12 janvier 2008

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TUNISNEWS
8 ème année, N°  2789 du 12.01.2008

 archives : www.tunisnews.net


 

Liberté et Equité: Instruction ouverte contre les agents de la Sûreté ayant agressé un militant politique AISPP: Report de l’examen de l’affaire du journaliste Slim Boukhdir ! AISPP: Infos  continues 1 – 3 SINOPLE: Les droits humains en Tunisie Omeyya Seddik: Demande d’aide Luiza Toscane: Trente ans !

Balha Boujadi: Cette  nation  analphabète Jeune Afrique: Tunisie- Comment les salafistes ont été neutralisés

 


 

Liberté pour Slim Boukhdir, la plume libre Liberté et Equité URGENCE : sauvez la vie de l’ex prisonnier politique Ahmed Bouazizi 33 rue Mokhtar Atya, 1001, Tunis Tel/fax : 71 340 860 e-mail : Liberté_équité@yahoo.fr Tunis, le 11 janvier 2008

Instruction ouverte contre les agents de la Sûreté ayant agressé un militant politique

 
A la suite de l’agression perpétrée contre le militant politique, membre du comité central du Parti Démocratique Progressiste, monsieur Mouldi Zouabi, le 5 décembre 2007, par des agents de la police politique de Jendouba, et suite à la plainte présentée pour son client par maître Rabah Khraîfi, une instruction a été ouverte à l’encontre d’Omar Labidi, chef de brigade à la Sûreté de Jendouba, et contre les agents Lotfi Belkhir Ouerguelli, Tahar Arfaoui, et Chaabane Azizi, enregistrée sous le numéro 1/834 au registre des plaintes du Tribunal de Première Instance de Jendouba. Pour le bureau exécutif de l’Organisation Maître Mohammed Nouri (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)

 


Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté pour Abdallah Zouari, le journaliste exilé dans son propre pays Association Internationale de Soutien aux prisonniers politiques 43 rue Eldjazira, tunis e-mail : aispptunisie@yahoo.fr Tunis, le 11 janvier 2008 Infos en continu

Report de l’examen de l’affaire du journaliste Slim Boukhdir !

 
Aujourd’hui 11 janvier 2008, le journaliste Slim Boukhdir a été déféré devant la chambre criminelle du Tribunal de Première Instance de Sfax, pour l’examen de l’appel du jugement prononcé contre lui par le tribunal de Sakiet Ezzit, accusé d’outrage verbal et d’agression de fonctionnaire, d’outrage aux bonnes mœurs et de n’avoir pas présenté la carte d’identité nationale qui lui était demandée. Le juge a décidé de reporter l’examen de l’affaire au 18 janvier à la demande des avocats. L’association […] Libération de gardés à vue dans le gouvernorat de Bizerte ! L’association a appris que les services du ministère de l’Intérieur avaient libéré Fethi Berraïess, Omar Tebourbi, Hassen Khmouma, Mohammed Amine Mellakh et Fethi Aïssa, et que le district de la Sûreté de Bizerte avait remis en liberté Nabil Meddeb et Mahmoud Alia, arrêtés pour la seconde fois. Pour l’association Le vice président Maître Abdelwahab Maatar (traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)
 

Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté pour Abdallah Zouari, le journaliste exilé dans son propre pays Association Internationale de Soutien aux prisonniers politiques 43 rue Eldjazira, tunis e-mail : aispptunisie@yahoo.fr Tunis, le 11 janvier 2008
 
* La vingt septième chambre criminelle de la Cour d’Appel de Tunis, présidée par le juge Mannoubi Hamidane, a examiné aujourd’hui, vendredi 11 janvier 2008 : – l’affaire n° 10512 dans laquelle sont déférés Ameur Alia, Abdelhamid Ghabi et Ali Chaouch, accusés d’adhésion sur le territoire de la République à une entente ayant fait du terrorisme un moyen de concrétiser ses desseins, d’appel à adhérer à une organisation terroriste, de pourvoi en armes, en explosifs, en munitions, et matières et équipements similaires, au profit d’une organisation terroriste, ainsi que d’avoir fourni des informations à une organisation terroriste. La commission de la défense était composée de Maîtres Samir Ben Amor, Hédi Abbassi et Mohammed Mansouri. Le tribunal de Première Instance de Tunis avait prononcé à leur encontre une peine d’emprisonnement de 15 ans. Après les plaidoiries des avocats, le juge a décidé de lever la séance pour le délibéré et on s’attend à ce que le jugement soit prononcé tard dans la soirée aujourd’hui. – la même chambre a examiné l’affaire 10484 dans laquelle est déféré Samir Hannachi, condamné en première instance (avec Hassen Saadi, condamné par contumace) à une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de cinq mille dinars, pour adhésion hors du territoire de la République à une entente ayant fait du terrorisme un moyen de concrétiser ses desseins. Maîtres Samir Ben Amor et Radhia Nasraoui ont plaidé, puis la séance a été levée pour le délibéré et le prononcé du jugement. – Cette chambre a examiné aussi l’affaire n°10478 dans laquelle sont déférés Mohammed Bacha, Seïfeddine Benkahla, accusés d’adhésion sur le territoire de la République à une entente ayant fait du terrorisme un moyen de concrétiser ses desseins, d’utilisation du territoire de la République pour mandater des personnes en vue de commettre un acte terroriste sur le territoire et à l’étranger, de mise à disposition d’un local de réunion et d’hébergement des membres de l’entente et de personnes ayant un rapport avec les crimes terroristes, de participation à l’adhésion hors du territoire de la République à une organisation ayant fait du terrorisme un moyen de concrétiser ses desseins, d’entraînements militaires hors du territoire de la République en vue de commettre des crimes terroristes sur le territoire de la République et à l’étranger. Pour leur défense se sont présents Maîtres Radhia Nasraoui et Samir Dilou. Le juge a décidé de reporter l’examen de l’affaire au 22 janvier 2008… Pour amener les accusés ! * La onzième chambre criminelle de la Cour d’Appel de Tunis, présidée par le juge Farouk Gharbi, a examiné : – l’affaire n°10199 dans laquelle est déféré Yassine Seyyari, condamné en première instance à une peine d’emprisonnement de dix sept ans (Mohammed Ben Atya, déféré en première instance en état de fuite avait été condamné, lui, à vingt ans), accusé d’adhésion à une entente ayant fait du terrorisme une moyen de concrétiser ses desseins. Le juge a décidé de reporter l’examen du dossier au 22 janvier 2008 à la demande de Maître Akram Barouni. – L’affaire n°10196 dans laquelle est déféré Hafedh Laafli, condamné en première instance à dix sept ans d’emprisonnement ( Mohammed Ben Atia, déféré en première instance en état de fuit avait été condamné à 20 ans d’emprisonnement), accusé d’adhésion à une entente ayant fait du terrorisme un moyen de concrétiser ses desseins. Le juge a décidé de reporter l’examen de l’affaire au 22 janvier 2008 à la demande de Maîtres Abdelfattah Mourou et Samir Dilou. L’association […] * La chambre criminelle des mineurs a examiné l’affaire n°632 dans laquelle est déféré Nourelhak Ben Cheikh, âgé de 17 ans et quelques mois. Maîtres Mokdad, Kousri et Ben Amor se sont présentés pour sa défense. L’association a appris que la condamnation prononcé à son encontre de 10 mois d’emprisonnement étant plus lourde que la période déjà passée en prison, il a été libéré tard dans la soirée; Pour la commission de suivi des procès Le secrétaire général de l’association Maître Samir Dilou (traduction d’extraits ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)  

Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté pour Abdallah Zouari, le journaliste exilé dans son propre pays Association Internationale de Soutien aux prisonniers politiques 43 rue Eldjazira, tunis e-mail : aispptunisie@yahoo.fr Tunis, le 10 janvier 2008
 

Mohammed Salah Gsouma, nouvelle victime de la justice …. des sanctions éternelles !

