12 mai 2007

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TUNISNEWS
8 ème année, N° 2545 du 12.05.2007

 archives : www.tunisnews.net


AISPP: Communique’ Patriote 2005: L’Agence TAP : La chasse aux sorcières est ouverte  Réalités: Liberté de la presse : Des avancées, malgré tout Réalités: Liberté de presse en Tunisie : Ce qui a été fait, ce qui reste à faire Réalités:Le couple, les successibles et l’Ijtihad

Le Monde: Edito du Monde L’après-Wolfowitz


Liberté pour Mohammed Abbou Liberté pour tous les prisonniers politiques Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques 33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis Tel : 71 354 984 aispptunisie@yahoo.fr Tunis, le 11 mai 2007  
 
Communique’
Madame Zeïneb Chebli, présidente du comité des mères des victimes de la loi sur le terrorisme, nous a informés qu’au vu des nombreux dépassements commis par l’administration pénitentiaire et du harcèlement contre leurs fils à la prison de Mornaguia, il avait été décidé d’envoyer une délégation au siège de la Croix Rouge à Tunis pour l’exhorter à intervenir et d’y organiser le cas échéant un sit-in. Mais de nombreux agents de la police politique se sont interposés le 9 mai 2007 et les ont dispersés en arrêtant des taxis et en les faisant monter à bord pour les éloigner du lieu.
D’autre part, madame Ftima Bouraoui, mère des prisonniers politiques, les jumeaux Khaled et Oualid Layouni, continue à son domicile la grève de la faim commencée le 3 mai 2007. L’AISPP a appris que son état de santé s’était dégradé et qu’elle ne pouvait plus se lever.
Madame Ftima Bouraoui a reçu des appels téléphoniques de beaucoup de familles de prisonniers politiques, d’associations et d’organisations de droits de l’Homme qui lui ont exprimé leur solidarité et de familles qui lui ont dit qu’elles se mettaient en grève de la faim pour exprimer leur colère face aux tortures et aux mauvais traitements subis par leur enfants. L’AISPP réitère sa revendication de libération de tous les prisonniers politiques. Le Président de l’Association
Maître Mohammed Nouri (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)

L’Agence TAP :

La chasse aux sorcières est ouverte

La chasse aux sorcières est ouverte à l’Agence TAP pour débusquer l’auteur du dernier brûlot paru dans Tunisnews (voir édition arabe du 5 mai). Une opération de tri est engagée pour isoler les brebis galeuses du reste du troupeau, à travers l’émargement, volontaire ou forcé, d’une pétition concoctée par des opportunistes professionnels. L’AJT, d’habitude si léthargique et dont l’indignation est souvent sélective, a procédé à une large diffusion du texte publié par Tunisnews auprès de ses adhérents. Certains donneurs de leçons commencent, enfin, à se perdre en conjectures au sujet de la situation à l’agence, s’apitoyant sur le sort de ses journalistes et les invitant à faire preuve de solidarité. Pour élucider cette affaire, nous avons contacté quelques journalistes de l’Agence. Les rares qui ont accepté de s’exprimer sont unanimes : Le pamphlet en question est un acte malheureux et contreproductif. De par sa phraséologie et ses tournures excessives et superflues, ce texte est une erreur monumentale. Sa publication dessert entièrement et grossièrement la cause qu’il est censé défendre et va à l’encontre des attentes et des aspirations de la majorité des journalistes de l’agence. Aucun journaliste sensé et responsable ne peut cautionner de telles pratiques. Certains journalistes que nous avons contactés sont même portés à croire qu’il ne s’agirait, peut être, que d’une manœuvre de manipulation et de provocation savamment orchestrée par des parties proches de l’administration. Ils estiment, à juste titre, que ce texte contient des éléments de diffamation et beaucoup d’attaques personnelles et que les personnes qui se sentent diffamées ou visées – la majorité sont malheureusement des femmes – ont le droit absolu de se défendre, de réagir et de s’exprimer de la manière qu’elles jugeront la plus utile et la mieux indiquée. Ces mêmes journalistes soutiennent, toutefois, qu’hormis ces excès fâcheux et regrettables, absolument injustifiables, les faits, les abus et les dépassements décrits dans ce texte ne sont pas une vue de l’esprit et n’ont pas été inventés. Ils sont, pour la plupart, bien réels, authentiques et attestés. Les journalistes que nous avons contactés nous ont exprimé leur inquiétude et leur préoccupation face à la tournure des évènements, dénonçant la récupération sordide de cette affaire par des personnages passés maîtres dans l’art de l’opportunisme, du cynisme et de la manipulation. Aussi bizarre que cela puisse paraître, les deux instigateurs de la pétition qui commence à circuler au sein de l’Agence pour dénoncer le contenu du document publié par Tunisnews, sont, en effet, deux retraités. Le présent et l’avenir de l’agence sont donc le cadet de leurs soucis. Le premier est, théoriquement, « inactif » depuis deux ans mais continue de « jouer les prolongations post retraite ». Il est actuellement en campagne préélectorale pour la reprise en main de l’AJT, une association sur laquelle il a déjà régné pendant une période de plus de 12 ans et qu’il présidera peut être pour le restant de sa vie. Cette pétition ne serait pour lui qu’une nouvelle carte maîtresse qu’il compte utiliser pour monnayer ses faveurs. Le deuxième est en retraite depuis un mois. Il est en train de faire des pieds et des mains pour obtenir, lui aussi, une première prolongation. Cette pétition ne serait, en ce qui le concerne, qu’une pièce supplémentaire à verser dans son dossier de candidature. Outre le fait que cette pétition ne fait que servir des intérêts purement personnels, ses objectifs inavoués sont, en réalité, plus clairs : intimider et terroriser les journalistes et les agents, étouffer définitivement toute voix discordante au sein de l’agence, diaboliser, en les présentant comme des opposants ou des traitres, des journalistes professionnels et indépendants qui se battent, depuis de longues années, pour restaurer la dimension publique de leur entreprise, travailler dans la dignité, imposer le respect de la déontologie de leur profession, valoriser leur métier et sortir de la médiocrité ambiante. Cette pétition vise aussi et surtout à occulter des dysfonctionnements graves et bien réels au sein de l’agence et qui sont à l’origine du pourrissement et de la dégradation effarante du climat social et professionnel de l’entreprise. Cautionner une telle action c’est donc commettre une erreur aussi monumentale que celle qui a été commise par l’auteur du texte controversé. Patriote 2005


