 

Pour faciliter cette « bancarisation », la première nécessité  serait de faciliter l’accès des immigrés à un compte bancaire, dont  beaucoup ne disposent pas actuellement, relève l’étude.

 

Elle recommande ainsi de les autoriser à ouvrir un compte sur  simple présentation d’une carte d’identité ou d’une immatriculation  consulaire, ce qui permettrait aux personnes en situation  irrégulière de bénéficier de ce service.

 

L’étude encourage également à la création, par une collaboration  entre les banques européennes et celles des pays d’origine des  immigrés, de fonds consacrés aux investissements, de produits  spécifiques pour le transfert d’argent et d’accords de transfert,  notamment dans le but de réduire les coûts.

 

Cette étude brosse aussi un tableau des principaux flux liés à  des transferts, logiquement fonction de l’importance des communautés  immigrées dans les pays européens.

 

Ainsi, le principal est celui entre l’Allemagne et la Turquie  (879 millions d’euros), l’Allemagne accueillant 1,7 million de  Turcs, soit 70% de la population immigrée turque de l’UE.

 

Viennent ensuite les flux France-Maroc, France-Algérie,  Pays-Bas-Turquie et Pays-Bas-Maroc.

Ces cinq flux représentent environ 60% du total des transferts.

 

Les transferts européens vers l’Egypte, le Liban, la Syrie et la  Jordanie sont beaucoup moins importants, les ressortissants de ces  Etats émigrant plutôt vers les pays du Golfe et outre-Atlantique.

 

Mais même s’ils sont plus faibles, les flux issus d’Europe  constituent pour certains de ces pays une part significative de leur  PIB : 9 à 15% de celui du Liban et 20 à 22% du PIB jordanien.

 


 

Le Crif en action

Incidents antisémites à l’université de Tunis

 

Roger Cukierman, le président du CRIF a écrit à Raouf Najar, l’ambassadeur de Tunisie en France pour demander que des sanctions soient prises contre les auteurs d’un incident antisémite, qui s’est produit le 10 mars à Tunis.

 

Une cérémonie s’est déroulée vendredi dernier à la faculté des Lettres de Manouba à l’occasion de la remise à l’Université tunisienne par la famille du professeur Paul Sebag, historien des Juifs de Tunisie décédé en 2004 d’une partie de la bibliothèque de ce dernier, l’autre partie ayant été remise à l’Alliance israélite universelle. Un colloque scientifique sur l’œuvre de Paul Sebag et une réception à l’Ambassade de France devaient constituer les temps forts de cet évènement.

 

Des étudiants ont lancé des cris tels que : « Les Juifs à la mer, Vive la Palestine, Vive le Hamas , destruction d’Israël, nous ne voulons pas de la bibliothèque de Paul Sebag un communiste stalinien, pas de Juifs à l’Université, nous tuerons tous les Juifs ». Les perturbateurs ont essayé de bloquer l’entrée de l’amphithéâtre.

 

Quelques professeurs qui protégeaient la fille de Paul Sebag et Claude Nataf le président de la société d’histoire des Juifs de Tunisie l’un des orateurs du colloque, ont été frappés. Les autorités universitaires tunisiennes ont présenté des excuses.

 

(Source : le site du CRIF, le 13/03/06)

URL: http://www.crif.org/?page=articles_display/detail&aid=6576&returnto=articles_display/list&tg_id=7&artyd=2

 


Omar Chlendi demande la nationalité portugaise pour venir en France

 

Le lusodescendant Omar Chlendi, fils de Térésa Quintas Chopin, libéré dernièrement des prisons tunisiennes par une amnistie du Président Ben Ali, a demandé la nationalité portugaise auprès du Consulat du Portugal à Tunis pour pouvoir quitter le pays et venir en France.

 

Omar Chlendi a 23 ans et était étudiant à la Faculté de Sciences de Tunis, lorsqu’il a été emprisonné en février 2003, et condamné à treize ans d’emprisonnement, accusé de terrorisme pour avoir consulté sur Internet une méthode de fabrication d’explosifs. Il faisait partie d’un groupe connu en tant que « Internautes de Zarzis », qui a bénéficié de l’intervention de divers dirigeants politiques internationaux « parce que le dossier était vide et qu’il n’y avait aucune preuve », comme l’a expliqué au Lusojornal Térésa Quintas Chopin, la mère du jeune Tunisien.

 

Quand elle a eu vent de l’éventualité d’une amnistie présidentielle, Térésa Quintas Chopin, qui réside en région parisienne, s’est immédiatement mise en route pour la Tunisie et elle était présente en cet inoubliable 27 février, quand à 14 H 30, son fils a enfin été libéré de la prison de Borj El Amri.

 

Le 5 mars, les jeunes internautes de Zarzis, désormais libres, se sont réunis pour remercier, à travers Térésa Quintas Chopin, la solidarité mondiale qui a permis leur libération.  » Quand je suis sorti de la prison, je n’arrivais pas à croire que c’était vrai. Merci à ma mère qui s’est battue, et au monde entier qui a fait en sorte que je sorte de la prison » raconte Omar Chlendi.

 

De son côté, Térésa confesse que l’état de santé de son fils s’est beaucoup amélioré. « Depuis ma dernière visite, en janvier, on l’a soigné pour son genou. Je pense qu’au delà de son traitement, c’est psychologique, car la liberté aussi aide à guérir » Et Omar d’ajouter : « Depuis que j’ai commencé le traitement, j’ai commencé à aller mieux, mais maintenant, j’ai l’impression de voler ».

 

L’amnistie du Président Ben Ali s’est appliquée, selon les agences de presse, à 1657 prisonniers politiques, parmi lesquels pas mal d’islamistes.

 

Maintenant, Omar Chlendi, fait tout, auprès du Consulat du Portugal à Tunis, pour obtenir la nationalité portugaise et pouvoir enfin prendre l’avion pour Paris, où vit sa mère. Térésa Chopin a aussi commencé des démarches de naturalisation de tous ses enfants auprès du Consulat du Portugal à Paris, et a rendez-vous cette semaine avec le Consul du Portugal.

 

Manuel Martins

 

(Source : Lusojornal n°65 du 9 mars 2006)

 

(traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en portugais, LT)

 


 

Pour une politique de la racaille

Un livre de Sadri Khiari

 

Titre : Pour une politique de la racaille.

Nombre de pages : 158.

Editions : Textuel (Diffusion Seuil).

Ouvrage à paraître le 13 avril 2006

Le texte qui suit reprend l’essentiel de l’introduction du dernier livre de Sadri Khiari : Pour une politique de la racaille. Immigré-e-s, indigènes, jeunes de banlieue, qui paraît en avril aux éditions Textuel, et que nous recommandons vivement.

 

L’Appel dit :

 

« Le traitement des populations issues de la colonisation prolonge, sans s’y réduire, la politique coloniale. (…) La figure de l’« indigène » continue à hanter l’action politique, administrative et judiciaire ; elle innerve et s’imbrique à d’autres logiques d’oppression, de discrimination et d’exploitation sociale. (…) La République de l’Egalité est un mythe. »

 

L’Appel… ? Je veux parler de L’Appel des indigènes de la république, rendu public en janvier 2005 à l’initiative de plusieurs associations et de militants engagés dans les luttes de l’immigration et des quartiers [1]. A sa manière, Dominique de Villepin n’a rien dit d’autre en décrétant l’état d’urgence pour briser la révolte des cités populaires. Cette loi d’exception est, en effet, directement puisée dans l’arsenal législatif colonial. Adoptée en 1955 en pleine guerre d’Algérie, elle est à l’origine du couvre-feu instauré à Paris en 1961 qui a débouché sur le massacre de centaines de manifestants algériens. En 1984, Laurent Fabius, alors Premier ministre, l’impose à son tour en Nouvelle-Calédonie pour mater la rébellion kanak. Le 23 février 2005, quelques mois avant le grand fracas des quartiers populaires, le parlement votait massivement – droite et gauche [2] – une loi réaffirmant « le rôle positif de la présence française outre-mer notamment en Afrique du nord ». Il ne s’agit guère de coïncidences. L’instauration de l’état d’urgence couronne une politique profondément enracinée dans l’histoire coloniale.

 

Je plante rapidement le décor. La scène se déroule dans un quartier « sensible », à forte concentration de populations issues de l’immigration : Clichy-sous-bois. Personnages principaux et « de couleur » : trois adolescents – Muttin, Zyed et Bouna. L’un d’entre eux est sans-papiers. Personnage principal sans couleur : un ministre de l’Intérieur – Nicolas -, candidat à la présidentielle de 2007. Figurants : une brigade de police. Accessoires : matraques et autres objets contondants. Probablement, des menottes. L’action : poursuivis par des policiers, alors qu’ils retournent tranquillement chez eux après un match de football, les trois adolescents se réfugient dans un transformateur EDF. L’un d’entre eux – Muttin – est grièvement brûlé ; les deux autres – Zyed et Bouna – meurent électrocutés. Le ministre de l’Intérieur les présente d’abord comme des délinquants, après avoir parlé de « racailles ». Quelques mois plus tôt, il avait également lancé cette autre provocation : « Il faut nettoyer les quartiers au Kärcher » (…)

 

Face à l’émeute qui embrase les cités pendant plus de trois semaines, la machine répressive se déploie. Gendarmes et CRS investissent l’espace des quartiers. Plus de quatre mille interpellations, des centaines de jeunes condamnés à des peines de prison ferme et l’expulsion annoncée des étrangers (la « double peine »). Le lexique politique retrouve des accents guerriers. On parle de « reconquête » du territoire, de « pacification » des banlieues. Quelques manifestants menés par un maire UMP entonnent la Marseillaise. Une manière de dire « la patrie est en danger » face aux jeunes issues de l’immigration. La gauche socialiste n’est pas en reste. Assimilant, la révolte à « une guérilla urbaine d’un genre nouveau », Julien Dray et Delphine Batho craignent une « reddition de la République ». [3]

 

La « racaille » est musulmane, présuppose-t-on. Pour ramener la « paix civile », les imams sont invités à la table de la République laïque. La loi de Dieu est convoquée au secours du code pénal. Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, arrive à la rescousse ; l’UOIF [4] accourre une fatwa à la main :

 

« Il est interdit à tout musulman recherchant la grâce divine de participer à quelque action qui frappe de façon aveugle des biens privés ou publics ou qui peuvent attenter à la vie d’autrui. Contribuer à ces exactions est un acte illicite. » [5]

 

S’il n’est ni arabe ni musulman, le « casseur » est supposé noir ; et, s’il est noir, c’est que son père est polygame ! La polygamie est directement responsable des « violences urbaines » assurent ministres et députés de droite ; elle ne permet pas d’éduquer les enfants selon les normes de la société « organisée » – comprendre « civilisée » – ; il faut abandonner le laxisme du regroupement familial.

 

C’est précisément la politique que dénonçait l’Appel des indigènes de la république :

 

« Discriminés à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation. Indépendamment de leurs origines effectives, les populations des “quartiers” sont “indigénisée”, reléguées aux marges de la société. Les “banlieues” sont dites “zones de non-droit” que la République est appelée à “reconquérir”. Contrôles au faciès, provocations diverses, persécutions de toutes sortes se multiplient tandis que les brutalités policières, parfois extrêmes, ne sont que rarement sanctionnées par une justice qui fonctionne à deux vitesses. Pour exonérer la République, on accuse nos parents de démission alors que nous savons les sacrifices, les efforts déployés, les souffrances endurées. Les mécanismes coloniaux de la gestion de l’islam sont remis à l’ordre du jour avec la constitution du Conseil français du Culte Musulman sous l’égide du ministère de l’Intérieur. »

 

Les mêmes raisons qui ont provoqué la révolte des quartiers populaires expliquent l’impact de l’Appel des indigènes auprès de nombreux jeunes issus de l’immigration. En quelques semaines, trois mille signatures, individuelles ou associatives, ont été recueillies, parmi lesquelles quelques élus courageux et des militants « minoritaires » du Parti communiste, de la LCR ou de la CNT (seuls, en tant que parti, les Verts ont soutenu l’Appel). Des collectifs se sont formés en Ile de France et dans différentes villes (Lyon, Marseille, Tours, Lille, Toulouse, Nantes…). Des enseignants ont constitué un « Collectif des profs indigènes ». Le 8 mai 2005, malgré l’hostilité de la plupart des appareils politiques, des syndicats et des médias, plusieurs milliers de personnes ont défilé à Paris de la Place de la République à l’Eglise Saint Bernard. Deux espaces symboliques : la République de l’inégalité, pour point de départ, et le centre d’un combat majeur pour l’égalité, la lutte des sans-papiers, pour débouché. Issus dans leur grande majorité de l’immigration, originaires d’Afrique noire, du Maghreb, des Antilles et d’ailleurs, jeunes et chibanis, femmes et hommes, associations aussi diverses que l’ATMF, le CMF, la FTCR, la Coordination nationale des sans papiers, les comités de solidarité avec la Palestine ou le Togo, les résidents des foyers Sonacotra et tant d’autres, se sont rassemblés pour protester contre la politique coloniale, post-coloniale et néo-coloniale de la France et, plus largement, contre toutes les formes de domination d’un peuple par un autre (…).