Au jourd’hui 10 janvier 2008, l’ex prisonnier politique Mohammed Salah Gsouma, a été présenté devant le tribunal cantonal de Saouassi, accusé de ne pas s’être présenté pour le contrôle administratif. Pour sa défense se sont présentés Maîtres Mohammed Nouri, Abderraouf Ayadi et Noureddine Bhiri. Le juge a accepté la demande des avocats de reporter l’affaire (au 17 janvier 2008), mais… il a refusé la demande de libération provisoire de leur client ! L’association […]

Encore des arrestations dans le gouvernorat de Bizerte !

Des agents en civil, dont on pense qu’il s’agit d’agents de la police politique, ont à nouveau arrêté aujourd’hui 10 janvier 2008 les jeunes Nabil Meddeb et Mahmoud Alia, qui avaient déjà été kidnappés le lundi 7 janvier 2008, puis relâchés au bout de quelques heures. L’association a appris aussi que le sixième juge d’instruction du Tribunal de première instance de Tunis avait remis en liberté Fethi Berraïess qui avait été arrêté lundi 7 janvier 2008 à Ras Jbel. L’association […] Pour l’association Le vice président Maître Abdelwahab Maatar (traduction d’extraits, ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)  


Liberté pour tous les prisonniers politiques Liberté pour Abdallah Zouari, le journaliste exilé dans son propre pays

Association Internationale de Soutien aux prisonniers politiques

43 rue Eldjazira, tunis e-mail : aispptunisie@yahoo.fr

 
Tunis, le 10 janvier 2008 La deuxième chambre criminelle du Tribunal de Première Instance de Tunis, présidée par le juge Abderrazak Ben Mena, a examiné aujourd’hui, jeudi 10 janvier, l’affaire n°14583, dans laquelle sont déférés Adnane Guenaoui, Lamjed Tounsi, Jamel Khlaïfi, Maher Yaacoubi, Aymen Ayadi, Khlil Saïdane, Anis Larbi, Safouane Laïbi, et Ali Labidi, accusés d’adhésion sur le territoire de la République à une entente ayant fait du terrorisme un moyen de concrétiser ses desseins, d’appel à adhérer à une organisation terroriste, de pourvoi en armes, explosifs, munitions matières et équipements similaires au profit d’une organisation terroriste, d’avoir fourni des informations à une organisation terroriste, ainsi que Bilel Mdini, Ibrahim Melki, Hamed Hammami, accusés de ne pas avoir informé les autorités des informations en leur possession au sujet d’une organisation terroriste, ses membres et son activité. Le juge a décidé de trancher après la séance sur la demande de libération présentée par maître Tarek Rezgui et de fixer la date de la prochaine audience. La même chambre a examiné l’affaire n°13887 dans laquelle sont déférés Makram Madi, Mohammed Amine Tlili, Chedli Naouar, Aymen Jbali et Slim Raïess en vertu de la loi antiterroriste du 10 décembre 2003 « de lutte contre le terrorisme » et le juge a décidé de reporter l’examen de l’affaire et d’en fixer la date à l’issue de la séance. Pour la commission de suivi des procès Le secrétaire général de l’Association Maître Samir Dilou (traduction ni revue ni corrigée par les auteurs de la version en arabe, LT)


 

SINOPLE, le Centre d’études et d’initiatives des VERTS français au PARLEMENT EUROPEEN (Créé au lendemain des élections européennes du 13 juin 2004, Sinople est une structure autonome d’interface entre les six député-es Vert-es français-es au Parlement européen et le parti Vert français) vient de publier le bilan des activités de Mme Hélène Flautre présidente la Sous-commission « Droits de l’Homme » du Parlement européen.

 

Les droits humains en Tunisie

 

Depuis sa création en 2004, Hélène Flautre préside la Sous-commission « Droits de l’Homme » du Parlement européen.

 

Loin d’être un « café du commerce » où l’on passe son temps à dresser un « catalogue » recensant les atteintes à travers le monde, cette commission est responsable de l’évaluation de la politique européenne en matière de promotion de la démocratie et des droits de l’Homme. Concrètement, la Sous-commission mobilise l’UE pour la mise en oeuvre de ses engagements pour les droits de l’Homme et la démocratie dans ses relations avec les pays tiers..

 

Pour un aperçu synthétique des différents instruments, voir en ligne la « Note Sinople n°22 : Droits humains et politique extérieure de l’Union européenne »

 

Hélène Flautre est en outre membre de « l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne » (APEM) instituée par le processus de Barcelone et le partenariat Euromed et a été membre de la délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays du Maghreb de 1999 à 2006.

De par ses fonctions et depuis son élection au Parlement européen en 1999, Hélène Flautre s’est montrée très active sur le dossier Tunisien. S’y rendant à de nombreuses reprises, elle n’a eu de cesse de dénoncer les quotidiennes violations des droits de l’Homme, les entraves à la liberté d’expression et d’association ou l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir exécutif et de soutenir les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens.

Cadre et derniers développements des relations EU-Tunisie

 

Les relations entre l’Union européenne et la Tunisie sont formalisées dans le cadre du partenariat « Euromed » issu du processus de Barcelone initié en 1995 entre l’UE et les pays de la rive sud de la méditerranée, ainsi que dans le cadre de la politique européenne de voisinage (voir future note Sinople)

 

Pour un aperçu synthétique du partenariat Euromed, voir : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/europe_828/union-europeenne-monde_13399/relations-exterieures_853/partenariat-euro-mediterraneen_2208/processus-barcelone_12632/fiche-signaletique_26425.html

 

L’Accord d’Association (AA) signé entre l’UE et la Tunisie, entré en vigueur en 1998 est volontairement complet et exhaustif puisqu’il comporte outre un volet économique (libéralisation progressive des échanges et incitations aux investissements européens dans les pays méditerranéens), un volet politique conséquent et ambitieux. Ces accords stipulent que le partenariat est fondé sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques (article2). Malheureusement, 12 ans après l’enthousiasme qui entourait le lancement d’Euromed, le constat est généralement sévère et la Tunisie n’échappe pas à la règle : le musellement de la presse et de l’opposition perdure, les enfermements abusifs sont courants, les fonds alloués par l’UE aux organisations de défense des droits de l’Homme et à la société civile sont bloqués. Certes, en théorie, l’Etat Tunisien a ratifié la plupart des textes internationaux relatifs à la défense des droits de l’Homme. En pratique, en revanche, on est loin du compte comme le rappelle Hélène Flautre : « il est plus que temps que l’Union européenne passe à l’action avec la Tunisie. Tout un chacun avait déjà pu constater, lors de la tenue du Sommet mondial sur la société de l’information à Tunis en novembre 2005, le caractère liberticide du régime. Les délégations du Parlement européen et de la Commission avaient alors été les témoins directs des nombreuses violations des droits de l’Homme. » (http://www.flautre.net/article.php3 ?id_article=241)

 

Dans le cadre de la politique européenne de voisinage, le plan d’action UE/Tunisie est entré en vigueur en juillet 2005. Après deux ans de négociation, un Sous-comité Droits de l’Homme a finalement été mis en place dans ce processus et a tenu sa première réunion en octobre 2007. Même imparfait, ce rendez vous a néanmoins le mérite d’exister. C’est à l’Union d’être désormais plus strict avec son partenaire tunisien en fixant des objectifs dont la réalisation est mesurable au moyen de critères et d’échéances. L’Union européenne ne peut pas se contenter de demandes à minima comme le déblocage de ses propres fonds au soutien de la société civile ; sa politique en faveur de la promotion des droits de l’Homme en Tunisie doit être plus ambitieuse.