Emission  » ISLAM » sur FRANCE2 Le dimanche 13 mai 2007 à 08h15 heures

 
FRANCE2 vient de faire un reportage sur les musulmans de la Suède qui va être diffusée le dimanche 13 mai le matin á 08.15 heure le matin. (heure de Paris). Dans ce programme, il y aura une discussion entre le professeur Olivier Roy et M. Noureddine Chatti (noureddine@chatti.org) sur le modèle suédois en ce qui concerne l´islam européen et l´intégration des musulmans en Suède.


Liberté de la presse : Des avancées, malgré tout

 
Zyed Krichen Un nouveau 3 mai et une nouvelle journée mondiale pour la liberté de la presse. Qu’avons-nous fait en un an ? Le verre est-il plutôt vide ou plutôt plein ? Il y a deux manières de juger l’état de la liberté de la presse dans un pays. La première est de se référer aux standards internationaux et aux valeurs universelles et là il y a le risque d’une double déception : au début car la distance qui nous sépare de ces standards est encore trop importante, ensuite parce qu’on fait une adéquation rapide entre ces standards et la situation de la presse dans les pays développés. La presse dans ces pays-là a connu beaucoup de crises ces vingt dernières années (de la guerre du Golfe en 1991 à celle du Liban de l’été 2006, sans compter le traitement de l’information locale) qui ont secoué les milieux des médias et ont fait douter l’opinion de la crédibilité et de l’indépendance des organes d’information. Par un glissement imperceptible, le discrédit relatif qui touche les médias des pays du Nord risque de rejaillir négativement sur notre perception même des standards internationaux. La deuxième manière pour apprécier l’état des libertés de la presse dans notre pays est de juger les avancées et les retards d’une année à l’autre. Cela est beaucoup moins spectaculaire, mais colle beaucoup plus à la réalité de notre vécu.