 

De même que l’état d’urgence policier a été opposé à la révolte des cités, un état d’urgence intellectuel, médiatique et politique a été opposé à l’Appel des indigènes. Avec les mots de la politique, les indigènes sont sortis de leurs réserves. Au double sens du terme. Ils n’ont brûlé aucune voiture ; ils ont incendié l’antiracisme consensuel et paternaliste. Ils ont parlé pour eux-mêmes. Acte impardonnable. Aventurisme irresponsable. Immaturité. Transgression irraisonnée. Mettre la République au banc des accusés suscite stupeur et colère. La gauche nationale-républicaine, la gauche sociale libérale, la gauche de la gauche, trépignent : « Les indigènes divisent ! » hurlent-ils à l’unisson, quand les indigènes se contentent de ramener au jour des clivages refoulés. Les indigènes ne divisent pas ; ils sont la division. Ils sont divisés entre une histoire qui n’est déjà plus la leur et une histoire qui ne veut pas d’eux. Leur existence même divise la France. On dénonce le « nouveau racisme » des Indigènes de la république, leur « antisémitisme », leur « islamo-gauchisme », leur « communautarisme », leur « violence ». Les moins frileux, à gauche, sont affligés par les « excès », les « maladresses », les « amalgames », la « confusion » des notions employées, le caractère « victimaire » de l’Appel. On s’inquiète de son manque de clarté sur la question sociale, le racisme anti-Juif, le sexisme, l’universalisme. Pourquoi ne pas nous avoir « consulté » ? Pourquoi ne pas nous avoir associés ? Pourquoi, en vérité, ne pas nous avoir laisser parler à votre place ! ? Vous exagérez !« On dit toujours de quelqu’un qu’il exagère quand il décrit une injustice à des gens qui ne veulent pas en entendre parler », écrit Albert Memmi dans sa préface au livre – splendide – de James Baldwin, La Prochaine fois le feu [6]. La prochaine fois le feu…

 

L’affaire du voile avait déjà révélé les lignes de fracture ; l’Appel récidive. Il met le doigt là où ça fait mal et farfouille dans la plaie en jubilant : la République est coloniale. Il ne se contente pas de regretter les discriminations et le racisme ; il dit : le racisme est dans la République. Il ne lance pas un SOS à la gauche ; il lui révèle ses propres cul-de-sac. Mais, la gauche a mieux à faire : mobiliser en faveur ou contre la constitution européenne, tisser et retisser des passerelles dans la perspective des élections de 2007. Les indigènes, eux, n’ont guère le choix. Ils ne peuvent entrer en politique que par effraction. S’ils parlent, c’est pour dire l’indicible. Ils n’hésitent pas à bousculer les calculs politiciens des uns et des autres ; ils refusent de subordonner leurs propres revendications aux enjeux des « recompositions » électoralistes. Cette conjoncture n’est pas notre conjoncture. Votre « agenda » n’est pas notre « agenda ». Nous aussi avons mieux à faire : inventer une politique de la racaille !

 

C’est l’objectif du Mouvement des indigènes de la république. Il voudrait, avec d’autres, contribuer à l’émergence d’une _expression politique et organisée de la colère des populations issues de l’immigration. Le pari ne sera peut être pas tenu tant les écueils sont nombreux et puissantes les forces de résistance de la société postcoloniale. Une année à peine après la publication de l’Appel, il est bien trop tôt pour faire le moindre pronostic. Le Mouvement des indigènes résistera-t-il à l’épreuve de sa « structuration » ? Saura-t-il faire de sa diversité – et de ses contradictions – une richesse ou se perdra-t-il dans la « gestion » infinie de ses propres conflits ? Parviendra-t-il à préserver sa radicalité initiale ou succombera-t-il aux forces de normalisation du champ politique ? Je ne saurais le dire. Mouvement improbable et indispensable à la fois, il faut pourtant le faire. Cette idée, je vais m’attacher, ici, à la défendre.

 

Si je parle de l’intérieur du Mouvement des Indigènes de la république [7], je ne prétends nullement me faire le porte-parole de l’ensemble de ses membres. Il s’agit pour moi de contribuer à la controverse indigène tout en réagissant aux critiques qu’a suscité l’Appel, sans chercher cependant à masquer les lacunes et les tensions qui traversent ma propre réflexion. On remarquera aussi que je n’emploie pas le « nous » impersonnel ou de « majesté », ni le « ils » ou « elles » du sociologue (que je ne suis pas – comme Aimé Césaire, « j’ai une spécialité : je suis Nègre » [8]). J’utilise alternativement « je », « nous », « ils », « elles », « vous », « eux », parce que j’écris de l’intérieur et de l’extérieur ; j’écris de l’intérieur même des paradoxes de la politique antiraciste ; j’écris, selon l’_expression à la mode, sur la frontière.

 

Mais, à propos de frontières, je me dois d’ajouter ceci : je suis en France depuis peu. Issu d’un Etat désormais indépendant mais toujours puissamment déterminé par son ancienne métropole en termes économiques, politiques et culturels, j’ai franchi, il y a à peine trois ans, la frontière tuniso-française. Comme on pourra le constater, soit dit en passant, j’ai emporté dans mes bagages mes archaïsmes politiques et mon lexique éculé. Je viens d’un pays où la citoyenneté n’existe pas. A l’instar de l’ensemble de mes compatriotes – cette « poussière d’individus » disait Bourguiba, formé à l’école de la République ! – j’ai toujours été privé de ces droits élémentaires qui en sont constitutifs : la liberté d’_expression, la garantie de l’intégrité physique, le droit d’association et d’organisation, le droit de vote. Vulnérables et sans droits sont les Tunisiens, sinon celui de risquer l’enfermement ou de demander, la honte aux tripes, la protection des « Démocraties » contre le dictateur qu’elles… protègent. Si le sort me destinait à demeurer durablement au « pays des droits de l’homme », l’idée d’être privé, encore et toujours, de ces mêmes droits ou d’une partie d’entre eux me fait horreur. Sur cette rive de la Méditerranée, comme sur l’autre, je suis un indigène ; sur cette rive comme sur l’autre, je n’ai pas d’autre choix que de participer au combat contre l’indigénat. D’où, ce livre…

 

Sadri Khiari

 

[1] On trouvera en annexe le texte de l’« Appel pour des Assises de l’anticolonialisme postcolonial. Nous sommes les indigènes de la république » ainsi que la liste de ses initiateurs. L’Appel a été lancé initialement sur les sites oumma.com, lmsi.net, toutesegeaux.net. Pour plus d’informations, on pourra consulter le site des Indigènes .

 

[2] Fin novembre, au lendemain de la révolte des cités, la loi a été confirmée par le Parlement. La gauche – PC et PS – s’est abstenue protestant ainsi contre le rejet par la majorité gouvernementale des modifications proposées parmi lesquelles un amendement reconnaissant aux victimes de la manifestation de l’OAS réprimée par l’armée le 26 mars 1961 la qualité de… « morts pour la France » ! (voir www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/rapatries.asp

 

[3] Julien Dray et Delphine Batho (respectivement porte-parole et secrétaire national du PS chargée de la sécurité), Libération, 7 novembre 05.

 

[4] Le contenu des sigles est donné en annexe.

 

[5] Cité dans Le Monde du 9 novembre 05.

 

[6] James Baldwin, La Prochaine fois le feu, Folio, 1996 (première édition Gallimard), 1963, p.13.

 

[7] Dans la suite du texte, je distingue le « Mouvement des Indigènes de la République » comme organisation à construire, selon des formes encore à inventer, du « mouvement des indigènes », formule générique se rapportant aux luttes des personnes issues de l’immigration coloniale et postcoloniale, dans leur diversité. Par ailleurs, j’utiliserai indistinctement les termes « immigrés », « issus de l’immigration », « postcolonisés », « indigènes », etc. parce que personne, pas mêmes eux, ne sait exactement qui ils sont. De même, j’emploierai les termes « Noirs », « Arabes », « Musulmans », comme autant de synonymes les uns des autres et synonymes de « non-Blancs ».

 

[8] Aimé Césaire, Nègre je suis, nègre je resterai, Entretien avec Françoise Vergès, Albin Michel, Paris, 2005, p.53.

 

(Source : rubrique « Des livres importants » sur le site lmsi.net du « Collectif Les Mots sont Importants », le 14 mars 2006)

URL: http://lmsi.net/article.php3?id_article=521


 

Un peu d’histoire…

Mars 1958

L’organisation judiciaire à l’aube de la République

 

A l’ère coloniale, l’organisation judiciaire était celle d’une justice à deux vitesses, où les colons étaient largement favorisés par rapport aux autochtones. En effet, les litiges opposant les français entre eux , ou ceux dont une partie au procès était française, étaient justiciables du Tribunal, situé au Boulevard Bab Bénat actuel Palais de Justice.

 

Si bien qu’un tunisien ne pouvait se pourvoir devant ce tribunal, ou y être jugé, tant en demandant qu’un défendant, que lorsqu’une partie au litige était française. Les litiges entre tunisiens étaient portés devant un tribunal  appelé « La Driba »  compétent, pour tous les litiges  à caractère civil  et pénal. Par ailleurs , les litiges de statut personnel ( divorce, garde des enfants, et pension alimentaire) ainsi que les litiges relatifs au droit de succession ( héritage)  étaient portés devant le « Diwane », juridiction charaâique, puisqu’en l’occurrence, c’était la loi musulmane qui était strictement appliquée .

 

Quant au droit de la défense, il était différemment assuré, selon qu’on était devant les juridictions tunisiennes ou françaises. En effet, les avocats tunisiens, qui n’avaient pas des diplômes français, n’étaient pas  acceptés à  plaider devant le Tribunal, et ils étaient uniquement aptes à plaider devant  la Driba et le Diwane. Ils étaient appelés des « oukils » par opposition aux avocats défenseurs, où figuraient quelques tunisiens , dont notamment , quelques figures connues parmi les militants du Destour et du Néo-Destour, tels que Salah Farhat, Taieb Jmaiel, Habib Bourguiba, Salah Ben Youssef, et tant d’autres . Ces avocats avaient assuré entre autres, la défense de certains tunisiens qui  avaient été victimes des sévices perpétrés par les autorités coloniales.

 

A l’avènement de l’indépendance , la plupart des lois qui  étaient édictées par le Bey, sous l’influence des autorités coloniales, étaient à revoir.

 

Sous le régime de la république, le gouvernement s’évertua tout d’abord, et dans un souci d’une  plus meilleure équité, à unifier la justice,  les justiciables égaux devant la loi, il importe qu’ils aient les mêmes chances afin de défendre leurs droits .

 

Aussi, la Driba fut-elle supprimée ainsi que le Diwane, pour laisser la place au Tribunal, qui devient seul compétent pour connaître de tous les litiges, tant à caractère civil qu’à caractère pénal , qu’à caractère civil , pour tous les justiciables tunisiens ou résidant  en Tunisie, sans distinction aucune, pourvu  que ce soit en vertu d’une loi applicable en l’occurrence.

 

Ainsi , les Cadhis qui siégeaient au Diwane, siégeaient désormais au Tribunal pour les litiges de statut personnel, où la loi applicable était le code du statut personnel promulgué en août 1956.

En matière pénale, il y eut la désignation de procureurs de la République tunisiens, au sein de chaque  tribunal de première instance , aussi bien à Tunis, que dans certaines grands villes , telles que Sousse, Sfax et Gafsa , avec un procureur général de la République au sein du tribunal de Tunis.

En mars 1958, soit à quelques mois de la proclamation de la République, on commençait à assister au départ des juges français, qui avaient été au fur et à mesure remplacés par des juges tunisiens.

 

Les avocats , tant les défenseurs que les oukils, étaient réunis en un corps unique, sous la tutelle d’un seul ordre : l’ordre national des avocats tunisiens. Il n’y avait plus ainsi de ségrégation, pour ces auxiliaires de la justice, devenue entièrement tunisienne , avec un tribunal unifié et une procédure unique, promulguée dans un code dénommé : Code de procédure civile et commerciale.

Les jugements étaient désormais rendus au nom du peuple tunisien, par des juges tunisiens et dans la langue officielle du pays : la langue arabe.

 

Le retour de la médaille fut que certains français qui avaient commis des malversations à l’époque étaient jugés devant le tribunal tunisien et par des juges tunisiens, sous l’empire de la loi votée  sous le régime de la République.

 

Il y eut cependant  une tolérance pour les quelques avocats de nationalité française pour plaider devant les tribunaux tunisiens , parfois en langue française, des avocats tunisiens se chargeant de reprendre  leurs plaidoiries en langue arabe. Mais ce n’était valable  que dans la procédure orale, devant le tribunal . La procédure écrite , n’était pratiquée qu’en langue arabe.