Le Sommet Mondial de la Société de l’Information (SMSI), organisé à Tunis du 16 au 18 novembre 2005, fût l’occasion pour le reste du monde et pour l’UE en particulier de prendre conscience de la réalité du régime Tunisien. Une journaliste de la télévision belge et le chef de la délégation Allemande agressés par la police, de nombreux opposants emprisonnés, les réactions indignées de responsables européens furent nombreuses et les relations UE-Tunisie en sortirent affaiblies. Le PE votait ainsi au mois de décembre une résolution condamnant fermement les « incidents » survenus durant le SMSI. Voir en ligne : le texte de la résolution du PE votée le 15 décembre 2005 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do ?language=FR&pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2005-0525+0+DOC+XML+V0//FR

 

Cela n’a pourtant pas empêché l’UE de signer fin 2005 un accord de coopération pour la modernisation de la justice. Cet accord prévoit un rôle effectif pour le barreau tunisien, qui devait être étroitement associé et consulté, notamment en vue de la création d’un Institut de formation des avocats. En effet, selon les termes même de l’accord, « [l]es textes d’application [créant l’Institut de formation] seront élaborés après consultation de toutes les parties concernées dont l’Ordre des Avocats. A l’issue de ce processus, la Commission européenne décidera du déblocage des fonds correspondants à cette composante du programme « . En réalité, il n’en a rien été, les autorités tunisiennes ont présenté au Parlement une loi portant création de l’Institut supérieur des avocats, sans même que le projet de loi n’ait été communiqué à l’Ordre des Avocats. Parallèlement à cela, de nombreuses critiques ont été formulées par la société civile et le Conseil de l’Ordre des Avocats sur l’esprit de la loi, notamment parce qu’il fait dépendre la formation des avocats du seul ministère de la justice, instaurant ainsi une mainmise de l’exécutif sur le système judiciaire. S’ensuivit une répression violente de la part des autorités tunisiennes vis-à-vis des avocats qui s’opposaient à ce projet. S’adressant à la Commission européenne, Hélène Flautre a plusieurs fois invité l’UE à suspendre ses financements dans la mesure où ce projet de réforme ne correspond pas aux termes de l’accord initial : « il faut, à mon sens, suspendre l’entièreté de ce projet afin de le réviser et soumettre sa réalisation et le versement des fonds de l’Union à certaines conditions. » (Intervention en plénière le 13 Juin 2006, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do ?pubRef=-//EP//TEXT+CRE+20060613+ITEM-013+DOC+XML+V0//FR&language=FR&query=INTERV&detail=2-185)

 

En mars 2007, l’assemblée parlementaire Euromed tient une session plénière à Tunis. Ce sera l’occasion pour Hélène Flautre d’y organiser une rencontre entre les ONG tunisiennes de défense des droits de l’Homme et le Président du Parlement européen Hans-Gert Poettering dans les locaux de la délégation de la Commission européenne à Tunis.

 

Les dossiers importants en matière de droits de l’Homme

 

Harcèlement des défenseurs des Droits de l’Homme

Le congrès de la LTDH

 

En mai 2006, Hélène Flautre se rend en Tunisie, invitée à participer au 6ème congrès de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH). Le climat est tendu, les récentes déclarations du président du PE Josep Borell qui s’indignait de l’absence d’évolutions positives quant à la question des droits de l’Homme ayant déplu au pouvoir Tunisien. Depuis le 24 avril 2006, les forces de police empêchent toute personne d’entrer dans les locaux de la LTDH – exception faite de ses membres directeurs – par le barrage des rues environnantes. La LTDH maintient pourtant la convocation du congrès pour les 27 et 28 mai. Il n’aura finalement pas lieu, empêché par les forces de l’ordre tunisiennes. La veille du congrès, une note verbale avait été envoyée à tous les chefs de missions de l’UE. Elle rappelait que la LTDH ne pouvait pas tenir son congrès suite à une décision de « justice » et que, de ce fait, les autorités tunisiennes n’hésiteraient pas à avoir recours à la force afin de faire respecter cette décision. La note verbale signifiait également que, pour ces raisons, la présence des diplomates n’était pas conseillée. Manœuvres, intimidations, violences policières… tout a été fait pour dissuader les participants. A son retour de Tunisie, Hélène Flautre publie un communiqué de presse ainsi qu’un compte-rendu exhaustif incluant des recommandations concrètes adressées à la Commission européenne ainsi qu’au Conseil : http://verts-europe-sinople.net/article655.html

 

Depuis, le tribunal de première instance de Tunisie a décidé le 7 février 2007 l’annulation des travaux préparatoires et de la convocation du congrès de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme suite à une plainte déposée contre le comité directeur par des membres de cette organisation proche du pouvoir. Enfin, les fonds alloués à la LTDH par l’UE dans le cadre des projets financés sous l’IEDDH sont toujours bloqués.

 

En 2005, au mépris de toutes les procédures légales, Maitre Abbou, avocat Tunisien et défenseur des Droits de l’Homme est enlevé par des inconnus avant d’être incarcéré à El Kef, à 200 km de Tunis. Dans le collimateur du fait de ses publications dénonçant le caractère liberticide et corrompu du régime, il a pu compter sur le soutien sans faille de son épouse qui a dû subir un harcèlement policier quotidien. Lors de sa visite en Tunisie en mai 2006, Hélène Flautre avait programmé une rencontre avec Mme Abbou, suivie d’une conférence de presse. Malheureusement, comme souvent en Tunisie, cela ne s’est pas vraiment passé comme prévu : « La rencontre avec Mme Abbou a lieu à mon hôtel. Une conférence de presse est également prévue avec Mme Abbou. Les policiers s’installent à notre table. Ils insultent Mme Abbou et lui ordonnent de quitter l’hôtel. Ils deviennent physiquement menaçants. Nous quittons l’hôtel. Au café du coin où nous souhaitions poursuivre notre conversation, le garçon nous a indiqué que « toutes les tables étaient réservées », elles étaient pourtant toutes vides. » (Compte-rendu de la visite d’Hélène Flautre en Tunisie, disponible à l’adresse suivante : http://www.flautre.net/spip.php ?article241 ?var_recherche=%20abbou)

 

Au mois de Juillet 2007, dans le cadre d’un processus de grâces présidentielles, Maitre Abbou a enfin été libéré. Toutefois, il est depuis cette date victime de restrictions qui ne sont pas conformes aux conditions ou aux restrictions liées à sa liberté conditionnelle, comme par exemple sur sa liberté de mouvement. Il a ainsi été par deux fois empêché de partir à l’étranger par les autorités tunisiennes, en août 2007 vers le Royaume-Uni et en octobre 2007 vers l’Egypte.

 

Le musèlement de l’opposition

 

En octobre 2007, Hélène Flautre se rends de nouveau à Tunis pour cette fois-ci y soutenir Maya Jribi et Ahmed Nejib Chebbi, tous deux membres du Parti Démocrate Progressiste (PDP) en grève de la faim depuis un mois pour protester contre l’expulsion des locaux du siège de leur parti. Elle soulignera à cette occasion que « sous couvert de procédures judiciaires, les autorités tunisiennes musèlent une nouvelle fois toute possibilité d’expression politique libre et indépendante. Maya Jribi et Ahmed Chebbi sont fondés à réclamer leur droit à la libre association et expression politique. Il est urgent que l’Union européenne manifeste son soutien à leurs revendications légitimes ». Ce déplacement d’Hélène Flautre, couplé à des échéances proches de première réunion du Sous-comité Droits de l’Homme Tunisie instauré dans le cadre de la politique européenne de voisinage (voir ci-dessus) et de première réunion post SMSI (voir ci-dessus) du Conseil d’association UE-Tunisie, a finalement contraint le pouvoir à reculer ! Le PDP gardera son siège ! Quelques heures après la conférence de presse qu’Hélène Flautre tient dans les locaux du PDP, un arrangement est en effet trouvé et Maya Jribi et Ahmed Chebbi peuvent stopper leur grève de la faim.