L’ouverture de l’audio-visuel Notre pays a amorcé, depuis un peu plus de trois ans, une ouverture limitée du paysage audio-visuel : Radio Mosaïque le 7 novembre 2003, la chaîne Hannibal TV plus tard et dernièrement une nouvelle radio régionale Jawhara. Personne ne croyait vraiment à ce que cette ouverture au capital privé allait changer quoi que ce soit dans un paysage audiovisuel où la langue de bois et l’institutionnalisation de l’information sont devenues les règles d’or. D’autant plus que ces nouveaux médias n’affichaient aucune ambition et ne se présentaient que comme des médias de divertissement. Mais il y a toujours du bon dans les logiques commerciales. Pour vivre et prospérer, ces médias avaient besoin de la publicité privée, donc ils se devaient de faire de l’audience. Après quelques réglages de départ, la voie était toute tracée : parler au Tunisien le langage du Tunisien. Et même si cela ne touchait, au début, que le sport ou la chanson, cette fraîcheur et liberté de tons plaisaient aux Tunisiens. Cette dernière année il y a eu un palier supplémentaire qui a été franchi par “Mosaïque FM” et “Hannibal TV”. La première radio privée de Tunisie ne se contente plus du débat libre et audacieux sur les sujets de société ou les problèmes sportifs. Elle invite des intellectuels et des artistes pour discuter de tout, et donc de politique au sens large et noble du terme. On y parle de la censure, de la religion, de l’état du Monde arabe, de démocratie… “Hannibal TV” a aussi élargi sa panoplie. Après sa réussite spectaculaire dans les débats sportifs et avec des moyens presque artisanaux, la chaîne a élargi son champ aux débats d’idées et cela plait manifestement au téléspectateur. Hannibal TV, depuis quelque mois, surclasse TV7 selon tous les instituts de mesure d’audience. Il est faux de croire que les médias audio-visuels publics manquent de journalistes de qualité. Il suffit d’écouter la nouvelle radio culturelle pour se convaincre du contraire. Malheureusement pour cette jeune et dynamique radio, elle reste lestée par le fait qu’elle ne diffuse pas encore sur la FM. L’Etablissement de la Radio et Télévision Tunisienne (ERTT) ne souffre ni de manque de moyens financiers ni de compétences humaines. Son drame est sa gestion éditoriale. On se rappelle tous du fameux épisode Etoile sportive du Sahel et Club Sportif sfaxien quant à l’octroi du Championnat 2004-2005. La presse écrite en parlait tous les jours, mais aucune information n’a filtré dans l’émission sportive dominicaine (Dimanche Sport). C’est cela ce que reprochent les Tunisiens à leurs médias. Depuis quelques semaines “Dimanche Sport” s’ouvre de plus en plus au débat contradictoire. C’est à saluer. Mais nous disons à notre télévision nationale qu’il n’y a pas que le sport et que le débat pluraliste doit être la règle partout.

Le rôle pionnier de la presse écrite Il faut rendre à César ce qui lui appartient. C’est la presse écrite qui a accompli le plus d’avancées cette dernière année. Seulement l’écrit est beaucoup moins spectaculaire que l’audiovisuel. La presse des partis de l’opposition, des plus modérés aux plus radicaux, paraît d’une manière plus régulière qu’autrefois. Six périodiques se partagent ce marché avec une parité parfaite : trois pour les modérés : “l’Unité” du Parti de l’Unité Populaire, “Watan” de l’Union Démocratique Unioniste et “L’Horizon” du Parti Social Libéral. Quant aux organes des partis dits ou réputés radicaux ce sont : “Ettarik al Jadid” du Mouvement Ettajdid, “Al Mawkef” du Parti Démocratique Progressiste, et “Citoyens” du Forum Démocratique pour le travail et les libertés. S’il est vrai que certains de ces médias se sont illustrés par une audace peu commune -et pas toujours dans le bon sens- leur impact demeure assez marginal tout en donnant un tonus non négligeable pour le reste de la presse écrite. Mais c’est la presse indépendante qui a le plus progressé cette année. Il ne nous appartient pas de jeter des fleurs sur le travail accompli par “Réalités” et sa jeune consœur en langue arabe “Hakaïek”. Mais l’honnêteté exige qu’on reconnaisse les efforts louables de certains de nos confrères, et notamment “Akhbar Al Jomhourouya” “Tunis Hebdo”, les quotidiens de “Dar Assabah” et de “Dar Al Anwar” malgré leur parti-pris idéologique critiquable. Cette tendance à l’autonomie et au sérieux de l’investigation et de l’analyse s’est surtout manifestée suite aux événements qu’a connus la banlieue Sud de Tunis à la fin de l’année 2006. Le danger terroriste a été, d’une certaine manière, révélateur d’une presse écrite revigorée et plus accrocheuse. Cela veut-il dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Absolument pas. Ces avancées que nous avons décrites demeurent encore fragiles, d’autant plus que les grands médias publics de masse ne suivent pas. Le cadre réglementaire demeure le même, et malgré tous les amendements positifs le Code de la presse demeure inadapté à cette volonté d’autonomisation et d’émancipation des médias. Ses deux talons d’Achille sont l’accès à la propriété des titres et le statut des entreprises de presse. Le Code a opté pour le système de l’autorisation, ce qui empêche, en partie, une véritable dynamique de rénovation du paysage médiatique. Le régime déclaratif est de loin plus démocratique et pluraliste. Cela n’empêche pas de réguler le secteur par un cahier de charges qui garantit l’indépendance des titres, le droit des journalistes et celui des citoyens à une information crédible et de qualité. La possession personnelle des titres est le second handicap du secteur. Elle empêche, dans les faits, la constitution de véritables entreprises de presse. Dans un monde de plus en plus ouvert et concurrentiel, cette disposition dessert les intérêts de la presse nationale. Le Ministère de la Communication et des Relations avec le Parlement réfléchit depuis plusieurs mois à une restructuration du secteur. Nous avons toutes les raisons de croire qu’elle sera faite dans un esprit libéral et dans le respect de la loi et de l’éthique professionnelle. En un an, plusieurs pas ont été franchis dans le bon sens. Des initiatives audacieuses ne pourront que conforter ces acquis et faire bouger encore les lignes. Les pouvoirs publics le souhaitent, les Tunisiens l’attendent.

(Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N°1114 du 2 mai 2007)  


Liberté de presse en Tunisie :

Ce qui a été fait, ce qui reste à faire

 
Par Taïeb Zahar La Journée mondiale de la presse est célébrée tous les 3 mai dans la plupart des pays. C’est en Tunisie une occasion pour nous tous de faire le bilan de ce qui a été fait sur la voie du développement d’une presse libre et crédible qui assume les exigences de la profession et répond aux attentes des citoyens, et contribue ainsi à l’enrichissement de la démocratie pluraliste dont la liberté d’expression est l’un des fondements essentiels. Depuis le Changement du 7 Novembre, le secteur de l’information et les moyens de le développer ont été au centre des préoccupations du Chef de l’Etat, qui a présidé plusieurs Conseils ministériels qui ont été consacrés à cette question et a pris de nombreuses mesures dans le sens de la promotion de l’information nationale, de sa modernisation et de sa démocratisation. Aujourd’hui, alors que nous célébrons la Journée mondiale de la presse,nous pouvons affirmer que les mesures prises par le Président Zine El Abidine Ben Ali et l’esprit qu’il a insufflé à la politique du gouvernement en la matière ont eu un impact positif que nous constatons dans la pratique quotidienne et que nous devons souligner en tant qu’acquis positif de la cause de la liberté d’expression et de la démocratie. Cette évolution n’a pas été aisée, il a fallu en effet, vaincre des résistances, des blocages et les survivances de la culture du parti unique, mais les choses ont sensiblement changé. Le paysage médiatique tunisien est aujourd’hui pluriel : il comprend des radios et une chaîne télévisée privées dont l’audience témoigne de sa vitalité et de son innovation dans la “gestion” de l’information. Ce changement, également qualitatif, est perceptible et significatif de la capacité des professionnels tunisiens lorsque les conditions objectives le permettent, de produire des programmes de qualité qui n’ont rien à envier à ceux des télévisions étrangères souvent citées en référence. La “concurrence” ainsi créée a eu un effet d’entraînement sur les chaînes de radios et de télévision nationales qui se sont vu imposer, en quelque sorte, une exigence de rénovation et de rupture avec la langue de bois et les pratiques du passé. Là aussi, la mutation est réelle et elle est appelée à évoluer par l’effet de la logique de la compétition. D’autre part et en ce qui concerne la presse écrite on constate la levée des tabous —réels ou supposés— une libération au niveau de l’information et surtout le recul de l’auto-censure, il est vrai que la fin des “recommandations” y est pour beaucoup. Ce nouveau climat et les rapports qui prévalent actuellement entre les pouvoirs publics et le secteur de l’information ainsi que l’aspiration collective à faire mieux, sont autant de signes d’une évolution positive qu’il convient de consolider et d’enrichir. Pour cela, la responsabilité est du ressort de toutes les parties—gouvernement, journalistes, directeurs des organes d’information, partis politiques et société civile. Il s’agit d’abord de faire de telle sorte que ces acquis soient irréversibles, ce qui exige des réformes, de nouvelles mesures mais surtout un changement de mentalités et de comportements. L’information dans notre pays a hérité de plusieurs années de régime de parti unique qui ont institué des pratiques et une culture combattues depuis les premiers temps du Changement, mais dont certaines survivances sont encore présentes chez des décideurs du secteur public tout comme du secteur privé et qui se manifestent par la rétention de l’information, considérée comme bien de l’Administration ou de l’entreprise, selon les cas qu’il faut préserver et cacher, et par l’allergie à toute forme de critique, perçue comme une attaque personnelle à laquelle il faut riposter par des mesures de rétorsion afin de “punir” le journal qui n’a fait que son devoir. Ces survivances sont certes minoritaires mais elles doivent néanmoins disparaître totalement. D’autres réformes doivent être entreprises, certaines concernent la radio et la télévision nationales qui demeurent les médias qui ont la plus large audience et le plus grand pouvoir, mais qui font l’objet de nombreuses critiques de la part des citoyens qui touchent tant la forme que le contenu de leur production. Ces réformes s’imposent d’autant plus que ces médias sont soumis à la double concurrence des chaînes privées nationales et des chaînes étrangères, notamment arabes, qui véhiculent souvent un discours et un message qui ne sont pas conformes à nos valeurs et au modèle de société que nous avons choisi. L’une de ces réformes à envisager et qui aura sans doute, un effet positif, est l’institution d’un conseil des programmes qui sera formé de représentants des partis politiques, des professionnels (journalistes, réalisateurs…) et de la société civile et qui aura à veiller à la qualité de la production qui sera ainsi plus en phase avec ce qu’attendent les Tunisiens et en conformité avec l’exigence démocratique pluraliste. Dans le domaine de la presse écrite, des réformes s’imposent également. Nous en citerons deux qui ne sont nullement limitatives des autres. La première concerne le statut juridique des organes de la presse écrites. L’autorisation à paraître est accordée à titre individuel, ce qui crée des problèmes en cas de décès du “propriétaire” de la licence. Cette disposition gagnerait à être réformée pour des raisons de clarté juridique, de continuité de l’entreprise et aussi parce que notre presse écrite n’est plus à l’abri de la concurrence étrangère, ce qui implique, pour qu’elle puisse être compétitive, que des sociétés puissent disposer des autorisations à paraître et acquérir les moyens financiers nécessaires. La deuxième réforme est relative au soutien apporté aux organes de la presse écrite par les pouvoirs publics, notamment par le biais de la publicité publique. Des critères plus équitables et conformes à la conception originelle de l’aide publique doivent être définis et appliqués, surtout que la presse d’opinion, dont les ventes sont par nature limitées, se trouve confrontée à de graves problèmes financiers qui menacent sa survie même, et a besoin d’un soutien conséquent. Enfin, nous devons aborder la question du Conseil Supérieur de la Communication. Cette institution a été créée pour la promotion de la communication dans notre pays et les dernières mesures prises dans ce cadre, dont notamment la recomposition de son équipe dirigeante, vont dans le sens de sa consolidation ; elles doivent être renforcées par une plus grande ouverture aux professionnels du secteur et une écoute plus attentive de leurs préoccupations et des attentes des citoyens. (Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N°1114 du 2 mai 2007)