 

Une justice tunisienne était ainsi mise sur la voie, mettant fin à certaines pratiques qui sous le régime colonial, méconnaissaient les droits des nationaux qui étaient lésés à tous points de vue.

 

Ahmed YOUNES

 

(Source : « Le Temps » du 15 mars 2006)


 

 

Bruits de Conversation

IBRAHIM ELTAIEF

 

Cette rubrique « Bruits de Conversation » est l’une de mes favorites, car elle me permet de rencontrer des gens aussi intéressants les uns que les autres… Après Noureddine Boutar, Wassila Goubantini, Amel Smaoui, j’ai l’avantage de demander à Ibrahim Eltaief de nous donner une interview…

Il accepte tout de suite, tout simplement…

 

J’arrive bien à l’heure, il est également présent ! Le rendez-vous a lieu dans la salle de conférence de son agence de publicité, sise au Lac…

 

Il faut dire que notre ami Ibrahim a plusieurs cordes à son arc : il balance de la pub (son agence est l’une des plus grandes sur la place et a un renom internationalement connu) à la production de films, en passant par la réalisation…

 

La quarantaine rayonnante, le sourire au coin des lèvres, l’air souvent préoccupé, Ibrahim Eltaief me donne tout de suite l’impression de quelqu’un qui sait où il est et qui sait où il va : les pieds bien sur terre, sans se prendre au sérieux, il traduit tout au long de cet entretien des valeurs qui nous sont précieuses à familiaclick.com : professionnalisme, rigueur, sincérité, franchise absolue, mais aussi générosité et don de soi !

 

Calme, sans gestes superflus, il nous parle de sa carrière, de ses expériences et de ses projets…

 

familiaclick.com : Ibrahim, vous êtes au devant de la scène en ce moment avec votre court-métrage Visa qui rafle récompense sur récompense…

Ibrahim Eltaief : c’est vrai, et j’en serai presque le plus étonné comme ce court métrage était en fait sorti en octobre 2004. A la lumière d’évènements qui se sont passés en France, cette histoire a comme rebondi et est en quelque sorte, devenu un centre d’intérêt…

 

fc : Vous avez remporté plus de 15 récompenses… Chaud au cœur, non ?

IE : Oui, ceci est vrai… J’ai apprécié surtout les prix qui sont donnés par le public, car ce sont eux les véritables appréciateurs et les véritables critiques d’un film… Les récompenses tunisiennes, comme le Tanit d’Or à Carthage me touchent encore plus, bien sûr…

 

fc : Comment vous est venue cette idée de réaliser Visa ?

IE : Mes idées de films viennent souvent suite à des bribes de conversations que j’entends où à des situations que je vis ou que je regarde en tant qu’observateur… L’idée du scénario de Visa m’est venue lorsque j’entendais un cinéaste africain se plaindre des difficultés d’obtenir un visa pour se rendre en France ; il disait que bientôt, les consulats feraient écrire aux candidats au visa la Dictée de Pivot ! Dans le train qui me ramenait à Paris, l’idée a très vite mûri, et tout est parti de là !

 

fc : Visa, est-ce seulement l’histoire d’obtentions difficiles, voire impossible de visas ?

IE : Non, bien entendu… C’est surtout l’histoire de l’intégration… Cette incompréhension entre deux mondes, maghrébin et européen… Des valeurs et des repères différents… En fait, en octobre 2004, on ne parlait pas autant de ce malaise des banlieues… J’ai été un peu visionnaire en quelque sorte ! Je pose la question suivante : où se situe le maghrébin dans l’espace Schengen ? Et aussi, je veux poser le problème des visas à l’intérieur du périmètre des pays arabes : sont-ils nécessaires ? Mon rôle n’est pas de répondre à ces questions, mais d’interpeller les différents publics sur ce sujet.

 

fc : Comment arrivez-vous à combiner toutes vos activités : publicité et cinéma ?

IE : En fait, pour la publicité, je délègue beaucoup… Tout le côté administratif et day-to-day de l’agence est le travail de mes collaborateurs. Je n’agis en fait que sur le côté créatif de l’agence : je suis TV Producer de l’Agence et Rédacteur pour les trois pays maghrébins, où nous sommes présents… Ceci me laisse donc du temps pour me laisser accaparer par le cinéma… Cette histoire de pub a commencé avec mon ami Riadh Ben Fadhel, et se poursuit toujours de toute manière…

 

fc : J’interviewais dernièrement pour familiaclick.com Amel Smaoui qui nous parlait de votre projet 10 Courts 10 Regards… Elle allait réaliser son premier court métrage…

IE : Un projet qui est en cours de réalisation… Je tiens tout d’abord à remercier l’Institut Français de Coopération sans lequel 10 Courts 10 Regards n’aurait jamais vu le jour… En fait, j’ai voulu donner la chance à des jeunes de pouvoir réaliser leur premier court-métrage, de pouvoir raconter une histoire courte… Beaucoup de candidats, 64 scénarii en tout… Mais seulement 10 candidats ont été sélectionnés dont la moyenne d’âge est seulement de 25 ans ! Alors, ces 10 futurs cinéastes ont suivi divers ateliers (ré-écriture de leurs scénarii, réalisation, montage…) pour pouvoir aborder leur tournage avec des connaissances plus précises… En fait, on les a mis en situation réelle ! Ulysson est notre partenaire technique pour cette initiative… Notre Ministère de la Culture y est également très réceptif !

 

fc : Un beau projet, Ibrahim… Vous êtes maintenant un cinéaste reconnu et vous avez encore le temps de vous occuper de notre jeunesse… Bravo ! Quand allons-nous voir les œuvres de ces cinéastes en herbe ?

IE : Aux Journées Cinématographiques de Carthage, à la fin de cette année… Je voudrais dire aussi que ces 10 courts permettront de constituer un nouveau vivier de cinéastes tunisiens, et aussi d’acteurs qui vont débuter dans ces films… Mais, des acteurs professionnels comme Lotfi Abdelli, pour ne citer que lui, ont également accepté de tourner dans ces court-métrages… Une dernière précision : nous allons essayer de ré-éditer ces 10 Courts 10 Regards chaque année, et en faire un évènement annuel.

 

fc : Nous parlons beaucoup cinéma dans familiaclick.com… Pensez-vous que le cinéma tunisien connaît une mutation ?

IE : En tout cas, c’est un cinéma qui a acquis sa reconnaissance à l’échelle internationale… Pourquoi ? Parce qu’il bouge, parce qu’il ose et parce qu’il peut dire des choses que tout autre média aurait du mal à dire, sur certains sujets…

 

fc : J’ai entendu dire que vous alliez bientôt tourner votre premier long métrage ?

IE : Information exacte, Erich… Le film va s’appeler Flouss Academy, une comédie sociale avec en fond d’histoire, une Star Ac… Je n’en dirai pas plus… J’ai également cinq films courts en production, dont un que je réalise !

 

fc : Bon courage alors, Ibrahim… Et mille mercis de nous avoir consacré un peu de votre temps précieux !

IE : Merci à vous, Erich… Bonne chance à familiaclick.com !

Erich Alauzen

(Source: le magazine internet tunisien www.familiaclick.com , le 15 mars 2006)

URL : http://www.familiaclick.com/rencontre.php?id_rencontre=4&rubr=5


 

Doyens de l’indépendance

par BÉCHIR BEN YAHMED

 

Il y a tout juste cinquante ans, en mars 1956, le Maroc et la Tunisie ont été les deux premiers pays africains à secouer le joug du colonialisme français et à recouvrer leur indépendance (1).

 

Conquis et occupés militairement par la France, à la fin du XIXe siècle pour la Tunisie et au début du XXe pour le Maroc, ils avaient vécu depuis sous le régime dit du protectorat. Cette sujétion les privait de leur souveraineté extérieure et les mettait en outre sous l’administration directe d’un résident général français.

 

(En ce qui concerne le Maroc, l’Espagne avait obtenu de la France qu’elle lui concède une mainmise sur une partie du pays).

 

Par ce double protectorat, la France élargissait son domaine colonial et protégeait les flancs est et ouest du « joyau » de son empire, l’Algérie, conquise de haute lutte dès le milieu du XIXe siècle.

 

La France, mais l’Espagne et l’Italie également, qui étaient alors en excédent démographique, ont, année après année, déversé leurs « surplus » humains sur les trois pays, les transformant en colonies de peuplement.

 

Résultat : lorsque, il y a cinquante ans, a sonné pour le colonialisme l’heure du reflux, qui allait englober l’Algérie, l’Afrique du Nord abritait un million et demi de Français (et autres Européens).

 

Le régime colonial les avait amenés, avait financé leur installation et fait en sorte qu’ils détiennent tous les postes d’autorité ou de commandement dans les administrations ; il leur a permis en outre de spolier et d’accaparer les richesses des trois pays, dont les meilleures terres et l’ensemble des ressources minières.

 

Exclue du circuit économique moderne, rejetée vers les parties les moins riches et les moins hospitalières de son propre pays, et quinze fois plus nombreuse, la population autochtone des trois pays du Maghreb central (Maroc, Algérie, Tunisie) se partageait les miettes. À l’exception d’une infime frange, elle bénéficiait de peu de soins, croupissait dans la misère et l’ignorance.

 

Ce n’était pas l’apartheid afrikaner qui sévissait en Afrique du Sud, mais, fondé sur la force, l’inégalité et le mépris, le système colonial français y ressemblait beaucoup – et les résultats étaient, en tout cas, comparables.

 

Ceux qui, comme moi, ont vécu la fin de cette triste période et lutté pour que le colonialisme retourne d’où il était venu sont en mesure de témoigner que, si la colonisation a pu avoir des aspects positifs, c’était soit « à l’insu de son plein gré », soit par inadvertance, soit grâce à quelques individus exceptionnels en lutte, souvent intérieure, contre ce système colonial dont ils faisaient partie…

 

Il a donc incombé au Maroc et à la Tunisie d’ouvrir, en mars 1956, le bal des indépendances. Le Ghana s’est joint à la fête dès l’année suivante et, en 1960, une quarantaine de pays d’Afrique subsaharienne en feront de même, généralement sans guerre ni heurts violents (2).

 

Le Vietnam s’était, lui, libéré dès 1954 par la lutte armée, et grâce à sa retentissante victoire militaire de Dien Bien Phu. Cette même année, l’Algérie s’était engagée dans la même voie, mais sa guerre de libération sera encore plus longue et plus meurtrière. Dernières à accéder à l’indépendance, les colonies portugaises n’y parviendront que bien plus tard, au terme de combats qui donnèrent alors l’impression de s’éterniser…

 

Mais revenons au Maroc et à la Tunisie pour voir ce qu’ils ont fait de cette indépendance, dont ils célèbrent, ces jours-ci, le cinquantenaire.

 

L’examen révèle des ressemblances et des différences.

 

 

1. Une exceptionnelle stabilité du pouvoir a marqué l’évolution des deux pays au cours des cinquante dernières années : trois chefs d’État en tout pour le Maroc et deux seulement pour la Tunisie ; les partis politiques, qui ont lutté pour l’indépendance sont toujours là, au centre de la politique et acteurs de premier plan.

 

La Tunisie a changé de régime dès 1957, passant d’une faible monarchie à une république forte. Le Maroc, lui, a vu sa monarchie, dont on a pensé au début de l’indépendance qu’elle était menacée de disparition, se renforcer, au contraire, et s’enraciner.

 

2. Dans chacun des deux pays, il y avait, en 1956, et il y a, encore aujourd’hui, un État qui fonctionne, au service d’une nation dotée d’une cohésion séculaire. Chacun des deux États a traversé des crises auxquelles il a assez aisément résisté : le phénomène est suffisamment rare en Afrique pour être souligné !

 

Plus généralement, l’indépendance a été correctement assumée dans les deux pays, dès 1956. L’économie a fait de sensibles progrès ; les équilibres sociaux ont été sauvegardés et les infrastructures héritées du protectorat ont été non seulement bien entretenues, mais très sensiblement ­améliorées.

 

3. Débarrassée depuis la bataille de Bizerte en 1961 de toute séquelle coloniale, la Tunisie a pu se consacrer à son développement économique et social ; le Maroc, en revanche, a encore deux épines, qui handicapent sérieusement le sien : les « présides » espagnols de Ceuta et Melilla au nord, et le Sahara occidental au sud : tant que ces deux problèmes ne seront pas résolus, le Maroc ne sera ni libre de ?tous ses mouvements, ni en possession de tous ses moyens.

 

Mais l’affaire du Sahara occidental n’affecte pas seulement le présent et l’avenir du Maroc ; elle empêche l’ensemble des cinq pays du Maghreb, dont les peuples aspirent à une unité qui leur serait bénéfique, de faire le moindre pas dans le bon sens.

 

Ils ont bien créé, le 17 février 1989, l’Union du Maghreb arabe (UMA), mais cette organisation tourne à vide, fait du surplace depuis dix-sept ans, ligotée par les mauvaises relations entre l’Algérie et le Maroc.