 

Violation des droits humains dans la « guerre contre le terrorisme » :

 

Le régime liberticide de Ben Ali reste à l’heure actuelle globalement soutenu par les Etats européens car il donne des gages dans la lutte contre le terrorisme et contre une prétendue montée de l’intégrisme religieux. Mais sous son couvert, notamment par la loi antiterroriste de décembre 2006, de très nombreuses violations des droits et libertés fondamentales sont commises. L’affaire la plus emblématique est celle des internautes de Zarzis. En 2003, six jeunes âgés de 19 à 38 ans sont arrêtés et inculpés pour activités terroristes : ils auraient consultés sur Internet des pages « à des fins d’attentas terroristes ». En juillet 2004, ils sont condamnés à de lourdes peines de prison au terme d’une instruction plus que douteuse dénoncée par de nombreuses ONG : falsification des lieux et des dates d’arrestation dans les procès-verbaux, détention au secret des accusés pendant 17 jours, sérieuses allégations de tortures et de mauvais traitements subis pendant cette période, etc. Une mobilisation internationale s’ensuivra, avec notamment la création d’un comité international de soutien présidé par Hélène Flautre. En septembre 2005, le Parlement européen adopte une résolution demandant, entre autres, des explications sur cette affaire (http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do ?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P6-TA-2005-0368+0+DOC+PDF+V0//FR). Ils seront finalement libérés dans les premiers mois de l’année 2006 suite à une grâce présidentielle.

 

(Source : SINOPLE, le Centre d’études et d’initiatives des VERTS français au PARLEMENT EUROPEEN, le 11 janvier 2008)

Lien : http://verts-europe-sinople.net/article1133.html


 

Trente ans !

Luiza Toscane

Trente ans d’emprisonnement, c’est la peine à laquelle la quatrième chambre criminelle du Tribunal de Première Instance de Tunis, présidée par le juge Mehrez Hammami, a condamné le 30 décembre 2007 Mohammed Amine Jaziri, arrêté le 24 décembre 2006, et écroué dans l’attente de son procès à la prison de Mornaguia près de Tunis. Trente ans contre lesquels il devrait faire appel ; trente ans prononcés à l’issue d’un procès qui a vu notamment deux des accusés condamnés à la peine capitale, et sept autres à l’emprisonnement à perpétuité#. Retour sur une année de procédure et d’emprisonnement. Il y a un an, Mohammed Amine Jaziri, titulaire d’une licence de droit, âgé de vingt sept ans, se rendait à Tunis au volant de la voiture de son père pour y passer le concours d’huissier notaire. Avant même de quitter Sidi Bouzid, il reçut sur son portable le message d’un ami le suppliant de le rejoindre à l’hôpital, ce qu’il fit. Il disparut alors pendant plus d’un mois. Il s’avéra par la suite que si le message émanait bien d’un ami, ce dernier l’avait envoyé alors qu’il était entre les mains de la police. Les recherches de sa familles restèrent vaines, la police niant le détenir, mais… perquisitionnant le 27 décembre, sans mandat, son domicile en l’absence de son épouse, et laissant avant de partir, les clés personnelles de Mohammed Amine Jaziri. L’inquiétude s’accrut chez ses proches, Mohammed Amine Jaziri ayant déjà fait l’objet du harcèlement de la police dans l’année qui avait précédé. La durée légale de la garde à vue (six jours) fut allégrement dépassée, provoquant cette fois-ci l’inquiétude des défenseurs des droits de l’homme#, tant en Tunisie qu’au niveau international.

La famille de Mohammed Amine Jaziri retrouva celui-ci en prison, à Tunis où il avait écroué par le juge en vertu de la loi antiterroriste du 10 décembre 2003, inculpé pour sa participation aux affrontements armés survenus dans la dernière semaine du mois de décembre dans la banlieue de Tunis. Il s’avéra qu’il était resté en garde à vue quatre jours au poste du district de Sidi Bouzid, qu’il y avait été torturé puis transféré au ministère de l’Intérieur à Tunis, où il avait été à nouveau torturé.

 

A l’issue d’un mois de tortures destinées à lui faire signer ses aveux,-le procès verbal de la garde à vue fut falsifié, pour masquer le caractère illégal de cette détention au secret dépassant de loin les six jours autorisés par la loi,- il fut incarcéré à la prison de Mornaguia, nouvellement construite, à des centaines de kilomètres de sa ville de Sidi Bouzid. . Il était alors tenu de vêtir une tenue spéciale, notamment une cagoule, il était enchaîné. Il partage maintenant sa cellule avec trois autres prisonniers politiques, les seules personnes avec qui il a le droit de parler, tout contact avec les autres prisonniers lui étant interdit. Le jour de visite est le lundi, cette dernière dure de dix minutes à une demi-heure. Peuvent lui rendre visite ses parents, son épouse, ses frères et sœurs et ses beaux-parents ; la visite est enregistrée par une caméra et par le téléphone qui sert à communiquer entre les visiteurs et le prisonnier, sans compter la présence d’un gardien derrière Mohammed Amine Jaziri, quand ce n’est pas à côté de ses visiteurs. Il n’a jamais eu droit à une visite directe, même après la venue au monde de son premier enfant, né quelques mois après son arrestation. Il l’aura vu à deux reprises et c’est à travers l’épaisse vitre du parloir, et … par téléphone… qu’il peut lui parler ? Le couffin amené par sa famille lui parvient de façon régulière, sauf incident majeur : la vie carcérale est émaillée de violations flagrantes des droits des prisonniers

Mohammed Amine Jaziri a voulu mener une grève de la faim le 13 octobre dernier pour protester contre les mauvais traitements, les humiliations et les provocations permanentes dont il fait l’objet en prison. Il a été alimenté de force et torturé. Ses parents ont alors été privés de visite et n’ont pu lui apporter son couffin pendant quatre semaines d’affilée, sans que le prisonnier ne passe devant la commission disciplinaire, comme le dispose la loi. Son avocat a pu constater son état lamentable#. Encore une fois, la sonnette d’alarme fut tirée, en vain #. Depuis lors, Mohammed Amine Jaziri est privé de lit et doit dormir à même le sol, gelé en hiver, alors qu’il souffre de problèmes de santé. Car la situation faite à Mohammed Amine Jaziri n’est pas isolée de celle du reste des accusés dans cette affaire.

A en croire le journal Es Sabah du 16 janvier 2007, les personnes impliquées dans les affrontements armés ont été déférées devant la justice civile, en vertu de la loi anti terroriste du 10 décembre 2003, interrogeant la thèse selon laquelle des militaires ou agents de la garde nationale auraient été tués durant ces affrontements, auquel cas, l’affaire aurait été examinée par une juridiction militaire; toujours selon les thèses officielles, douze membres du groupe armé auraient été tués dans les affrontements, dont six venant d’Algérie, et quinze autres auraient été arrêtés. La plus grande opacité entoure toujours les conditions de leur décès et de leur enterrement, les traces observées sur certains cadavres étant des séquelles de torture et non de balles#, sans compter la controverse née de la contestation par une organisation mauritanienne des droits de l‘homme de la date du décès d‘un ressortissant mauritanien, officiellement décédé lors des affrontements alors que son décès remonterait à plusieurs mois auparavant#. La presse parla également de computers saisis dont l’examen aurait prouvé que les objectifs des insurgés étaient les ambassades des Etats-Unis et d’Angleterre.