Le couple, les successibles et l’Ijtihad

 
Par Taoufik Ben Mrad

La société islamique reste régie par les lois religieuses telles qu’elles ont été précisées dans notre livre saint, le Coran, il y a de cela plus de quatorze siècles. On peut répartir ces lois en deux catégories, celles concernant le Dogme et celles concernant l’application des lois sociales régissant la société islamique. Le Dogme Le dogme de l’Islam est fondé sur cinq principes intangibles qui ne sauraient être ni discutés ni interprétés et qui sont l’unicité de Dieu et Mohamed son Prophète, les cinq prières journalières, le jeûne du mois de Ramadan, le Pèlerinage à la Mecque et la Zakat.

Les lois d’application sociales

Cette catégorie définit les rapports sociaux entre Musulmans, qu’ils soient de nature pénale, matrimoniale ou de succession. Les lois sociales ne peuvent pas rester figées dans un formalisme rigide mais peuvent évoluer en fonction des nouvelles réalités du Monde islamique, de façon à ce que les nouvelles transitions sociales se passent sans bouleversements traumatisants, sans heurts, de façon harmonieuse et paisible. Elles peuvent être interprétées pour s’adapter à la nouvelle structure sociale et aux nouvelles aspirations des peuples. Le Prophète lui-même encourageait l’Ijtihad, promettait une double récompense divine à celui qui réussissait dans sa tentative de faire évoluer les lois : d’ailleurs concernant les lois pénales appliquées au nom de la religion, certains Etats musulmans dont le Maghreb ont substitué aux peines charaïques des peines prononcées par des tribunaux étatiques au nom de l’Etat, en tenant compte de l’évolution de leurs sociétés et des aspirations nouvelles de leurs populations qui rejetaitent les mutilations du voleur et la lapidation des couples adultères. Dans l’ère moderne, la Tunisie a initié la première réforme fondamentale du statut matrimonial dans le Monde islamique.