 

Je crois, pour ma part, qu’on peut bouger, que l’entrée d’un Maroc et d’une Tunisie en assez bon état dans leur second demi-siècle d’État souverain les auréole du titre de doyens de l’indépendance africaine et les qualifie pour être les pionniers de l’unification du Maghreb.

 

Je rappelle que l’Union européenne, qui nous sert de modèle parce qu’elle rassemble en un marché unique vingt-cinq pays (bientôt trente) – dont douze ont de surcroît la même monnaie -, a commencé comme une petite « Communauté du charbon et de l’acier », rapprochant six pays seulement, dont trois très petits.

 

Elle s’est élargie et approfondie en plusieurs temps et sur un demi-siècle.

 

Le Maroc et la Tunisie ne sont, certes, pas limitrophes. Mais pourquoi ne décideraient-ils pas, néanmoins, de constituer à deux le noyau de départ d’un futur Maghreb à cinq ? Sans plus attendre une hypothétique et lointaine solution du problème du Sahara, ils entreprendraient, à deux et par étapes, de rapprocher puis d’unifier leurs économies, leurs marchés, leurs monnaies.

 

Et, simultanément, mettraient en place les structures d’une Union plus large capable d’accueillir, en une ou plusieurs fois, dès que ce sera possible, les trois autres pays du Maghreb : l’Algérie, la Mauritanie et la Libye.

 

L’UMA se constituerait ainsi autour de deux pays fondateurs et passerait ensuite au stade supérieur d’Union à cinq membres.

 

J’entends l’objection : pourquoi le tandem Maroc-Tunisie et pas des pays voisins : le Maroc et la Mauritanie, ou bien la Tunisie et l’Algérie, ou bien encore la Tunisie et la Libye ?

 

Autre possibilité : commencer ce Maghreb par les trois pays que rien n’oppose (Tunisie, Libye, Mauritanie) et laisser aux « deux grands » que sont l’Algérie et le Maroc le temps de trouver une solution au problème du Sahara qui les sépare.

 

À cette objection, dont la pertinence ne m’échappe pas, je donne la réponse suivante :

 

• ce qu’il faut, c’est sortir de l’immobilisme qui fait prendre au Maghreb un retard de plus en plus difficile à rattraper ; ce qu’on n’a pas pu faire à cinq, il convient de le commencer à deux ;

 

• il revient aux deux doyens de l’indépendance, dont les États ont prouvé leur solidité (ils ont résisté à toutes les secousses politiques), de mettre le Maghreb en mouvement : ils sont les mieux placés et les plus indiqués pour cette mission.

 

 

1. Maroc le 2 mars, Tunisie le 20 mars.

 

2. Deux exceptions notables : le Cameroun et le Kenya.

 

(Source : Jeune Afrique, N°2357 du 12 au 18 mars 2006)


 

Tunisie Telecom : les dés sont jetés

par ABDELAZIZ BARROUHI

 

Sept opérateurs ont remis au gouvernement tunisien, le 7 mars, leurs offres pour l’acquisition des 35 % du capital de l’opérateur national Tunisie Telecom. Le bal a été ouvert par Vivendi, suivi par France Télécom. Sont arrivés ensuite, dans l’ordre, Etisalat (Émirats arabes unis), MTN (Afrique du Sud), puis le tandem italo-saoudien Telecom Italia/Oger, et enfin Tecom Dig (Dubaï). Deux opérateurs qui étaient sur les rangs manquaient à l’appel : Saudi Telecom, en raison d’un changement imprévu de président qui a entraîné un changement de stratégie, et Portugal Telecom, dont les dirigeants ont finalement décidé qu’ils ne pouvaient pas entrer dans la course en l’absence de leur coéquipier habituel, l’espagnol Telefónica. Le 8 mars, les plis contenant les offres administratives et techniques ont été ouverts en présence des représentants des candidats. Il reste maintenant à les « dépouiller », avant d’ouvrir publiquement et en présence des candidats les plis contenant les offres financières, probablement vers le 15 ou le 16 mars. Une surenchère est ensuite prévue entre les candidats dont les propositions seraient proches les unes des autres dans une fourchette de 10 %. Une fois l’offre la mieux-disante acceptée, un contrat provisoire de cession sera immédiatement signé. La privatisation serait achevée avant juin. 

 

(Source : Jeune Afrique, N°2357 du 12 au 18 mars 2006)

 

Fidelity en Tunisie

 

Fidelity Investment Group, qui contrôle plusieurs des grands fonds d’investissement aux États-Unis, s’intéresse de près à la Tunisie. Son président, Edward Johnson III, était pendant la première semaine de mars à Tunis, où il a notamment rencontré le Premier ministre Mohamed Ghannouchi. Convaincu du potentiel de la Tunisie, il envisage d’investir dans le secteur financier, que ce soit dans les banques ou la Bourse, et aussi dans les nouvelles technologies de l’information. 

 

(Source : Jeune Afrique, N°2357 du 12 au 18 mars 2006)

 


Hannibal TV sur la corde raide

par RIDHA KÉFI

 

Un an après, l’audience de la première chaîne privée décolle. Mais pas les recettes publicitaires.

 

Première chaîne de télévision privée tunisienne, Hannibal TV a fêté son premier anniversaire le 13 février. Créée par Larbi Nasra (56 ans), un homme d’affaires franco-tunisien qui a investi dans l’aventure 14 millions de dinars tunisiens (8,7 millions d’euros), elle diffuse ses programmes via les satellites Nilesat et Arabsat, et, depuis octobre 2005, sur le réseau hertzien local. Hannibal TV, dont l’apparition a mis fin au monopole exercé depuis quarante ans par l’Établissement de la radiotélévision tunisienne (ERTT), est en concurrence directe avec les deux chaînes publiques, Tunis 7 et Canal 21, mais aussi les quelque deux cents chaînes satellitaires arabes.

Après avoir fondé, en 1996 au Caire, une société de production audiovisuelle (Avip), puis lancé un projet de chaîne satellitaire qui a fait long feu, Nasra espérait séduire les téléspectateurs tunisiens, que l’on disait déçus par les chaînes publiques, et conquérir entre 15 % et 20 % du marché publicitaire. Le chiffre d’affaires « théorique » (calculé sur la base des tarifs officiels) de ce dernier s’est élevé en 2005 à 39,5 millions de DT.

 

Or, un an après son lancement, Hannibal TV est loin d’avoir atteint ses objectifs. Son taux d’audience (10,2 % en 2005) reste très inférieur à celui de Tunis 7 (41,9 %) et même de Rotana Cinéma, propriété du magnat saoudien Al-Walid Ibn Talel (15,4 %). Selon Sigma Conseil, un bureau d’études spécialisé dans les enquêtes par sondage, son audience a certes considérablement augmenté aux mois de janvier (28 %) et de février (29,7 %) derniers, mais l’écart avec Tunisie 7 a continué de se creuser, passant de 31,7 % à 33,6 %. S’agissant des recettes publicitaires, l’écart entre les deux chaînes s’apparente à un gouffre. Tunisie 7 a réalisé en 2005 un chiffre d’affaires (théorique) de 33,6 millions de DT, contre 5,9 millions pour Hannibal TV. Le mois dernier, les chiffres étaient, respectivement, de 4,2 millions et 40 000 dinars.

 

La chaîne privée, dont les frais fixes (salaires des cent cinquante salariés, frais de fonctionnement, coûts de production, location des satellites, remboursements bancaires) sont relativement élevés, dépense beaucoup plus qu’elle ne gagne. Combien de temps pourra-t-elle tenir ? La famille Nasra, qui détient 100 % du capital de l’entreprise et de ses filiales (Avip, Hannibal Interactive et Hannibal.com), ne cache pas son inquiétude. À moins d’une remontée spectaculaire des recettes publicitaires ou d’un salutaire apport de fonds, elle pourrait être contrainte de mettre la clé sous la porte.

 

Reste une question : pourquoi Hannibal TV, dont l’audience ne cesse d’augmenter, n’attire-t-elle pas les annonceurs ? « Notre ambition était d’internationaliser le produit audiovisuel tunisien et d’offrir aux annonceurs locaux un second écran pour la promotion de leurs produits. Nous étions loin d’imaginer que le champ de la communication était à ce point verrouillé », admet l’un de ses responsables.

 

La chaîne privée, qui a délibérément choisi une ligne éditoriale audacieuse et n’hésite pas à traiter certains sujets tabous – des matchs de football truqués aux mères célibataires, en passant par les SDF ou les ravages du sida -, ne s’estime pas victime d’une quelconque censure officielle. « On ne nous a jamais rien reproché jusqu’ici, confie ce même responsable. Le président de la République, qui est notre plus précieux soutien, nous a même souvent encouragés à aller de l’avant. » Alors ? Pour notre interlocuteur, aucun doute : les difficultés financières d’Hannibal TV sont le fruit d’un « complot de la profession », c’est-à-dire des responsables de l’ERTT, de l’Agence nationale de production audiovisuelle (Anpa), des agences de pub et des grands groupes privés. À l’en croire, tout ce joli monde est mû par des réflexes corporatistes qui s’accommodent mal de l’arrivée sur le marché d’une chaîne privée soucieuse de maîtriser ses coûts.

 

Les spécialistes attribuent quant à eux les difficultés d’Hannibal TV à son absence de ligne éditoriale claire. « Tunis 7, explique ainsi Hassen Zargouni, le patron de Sigma Conseil, est le porte-parole du gouvernement, elle a une mission de service public. Ce qui fait son succès, ce sont quelques émissions phares comme Deal or not Deal (À prendre ou à laisser), la reprise d’un jeu lancé par une chaîne néerlandaise, qui réalise à elle seule entre 50 % et 55 % d’audience. Hannibal TV fait pour sa part des émissions polémiques qui accrochent un certain public, mais n’attirent guère plus de 5 % de téléspectateurs. L’audience quotidienne cumulée de la chaîne culmine péniblement à 25-30 %. » Contrairement à une idée reçue, la polémique ne suffit donc pas à faire décoller l’audience.

 

(Source : Jeune Afrique, N°2357 du 12 au 18 mars 2006)


 

Qui est Mohamed Ghannouchi ?

par SAMY GHORBAL

 

Premier volet d’une série consacrée aux Premiers ministres africains : cette semaine, cap sur le Palais du gouvernement, à Tunis.

 

Un grand commis de l’État doublé d’un gestionnaire rigoureux, mais discret : Mohamed Ghannouchi (65 ans), le Premier ministre tunisien, n’est certes pas ce que les journalistes appellent un « bon client ». Installé depuis le 17 novembre 1999 au Palais du gouvernement, place de la Kasbah, cet économiste de formation a beau être, avec Abdelaziz Ben Dhia, le conseiller spécial et porte-parole de la présidence (avec rang de ministre d’État), et Abdelwahab Abdallah, son collègue des Affaires étrangères, l’un des ténors du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, il n’en reste pas moins une énigme pour nombre de ses compatriotes.

Les Tunisiens ont fini par s’habituer à lui et le reconnaissent immédiatement lorsqu’il apparaît à la télévision – très souvent, à vrai dire. Pourtant, la caméra s’attarde rarement sur son visage : il est le plus souvent montré de dos ou de profil, en train de « conférer avec le chef de l’État ». Les images sont souvent muettes, le commentaire débité en voix off. Le Premier ministre joue le rôle d’un brillant second et semble s’en satisfaire. En de nombreuses occasions, il représente son « patron » et lit ses discours à sa place, par exemple lors des sommets arabes, africains ou internationaux, auxquels Ben Ali participe finalement assez rarement.

 

Depuis la révision constitutionnelle de 1988, le Premier ministre n’est plus le dauphin désigné et successeur constitutionnel du chef de l’État, rôle qui échoit désormais au président de la Chambre des députés. La fonction s’est banalisée et n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était à l’époque de Habib Bourguiba. Ghannouchi sait pertinemment qu’il ne doit pas s’écarter d’un iota des instructions présidentielles. On n’attend plus d’un chef du gouvernement qu’il fasse preuve d’initiative. C’est la « jurisprudence Hédi Baccouche » : nommé à ce poste au lendemain de la destitution de Habib Bourguiba, le 7 novembre 1987, ce dernier, qui était un vrai politique, avait été remercié vingt-deux mois plus tard, en septembre 1989, pour avoir voulu un peu trop « affirmer sa différence ».