 

Déférés devant le juge, ils furent inculpés de complot contre la Sûreté de l’Etat et de tentative de renversement du régime, accusations ignorées à leur tour par le tribunal. Alors, oubliées, les accusations d’attentats contre des ambassades ? La réponse est double : Oui, au niveau de la procédure, et non, au niveau de la propagande du régime, il fut toujours question des ambassades, y compris récemment, puisque à la veille du procès, le président de la République insistait : « Nos forces de sécurité ont découvert que ces éléments détenaient des plans de situation des ambassades de Grande-Bretagne et des Etats-Unis à Tunis. Ils les avaient puisés sur Google Earth et entendaient attaquer ces ambassades le moment venu »#. Thèse parfois reprise sans commentaire par la presse internationale#.

 

Quant aux quinze personnes arrêtées lors des affrontements, elles se révélèrent trente. Alors qui sont les quinze autres ? D’après les quelques pages du dossier mises à la disposition des avocats, il ressort que les éléments armés se sont infiltrés six mois avant les affrontements alors que la version rendue publique fait état d’une infiltration au mois de décembre.

Ces contradictions au niveau général (dont le présent article ne prétend pas présenter une liste exhaustive, loin s’en faut, les avocats eux-mêmes n‘ont prendre connaissance de l‘entièreté du dossier, qui comporte plus d‘un millier de pages) se répercutent sur la situation de l’accusé Mohammed Amine Jaziri, arrêté le 24 décembre à Sidi Bouzid, à 370 kilomètres des affrontements armés, alors que les affrontements dans la capitale n’avaient officiellement pas commencé !#

C’est hors de la présence des avocats que l’affaire (1/7717) a été instruite et clôturée. La chambre d’accusation a mis trois jours à boucler le dossier, ignorant superbement les mémorandums des avocats. L’affaire a été appelée le 21 novembre 2007#, reportée au 1er puis au 15 décembre, audience qui avait vu la police déferler sur les accusés pour les frapper sous le regard du juge Mehrez Hamami, qui n’avait rien trouvé à redire#, provoquant le retrait de la défense, audience au cours de laquelle le père de Mohammed Amine Jaziri, Moncef Jaziri, avait été interpellé.

 

L’audience avait été reportée au 22 puis au 29 décembre, tout l’enjeu étant de prononcer le jugement en catimini, soit à une période où la présence d’observateurs est improbable. Quant au procès qui a vu Mohammed Amine Jaziri être condamné à trente ans d’emprisonnement, ce fut un procès sans plaidoiries, dont le moins qu’on puisse en dire est qu’il n’a pas contribué à faire la vérité. Ni la justice.

 


 

Demande d’aide – Omeyya Seddik

 

«L’islam a trop entendu parler de renoncement; il est grand temps que les musulmans regardent la réalité en face. Le matérialisme est une arme efficace contre ceux qui mystifient délibérément le peuple aux fins d’exploiter son ignorance et sa crédulité» «Lorsque je quitterai ce monde, Chacun dira Je l’ai connu. Mais la vérité est, hélas ! Que personne ne savait qui était cet étranger ni d’où il venait» « Mon être était semblable à une statue inachevée ; L’amour m’a ciselé : je suis devenu un homme ! » Citations de Muhammad Iqbal (né le 9 novembre 1877 à Sialkot dans le Pendjab et décédé le 21 avril 1938), poète et philosophe indien musulman de la Nahdha (Renaissance), mouvement philosophique, théologique et politique de réforme de la pensée islamique, fin du XIXe et début du XXe siècle. Naoufel a donné son nom à son fils aîné, Muhammad Iqbal Sassi. ——————————————-  

Naoufel Sassi est mon cousin germain. Nous avons grandi ensemble et, jusqu’à sa dernière incarcération, nous nous voyions à chacune de mes visites au pays. Nous avions de longues discussions durant lesquelles nous abordions les sujets les plus divers, et nous étions souvent d’accord. J’estime être une des personnes qui connaissent bien sa manière de vivre et de penser et je suis intimement convaincu de son innocence de ce dont l’accusent les autorités tunisiennes. A plusieurs reprises, il a été soumis à des tortures terribles lors de détentions au secrets dans les geôles du Ministère de l’Intérieur, notre famille a pu en constater les traces et les séquelles. Aujourd’hui, il est encore victime d’un de ces montages policiers qui servent à justifier un état d’exception permanent qui ne dit pas son nom. C’est là l’une des manifestations périphériques de ce qui est devenu le principal vecteur de gestion de l’ordre mondial dominant : La guerre globale contre le terrorisme. Naoufel est détenu à la prison civile de Tunis, son procès s’est ouvert la 4 janvier 2008. Ses enfants et son épouse vivent dans un état de précarité, d’humiliations et d’intimidations permanentes. Tous, comme l’ensemble de sa famille, font preuve d’un courage et d’une ténacité admirables. Au-delà des questions générales de l’Ordre Mondial ou de l’ordre régnant en Tunisie –qui devront bien être affrontées sérieusement par celles et ceux qui se soucient du monde- pour ce cas emblématique, toute aide et toute expression de solidarité peut être très utile. Omeyya Seddik zonegrise@yahoo.fr ou-est-naoufel@no-log.org

 

(Source : le blog « Justice pour Naoufel Sassi », janvier 2008)

Lien : http://sassinaoufel.blogspot.com/

 

َQui est Naoufel Sassi ?

 

    * Âge : 45

    * Sexe : Masculin

    * Signe astrologique : Verseau

    * Année zodiacale : Tigre

    * Secteur : Comptabilité

    * Pays/territoire : Tunis : Prison civile de Tunis : Tunisie

 

Né le 14/02/1962 à Tunis, expert en gestion financière et en fiscalité il exerce à son cabinet d’expertise comptable et financière au 43 rue al-Jazira à Tunis.

Diplômé de Hautes Etudes Commerciales (HEC) et titulaire d’un DESS de commerce international.

Carte nationale d’identité numéro 00203925 délivrée à Tunis le 02/10/2002.

Père de quatre enfants : Neziha, fille de quatre ans ; Wala, fille de huit ans ; Cheyma, fille de treize ans ; Muhammad Iqbal, garçon de dix-huit ans.

Marié à Mme Houda Ben Khaled (43 ans), diplômée de Sociologie, Université de Tunis. Fils de M. Slimane Sassi (décédé en 2007) et de Mme Neziha Maryam Seddik (décédée en 2003)

 

 

Naoufel Sassi

Portrait par Youssef Seddik

 

Je préparais mon bac quand tu es né le 14 février 1962, (un européen ne manquerait pas de relever qu’il s’agit de la saint Valentin). Dès tes premiers mois, je me souviens des redoutables bagarres entre mon frère cadet et moi à qui te prendrait dans ses bras et te ferait balancer sur son torse pour que tu te mettes à éclater de rire. Avec mes frères, tes oncles, nous t’avons transmis les premiers petits bonheurs, les premiers petits savoir-faire, les premières petites intelligences. Je te connais au moins aussi bien que mon fils aîné que je devais avoir juste cinq ans après ton arrivée au monde. Alors, personne sauf tes géniteurs, ne peut prétendre te connaître plus ou mieux que moi. Surtout pas un flic interrogateur ou un juge « à dossiers ».

 

Dès ton adolescence je me souviens même de ce moment de grâce, comme tu aimes à l’appeler, ce moment où tu as mis brusquement fin à tes errements scolaires, à tes mauvaises fréquentations dans les cercles des joueurs de Noufi (*) dans notre quartier de Bab el-Djedid, pour te donner un autre modèle à imiter : ton grand-père, mon propre père. Un homme, « si » Hafnaoui, d’un métal unique fait d’un patriotisme héroïque puisqu’il a passé de longues années dans les geôles coloniales, et d’une foi en Dieu aussi pure que celle d’Abraham « qui n’habillait pas sa foi de démesure », comme dit de lui le Coran.