Bourguiba, le réformateur

Le Père de l’Indépendance tunisienne était un cartésien humaniste. Il pensait à juste titre qu’à la naissance de l’être humain le nombre des personnes de sexe masculin était égal à celui des femmes et par conséquent il n’y avait plus aucune justification à ce qu’un homme puisse avoir plusieurs épouses, car en ce faisant il aurait privé d’autres hommes d’en avoir une. Pour pallier à ce déséquilibre social, il fit voter le Code du Statut Personnel en 1956, réglementant le statut personnel des Tunisiennes. Je ne vais pas entrer dans tous les détails de ce code, ce serait trop long, mais je vais retenir la suppression de la polygamie et le divorce par un tribunal. Suppression de la polygamie : l’article 18 du Code punit de peines de prison le polygame. Cependant l’homme qui désire se remarier peut contracter un nouveau mariage à condition de divorcer de sa première épouse sous peine de prison. Le divorce des époux doit être prononcé par un tribunal (article 30) qui fixe le cas échéant les dommages et intérêts dûs à la femme, ordonne la pension alimentaire nécessaire à la vie et à l’éducation des enfants du couple et réglemente le droit de garde, les conditions de la filiation, les ayants-droits aux aliments ainsi que plusieurs autres articles réglementant la vie du couple et de leurs enfants, l’établissement de l’Etat-civil (loi de 1957). Cependant, concernant les successions et les successibles, il n’a fait que reprendre l’ensemble des lois charaïques. Peut-être Bourguiba pressentait-il que la société tunisienne de l’époque n’était pas prête à accepter un tel bouleversement qui mettait en cause des traditions ancestrales et beaucoup d’intérêts pécuniers.

Zine El Abidine Ben Ali, continuateur des réformes

Dans le domaine des successions et des successibles on se heurtait à deux difficultés majeures. La première réside dans le nombre des successibles : pas moins de 67 articles leur sont consacrés dans le Code du Statut Personnel. Certes le législateur avait pour objectif de maintenir le plus largement possible les liens du sang de façon à renforcer la cohésion sociale, mais l’évolution de la société tunisienne, avec la disparition de la tribu, le relâchement sinon l’oubli des parentés, les phénomènes migratoires et surtout l’avènement de la famille nucléaire (couple et enfants) qui vivent dans nos villes et cités et parfois en terre étrangère-permettent au législateur d’envisager des réformes dans ce domaine sans qu’elles heurtent les paramètres de la nouvelle société tunisienne. La communauté des biens entre époux, instituée par la loi du 9 novembre 1998, est un premier jalon posé dans cette direction, même si elle est actuellement restreinte à l’immeuble d’habitation conjoint entre époux, en attendant la prochaine étape qui consiste, dans le choix des époux du régime de la séparation des biens entre eux ou de celle de la communauté intégrale de leurs biens, étant donné que la femme, à l’instar de l’homme, contribue à la richesse du couple. La deuxième difficulté réside en ce que la fille ou la femme reçoit la moitié de la part revenant au mâle. Si antérieurement, la femme était cloîtrée à la maison et attendait de l’homme qu’il subvienne à ses besoins, il n’en est plus de même actuellement où la femme est active et participe à la création de la richesse familiale et peut aspirer à juste titre à l’obtention légale de son égalité avec l’homme dans le partage du bien successoral. Dans la pratique sociale actuelle et pour l’élimination des intrus (cousins et cousines) dans les biens successoraux et afin de réaliser l’égalité de la fille et du garçon dans l’héritage, le couple, soit individuellement soit conjointement, procède de son vivant à la répartition de ses biens entre ses enfants par la vente régulière desdits biens. C’est ainsi qu’il arrive souvent qu’un homme ou une femme possédant deux villas procèdent de leur vivant à la vente à chacun de leurs enfants d’une villa. La même formule peut être appliquée s’il y en a plusieurs. Une autre solution consiste dans la constitution d’une société civile mobilière ou immobilière à capital variable entre le couple et ses enfants. Les enfants seront actionnaires à égalité dans cette société, avec interdiction de vendre à des tiers leurs parts dans l’actif social, et si l’un des associés veut vendre son actif il ne peut le faire qu’à l’un de ses co-associés. Cette société peut être dissoute en cas de décès de l’un des époux fondateur ou de commun accord entre associés, et son actif sera liquidé conformément au droit commun.

(Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N°1114 du 2 mai 2007)


Al Jazira : balayer devant sa porte…

 
Par Hakim Ben Hammouda
 Je savais dès le départ de ma rencontre avec le responsable d’Al Jazira que je ne partageais pas son projet, encore moins celui de la chaîne. Mais, j’étais d’accord avec lui que l’avènement d’Al-Jazira et des chaînes satellitaires arabes a fait l’effet d’une bombe dans notre paysage médiatique. En effet, ces chaînes ont introduit une fraîcheur, une liberté de ton et un pluralisme qui étaient étrangers à nos chaînes nationales élevées et grandies dans la glorification et l’éloge de partis uniques et d’Etats qui se sont largement essoufflés et qui ont perdu dans un grand nombre de pays arabes. Cette liberté de ton a valu à la chaîne et au Qatar une série de crises politiques avec d’autres pays arabes. Ainsi, les bureaux de la chaîne dans certaines capitales arabes ont été fermés et certains pays arabes ont rappelé leurs ambassadeurs basés à Doha pour exprimer leur mécontentement par rapport aux informations rapportées par la chaîne sur leur pays. Certains, d’ailleurs estiment que cette chaîne au moment où elle dénonce à longueur de journée l’alignement de certains régimes arabes sur les Etats-Unis et Israël, ne dit rien sur les accointances entre le Qatar et ces pays et sur le fait qu’à quelques mètres du siège de la chaîne se trouve l’une des plus importantes bases américaines au Moyen Orient.