 

Certains le jugent dépourvu de charisme et déplorent ses modestes qualités d’orateur. Ce que conteste un ancien diplomate, qui le connaît bien : « Il s’exprime avec beaucoup de sûreté et même d’éloquence. Bien sûr, il maîtrise très bien le français, la langue de travail des économistes, mais son arabe est impeccable. Il est très aimable, d’une humeur toujours égale, et écoute ses interlocuteurs avec une humilité non feinte. Il représente fort bien son pays à l’étranger et rassure les milieux économiques. Mais il est vrai qu’il s’aventure rarement sur les sujets sensibles. Ne comptez pas sur lui pour distiller sous le sceau de la confidence quelque petite phrase assassine ! »

 

Natif de Sousse, la troisième ville du pays, ce Sahélien a fait toute sa carrière dans l’administration. Après des études secondaires au lycée de Sousse et une licence de sciences politiques et d’économie à l’université de Tunis, il est admis à l’École nationale d’administration, puis intègre la fonction publique. En l’occurrence, le secrétariat d’État au Plan et à l’Économie nationale, cette véritable pépinière de la future élite économique et financière du pays. Intelligent et travailleur, il est repéré par le secrétaire d’État Mansour Moalla, futur ministre des Finances, qui le prend sous son aile.

 

En 1975, Ghannouchi est nommé directeur de la planification générale, poste qu’il conservera près de dix ans avec un plaisir non dissimulé. Il est en effet dans son élément : doué d’une fantastique mémoire des chiffres, il jongle allègrement avec les agrégats financiers. Aujourd’hui encore, ses collaborateurs racontent qu’il ne quitte jamais longtemps des yeux un tableau de bord régulièrement mis à jour contenant les grands indicateurs économiques tunisiens, mais aussi européens – liée à l’Union européenne par un accord d’association, la Tunisie réalise près de 80 % de ses échanges extérieurs avec les pays de la zone euro.

 

Avec quelques autres, dont Nouri Zorgati (qui fut ministre des Finances dans les années 1990), Ghannouchi appartient à cette génération de technocrates propulsés à de hauts postes de responsabilité, dans la seconde moitié des années 1970, par le Premier ministre Hédi Nouira (1970-1980). « Par tempérament et par expérience, Nouira se méfiait des politiques. En revanche, il appréciait beaucoup les grands commis de l’État, se souvient un fonctionnaire international. À la faculté comme au ministère de l’Économie, Ghannouchi était “un citoyen ordinaire”. Personne n’aurait imaginé qu’il occuperait un jour d’aussi hautes fonctions. Comme tout le monde, il était membre du Parti socialiste destourien (PSD), le parti unique jusqu’en 1981, mais ne s’impliquait qu’assez peu dans la vie de l’appareil. C’est précisément ça qui a séduit Nouira. Ghannouchi n’est pas un homme de clans, mais il faut se remémorer le contexte de l’époque : Bourguiba était déjà malade, diminué, et Nouira, en tant que successeur constitutionnel, détenait la réalité du pouvoir. Il a jeté les bases de l’économie de marché et tenté de maintenir une cloison étanche entre économie et politique. Il avait besoin de jeunes talents en qui il puisse avoir entière confiance. Ghannouchi et Zorgati étaient de ceux-là. »

 

À la direction générale du Plan, fonction transversale s’il en est, Ghannouchi est amené à dialoguer avec les principaux responsables de l’État. Il fait la connaissance du directeur de la sûreté nationale, un certain Zine el-Abidine Ben Ali, qui apprend à apprécier cet homme de dossiers méticuleux et pondéré, originaire comme lui de la région du Sahel. Devenu Premier ministre le 2 octobre 1987, Ben Ali procède, moins d’un mois plus tard, à un remaniement. Cinq nouveaux ministres entrent au gouvernement. Parmi eux, Ghannouchi, qui, logiquement, hérite du ministère délégué au Plan. Bourguiba, qui a donné son aval, se ravise le lendemain et prétend avoir oublié ce qui s’est passé la veille : il ne veut à aucun prix d’un Ghannouchi au gouvernement ! Consternation dans les rangs de l’équipe dirigeante…

 

C’est que Mohamed Ghannouchi a un homonyme célèbre, Rached Ghannouchi, le chef du Mouvement de la tendance islamiste, qui vient d’être condamné par la Cour de sûreté de l’État à la réclusion criminelle à perpétuité. Au grand dam de Bourguiba, qui voulait la peine capitale. Le problème est que Mohamed et Rached n’ont strictement aucun lien de parenté ! On frise le ridicule. De plus en plus incohérent, imprévisible, Bourguiba exige un nouveau procès pour Ghannouchi (Rached). Ben Ali et quelques-uns de ses fidèles en arrivent à la conclusion que le temps est venu d’agir. Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1987, sept sommités médicales tunisiennes sont convoquées, à 2 heures du matin, et signent un certificat dans lequel ils constatent l’incapacité du vieux leader. Le 7 novembre au matin, la Tunisie se réveille avec un nouveau président : Zine el-Abidine Ben Ali.

 

Ghannouchi (Mohamed) revient au gouvernement à la faveur du changement. En juillet 1988, il est promu ministre de plein exercice, toujours au Plan. En 1989, ses attributions s’élargissent aux Finances. En mars 1990, il est ministre de l’Économie et des Finances, et, en 1992, prend le portefeuille de la Coopération internationale et de l’Investissement extérieur, poste qu’il conservera jusqu’à son arrivée à la tête du gouvernement, en novembre 1999. Il est le seul responsable tunisien à avoir occupé sans discontinuer des fonctions ministérielles depuis 1987. Il faut croire que, maîtrisant parfaitement ses dossiers, il a donné partout pleine satisfaction. C’est l’homme de la planification, l’un des architectes des plans quinquennaux qui ont permis à la Tunisie de s’arracher au sous-développement. C’est aussi l’un des grands artisans de la libéralisation graduelle – et maîtrisée – de l’économie entamée en 1986.

 

Très apprécié dans les milieux financiers internationaux, à la Banque africaine de développement, à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, il a participé de l’intérieur à la plupart des négociations cruciales qui ont permis à son pays d’obtenir des prêts à des taux avantageux. Au ministère de Coopération internationale, il a consacré toute son attention aux doléances des investisseurs, qu’il s’est efforcé de ne jamais décevoir afin de renforcer l’attractivité du « site Tunisie ». Depuis près de vingt ans, il est de ceux qui s’efforcent de traduire dans les faits les grands projets présidentiels : de la création du fonds de solidarité 26/26 à celle de la Banque tunisienne de solidarité. Car le social a toujours été une composante essentielle de l’action du gouvernement. Dès le début des années 1980, bien avant l’Algérie, le pays a engagé une lutte sans merci contre l’islamisme. Mais c’est en traitant le mal à la racine, en éradiquant les poches de pauvreté, en réduisant drastiquement les inégalités et donc en coupant les islamistes de leurs soutiens populaires que les autorités sont parvenues à l’emporter. Ghannouchi et ses amis technocrates ont joué à cet égard un rôle aussi décisif que méconnu.

 

Le pouvoir n’a pas changé le chef du gouvernement. Tous ceux qui ont eu l’occasion de l’approcher témoignent de sa scrupuleuse honnêteté. Marié et père de deux enfants, il continue de vivre très simplement dans la petite maison qu’il possède à El-Menzah VI, une banlieue résidentielle de Tunis. Son fils, aujourd’hui médecin à Sousse, dans le secteur public de la santé, n’a jamais bénéficié de passe-droits exhorbitants et a d’ailleurs commencé ses études à Rabat parce que son classement au concours d’entrée ne lui permettait pas de s’inscrire directement à la fac de médecine de Tunis.

 

Tout Premier ministre qu’il soit, Ghannouchi ne fait toujours pas de politique – ou si peu. Ainsi, il n’a fait son entrée au bureau politique du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir, qu’en 2002. La rumeur le donne périodiquement partant et il aspire, dit-on, a davantage de tranquillité. Pourquoi pas dans une grande organisation internationale ? Mais c’est aussi un homme de devoir qui répugne à exprimer publiquement ses états d’âme. « Le président l’apprécie, note l’un de ses amis. Avec lui, l’économie tourne et les investisseurs sont rassurés. »

 

Ghannouchi n’en reste pas moins en retrait. Dans l’ordre protocolaire des cérémonies officielles, il est d’ailleurs devancé par son prédécesseur Hamed Karoui, vice-président du parti au pouvoir. En fait, son rôle s’apparente avant tout à celui d’un super-directeur de cabinet chargé des questions économiques : il coordonne, mais ne dirige pas. A-t-il seulement son mot à dire ? Dans les salons tunisois, on raconte une anecdote révélatrice. Lors d’un récent remaniement, Ghannouchi aurait informé plusieurs personnalités, par téléphone, qu’elles étaient pressenties pour intégrer le gouvernement. Joie des intéressés, qui, quelques heures plus tard, déchantent en découvrant que leurs noms ne figurent pas sur la liste annoncée à la radio. Le Premier ministre n’avait pas été informé des arbitrages de dernière minute…

 

Deux chercheurs, Michel Camau et Vincent Geisser, ont analysé cette tendance à la technicisation et à la dépolitisation du personnel gouvernemental tunisien. Après avoir étudié les profils de 116 ministres et conseillers au cours de la période 1987-2001, ces derniers concluent que « le trait distinctif du nouveau personnel gouvernemental tient à la corrélation entre une relative virginité politique et une expérience professionnelle attestée. C’est à ce type d’expérience que les néophytes en politique doivent leur promotion ministérielle. Ils sont, dans leur grande majorité, issus de la haute administration, du secteur public et de l’université. »

 

Conclusion : plus que jamais, aujourd’hui, le vrai pouvoir – sinon la totalité du pouvoir – est au palais de Carthage.

 

(Source : Jeune Afrique, N°2357 du 12 au 18 mars 2006)

 


Mohamed Driss

Auteur, acteur, metteur en scène et directeur du Théâtre national tunisien, Mohamed Driss, 40 ans de carrière, est un polyvalent des planches. En incessante quête d’originalité, il puise son inspiration actuelle dans la danse et le cirque.

 

Réformateur obstiné

May Sélim

 

Au centre de Tunis, dans le théâtre du 4e art, se donne sa récente mise en scène Al-Moutachaabitoune (Les Opportunistes). Il pénètre la salle pour recevoir le public. On le reconnaît tout de suite : veste grise, chemise bordeaux, long foulard, nœud papillon trop classique et béret sur la tête. Ses lunettes foncées ajoutent à ce personnage un petit air mystérieux. Ecrivain, acteur et metteur en scène, Mohamed Driss maintient un style qui le différencie des autres. Et c’est un homme de théâtre exigeant. « Dans l’art, il faut avoir des formes extraordinaires. L’artiste doit réaliser des miracles. Il doit se renouveler sans cesse », souligne-t-il avec conviction. Il adopte lui-même ce principe, même après 40 ans d’expérience, il s’ouvre sur les autres arts de la scène et puise son inspiration dans la danse et le cirque, deux ressources indispensables pour Driss quant au processus d’élaboration théâtrale.

 

Ses pièces, depuis Ismaïl pacha, Vive Shakespeare (1988) jusqu’à sa toute récente production Al-Moutachaabitoune, témoignent de l’intérêt qu’il accorde pour la danse et l’_expression corporelle. Son théâtre se base en effet sur le jeu du corps et ses connotations visuelles. D’ailleurs, en 2005, il a fondé à Tunis le Centre national des arts du cirque et des arts visuels. « Le centre est un projet et une décision présidentielle qui sert à mettre en évidence le rôle que peut jouer l’art du cirque dans la culture arabe. Dans ce centre, on trouve le théâtre, la musique, la danse, les arts plastiques et le cirque artistique », déclare-t-il, sur un ton posé et en arabe classique.

 

Driss défend son projet bec et ongles et n’hésite pas à dire franchement son opinion sur la situation du théâtre arabe. Il ajoute : « Le cirque artistique diffère du cirque traditionnel. Celui-ci est basé sur des numéros qui suscitent chez le public suspense et peur, et visent à éblouir. Le cirque artistique ou le nouveau cirque est, lui, basé sur une écriture, une structure et un scénario. Un dialogue corporel s’effectue entre les artistes, où chaque geste et chaque mouvement sont étudiés. C’est un art jeune, qui ne s’arrête jamais. Ni la langue, ni la culture, ni la croyance ne peuvent l’empêcher de vivre. Au niveau de la création, le nouveau cirque est une occasion aux jeunes de vivre une liberté corporelle. D’ailleurs aujourd’hui, on se sert des arts du cirque pour former les comédiens de théâtre ». Une formation qui permet à l’artiste d’avoir l’adresse et la souplesse nécessaires qui font depuis longtemps défaut aux comédiens des pays arabes. Car, selon Driss, il faut leur apprendre à manier le corps, à l’aimer pour s’exprimer librement et sincèrement. « Le théâtre dans les pays arabes est dans l’impasse. Les hommes de théâtre se contentent de quelques longs discours et mouvements mécaniques. Or, la vraie création consiste à transformer le mécanique en spirituel. La formation de l’acteur dans les pays arabes est déformée, banale et assez primitive. Les écoles de théâtre offrent des programmes figés qui remontent aux années 1950. Ceux qui n’ont pas suivi ce genre d’étude ont plutôt la chance de créer et d’avancer encore plus. Nous sommes très arriérés au niveau technique, esthétique et significatif », indique-t-il furieusement. Certes, la colère lui ronge le cœur, répète-t-on dans les milieux théâtraux. Mais Driss est du genre réaliste et pragmatique. « C’est la réalité qui prévaut dans le monde arabe. Il ne faut pas se voiler la face. Sans doute, il y a des exceptions mais elles ne suffisent pas à donner lieu à une autre réalité ». Le directeur du Théâtre national tunisien appelle à une réforme, à un changement, à la recréation du théâtre arabe, en s’éloignant de la question d’identité et de la pensée fondamentaliste. « Il faut s’adapter aux nouvelles formes d’_expression et ne plus tomber dans le piège de l’identité arabe. Selon le dramaturge nigérien Wole Soyinka : Un tigre ne proclame pas sa nature de tigre, il agit ». C’est ainsi que Driss résume sa conviction, en tant qu’homme de théâtre.