 

C’est dans cet esprit que tu as affronté tes études supérieures et que tu as réussi brillamment aux HEC de Tunis, dans le domaine du commerce et des finances. Tu ne manquais pas alors une seule prière de la journée, tu t’adonnais à des jours de jeûne de surcroît, en plus du mois sacré, et tu lisais souvent dans le Livre révélé. C’est à ce moment là que, de retour en Tunisie après mes études en France, je t’ai redécouvert habile polémiste contre mes idées « laïques ». Et que nous n’avons plus, dès lors, cessé d’affronter nos points de vue en la matière. Très souvent, ce tumultueux forum se passait alors que feue ta maman, ma grande sœur Naziha, se tenait entre nous, la peur au ventre croyant à chaque instant que notre vif échange allait nous conduire au pire, à la colère, à la rupture ou à la violence. Ton père, feu « si » Slimane, n’était jamais loin de la scène et j’avais toujours le sentiment qu’il était de mon côté mais ne voulait pas, par son intervention, envenimer davantage l’ambiance. Jamais, jamais tu ne m’as manqué de respect, malgré le ton bouillonnant de tes propos, jamais par un geste incongru, tu n’avais manifesté autre chose que ton amour pour moi et ton estime pour la pensée même quand elle est contraire à tes opinions.

 

Avant ton mariage, et au début des années 80, je t’avais aidé à venir auprès de moi en France pour entamer tes études de troisième cycle. De notre logement du côté de l’Opéra tu n’avais voulu apprendre de Paris que le seul itinéraire vers la Place de l’Ermite, où se trouve la grande mosquée de Paris, et tu as fini par retourner dans notre pays, insensible aux attraits de la ville de Lumières. De ta prison, ces mois-ci, tu me l’as rappelé dans une lettre émouvante où tu m’as écrit entre autres : «Souviens-toi, tonton Youssef, de mon chagrin et de ma déprime quand j’étais loin de la Tunisie, pourtant confortablement installé chez toi, et devant un horizon universitaire précis et important…c’est que jamais, je ne peux vivre ailleurs que sur cette terre bénie et, crois moi, dès mon retour et ma sortie de l’aéroport, je me suis mis à embrasser les murs… »

 

Non seulement tu as donné le nom prestigieux de Mohamed Ikbal à ton aîné, en souvenir de l’auteur le plus lumineux de l’islam contemporain, mais dès ta sortie d’une épreuve de jeunesse qui t’avait valu quelques mois d’incarcération en 1990 tu t’étais attelé à produire de la vie, de la tendresse en recevant coup sur coup trois autres petites filles. Qui peut raisonnablement t’accuser d’une volonté de détruire, de terroriser ou de désirer répandre la corruption sur la terre, comme il est dit dans les chefs d’accusation qui te tiennent éloigné de tes gosses depuis maintenant vingt mois ?

 

 

(*) Noufi : déformation du français Neuf (9). Un jeu d’argent qui consiste à avoir en main sur trois cartes la plus forte addition de points, sachant que la somme de neuf points ramène à zéro.

 

(Source : le blog « Justice pour Naoufel Sassi », janvier 2008)

Lien : http://sassinaoufel.blogspot.com/

 


 

CETTE  NATION  ANALPHABÈTE

BALHA BOUJADI

 

La dernière nouvelle a tombé sur nos têtes déjà chauves: 100 millions d’analphabètes circulent dans nos rues. Un arabe sur trois ne sait ni lire ni écrire. Ça c’est la statistique la plus optimiste, car parmi les autres deux cent millions d’alphabètes, je pense que la moitié a appris à lire et à écrire dans les écoles religieuses et que leur culture n’a rien à envier à celle des gens des cavernes.

 

Avec ces gens-là nos dictateurs peuvent se réjouir, car ils n’ont plus rien à craindre, ni démocratie, ni droit de l’homme, ni liberté d’expression, ni émancipation de la femme… toutes ces « choses » ne représentent aucune de leur priorité vitale, Tout ce qui intéresse ces foules incultes sont le jeu, le pain, le sexe, la drogue et la religion…

 

Moi qui croyais toujours que notre système éducatif en Tunisie est le meilleur du monde arabe au niveau des programmes, des méthodes, de la mixité, de la formation continue des enseignants… et quand je vois la qualité « culturelle » de nos jeunes et de nos adultes qui, en majorité, ne savent pas former une phrase correcte, je ne peux pas être trop optimiste pour qualifier d’alphabète le reste de ceux qui ne sont pas recensés comme analphabètes…

 

Alphabète ou analphabète, la situation est trop bête pour être bébête…

 

Cette nation arabe que nos guides illuminés barbus et enturbannés nous chantent tous les jours ses gloires et ses honneurs comme étant la meilleure nation sur terre, en réalité elle se trouve loin, trop loin, à l’arrière de la caravane, mangeant le déchet des autres cultures et des autres civilisation.

 

C’est dur de dire ça, c’est de la flagellation de soi, mais il faut se faire mal et faire mal aux autres pour qu’on puisse un jour ouvrir les yeux et dire la vérité en face.

 

Cette nation analphabète possède des grandes richesses mais ses peuples meurent de faim, ses jeunes sont au chômage et leur seul rêve s’appelle Visa de non retour, ses femmes effacées et sont voilées physiquement et intellectuellement…

 

Cette nation analphabète vit totalement en marge de la modernité, elle vit dans le plus-que-parfait, gouvernée par les ancêtres et les idéologies de la mort, de la haine, de l’intolérance et du racisme. La mort est le leitmotiv de tous les discours de ses gourous et de toute sa culture populaire.

 

Les villes de cette nation analphabète sont comme des cimetières, Il n’y a ni musique, ni cinéma, ni théâtre, ni opéra, ni danse, ni littérature, ni sport, ni journalisme qui se respecte, ni information objective, ni Internet qui ne soit pas filtré et censuré, aucune joie, aucun épanouissement… il n’ y a que les discours qui glorifient les débiles mentaux qui gouvernent ses peuples, et les prêches continues des divulgateurs de l’ignorance et de la haine au nom de Dieu.

 

Cette nation analphabète ne produit rien sauf ce que la nature lui a donné au sous-sol, elle achète son pain en divise, elle tend la main pour percevoir l’aumône de ses pires ennemis.

 

Cette nation analphabète n’a aucune chance de salut si ses héros demeurent les kamikazes, les dictateurs, les fascistes, les bourreaux, les danseuses de ventre, les polygames, les poseurs des bombes, les débrouillards, les corrompus, celui qui a assassiné Sadat, celui qui a poignardé Mahfouz, celui qui a publié les fétouas à tort et à travers contre Rushdie, Tasleema, Nawel Saadaoui…

 

Cette nation analphabète a besoin de ses enfants : 300 millions de têtes et 600 millions de mains peuvent changer le monde si on libère les esprits et on s’engage dans la modernité.

 

BALHA BOUJADI, le 12 janvier 2007

balhaboujadi@yahoo.es

 

 

 

 

TUNISIE

Comment les salafistes ont été neutralisés

 

par SAMY GHORBAL, ENVOYÉ SPÉCIAL  

Exclusif. Le jugement des membres rescapés d’un groupe djihadiste arrêtés il y a un an s’est achevé le 30 décembre. En s’appuyant sur les procès-verbaux d’interrogatoire des trente condamnés, Jeune Afrique a pu reconstituer le film des événements qui ont secoué la banlieue sud de la capitale entre le 23 décembre 2006 et le 3 janvier 2007. La chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis a eu la main lourde. Très lourde : deux condamnations à mort, visant Imed Ben Ameur, menuisier, né le 20 mai 1973 à Sousse, et Sabeur Ragoubi, ouvrier, né à Kairouan le 2 juin 1983 ; huit condamnations à la réclusion à perpétuité ; plus des peines allant de cinq à trente ans de prison pour les vingt autres coaccusés. Prononcé tard dans la nuit du 29 au 30 décembre 2007 par le juge Mehrez Hammami au terme d’une audience marathon marquée par le retrait de la quarantaine d’avocats du collectif de défense des prisonniers, ce jugement constitue l’épilogue judiciaire de l’affaire dite du « groupe de Soliman ».