Egalement, je ne peux que souscrire à l’argument majeur de mon interlocuteur sur la révolution introduite par Al-Jazira dans le paysage médiatique mondial en rompant le monopole de sens détenu par les médias occidentaux depuis des siècles sur les évènements de notre monde. En effet, le monde entier se référait aux récits produits par les médias occidentaux et les quelques voix dissidentes étaient inaudibles et trop faibles pour espérer concurrencer les grands médias occidentaux, produire des récits différents et projeter un autre regard sur le déroulement des affaires du monde. De ce point de vue, Al-Jazira a produit une révolution en rompant ce monopole et en développant une voix différente et parfois dissidente sur les grands conflits mondiaux dont la guerre en Afghanistan, qu’elle a été la seule chaîne internationale à couvrir, ou la dernière guerre au Liban. Cette nouvelle voix a introduit une plus grande pluralité dans un système médiatique global dominé par les grands groupes internationaux. C’est probablement cette volonté de rupture du monopole de l’espace global de production de sens qui est à l’origine de la haine exprimée par différents milieux occidentaux vis-à-vis d’Al-Jazira. Ainsi, par exemple aucun opérateur aux Etats-Unis n’a accepté de diffuser la chaîne en anglais qui est accessible seulement sur Internet. Et Brent Bozell n’a pas hésité à déclarer sur Fox News « aucun opérateur digne de ce nom ne diffusera Al-Jazira English. Est- ce que les Américains ont permis à Hitler de diffuser sa propagande antisémite aux Etats-Unis pendant la guerre mondiale ? ».

Ces propos et cette haine témoignent de la rupture majeure introduite par la petite chaîne qatarie dans le paysage médiatique global. De ce point de vue, Al-Jazira est le véritable produit du monde post-moderne à un double niveau. D’abord, elle a su utiliser et mettre à profit le nouveau monde des nouvelles technologies et cette révolution en cours dans le domaine de la communication. Mais aussi ces technologies ont été utilisées pour remettre en cause le monopole du récit de la modernité et de l’universel occidental. C’est ce projet qui suscite aussi l’intérêt dans certains milieux intellectuels, notamment africains, qui considèrent que les arabes ont réussi à se doter d’une chaîne qui exprime leur voix et il faudrait que les Africains en fassent de même pour écrire leur propre récit sur leur vécu et leur expérience.

C’est là où j’ai eu la discussion la plus animée avec mon interlocuteur. Certes, il faut saluer ce pluralisme qui règne sur le paysage médiatique mondial avec l’arrivée d’Al-Jazira et la rupture de l’hégémonie dans la lecture des évènements mondiaux et la production de sens. Mais il ne faut pas s’arrêter là. Il faut aussi examiner le contenu de ce nouveau message qui émerge dans le paysage mondial. D’abord, est-il aussi objectif et neutre qu’il le proclame et donne-t-il une image plurielle du Monde arabe tel que le slogan de la chaîne le déclare ? A ce niveau, tous les observateurs s’accordent à dire que la chaîne donne d’une manière générale la prééminence dans sa lecture de notre vécu et de notre expérience à la voix islamiste. Ceci s’observe dans la liste des invités et dans le traitement des invités ou parfois dans certains émissions de débats le présentateur se range carrément derrière l’invité islamiste. Certes, la chaîne a donné la parole à certains représentants du nationalisme arabe comme le journaliste égyptien Mohamed Hassanin Haykel, ancien directeur du quotidien Al-Ahram et surtout proche collaborateur de Nasser, qui donne une lecture nationaliste de l’histoire arabe et de ses développements récents. Mais les voix modernistes restent relativement marginales sur la chaîne. D’ailleurs cette prédominance des voix d’obédience islamiste est le résultat de la prépondérance des personnalités islamistes dans le Conseil d’Administration de la chaîne et que les autorités qataries cherchent à renouveler en introduisant des personnalités plus libérales.