 

Ce vétéran du théâtre tunisien, assez intransigeant, aspirait plutôt au départ à faire une carrière de cinéaste. Dans sa jeunesse, il participait, avec ses amis d’université, à des courts métrages et des documentaires. Il a même fondé une association pour les amateurs du cinéma. Alors pourquoi théâtre aujourd’hui ? C’est « un jeu du hasard, devenu une nécessité de la vie ». A 12 ans, Mohamed Driss écrivait, jouait et montait des spectacles comme dans un jeu de loisir. A l’époque, son objectif était de divertir sa famille, qui est son premier public. Durant les soirées familiales, les fêtes et les mariages, Driss organisait avec les autres enfants de la famille des semi-représentations théâtrales. « On commençait par des spectacles sur l’Histoire arabe, d’après nos lectures des œuvres de Georguie Zidan comme par La Chute de Grenade. On présentait l’Histoire, à travers une sorte de fantaisie qui nous était propre. On se colorait le visage avec du café, on se servait des vêtements de femmes … On jouait avec une grande liberté. Puis, on donnait un autre spectacle social abordant par exemple le mensonge, le vol, etc. Et finalement, on interprétait une pièce comique où le burlesque dominait. Mes parents et les adultes de la famille nous demandaient de cesser. Ils refusaient la grossièreté du burlesque et rejetaient notre audace verbale. On veillait jusqu’à deux heures du matin. J’étais le conducteur du chœur, l’auteur et le metteur en scène », raconte-t-il, avec grand plaisir. Malgré l’objection de ses parents, le petit Mohamed animait ses soirées théâtrales avec persistance. Déjà un révolté ? Il se montrait avide de savoir, de connaître ses droits et ceux de son pays, sous le protectorat français.

 

C’est cependant de plein gré qu’il rejoignit la faculté de droit. Pour Driss, les études juridiques élaborent une philosophie de recherche par laquelle on découvre le sens de l’humanité et la particularité des civilisations. On apprend à accepter l’autre, et à respecter l’opinion opposée. « La loi est faite par les hommes. Elle est issue de leur vie. Les lois permettent à l’homme de s’interroger sur l’existence et de fouiller profondément. Pourquoi vit-on ensemble ? Pourquoi construit-on une communauté ? Pourquoi rêve-t-on de succès ? Ces études et ces réflexions m’ont beaucoup servi, plus tard, dans le théâtre », estime-t-il.

 

Driss comblait sa quête du savoir tout en développant sa passion de comédien au théâtre de l’université, en amateur durant les années 1960.

 

Avec certains amis, étudiants universitaires et également fans de théâtre, Driss a eu l’occasion de faire la connaissance du metteur en scène français Jean-Marie Serreau. C’est grâce à lui que Driss a découvert le théâtre de Beckett, d’Ionesco … « A cette époque, j’ai commencé à jouer des rôles secondaires dans le théâtre tunisien, mais la situation du théâtre et mes confrontations continues avec les responsables n’étaient pas encourageantes. Un jour, en pleine dépression, j’ai eu Serreau au téléphone et me plaignais de mon état. Il m’a dit : il est temps de vous lancer dans le théâtre comme un professionnel. Venez joindre ma compagnie théâtrale ». Un tournant dans la vie du jeune étudiant de droit. A Paris, Driss suivait des stages et des cours en écoles artistiques. Entre Paris et Tunis, toute une nouvelle carrière a pointé à l’horizon pour ce jeune qui n’avait jamais arrêté d’écrire, de jouer et de monter des pièces.

 

Etudiant et professionnel à la fois, ses parents, du genre conservateur, se méfiaient de l’aventure de leur fils, notamment après l’indépendance de la Tunisie en 1956. « Ma mère me voyait médecin, ingénieur, un homme qui devait occuper un poste important, autrefois tenu exclusivement par les Français. Plus tard, elle était fière de l’artiste que je suis devenu ». Et d’ajouter : « Avec l’indépendance, on croyait au rôle du théâtre dans la formationdes jeunes générations. C’était un nouvel élan pour tous ceux qui aimaient le théâtre en Tunisie. Les adaptations faites à partir du théâtre universel se sont présentées comme une vraie tentative de compréhension et d’assimilation. Tout le monde rêvait d’une nouvelle Tunisie », se rappelle-t-il.

 

Obéissant à la nouvelle pensée et dans le but de renouveler le théâtre tunisien, Mohamed Driss a jeté avec d’autres de sa génération comme Al-Fadel Al-Gaeibi, Al-Fadel Al-Guéziri, Al-Habib Al-Marzouki, les fondements du « Nouveau théâtre », en 1979. Il s’agit d’un centre privé qui a marqué le théâtre tunisien par des expériences et des idées modernes, qui se sont opposées aux formes traditionnelles et qui ont pavé la voie à l’expérimentation.

 

Même après la dissolution de ce centre, Driss, directeur du Théâtre national depuis 1988, continue à expérimenter, toujours à la recherche de nouvelles formes d’_expression. Ses projets et ses rêves se multiplient pour son théâtre et pour la vie. Autrefois, les gens interrogeaient l’amateur qu’il était : « Qu’est-ce que vous faites ? ». Et il se contentait de répondre, simplement : « Je vis, je vis ». C’est d’ailleurs, la même réponse qu’il affiche aujourd’hui. Car pour lui, le théâtre, c’est la vie.

 

May Sélim

 

 

Jalons

1969-1972 : Acteur, assistant metteur en scène

de la Compagnie Internationale La Tempête, dirigée par Jean-Marie Serreau.

1979 : Fondation du Nouveau théâtre.

1988 : Directeur du Théâtre national tunisien.

2005 : Fondation du Centre national des arts du cirque et des arts visuels, et président des JTC (Journées Théâtrales de Carthage).

2006 : Préparation d’un opéra en hommage à l’historien Ibn Khaldoun.

 

(Source :  Al Ahram Hebdo, « Hebdomadaire égyptien en langue française en ligne chaque mercredi » du 15 mars 2006)

URL: http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2006/3/15/visa0.htm


 

Al Quds Al Arabi, 15 mars 2006, traduction de l’arabe

Une troisième Intifada à l’horizon

Abdelbari Atwan

 

Après l’invasion de la prison d’Ariha, la logique des choses aurait voulu que le président Mahmoud Abbas ne se contente pas d’interrompre sa tournée européenne pour revenir immédiatement à Ramallah et être à la tête de l’Autorité pendant cette période de crise. Il aurait dû convoquer une conférence de presse et annoncer sa démission et démanteler l’Autorité (palestinienne). Il aurait pu annoncer que ni Israël ni les partenaires étrangers qui prétendent faire respecter les accords internationaux ne s’y conforment.

 

L’invasion de la prison, avec la complicité de deux principaux membres du quartette censé superviser le processus de paix et l’application de la feuille de route, est une humiliation personnelle pour Abbas, pour son Autorité et pour l’option des négociations entreprise depuis Oslo ; un processus jalonné de concessions palestiniennes honteuses.

 

Si M. Abbas connaissait d’avance l’intention de ses alliés à Londres et à Washington de retirer les observateurs de la prison d’Ariha, c’est une catastrophe. S’il ne savait pas, c’est encore pire.

 

M. Abbas aurait dû renforcer la protection de cette prison avec des armes lourdes pour que les responsables puissent se défendre et défendre les prisonniers. Sauf, bien sûr, s’il avait un pré-arrangement avec les Américains et les Britanniques de ne pas bouger le petit doigt et de laisser les choses se passer (ce dont on doute).

 

Si M. Abbas n’était pas au courant de ces intentions et qu’il a été aussi surpris que les Palestiniens  – et c’est l’option la plus probable car il n’aurait pas commencé une tournée européenne pour sauver l’Autorité du dépôt de bilan et de la chute -, il aurait dû protester plus vigoureusement. Lui qui boude pour n’importe quelle raison. Si cette grande humiliation ne le fait pas réagir pour défendre son prestige de président élu d’un peuple militant qui a donné des milliers de martyrs et des dizaines de milliers de blessés, qu’est-ce qui va le faire bouger ? Quand et comment réagira-t-il ?

 

Les deux gouvernements américain et britannique sont certainement complices du crime israélien. Ils ont informé Ehud Olmert de leur plan d’évacuer les observateurs. Sinon, comment les lourds blindés ont-ils pu assiéger la prison, seulement quelques minutes après leur retrait ?

 

Israël commande vraiment le monde. Ses paroles deviennent loi. Il a réussi à contrôler la Maison-Blanche et les autres institutions législatives et exécutives. Il les a tous utilisés pour défendre ses intérêts et ses desseins. La guerre contre l’Irak, dans laquelle les États-Unis ont perdu 3 000 hommes et 300 G $ d’argent public, a été menée pour Israël. La prochaine guerre contre l’Iran va être déclenchée pour qu’il [Israël] soit l’unique puissance nucléaire régionale.

 

M. Khaled Mechâal, le présdient du Bureau politique du Mouvement Hamas a commis une énorme erreur – lui l’homme intelligent et expérimenté – quand il appelé les gouvernements arabes qui ont signé des accords de paix avec l’État hébreu à intervenir et à utiliser leurs relations diplomatiques pour mettre fin à l’invasion de la prison d’Ariha. Ceci aurait été, selon ses dires, le moment opportun pour prouver l’utilité de ces relations. Mais il n’y aucune raison de placer une telle confiance en ces gouvernements. Le fait de compter sur eux est une perte de temps. Ces régimes ont signé des accords avec l’État hébreu, non pas pour les utiliser en vue de servir une cause arabe centrale, mais pour se dégager des obligations morales et nationales qu’elles ont vis-à vis elle.

 

Les gouvernements arabes jouent les lions quand c’est le moment de menacer un petit État pacifiste comme le Danemark et permettent à leurs citoyens de brûler des ambassades et de boycotter des biens. Ils retirent leurs ambassadeurs, car un dessinateur imbécile et raciste a caricaturé notre prophète (que le Salut soit sur lui). Certes, c’est un grand crime qui mérite punition, mais ces mêmes gouvernements n’osent même pas protester contre les États-Unis et l’Angleterre à cause du viol des engagements, l’invasion d’une prison et le kidnapping de militants [déjà] emprisonnés. Ces gouvernements détournent leur regard quand il s’agit des crimes israéliens, des réacteurs nucléaires israéliens et de la « judaïsation » des endroits sacrés islamiques.

 

Nous n’avons jamais cru et nous ne croirons jamais les discours et les slogans américano-britanniques portant sur le respect des accords et conventions internationaux et sur les droits de l’Homme. Pas seulement parce que ces deux États contredisent ces thèses avec leurs agissements en Irak. Mais aussi parce qu’ils ont montré une duplicité et une hypocrisie sans précédant à Ariha. Ils ont dit avoir retiré les observateurs (deux américains et deux britanniques) pour leur sécurité ! Pourtant, nous n’avions jamais entendu dire que leur sécurité était menacée. Et si elle l’avait été, pourquoi les deux gouvernements ne se sont-ils pas intéressés à la sécurité de 200 Palestiniens dans la prison d’Ariha ?  Les vies des observateurs serait-elle sacrée alors que les âmes des Palestiniens seraient « impures » ? Y aurait-il « des âmes premier rang » et « des âmes dixième rang » ?

 

Cette incursion honteuse remettra les pendules au même endroit dans la terre occupée. Il ne serait pas surprenant que ce soit l’élément déclencheur d’une troisième Intifada, comme la deuxième Intifada a débuté à quelques semaines des élections israéliennes, à cause de la visite de Sharon à Al-Aqsa. Le peuple palestinien est un fier et orgueilleux. Il ne peut se taire face à l’injustice.

 

Ehud Olmert, le Premier ministre israélien par intérim, a peut-être fait des gains en projetant l’image d’un leader fort, deux semaines avant les élections, et ce en s’attaquant à une prison en ruines abritant des détenus désarmés. Mais il paiera peut-être un lourd prix suite à cette aventure politico-militaire totalement naïve.