 

Si elle venait à être confirmée et exécutée – Samir Ben Amor, un des défenseurs des prévenus, a annoncé qu’il interjetterait appel -, cette sentence marquerait un revirement doublé d’une régression humanitaire, la Tunisie observant, depuis 1993, un moratoire sur les exécutions capitales. Tous les condamnés ont été déclarés coupables de participation à une entreprise terroriste, et certains ont été impliqués dans les affrontements meurtriers avec les forces de sécurité qui ont fait, selon un bilan officiel, 14 morts, dont 12 terroristes, 1 policier et 1 militaire, entre le 23 décembre 2006 et le 3 janvier 2007. Les motivations et le parcours des principaux protagonistes de cette affaire, presque tous éliminés, et parmi lesquels figurent 6 activistes – 5 Tunisiens et 1 Mauritanien – affiliés au GSPC algérien, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, restent obscurs. Et les débats, bâclés, n’ont pas aidé à comprendre les raisons qui ont poussé des dizaines de jeunes sans histoire ni affiliation politique marquée à basculer dans l’aventure djihadiste.

Que s’est-il réellement passé il y a un an, dans le triangle Grombalia/Hammam-Lif/Soliman ? Comment les salafistes ont-ils pu se jouer pendant des mois de la surveillance d’une police omniprésente et supposée infaillible, et circuler sans être inquiétés entre Kasserine, Sidi Bouzid et la banlieue de Tunis ? Quels étaient leurs objectifs réels, leurs cibles ? Même si des zones d’ombre subsistent, notamment en raison d’une chronologie assez vague – « en juin », « au début de l’été », « pendant le ramadan » -, et même si beaucoup d’éléments essentiels à la compréhension de l’affaire font toujours défaut, comme les circonstances précises de la mort des deux agents des forces de sécurité, le récit que vous allez lire permet de se faire une idée un peu plus précise du film des événements. Il s’appuie exclusivement sur les procès-verbaux d’interrogatoire des trente condamnés, tels qu’ils ont été communiqués aux avocats de la défense. Une exclusivité Jeune Afrique. Djebel Boukafer, quelque part dans un maquis islamiste non loin de Tebessa, dans l’est de l’Algérie : Lassaad Sassi, 37 ans, est impatient et fébrile. Il vient de recevoir l’aval de ses chefs du GSPC pour entreprendre une mission particulièrement délicate : s’infiltrer en Tunisie pour y créer des cellules de soutien logistique, et recruter et former de futurs terroristes. Sassi, qui se fait appeler Abou Hechmi, est un élément très aguerri. Ancien de la garde nationale tunisienne (l’équivalent de la gendarmerie), vétéran de la Bosnie, il est passé par les camps d’entraînement d’Al-Qaïda en Afghanistan avant de rejoindre les maquis du GSPC. Il rêve maintenant de poursuivre le combat dans son pays natal. Il réussit sans peine à convaincre quatre de ses compatriotes, Mohamed Hédi Ben Khlifa, Zouhair Riabi, Mohamed Mahmoudi et Tarak Hammami, et un Mauritanien natif de la bourgade de Nbaghia, Mohammadou Maqam Maqam, alias « Chokri », de l’accompagner. Les six hommes formeront le noyau dur du Jound Assad Ibn Fourat, les soldats d’Assad Ibn Fourat, le conquérant arabe de la Sicile. Un arsenal rudimentaire

Dans la nuit du 22 au 23 avril 2006, le commando passe clandestinement la frontière, à Bouchebka, et gagne le Djebel Chaambi, point culminant de la Tunisie (1 544 mètres d’altitude), après quatre jours de marche. Son arsenal est rudimentaire : six fusils-mitrailleurs kalachnikovs, des chargeurs, quelques grenades et des talkies-walkies. Le 27 avril, Sassi et Ben Khlifa, un Bizertin de 25 ans, quittent le refuge pour se rendre dans la ville voisine de Kasserine. Ils achètent des vivres et des cartes téléphoniques Tunisiana avant de retourner au camp. Quelques jours plus tard, c’est au tour de Hammami et de Mahmoudi d’assurer le ravitaillement. Mahmoudi, originaire de Ben Guerdane (Sud tunisien), a pris rendez-vous, par le truchement de sa famille, avec un contact censé lui fournir une cache dans la ville de Sfax et qu’il doit rencontrer aux portes de la ville. C’est un piège. Les deux hommes sont arrêtés par les forces de sécurité, qui saisissent sur eux une grenade et un peu d’argent (1).

Ne les voyant pas revenir, Sassi et ses trois compagnons comprennent rapidement. Ils doivent improviser. La géographie du Djebel Chaambi et des montagnes de la région ne se prête guère à l’action clandestine, la végétation y étant trop rare. Ben Khlifa prévient son beau-frère, Ramzi el-‘Ifi (2), sympathisant islamiste installé à Sidi Bouzid en qui il a entière confiance, et lui fixe rendez-vous à la gare routière. Il lui demande de lui trouver une cache en ville. Sans succès. Les infiltrés changent leurs plans et se mettent en quête d’une planque dans la banlieue de Tunis. On leur présente Wael Ammemi (3), vendeur de vêtements dans les souks. C’est la couverture idéale : ­commerçant, propriétaire d’une Renault Express, il fait de fréquents voyages et ne peut donc éveiller les soupçons. Ramzi et Wael aident le groupe Sassi à entrer en contact avec Majdi el-Amri et Sahbi el-Masrouki, membres d’une cellule salafiste tunisoise. Début juin, les clandestins gagnent la capitale à bord de l’Express, s’installent chez Majdi et finissent par trouver une planque à Hammam-Lif, localité populaire à une quinzaine de kilomètres au sud de la capitale. Un campement à Aïn Tbornog

Il faut maintenant « rapatrier » les armes enterrées dans les montagnes autour de Kasserine. Ramzi s’y attelle, en compagnie de trois élèves de l’Institut supérieur d’études technologiques de Sidi Bouzid, militants d’un petit cercle d’étudiants salafistes, dont un certain Rabia Bacha, originaire de Soliman. Détail étonnant : les membres du groupe, qui ont fait l’aller en voiture, effectuent le trajet du retour en bus avec les armes dissimulées à l’intérieur de gros sacs de sport ! Pendant tout l’été et l’automne, le groupe, fort désormais d’une grosse vingtaine de membres, multiplie les précautions et change plusieurs fois de cache, tout en restant dans un périmètre restreint, entre Hammam-Lif, Ezzahra et Hammam-Chott. Sassi initie ses apprentis guérilleros au maniement des kalachnikovs et à la fabrication d’explosifs à partir de produits en vente dans le commerce. Il ne semble pas avoir envisagé d’actions kamikazes et privilégie la voiture piégée comme mode opératoire. Le groupe djihadiste projette de s’attaquer aux « infrastructures vitales » de la République, à des « objectifs symboliques » ainsi qu’aux « intérêts étrangers » et à « des personnalités tunisiennes et étrangères ». Mais il n’en est qu’au stade préliminaire des préparatifs : les pièces versées au dossier d’accusation ne font nulle mention « d’attentats planifiés » contre les hypermarchés Carrefour ou Géant ou les ambassades américaine ou britannique.