Par ailleurs, ma seconde préoccupation concerne le contenu de la chaîne et sa ligne politique. Cette vision ne s’éloigne pas des schémas et des analyses de la guerre des civilisations en considérant que l’Islam fait l’objet d’une attaque de la part des pays développés qui rappelle le temps des croisades. Cette vision se traduit dans les faits par une défense de l’Islam et surtout de ses tendances les plus rétrogrades en marginalisant les visions critiques, ouvertes et plurielles des nouveaux penseurs de l’Islam tels que l’Algérien Arkoun, l’Egyptien Nasr Abouzeid ou le Tunisien Mohamed Charfi. D’ailleurs, les dirigeants des mouvements salafistes et fondamentalistes arabes sont assez souvent les invités de la chaîne alors que les dirigeants nationalistes ou d’inspiration modernistes sont rarement invités. Par ailleurs, la chaîne ne cesse d’appeler à un retour au à l’âge d’or de l’empire arabo-musulman comme une issue à la crise actuelle du monde arabe. Les prêcheurs attitrés de la chaîne déploient toute leurs énergies et leurs forces pour montrer la pertinence de l’Islam et surtout de ses interprétations les plus rétrogrades aux problèmes de notre temps. Je me rappellerai toujours de cette émission de l’un des anciens dirigeants du mouvement des Frères Musulmans en Egypte, installé à Doha et converti dans le prêche, expliquer de manière stoïque à un téléspectateur qui lui demandait conseil après avoir juré de répudier sa femme trois fois qu’il fallait qu’il divorce et qu’elle se marie avec un autre homme avant qu’il ne puisse envisager de se remarier avec elle ! Des réflexions qui m’ont rappelé ce grand succès du cinéma marocain « Le mari de ma femme » et qui montre l’éloignement de ces interprétations obscurantistes de l’Islam de notre expérience et de notre vécu dans le monde de la post-modernité.

(Source : « Réalités » (Magazine hebdomadaire – Tunis), N°1114 du 2 mai 2007)


 
Edito du Monde L’après-Wolfowitz
 
            Accusé de népotisme, Paul Wolfowitz devrait, en toute logique, prochainement quitter ses fonctions. Le président de la Banque mondiale avait mis la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption au cœur de son action dans les pays pauvres. En intervenant pour que sa compagne soit détachée au département d’Etat et pour qu’elle voie son salaire fortement augmenté au mépris des règles internes, il a perdu toute crédibilité. Les pays européens en sont convaincus. Le président américain, en revanche, ne l’est pas. Or, selon un partage des rôles ancien, c’est lui qui nomme le président de la Banque mondiale, les Européens choisissant, eux, le patron du Fonds monétaire international. La crise actuelle doit être l’occasion de modifier la gouvernance de ces deux institutions. Dans un monde où l’Asie devient le premier créancier de la planète, ce monopole transatlantique est non seulement obsolète mais nuisible. Il laisse à penser que les Occidentaux veulent, envers et contre tout, rester les « maîtres du monde ». Il n’y a, surtout, aucune raison pour que les présidents de la Banque mondiale et du FMI ne soient nommés que sur des critères politiques. Or c’est le cas. M. Wolfowitz n’aurait jamais obtenu ce poste si sa candidature avait été mise en concurrence avec d’autres. Il n’est ni banquier ni spécialiste du développement, les deux compétences que l’on est en droit d’attendre du patron de la Banque mondiale. Spécialiste des questions stratégiques et de défense, il était l’un des principaux conseillers de George W. Bush après le 11-Septembre. Le président a voulu récompenser un fidèle, et il hésite aujourd’hui à le lâcher pour ne pas subir un nouveau revers. Pourtant, les candidats compétents ne manquent pas. Certains, comme Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie et ancien vice-président de la Banque mondiale, évoquent le banquier central brésilien Antonio Fraga ou l’ancien ministre des finances turc, Kermal Dervis. D’autres suggèrent les noms de Trevor Manuel, ministre des finances sud-africain, voire ceux de Bill Clinton ou de Tony Blair. Jusqu’à présent, les Européens se réfugient derrière la Maison Blanche. Ils ont tort. Au conseil d’administration de la Banque, ils disposent ensembles de 28,9 % des voix (dont 4,3 % pour la France), contre 16,4 % pour les Etats-Unis. Rien ne leur interdit d’essayer de mettre l’actionnaire américain en minorité. Cela provoquerait une crise, mais elle pourrait être salutaire. Nicolas Sarkozy, qui estime que sa proximité avec les Etats-Unis lui permet de faire passer à Washington des messages pas toujours agréables à entendre, pourrait trouver là une occasion de faire une entrée brillante sur la scène internationale, en se faisant à la fois le héraut de l’Europe et celui des opprimés. (Source : « Le Monde » (Quotidien – France), le 12 mai 2007)

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