 

La plus grande bêtise est celle commise par les gouvernements de Bush et de Blair, alors que leurs projets militaires et politiques en Afghanistan et en Irak subissent des échecs retentissants. Dans le premier cas, les pertes se suivent et le mouvement Al Qaïda et ses alliés talibans se renforcent. En Irak, le pays glisse vers la guerre communautaire. Les forces américano-britanniques y sont désormais les otages des milices communautaires appuyées par l’Iran. L’extrémisme sot vainqueur en Irak et en Afghanistan. Le terrorisme se renforce et le monde est de plus en plus dangereux à cause des politiques américaines stupides qui ne voient le monde qu’à travers la vision israélienne.

 

La Palestine occupée se dirige rapidement vers l’extrémisme à cause de ces mêmes politiques qui apportent de précieux cadeaux au mouvement Al Qaïda et tous les groupes qu’il pourrait imposer dans la région. Mais [comme le dit le dicton] qui entend ta musique, Ô Daoud ?

 

Traduit par : Taïeb Moalla, tmoalla@yahoo.com

 


Point de vue

L’Algérie, un pays saigné au profit des clans

 

par Hocine Ait-Ahmed

 

La maladie du président Abdelaziz Bouteflika, évacué en urgence vers l’hôpital parisien du Val-de-Grâce le 26 novembre 2005 et rentré triomphalement à Alger le 31 décembre, a constitué un rude moment de vérité pour un régime jusque-là passé maître dans l’art de la dissimulation. Répondant dans une langue de bois du plus pur style stalinien aux interrogations légitimes sur la maladie du président, les officiels algériens ont « naturellement » opté pour la dénonciation des « ennemis », là où seule était en cause l’incompétence à communiquer sereinement et sincèrement.

 

Mais cette opacité n’a rien à voir avec celle qui a pu être entretenue en France autour de la maladie de certains chefs d’Etat. Elle est le symptôme d’un système politique qui a de longue date sombré dans les méandres de l’informel, où les mensonges officiels ne se comptent plus, où culte de la personnalité, népotisme et coups de Jarnac sont les seuls guides de ceux qui exercent des fonctions institutionnelles. Plus personne en Algérie, du général le plus gradé au citoyen lambda, n’ignore qu’aucune information publique n’est fiable, et qu’elle peut tout juste être labélisée par tel ou tel décideur de l’ombre, tirant les ficelles des divers officiels, marionnettes chargées d’animer la façade démocratique. Dans ce théâtre d’ombres, le chef de l’Etat occupe le rôle de chef d’orchestre des apparences, et sa défaillance imprévue explique la soudaine sidération de l’Algérie officielle.

 

Mis à mal par les choix désastreux opérés à la faveur d’une « sale guerre » qui, depuis 1992, a fait 200 000 morts et des milliers de disparus, piégés dans des alliances douteuses avec la lie de la société, englués dans d’inextricables affaires de corruption, ne sachant plus comment répondre aux problèmes du pays, les vrais responsables algériens ont confié en 1999 l‘obligation de communiquer à un président capable de toutes les outrances verbales et n’ayant aucun scrupule à dire une chose et son contraire. Avant même que la maladie du président ne vienne dévoiler les dysfonctionnements du système, ce choix tactique d’attribuer le rôle de « diseur public » à un homme surtout soucieux de paraître allait se révéler un facteur aggravant de la crise.

 

Quand les scandales et les révélations d’anciens officiers de l’armée sur la « sale guerre » ont commencé à éclabousser la hiérarchie militaire, les détenteurs du pouvoir réel ont mis en cause la « mauvaise communication ». Ces hommes coupables à la fois de crimes contre l’humanité, de prédation à grande échelle et de gestion catastrophique d’un pays riche en ressources naturelles et humaines, ont alors redoublé d’efforts pour occulter ces vérités, en s’appuyant sur deux piliers. Le premier est le système de désinformation construit de longue date par les chefs des services secrets militaires, le DRS, coeur du pouvoir – un système qui a étendu des métastases profondes à l’extérieur du pays. Le second est la fonction tribunicienne confiée à M. Bouteflika, réputé pour ses capacités oratoires et ses relations internationales.

 

Mais passés les premiers effets d’annonce, la crise s’est poursuivie, et le discours a montré ses limites. Dépourvu en pratique de tout pouvoir, le président adoubé à deux reprises (1999 et 2004) par les généraux n’a pu que gérer la paralysie, qu’il s’agisse des modalités de la « réconciliation » ou des dossiers lourds comme ceux des hydrocarbures, de la justice, de l’école, de la paupérisation ou des privatisations. Avec des affaires de plus en plus encombrantes de corruption, un front social en ébullition, des grèves à répétition et des émeutes dans tous les coins du pays, le système qui, des années durant, a assuré sa survie au prix d’un terrible coût humain, montre des signes évidents d’essoufflement.

 

Dans un tableau aussi peu reluisant, la maladie du président a fait l’effet d’une bombe. Non que quiconque se fasse des illusions sur ses capacités à apporter des réponses. Mais parce que la routine qui maintenait les fameux « équilibres internes » précaires dont il parlait a été profondément ébranlée. Le système algérien est tellement usé par le poids de la guerre, la fatigue des hommes et le rôle croissant des clans mafieux qu’il n’est plus à l’abri d’une brusque accélération du processus de délitement à l’oeuvre depuis plus d’une décennie. Trop occupés à déstabiliser la société, les institutions et les hommes pour assurer la pérennité du régime (et du contrôle de leurs sources d’enrichissement, les commissions occultes sur les échanges commerciaux), les responsables algériens n’ont pas vu venir la panne.

 

En faisant de la présidence de la République et des institutions dites représentatives une simple façade, les « décideurs » ont vidé l’Etat de toute substance – s’inscrivant ainsi dans la droite ligne du « crime fondateur » commis contre le peuple algérien en juillet 1962 par les militaires, qui ont confisqué à leur profit la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Ces « décideurs », pour discrets qu’ils soient, ne sont toutefois pas anonymes : aucun Algérien n’ignore l’identité du vrai patron de l’Algérie, le général-major Mohamed Mediène qui, depuis septembre 1990, dirige la police politique qui quadrille société et institutions avec la complicité de ses pairs généraux. Outre les « élites » chargées d’occuper la devanture politique et de « gérer » l’administration, sa principale « base sociale » est désormais constituée de seigneurs de guerre, de chefs de confréries religieuses, de barons du crime et de voyous notoires.

 

Les généraux qui ont fait la « sale guerre » écartés ou observant une réserve prudente, le président d’abord soucieux des apparences du pouvoir et de quelques vieux comptes à régler, puis de sa maladie, le champ a été pleinement libéré pour ce pur produit du despotisme, de la guerre et de la prédation que sont les mafias.

 

Le pays n’est plus au bord du gouffre, il y est bien enfoncé. Avec la complaisance de ses principaux partenaires étrangers, aussi aveugles au chaos actuel qu’aux souffrances du peuple algérien durant toute une décennie d’horreurs. Le traité d’amitié que les autorités françaises s’apprêtent à signer avec le pouvoir, elles le signeront avec la seule Algérie qu’elles soient capables d’envisager : celle des forbans.

 

L’autre Algérie, celle du peuple, des résistants à l’oppression coloniale, de la lutte contre la dictature et de l’espoir démocratique en la liberté, la justice et la prospérité, étant ignorée.

 

Elle constitue pourtant la seule garantie capable de donner sens, consistance et durabilité à un vrai traité d’amitié entre nos deux peuples.

 

(*) Hocine Aït-Ahmed est président du Front des forces socialistes (FFS).

 

(Source : « Le Monde » (France) du 14 mars 2006)

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QUELQUES REACTIONS DES LECTEURS ABONNES AU Monde.fr AU « POINT DE VUE » DE M. AIT AHMED

 

 

Nasser b.

15.03.06 | 09h49

Da Hocine est très subjectif en concentrant toutjours sa critique sur les Services de Renseignement Algériens. Il oublie que l’Algérie leur doit son Salut. Car dans les années 90, le Duo DRS-ANP restait la seule instittution qui fonctionnait encore. Grace à leur strategie le pire fut évité. Ses hommes n’ont pas été importés mais sont le reflet de toute une société en transition du modèle trivale vers la modernité. Une jeune nation a droit à l’erreur, mais elle a besoin aussi d’un projet clair!

 

 

jean34

15.03.06 | 09h31

L’Algérie est un pays magnifique, ses ressources naturelles, son potentiel humain et touristique,sont important.Incapable de nourrir son peuple, 80% de l’alimentaire est importé alors qu’avant l’indépendance le pays exportait des fruits, des légumes, du blé dûr, du vin.Le Maroc voisin a une agriculture prospère, la Tunisie aussi.Quelle malédiction frappe l’Algérie ? Dire que cette situation est le résultat de la colonisation est une absurdité. Erreurs stratégiques de 40 années de gouvernants !!

 

Stephane D – San Francisco

15.03.06 | 01h35

Le fait est que 90% des problemes des pays en voie de development ne sont ni le fait du liberalisme, de la colonisation, des multi-nationales, des sionistes, des USA, de Bush,.. bref de tous les boucs emmissaires de service qui ont toujours bon dos. Ce sont principalement fait de la stupidite (manque d’education peut etre) des populations qui n’en finissent pas de s’auto detruire…

 

ERNEST E.

14.03.06 | 16h08

Lors de la visite de J. Chirac à Alger accueilli aux cris de visas, visas », le correspondant du Monde rapportait qu’un jeune algérien lui disait « Si l’on donnait maintenant l’Algérie à la France, Chirac n’en voudrait même pas! ». Cela résume d’une autre façon l’analyse de Ait-Ahmed. Comment en sont-ils arrivés à cette décomposition? Le monde arabo-musulman est peuplé d’individus tout à fait valables pris individuellement mais dès qu’ils abordent la vie collectivement, ils retournent au Moyen-Age!

 

Ghazel_Gobelins

14.03.06 | 14h44

Moi je ne ris plus quand je lis la rancoeur d’une guerre inachevée pour certains qui pleurent ou se réjouissent des malheurs de l’Algérie au nom d’un esprit revenchard un peu mesquin. Au fait et la mission civilisatrice de la France, si on en reparlait? L’indépendance fut confisquée, certes mais elle manquait aussi cruellement d’élites…Laissons le pays à son destin sans jouer à refaire l’histoire. Les Algériens ont souffert et souffriront encore mais ce ne sont plus des indigènes!

 

hasse

14.03.06 | 12h53

Comme toutes les révolutions, comme toutes les luttes de libération nationale, la Direction révolutionnaire a foncé tête baissée, sans penser à l’aprés, cet aprés qui s’avère trés difficile à gérer, car alors on se rend compte que le pays n’est pas pret. Non seulement il n’est pas pret culturellement, puisque le colon a maintenu la population dans un état de dépendance culturelle par le biais de l’ignorance, de la méséducation, mais surtout la direction s’avère incapable d’assurer la démocratie.

 

traité d’amitié ? ? ?

14.03.06 | 12h43

comment accepter que la france signe un traité d’amitié avec les OFFICIELS, les GOUVERNANTS algériens actuels et malheureusement futurs ??? PS : vous en connaissez des pays que la richesse petrolière n’a pas « pourri » ?

 

christian m.

14.03.06 | 08h43

Moi, je ne ris pas quand je pense que les mêmes assassins qui nous ont chassés d’Algérie ont provoqué une autre guerre civile,ruiné un pays qui disposait de la manne pétroliére par incompétence, corruption, soviétisation et s’apprêtent à s’enfoncer encore plus dans l’obscurantisme en interdisant l’enseignement du français. Je ris encore moins quand je vois tous ces algériens demander et obtenir des visas pour la France. Nous devrions cesser de leur faire un statut à part.

 

Georges A.

14.03.06 | 02h35

Sans le Sahara que la France a donné à l’Algérie la situation serait sans doute pire puisqu’elle ne serait pas un pays petrolier !

 

Alain T.

13.03.06 | 22h30

Arrivé en 1963 à Alger et parti à 15 ans en 1967, j’étais alors un petit européen qui arpentait les rues du centre ville pour aller à son Lycée. On lui avait expliqué qu’une guerre venait de finir et que là où il marchait des horreurs venaient de se terminer. Pourtant, il n’y avait aucune trace ou presque. Ce fut une époque enchanteresse pour moi. En 1985, les 500 morts de la répression Chadli m’ont complètement « cueilli ». Si j’avais pu imaginer qu’après la guerre, il y aurait encore la guerre!

 

Gil_Gamesch

13.03.06 | 22h16

Moi je ris en pensant qu’il existe encore de nostalgiques de l’Algérie Française!Tout peuple a besoin de se libérer de ses colons pour laver son linge sale en famille!Combien de guerres civiles en France?une occupation allemande,et débats nombreux sur Vichy,la collaboration,l’histoire peu glorieuse des années trente!l’Algerie et son peuple font ces mêmes expériences!pour construire une démocratie qu’ils arracheront demain!Une Nation qui a à peine un 1/2 sècle!un pays adolescent au fond.