Sassi, qui se fait maintenant appeler « Samir », n’a pas renoncé à son idée de départ, à savoir la création d’un camp d’entraînement dans le maquis. Mais où ? La réponse viendra un peu par hasard de Sousse, ville côtière et étudiante, à 150 kilomètres au sud de Tunis. Sentant la police à leurs trousses, la quinzaine de membres d’une cellule salafiste chapeautée par Mokhles Ammar et Hassanin el-Aifa décident de se mettre au vert. Jeunes, âgés de 25 à 30 ans pour la plupart, ils ont succombé à la vague de piété qui submerge la Tunisie depuis le 11 septembre 2001, regardé en boucle les images d’Al-Jazira et d’Al-Manar, fréquenté les mosquées et rêvé de djihad contre les Américains. Puis, comprenant qu’il serait de plus en plus difficile de rejoindre les rangs de la résistance irakienne, ont choisi de porter le combat à l’intérieur même des frontières de la Tunisie. Mais voilà : ils doivent fuir, car ils craignent d’avoir été découverts par la police. L’un d’entre eux, Makram Jrid, alias « Mounir », fils de berger, a passé son enfance dans les collines escarpées du cap Bon. Il connaît la région comme sa poche et propose à ses compagnons de se réfugier dans une caverne située dans le massif d’Aïn Tbornog, sur les hauteurs de Grombalia, une bourgade à mi-distance entre Tunis et Hammamet. Ils opèrent leur retraite à la fin du mois de ramadan (novembre 2006). Tout le monde se connaissant dans la mouvance salafiste, le groupe de Sassi finit par entrer en contact avec Makram. « Samir » est séduit par l’emplacement. La forêt est extrêmement dense et un campement a toutes les chances d’y passer inaperçu. Début décembre, la fusion s’opère entre les groupes de Sousse, Tunis, Sidi Bouzid et Kasserine. Sassi est proclamé émir du Jound Assad Ibn Fourat. Le campement prend alors forme. Il se compose de quatre tentes, dissimulées sous les branchages. Presque inaccessible, il est à cinq heures de marche de la route la plus proche. C’est Mounir qui se charge du ravitaillement quotidien. Il faut nourrir vingt-quatre hommes. Les vivres sont acheminés en voiture jusqu’à la ferme familiale, puis à dos de mulet jusqu’au campement.

Une petite poignée de combattants restent monter la garde dans la planque de Hammam-Chott, où sont entreposés des explosifs, des vivres et un peu d’argent liquide. Dans la nuit du 23 au 24 décembre, la maison est encerclée par les forces de sécurité. Était-elle surveillée depuis longtemps ? Les membres du groupe ont-ils été dénoncés par un boulanger du voisinage, comme le suggère une rumeur insistante ?

 

En fait, d’après une source proche du dossier, il semblerait que ce soit l’arrestation d’Oussama Hajji, un salafiste lié à des membres de la cellule de Sousse, qui ait mis les policiers sur les traces de Makram et de ses compagnons. Le fils du berger est interpellé. « Cuisiné » par les limiers de l’antiterrorisme, il passe aux aveux. Ammemi, le propriétaire de la Renault Express, est arrêté le 23 décembre à Sidi Bouzid. Simultanément, la police a donc encerclé la cache de Hammam-Chott. Les djihadistes refusent de se rendre et ouvrent le feu sur les forces de l’ordre. Les tirs durent plusieurs heures. Au moins trois policiers sont blessés. Deux guérilleros sont tués, Zouhair Riabi, l’un des six maquisards infiltrés, et Majdi el-Amri. Un troisième est arrêté. Un dernier réussit à prendre la fuite. Sur place, les policiers saisissent deux kalachnikovs, 315 cartouches et plusieurs milliers de dinars. L’armée en renfort

Le lendemain, une dépêche de la TAP, l’agence officielle, évoque un affrontement entre des policiers et « une bande de dangereux criminels ». L’information ne trompe personne. L’armée est appelée en renfort, un nombre impressionnant de policiers, gendarmes et militaires est déployé pour ratisser le cap Bon. Des barrages sont érigés partout le long des routes. Le 28 décembre, l’armée lance une opération dans le massif d’Aïn Tbornog. Ici survient un rebondissement assez invraisemblable mais consigné dans plusieurs dépositions des accusés : Makram, qui accompagnait le peloton de militaires, réussit à « s’échapper ». Resté en contrebas de la montagne, sous la surveillance de quelques hommes, on l’autorise à faire sa prière. Il en profite pour leur fausser compagnie et parvient à gagner le campement, où il donne l’alerte. Sassi ordonne à ses combattants de se préparer à résister. Sa vingtaine de maquisards disposent en tout et pour tout de quatre kalachnikovs, de quelques milliers de cartouches, de quelques grenades et bombes artisanales. Des tireurs sont disposés en surplomb, aux endroits stratégiques. Ils repoussent les assaillants jusqu’à la tombée du jour.

Les hélicoptères survolant la zone des combats à basse altitude ne parviennent pas à apercevoir les tentes ou les tireurs embusqués. Sassi comprend cependant que ses hommes se retrouveront vite à court de munitions et ne pourront pas soutenir indéfiniment le siège. À la faveur de la nuit, il ordonne un repli en direction d’une autre montagne. Le lendemain, les fugitifs, qui n’ont pas subi de pertes, sont à nouveau sur le point d’être encerclés. Sassi décide de scinder ses forces en quatre groupes. Les deux derniers, dirigés par Mokhles Ammar et Taoufik Lahouimdi4 et forts au total d’une dizaine d’éléments, doivent se replier sur Sousse et « attendre les ordres » qui leur seront communiqués par téléphone en temps voulu. Les deux premiers, qui comptent une grosse douzaine de combattants, doivent trouver refuge à Tunis. Sassi garde toutes les armes de poing et prend le commandement du premier groupe. Il s’entoure des éléments les plus aguerris : son lieutenant Ben Khlifa, Chokri le Mauritanien, Makram Jrid, Rabia Bacha, Sahbi el-Masrouki, Mehdi el-Mejri et Riadh Miri.

 

Inexpérimentés et désarmés, la quasi-totalité des fugitifs des trois derniers groupes tombent entre les mains des forces de sécurité dans les heures ou les jours qui suivent. Hassanin el-Aifa se fait exploser au moment de son arrestation et entraîne dans la mort un officier de l’armée. Un autre djihadiste est tué dans des circonstances qui restent à éclaircir. La plupart des autres n’opposent pas de résistance, sauf Sabeur Ragoubi. Cerné par les militaires, il s’empare d’une bombe et la jette sur les forces de l’ordre. L’engin, artisanal, n’explose pas, mais ce geste lui vaudra d’écoper de la peine capitale lors du procès.

fusillades en série

Seuls les éléments du groupe Sassi réussissent à passer entre les mailles du filet, mais ils sont aux abois quand ils rejoignent la bourgade de Soliman, après cinq jours de cavale. Les circonstances de l’assaut final sont confuses. Sassi est tué au cours d’un accrochage, sans doute à l’aube du 3 janvier. Bacha et Chokri parviennent à gagner la demeure familiale du premier nommé, dans le quartier du 1er-Juin. Mais la police les a précédés. Bacha et Chokri, en possession chacun d’un kalachnikov, résistent plusieurs heures avant de succomber. Ben Khlifa, Masrouki, Jrid, Mejri et Miri, armés de deux kalachnikovs, de grenades et d’explosifs artisanaux, trouvent refuge dans une maison en construction, isolée à la périphérie de la ville. Ils sont rapidement encerclés par les forces de sécurité, qui emploient les gros moyens pour les déloger : après une fusillade de plusieurs heures, ils sont eux aussi abattus. 1. Témoins clés de l’affaire, ils n’ont toujours pas été jugés, leur cas ayant été disjoint de celui des autres accusés. 2. Ramzi el-‘Ifi a écopé de la prison à perpétuité. 3. Idem pour Wael Ammemi. 4. Mokhles Ammar a été condamné à la perpétuité, Taoufik Lahouimdi à trente ans de prison.

 

(Source : « Jeune Afrique » (Magazine hebdomadaire – France), N° 2452 du 6 au 12 janvier 2008)

 

 


 

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