 

ZANZY

13.03.06 | 22h11

Nous devons souhaiter un avenir où la démocratie pourra vraiment s’exprimer sans la présence au pouvoir central de tous ses « religieux » ,de ces militaires protecteurs de leurs propres privilèges… La France doit créer un pôle d’équilibre alliant la Tunisie,leMaroc et l’Algérie.Très égoïstement nous avons besoin de ces Pays et notre avenir européen ne serait qu’une bouée de sauvetage!(Ne pas écarter la Turquie si possible)

 

Abu_Simbel

13.03.06 | 22h10

L’irrationel,logique de toute guerre civile:peurs,fantasmes, manipulations,espionnage et banditisme ont brouillé les pistes!Des élites sincères ont collaboré avec les militaires,des humanistes sincères ont défendu l’ennemi au nom des droits de l’homme,des femmes démocrates se sont jetées dans les bras des tortionnaires,des partis d’opposition se sont fait une guerre fratricide,l’Occident a préféré les amis-mafieux.Une impasse difficile à gérer.Les algériens sont las/discours:ils veulent vivre.

 

mclerc

13.03.06 | 21h29

Je ris en pensant à tous les imbéciles qui nous ont traités d’affreux colonialistes. Quand on voit les agissements de M. Boutelfika, les pires « colonialistes » étaient, à coté de lui, des enfants de « coeur ».

 

lucien c.

13.03.06 | 19h42

L’article d’Ait Ahmed serre le coeur. Il met en évidence ce qui aurait pu être, et n’a pas été : le destin possible d’une Algérie émancipée, dirigée par des hommes sincères, de qualité, qui aurait fait son chemin vers la maturité politique et économique avec l’appui discret d’une France apaisée, toutes rancoeurs oubliées. Je crois que le président algérien, pragmatique, fait de son mieux pour extraire ce magnifique pays de l’inconcevable bourbier où il est englué. Souhaitons qu’il se rétablisse!

 

RAYMOND O.

13.03.06 | 19h40

Si les choses en sont là, ce dont personne ne doute, on peut se demander vraiment s’il existe une ‘autre Algérie’. S’il existe une alternative à un aussi profond malheur. Hélas, trois fois hélas…

 

jean louis g.

13.03.06 | 19h02

Ce point de vue paraîtra-t-il un jour dans un journal algérien ? Et dire que la France s’impatiente de signer un traité d’amitié avec un Pays où les sièges des journaux sont transformés en prison ; où le français ne peut plus être enseigné ? Faut-il que le dieu pétrole soit puissant pour que l’on perde autant de temps à des susceptibilités pareilles ! et à des menteurs aussi compétents !

 

ERNEST E.

13.03.06 | 17h09

M. Hait-Ahmed votre analyse de l’état dans lequel se trouve l’Algérie d’aujourd’hui est terrible.Je pense que vous auriez au pouvoir fait autre chose mais les résultats auraient été comparables.Lorsque l’on tient un pays avec un fusil parce que la force est magnifiée à tous les échelons de la société on récolte forcément ce que l’on a semé. Lorsqu’on ne croit à la démocratie que si elle vous donne le pouvoir, si l’émigration devient un moyen de gérer le pays, l’effondrement moral est à craindre!

 

La Muette_Sourde

13.03.06 | 15h28

L’énigme pour moi:pourquoi cet homme,Bouteflika a accepté l’offre des généraux et pourquoi lui-même a proposé sa candidature.On se rappelle du contexte:après l’assassinat de Boudiaf.L’ambition? l’amour-propre, une forme de patriotisme(voir son pays dans un tel déchirement),je peux le comprendre!L’appat du gain? il n’en avait pas besoin,il gagnait mieux à Dubaï! Sauver les généraux de la débacle?je ne le pense pas,il les hait!Il en meurt et on parle déjà de son successeur Lakhdar Brahimi! Galère!

 

(Source : lemonde.fr, le 15 mars 2006)


 

Espionnage

L’informateur du SAP s’était rendu en Syrie pour identifier les connections avec les filières irakiennes.

La taupe devait remonter jusqu’à Al-Qaida

 

VALERIE DUBY ET ALAIN JOURDAN

La taupe recrutée par les services secrets suisses pour infiltrer le Centre islamique de Genève s’est volatilisée. Le 23 février dernier, Christian alias Sayyid, 35 ans, révélait dans les colonnes de la Tribune de Genève avoir été recruté par le service d’analyse et de prévention (SAP) pour espionner Hani Ramadan.

 

Ce qui a été confirmé. Depuis, l’ancien informateur des stups de la police genevoise, converti à l’islam en 2004 pour les besoins de sa mission, a disparu. Il a quitté la Suisse après avoir tout avoué dans une lettre adressée au directeur du Centre islamique de Genève. Pourquoi avoir choisi de faire de telles révélations?

 

Beaucoup s’interrogent sur les motivations de ce mystérieux agent de l’ombre, qui se met soudain à causer aux journalistes. Sa personnalité, son passé judiciaire (escroquerie, trafic d’anabolisants) laissent planer un doute quant à ses motivations réelles. En attendant, il se livre à un grand déballage en guise de règlement de comptes. Pour mieux s’affranchir de ses ex-employeurs?

 

D’abord réfugié à Las Palmas, aux Canaries, comme l’a révélé le Blick la semaine dernière, le Genevois a pris la poudre d’escampette, redoutant apparemment une arrestation qui s’annonçait imminente. «Le SAP va certainement essayer de me mettre les bâtons dans les roues. Me réfugier à l’étranger devrait me permettre de ne pas être empêché de parler, mais mon temps est compté», confiait-il récemment.

 

Christian est entré en clandestinité, comme on dit dans le jargon, usant de mille précautions pour communiquer: changement fréquent de numéro de téléphone portable, adresses e-mail différentes, noms d’emprunt, fausse identité… L’homme connaît toutes les ficelles du métier d’espion. Prudent, il a confié des documents au cas où cela tournerait mal pour lui.

 

Opération à hauts risques

 

«Dans un autre pays que la Suisse, on n’aurait pas hésité à me liquider dès l’instant que j’ai commencé à parler, mais ici cela ne se passe pas comme cela. Je garde néanmoins à l’esprit que, dans ce genre de situation, tout peut arriver.» Excès de paranoïa d’une recrue qui n’était pas taillée pour cette mission, d’un agent qui pète les plombs? Christian Sayyid a apparemment de vraies raisons d’être inquiet. Il n’y a pas que ses anciens employeurs qui pourraient lui réclamer des comptes. La taupe du SAP n’a pas fait qu’infiltrer le Centre islamique de Genève, elle s’est aussi déplacée à l’étranger.

 

Des déplacements à hauts risques, qui ont notamment conduit Christian jusqu’à la mosquée Al Fateh à Damas, en février 2005. La Syrie où il s’est rendu récemment encore. «C’était une opération clandestine, le SAP n’ayant pas la base légale pour enquêter à l’étranger», affirme-t-il aujourd’hui. Sur place, il rencontre notamment de jeunes Français issus de la mouvance salafiste.

 

Ils sont en contact avec un réseau pour rejoindre des groupes de résistance en Irak. Les passeurs réclament 800 dollars, auxquels il faut ajouter une somme comparable pour rejoindre un poste de «résistance», plus le prix de l’équipement et du matériel militaire. Soit en tout 4000 dollars environ. Le prix à payer pour rejoindre des combattants sur le terrain.

 

«On m’avait donné des informations sur la mosquée Al Fateh, où il était possible d’entrer en contact avec le groupe d’Abou Moussad Al-Zarkaoui», explique Christian. Entrer en contact avec les réseaux Al-Zarkaoui, le chef terroriste adoubé par Ben Laden, commanditaire de plusieurs attentats meurtriers, revient à mettre sa tête dans la gueule du loup. La taupe s’y risque. Le contact est établi par l’intermédiaire de R. H., un Franco-Algérien résidant à Genève, recherché par la police française pour une affaire d’accident de voiture.

 

Prêt à témoigner devant une commission d’enquête

 

Pour Christian, le SAP avait toujours à l’esprit d’impliquer Hani Ramadan. Il s’agissait de faire le lien entre R. H. et Hani Ramadan, de sorte à pouvoir dire que les islamistes qui fréquentaient le centre des Eaux-Vives se rendaient en Irak. Le centre devenait alors une base arrière du terrorisme du fait de ses liens, même éloignés, avec la nébuleuse Al-Qaida.

 

Christian, qui s’est converti à l’islam et, il le reconnaît, s’est pris de sympathie pour Hani Ramadan, affirme avoir refusé d’entrer dans ce jeu. C’est la raison pour laquelle il aurait stoppé sa collaboration avec le SAP, malgré les relances de son officier traitant.

 

Aujourd’hui, il se déclare prêt à tout raconter devant une commission d’enquête parlementaire. L’ancien agent souhaite s’entretenir avec Dick Marty, le député tessinois au Conseil des Etats, rapporteur spécial du Conseil de l’Europe sur les prisons de la CIA.

 

L’affaire rebondit sur le terrain politique

 

Les révélations de la taupe embarrassent. Comme on pouvait s’y attendre, l’affaire est en passe de prendre une tournure politique. Le conseiller national, vice-président des Verts suisses, Ueli Leuenberger, a saisi le Conseil national en déposant une question écrite à laquelle devra répondre lundi le conseiller fédéral chargé du Département justice et police, Christoph Blocher.

 

Quelle était la finalité de la mission d’infiltration confiée à l’ancien indic des stups? Ueli Leuenberger se demande si la taupe engagée par Berne était juste chargée de récolter des informations sur le centre islamique des Eaux-Vives ou bien de confondre Hani Ramadan par tous les moyens. «Introduire des agents provocateurs est quelque chose d’inadmissible. Selon mes informations, cette personne aurait été chargée d’introduire des documents compromettant dans le centre islamique.

 

Si tel est le cas, l’affaire serait extrêmement grave. Comment le Conseil fédéral justifie-t-il cette pratique?» Le conseiller national observe que «cela arrangerait beaucoup de personnes à Genève que Hani Ramadan soit piégé. Si une telle affaire avait concerné l’extrême gauche cela aurait été le tollé général.» Ueli Leuenberger poursuit: «Si d’autres mosquées devaient faire l’objet de surveillance, le Conseil fédéral peut-il apporter des assurances quant à la légalité des procédés en vertu de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure et de la loi fédérale sur l’investigation secrète?»

 

Pour élucider le mystère de l’opération Memphis, il faudra attendre la réunion, fin mars, de la délégation parlementaire chargée de contrôler les services de renseignement. Quelle suite sera donnée à cette affaire? Tout dépend de ce que la taupe est réellement en mesure de révéler. Christian Sayyid en sait-il autant qu’il le prétend? En levant le voile sur ses activités et celles du service qui l’employait, le Genevois a mis à mal tout le dispositif de surveillance déployé autour des lieux dits «sensibles».

 

Selon nos informations, tout laisse à penser que l’ex-agent a révélé l’adresse de la planque utilisée par les services de renseignements suisses avenue de la Grenade, en face du centre islamique… De la même façon qu’il a expliqué comment les photos étaient prises aux abords de la grande mosquée à partir d’un scooter équipé d’une caméra cachée. Certains de ceux qui ont fait l’objet de ces surveillances très serrées connaissent désormais l’existence de ce fameux scooter. Qui manipule qui?

 

Ces révélations sont à double tranchant. Hani Ramadan se garde bien d’en faire une exploitation outrancière. Le directeur du centre islamique affirme faire confiance au parlement pour obtenir des éclaircissements. (vdy/aj)

 

Genève, un nid d’espions

 

La taupe fédérale ne fait pas que balancer ses ex-employeurs. Christian alias Sayyid affirme que le centre islamique des Eaux-Vives, tout comme la grande mosquée de Genève sont infestés d’espions. «Les agents tunisiens, marocains et syriens sont partout», affirme-t-il.

 

De son propre aveu, les services de renseignements étrangers sont très actifs sur le sol helvétique et notamment à Genève. La Cité de Calvin, capitale de l’espionnage comme dans la période de la guerre froide? C’est quasiment ce que laisse entendre notre interlocuteur: «D’après ce qu’il m’a été donné de voir, le SAP fait un très bon travail dans le contre-espionnage économique. Mais sur le dossier de l’Islam, ils sont médiocres. Imaginez qu’à Genève, les services de renseignements français – la DGSE – sont trois fois plus nombreux que tous les services suisses réunis. C’est incroyable, mais vrai. Les Français possèdent beaucoup plus d’informations sur ce qui se passe à Genève que nos propres services. Par la force des choses, le SAP se voit contraint de collaborer étroitement avec eux.»

 

Les agents du Proche-Orient n’hésiteraient pas, en outre, à jouer les rabatteurs pour mieux piéger les éléments dangereux. «Lorsque vous rencontrez un Tunisien dans une mosquée, vous avez plus de chances d’avoir affaire à un indic qu’à une personne venue prier.»

 

(Source : « Tribune de Genéve » (Suisse), le 15 mars 2006)


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